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Jours tranquilles à Paris
10 décembre 2018

La Déclaration des droits de l'homme en photos

droits homme

La Déclaration des droits de l'homme en photos.  Le 10 décembre 1948, les Nations Unies adoptaient la Déclaration universelle des droits de l'homme. A l'occasion de cet anniversaire. Amnesty International organise  l'exposition «Les Uns envers les autres ». L’ONG a demandé à des photographes de réfléchir à la façon dont ce texte résonne dar le monde, soixante-dix ans plus tard. Entrée libre. Galerie Wanted, 23, rue du Roi Sicile, Paris (4e). Metro Saint-Paul.

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Triste anniversaire pour les droits humains

Par Marie Bourreau, New York, Nations unies, correspondante, Rémy Ourdan

La Déclaration universelle des droits de l’homme est de moins en moins défendue, soixante-dix ans après son adoption.

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits… » Le 10 décembre 1948, au Palais de Chaillot, à Paris, cinquante Etats adoptaient la Déclaration universelle des droits de l’homme. Sur les ruines d’un monde dévasté par la seconde guerre mondiale et horrifié par l’Holocauste, la communauté internationale formulait une promesse : désormais les droits des individus compteraient autant que les droits des Etats.

Soixante-dix ans plus tard, le bilan est sombre. Certes la Déclaration universelle est le document le plus traduit au monde, en 512 langues selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme.

Certes les 193 Etats membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont, au fil des décennies, adopté la Déclaration universelle. Mais aucun ne l’applique totalement. Pire, si l’Assemblée générale de l’ONU était appelée à voter aujourd’hui sur le texte le plus progressiste et le plus universel de l’histoire de l’humanité, il ne fait guère de doute que celui-ci ne serait pas adopté.

La chancelière allemande Angela Merkel l’a reconnu avec lucidité lors du Forum de Paris sur la paix, organisé le 11 novembre par la France pour la commémoration de la fin de la première guerre mondiale : « Imaginez qu’aujourd’hui nous, communauté des nations, devions adopter une telle déclaration universelle des droits de l’homme. En serions-nous capables ? Je crains que non. »

Pas d’obligations juridiques

La France, qui s’est longtemps sentie gardienne de ces valeurs universelles – de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 à sa participation avec le juriste René Cassin à la rédaction de la Déclaration universelle de 1948 – ne célébrera d’ailleurs qu’a minima, lundi 10 décembre, ce 70e anniversaire. A Paris comme ailleurs, les droits humains ne sont pas un concept dans le vent.

La Déclaration universelle a un problème originel : elle n’est pas un traité. En l’adoptant, les Etats proclament des droits sans avoir à se conformer à des obligations juridiques.

Alors certes neuf conventions internationales sur les droits humains ont émané de la Déclaration universelle (droits civils et politiques ; droits économiques et sociaux ; discrimination raciale ; discrimination des femmes ; torture ; droits de l’enfant ; droits des migrants…) et 80 % des Etats membres de l’ONU ont ratifié au moins quatre de ces neuf conventions, mais ils sont loin de les appliquer.

Outre ces neuf traités et outre les Conventions de Genève de 1949, la communauté internationale a inventé, après la fin de la guerre froide et l’effondrement du communisme, choquée par les guerres de l’ex-Yougoslavie et par le génocide au Rwanda, deux concepts qui, bien que toujours très controversés, constituent une avancée dans le domaine des droits de l’homme.

Le premier est la justice pénale internationale : un traité international – le Statut de Rome – a permis la création, en 2002, d’une Cour pénale internationale (CPI) chargée de juger les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Il a à ce jour été adopté par 123 pays. Le second est la « Responsabilité de protéger », un concept hérité des notions de droit d’ingérence et de devoir d’ingérence portées notamment par le Français Bernard Kouchner, qui demande aux Etats d’intervenir pour stopper les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Elle a été adoptée en 2005 par la totalité des Etats membres de l’ONU mais reste, comme en témoignent les conflits qui ravagent la planète, largement bafouée.

« LES TRAITÉS QUI PORTENT LA VISION DE LA DÉCLARATION SONT PROGRESSIVEMENT SAPÉS PAR DES GOUVERNEMENTS FOCALISÉS SUR LEURS INTÉRÊTS NATIONALISTES », AFFIRME MICHELLE BACHELET, HAUT-COMMISSAIRE DE L’ONU

Le problème principal conduisant au net recul actuel des droits humains est à la fois politique et moral. Les premiers défenseurs des droits de l’homme ont vu leur étoile pâlir : tandis que l’Europe est submergée par une vague de défiance envers l’Union européenne (UE), par le retour des nationalismes et de réflexes identitaires et xénophobes, les Etats-Unis ont perdu leur autorité morale dans les guerres de l’après-11-Septembre en recourant à la torture, aux assassinats extra-judiciaires et à des interventions militaires illégitimes, en particulier en Irak.

Succès de l’autoritarisme politique

Ailleurs sur la planète, le succès du modèle chinois de développement, qui se construit contre les droits humains, gagne du terrain dans les esprits, notamment dans les pays émergents. Par ailleurs de la Russie à la Turquie, du Venezuela aux Philippines et aujourd’hui au Brésil, le succès de l’autoritarisme politique renforce l’idée que violer les droits humains ne porte pas à conséquence, y compris électoralement.

Sans même parler de l’impunité dont jouissent les principaux criminels de guerre actuels, de la Syrie au Yémen en passant par la Birmanie.

« Dans beaucoup de pays, la reconnaissance que tous les êtres humains sont libres et égaux est attaquée, reconnaît Michelle Bachelet, la haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, dans un message adressé au Monde. Et les lois et traités qui portent la vision de la Déclaration universelle sont progressivement sapés par des gouvernements de plus en plus focalisés sur leurs intérêts nationalistes et étriqués. »

Au sein de l’ONU, gardienne des droits de l’homme, ces raidissements internationaux sont particulièrement visibles. Le point d’orgue a été le départ, en juin, des Etats-Unis du Conseil des droits de l’homme, au nom du respect de la souveraineté nationale chère au président Donald Trump et à son administration. Par ailleurs la Chine, alliée dans ce domaine à la Russie, mène des attaques assidues contre tout ce qui est lié aux droits humains, que ce soit dans les résolutions politiques ou dans l’administration de l’ONU et de ses budgets.

Si Michelle Bachelet note « les progrès accomplis par les générations passées face à des défis tels que l’apartheid, l’esclavage, le colonialisme, la ségrégation, l’absence de droits des femmes » et pense que « partout dans le monde, les peuples demandent de mettre fin à la tyrannie et à la discrimination », les défenseurs des droits humains n’ont guère le cœur à célébrer ce 70e anniversaire.

« La question fondamentale est de savoir si les quinze années de progrès, après la guerre froide, furent une exception ou pas. Est-on tout simplement en train de revenir à ce qui fut la règle pendant des siècles, c’est-à-dire la volonté de régler les problèmes par la violence et la guerre ? », s’interroge le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge, Yves Daccord. Il est très frappant de constater que les Etats ne produisent plus de consensus, qu’ils ne veulent plus de solutions collectives. On vit une époque d’exceptionnalisme. Sur toutes les grandes questions liées aux guerres, aux migrations ou à l’écologie, et donc aux droits humains, c’est le bordel intégral. »

« Une époque très dangereuse »

« Nous vivons une époque très triste et très dangereuse, pense le secrétaire général d’Amnesty International, Kumi Naidoo. En ce 70e anniversaire, il n’y a rien à célébrer. La Déclaration universelle ne serait pas adoptée aujourd’hui, et les Etats-Unis feraient partie des pays qui bloqueraient son adoption. »

C’est « un sombre anniversaire », reconnaît aussi Philippe Bolopion, de Human Rights Watch, qui dénonce « une vague réactionnaire qui s’étend » et « des “hommes forts” qui attisent la haine des minorités et justifient, au nom d’une prétendue souveraineté, des mesures qui remettent en question les libertés fondamentales des citoyens ». M. Bolopion déplore « l’absence d’un leadership fort sur la question des droits de l’homme ». Ni la France ni les Etats-Unis, les « parrains » historiques, ne jouent ce rôle.

Lors d’une célébration, jeudi 6 décembre à New York, le secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres, s’est félicité de « l’impact révolutionnaire » de la Déclaration universelle, qui a « inspiré des politiques et des Constitutions » et « stimulé la lutte contre la discrimination et le racisme ».

Il avait indiqué, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, à l’intention de ceux qui opposent droits humains et droits des Etats, qu’à ses yeux « les droits de l’homme et la souveraineté vont de pair ». « Nous avons de nombreuses preuves que les violations des droits humains commises au nom d’un Etat sont un signe de faiblesse et non pas de force. Elles sont souvent annonciatrices de conflits, et même d’effondrement. »

Michelle Bachelet ne veut « pas perdre l’espoir » et appelle chacun à « résister au recul des droits humains ». Puisque c’est le caractère universel des droits humains qui est contesté, elle rappelle qu’« on ne devrait jamais accepter l’argument que certains droits sont adaptés à certaines cultures et pas à d’autres. Nous sommes tous des êtres humains et l’universalité de nos droits vient de notre humanité commune, pas des circonstances historiques, culturelles et géographiques ».

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