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Jours tranquilles à Paris
14 décembre 2018

« Gilets jaunes » : incertitude sur la mobilisation après Strasbourg et l’intervention de Macron

Par Aline Leclerc, Virginie Malingre, Faustine Vincent - Le Monde

Certains protestataires ont été convaincus par les mesures du chef de l’Etat, quand d’autres promettent de « continuer » le mouvement.

Ils occupent les ronds-points de France depuis maintenant un mois. Combien de « gilets jaunes » manifesteront encore samedi 15 décembre pour l’« acte V » de leur mobilisation ? Une journée test pour le gouvernement comme pour le mouvement, cinq jours après l’annonce de mesures de sortie de crise par Emmanuel Macron.

Dévoilées lundi 10 décembre, l’augmentation du smic et l’annulation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités qui touchent moins de 2 000 euros figuraient parmi les revendications principales des manifestants.

L’exécutif souhaite qu’elles entrent en application au plus vite. Elles devraient être présentées en conseil des ministres dans un projet de loi dès mercredi. « C’est la clé pour restaurer la confiance et avoir le droit de continuer à réformer », a insisté le président de la République, mardi soir, auprès des parlementaires de sa majorité, réunis à l’Elysée.

Ces mesures ont convaincu certains « gilets jaunes ». Longtemps mobilisée dans l’Yonne, Sophie, 43 ans, intérimaire à La Poste, a décidé de quitter le mouvement. « Je me battais surtout pour les personnes âgées. La mesure de la CSG pour les petites retraites, c’est super !, estime-t-elle. Macron a fait un pas vers nous, laissons-lui une chance. » Elle sait toutefois qu’elle est « minoritaire à penser ça ».

Le contexte a changé

Autour des ronds-points comme dans les groupes Facebook, de nombreux « gilets jaunes » estiment que le compte n’y est pas. « C’est une goutte d’eau dans la mer », se désole Lionel, 46 ans, gérant d’une TPE dans le bâtiment en Gironde. « On va continuer, on lâchera pas », affirme de son côté Daniel, câbleur à la retraite de 61 ans, mobilisé dans l’Yonne.

« Vous avez dit, M. le président, sentir le malaise démocratique dans le pays. Mais que proposez-vous pour le résoudre ? Rien ! », s’indignaient deux des initiateurs du mouvement, Priscillia Ludosky et le controversé Maxime Nicolle, lors d’une conférence de presse, jeudi 13 décembre. Devant la salle du Jeu de paume, à Versailles, célèbre pour le serment qu’y firent les députés du tiers état le 20 juin 1789, ils ont à leur tour « fait le serment de ne pas se séparer » avant d’avoir obtenu des réponses sur la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne, ainsi qu’un « recul des privilèges de l’Etat ».

Ils ont réaffirmé leur détermination à aller manifester samedi, malgré les mises en garde des membres du gouvernement et de la majorité. Car entre-temps, le contexte a changé avec l’attentat survenu mardi soir à Strasbourg. Avant que le suspect, Cherif Chekatt, ne soit tué par des policiers, jeudi dans la soirée, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait affirmé qu’il ne serait « pas raisonnable » de redescendre dans la rue. Il faut « maintenant que le mouvement s’arrête », avait renchéri Richard Ferrand, le président (La République en marche, LRM) de l’Assemblée nationale.

Les autorités ont relevé le plan Vigipirate au plus haut niveau, « urgence attentat », sur toute la France, mais elles n’ont pas interdit les manifestations. Il serait « facile » de le faire, avait prévenu M. Griveaux, tout en concédant que cela n’empêcherait pas « les personnes souhaitant casser et piller de se rendre dans les rues ».

La fatigue se fait sentir sur les ronds-points

La pression sur les « gilets jaunes » est aussi venue de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT – toujours avant la mort de Cherif Chekatt. Il serait « de bon ton » qu’ils ne manifestent pas samedi afin de « ne pas surcharger la barque des policiers », a-t-il déclaré. Les « gilets jaunes » réunis à Versailles n’avaient que faire de ces consignes. Ils accusent le gouvernement d’opportunisme.

Dans l’opposition, Marine Le Pen (Rassemblement national), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise, LFI) ont dénoncé eux aussi une tentative d’instrumentalisation. Le chef de LFI s’est ainsi dit « douloureusement surpris » que « certains à LRM utilisent » cette attaque « pour peser » sur les « gilets jaunes » : « Si on commence à céder à un assassin en modifiant toute notre vie, c’est lui qui a gagné. »

Les « gilets jaunes » sont également confrontés à des difficultés internes au mouvement. La fatigue se fait sentir sur les ronds-points. Des dissensions sont ainsi apparues sur leur façon de mener la lutte, opposant les manifestants pacifiques aux partisans d’un mode opératoire plus virulent.

La violence croissante des manifestations d’un samedi à l’autre sera-t-elle dissuasive ? Les femmes et les retraités étaient déjà bien moins nombreux, le 8 décembre, dans la manifestation parisienne. Ce jour-là, les rassemblements ont aussi dégénéré dans des villes de province. Les scènes de saccage à Bordeaux et à Toulouse ont frappé les esprits. Tout comme les images de nombreux blessés. Le bilan depuis le début de la mobilisation est d’ailleurs lourd : six morts et 1 407 blessés à ce jour côté manifestants, et 717 blessés côté forces de l’ordre.

Pour la première fois, l’inquiétude d’une éventuelle baisse de la mobilisation transparaît sur les réseaux sociaux des « gilets jaunes ». Dans une vidéo publiée jeudi sur Facebook, Eric Drouet, l’une des figures du mouvement, tente de motiver les troupes. « C’est le moment où justement il ne faut pas lâcher (…). Des gens ont perdu la vie, c’est pas pour gagner 50 euros sur un smic. » Sur Facebook, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont annoncé leur présence à Paris samedi. Reste à voir combien feront effectivement le déplacement.

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