Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
17 janvier 2019

Exposition aux écrans : qui défend-on, les enfants ou l’industrie du numérique ?

Un collectif de professionnels de la santé infantile s’inquiète de l’explosion des troubles intellectuels et cognitifs et estime urgent de lutter contre la surexposition précoce aux écrans.

Comme chaque année, l’éducation nationale publie le nombre d’enfants scolarisés souffrant de handicap (repères et références statistiques 2018 de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance). Les chiffres ont progressé de façon extrêmement importante. Les résultats sont frappants : le nombre de nos enfants scolarisés entre 2 et 11 ans souffrant de troubles intellectuels et cognitifs, de troubles du psychisme ou de troubles du langage est en très forte augmentation alors que les chiffres des troubles visuels, auditifs, viscéraux et moteurs n’ont pas bougé.

Evolution du nombre d’enfants de 3 à 11 ans scolarisés avec un handicap. | DIRECTION GENERALE DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

La comparaison avec les chiffres publiés par les mêmes instances les années précédentes révèle l’importance de cette épidémie. Depuis 2010, les troubles ont progressé respectivement de 24 % pour les troubles intellectuels et cognitifs, de 54 % pour les troubles psychiques et de 94 % pour les troubles de la parole et du langage.

Affirmer que ces chiffres sont le seul fait de l’amélioration du dépistage ou de l’inclusion des enfants souffrant de handicap (loi datant de 2005) n’est plus tenable.

Un facteur environnemental ne pourrait-il pas expliquer de telles progressions des troubles graves chez nos enfants ? Parmi d’autres, quelle pourrait être la responsabilité de la surexposition aux écrans ?

DIRECTION GENERALE DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Effet délétère

Le 31 mai 2017, les professionnels du Collectif surexposition écrans (CoSE) , qui travaillent auprès d’enfants, lançaient une alerte de santé publique dans une tribune parue dans Le Monde. Dix-huit mois plus tard, le collectif recense les études et renouvelle son message.

De nombreux travaux confirment depuis vingt ans l’effet délétère sur le langage, le sommeil et le comportement, d’une exposition à la télévision des enfants de moins de 2 ans soit en direct soit en arrière-plan permanent. Aucune étude à ce jour ne montre un effet bénéfique de l’exposition aux écrans. On relève les mêmes inquiétudes pour les autres écrans numériques sur le sommeil, le langage, le contrôle des émotions.

Pour les grands enfants, les études confirment le lien entre l’exposition aux écrans et les troubles du sommeil, les troubles de l’attention, l’hyperactivité et la baisse des résultats scolaires. Il existe aussi un retentissement sur les activités physiques, le poids, la vision, l’humeur (anxiété, isolement, dépression) et des attitudes hypersexualisées ou violentes dues à l’exposition à la pornographie et à la violence.

En France, l’étude ELFE (étude longitudinale française depuis l’enfance) analyse de multiples aspects de la vie des enfants nés en 2011. En décembre 2018, les résultats sur l’exposition aux écrans de 13 276 enfants sont publiés : deux tiers des enfants âgés de 2 ans regardent la télévision tous les jours. Ces résultats sont ceux de l’année 2013. Qu’en est-il en 2019 des enfants de 2 ans toujours exposés à la télévision mais aussi aux écrans nomades ?

POURQUOI NE PAS APPLIQUER UN PRINCIPE DE PRÉCAUTION ? POURQUOI NE VEUT-ON PAS ENTENDRE LES MESSAGES D’ALERTE ?

Souvenons-nous : les premiers ordinateurs apparaissent en 1990, les premiers smartphones en 2007, les premières tablettes en 2010 ; l’envahissement de nos vies par les technologies numériques est récent, massif et inédit. Nos enfants sont inévitablement exposés.

En 2018, on commence à informer. Ainsi, le carnet de santé mentionne depuis avril que les écrans sont déconseillés avant 3 ans. En octobre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel lance une campagne : pas d’écran avant 3 ans. Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, exprime son inquiétude sur les conséquences de l’exposition aux écrans sur les apprentissages.

Elaborer une stratégie nationale de prévention

En novembre, la sénatrice (Union centriste) de Seine-Maritime Catherine Morin-Desailly propose une loi visant à lutter contre une exposition précoce des enfants aux écrans. Cette proposition, votée au Sénat à la quasi-unanimité, est rejetée par la secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, Christelle Dubos, sous prétexte d’un manque d’études. Pourtant, les études donnent des résultats inquiétants et on imagine mal des études randomisées où certains nourrissons seraient massivement exposés, et d’autres préservés des écrans…

Pourquoi ne pas appliquer un principe de précaution ? Pourquoi ne veut-on pas entendre les

messages d’alerte concernant la surexposition des enfants aux écrans ? Des conférences de membres du collectif sont annulées, leur participation à des émissions écartée. Que craint-on ? Qui défend-on ? L’enfant ou l’industrie du numérique ?

Nous demandons aux responsables politiques de soutenir les équipes de recherche, sans conflit d’intérêts, pour que nous disposions en France d’études qui lèvent tous les doutes sur ce sujet, et d’élaborer une stratégie nationale de prévention des risques liés à la surexposition aux écrans (en informant au plus juste toutes les familles, en informant tous les professionnels de l’enfance et en créant des soutiens à la parentalité).

En attendant cette prise de conscience, nous demandons que CoSE puisse poursuivre ses messages de prévention et d’information au vu de ses observations de terrain et de son travail pour la seule cause qui compte : protéger les enfants et leurs familles !

Pour le collectif CoSE :

Docteure Sylvie Dieu Osika, pédiatre à Rosny-sous-Bois et à l’hôpital Jean Verdier, Bondy ;

Docteur Eric Osika, pédiatre à Bry-sur-Marne et à l’hôpital Saint-Camille, Bry-sur-Marne ;

Docteure Marie-Claude Bossiere, pédopsychiatre, praticien hospitalier, Paris ;

Sabine Duflo, psychologue et thérapeute familiale en pédopsychiatrie (CMP, EPS Ville-Evrard), Noisy-le-Grand ;

Docteure Anne-Lise Ducanda, médecin de PMI (protection maternelle infantile), santé et développement de l’enfant ;

Docteur Bruno Harlé, praticien hospitalier en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône) ;

Docteure Lise Barthélémy, pédopsychiatre, Montpellier ;

Morgane Balland, psychomotricienne, CMP enfant et unité de psychiatrie périnatale, Noisy-le-Sec ;

La bibliographie est disponible sur demande à l’adresse contact@surexpositionecrans.org et sur www.surexpositionecrans.org

Publicité
Commentaires
Publicité