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Jours tranquilles à Paris
23 août 2019

Biarritz - G7

biarritz22

Décryptages

A Biarritz, un G7 sur fond d’inquiétudes croissantes pour l’économie mondiale

Par Marie Charrel

Le ralentissement de l’activité provoqué par la guerre commerciale entre Pékin et Washington sera l’un des sujets sur la table des grandes puissances, réunies du 24 au 26 août.

Il n’en démord pas, et il l’a encore martelé, mardi 20 août, devant la presse américaine. Selon Donald Trump, les Etats-Unis sont « très loin » d’une récession, mot qu’il va même jusqu’à qualifier d’« inapproprié ». Celui-ci sera pourtant au cœur des inquiétudes des dirigeants du G7 (Etats-Unis, Canada, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Japon), réunis du 24 au 26 août à Biarritz, cité placée sous haute surveillance pour l’occasion. « C’est l’éléphant au milieu de la pièce, confie le membre d’une délégation européenne. Tout le monde redoute que la guerre commerciale entre Pékin et Washington aggrave le coup de frein de nos économies, et ce sera l’un des sujets mis sur la table lors des échanges. »

Il faut dire que depuis quelques semaines, les mauvais indicateurs conjoncturels s’accumulent à un rythme préoccupant. « Il existe maintenant une probabilité accrue que le ralentissement apparu l’an dernier dure plus longtemps que prévu », s’alarme la Banque centrale européenne (BCE), dans le compte rendu de sa dernière réunion, publié jeudi 22 août.

Au sein de la zone euro, l’Allemagne est en première ligne. Au deuxième trimestre, son économie s’est contractée de 0,1 %. Pénalisé par le ralentissement chinois et les nouvelles normes automobiles, son industrie est en récession depuis près d’un an. « Or, l’Allemagne pèse 29 % du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro, rappelle Gordon Kerr, responsable de la recherche européenne au sein de l’agence de notation DBRS. Cela signifie que toute récession dans le pays affecterait la région dans son ensemble. »

Crainte d’une fin d’année plus mauvaise encore

Si pour l’instant, l’emploi et la demande domestique tiennent bon, le PIB de l’union monétaire a malgré tout progressé de 0,2 % à peine au deuxième trimestre. Or, la crise politique italienne, comme la perspective d’un « Brexit dur » le 31 octobre, laissent craindre que la fin d’année soit plus mauvaise encore.

Affectée par les sanctions américaines, la Chine voit elle aussi son moteur intérieur ralentir. « L’économie a progressé de 6,2 % en rythme annuel entre avril et juin, soit son plus faible niveau depuis 1993 », soulignent Nariman Behravesh et Sara Johnson, économiste chez IHS Markit, dans leur dernière note de conjoncture. Selon leurs calculs, la nouvelle hausse de 10 % des tarifs douaniers, que Donald Trump menace d’imposer en décembre sur des produits chinois jusqu’ici épargnés, pourrait amputer la croissance de l’Empire du Milieu de 0,2 % supplémentaire l’an prochain.

A première vue, les Etats-Unis semblent en meilleure forme : le PIB a encore progressé de 2,1 % au deuxième trimestre, tandis que le chômage, à 3,7 %, est au plus bas depuis près de 50 ans. Mais les signaux inquiétants s’y multiplient également, notamment sur les marchés financiers. Le 14 août, le niveau des taux à dix ans américains est ainsi passé sous celui des taux à deux ans, semant la panique sur les Bourses. Et pour cause : une telle « inversion de la courbe des taux » a précédé les neuf dernières récessions dans le pays, laissant craindre qu’un tel scénario se reproduise.

Selon une étude publiée lundi 19 août par la National Association for Business Economists (NABE), 38 % des 226 économistes américains interrogés estiment que les Etats-Unis plongeront en récession en 2020, et 34 % en 2021. Même s’il assure à coup de tweets que son économie est en pleine forme, le président américain lui-même semble s’en inquiéter. Mardi 20 août, il a confié « penser » à de nouvelles baisses d’impôt pour soutenir l’activité. Surtout : il ne rate pas une occasion de reprocher à la Réserve Fédérale (Fed) de ne pas réduire suffisamment vite ses taux directeurs pour doper le crédit et affaiblir le dollar, au profit de la compétitivité des exports.

Effet direct des tarifs douaniers

Face à ce tableau plutôt sombre, les grandes organisations internationales ont revu leurs prévisions de croissance à la baisse. Ainsi, la Banque mondiale juge désormais que le PIB mondial ne progressera que de 2,6 % cette année, contre 2,9 % prévus auparavant. « Au total, nous estimons que la hausse des droits de douane entre les Etats-Unis et la Chine, y compris celle appliquée en 2018, pourrait réduire le PIB mondial de 0,5 point en 2020 », détaillait il y a quelques semaines le Fonds monétaire international (FMI). Outre l’effet direct des tarifs douaniers, nombre d’entreprises préfèrent retarder leurs investissements face aux incertitudes, tandis que les ménages favorisent l’épargne de précaution sur la consommation. Dans les deux cas, cela accentue le ralentissement.

Si celui-ci s’aggravait encore, les grandes économies seraient-elles en mesure de faire face ? Cela dépendrait de l’ampleur du plongeon. Prudents, la plupart des grands instituts monétaires ont recommencé à assouplir leur politique pour limiter les risques. La Banque centrale européenne (BCE) devrait ainsi déployer de nouveaux outils – en relançant par exemple ses rachats de dettes publiques – dès septembre. Seulement voilà : les banques centrales en ont tant fait pendant la crise de 2008 que leurs marges de manœuvre sont désormais limitées. Passant en revue les objectifs du G7, le président Emmanuel Macron a d’ailleurs admis, mercredi 21 août, que la politique monétaire a atteint « la frontière technologique de son efficacité ».

Selon lui, la possibilité d’un soutien budgétaire des gouvernements à la croissance doit donc être discutée à Biarritz. « On doit se poser la question, pour les pays qui en ont la capacité, de la pertinence d’une relance budgétaire », a-t-il détaillé, en mentionnant notamment l’Allemagne.

En dépit du ralentissement de son économie, Berlin s’est jusqu’ici montré réticent à l’idée de piocher dans ses généreux excédents budgétaires pour soutenir l’activité. Outre-Rhin, toute perspective d’augmentation de la dette publique suscite une levée de bouclier. Et la crainte, en partie irrationnelle, de voir les comptes publics déraper à mauvais escient. Depuis quelques semaines, de plus en plus de voix appellent malgré tout, dans le pays, à plus de souplesse sur le sujet. « L’Allemagne emprunte aujourd’hui à des taux négatifs, ce qui signifie que les marchés la sponsorisent pour qu’elle fasse de la relance, constate une source européenne. Il serait criminel de ne pas en profiter. »

Si les questions commerciales sont plutôt discutées au sein du G20, enceinte plus large, une session du G7 leur sera consacrée. Les participants européens espèrent y « entretenir le dialogue dans un cadre multilatéral ». Et convaincre Donald Trump de tempérer son agressivité commerciale, alors qu’il menace toujours de taxer l’automobile européenne. « Quoi que l’on fasse, la croissance économique des prochains mois dépendra essentiellement de son attitude, comme de celle de Pékin », se désole un diplomate. Marie Charrel

A la veille de l’ouverture du G7, Macron reçoit la société civile à l’Elysée. Cette journée de « dialogue », organisée de 10 heures à 18 heures, prévoit une série de rencontres pour discuter de sujets comme l’égalité hommes-femmes, la lutte contre les inégalités ou la protection du climat, qui sont les principaux thèmes mis en avant par la France pour le sommet, qui s’ouvre le lendemain à Biarritz. M. Macron entend avec ce rendez-vous « recueillir les recommandations » des acteurs associatifs et « concrétiser le lancement d’un certain nombre d’initiatives ». D’après France-Info, les ONG du Réseau action climat (RAC) ne participeront pas au rendez-vous de ce vendredi. La veille, elles avaient annoncé boycotter le G7, estimant être laissées « à l’écart » du sommet. Le RAC, qui fédère 32 associations nationales et locales, dont Greenpeace, la LPO, Oxfam France ou le Secours catholique, avait dénoncé la décision de la présidence française de « limiter le nombre d’accréditations » des acteurs associatifs. Jeudi soir, l’Elysée a finalement accepté de leur distribuer des badges leur donnant accès au centre de presse. Une concession tardive pour ces associations, qui diront dans le courant de la journée si elles se rendront au G7 ou non.

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