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Jours tranquilles à Paris
4 juillet 2020

A Paris, les galeries d’art fêtent la reprise, le temps d’un week-end

Par Philippe Dagen

Une soixantaine de maisons participent au Paris Gallery Weekend qui a lieu jusqu’au dimanche 5 juillet.

Créée en 2014 à Paris, Choices était, jusqu’en 2019, une opération de promotion des galeries parisiennes : une quarantaine d’entre elles s’ouvraient un week-end entier, programme augmenté de visites dans quelques institutions partenaires – l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts (Ensba), le Palais de Tokyo –, de quelques mondanités et, en principe, de bonnes ventes. Cette année, après trois mois de fermeture forcée, il s’agit pour elles de montrer qu’elles ont survécu et de vérifier qu’il y a encore des amateurs et des collectionneurs, à travers l’opération Paris Gallery Weekend.

Aussi ledit week-end a-t-il commencé dès le jeudi 2 juillet au soir, et le nombre des galeries participantes est-il en hausse – une soixantaine. L’itinéraire, pour les plus enthousiastes – ou les plus consciencieux – est long, du Marais in extenso aux beaux quartiers côté avenue Matignon et rue de Téhéran, avec détour par Saint-Germain-des-Prés, sa rue des Beaux-Arts et sa rue de Seine. Les mondanités sont prohibées et, naturellement, le flacon de gel hydroalcoolique est en vue sur son socle ou son étagère.

Etant donné la diversité des galeries, les propositions sont extrêmement variées, du muséal de très haut niveau – Hannah Hoch, Victor Brauner et Hans Bellmer chez Natalie Seroussi – au plus jeune qui deviendra muséal à son tour ou est déjà en train de le devenir – Elina Brotherus chez gb Agency, Chourouk Hriech chez Anne-Sarah Bénichou, Nazanin Pouyandeh chez Vincent Sator, Alia Farid chez Imane Farès. Il n’y aurait donc guère de sens à prétendre distinguer quelque tendance artistique, d’autant que chaque galerie tient à marquer son individualité. Mais il est néanmoins une tendance visible, celle des galeristes à pratiquer de plus en plus l’exposition collective.

Le parti du collectif

Bref rappel historique : jadis, les galeries n’organisaient pas systématiquement des expositions personnelles. Soit elles ménageaient dans leurs calendriers des périodes où étaient accrochés ensemble plusieurs artistes, au gré de leurs travaux récents ; soit elles montaient des expositions collectives autour d’un sujet, d’une idée ou de tout critère de cohérence. L’exposition dans laquelle un groupe – également nommé parfois avant-garde – se présente fort de son unité et, éventuellement, d’un nom et d’un manifeste, est la forme combattante de ce genre de manifestation, réalisée pour la première fois par les impressionnistes en 1874, et maintes fois recommencée par futuristes, dadaïstes, surréalistes, minimalistes, etc. Depuis la fin du XXe siècle, cette pratique semblait tomber en désuétude, ce dont on accuserait volontiers la triste logique mercantile qui enseigne qu’il est bien plus facile de défendre un nom qu’une idée. La déliquescence du genre paraissait aussi prononcée à Paris qu’à New York, Berlin ou Londres.

La particularité la plus visible du Paris Gallery Weekend est, à l’inverse, que non seulement la moitié des galeries prend le parti du collectif, mais que plusieurs ne se contentent pas d’amasser : elles composent, elles construisent. On l’a déjà signalé pour Oh les beaux jours chez Michel Rein (Le Monde du 12 juin). La même exigence se reconnaît chez Maïa Muller, qui a été l’une des premières à relancer le genre. Son accrochage est le quatrième de la série La Ligne rouge – une vraie ligne rouge tracée sur les murs – avec, entre autres, Yesmine Ben Khelil, Io Burgard et Jean-Michel Alberola. Chez Eric Mouchet, le point commun entre les artistes exposés est le corps, des œuvres d’Orlan et de Robert Mapplethorpe jusqu’aux gouaches limpides et féroces de Kubra Khademi.

Bien que son titre soit évasif, le Summer Show de Dominique Fiat trouve son unité dans les questions d’identité et d’histoire, des autoportraits de la série L’Arlésienne de Ninar Esber aux photos rapportées par Nicola Lo Calzo du Bénin et du Togo, où il regarde le vaudou à la lumière de l’histoire de la traite négrière, histoire également présente, sur le mode allégorique, dans les travaux d’Emo de Medeiros. Jérôme Poggi prend le titre de son exposition, L’Arc-en-ciel de la gravité, au romancier Thomas Pynchon et orchestre le thème céleste en faisant jouer ensemble Anna-Eva Bergman, Sam Francis et Simon Hantaï, parmi les grands anciens, et Kapwani Kiwanga, Sidival Fila, Djamel Tatah et Georges Tony Stoll parmi les contemporains. Une exposition collective bien conçue, c’est un vrai plaisir.

Informations, programme et adresses sur le site Parisgalleryweekend.com. Jusqu’au dimanche 5 juillet.

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