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Jours tranquilles à Paris
23 octobre 2020

Attentat de Conflans : le terroriste était en contact avec au moins deux présumés djihadistes en Syrie

Par Elise Vincent, Nicolas Chapuis - Le Monde

L’exploitation du téléphone d’Abdouallakh Anzorov a révélé des échanges avec deux interlocuteurs localisés près d’Idlib, dont un russophone. Leurs comptes sont en cours d’analyse et leur rôle éventuel dans le projet d’assassinat de Samuel Paty reste à préciser.

L’enquête sur la décapitation de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) assassiné le 16 octobre, après avoir montré lors de ses cours des caricatures de Mahomet, progresse. Principale nouveauté ces dernières heures : l’identification de contacts entre l’assaillant abattu par les forces de l’ordre, Abdouallakh Anzorov, et la zone irako-syrienne. Ces messages découverts après l’exploitation de son téléphone révèlent désormais, selon nos informations, des échanges avec non plus un, comme révélé par Le Parisien mercredi 21 octobre, mais au moins deux présumés djihadistes se trouvant dans la région d’Idlib, dans l’est de la Syrie.

Cette région est aujourd’hui l’un des derniers bastions importants des djihadistes de tous horizons, qu’ils appartiennent aux rangs d’Al-Qaïda sous l’émanation locale de l’organisation baptisée Hayat Tahrir Al-Cham, ou aux reliquats de l’organisation Etat islamique.

Leur identité n’est pas encore connue à ce stade ; l’un d’eux est russophone. Leurs comptes sont en train d’être analysés. Il n’est toutefois pas certain, à ce stade, qu’ils aient piloté le Tchétchène de 18 ans dans son projet d’assassiner Samuel Paty.

Message posté sur Instagram en langue russe

Comme en témoigne le compte Twitter d’Abdouallakh Anzorov, dont Le Monde a pu analyser l’intégralité du contenu, le jeune homme était très radicalisé depuis six mois à un an. Il envisageait même de tenter la hijra, l’émigration en pays musulman. Qu’il ait eu dans ce cadre des échanges avec des djihadistes sur zone, qui plus est à Idlib, un endroit où ces derniers bénéficient aujourd’hui d’une certaine liberté de mouvements, n’est pas surprenant.

Par ailleurs, a pu recouper Le Monde, l’exploitation du téléphone de l’assaillant a permis d’exhumer un message audio posté notamment sur Instagram, en langue russe, dans lequel on l’entend, essoufflé, justifier son geste après la décapitation de Samuel Paty. Dans ce message versé à la procédure, il déclare notamment avoir « vengé le prophète ». « Frères, priez pour qu’Allah m’accepte en martyr », ajoute-t-il aussi selon l’AFP, qui a révélé l’information.

Alors que la justice a procédé aux mises en examen de sept personnes dans ce dossier, dont six pour « complicité d’assassinat terroriste », leurs avocats ont commencé à contester, pour certains, les chefs de mises en examen qui leur ont été signifiés ou leur placement en détention provisoire. Le cas de Brahim C., le père de l’élève de 13 ans qui avait pour enseignant Samuel Paty et dont les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont contribué au drame, selon l’enquête, devrait notamment être débattu vendredi 23 octobre.

Contacts avec Brahim C. en amont de l’attentat

Le profil de Brahim C. est particulier à plus d’un titre. Cet homme d’origine algérienne, âgé de 48 ans, évolue depuis longtemps dans les cercles musulmans très pratiquants, voire salafistes. Il est notamment très engagé dans une association, Aide-moi, qui organise des pèlerinages à la Mecque pour les personnes handicapées.

L’exploitation de son téléphone a démontré qu’il avait eu un certain nombre de contacts avec Abdouallakh Anzorov en amont de l’attentat. Mais quelle en a été la teneur ? Il manque encore des éléments aux enquêteurs pour avoir une vision globale de leurs échanges. En garde à vue, il a en tout cas nié avoir eu connaissance du projet mortifère de l’assaillant.

Selon nos informations, en 2014, c’est d’ailleurs lui qui était venu dénoncer aux autorités sa demi-sœur handicapée partie dans la zone irakienne. Il s’était manifesté en appelant le centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, le numéro vert mis en place à l’époque par le gouvernement, pour aider les familles dans cette situation. Aujourd’hui, cette dernière est toujours en vie et se trouve dans le camp d’Al-Hol, en Syrie.

Concernant les deux mineurs âgés de 14 et 15 ans mis en examen dans le dossier pour avoir désigné contre de l’argent Samuel Paty, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, a expliqué, jeudi matin, devant le Sénat où il était auditionné, que le rapport commandé auprès de l’inspection générale de l’éducation nationale pour établir l’enchaînement des faits au collège de Conflans-Sainte-Honorine devrait lui être remis « en début de semaine prochaine ».

Cette intervention était précédée d’une rencontre dans la matinée avec les syndicats d’enseignants pour évoquer la rentrée du 2 novembre, après les vacances de la Toussaint. Interrogé sur le contenu de cette journée, M. Blanquer a d’ores et déjà demandé à « tous les élus de la République, les conseillers municipaux, les maires, les sénateurs, d’être présents auprès des professeurs le jour de cette rentrée ».

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23 octobre 2020

Chantage à la décapitation : plusieurs écoles visées, dont une à Vannes

Un courriel menaçant de décapitation des professeurs a été envoyé à plusieurs écoles de France.

INFO LE TÉLÉGRAMME. Plusieurs écoles en France ont reçu ces derniers jours un courriel menaçant de décapitation des professeurs si une rançon en bitcoins n’était pas versée. En Bretagne, une école à Vannes a été visée.

Il aura fallu à peine moins de 48 heures pour que les escrocs du web se manifestent et utilisent l’actualité à des fins criminelles. Après la décapitation du professeur Samuel Paty dans les Yvelines, vendredi dernier, la cheffe d’établissement d’une école de la région de Vannes (56) recevait, il y a quelques jours, un courriel lui intimant de verser une rançon de 100 bitcoins (environ 1,1 million d’euros). Le message adressé faisait explicitement référence à l’attentat de vendredi, menaçant, si la rançon n’était pas versée, de couper la tête à certains enseignants et de s’en prendre aussi aux enfants. Le courriel évoquait également une surveillance de « ceux qui offensent le tout-puissant ».

Des pistes qui mènent à l’étranger

Le chef d’établissement a bien évidemment prévenu les autorités. Le parquet de Vannes confirme la demande de rançon et l’ouverture d’une enquête. Selon nos informations, une dizaine d’autres écoles sur l’ensemble du territoire français auraient été destinataires d’une demande de rançon plus ou moins identique.

Dans un autre département, le message a été reçu dimanche dernier. Celui-ci exigeait le même montant de 100 bitcoins, mais avec certaines variations dans le récit. Les affaires sont traitées localement par les parquets et des antennes de la PJ. Toujours selon nos informations, au moins plusieurs des messages proviennent du même serveur de courriels anonymes. Les premières investigations mèneraient à l’étranger.

Mauvaise blague, apprentis escrocs, déstabilisation ?

Le mode opératoire laisse, en revanche, sceptique. Aucun protocole pour verser l’argent ne semble mentionné. Par ailleurs, quel crédit apporter à une demande de rançon aussi élevée visant, dans certains cas, des écoles primaires ? Plaisanterie déplacée, apprentis escrocs ou tentative de déstabilisation ? Dans le climat actuel, toutes les menaces sont traitées. Avec des conséquences très concrètes pour certains établissements visés, qui ont purement et simplement annulé les cours de soutien scolaire programmés pendant les vacances.

20 octobre 2020

Vu du Royaume-Uni - L’assassinat de Conflans durcira la position française sur la laïcité

je suis prof

laïcité

THE ECONOMIST (LONDRES)

La France est de nouveau sous le choc. Avec le meurtre du professeur Samuel Paty, c’est l’école républicaine qui est décapitée, commente à Londres The Economist. Selon l’hebdomadaire britannique, il est probable que la France défendra à l’avenir avec plus de détermination le principe de laïcité.

Le “séparatisme islamiste” met à l’épreuve la laïcité et menace la liberté d’expression ainsi que le droit au blasphème : le 2 octobre, le président français prononçait aux Mureaux, près de Paris, un discours sur la lutte contre les dangers de l’islam radical. “Macron a été accusé par certains de courir cyniquement après l’électorat de droite, par d’autres de stigmatiser les musulmans.”

Mais après l’assassinat d’un professeur par un jeune Tchétchène, le discours du chef de l’État semble plutôt “visionnaire”, estime The Economist.

Le vendredi 16 octobre, à Conflans-Sainte-Honorine, le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty a été décapité par un homme de 18 ans d’origine tchétchène pour avoir enseigné la liberté d’expression à ses élèves, les dessins de Charlie Hebdo à l’appui. Parmi les multiples conséquences de ce nouvel “attentat choquant”, le magazine britannique prédit un durcissement de la notion de laïcité en France.

La France a le plus grand mal à parler de religion dans la vie publique, et elle le fait d’une façon que d’autres démocraties multiculturelles ont souvent du mal à comprendre. Le pays de Voltaire défend le droit de croire et de ne pas croire, ainsi que celui de traiter avec irrévérence toute croyance religieuse.”

Et jusqu’à il y a peu Emmanuel Macron évitait de trop s’exposer sur les deux fronts créés par la laïcité, entre ceux qui voient en elle un moyen de légitimer l’islamophobie et ceux pour qui elle défend un droit fondamental. Mais selon l’hebdomadaire, le président a changé.

“Il est maintenant convaincu que les ‘signaux faibles’ d’islamisme – comme le fait qu’un chauffeur de bus refuse de laisser monter des passagères trop court vêtues, ou bien d’exiger des menus religieux dans les cantines des écoles publiques – pourraient masquer en fait un projet politique plus sinistre, visant à faire de nouvelles recrues pour la violence”, écrit le magazine.

“Tandis que la France est encore sous le choc, cet abominable attentat devrait renforcer les positions de ceux qui prônent des mesures autoritaires pour défendre la liberté d’expression et la laïcité.” Cette évolution annoncée renforcera aussi ceux qui considèrent à l’inverse que la laïcité soutient l’humiliation de la foi musulmane.

Pour Emmanuel Macron, qui ne voulait pas être pris dans ce piège, le combat ne sera pas là, conclut The Economist. “Tout dépendra de la capacité de l’État français à éduquer les Français, croyant et incroyants, en tant que citoyens libres-penseurs.”

Source

The Economist

LONDRES http://www.economist.com

19 octobre 2020

Vu de l'étranger - La France "debout contre la barbarie", un air de "déjà vu"

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COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

De nombreux médias étrangers ont suivi la journée de mobilisation en faveur de la liberté d’expression à Paris. Beaucoup ont noté que la place de la République avait déjà été le théâtre d’un rassemblement similaire après l’attentat de Charlie Hebdo, s’interrogeant sur les leçons à tirer de cette nouvelle attaque.

“C’étaient comme des spasmes qui secouaient la foule tous les quarts d’heure. De bouleversantes salves d’applaudissements pour Samuel Paty”, décrit Le Soir, l’un des nombreux médias étrangers à avoir suivi le rassemblement en hommage au professeur assassiné et pour la défense de la liberté d’expression dimanche place de la République à Paris.

Une place qui avait déjà accueilli un million et demi de personnes en janvier 2015 après l’attentat contre Charlie Hebdo, rappelle le Daily Telegraph, soulignant que la mort de Samuel Paty “a assommé une nation déjà secouée par des atrocités terroristes”.

“Nous revoilà au même endroit et pour les mêmes raisons”, confie Didier, un professeur, au Soir. “C’est terrifiant mais nous sommes là pour dire qu’on ne cédera pas à la peur”

Le Tagesschau note une “foule dense” en dépit de la pandémie. Les autorités ont approuvé le rassemblement de plusieurs dizaines milliers de personnes malgré les restrictions sanitaires du moment. “La mobilisation contre les violences fanatiques a été massive” avec d’autres manifestations à Lyon, Toulouse, Nantes, Lille, Marseille ou Bordeaux, peut-on lire dans la Repubblica.

“Comme si la France n’avait pas déjà assez à faire avec l’augmentation du nombre d’infections au coronavirus et une grave crise économique, la terreur est de retour”, observe le quotidien autrichien Der Standard qui a repéré dans le cortège le slogan “L’école pleure, mais elle n’a pas peur”.

La France se tient “debout contre la barbarie islamiste”, estime ABC. Signalant la présence du Premier ministre Jean Castex et de Jean-Luc Mélenchon, le quotidien conservateur espagnol insiste sur le “ton unique, du gouvernement à l’opposition d’extrême-gauche” en vigueur sur la place parisienne.

Mais au-delà de la démonstration de solidarité, des questions se posent sur l’impact de la tragédie alors que comme l’a comptabilisé le Sun, l’attentat de vendredi était la cinquième attaque liée à l’islamisme rien que cette année dans le pays.

“L’Islam radical vise la France”

Le quotidien autrichien Der Standard indique que “de nombreux participants” s’interrogent sur le droit au blasphème : “Ne pas publier les caricatures, c’est céder aux islamistes. Cependant, des Français pondérés se demandent si les caricatures délibérément provocantes et irrespectueuses de Mahomet sont le bon moyen de combattre l’islamisme”.

Inquiétude également mentionnée dans les pages d’El Pais. “L’espoir que la mort de Paty réveillerait les consciences (…) coexistait avec le désespoir face à l’absence de solutions ou à la tentation d’abandonner : la possibilité que dans la patrie des Lumières et de la laïcité, désormais les enseignants s’autocensurent”, écrit le correspondant parisien du journal espagnol.

Die Welt suggère de son côté que le manque de connaissances des franges extrémistes de la communauté tchétchène par les services secrets français est une faiblesse. Le titre cite le politologue germano-égyptien Asiem El Difraoui pour qui “la France s’est trop concentrée sur l’organisation terroriste EI et a négligé d’autres groupes”.

Dans un autre article, la correspondante du média allemand à Paris déplore dans “les fleurs et les bougies au pied de la statue de la place de la République” un air de “triste déjà vu”. Pour elle, “c’est clair: l’islam radical vise toute la France, c’est un mode de vie, et surtout c’est la volonté de briser les droits de l’homme et la liberté d’expression de la nation”. D’où sa conclusion : “les nombreux mots de consternation doivent maintenant être suivis d’une action décisive”.

Fox News rapporte que les autorités françaises prévoiraient d’expulser 231 étrangers radicalisés et que le ministre de l’intérieur Gérard Darmanin réfléchirait à durcir le droit d’asile, puisque l’assassin de Samuel Paty était lui-même un réfugié.

“Ce conflit n’est en aucun cas limité à la France”, considère la Frankfurter Allegemeine Zeitung. Le quotidien allemand trouve que “les gens ont détourné le regard lorsqu’une société parallèle islamiste s’est développée” et voit dans les attaques qui ont frappé son voisin ces dernières années “les excès guerriers d’un conflit culturel”. C’est “notre mode de vie” qui est “en jeu”, annonce la FAZ.

D’après le Tagesspiegel, les autorités allemandes craindraient d’ailleurs un risque d’imitation dans le pays. Cinq mois après l’attentat de Nice, un camion avait foncé dans la foule à Berlin et fait douze morts. Même en Allemagne, les caricatures du prophète “restent une étincelle qui peut sauter à tout moment”, assure un expert en sécurité interviewé par le journal.

17 octobre 2020

Après l’attentat de Conflans, le choc des professeurs d’histoire-géographie : « Enseigner la liberté d’expression, on le fait to

Par Mattea Battaglia - Le Monde

Les enseignants font part de leur émotion après l’assassinat d’un des leurs dans les Yvelines. Ils rappellent l’importance de leur mission.

Ils se disent « sidérés », « sous le choc », « stupéfaits »… Quelques-uns, aussi, « effrayés ». En apprenant, le 16 octobre au soir, la mort d’un « collègue », assassiné à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) non loin de l’établissement où il exerçait, les professeurs que nous avons pu joindre vendredi soir ont, tous, refusé de s’exprimer sur les « faits ». Ils ont en revanche accepté de raconter comment, eux, professeurs d’histoire et de géographie, enseignent la liberté d’expression. Selon les premiers éléments de l’enquête, la victime, professeur en collège, avait récemment montré à ses élèves des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur le sujet.

« Enseigner la liberté d’expression, on le fait tous », martèlent ces enseignants, et « quasiment à tous les niveaux » dès l’entrée en sixième. « Au collège, on s’en empare surtout en enseignement moral et civique (EMC) tout au long du cycle 4 [en classe de cinquième, de quatrième et de troisième], explique Ben, qui enseigne depuis vingt ans en Seine-Saint-Denis. Respecter autrui, acquérir et partager les valeurs de la République, éduquer aux médias : ces trois thématiques au cœur des programmes scolaires nous confrontent à des sujets sensibles. Pour l’enseignant, c’est passionnant : on plonge dans le droit, l’histoire, l’actualité… »

« Semer des petites graines »

Au lycée, c’est encore un point central des programmes d’EMC : la liberté d’expression est abordée via la thématique de la liberté en seconde, de l’égalité en première, puis de la démocratie en terminale. On la retrouve aussi en histoire, année après année, via l’étude des Lumières, de l’humanisme, de l’affaire Dreyfus…

« On peut semer des petites graines à pratiquement tous les niveaux, défend Christine Guimonnet, professeure en lycée à Pontoise (Val-d’Oise) et secrétaire générale de l’Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG). Il y a ce qui est dans les programmes… et les interstices dans lesquels on se glisse. Pour ma part, je questionne souvent les élèves sur leurs attentes, ce qu’ils ont entendu dire, ce qu’ils souhaitent approfondir. »

Des élèves qui, à écouter leurs enseignants, en redemandent. « Je pense qu’on peut pratiquement tout leur dire et tout leur montrer dès lors qu’un lien de confiance est établi et qu’on tient compte de leur maturité », observe Ben. Lui utilise le support des caricatures, « les bonnes, celles qui sont vraiment drôles, qui permettent aux élèves – à tous les élèves – y compris aux croyants, de comprendre qu’on peut rire de tout ».

Des réactions parfois vives

Tous n’en font pas un « passage obligé ». « On peut être amené à utiliser des caricatures quand on aborde le blasphème et la loi, mais je ne vois pas l’intérêt de choquer inutilement les élèves », témoigne par exemple François, enseignant à Roubaix (Nord). Des réactions vives en classe, en près de vingt-cinq ans de carrière, il en a eu : « L’affaire Mila [l’adolescente menacée de mort pour avoir critiqué l’islam sur les réseaux sociaux] a relancé de longs débats en classe, l’an dernier, mais ni plus vifs ni moins vifs que ceux que j’ai connus par le passé. »

Christine Guimonnet, de l’APHG, est partagée. « Je ne vois pas se développer en classes des positions plus radicales, mais j’ai le sentiment que des sensibilités personnelles s’expriment plus fortement, dit-elle. La religion ne concerne pas que les croyants : j’entends aussi des lycéens qui se revendiquent non croyants m’expliquer qu’il faut faire attention à ne pas manquer de respect aux religions. C’est tout cela qui se joue dans la classe aujourd’hui. »

Aux élèves qui lui disent qu’« on ne peut pas représenter Dieu », Christine Guimonnet fait découvrir les miniatures persanes du XVIIIe siècle ; elle se sert aussi en classe des caricatures de la fin du XIXe lors des grandes batailles entre cléricaux et anticléricaux, des politiques, des rois… « C’est efficace pour leur démontrer que non, il n’y a pas que l’islam qui est caricaturé. »

Si cette enseignante chevronnée se sent « outillée », ce n’est pas le cas de tous. « On dit beaucoup que les enseignants sont en première ligne, mais on est souvent un peu démunis et peu formés », avance Brenda, enseignante à Montpellier (Hérault). La trentenaire raconte faire appel au professeur documentaliste de son établissement ou à des associations, des journalistes ou des avocats, pour aborder la question en classe.

« C’est la République qui est attaquée »

Un coup d’accélérateurs à ces « partenariats » avait été donné en 2015, avec la création de la Réserve citoyenne de l’éducation nationale. La même année, dans le sillage des attentats du 13-Novembre à Paris et Saint-Denis, l’organisation Etat islamique avait appelé à « tuer des enseignants », et à faire de l’école de la République une cible. les évènements de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) sont venus réveiller, pour de nombreux enseignants, ce douloureux souvenir. C’est aussi pour cela qu’ils sont nombreux à préférer témoigner sous couvert d’anonymat.

Leurs syndicats ont tous fait part, vendredi soir, de leur émotion. « L’école est le lieu de la construction du citoyen et de sa liberté de conscience, de la formation d’esprits éclairés par la pratique du débat, a réagi le SNES-FSU, majoritaire dans les collèges et lycées. C’est une tache essentielle du service public d’éducation. Attaquer un professeur, c’est attaquer un pilier de notre démocratie et notre République. »

« C’est la République qui est attaquée » avec « l’assassinat ignoble de l’un de ses serviteurs », a réagi sur Twitter le ministre de l’éducation. « Notre unité et notre fermeté sont les seules réponses face à la monstruosité du terrorisme islamiste. Nous ferons face », a ajouté Jean-Michel Blanquer. Il devait recevoir, rue de Grenelle samedi matin, les représentants des personnels et des parents d’élèves.

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17 octobre 2020

Attentat de Conflans : Emmanuel Macron appelle à « faire bloc » mais doit faire face aux critiques

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Par Julie Carriat, Sarah Belouezzane, Olivier Faye - Le Monde

Le chef de l’Etat s’est rendu sur les lieux de l’assassinat d’un professeur d’histoire, vendredi. Deux semaines après la présentation de la loi « laïcité et libertés », la droite appelle à davantage de fermeté.

Le choc, encore une fois. L’impression de vivre un tournant, un de plus, et une nouvelle aggravation dans la confrontation avec le terrorisme. Et derrière, les mots, toujours eux, de tous bords et de toutes natures, qui portent d’un côté les promesses d’action et de l’autre les procès en impuissance. La soirée du vendredi 16 octobre, à Conflans-Saint-Honorine (Yvelines), avait des airs de triste déjà-vu. Celui d’un nouvel « attentat terroriste islamiste caractérisé », comme l’a qualifié Emmanuel Macron. D’un débat qui se rejoue, une fois de plus, entre le président de la République et une partie de son opposition pour savoir si l’Etat se montre à la hauteur d’un phénomène qui frappe la France depuis bientôt une décennie.

Vendredi après-midi, un professeur d’histoire-géographie du collège du Bois-d’Aulne, dans un quartier pavillonnaire de Conflans-Saint-Honorine, a été retrouvé décapité à proximité de l’établissement. Son assaillant, qui se trouvait en possession d’une arme blanche, a été abattu par la police, à deux cents mètres de là, sur la commune d’Eragny (Val-d’Oise). Il a crié « Allahou akbar » (« Dieu est grand » en arabe) avant d’être frappé par les balles. Sa victime, elle, était ciblée depuis plusieurs jours par certains parents d’élèves du collège pour avoir montré en classe des caricatures de Mahomet.

Emmanuel Macron n’a pas tardé à réagir. Il s’est d’emblée rendu au centre de crise du ministère de l’intérieur. Puis il a pris la direction des lieux du drame, avec les ministres de l’intérieur et de l’éducation nationale, Gérald Darmanin et Jean-Michel Blanquer, ainsi que la ministre déléguée à la citoyenneté, Marlène Schiappa. Pas question de reproduire la polémique qu’avait suscité son silence après l’attaque perpétrée à proximité des anciens locaux de Charlie Hebdo, le 25 septembre. Toute l’action de l’exécutif est d’ailleurs chamboulée : le premier ministre, Jean Castex, a renoncé au déplacement qu’il devait effectuer, samedi, pour annoncer de nouvelles mesures destinées à lutter contre la pauvreté.

« Ils ne passeront pas »

C’est à la nuit tombée, vers 22 h 30, après avoir échangé avec les élus locaux, les préfets des Yvelines et du Val-d’Oise et la proviseure du collège du Bois-d’Aulne, que le chef de l’Etat prend la parole. « Un de nos concitoyens a été assassiné aujourd’hui parce qu’il enseignait, parce qu’il apprenait à des élèves la liberté d’expression, la liberté de croire et de ne pas croire », a déclaré Emmanuel Macron, un long manteau noir posé sur les épaules. Alors que les syndicats enseignants devaient être reçus, samedi, par Jean-Michel Blanquer, le locataire de l’Elysée a tenu à assurer aux professeurs que « la nation tout entière sera là à leurs côtés aujourd’hui et demain pour les protéger, les défendre et les aider à faire leur métier, le plus beau qui soit : faire des citoyens libres ».

Emmanuel Macron a également repris une de ses expressions fétiches depuis l’attentat de la préfecture de police de Paris, en octobre 2019, en appelant les Français à « faire bloc ». « Ils ne passeront pas. L’obscurantisme et la violence qui l’accompagnent ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas », a-t-il assuré, en promettant que « les actes sont là et seront là avec fermeté, rapides ». « Vous pouvez compter sur ma détermination et celle du gouvernement », a conclu le chef de l’Etat.

Cet événement intervient deux semaines après le discours prononcé par M. Macron aux Mureaux (Yvelines), à moins de vingt kilomètres de là, pour dévoiler les principales mesures du projet de loi « laïcité et libertés », qui doit être présenté au conseil des ministres le 9 décembre. Sa réponse, mûrie depuis trois ans, au défi lancé par ce qu’il qualifie désormais de « séparatisme islamiste » ou d’« islamisme radical ».

Ce plan est destiné, selon ses proches, à attaquer le problème de manière « efficace », mais aussi à ne pas se laisser déborder sur le terrain politique par les oppositions de droite et d’extrême droite. Chez Les Républicains (LR), beaucoup considèrent en effet que l’ancien ministre de François Hollande n’est pas « outillé » pour répondre à ce genre de menaces. « Gérald Darmanin a peut-être la volonté d’avancer sur ces sujets mais il n’en aura pas la possibilité, surtout avec Eric Dupond-Moretti à la justice », confiait encore récemment un cadre du parti.

Appels à l’unité nationale et critiques

Vendredi, les nombreux appels à l’unité nationale face à cet acte « ignoble » ont donc cohabité avec les critiques en laxisme contre le gouvernement. « Les mots sont dérisoires pour décrire la colère suite à l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine ; tout comme le seront les bougies et les discours. Il faut faire vraiment la guerre contre le poison de l’islam radical. Il faut lui faire la guerre vraiment pour l’éradiquer enfin », a tranché le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse a abondé : « Nous devons être implacables et cesser de regarder ailleurs ! » Même le d’habitude placide président du Sénat, Gérard Larcher (LR), a renchéri : « Ne reculons plus. »

Dénonçant un « niveau de barbarie insoutenable », la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a écrit quant à elle sur Twitter : « L’islamisme nous mène une guerre : c’est par la force que nous devons le chasser de notre pays. » Ces dernières semaines, la députée du Pas-de-Calais a pu saluer les « quelques intuitions » du plan présenté par Emmanuel Macron contre le « séparatisme islamiste », dont certaines mesures vont selon elle « dans le bon sens » car elles s’inspireraient de sa propre philosophie.

Ses troupes veulent donc porter leur chance en tentant d’imposer dans le débat public l’idée que l’immigration serait là aussi à clouer au pilori. « Quelles immenses responsabilités, finalement, ont pris tous ceux qui ont favorisé cette immigration incontrôlée et le multiculturalisme. Ces utopies, évidemment, se terminent dans le sang, et de la façon la plus horrible », a dénoncé le trésorier du RN, Wallerand de Saint-Just, quand l’ex-députée frontiste, Marion Maréchal, s’interrogeait : « Le président va-t-il mettre autant d’énergie à défendre notre civilisation, notre sécurité et notre liberté d’expression qu’il en met à restreindre nos libertés ? »

Au sein de l’Assemblée nationale, l’attentat a suscité une vive émotion. Peu avant 20 heures, les députés réunis pour l’examen du projet de loi de finances se sont levés dans l’hémicycle, le vice-président de l’Assemblée La République en marche (LRM) Hugues Renson prenant la parole pour saluer la mémoire de la victime.

A gauche, on dénonce avant tout l’atteinte à l’école de la République, « sanctuaire contre le fanatisme », selon les mots de Yannick Jadot (Europe écologie-Les Verts). Pour le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, « l’assassin se prend pour le dieu dont il se réclame. Il salit sa religion. Et il nous inflige à tous l’enfer de devoir vivre avec les meurtriers de son espèce ». Son bras droit, Alexis Corbière, s’est interrogé sur l’opportunité d’une mesure symbolique : « Pourquoi pas décréter une journée de deuil national ? Pourquoi pas tous porter un ruban noir en signe de deuil ? »

Si le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a adopté un « nous » d’unité – « continuons de faire vivre la richesse de notre République laïque, défendons notre liberté d’expression et ne cédons pas un pouce aux fanatiques » –, l’ancien premier ministre Manuel Valls a prévenu pour sa part : « Le mal est profond, la guerre pour le vaincre sera longue et difficile. » Et le déjà-vu se trouve au coin de la rue.

17 octobre 2020

A Conflans-Sainte-Honorine, l’effroi des habitants après la mort d’un enseignant décapité « par un monstre »

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Par Louise Couvelaire

Le professeur d’histoire-géographie avait été attaqué par certains parents après une intervention en classe sur la liberté d’expression en lien avec les caricatures de Mahomet. Le principal suspect a été tué lors de son interpellation.

C’était le dernier cours de la journée, le dernier avant les vacances scolaires de la Toussaint aussi. Il était 14 heures, vendredi 16 octobre, lorsque Samia (le prénom a été modifié), 12 ans, a dit au revoir à son professeur d’histoire-géographie. « Bonnes vacances Monsieur ! », lui a-t-elle lancé avant de quitter l’enceinte du collège du Bois d’Aulne, au cœur du quartier tranquille de Chennevières, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. Trois heures plus tard, l’enseignant de 47 ans était retrouvé décapité en pleine rue, à trois cents mètres seulement de l’établissement scolaire, « sauvagement attaqué alors qu’il rentrait probablement chez lui à pied », commente un policier posté aux abords de la scène de crime.

C’est ici, au cœur d’un dédale de ruelles bordées de pavillons proprets aux haies bien taillées, au coin des rues du Buisson-Moineau et de la Haute-Borne, qui marque la frontière entre les communes de Conflans et Eragny, entre les Yvelines et le Val-d’Oise, que le drame s’est déroulé. Le témoin qui a prévenu les forces de l’ordre a d’abord cru que « la victime était un mannequin tellement la scène était surréaliste de violence », témoigne un policier.

Armé d’un « couteau très long et très aiguisé », poursuit-il, l’assaillant – âgé de 18 ans, de nationalité russe et d’origine tchétchène, selon une pièce d’identité retrouvée sur lui par les policiers –, s’est acharné sur le professeur jusqu’à lui trancher la tête. Un message de revendication a été publié sur un compte Twitter quelques minutes après le drame, avec une photo de la tête décapitée.

Le jeune homme a été tué par balles par la police quelques mètres plus loin, aux cris de « Allahou akbar ». Quatre personnes, dont un mineur, issues de son entourage familial, ont été placées en garde à vue dans la soirée de vendredi à samedi, selon l’Agence France-presse. Le Parquet national antiterroriste (PNAT) a annoncé être saisi de l’enquête, ouverte pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».

Agitation

Samia se triture les doigts quand elle parle, elle les croise et les décroise, tire sur les manches de son sweat-shirt gris pâle, y enfonce ses mains, puis étire ses bras avant de les cacher derrière son dos. Elle ne pleure pas. Plus. Et parvient à évoquer ce professeur auquel elle s’était déjà attachée, un professeur qui « expliquait bien les choses », dit-elle. « Tu m’as même dit qu’il était grave gentil », intervient sa mère, Alicia, 40 ans, américano-marocaine, serveuse dans un restaurant à Paris.

Avec son professeur, depuis la rentrée scolaire, Samia, élève en classe de 5e, étudiait l’histoire des religions monothéistes – conformément aux programmes scolaires de l’éducation nationale – sur lesquelles « il ne portait jamais de jugement », souligne-t-elle. « On a eu deux contrôles : le premier sur les chrétiens, le second sur la civilisation islamique et Hârun Al-Rachid [cinquième calife abbasside et héros des Mille et Une Nuits] », raconte la jeune fille.

Pour son dernier cours, vendredi, il avait choisi d’engager une discussion avec ses élèves sur le thème de la pauvreté et de la richesse, des inégalités entre les pays du Nord et ceux du Sud avant de leur montrer une série de photos prises au Brésil, illustrant le décalage entre « les luxueuses villas des riches et les favelas des pauvres », s’enthousiasme Samia, avant de revenir à la réalité. « [Il] a été tué », enchaîne-t-elle, les yeux rivés sur ses baskets. « Tué par un monstre pour l’humanité, qui me fait honte d’être musulmane », souligne sa mère, Alicia, qui avait refusé de prêter attention à la polémique qui avait mis en ébullition certains parents d’élèves une semaine auparavant.

A l’origine de cette agitation, l’intervention du professeur d’histoire-géographie lors d’un cours sur la liberté d’expression dispensé à ses élèves de 4e. Comme chaque année depuis qu’il est arrivé au collège du Bois-d’Aulne il y a trois ans, affirme un ancien élève, il avait invité les élèves de confession musulmane à lever la main et à quitter la salle de classe s’ils le souhaitaient avant de montrer des caricatures du prophète Mahomet, dans le cadre de l’enseignement moral et civique (EMC). Sauf que cette année, la méthode et le contenu sont mal passés auprès de certains parents. « Ça a été LE sujet de discussion sur Snapchat et dans la cour de récré pendant deux jours, et puis on est passé à autre chose. » C’est du moins ce que pensait Samia. C’était sans compter le poison de la rumeur.

« L’affaire a pris des proportions délirantes »

« L’affaire a été montée en épingle et a pris des proportions délirantes : on a raconté qu’il avait obligé les musulmans à quitter la classe, qu’il avait expulsé ceux qui ne voulaient pas partir… », assure une ancienne élève, dont le petit frère est scolarisé au collège du Bois-d’Aulne. Sur Facebook, dans le groupe des « Petits services entre conflanais », quelques parents se sont offusqués, appelant à se mobiliser et se plaindre du professeur auprès de la direction de l’établissement.

La vidéo d’un parent d’élève décrivant la scène telle que sa fille semble lui avoir racontée, ou telle qu’il l’a interprétée, continue de circuler sur Twitter. Dans cette vidéo, il traite le professeur de « voyou », dénonce sa « haine » envers les musulmans – il affirme que le professeur aurait montré un homme nu en disant « voilà, ça, c’est le prophète des musulmans » – et demande son renvoi de l’éducation nationale.

« Je ne comprends pas », souffle Jérôme, 53 ans, consultant informatique dans la banque, dont les deux filles ont été dans la classe de la victime, « un bon prof » qui est parvenu à intéresser ses enfants à l’histoire, se félicite-t-il. « Je suis abasourdi, choqué, très étonné, poursuit-il. Il y a des musulmans à Conflans mais rien de marquant, rien de très visible, rien d’inquiétant en tout cas. »

Dans cette ville tranquille de 75 000 âmes, capitale de la batellerie située à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Paris, à la confluence de la Seine et de l’Oise, « il ne se passe jamais rien », estime Apolline, 23 ans. Quant au collège du Bois-d’Aulne, entouré d’infrastructures sportives grand train – un terrain de foot, un autre de rugby, une piste d’athlétisme, deux gymnases – et de camps de gitans, « s’il y a parfois des petites histoires, c’est plutôt à propos des gens du voyage, qui ont des camps autorisés un peu partout en ville, mais pas sur les musulmans », affirme Allison, 25 ans, comptable.

« Il y a deux-trois résidences HLM un peu olé olé, mais c’est tout, on n’est pas à Pantin ! », poursuit Apolline. « Conflans, c’est pas le 9-3 ! », déclare de son côté un policier. « L’événement marquant ici, c’est lorsqu’un sanglier saccage le centre-ville », sourit l’un de ses collègues.

« C’est une ville pavillonnaire de classe moyenne où il n’y a que des vieux et des familles », résume Lisa, 23 ans, copine d’Apolline. La religion ? « Un non-sujet ici », répondent-elles en chœur. Des tensions communautaires ? « Jamais. » L’islam ? « Aucun problème. »

« Et on espère que ce drame n’y changera rien », conclut Alicia, la mère de Samia, un œil sur le ballet incessant des voitures et des camionnettes de police qui quadrillent le quartier.

16 octobre 2020

Sophie Pétronin : «Ou tu acceptes et tu vas moins souffrir, ou tu résistes, et là, tu vas morfler»

Par Maria Malagardis — Libération

sophie petronin

Sophie Pétronin après sa libération, jeudi dernier à Bamako. (Photo Matthieu Rosier. Hans Lucas)

Fortement critiquée à son arrivée en France pour sa conversion à l’islam et pour avoir affirmé vouloir retourner à Gao, l’humanitaire, otage pendant quatre ans dans le nord du Mali, revient pour «Libération» sur sa captivité et l’obligation de se faire à la situation pour ne pas sombrer.

C’est sa dernière interview dans la presse, a-t-elle juré. Après, Sophie Pétronin, la dernière otage française libérée jeudi dernier, aspire à retrouver l’anonymat, dans ce refuge en Suisse où elle se trouve désormais, auprès de sa famille qui s’est battue pour la faire sortir du nord du Mali où elle a été retenue prisonnière pendant près de quatre ans. Ces propos, confiés à Libération, ont d’autant plus d’intérêt que ses rares interventions publiques depuis sa libération ont pu soulever certaines polémiques. Elle affirme ne pas en avoir été touchée, plus préoccupée par le Mali que par les querelles hexagonales. Mais elle ne retournera pas dans l’immédiat à Gao, contrairement à ce qu’elle avait pu laisser croire à son arrivée à Paris. Alors qu’on apprenait que de nouvelles attaques jihadistes se sont déroulées mardi au centre du Mali, faisant une vingtaine de victimes, entretien en visio avec une femme de 75 ans qui ne prétend pas imposer de vérité et se contente de relater son expérience. Avant de tourner la page.

Comment allez-vous ?

Je vais très bien, aucun problème. Il me faudra juste un peu de dentiste, d’opticien, et basta. Pendant ma captivité, j’ai été très bien traitée. Hyper respectée. Je mangeais bien, je buvais de l’eau potable à volonté, toujours fraîche. J’ai même eu parfois des chocolats à Noël. J’ai eu des médicaments. Du Voltarène, de l’Advil, ça m’a fait du bien. Et on m’a également remis les 1 500 euros que mon fils a voulu me faire parvenir. Moi, j’ai dit à mes ravisseurs : «On va garder cet argent pour payer des médicaments, ou autre chose.» Mais ils ont protesté : «Non, non, ça c’est à vous !» Je sais que ça peut paraître bizarre, mais je n’ai rien à reprocher à mes ravisseurs. Même si bien sûr, j’étais clairement en captivité.

Pendant près de quatre ans, tout le monde considérait que vous aviez été enlevée par des jihadistes. Et vous, dès votre libération, vous les avez qualifiés de «groupes d’opposants armés», ce qui a pu choquer. Que vous ont-ils dit de leurs revendications ?

Ce sont les mêmes revendications que celles des communautés nomades que je fréquente depuis près de vingt-cinq ans dans cette région. Ils sont touaregs ou bien arabes, et vivent dans des zones reculées. Ça fait des décennies qu’ils réclament le renforcement des structures sanitaires, la construction d’écoles, de puits. Aujourd’hui dans cette zone abandonnée, les femmes meurent encore en couches, après avoir été transportées à dos d’âne au dispensaire le plus proche, parfois à plus de 40 kilomètres de leur campement. Ça arrive tout le temps. A Gao, où se trouve mon ONG, j’ai dû accueillir tellement d’orphelins. Le nord du Mali a connu beaucoup de soulèvements, de rébellions. Il y a eu des accords de paix mais rien n’a changé, et la colère n’a fait que s’accroître.

Certes, mais depuis 2012, il y a toute de même aussi une revendication clairement religieuse, la formation de groupes qui se réclament d’Al-Qaeda ou de l’Etat islamique.

Il faut leur demander à eux. Bien sûr, les revendications ont évolué. Mais je n’ai pas l’impression que la question religieuse soit réellement centrale. Evidemment, il y a cette aspiration à des règles, une éducation plus propre, plus conforme à leurs croyances. Ne pas laisser par exemple des gamines de 15 ans devenir la proie d’hommes plus âgés qui vont abuser d’elles en leur offrant une bière et un pagne. On est de toute façon en terre d’islam. Mais ce qui prime, c’est le besoin de développement, ne plus être délaissés. Au fond, ils préféreraient que la guerre cesse.

Songez-vous réellement à retourner vivre à Gao, cette ville du nord du Mali où vous vous étiez installée et où vous avez été enlevée ?

J’appartiens un peu à Gao, j’y vivais depuis tant d’années. Quand j’ai été enlevée, mon ONG sur place s’apprêtait à signer un contrat avec Echo, l’agence de développement de l’Union européenne, pour prendre en charge 25 000 enfants souffrant de malnutrition. Heureusement, mon assistant a réussi à relever le défi en mon absence. Il s’est très bien débrouillé. Et puis là-bas il y a aussi ma fille adoptive. Elle n’avait que 14 ans à l’époque de mon enlèvement. Ce fut très dur pour elle d’être privée de sa maman. Aujourd’hui, le gouvernement français est en train de régler les derniers détails administratifs pour qu’elle vienne me retrouver. On se parle tous les jours sur Skype. J’ai bien vu qu’il y a eu beaucoup d’émotion après ma libération à Gao. On m’a répété : «Tout le monde t’attend !» Est-ce que je dois y retourner ? La question se pose mais elle concerne aussi ma famille, mon fils Sébastien qui s’est battu pour ma libération. Dans un premier temps, j’espère retourner un jour avec lui à Bamako, la capitale, qui est sécurisée. Mais dans la situation actuelle il est clair que je ne peux pas m’engager à retourner tout de suite à Gao. Il faut attendre, laisser passer du temps. Regarder ce qui va se passer, s’il y a des accords de paix. Le coup d’Etat du 18 août à Bamako va peut-être changer la donne ? Favoriser enfin des négociations ? La guerre qui se joue au Mali ne mène à rien de toute façon.

Avant votre enlèvement, vous étiez-vous jamais sentie menacée ?

Non jamais. Mais bon… C’est peut-être une erreur d’appréciation de «toubab» [Blanche, ndlr]. Je sortais du centre de santé pour enfants ce jour-là. Il était 16 h 50, je m’en souviens bien car je venais de dire à ma fille qu’il était temps de rentrer. Et devant la porte, ils étaient là. A côté d’un véhicule, des hommes armés. Quelqu’un m’a dit : «Monte, le chef a demandé de te ramener.» Ce n’était pas menaçant, juste un peu direct. Et moi, j’ai pensé qu’il y avait peut-être une urgence de santé. Je n’ai pas tout de suite compris qu’on était en train de m’enlever. Mais quand j’ai finalement réalisé ce qui s’était passé, je me suis dit : «Tu as deux solutions. Ou tu te places dans l’acceptation et tu vas moins souffrir. Ou tu résistes, et là, ma vieille, tu vas morfler.» Et donc je me suis mise dans l’acceptation, et ça a marché…

Vous avez même parlé de «retraite spirituelle» pour évoquer votre captivité.

C’était une vraie captivité, je ne le nie pas. Mais que faire si ce n’est renforcer le côté spirituel justement ? A quoi s’accrocher dans ces cas-là ? Quand on dévale dans un torrent et qu’il y a une pierre, il faut bien s’y accrocher pour éviter de sombrer. Je n’avais pas grand-chose à faire dans la journée. J’ai pensé à Dieu, c’est vrai. Et à mon petit-fils, pour lequel je collectionnais des cailloux pour tapisser le fond d’un aquarium. J’ai perdu les cailloux finalement, mais mon petit-fils était toujours là dans mes pensées. Je lui parlais, ça m’a aidée à tenir.

A propos de Dieu, vous vous êtes également convertie à l’islam pendant votre captivité. On a cru comprendre que c’était de toute façon la religion dominante dans le milieu où vous viviez et aussi celle de votre fille adoptive. Mais c’était aussi celle de vos ravisseurs.

C’est vrai et le fait de partager la même religion facilitait aussi les relations avec eux, les incitait certainement à être compréhensifs avec moi.

Ce ne fut pas toujours le cas pour certains otages que vous avez côtoyés… Que savez-vous de leur sort ?

J’ai passé les deux premiers mois de ma captivité avec l’otage australien, le docteur Arthur Kenneth Elliott [enlevé en janvier 2016 dans le nord du Burkina Faso]. Nos ravisseurs nous encourageaient à faire de l’exercice, alors on faisait des promenades ensemble, on discutait beaucoup. Et puis après, on nous a séparés. Moi, je suis partie à un autre endroit où j’ai rencontré deux autres otages : la Suisse Béatrice Stöckly [enlevée en janvier 2016], puis Gloria Cecilia Argoti, la religieuse colombienne [enlevée en 2017].

Sauf que Béatrice Stöckly a vraisemblablement été exécutée deux mois avant votre libération, comme vous l’avez révélé aux autorités françaises.

Je n’ai rien vu, en réalité. Il semblerait que oui, elle a été exécutée. Ils l’ont emmenée et on a entendu un coup de feu. Mais je n’ai pas vu son corps. Elle avait des relations très compliquées avec nos ravisseurs. Mais aussi avec moi, et encore plus avec Gloria. Je ne peux pas affirmer qu’elle est morte, juste qu’elle a disparu.

A votre arrivée à Paris, vous avez également alerté les autorités sur le sort de Gloria. Est-elle en danger ?

Gloria, j’aimerais qu’on la sorte de là. Sa santé physique est bonne. Mais elle est insomniaque, très nerveuse. Et c’est quelqu’un qui a déjà un peu basculé. Elle est perturbée psychologiquement. Il est donc urgent de faire tout ce qui est possible pour la libérer.

Vos premières déclarations après votre libération ont suscité la polémique, suggérant une certaine ingratitude face au prix payé pour vous permettre de rentrer en France. Ça vous a blessé ?

Sincèrement je ne sais rien des tractations menées pour me libérer, sauf que mon fils s’est beaucoup investi. A plusieurs reprises, mes ravisseurs m’ont dit de me préparer à partir et puis plus rien. Je ne sais pas ce qui s’est joué. Mais les polémiques ne m’ont pas touchée. Je ne veux pas créer de conflits, simplement je ne sais pas mentir. Moi, la seule chose qui m’intéresse désormais, c’est de servir, peut-être pas l’humanité, ce qui serait un peu grandiloquent pour mon 1,57 m. Juste me concentrer sur mon objectif : continuer à soulager la souffrance de ces enfants dont je me suis occupée à Gao. Je vais continuer avec mon assistant sur place. Quitte à le faire à distance.

29 septembre 2020

Attaque de la rue Nicolas-Appert : une vidéo de l’assaillant interroge les enquêteurs

Par Elise Vincent, Nicolas Chapuis - Le Monde

Selon nos informations, ce film trouvé sur le portable de Zaheer Hassan Mahmood a été envoyé à deux personnes, dont une femme. L’homme de 25 ans dont une nouvelle identité a été découverte, y déclare partir sur le « chemin du prophète ».

Le profil s’affine au fur et à mesure des heures qui passent. Deux jours après l’attaque au hachoir blessant deux personnes, devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, vendredi 25 septembre à Paris, les enquêteurs cherchent encore à cerner la personnalité, le parcours et les éventuels contacts du principal suspect, qui a reconnu les faits.

Les investigations ont notamment fait un bond avec la découverte du probable véritable nom de l’assaillant. Initialement, celui-ci s’était présenté comme Hassan Ali, le patronyme sous lequel il était enregistré comme mineur étranger isolé auprès du conseil départemental du Val-d’Oise depuis 2018. Mais en exploitant son téléphone portable, les enquêteurs ont découvert une photo d’une pièce d’identité lui appartenant où figure un autre nom : celui de Zaheer Hassan Mahmood.

Sur ce document figure aussi une date de naissance très différente de son âge déclaré. Alors que pour l’administration française il était né le 10 août 2002, et avait donc 18 ans, cette pièce d’identité indique que Zaheer Hassan Mahmood est né le 25 janvier 1995. Il aurait donc 25 ans. Une découverte qui éclaire à ce titre les différentes photos de l’auteur de l’attaque qui avaient circulé après son interpellation et qui montraient davantage un jeune homme qu’un adolescent.

La France, un pays de « mécréants »

Munis de ces nouveaux éléments, les services enquêteurs cherchent donc à établir le parcours de ce Pakistanais, dont la langue maternelle semble être l’ourdou. Il serait entré dans l’espace Schengen par la Turquie, après un passage par l’Iran : une route migratoire relativement classique. A-t-il toutefois fait étape entre-temps dans un autre pays où il aurait éventuellement fait parler de lui ? C’est ce sur quoi travaille notamment la justice en coordination avec les partenaires européens.

A ce stade, ce nouveau patronyme passé à la moulinette des fichiers de police et de renseignement n’a en revanche pas fait remonter davantage d’informations sur une éventuelle radicalisation. Seule certitude, Zaheer Hassan Mahmood a bien eu affaire à la justice française sous son autre nom pour port d’arme prohibé. C’était au moins de juin, à Paris, gare du Nord, et à l’époque, il s’agissait déjà d’une feuille de boucher, et non d’un tournevis comme cela a été écrit.

Les enquêteurs s’intéressent également de près à un deuxième élément : une vidéo découverte dans son téléphone portable, et diffusée sur les réseaux sociaux, dont Le Point a révélé l’existence. Selon les informations du Monde, Zaheer Hassan Mahmood l’aurait envoyée jeudi ou vendredi matin avant de passer à l’acte, à deux personnes, un homme et une femme, qui sont tous les deux en garde à vue.

Selon une source proche du dossier, « il ne s’agit pas à proprement parler d’une vidéo de revendication » ou d’allégeance, comme on en voit souvent dans les dossiers terroristes. Sur les images, le jeune homme paraît exalté, il pleure, danse, et se plaint de sa vie en France, un pays de « mécréants ». Il explique notamment qu’il va partir sur le « chemin du prophète », que ce chemin va « s’ouvrir » et qu’il est « béni ». Il psalmodie aussi des chants traditionnels pakistanais. Détail troublant, il indique aussi avoir pour « guide » le mollah Ilyas Qadri, chef de file de Dawat-e-Islami, un groupe religieux apolitique et non-violent d’inspiration soufie, basé au Pakistan.

Succession de gardes à vue

Les personnes en garde à vue se sont succédé au cours du week-end. Cinq proches de Zaheer Hassan Mahmood, dont son petit frère de 16 ans, étaient encore auditionnées dimanche soir, selon une source judiciaire. Selon leurs premiers témoignages dont Le Monde a eu connaissance – et qui peuvent évoluer –, le jeune homme faisait certes régulièrement ses prières, mais il ne s’était jamais montré particulièrement rigoriste. Il lui arrivait de consommer du cannabis. Un travail d’environnement est en cours pour déterminer s’il fréquentait un lieu de culte en particulier.

La garde à vue de trois des colocataires de Zaheer Hassan Mahmood a été levée entre samedi et dimanche. Quant à Youssef, l’Algérien de 33 ans qui avait été interpellé vendredi et présenté dans un premier temps comme le « second suspect » de l’attaque, il a été depuis totalement mis hors de cause. Les investigations ont montré qu’il avait même tenté de pourchasser l’assaillant dans le métro.

Sur le déroulé des faits, Zaheer Hassan Mahmood s’est montré en outre assez prolixe, chose rare en matière de terrorisme. Il a expliqué qu’il ne savait pas que la rédaction de Charlie Hebdo avait déménagé, il croyait donc être devant les locaux du journal quand il est passé à l’acte. Il avait effectué des repérages la veille du 25 septembre. Son geste a été principalement motivé par la republication des caricatures du prophète dans l’hebdomadaire satirique, lors de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015, début septembre.

Son intention première était de mettre le feu à l’immeuble, a-t-il précisé. Les forces de l’ordre ont d’ailleurs retrouvé une bouteille de white-spirit dans son sac. Mais face à l’affluence dans la rue, il aurait changé de plan. Sortant une feuille de boucher, il s’en est pris à deux salariés de la société de production Premières lignes, qui fumaient une cigarette sur le trottoir. L’homme et la femme, dont les jours ne sont pas en danger, ont été très sérieusement blessés, avec des coups portés à la tête et au visage.

28 septembre 2020

INTERVIEW - «Le procès de "Charlie Hebdo" a provoqué un activisme accru dans la mouvance radicale»

Par Luc Mathieu — Libération

Pour le spécialiste du terrorisme Jean-Charles Brisard, «d’autres actes ciblés sur des personnes ou des lieux» sont à craindre dans «les semaines à venir».

Jean-Charles Brisard est le président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), un think tank spécialisé.

Comment qualifieriez-vous l’état de la menace en France ?

On a affaire à des individus extrêmement réactifs par rapport aux menaces émises par des organisations terroristes, type Aqpa (Al-Qaeda dans la péninsule Arabique, actif au Yémen). C’est lié au procès de Charlie Hebdo et aussi à la republication des caricatures. Cela a provoqué un activisme accru dans cette mouvance radicale, avec des individus de plus en plus désinhibés et qui multiplient, dans l’espace public, les provocations, les intimidations, et surtout les menaces depuis quelques semaines, voire quelques jours. On a vu ces menaces se développer lors du procès contre des victimes, des membres de Charlie Hebdo et leurs avocats. La tension est extrêmement palpable.

Cela signifie qu’il faut plutôt craindre des attaques d’individus isolés ?

Oui. Les organisations terroristes, type Al-Qaeda, veulent inspirer et mobiliser leurs sympathisants dans notre pays. L’Etat islamique le fait au quotidien dans ce que l’on appelle la jihadosphère, sur les réseaux sociaux, via des messageries cryptées. Ils incitent quotidiennement au passage à l’acte.

Al-Qaeda dans la péninsule Arabique, qui avait commandité l’attentat contre Charlie Hebdo, est pourtant affaibli par rapport à 2015…

Oui, ils ont été affaiblis territorialement, comme d’ailleurs l’Etat islamique, mais leur idéologie continue à se répandre. Les menaces de mort nominatives se diffusent désormais aussi sur les grands réseaux sociaux, par exemple sur Twitter. Leurs auteurs se réfugient derrière l’anonymat. Cela signifie que ce qui est sanctionné par la justice française ne l’est pas par ces réseaux. C’est scandaleux.

Les autorités devraient-elles prendre des mesures urgentes ?

Il faut être extrêmement vigilant et prendre acte de ce climat de tensions. Et ne pas écarter l’hypothèse que d’autres actes de ce type, ciblés sur des individus ou des lieux particuliers, se produiront dans les jours et les semaines à venir.

Faut-il également craindre des attentats massifs ?

C’est toujours possible, mais beaucoup moins probable. Ces organisations sont bien sûr résilientes et reconstruisent leurs capacités opérationnelles, mais il leur est très difficile, en particulier pour l’Etat islamique, de projeter aujourd’hui des actions sur notre territoire. Il ne faut pas totalement l’écarter pour autant, il y a eu des attentats importants déjoués durant le confinement en Europe, notamment en Espagne, en Allemagne et en Pologne. Il s’agissait de groupes structurés qui étaient en lien direct avec des dirigeants de l’Etat islamique en Syrie et en Afghanistan. En Allemagne, ils visaient des bases militaires américaines.

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