Auray - Quand la peste et autres épidémies figeaient Auray
Pierre Robino sur la place Notre-Dame. À cet emplacement, s’élevait une chapelle de belle taille nommée « Notre-Dame du Cimetière », parfois « Notre-Dame du Mouroir ». L’intérieur était un véritable cimetière où ont été enterrées des victimes d’épidémies… dans la mesure du possible. Pratiquer trop d’enterrements comportait en effet des risques.
Auray confinée, Auray endormie… Mais Auray qui reste optimiste, parce que la ville en a vu d’autres. Les épidémies qui vident ses rues, elle connaît. L’historien Pierre Robino nous transporte au temps de la peste à Auray. À quelques siècles d’écart, on y retrouve quelques similitudes avec notre actualité…
1 Quand les nobles prenaient la clé des champs
« De nombreuses épidémies de peste ont eu lieu en Bretagne au cours des siècles. Les archives évoquent bien souvent des « maladies contagieuses ». Quand elles arrivent, certains nobles partent à la campagne dans un de leurs manoirs. Ainsi Jean de Kerméno, Louise du Garo et leur fils aîné Jean quittent Vannes vers 1500 pour se réfugier dans leur manoir de Boijust en Plumergat. De même, en décembre 1521 à Vannes, les juges et le procureur ont fui la ville à cause de la peste. Ce ne devait pas être les seuls ».
2 La peste et peut-être même le choléra
« Toutes les épidémies n’ont pas fait l’objet de témoignages à l’époque. Ainsi à Auray, nous savons qu’une épidémie a lieu en 1479 d’après un registre d’imposition daté de mars 1480. Quelques habitants y sont signalés décédés de la peste. Mais on ne sait pas combien de femmes, enfants, vieillards ou habitants non imposables sont décédés de cette même peste. Par contre, nous avons un peu plus de renseignements au sujet des épidémies du XVIIe siècle. La communauté de ville, équivalent de la municipalité, prend alors des mesures pour stopper les épidémies. Cela est consigné dans le registre des procès-verbaux de l’assemblée de la maison de ville (mairie) conservé aux archives municipales ».
3 Les poissonniers en quarantaine !
« En 1609, de grandes maladies se répandent à Auray (peste ?). La communauté de ville engage un médecin pour un an pour soigner les malades. En juillet 1623, une épidémie de peste est présente à Port-Louis. Des poissonniers d’Auray étaient partis là-bas se ravitailler, peut-être en sardines. La communauté décide de les empêcher de rentrer en ville. Ils sont alors astreints à trois semaines de quarantaine et risquent le fouet s’ils ne se conforment pas à l’arrêté municipal ».
4 Les restrictions, c’était déjà très, très pénible
« Les habitants sont invités à enfermer leurs pigeons et cochons, à nettoyer les rues, chacun devant sa maison. Les bouchers doivent jeter dans la rivière, à Poulben, le sang et les entrailles des animaux qu’ils tuent. Il est défendu aux hôteliers et cabaretiers de loger des gens de passage sans en avertir l’autorité. Les voyageurs en provenance d’Hennebont doivent se munir d’un document délivré par les officiers d’Hennebont pour pouvoir entrer à Auray. La communauté de ville délivre aussi une attestation aux Alréens qui souhaitent se rendre à Hennebont. Cela ressemble beaucoup à ce qui se passe aujourd’hui ».
5 Pas bon d’être sous l’aile des corbeaux
« Fin mai 1631, face à la menace d’épidémie, il est défendu aux habitants de loger des gueux et mendiants étrangers. La peste touche déjà Brec’h et Pluneret. Un logis du haut de Saint-Goustan est victime de la contagion le 25 juillet. On construit des loges pour les malades derrière la « montagne du Rolland ». Tout contact avec les habitants des lieux infectés est interdit. Les pères capucins soignent les malades et les « corbeaux » (les fossoyeurs) enterrent les victimes. Le chirurgien était aussi tenu « désairer (*) toute personne dans l’étendue de la ville ». Les habitants lui offrent un habit de drap d’Espagne.
Des victimes de la peste auraient été enterrées au Bocéno, en haut de l’actuelle rue du Docteur-Laennec, au niveau de la rue du Pratel qui conduit à l’hôpital. C’était un terrain vague situé à la croisée de chemins. Les monticules de terre liés aux inhumations ont donné le nom de Bocéno (les bosses) à cet endroit. Au XVIIIe siècle, le nombre important de victimes d’épidémies contraint les villes à cesser les inhumations dans les églises. Auray va d’abord créer un cimetière supplémentaire, au sud de l’actuel presbytère puis, en 1796, un nouveau cimetière à l’écart du centre urbain, à l’endroit où il se trouve encore aujourd’hui ».
(*) Désairer consistait à parfumer et nettoyer les demeures infectées.