Par Pierre-Henri Allain, Envoyé spécial dans le Morbihan
Les fermetures de lieux publics et annulations d’événements divisent la population du département breton, où un foyer de contamination a été identifié et où un nonagénaire est mort mardi.
Neuf cas de coronavirus détectés dans le Morbihan : la nouvelle est tombée brutalement dans la nuit de dimanche à lundi. Un arrêté préfectoral tout aussi brutal a ordonné la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires des trois communes concernées (Crac’h, Auray et Carnac) et interdit «tout rassemblement collectif» sur l’ensemble du département, sans plus de précisions. Lundi, le nombre de cas avérés était porté à douze, dans les mêmes localités.
Après les premiers moments de stupeur et le branle-bas de combat pour alerter les enseignants et les parents, ainsi que les établissements concernés, prolongeant les vacances scolaires de quelque 5 700 élèves, les associations ont appris l’interdiction de l’ensemble des manifestations culturelles, cultuelles, commerciales ou sportives dans le département jusqu’au 14 mars.
Consternation
Cinémas et médiathèques fermés, rencontres sportives annulées, réunions publiques dans le cadre des municipales supprimées, «rassemblements dans les lieux de culte interdits», à l’exception des enterrements devant se tenir dans la plus stricte intimité, c’est toute la vie du département qui se trouve chamboulée depuis. A commencer par les communes où ont été détectés les cas d’infection.
A Auray (14 018 habitants), les pharmacies ont aussitôt été prises d’assaut et les rues désertées. «Le centre-ville est vide, confirme Yves Delapraz, patron du restaurant La Petite Casserole, qui a perdu deux tiers de sa clientèle en vingt-quatre heures. Mais les gens restent aussi chez eux pour garder leurs enfants. On ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants du virus. On ne sait pas d’où ça vient et, dans le doute, mieux vaut en faire un peu trop que pas assez.» Une autre habitante de la commune avoue sa consternation. «On ne s’attendait pas à des cas de Covid-19 en Bretagne ! Pourquoi ici et pas ailleurs ? Il n’y a plus que les grandes surfaces qui sont ouvertes. Il faut bien que les gens mangent. Du coup, les enfants vont rester confinés durant quinze jours devant la télé et c’est le système D pour les garder. On fait appel aux grands-parents ou on prend des arrêts de travail.»
Au centre culturel Athéna, où a dû être annulée mardi soir la prestation de François Morel, qui affichait complet depuis octobre, un mélange d’inquiétude et de grosse déception est palpable. D’autant que ce lieu s’apprêtait à accueillir la manifestation de l’année : le Festival de marionnettes et de théâtre d’objets Meliscènes, prévu sur dix communes du 8 au 12 mars. «Il y avait 107 représentations programmées, avec 24 compagnies, 25 spectacles différents et, pour la 20e édition, un finale avec le dernier spectacle des Anges au plafond, la compagnie phare de la marionnette en France, se désole-t-on. On ne sait pas si on va pouvoir reporter certains spectacles ou s’il faudra tout annuler, alors que les hébergements, la restauration, tout était prêt.»
Salon du bien-être
Dans les associations sportives du département, où toutes les rencontres du week-end prochain, toutes disciplines confondues, ont été annulées, on se fait une raison. Le coup n’en est pas moins rude. A Theix, près de Vannes, l’annulation du gala de boxe programmé samedi est un crève-cœur pour son organisateur, Jean-Claude Galazzo : «C’est normal qu’on prenne des mesures, mais c’est quand même un coup au moral, réagit-il. Ce sont depuis trois mois des heures et des heures de travail. Les affiches étaient posées, les coupes achetées, les sponsors trouvés. Et on ne sait pas du tout si on pourra reprogrammer ce gala.»
Dans d’autres secteurs, nombre de manifestations ont également été annulées, comme le Salon du bien-être, annoncé le week-end prochain à Pontivy, qui attendait 3 000 visiteurs et une cinquantaine d’exposants. «On va essayer de reporter l’événement mais on n’a aucune certitude. Dans un tel cas de figure, il n’existe aucune assurance d’être indemnisé», soupire Gérard Henry, le directeur du salon. A Pontivy, l’interdiction des marchés en plein air dans le département, finalement réautorisés mardi, à l’exception des communes où les cas de coronavirus ont été détectés, a aussi fait des vagues. «J’ai du mal à comprendre pourquoi on les avait interdits alors qu’on laisse les grandes surfaces ouvertes, avec l’air climatisé et tout le bouillon de culture que ça représente, remarque Yves Duval, petit producteur de volailles dans une commune voisine. Qu’on prenne des précautions, c’est logique. Mais je trouve aussi que la médiatisation est excessive. On dramatise trop. Si ça se trouve, ça se terminera comme une bonne grippe. Vous ne croyez pas ?»