Après la manifestation de dimanche qui a réuni 4.000 personnes contre l'extraction de sable coquillier dans la baie de Lannion, la Compagnie armoricaine de navigation (Can) a décidé, « dans un souci d'apaisement », de suspendre ses prélèvements jusqu'en novembre. Retour sur un projet vieux de six ans qui enflamme le pays lannionnais.
1. De quel sédiment s'agit-il ? Contrairement à ce qui est parfois dit, le sédiment extrait dans la baie de Lannion (22) n'est pas du maërl mais du sable coquillier. Et pour cause, l'extraction de maërl a été interdite en septembre 2013 par l'Europe. Une décision pour éviter la destruction d'habitats marins. Alors que le maërl est une accumulation de débris d'algues calcaires et qu'il est considéré comme ayant une haute valeur écologique, le sable coquillier est, lui, principalement constitué de débris de coquillages marins. Ce sable, également riche en calcaire, n'a rien à voir avec celui des plages.
2. À quoi sert le sable coquillier ? Le sable coquillier est une alternative au maërl. C'est parce que l'extraction du maërl a été interdite que la Can, filiale du groupe breton Roullier, s'est tournée vers le sable coquillier. Comme l'était le maërl, ce sable est utilisé principalement pour réduire l'acidité des terres agricoles bretonnes. 60 % du sable extrait par Roullier est utilisé dans le Grand Ouest.
3. Pourquoi cette extraction en baie de Lannion ? La Can exploite deux autres gisements, en baie de Morlaix (29) et au large de Paimpol (22). Mais l'armateur sablier, qui exploite deux bateaux et emploie 24 marins, fait valoir que, depuis l'interdiction de l'extraction du maërl, ces deux gisements ne produisent pas assez pour assurer une rentabilité économique. Du coup, sans la baie de Lannion, c'est sa survie qui serait menacée. Il faut rappeler que la Can, dont le projet d'extraction de sable à Lannion avait été déposé en 2010, a obtenu les autorisations nécessaires pour prélever en décembre 2015, pour un début d'exploitation à partir du 1e r septembre 2016. Ces autorisations ont été confirmées par le tribunal administratif de Rennes. Le référé-suspension engagé par les communes concernées a, par ailleurs, été rejeté le 5 septembre dernier.
4. Quelle quantité ? La Can a reçu une autorisation pour 250.000 m³ de sable coquillier. C'est nettement moins que les 400.000 m³ qu'elle avait demandés. Cette extraction est, par ailleurs, progressive : 50.000 m³ la première année et 100.000 m³ la deuxième année, 150.000 m³ les trois années suivantes et 250.000 m³ ensuite. La concession est valable pour une durée de 15 ans. À noter que l'extraction est interdite de mai à août.
5. Quels effets sur les écosystèmes ? Dans le projet de concession, il est précisé « que la question de l'impact sur les écosystèmes est un point sensible » et que « les études préalables ne permettent pas d'aboutir à des certitudes ». D'où l'extraction progressive. Mais pour les opposants à l'extraction, il ne pas fait de doute qu'il existe un impact négatif sur le milieu marin. Elle menacerait en particulier le lançon, une espèce qui se reproduit dans la zone concernée et qui est la base de l'alimentation de nombreux autres poissons. Le risque d'un recul du trait de côte est également avancé par les opposants. Mais, sur ce point, l'étude d'impact l'estime très faible : « L'attaque de la houle à la côte et les courants de dérive littorale ne seront donc pas modifiés par l'extraction, même pour des conditions de houle très énergétiques ». Une conclusion partagée par Ifremer.
6. Quel impact économique ? Selon les opposants à l'extraction, 150 emplois directs et environ 500 indirects, à plus ou moins long terme, seraient menacés dans les domaines de la pêche, du tourisme, du nautisme... « Le sable n'est pas une ressource renouvelable. On est en train de sacrifier notre territoire », expliquait, dimanche dernier, lors de la manifestation à Lannion, Jean Grésy, l'avocat du collectif Peuple des Dunes. Le projet de concession est, lui, beaucoup plus nuancé : « Il est difficile de mesurer l'impact économique sur la pêche (notamment en raison des incertitudes sur l'impact sur le peuplement benthique) ou sur le tourisme, voire plus indirectement sur l'attractivité industrielle du territoire... ».
7. Quelles alternatives au sable coquillier ? Pour les opposants, il existe des alternatives au sable coquillier. Ils citent, notamment, le calcaire terrestre et les coquillages issus des sites ostréicoles. Dans le projet de concession, on peut effectivement lire que « le recours au calcaire terrestre sous diverses formes est une alternative immédiate aux sables coquilliers ». Mais, dans le même document, il est précisé que ce recours aurait un surcoût sensible et un coût environnemental, notamment en raison du transport routier qu'il nécessiterait.
Source le Télégramme