Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
22 décembre 2019

Portrait « J’étais cet objet qui voulait bien l’être » : Jane Birkin, de 1969 à #metoo

jane18

Par Judith Perrignon

Cinquante ans avant #metoo, une jeune Anglaise sexy chantait « 69 année érotique », en duo avec Serge Gainsbourg. La libération sexuelle avait trouvé un hymne et une égérie. Aujourd’hui, à 73 ans, l’artiste dresse un bilan doux-amer de ces années.

Rappel rapide des faits par l’intéressée. Elle débarque à Paris juste après Mai 1968 pour tourner le film Slogan avec Serge Gainsbourg. Leur rencontre devient liaison. Il l’emmène dans sa chambre chez ses parents, avenue Bugeaud, à Paris, lui fait écouter la chanson Je t’aime… moi non plus, enregistrée avec Bardot, amante de quelques mois dont les photos tapissent les murs. Il lui explique que Bardot est mariée, refuse que cette chanson sorte, pour finalement lui proposer de la reprendre. Birkin dit oui.

Ils enregistrent dans un studio à Londres. « Je vais je vais et je viens/entre tes reins/je vais et je viens entre tes reins et je me retiens. » Elle chante et répond une octave au-dessus de la plus belle femme au monde. « Non ! maintenant viens ! » Elle gémit aussi. C’est un siècle après le Sonnet du trou du cul, d’Arthur Rimbaud, mais suffisant pour que le responsable du label Phonogram leur dise : « Je veux bien aller en prison pour un 33-tours, mais pas pour un 45-tours ! »

Gainsbourg écrit 69 année érotique dans la nuit, puis d’autres chansons dans la foulée. Dix titres pour un album sous cellophane, interdit aux moins de 18 ans, avec uniquement le visage de Jane Birkin sur la pochette. « C’est Serge qui a voulu que je sois seule. Il voulait que j’aie du succès en France. » C’est plus que le succès. Elle devient le corps androgyne, les grands yeux clairs, les lèvres en cœur, autant dire l’incarnation de la libération sexuelle qui semble tout entière contenue dans cet album dont les radios du monde entier ne savent alors pas quoi faire.

C’était il y a longtemps. L’année érotique a 50 ans. Fêter ça avec Jane Birkin, qui en a 73, c’est se faire cueillir par un sourire et un soupir sympathique. « Je ne peux pas parler de mon époque. Les autres filles étaient bien plus libres que moi. Ça n’existait pas d’être plus impressionnée que moi par un homme. J’étais ravie d’être l’objet de désir de Serge, la personne qui l’inspirait. Ravie de faire des photos à poil. D’être dans Playboy, alors que je n’étais pas du tout leur type. J’étais cet objet qui voulait bien l’être. C’est vrai, je ne sais pas ce que ça donnerait aujourd’hui. » Qu’est-ce qu’aujourd’hui ? Sinon le constat que l’émancipation féminine est allée beaucoup moins vite que la libération sexuelle. Qu’il y a des agresseurs en smoking sur les tapis rouges de Cannes, comme à toutes les marches de la société. Alors, « #metoo ! » ont lâché en cascade sur les réseaux sociaux les jeunes femmes du monde occidental pour raconter, dénoncer et partager expériences et mauvais souvenirs.

« L’AUTRE JOUR, J’AI DIT À UNE COPINE : “DOMMAGE QU’ON N’AILLE PLUS À ROME, QUAND ON ÉTAIT JEUNES, ÇA NOUS REMONTAIT LE MORAL DE SE FAIRE SIFFLER DANS LA RUE”. »

Une nouvelle vague féministe a pris corps, héritière du mouvement d’émancipation des années 1960, mères et filles d’accord sur l’essentiel, mais les filles reprochant à leurs mères d’avoir encore trop intériorisé l’attente des hommes et les normes dont les femmes sont les victimes. En France, il y eut un bémol, un appel à la liberté d’importuner publié dans Le Monde par certaines doyennes, femmes des hautes sphères, dont Catherine Deneuve et Catherine Millet, qui prévenaient que la victimisation des femmes ne les grandissait jamais et pouvait mener vers une forme de puritanisme, mais glissaient vers le statu quo, en sauvant au passage la réputation de quelques-uns de leurs amis. C’était la génération Birkin, mais sans elle.

Qui se souvient de la main baladeuse à Paris – « ça, c’était lourdingue, j’ai l’impression que cela a beaucoup disparu » –, mais aussi qu’elle ne détestait pas se faire siffler dans la rue. « Ça ne se faisait pas à Londres. Pour moi, ça faisait italien et c’était gai. L’autre jour, j’ai dit à une copine : “Dommage qu’on n’aille plus à Rome, quand on était jeunes, ça nous remontait le moral de se faire siffler dans la rue”. » Birkin n’a rien signé. Rien dit.

Au croisement du désir, du scandale et des poussées libératrices, il y a pourtant Birkin. Phare des sixties. Ou plutôt frêle embarcation. C’était une petite Anglaise venue du pays de l’avortement légal, des Stones, des minijupes à cinq pounds, qui trouvait la France ringarde, avec ses faiseuses d’anges jugées aux assises, sa peine de mort et ces gens qui s’offusquaient de voir sa culotte verte quand elle se baissait dans la rue. C’était surtout un maladif manque d’assurance. Elle voulait qu’on l’aime, se nicha dans le cœur et sous l’aile de Gainsbourg déjà en vogue. Et s’offrit tout entière au scandale qu’il orchestrait.

jane20

Le pape, la BBC et sa mère

Il s’était amusé avec France Gall, poupée naïve suçant des sucettes à l’anis ; vint Bardot, l’inaccessible qui chante mais retourne à son mariage. Avec Birkin, corps androgyne en cette époque qui brûle les soutiens-gorge, tout s’amplifie, il ouvre les vannes, il fait de la chanson Je t’aime… moi non plus un film, la voilà serveuse au cheveu court qui tape dans l’œil d’un jeune et beau routier homosexuel, le cinéma de Gainsbourg montre sexe, masturbation et sodomie plus crûment que dans ses chansons, le film frôle le classement X, mais reçoit la bénédiction de François Truffaut.

Elle pose encore pour Lui, « le magazine de l’homme moderne », dans une mise en scène de Gainsbourg, reprenant quelques scènes du film. Elle se souvient d’elle nue, en jarretelles, cambrée et menottée au radiateur. Qu’ils choquèrent le pape, la BBC et un peu aussi sa mère, « mais elle savait que c’était pour Serge et elle adorait Serge ».

Ces images ont plus de quarante ans, on voit bien, en les regardant aujourd’hui, où naît le conflit, ce qu’elles contiennent de libératoire et d’inconvenant, mais aussi de soumission à un imaginaire masculin. C’était au futur de décider s’il pencherait vers la liberté, le plaisir et le dégoût des conventions ou s’il engendrerait des Harvey Weinstein… C’était pour elle des instants. Des jeux. Elle l’aimait. Ils s’aimaient.

jane22

Dans ces années-là, la poétesse et essayiste Annie Le Brun ramait non sans panache contre le rassemblement des femmes sous une couronne d’épines, elle prenait le contre-pied des ténors du féminisme, Antoinette Fouque, Julia Kristeva ou Élisabeth Badinter, et proclamait que le désir, sa violence, son énergie, les sauverait des structures familiales et traditionnelles que la société prépare pour elles. « Ô mes filles ô mes reines, depuis toujours maquillées à vous-même, n’est-il pas temps que vous vous aventuriez là ou ni vous ni les autres ne vous attendent… » L’a-t-elle faite, ou tout au moins tenté, cette révolution-là, Birkin ?

Elle a publié, en 2018, le premier tome du journal qu’elle tient depuis l’âge de 11 ans. Munkey Diaries (éd. Fayard). Pensées au fil du temps d’une jeune fille traumatisée par la cruauté du pensionnat, en manque de chaleur, de confiance et d’amour, qui fusionnera avec Gainsbourg. Est sorti en librairie, cet automne, le second tome de ce journal, Post-scriptum, addition de ses jours et de ses nuits entre 1982 et 2013. Toujours le manque d’assurance. L’angoisse. La navigation à vue. La quête d’une validation dans le regard masculin. « Dans mon cas, les hommes étaient impressionnants et il y avait de quoi les admirer ! Mais, en relisant l’histoire, je crois que j’ai mélangé à peu près tout. »

Fusionnelle, redevable, objet encore

Faut-il vraiment la dérouler homme par homme, cette histoire ? Mariée à 17 ans avec John Barry, 35 ans, compositeur anglais internationalement reconnu pour ses génériques de James Bond, dont elle divorce peu de temps après la naissance de leur fille, Kate. « Le premier homme que j’ai connu, un grand séducteur, déjà marié deux fois. Le compositeur le plus connu d’Angleterre, qui s’est trouvé marié à cette hystérique de 18 ans qui passait son temps à attendre son retour. » Puis Gainsbourg, qu’elle n’épouse pas : elle annule le mariage au dernier moment, quand elle comprend que la loi exige une prise de sang. Qu’importe l’état civil. Leur liaison irradiante, publique, de douze ans, s’installe parmi les mythes du xxe siècle, ceux du poète et de sa muse, du pygmalion et de sa créature, elle est le corps de son œuvre, il écrit les textes de sa vie. Ils ont une fille, Charlotte. Birkin s’en va, épuisée par « Gainsbarre », mais liée pour toujours à Gainsbourg, qui lui écrit des chansons d’amour même après leur rupture.

Vient le réalisateur Jacques Doillon, qui la rhabille à l’écran, lui propose une vie plus discrète. Ils ont une fille, Lou. « Il m’a aidée en me tenant la main, en me tenant le cœur. Je voulais tout bien faire pour lui, et la voilà, sa petite fille », écrit-elle dans son journal après son accouchement, au mois de septembre 1982. Fusionnelle, redevable, presque objet encore. Puis, très vite, angoissée, jalouse, car il tourne beaucoup, vit entourée d’actrices, plus jeunes, forcément plus belles, « Je ne suis pas dans tes yeux, et tu n’y es pour rien », écrit-elle. On a envie de l’engueuler, de la secouer en la lisant. « Mais j’avais raison ! » Oui, il la trompe. Il a une autre vie. Pourquoi s’accuser encore alors que le plancher s’effondre sous ses pieds. « Je me situe comme une personne bourrée de fautes. Je me juge sévèrement. J’étais pas avec des crétins non plus ! »

Après la rupture, elle part se réparer en thalasso à Quiberon. Elle couche ceci dans son journal : « J’ai l’impression que toutes les femmes ici ont 45 ans et sont, pour la même raison que moi, désespérées dans des bains bouillonnants, en faisant des efforts enfantins, droite, gauche, dans la douche piscine. Sur chaque visage je vois une peine, une honte dans les yeux baissés, sinon pourquoi on est là ? Toutes probablement mères de famille, toutes… » L’icône, l’incandescente, s’est dissoute dans le bouillon si triste et si commun de l’insécurité féminine.

« LOU TROUVAIT RÉDUCTEUR QUE JE NE ME DÉCRIVE QUE COMME UNE SOURCE D’INSPIRATION POUR SERGE. POUR ELLE, JE MÉRITAIS MIEUX. »

Sa fille Lou Doillon a lu ce journal. « Elle a trouvé mon point de vue très éloigné du sien. Elle était chagrine de mesurer à quel point je m’étais sous-estimée. Elle était triste pour moi, alors que, moi, je ne le suis pas. Gentiment, elle trouvait réducteur que je ne me décrive que comme une source d’inspiration pour Serge. Pour elle, je méritais mieux. Pourquoi ce manque de confiance en soi, je ne sais pas. On espère juste ne pas le transmettre à ses enfants. » Et si c’était comme ça qu’il fallait dérouler le fil de l’histoire désormais, mesurer l’émancipation, l’éclosion ? De mère à fille. De femme à femme. « « Femme », c’est un mot que j’ai du mal à employer pour mes filles. Et même pour moi. » Une femme sait souvent mieux sa valeur qu’une fille.

Birkin est la fille de Judy Campbell, comédienne, chanteuse, muse du célèbre dramaturge anglais Noël Coward, qui, en se mariant avec Peter Birkin, colonel de la Navy, dut mettre un terme à sa carrière. « J’ai retrouvé une lettre qu’il lui écrivit : “Je te laisserai libre de faire ton métier.” Mon œil ! sourit Birkin, qui fut très proche de son père. Il faisait en sorte que nous habitions à la campagne, loin de tout théâtre. » La muse est donc l’enfant d’une muse contrariée. C’est sûrement l’une des raisons pour laquelle la mère approuva le mariage de sa fille avec le séducteur John Barry, tandis que le père ne cachait pas sa peine de la voir s’engager dans cette impasse.

« Elle avait été plus indépendante que moi. Elle avait eu des hommes avant mon père, pas moi. Mais elle estimait que j’étais moins costaude qu’elle. Elle ne voulait pas que je sois prise légèrement, elle ne voulait pas que je sois blessée. » Sa fille, au moins, voguait vers le show-business, qu’elle avait dû déserter. D’ailleurs, après Barry, Judy Campbell s’enticha de Gainsbourg. « Elle adorait Serge. Elle enviait ma liberté. Je faisais une carrière comme elle aurait aimé avoir, et que j’ai eu facilement, sans rien foutre, juste en étant jolie. J’ai jamais fait une école qui me donne une base, comme elle. Avant même de suspendre sa carrière, elle s’était censurée. Pour ne pas choquer la famille de mon père, elle avait refusé une pièce de Joe Horton, ou elle devait dire “fuck”. Des années plus tard, je faisais Je t’aime… moi non plus. »

jane21

On la retrouve dans les archives de l’INA. Année 1972. L’ORTF visite la maison de Gainsbourg, rue de Verneuil, alors qu’elle s’est installée là avec sa fille Kate et que Charlotte est née. « C’est une maison de famille ? », demande le journaliste comme si enfin tout ce petit monde allait rentrer dans le rang. « Non, répond-elle, il y a cette salle qui est complètement lui, puis il y a la chambre des enfants, c’est gai, il y a les jouets… — Qui devait être la salle de billard, j’ai fait des concessions, l’interrompt Gainsbourg en souriant dans le rôle du vieux loup solitaire. — Oh ! pas trop, dit-elle. — C’est vrai, reconnaît-il. — Jane, qu’est-ce qui vous représente ici ? demande le journaliste. — Oh ! c’est son univers à lui, ici, moi, j’ai une maison à Londres. Moi, j’aime beaucoup vivre dans l’atmosphère de quelqu’un d’autre. »

Dans cet extrait, un immense sourire éclaire le visage de Jane Birkin lorsqu’elle évoque la chambre des enfants. D’aucuns verront s’éteindre le scandale et la révolution sexuelle là où surgit dans son corps le rôle si conventionnel de la maternité. Mais Birkin a été les deux en même temps. Il y eut des nuits de fête et d’alcool Chez Régine ou chez Castel, qui se terminaient à la table du petit-déjeuner avant l’école. Il y eut, pour ses filles, maman et son double de magazine. Elle raconte aujourd’hui la maternité comme un apaisement. « Animalement, j’adorais ça. Animalement, j’étais self-sufficient. Ça m’a donné confiance. Je savais ce que je faisais, j’avais trouvé un terrain d’aisance et de joie. Les enfants, quand ils sont petits, c’est dépourvu de jugement. Alors, pour moi qui ai peur de déplaire, peur de perdre, peur de dire et d’oser, c’est formidable. On a l’air doué quand on joue avec les enfants. On sait quoi faire quand ils se blessent. »

Elle ne parle d’ailleurs pas de sexe avec autant d’assurance et de conviction dans son journal. Le plaisir féminin était-il au programme de cette révolution-là ? « J’ai été avec des types formidables là-dessus qui pensaient beaucoup aux filles. Qui te demandaient : “Est-ce que c’était bien pour toi ?” “Oui, oui”, je disais. J’étais très embarrassée, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer. »

Puis, on a vu grandir ses filles sous les sunlights. Kate Barry, Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon, qui, forcément, se cherchent et, très vite, se prennent au jeu et au tourbillon du cinéma, de la chanson, de la photo, de la mode. Sans oublier les fièvres, les remous, les doutes, les crises qui frappent ici comme ailleurs, jusqu’à l’insoutenable, la mort de Kate, en décembre 2013. Elle cesse alors de tenir son journal.

« Ma mère aurait été envieuse de Charlotte qui vit à statut égal avec Yvan. Elle a une totale liberté professionnelle. » Elle revisite ses choix en regardant faire ses filles : « À mon premier mari, je n’ai jamais réclamé l’argent qu’il devait pour élever sa fille quand nous avons divorcé. Il aurait fallu, pour 30 livres par semaine, courir après cet homme très riche qui vivait en Amérique. Je ne l’ai pas fait. J’ai cru que c’était ma fierté qui refusait d’aller mendier. Et j’étais pleine de reconnaissance d’avoir été prise mère et enfant par Serge. Mais j’aurais dû penser à l’enfant. Je l’ai compris quand j’ai vu comment ma fille Lou et le père de son fils se sont débrouillés si normalement. Les mères d’aujourd’hui pèsent ça beaucoup mieux que moi alors. »

Elle n’est pas une femme de regrets. Ou à trouver son temps plus culotté que celui d’aujourd’hui. Elle dit d’elle, gazelle court vêtue qui traversa les films populaires des années 1970 : « Je me suis bien amusée et je crois même que j’étais bien dans les films de Claude Zidi. Par contre, il y avait d’autres comédies comme Catherine et compagnie ou bien Comment réussir quand on est con et pleurnichard, il aurait mieux valu Arletty ou Shirley MacLaine. J’étais nulle, il aurait fallu un argot venant du cœur. »

jane23

Elle minimise aussi le mythique Blow-Up sur son curriculum vitae – « je n’étais qu’une figurante à poil ». C’est pourtant, avec Je t’aime moi non plus, une image d’elle qu’on lui ressort partout dans le monde, qu’elle soit interviewée sur une chaîne italienne ou russe. Elle sait bien que le début avale tout le reste. « Serge me disait : “Ça te permet de continuer.” » Elle n’est pas sûre d’avoir laissé voir beaucoup d’elle, au fond, dans tout ça.

Mais ça ne l’inquiète pas. Elle est dans les plis de sa vie. Le regard est moins léger, abîmé par les chagrins et les deuils. Mais jamais amer. Et toujours aussi peu assuré. Elle entend le #metoo. « Et peut-être que les filles ne se mettront plus dans la situation de monter prendre un verre avec le producteur. Et il n’aura pas le droit de prendre ça mal. »

Elle sait bien que les jeunes filles questionnent jusqu’aux genres féminin et masculin, si marqués, si figés dans la trace qu’elle a laissée, « ma petite-fille Alice [la fille de Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal], qui vit en Amérique, est très susceptible là-dessus ! » Ça l’amuse même que sur les bateaux-mouches d’Angleterre, où elle ne va plus beaucoup, on ne dise plus « Ladies and Gentlemen », mais « Hi guys ! » (« bonjour tout le monde ! »).

jane19

C’est ainsi. Le temps a passé. Les robes, les tee-shirts moulants pour seins plats et les jeans pattes d’eph’ de la jeune Birkin sont un classique des grandes marques de la bourgeoise. Ses filles en sont les mannequins, des images sexuées à leur tour. « Je trouve ça très gai. Elles ont trouvé leurs originalités très différentes, Lou en fantaisie créatrice, Charlotte en égérie d’une élégance perso… » Tandis que, à la sortie des théâtres où elle chante encore et toujours Gainsbourg, ceux qui réclament un autographe lui sortent très souvent une photo d’elle à poil dans un vieux numéro de Lui, ils l’ont trouvée sur Internet et imprimée au format A4. « Je signe sur les fesses et les seins autant que je peux. »

Publicité
22 décembre 2019

Lily Rose Melody Depp

lily rose

lily22

22 décembre 2019

Banksy dévoile sa crèche de Noël emmurée à Bethléem

La crèche de Bansky a été dévoilée sans l'artiste, dans l'hôtel qu'il possède à Bethléem, en Cisjordanie occupée.

banksy22

La crèche de Banksy à Bethléem

SYMBOLIQUE - Une petite crèche disposée devant des pans de mur transpercés par un obus: à quelques jours de Noël, la dernière oeuvre de l’artiste Banksy a été dévoilée dans la symbolique ville de Bethléem, en Cisjordanie occupée.

L’artiste de rue britannique, qui entretient le plus grand mystère sur son identité, n’était pas présent vendredi lors de la présentation de cette oeuvre, intitulée “La cicatrice de Bethléem”.

Celle-ci est exposée dans l’entrée de l’hôtel “Walled-Off” que Banksy a ouvert en 2017 dans la ville palestinienne et dont les chambres donnent sur le mur érigé par Israël et qui empiète en Cisjordanie.

Des mini pans de mur, sur lesquels des tags appellent à la paix et à l’amour, servent d’arrière plan à une crèche posée sur une petite table, avec à son pied des cadeaux. L’impact de l’obus sur le mur fait penser à une étoile au dessus de Marie, Joseph et Jésus, entourés d’une vache et d’un âne.

Pour le directeur de l’hôtel Wissam Salsaa, “La cicatrice de Bethléem” symbolise une “cicatrice de la honte”.

“Le mur symbolise la honte pour tous ceux qui soutiennent ce qu’il se passe sur notre terre, tous ceux qui soutiennent l’occupation illégale” par Israël de la Cisjordanie, depuis 1967.

L’Etat hébreu a commencé en 2002 la construction d’une barrière, composée par endroits de blocs de béton de plusieurs mètres de haut, pour se protéger des incursions de Cisjordanie en pleine vague d’attentats palestiniens au cours de la deuxième Intifada (2000-2005). La Cour internationale de justice a déclaré illégale sa construction en 2004.

Israël affirme que la barrière continue de le protéger d’attaques d’assaillants venant de Cisjordanie. Pour les Palestiniens, la barrière est l’un des symboles les plus honnis de l’occupation israélienne.

Graffitis subversifs -

Les conflits, le mur et les Territoires palestiniens sont depuis longtemps une source d’inspiration pour Banksy, rendu célèbre par ses peintures au pochoir dans l’espace public.

Avec celle-ci, il contribue ”à sa manière” aux festivités de Noël qui auront lieu la semaine prochaine à Bethléem, ville où est né Jésus selon la tradition chrétienne.

“C’est une façon formidable et différente de parler de Bethléem, pour pousser les gens à réfléchir davantage à la manière dont nous vivons ici”, a déclaré M. Salsaa, qui n’était pas en mesure d’indiquer si l’oeuvre était vouée à rester dans son établissement.

Banksy “essaye de diffuser la voix des Palestiniens dans le monde à travers l’art et crée un nouveau modèle de résistance grâce à cet art”, s’est félicité M. Salsaa.

L’artiste a commencé à se faire connaître en 2003 en Angleterre par ses graffitis subversifs ―gardes royaux en train d’uriner sur un mur, policiers échangeant un baiser passionné.

Il s’était déjà rendu à Bethléem en 2007, laissant derrière lui un certain nombre de graffitis sur le mur de sécurité, dont une fillette fouillant au corps un soldat israélien les bras en l’air, son fusil posé à côté de lui.

En 2005, il avait peint neuf pochoirs ―dont une échelle posée sur le mur ou une petite fille emportée par des ballons― voulant mettre en évidence l’impact du mur sur la vie des Palestiniens.

Le mur de sécurité est devenu à la fois un lieu de protestation et un terrain d’expression politico-artistique. Les fresques qui le recouvrent par endroits en font une attraction pour les touristes.

22 décembre 2019

Monica Bellucci

monica

monica11

21 décembre 2019

Happy Birthday..... Mister President....

macron birthday

Emmanuel Macron, né le 21 décembre 1977 à Amiens, est un banquier d’affaires, haut fonctionnaire et homme d'État français. Il est président de la République française depuis le 14 mai 2017.

Sorti de l'École nationale d'administration (ENA) en 2004, il devient inspecteur des finances. En 2007, il est nommé rapporteur adjoint de la commission pour la libération de la croissance française (« commission Attali »). L’année suivante, il rejoint la banque d'affaires Rothschild & Cie, dont il devient associé-gérant en 2010.

Proche du Mouvement des citoyens (MDC) puis membre du Parti socialiste (PS) de 2006 à 2009, il participe à la campagne électorale de François Hollande pour l'élection présidentielle de 2012, qui le nomme après sa victoire secrétaire général adjoint de son cabinet. Alors encore inconnu du grand public, Emmanuel Macron devient en 2014 ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique ; en 2015, il fait adopter une loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

En 2016, il fonde son propre mouvement politique, baptisé En marche, et démissionne du gouvernement. Il adopte un positionnement hostile au clivage gauche-droite et se présente à l'élection présidentielle de 2017. Il l’emporte au second tour face à la candidate du Front national, Marine Le Pen, avec 66,1 % des suffrages exprimés.

À 39 ans, il devient le plus jeune président français et le plus jeune dirigeant d'alors du G20. À la suite de son élection, son parti remporte les élections législatives de 2017. La première moitié de son mandat est marquée par une réforme du code du travail, une loi de réforme de la SNCF, l'affaire Benalla, le mouvement des Gilets jaunes et le grand débat national qui s'ensuit. Il soutient ensuite un projet contesté de réforme des retraites.

anniversaire

Publicité
21 décembre 2019

Les Champs Elysées illuminés

champs

21 décembre 2019

Milo Moiré photographiée par Peter Palm

ùilo323

milo2020

21 décembre 2019

Paris va repenser les dessous de la place de l’Etoile

Par Denis Cosnard

La Ville de Paris lance vendredi un nouvel appel d’offres en vue de réaménager le tunnel de l’Etoile et l’espace sous l’Arc de triomphe.

Transformer les espaces situés sous l’Etoile, cette place majeure au centre de laquelle trône l’Arc de triomphe. Créer peut-être de nouveaux souterrains. Anne Hidalgo en avait rêvé. Malgré l’échec d’une première tentative et l’approche des élections municipales, la maire socialiste de Paris n’a pas renoncé. Pour preuve, l’appel d’offres que la Ville de Paris lance ce vendredi 20 décembre, conjointement avec le Centre des monuments nationaux, dont dépend l’Arc de triomphe.

Pour le moment, les deux institutions proposent aux entreprises et groupements intéressés de réaliser des études préalables. Mais l’objectif est clair : il s’agit à terme de repenser de fond en comble l’utilisation du tunnel routier de l’Etoile, aujourd’hui désaffecté, ainsi que des accès à l’Arc de triomphe et « d’autres volumes souterrains existants ou à créer sous la place Charles-de-Gaulle », l’autre nom de la place de l’Etoile. Ces dernières années, certains avaient proposé d’installer dans ces lieux une galerie d’art, un passage commercial ou encore une immense cave à vin. « A ce stade, tout est ouvert », assure Jean-Louis Missika, l’adjoint chargé de l’urbanisme.

Tout est parti de la fermeture du tunnel de l’Etoile, au printemps 2015. Ce tunnel routier qui permettait depuis 1970 aux automobilistes de passer des Champs-Élysées (8e arrondissement) à l’avenue de la Grande-Armée (17e) en évitant le redoutable rond-point de la place de l’Etoile était particulièrement dangereux. Les camions venaient régulièrement s’y encastrer.

Le moindre mètre carré vaut de l’or

Que faire de ce boyau de 380 mètres de long et 8 mètres de large, difficile à réutiliser, mais situé dans un quartier où le moindre mètre carré vaut de l’or ? En 2017, la Ville de Paris lance une première consultation, dans le cadre de la deuxième édition de l’appel à projets urbains innovants « Réinventer Paris ». Les 3 000 m2 sous l’Arc de triomphe suscitent de l’intérêt. Plusieurs candidats remettent des dossiers. Le groupe Emerige porte un projet de galerie commerciale de luxe. Groupama Immobilier et MK2 Cinémas proposent, eux, de développer des activités de réalité virtuelle autour du cinéma.

Cependant, un problème juridique bloque tout. « Les offres reçues dépassaient le cadre légal et foncier de l’appel à projets, puisqu’elles portaient également sur le passage souterrain qui mène les piétons à l’Arc de triomphe, et d’autres espaces situés sous l’Arc », explique la Mairie. L’appel est donc déclaré infructueux.

Le projet n’est toutefois pas enterré. D’autant qu’au même moment, le Centre des monuments nationaux s’interroge lui aussi sur un possible réaménagement des abords de l’Arc de triomphe, un monument qui appartient à l’Etat et reçoit quelque 4 millions de touristes par an. Du fait de l’insuffisance et de l’exiguïté des locaux existants, « les conditions d’accueil des visiteurs ne sont pas satisfaisantes », soulignent les responsables. Les personnes handicapées ne peuvent pas accéder de façon convenable à l’Arc. Les contrôles de sécurité et les files d’attente sur le parvis gênent sa mise en valeur. Et le monument est vulnérable, comme l’a montré son saccage le 1er décembre 2018, en marge d’une manifestation des « gilets jaunes ».

Décision est alors prise de mener des études conjointes entre la mairie et le Centre des monuments nationaux. Comme lors de l’appel à projets précédent, elles porteront évidemment sur l’ex-tunnel routier, aujourd’hui abandonné. Avec deux contraintes fortes. Le tunnel doit permettre aux vélos de passer dans les deux sens, sur une piste bien séparée des piétons. La Ville de Paris souhaite en outre installer sur place une station permettant le remisage et la réparation de vélos.

« Sobriété écologique », urgence climatique oblige

Mais cette fois-ci, les études pourront aussi concerner le tunnel piétonnier, le parvis et les espaces situés sous l’Arc de triomphe. Le but, ici, consiste à mettre en valeur le parvis et à réaménager les locaux. Pour mieux accueillir les touristes, le petit musée situé à l’intérieur de l’Arc pourrait par exemple être déplacé au sous-sol, avec une boutique, imaginent déjà certains. Les études permettront aussi de vérifier s’il est possible de faire tomber le mur entre le tunnel autoroutier et le tunnel piétonnier actuels. Urgence climatique oblige, « le projet devra viser une sobriété écologique », précise la Mairie.

Le lancement du marché d’études, validé par le Conseil de Paris début décembre, sera l’un des derniers actes notables de la municipalité actuelle. L’attribution du marché, elle, est prévue en mai 2020, après les élections de mars. Les travaux eux-mêmes pourraient avoir lieu en 2023 et 2024. « Dans l’idéal, nous aimerions être prêts pour 2024, explique Jean-Louis Missika. Un nouvel Arc de triomphe pour les Jeux olympiques, ce serait pas mal, non ? »

20 décembre 2019

Kate Moss

kate78

kate80

kate44

kate45

20 décembre 2019

À voix nue : Entretien avec Catherine Deneuve

deneuve27

Pour le hors-série qui lui est consacré, Catherine Deneuve a accordé un entretien exclusif à Vanity Fair. Une discussion avec Philippe Azoury et Olivier Séguret, pour parler « de tout et de rien ». Et d'abord d'elle.

Il n’est pas simplement facile, il est inévitable que nous percevions aujourd’hui Catherine Deneuve pour ce qu’elle est et qu’on ne sait jamais décrire : ce vaste nuage de mots trop gros et pourtant insatisfaisants qui, tels des arômes puissants mais toujours insaisissables, se décap­sulent à l’approche de son nom : un phénomène, un mythe, une exception, un cas unique dans l’histoire de France et du cinéma, l’une des plus belles filmographies du monde, etc. Ainsi y a-t-il, vu d’ici et maintenant, une geste Deneuve, une mythologie, un récit doré qui paraît relever d’un destin sinon implacable, du moins très favorablement orienté : la beauté natu­relle, les dons évidents et surtout les origines culturelles qui tous l’encouragent, puisque Catherine Deneuve est une enfant de la balle qui n’en a pas l’air (son père travaillait pour la Paramount, sa mère doublait des films américains et sa grand-mère était souffleuse à la Comédie française). À tout cela, elle a ajouté sa propre marque : la finesse des choix, la force des rôles, la grâce des personnages, la chance des rencontres, l’épopée des amours...

C’est pourquoi il est difficile d’avancer aujourd’hui, avec ce recul qui semble opposer par avance la contradiction, que tout bien pesé, à l’origine, ce n’était pas gagné. Et pourtant... Bien qu’elle se fasse remarquer très jeune, Deneuve rechigne à sa trajectoire d’actrice et quelque chose lui résiste aussi dans ce possible accomplissement. D’abord, elle n’est pas sûre de vouloir devenir actrice, contrairement à sa sœur Françoise (Dorléac) qui en a fait un objectif précoce. Ensuite, malgré l’accueil qui lui est fait, Catherine va très vite se heurter à une image qu’elle ne maîtrise pas, pétrie dans les archétypes peu imaginatifs où l’on catalogue les actrices à l’époque. Blonde et froide, voire glaciale, sophistiquée et distante, d’une supériorité ambivalente : voilà sur quel rayon a vite été posée la belle. Il faut faire un sort à ce trait erroné en disant sa vérité : ce que l’on a reproché à Deneuve, aux confins du sexisme et de l’accusation en frigidité, c’est probablement... sa bourgeoisie.

On ne se débarrasse jamais tout à fait d’une enfance sur la plaine Monceau. Ses parents fréquentent des artistes, mais ne sont pas des saltimbanques – c’est plutôt à une certaine bourgeoisie du spectacle qu’ils appartiennent. Celle qui enveloppe Deneuve doit s’entendre comme texture, éducation, habitus... C’est une armure, certes, mais lourde aussi, comme un fardeau. Dans la vie, dans son rapport à son travail, dans la construction de son identité, oui, évidemment, Catherine Deneuve porte cette marque des origines. Son port de tête, que l’on dit de reine, le signe aussi : il se prête aussi bien aux perles qu’au garrot. Catherine, en effet, s’est toujours très bien tenue... La tenue entraîne la retenue. Tout le monde connaît ses amours célèbres et les enfants qui en ont parfois été le fruit. Mais nul n’a jamais pu la saisir en flagrant délit d’exhibitionnisme affectif. Jamais d’effusions sur la scène des César, pas de brouille têtue et médiatisée, pas de prétention dynastique non plus. En toutes circonstances, Deneuve reste maîtresse d’elle-même. En faisant de ce fardeau le levier d’une identité plus complexe, Deneuve a passé la première épreuve des « images » que l’on colle aux actrices. Elle ne cessera de traverser toutes les autres sur le même modèle, en assumant les charges pour mieux les renverser.

Jusqu’à renverser sa propre identité ? C’est l’idée qui nous traverse devant La Vérité, le film du Japonais Hiro­kazu ­Kore-eda qui doit sortir le 25 décembre. Jamais film n’a su rire à ce point de son titre : Deneuve y interprète un fantasme négatif, celui que l’on accole à toutes les divas, terribles, qui ont régné sur l’histoire du cinéma, leurs caprices, leur cruauté, leurs râles, leur ego trip, leur férocité... On se pince pour le croire, et on entend le film jouer la comédie. Mais comme le scénario intègre au personnage des éléments intimes de la vie de l‘actrice, il y a alors trouble de la vue, sortie de route de la perception, contagion du vrai par le faux, et vice-versa : on se plaît à tout croire et à ne plus rien savoir.

deneuve22

Dans cette galerie des identités Deneuve, il y a aussi l’hypothèse d’un tableau volé : une toile qui manque, une vie qui aurait pu... Une vie sans la disparition de sa sœur Françoise, ce très lourd chagrin. Une vie où Dorléac aurait été là et où tout, peut-être, aurait pu être différent. Serait-il possible d’imaginer sans indélicatesse que quelque chose de ce drame est inscrit dans la peau, le cerveau, dans les yeux, dans le jeu, de Deneuve ? Cette mélancolie rarement dissipée, ce charme rompu, empêché par une forme d’interdiction au bonheur, cette force intimidante aussi, dont le temps a lustré la cuirasse. Et même cet aplomb dans lequel elle maintient les rôles les plus tragiques, comme s’ils pesaient toujours moins que la tragédie vraie.

Voilà, en gros, à quoi l’on pensait, mercredi 16 octobre, lorsque nous prenions un café à quelques encablures de l’hôtel où Catherine Deneuve nous avait donné rendez-vous. Si le temps le permet (et il l’a permis de justesse : mitigé, automnal), nous resterions dans le petit jardin à la japonaise. Nous bavarderions une heure, mais pas davantage, avait-elle prévenu (et elle fut exacte, l’interview dura exactement une heure et deux minutes). On fumerait, « comme des pompiers ». On la jouerait promo’ mais pas trop. Ce que nous sommes venus chercher, dans cette nouvelle rencontre avec elle, c’est à peine un secret, et par-dessus tout un Polaroid : quelque chose de vivant, de spontané (qui veut d’un mausolée ? Pas elle, pas nous), une Deneuve, à l’instant T. Une Deneuve d’octobre, an 2019, midi-treize heures. Paris, VIe arrondissement.

Cannes, le 25 mai 2019. « J’ai le trac au cinéma. Le trac des premiers jours. Mais pas quand je suis à Cannes. Je suis assez philosophe dans ces moments-là. »

Notre première question porte naturellement sur le film de Kore-eda, qui représente une actrice française, une star, dans son intérieur, avec sa famille, son assistant. Est-ce que ce film, La Vérité, qui est une fiction, dit la vérité, toute la vérité ou un peu de la vérité sur vous ? Comment délier le vrai du faux ?

La vérité...Oh, la vérité sur moi, moi-même, je ne la sais pas. Même après avoir vu le film.

Encore moins après avoir vu le film. Il est particulièrement troublant pour le spectateur. On se demande jusqu’à quel point vous l’avez inspiré.

Je ne l’ai pas co-écrit. Je ne me suis pas non plus fait manipuler, ou je ne sais quel type de rapport de ce genre. D’ailleurs, la mani­pu­la­tion d’un acteur, je crois que ça n’existe pas. Les films sont faits sur des accords tacites entre le metteur en scène et l’acteur. Quant à cette actrice, le personnage, c’est une femme qui est très loin de moi. C’est d’ailleurs ça qui est bien, même si j’avoue que ça m’a dérouté un peu au début. Paraître par endroits si proche, en apparence, de cette femme, une actrice de ma génération ayant eu une sœur actrice, et la voir agir si différemment de celle que je suis, c’était déstabilisant. Mais peu à peu, c’est cela qui m’a plu. D’ailleurs, quand j’y pense, des actrices qui se ­comportent comme ça, en tyran pourrait-on dire, toujours dans la compétition féroce, ce n’était déjà plus le cas dans ma génération. Ces rivalités entre actrices étaient déjà d’un autre temps. Lorsque j’ai lu le scénario, je me suis quand même dit : « On va croire que c’est ça, Catherine Deneuve ! » Mais cette pensée s’est dissipée très vite. Le film est amusant dans sa vacherie. Il dit surtout beaucoup de choses sur l’idée que l’on se fait des actrices : des femmes à qui il est égal d’être de mauvaises mères, de mauvaises épouses, du moment qu’elles peuvent rester de bonnes actrices.

Parce que ce n’est pas le cas [rires] ?

Non, ce n’est pas le cas du tout, non. On accepte bien des cinéastes qu’ils soient... ...des monstres ? Oui. Mais la responsabilité d’un cinéaste envers son film n’a rien à voir avec l’engagement d’un acteur. Un acteur est partie prenante, mais il n’est qu’une partie du film. Le metteur en scène, c’est le film. C’est un chef d’orchestre.

Alors quid de la théorie éblouissante d’Arnaud Desplechin selon laquelle vous, Cathe­rine Deneuve, actrice, êtes fina­lement un cinéaste, quelqu’un dont la filmographie dessine une cohérence qui appartient aux grands auteurs ?

Ha ha ha... Oui... Franchement, je n’y pense pas souvent. Mais quand j’ai lu le texte d’Arnaud Desplechin, ça m’a fait rire – enfin, sourire. Je ne pense quand même pas être la seule à être un peu metteuse en scène de ma propre représentation.

Luc Moullet pensait ça aussi de certains acteurs américains, qu’ils étaient des auteurs, que leur présence co-signait le film...

Oui, c’est vrai que l’acteur imprègne le personnage et qu’à un certain moment, quand l’acteur est un peu connu, c’est incontour­nable, une chaîne se crée, de personnage en personnage. À moins d’être Robert De Niro qui se rend méconnaissable et prend 20 kg pour tourner Raging Bull, un acteur vient avec sa personnalité, avec sa voix. On peut jouer des personnages différents, mais on emmène quelque chose de ses précédents. On imprègne, oui.

deneuve25

Quelle part de vous qui aurait cette force de signature ?

Je dirais ma voix, son timbre, son rythme, le phrasé de ma parole. Je rêve de jouer, une fois, un rôle entièrement muet. Ce serait inté­res­sant de voir ce qui resterait de mon jeu. Sans cette voix, sans ce tempo. D’autant plus que je me rends compte que les metteurs en scène, de plus en plus, aiment que l’on parle vite.

Mais vous, pas tant que ça, non ? Quand on revoit Hôtel des Amériques d’André Téchiné, on est surpris par la lente dégus­ta­tion que vous avez des dialogues. Vous les savourez.

Je ne sais pas si André tournerait ce film ainsi aujourd’hui, s’il nous laisserait prendre ce temps-là... Avec le temps, j’ai vu des metteurs en scène accélérer beaucoup. André cherche aujourd’hui une énergie liée à la rapidité. Il a vraiment changé, de ce point de vue.

Vos rôles ont-ils une vitesse ?

Dans Le Dernier Métro, je sens qu’effectivement, on a joué avec ça. On a ­commencé lentement, avant d’accélérer. Ça fait tellement longtemps que je fais des films que, d’une certaine façon, ces changements de vitesse ont aussi fini par faire partie intégrante de ma personnalité. Vous avez froid ?

Non, on a le trac [rires]. Il n’y a jamais eu d’interruption dans votre carrière ?

Même enceinte, j’ai tourné : une participation pour le film de [Jean-Pierre] Melville, Un flic, quand j’attendais Chiara. Il n’y a pas, dans votre carrière, de périodes, de come-back... Je sais. Beaucoup d’actrices, y compris chez les plus grandes, ont connu une éclipse après 35 ans et sont revenues vers la cinquantaine. Danielle Darrieux, pour prendre quelqu’un que j’admire infiniment, a connu cette parenthèse-là ; moi non. J’ai toujours tout fait en même temps, les films, élever mes enfants... Ce fil continu brouille la perception du temps. On évoque des films et, spontanément, je me dis : « Oh ça, ça devait être il y a vingt ans. » Mais non, c’était il y a quarante ! Ma notion du temps vis-à-vis du passé n’est plus réaliste. Oui, Le Dernier Métro aura bientôt 40 ans.

Vous arrivez à appréhender votre carrière ?

Non, je manque de recul là-dessus. Non pas parce que j’enchaîne et que je serais une machine de guerre – je ne tourne pas dix mois sur douze non plus. Mais je n’arrive pas à prendre du recul sur mes films...

Beaucoup tourner, c’est aussi un moyen pratique de ne surtout pas se retourner ?

Ce n’est pas dans mon caractère de me retourner, de songer en permanence au passé. Ni de me projeter dans le futur. Je suis dans le présent, beaucoup dans le présent. Je n’ai toujours été que là. Accepter de beaucoup tourner, c’était, je crois, au départ, pour fuir des choses difficiles, douloureuses [silence]. Oui, j’ai toujours été dans le présent. Mais aussi parce que je suis de nature plutôt mélancolique, vous voyez ? Il faut une part de mélancolie pour investir le présent. Mais on a beau vivre intensément au présent, il reste encore beaucoup trop de mélancolie. Ça ne part pas. Non, on ne peut pas s’en débarrasser complètement.

Tourner beaucoup, c’est aussi se maintenir sur des courants porteurs ?

Oui, c’est ça, exactement. J’ai tout appris en même temps, la vie et les films, j’ai appris la vie dans les films, ce sont les films qui m’ont fait avancer, les films qui ont tissé mes relations avec les gens. Mais c’est ma curiosité et mon goût pour les choses pas trop banales qui m’ont sauvée.

Vous avez lu Encre sympathique, le dernier roman de Patrick Modiano ? C’est celui de ses livres où il semble enfin réconcilié avec l’idée d’oubli. Pour la première fois, chez lui, l’oubli n’est plus un ennemi.

Non, pas encore, hélas, car je tourne ces jours-ci [avec Emmanuelle Bercot]. C’est un tout petit livre, n’est-ce pas ? Il aurait enfin du plaisir à oublier, Patrick ? Il en a de la chance...

Vous n’y arrivez pas ?

À oublier ? Non. En vérité, ne me tournant pas beaucoup sur le passé, je n’en souffre pas trop. Mais dès que je m’arrête, c’est vrai que... Donc, je suis beaucoup dans le présent.

Ce n’est pas dans mon caractère de songer en permanence au passé. Ni de me projeter dans le futur.

Il est inquiétant, le présent.

Oui, mais il faut avancer, toujours. Mais vous avez raison, il est flippant, le présent.

Est-ce que vous avez peur ?

Comment se blinder devant le pessimisme ambiant ? Encore une fois, en faisant des choses. À moins d’être un activiste, ce que nous faisons n’empêche pas l’inquiétude, ne la fait pas reculer...

C’est quelque chose qui vous tente, l’engagement ?

Non. Cela m’est arrivé de participer à des actions contre la peine de mort, de signer pour des causes. Mais ce n’est pas de l’activisme, au sens strict du terme.

En mai 1968, vous étiez à Paris ? Je tournais La Chamade. Nous nous sommes arrêtés ! Par la force des choses. Alain Cavalier était désespéré. Ce n’était pas qu’il était contre le mouvement étudiant, mais un metteur en scène sur un tournage ne pense plus qu’à son film, et heureusement, d’une certaine façon. Le chef opérateur, Pierre Lhomme [qui a travaillé avec Éric Rohmer, Jean Eustache, Marguerite Duras, Chris Marker, Costa-Gavras, Jean-Paul Rappeneau] était très engagé politiquement et ne voulait plus tourner

Est-ce que vous vous dites, face au présent, à ce sombre présent, qu’il nous a rattrapés, que quelque chose que l’on avait plutôt pensé avoir laissé derrière nous, revient ?

Il y a, disons, un nuage assez sombre, qui a pris au fur et à mesure beaucoup de place, s’est beaucoup rapproché et devant lequel on est tous un peu désarmé, à titre individuel.

Ressentez-vous cette inquiétude dans le cinéma ?

Oui, dans la mesure où il est de plus en plus difficile de produire des films. En même temps, c’est paradoxal, on peut avoir le sentiment, en tout cas c’est un sentiment que j’ai parfois, que l’on produit beaucoup trop de films en France. C’est presque de la folie. Certains mercredis, ça en devient effarant... Et le paysage du cinéma a changé. La télévision, en entrant dans la production, a changé des règles. Désormais, il y a les plateformes, les séries...

deneuve26

Aujourd’hui, un film prend deux à trois ans pour se faire, y compris dans des conditions plutôt bonnes. Vous avez connu une époque, celle des années 1960, où un cinéaste faisait parfois deux films par an : Truffaut, Godard, Chabrol tournaient énormément.

François Ozon fait encore un film par an. Benoît Jacquot aussi. À la différence que François écrit ses propres films, alors que souvent Benoît s’entoure ou adapte. Le cinéma, vous continuez d’y aller beaucoup ? Ah oui, toutes les semaines. Le film de Christophe Honoré, j’ai attendu de le voir avec un vrai public, le mercredi, en salle. Dans l’avion, je ne regarde jamais de film. Je ne peux pas faire ça au metteur en scène, c’est trop petit, réduc­teur, le son est catastrophique. Et puis dans un avion, on devient indulgent. On trouve tout bien. C’est normal : on est tellement content d’être distrait durant deux heures...

Ils devraient faire les projections de presse dans les avions...

Ha ha oui [elle éclate de rire]. Les critiques ne diraient que du bien. Donc oui, j’ai vu Chambre 212, le film de Christophe Honoré que j’ai adoré, en salle. Même chose pour celui d’Arnaud Desplechin, Roubaix, une lumière. Quelle mise en scène ! Ce que ce film dit sur ce que c’est qu’un acteur : Rosh­die Zem et Léa Seydoux sont incroyables dedans. Les Éternels de Jia Zhangke, drôle de titre, mais très grand film. Extraordinaire, vraiment... Grand cinéaste, Jia Zhangke. Et Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-eda, palme d’or en 2018, j’avais adoré ça. La palme d’or de cette année aussi : Parasite de Bong Joon-ho, c’est brillant, c’est drôle, c’est féroce, foudroyant sur la lutte des classes... Voilà mes goûts récents. J’ai besoin d’aller au cinéma pour me protéger de ce monde. Mais j’ai besoin, toujours, d’être dans la vie. Dans la vie de tous les jours. Je vis très normalement, quand même.

Je suis très terrienne, contrairement à l’idée que l’on peut se faire de moi. Je m’intéresse à la vie, je m’intéresse aux gens.

Terrienne ?

Oui, c’est ça. Citadine, je dirais plutôt, car malheureusement, je vis en ville. Pourtant, la situation des agriculteurs m’intéresse beaucoup. C’est quelque chose qui me tient à cœur, je suis ça de près. Oui, je suis très terrienne, contrairement à l’idée que l’on peut se faire de moi. Je m’intéresse à la vie, je m’intéresse aux gens. Je lis beaucoup de presse.

La musique, aussi ?

Oui, elle prend beaucoup de place, la musique. Elle ne laisse pas beaucoup de temps... J’avais été surpris, il y a quelques années, au Maroc, dans les montagnes des Ahl Serif, en visitant le village de Jajouka, où vit une tribu de musiciens magiques. Il y avait là, encadrée dans la salle de répétition, une photo de vous, prise dans le village, parmi ces joueurs de flûte... Oui ! Il avait fallu y aller en voiture, arriver de nuit dans ce village tribal, écouter cette musique incroyable, cette transe millénaire. J’aurais voulu rester là toute la nuit à les écouter. Mais j’étais avec des amis qui ne voulaient pas rester. J’ai toujours regretté d’avoir passé trop peu de temps à Jajouka.

On tombe sur cette photographie de vous là-bas et on se dit : « Il y a une partie de Catherine Deneuve que le public ne connaît pas, ne soupçonne pas. »

Cette partie-là de moi est celle dont je parlais, celle qui m’a sauvée, celle qui est dévouée à la curiosité. Animée par elle. Toujours, partout. La curiosité a pu m’emmener sur des chemins de traverse, vraiment.

Nous avons une question que l’on a dû souvent vous poser, mais dont on a oublié la réponse... [rires] : pourquoi si peu de théâtre ?

À cause du trac. Je fais un cauchemar récurrent où je me vois monter sur scène et où je me retrouve incapable de jouer. Mais le théâtre, j’en rêve... enfin, j’en rêve : j’en fais surtout régu­liè­rement des cauchemars ! Il revient tout le temps, celui-là : je me vois perdue sur scène, on n’a pas assez répété, je ne suis pas prête...

Comme ces gens qui rêvent qu’ils ratent leur bac ?

Exactement. Du coup, est-ce que je serais capable de surmonter ce trac pour monter sur scène ? Par moments, ça me caresse un peu, mais ça ne dure pas. Je ne crois pas que je pourrais., je ne le crois pas. Je sais que les acteurs de théâtre, ceux que je connais en tout cas, éprouvent aussi ce trac. Mais sans doute qu’en entrant sur scène, il les amène à se dépasser. Chez moi, le trac ne produit pas d’énergie, il prend la forme d’une névrose. Il dit ma peur : celle d’être sur une scène face à des gens qui ne regardent que vous. Tout le contraire, pour moi, du cinéma.

Au cinéma, vous avez joué des rôles d’actrices de théâtre.

Oui, et ça m’a bien plu. Jouer une actrice de théâtre au cinéma, ça va. Dans Le Dernier Métro évidemment. Mais deux autres fois encore, dans Est-Ouest de Régis Wargnier. Et dans un Raoul Ruiz avec Michel Piccoli, Généalogies d’un crime. Mais on est protégé, c’est du cinéma. On joue son propre trac. Et puis on est séduit, on flirte avec l’idée du théâtre, on se dit : « Alors donc c’est ça, ça doit faire ça, d’être sur une scène... » On est tenté. Mais, très vite, les mêmes hantises reviennent : le trac, la peur, l’inquiétude face à l’unité de lieu et d’action, le regard des autres...

Mais ce trac, l’avez-vous au cinéma, avant et pendant la prise ?

Oui, j’ai le trac aussi au cinéma. Le trac des premiers jours. Mais ça n’agit pas de la même manière. Il n’y a pas l’immédiateté de la scène, du public, de ce que l’on doit jouer. C’est plus un état permanent, comme ça, un peu flottant, la première semaine, on ne sait pas encore faire avec le personnage, comment l’amadouer. Là, je commence le tournage du prochain film d’Emmanuelle Bercot. C’est la première semaine et je suis assez tendue.

C’est quoi ?

C’est un très beau sujet, difficile mais beau : cela s’appelle De son vivant. L’histoire d’un jeune homme très malade, pris dans une relation fusionnelle avec sa mère, et qui accepte un traitement qui va l’amener à affronter les choses. Il y a au centre de cela un méde­cin extraordinaire, qui aide les gens à accepter l’inacceptable. C’est Benoît Magimel qui joue ce jeune homme. Très beau scénario.

Lorsque vous êtes à Cannes, par exemple, sur scène ou dans la salle, pour dévoiler un film, éprouvez-vous encore cette peur ?

Non. Je suis assez philosophe dans ces moments-là... Je n’ai pas cette forme de trac.

Les directs télé ?

Les directs télé, ça va. En revanche, monter sur scène pour remettre un prix, ou pour une cérémonie, ça devient tout de suite difficile. Parce que soudain, plus de personnage derrière lequel se cacher ? C’est surtout l’idée d’être parmi cette foule énorme, qui ne regarde que vous. Cette concentration de regards me fait paniquer. Je peux avoir ça si je suis prise dans une foule, aussi.

Vous dites, le regard des autres... Pourtant, on vous croise dans Paris, vous allez plusieurs fois par semaine au cinéma.

Oui, mais je vis dans mon quartier depuis très longtemps, les gens ont pris l’habitude de me voir, je vais dans les mêmes cinémas, il y a toujours un petit murmure, un « ah, c’est Catherine Deneuve », mais les gens sont beaucoup plus discrets qu’on ne le croit. Et puis les gens du quartier ont fini par ne plus s’étonner de me voir. La ville ne me rend pas paranoïaque et je n’aime jamais autant le cinéma que dans une salle, avec des gens que je ne connais pas.

À l’étranger ? Dans une mégalopole comme New York ?

Alors là, aucun problème. Je peux marcher, me balader. En Italie, c’est encore un peu difficile.

Londres ? Vous voulez rire ? À Londres, les gens vous regardent à peine. Je pourrais pratiquement sortir nue [rires].

Il y a des villes, des pays, qui vous ont marquée durablement ? J’ai beaucoup aimé tourner au Vietnam. Une expérience importante pour moi. Même le fait d’être en Asie pendant deux mois pour un tournage, c’est une immersion qui nourrit beaucoup. Ne pas être là-bas en vacances, dix-quinze jours. Travailler. Faire l’expé­rience de ça. Sinon j’aime beaucoup être en Italie. Sans doute parce que je comprends assez bien la langue et que je la parle un peu. Et la langue, ça compte quand on prend l’atmosphère d’une ville : entendre des choses, les comprendre un peu sans vraiment les écouter. Il y a quelque chose de particulièrement délicieux pour un Français en Italie, c’est un pays si proche... «

Les Français sont des Italiens de mauvaise humeur », disait Cocteau.

Ha ha ! Oui c’est vrai, il y a de ça.

deneuve24

Avec Michel Piccoli et Alain Cavalier sur le tournage de La Chamade en juillet 1968.

Vous êtes associée à la mode depuis très longtemps.

Je dois beaucoup cela à Yves Saint Laurent. Si ma relation avec lui est très marquée, c’est qu’elle a duré quarante ans. Mais la mode est une affaire qui concerne toutes les femmes. Avec Yves, sur quatre décennies, forcément, j’ai appris beaucoup de choses que je n’aurais jamais sues si j’avais simplement ­papillonné­. Il n’y avait pas d’intérêt promotionnel à l’origine de notre relation.

C’est devenu courant de voir des acteurs associés à de grandes maisons. Auriez-vous été le prototype de ce mouvement ?

Aujourd’hui, ça n’a rien à voir : les actrices et acteurs sont liés à des maisons de couture pour des raisons financières, par des contrats qui durent trois ou cinq ans. C’est ponctuel et stric­tement commercial.

deneuve23

Vous avez aussi eu un contrat avec YSL ?

Oui, mais très tard, quand ils ont ouvert un institut de beauté et lancé leurs produits cosmétiques. Nous étions déjà amis depuis vingt-cinq ans. C’était une relation vraiment personnelle. Au départ, j’étais une cliente, une cliente bien sûr un peu privilégiée, et puis c’est devenu progressivement une maison où je connaissais tout le monde. Yves ne m’a jamais rien montré avant les défilés. C’était un processus très privé, très secret, qui se pratiquait au sein d’un minuscule cénacle.

Quel œil gardez-vous sur la mode ?

Il y a de plus en plus de prêt-à-porter, ou du prêt-à-porter de luxe, mais il y a de moins en moins de vraie couture et de vrais couturiers. Il y a bien sûr Jean Paul Gaultier, que j’aime beaucoup et qui est un vrai tailleur lui aussi. Et puis il reste de grands stylistes. Hedi Slimane par exemple, dont je suis le travail depuis sa période Saint Laurent, ou Nicolas Ghesquière et Anthony Vaccarello que je trouve tous très bons.

La mode est-elle une façon de mordre sur le présent ?

Oui, ce petit futur très proche... Mais ça n’a plus l’importance que cela avait pour moi, je n’ai plus le même regard. J’entretiens un rapport plus lointain avec ce qu’on appelle « la mode ».

Cela ne tient-il pas aussi au fait que les personnages des films sont de plus en plus mal habillés ?

C’est vrai ! Mais cela vient d’une tendance générale à l’authentique : les costumiers font très rarement les costumes, ils achètent beaucoup en friperie. Il reste quelques films pour lesquels on fabrique vraiment les vêtements, mais c’est devenu rare.

Publicité
Publicité