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Jours tranquilles à Paris
5 décembre 2019

La Haute-Savoie, camp de base d’espions russes spécialisés dans les assassinats ciblés

Par Jacques Follorou

Une traque a permis de localiser quinze officiers du renseignement militaire. Certains y sont venus à de nombreuses reprises, en provenance de Londres, d’Espagne ou de Suisse.

La vengeance est un plat qui se mange froid, surtout dans le monde de l’espionnage. Selon les informations du Monde, une traque sans précédent, lancée, au printemps 2018, par les services de contre-espionnage britannique, français, suisse et leurs partenaires, notamment américains, a permis de dresser une liste de quinze officiers du renseignement militaire russe (GRU). Ces membres d’une même unité, spécialisée dans les assassinats, ont circulé en Europe, de 2014 jusqu’à la fin 2018.

Tous ces services secrets se sont mobilisés après l’attaque au Novitchok – un agent neurotoxique innervant de l’ère soviétique –, le 4 mars 2018, à Salisbury, dans le sud de l’Angleterre, par deux officiers du GRU, menée contre Sergueï Skripal, un ancien collègue passé à l’Ouest.

Base arrière et logistique

Cette vaste chasse aux tueurs, à laquelle la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a fortement contribué, a montré que les quinze officiers du GRU ont transité et résidé en France pendant cette période. Certains à de nombreuses reprises, d’autres une ou deux fois. Ils venaient de Londres, de Moscou, d’Espagne ou de Suisse. L’Hexagone a pu leur servir d’étape dite « de sécurité » avant que ces agents, rompus aux techniques de clandestinité, n’atteignent leur destination finale.

Ces hommes ont très régulièrement séjourné dans la même zone, en Haute-Savoie, dans des villes comme Annemasse, Evian ou Chamonix, et dans des bourgs plus isolés. Avant cela, ils ont souvent atterri à Roissy ou à Lyon, une fois à Nice, avant de passer la nuit dans un hôtel à Cannes (Alpes-Maritimes), et de nombreuses fois à Genève. Ils ont alors loué des voitures pour se rendre en Haute-Savoie.

Si de nombreuses questions subsistent encore, cette région frontalière avec la Suisse aurait, selon le contre-espionnage français, servi de base arrière et logistique à ce service action du GRU pour des actions menées dans toute l’Europe.

LA TENTATIVE D’EMPOISONNEMENT DE M.SKRIPAL A RÉSONNÉ COMME UN ACTE DE GUERRE CHIMIQUE ET UNE GRAVE PROVOCATION

Aucune trace d’opérations de cette unité du GRU n’a été, à ce jour, détectée en France. La fonction de « camp de base » de ce département pourrait expliquer le choix des services russes de ne pas attirer l’attention des autorités locales en opérant sur le sol français.

Assassinats et sabotages

Ces quinze agents sont rattachés à l’unité 29155 du 161e centre de formation spéciale du GRU. Cette institution formait, à l’époque de la guerre froide, les cadres des guérillas communistes en Asie, en Afrique ou en Amérique centrale.

Reconvertie, depuis la chute du mur de Berlin, en service d’action clandestine, cette unité se livre désormais à l’assassinat, au sabotage ou à des tâches plus obscures comme la relève des « boîtes aux lettres mortes », moyen de communication des agents secrets dans le monde. Leur modus operandi, assez atypique dans le monde de l’espionnage, explique la mutualisation des efforts pour traquer ces hommes.

Car, si la tentative d’empoisonnement de M. Skripal, en mars 2018, a avorté, elle a résonné, pour Londres et ses alliés, comme un acte de guerre chimique et une grave provocation. Le produit toxique très dangereux avait été jeté dans un parc après son utilisation, ce qui a causé, quelques semaines plus tard, la mort d’une femme, et contraint à l’hospitalisation de plusieurs personnes.

C’était aussi la première utilisation d’une arme chimique en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Une pratique, dangereuse pour le grand public, qui illustre l’extrême agressivité de la Russie et transgresse les règles, pourtant très souples, de l’univers du secret.

Une opération contre le Monténégro

Les services secrets anglais, français, suisse et leurs partenaires, notamment américains, seraient parvenus à identifier ces quinze agents du GRU dès 2018, après avoir « remonté » tous leurs déplacements.

Les noms de certains officiers figurant sur cette liste sont déjà sortis au fil d’enquêtes journalistiques. A l’automne 2018, le site d’investigation anglais Bellingcat et son partenaire russe The Insider avaient révélé ceux des deux auteurs de la tentative d’empoisonnement au Novitchok : Alexandre Michkine, alias Alexandre Petrov, et le colonel Anatoli Tchepiga, alias Rouslan Bachirov. Mi-février, Bellingcat livrait le nom d’un troisième homme, coordonnateur de l’opération de Salisbury, le major général Denis Sergeev, alias Sergueï Fedotov, diplômé de l’Académie diplomatique militaire de Russie.

Fedotov a également été repéré en Bulgarie. Il aurait dirigé, le 28 avril 2015, une tentative d’empoisonnement contre Emilian Gebrev, un fabricant d’armes perçu comme hostile aux intérêts du Kremlin dans la région.

Ce dernier s’était effondré lors d’une réception, à Sofia. Son fils et un haut cadre de son entreprise avaient également été touchés. La cible et les victimes collatérales en ont réchappé. Le parquet bulgare a confirmé, pour sa part, les soupçons visant « un agent du GRU », du nom de Fedotov, s’étant rendu à trois reprises en Bulgarie au moment des faits.

Fin novembre 2019, en poursuivant leur travail sur l’opération avortée en Bulgarie, Bellingcat, The Insider et le magazine allemand Der Spiegel ont découvert les alias de six autres membres de l’unité 29155 : Vladimir Popov, Nikolaï Koninikhin, Ivan Lebedev, Danil Stepanov, Sergueï Pavlov et Georgy Gorshkov, chargés de la sécurité et de la logistique.

Ces organes de presse montraient aussi qu’ils avaient participé à d’autres missions, notamment en 2014, lors de l’annexion de la Crimée et lors d’une campagne de déstabilisation de la Moldavie. Vladimir Popov, lui, semble avoir codirigé, fin 2016, avec un autre agent de l’unité, Eduard Chichmakov, alias Eduard Chirokov, une opération contre le Monténégro alors que ce pays tentait de se rapprocher de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Demande d’entraide judiciaire

Selon l’enquête du Monde, l’un de ces agents, Sergueï Pavlov, a également été repéré par les services de renseignement britanniques, fin 2017, sur leur sol. Son passage serait lié à la tentative d’empoisonnement de Sergueï Skripal. Il compléterait le trio composé d’Alexandre Petrov, de Rouslan Bachirov et de Sergueï Fedotov.

Dans l’affaire Skripal, la France a fait l’objet d’une demande d’entraide judiciaire du Royaume-Uni pour retrouver deux familles françaises ayant occupé la chambre d’hôtel que venaient de quitter les deux auteurs de l’attaque au Novitchok. Les autorités voulaient s’assurer que leur santé n’avait pas été mise en danger par des restes de l’agent neurotoxique. Ce qui ne fut pas le cas.

Nos recherches, confirmées par des sources issues du renseignement, ont permis la mise au jour des noms de cinq autres membres de l’unité 29155, figurant sur la liste des quinze tueurs du GRU. Connus par leurs seuls alias, il s’agit d’Alexandre Koulaguine, d’Evgueni Larine, de Timour Nouzirov, de Naman Youssoupov et de Guennadi Chvets. A l’instar des autres membres de cette unité, ils ont transité et séjourné en France et en Haute-Savoie.

Fedotov, le coordonnateur des opérations de Salisbury, en 2018, et de Sofia, en 2015, est localisé à Paris, le 12 novembre 2014. Il reste en France jusqu’au 1er décembre de la même année. En avril 2016, il fait l’aller-retour entre Londres et Lyon.

Le 9 septembre 2017, Petrov et Bachirov, les deux empoisonneurs au Novitchok de Salisbury, arrivent à Paris en provenance de Moscou. Ils feront le chemin inverse une semaine plus tard. Entre-temps, ils se sont rendus en Haute-Savoie. Les mêmes reviennent à Paris, le 25 octobre 2017, retournent en Haute-Savoie, avant de reprendre l’avion, le 4 novembre, pour Moscou en décollant de Genève. Ils feront encore des trajets similaires en décembre 2017 et janvier 2018.

Un lieu discret fréquenté par les Russes

Le contre-espionnage français, britannique et suisse n’a pas trouvé, à ce jour, en France, de caches de matériels, d’armes ou pu confondre des complicités locales. Ils ont néanmoins pu identifier des lieux de restauration ou de résidence et même ceux de shopping, pour des vêtements ou des objets plus précieux.

Des commerçants, visités plusieurs fois par certains agents du GRU, ont fait l’objet de vérifications approfondies mais aucune preuve de compromission n’a pu être relevée.

Fin 2019, l’hypothèse « la plus probable », retenue par un haut responsable du renseignement français, reste de considérer « la Haute-Savoie comme une base arrière pour l’ensemble des opérations clandestines de l’unité 29155 en Europe ». Facile d’accès, frontalière avec la Suisse, c’est un lieu discret fréquenté par les Russes, à l’instar d’une ville comme Megève.

LES AGENTS TUEURS DU GRU SE SERAIENT ABSTENUS DE TOUTE COMMUNICATION AVEC LES ESPIONS RUSSES AGISSANT SOUS COUVERTURE DIPLOMATIQUE

Lors de leur séjour en France, les membres de l’unité 29155 n’auraient eu aucun contact avec d’autres cellules du GRU, comme celle chargée du cyberespionnage militaire (unité 26165), dont les membres ont aussi transité en Suisse et en Haute-Savoie, à Annemasse et à Evian.

Le contre-espionnage français avait mis en lumière l’implication de cette autre unité du GRU, fin 2016 et 2017, lors d’opérations de piratage informatique visant, en Suisse, l’Agence mondiale antidopage (AMA). De même, les agents tueurs du GRU se seraient abstenus de toute communication avec les espions russes agissant sous couverture diplomatique dans les consulats ou à l’ambassade de Russie en France.

Le dernier passage dans l’Hexagone de membres de l’unité 29155 figurant sur la liste des quinze tueurs du GRU date de septembre 2018, sept mois après l’affaire Skripal. Le contre-espionnage français ne les verra plus après.

A la même époque, les noms de certains avaient, il est vrai, été publiés dans la presse. Et surtout, des mandats d’arrêt européen ont été délivrés, en 2018, dans le cadre de l’affaire Skripal contre Alexandre Petrov, Rouslan Bachirov, Sergueï Fedotov et Sergueï Pavlov.

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4 décembre 2019

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3 décembre 2019

Alcool : les associations s’emparent du défi du « janvier sec »

Par Pascale Santi

Les associations de promotion de la santé font valoir les bienfaits d’initiatives similaires au Royaume-Uni et en Belgique. L’opération n’a pas obtenu le soutien des pouvoirs publics.

Les associations d’addictologie et de promotion de la santé, dont notamment la Fédération Addiction, Aides, la Ligue contre le cancer… ne baissent pas les bras, loin de là. Elles ont annoncé dans un communiqué commun, mardi 3 décembre, qu’« il y aura bien » une campagne de « Dry January » en France, « malgré les efforts du lobby alcoolier, malgré l’annulation, sous pression de l’Elysée, de l’opération “Mois sans alcool” initialement prévue par Santé publique France ».

France Assos Santé, qui regroupe 85 associations de patients et usagers, veut encore y croire. Dans un communiqué, lundi 2 décembre, intitulé « Monsieur le Président, clarifiez votre position », elle appelle Emmanuel Macron à dissiper cet « affreux malentendu » et demande que « ce soit bien à l’agenda de janvier 2020 ». En attendant, France Assos Santé soutient le Dry January à la française.

A l’instar du concept britannique, lancé en 2013 par l’association Alcohol Change UK, ces associations invitent à relever « le défi de janvier », et à faire une pause d’un mois sans alcool, afin d’en « ressentir les bienfaits » et de se questionner sur sa propre consommation. Une sorte de bonne résolution pour bien démarrer l’année, de détox après la période de fin d’année.

Teint plus frais, meilleur sommeil, économies...

Les associations s’appuient sur des expériences qui fonctionnent depuis plusieurs années dans le monde. Quatre millions de personnes ont relevé le défi du Dry January britannique en 2019, ils n’étaient que 4 000 la première année. En Belgique, en février 2020, ce sera la quatrième édition de la Tournée minérale, qui avait compté plus de 120 000 participants un an auparavant.

Les bénéfices sont nombreux. Ainsi, « neuf participants sur dix ont ressenti au moins un de ces effets après un mois : reprise d’énergie, perte de poids, teint plus frais, meilleur sommeil, économies… », explique Sophie Adam, de la Fondation belge contre le cancer, qui a créé l’opération et en finance la moitié. « Réticents au départ, certains restaurants et même des marques de bière participent à l’opération en proposant plus de boissons sans alcool. »

Même constat des bienfaits au Royaume-Uni : ne pas boire d‘alcool pendant un mois améliore certains paramètres, comme la tension artérielle, la résistance à l’insuline, la glycémie, le cholestérol sanguin, les niveaux de protéines liées au cancer dans le sang, etc., selon une étude menée en 2018 par le Royal Free Hospital, publiée dans le British Medical Journal, qui a porté sur 141 buveurs, de modérés à lourds.

Une autre évaluation montre que les participants n’ayant pas bu d’alcool en janvier remarquent une meilleure concentration, un sommeil de meilleure qualité (pour 71 % d’entre eux), plus d’énergie. Autre effet, 88 % ont économisé de l’argent ; 71 % ont réalisé qu’ils n’ont pas besoin d’un verre pour s’amuser, note Richard de Visser, de l’Ecole de psychologie de l’université du Sussex, qui a conduit ces travaux auprès de 2 821 personnes à partir de sondages en ligne. Autant d’éléments qui incitent selon lui à participer.

A l’instar de la Tournée minérale belge, l’effet le plus important du Dry January britannique est la baisse significative de la consommation, qui se mesure encore six mois après l’événement : un verre de moins par jour et un jour de plus sans consommer par semaine, selon les études, et un meilleur autocontrôle sur le refus de consommer.

« Les lobbys ont eu raison de ce défi »

En France, l’opération lancée par le monde associatif et la société civile « est un challenge motivant, positif, non moralisateur et en aucun cas une injonction médicale », rappelle Mickaël Naassila, président de la Société française d’alcoologie (SFA). « On a du mal à parler d’alcool en France, c’est aussitôt manichéen », regrette-t-il.

« Ce type de campagne ne vise pas les malades alcooliques, mais plutôt des personnes qui peuvent surconsommer de temps à autre, notamment sous la pression sociale », précise l’addictologue Jean-Pierre Couteron. Sont plutôt concernées les personnes qui boivent généralement en dépassant les repères sanitaires – soit maximum 2 verres par jour, pas plus de 10 par semaine, et au moins deux jours dans la semaine sans consommation. Rappelons que 23,6 % des personnes dépassaient ces recommandations en 2017.

Alors pour quelles raisons les pouvoirs publics n’ont-ils pas soutenu cette campagne dont les effets sont prouvés en Belgique et au Royaume-Uni ? Cette opération suscitait depuis plusieurs semaines l’opposition des lobbys de l’alcool. « C’est une réalité, les lobbys ont eu raison de ce défi, puis les arbitrages politiques les ont suivis », dénoncent la plupart des addictologues. Cette opération devait en fait être lancée par Santé publique France (SpF) le 14 novembre, tout était prêt, comme l’indique un document révélé par Europe 1 et que nous avons consulté. Le dossier de presse était en effet bouclé, signé par le ministère de la santé.

Hasard du calendrier ou pas, Emmanuel Macron a déjeuné ce même jour avec les coprésidents du comité Champagne et leur aurait dit, comme l’a rapporté le site spécialisé Vitisphère, « il n’y aura pas de Janvier sec ». Si l’Elysée n’a pas confirmé cette version, l’opération n’a en tout cas pas obtenu le soutien des pouvoirs publics. Guylaine Benech, consultante en santé publique et auteure du livre Les Ados et l’alcool (Presses de l’EHESP, 204 pages, 22 euros), ne mâche pas ses mots : « L’absence de soutien des pouvoirs publics à cette campagne est un scandale de santé publique. C’est aussi un grand révélateur de la puissance des lobbys alcooliers sur le gouvernement. »

« Une société sans plaisir »

Pour toute réponse, Agnès Buzyn avait indiqué sur Franceinfo, le 21 novembre : « Ce format n’est pas aujourd’hui validé par mon ministère. » Pourtant, SpF y travaillait depuis des mois. Revenons en arrière. « J’espère que nous aurons, dès 2020, une première année d’un Dry January à la française », avait déclaré Nicolas Prisse, président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), en juin, lors du congrès de la Fédération Addiction. La ministre de la santé elle-même avait signé le 6 août un arrêté fléchant les montants alloués par le Fonds Addictions – un fonds public qui sert à financer des actions de prévention – dont 8,9 millions d’euros pour la prévention de l’alcool par SpF.

« Courant septembre, les équipes de SpF partent sur l’idée du “Janvier zéro degré”, épaulées par un comité d’appui technique, composé d’une quinzaine d’acteurs du monde associatif et de l’addictologie », nous relate un des participants. Dans un autre document que nous avons pu consulter, SpF anticipe même l’amalgame avec le Mois sans tabac en novembre et les actions des alcooliers pour décrédibiliser l’initiative en accusant les pouvoirs publics d’être « dans une position hygiéniste, une société sans plaisir »…

Surprise, quelques semaines plus tard, l’appellation Mois sans alcool est préférée, au motif qu’un sondage mentionnait que les gens comprenaient mieux ce message. Certains y voient la victoire des partisans d’une ligne sanitaire dure. « Stratégiquement, il aurait été plus avisé de ne pas évoquer le “mois sans” ; les alcooliers s’en sont emparés », déplore un participant.

Pour preuve, les nombreux courriers émanant des industriels du vin adressés à des députés, dès début novembre, demandant au gouvernement de renoncer à l’opération. « Le fait est que l’Etat n’arrive pas à trouver les bonnes réponses à la prévention de l’alcool, à équilibrer les enjeux économiques, de santé et sociaux d’usage d’alcool », insiste Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction. Les promoteurs du Dry January en France se défendent d’être des hygiénistes forcenés : pour eux, l’idée n’est pas et n’a jamais été d’interdire de consommer de l’alcool, mais de responsabiliser les Français.

Une autre opération intitulée « janvier sobre »

Côté belge, pour le directeur de la Fondation contre le cancer, Didier Vander Steichel, « la décision du gouvernement français est surprenante, nous y voyons l’influence plus que probable des lobbys vinicoles et la déplorons. D’autant qu’il ne s’agit pas d’exclure définitivement la consommation d’alcool, mais plutôt d’amener les consommateurs à réfléchir à son impact et à mieux la contrôler. Je suis surpris de voir un chef d’Etat se prononcer contre une initiative de promotion de la santé publique ! ».

L’alcool est un grave problème de santé publique, martèle Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie, qui rappelle les 41 000 décès liés à l’alcool, la banalisation des « bitures express » chez les jeunes. Sans compter le fardeau sanitaire et social associé : accidents, violences, suicides, passages aux urgences. Bien que le volume d’alcool pur diminue depuis les années 1960 (il est de 11,5 litres par habitant en 2018), la France reste parmi les pays les plus consommateurs du monde, au 6e rang des 34 pays de l’OCDE.

Autre opération qui peut semer la confusion, Janvier sobre a été lancée en septembre par Laurence Cottet, patiente experte en addictologie. « L’objectif est de se questionner sur sa consommation, chacun adaptant ce défi à sa manière, en respectant les repères », souligne-t-elle. Quasiment le même argument que le Dry January à la française.

« Ce n’est pas la même chose, explique Michel Reynaud, président du collectif Fonds Actions Addictions, cette opération est dangereuse, car, en incitant à respecter les repères de consommation, cela laisse entendre que c’est la norme. » « Ce sujet est bien trop grave pour qu’il ne soit pas clivant », insiste Laurence Cottet, rappelant qu’elle n’a aucun lien avec l’industrie. Pour Guylaine Benech, « ces deux opérations n’ont rien à voir. Le message de Janvier sobre est grosso modo celui des acteurs de la filière économique, consistant à promouvoir une consommation d’alcool dite “responsable” ». Pourtant, le risque de développer certaines pathologies existe dès le premier verre, souligne l’Organisation mondiale de la santé.

3 décembre 2019

Isabelle Huppert

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