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13 juillet 2020

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13 juillet 2020

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Premiers grands départs en vacances...

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11 juillet 2020

Au Japon, le phallus est une fête

M lemonde

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Par Guillaume Loire

REPORTAGE

Autrefois associé à des rites de fertilité, le Kanamara matsuri (festival du pénis de fer) à Kawasaki suit un déroulé immuable. Des dizaines de milliers de personnes assistent à la procession de divinités incarnées dans des phallus géants. Depuis dix ans, un tourisme massif et un mercantilisme grivois se sont greffés à l’événement.

Ce dimanche 5 avril 2020, dans un bâtiment octogonal d’un bois sombre, un rituel codifié se déroule en silence, comme chaque année depuis 1977. Il est environ 10 heures, dans ce quartier ancien de Kawasaki, vaste cité industrielle située en bordure sud de Tokyo. Le petit temple shintoïste Kanayama est d’ordinaire interdit aux curieux. Mais ce jour est celui du matsuri, la célébration annuelle des divinités locales, et une trentaine d’invités ont pris place.

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Un homme apparaît dans un somptueux kimono liturgique. Ses cheveux de jais sont surmontés d’un petit bonnet de cérémonie, son pantalon couleur pourpre indique un rang important. Il serre devant sa poitrine un sceptre rituel. Ce kannushi (« pasteur shinto ») s’appelle Hiroyuki Nakamura, et il préside à la cérémonie, assisté de deux femmes – sa mère et sa sœur. La seconde, Hisae, entonne des incantations après s’être inclinée devant l’autel.

Un officiant vêtu de blanc agite devant lui une baguette de bénédiction, avant de brûler des ex-voto dans un four sacré. Une odeur de cyprès flotte autour des invités, tous masqués contre le Covid-19, qui déposent, en offrande, des branches d’un arbre sacré.

Clergé en kimono d’apparat

Cette cérémonie, le Kanamara matsuri (« le festival du pénis de fer »), environ 2 500 curieux ont pu y assister en se connectant à la chaîne en ligne d’Omatsuri Japan, une agence tokyoïte spécialisée dans l’événementiel. Le cameraman Ken Sugawara y était. « En temps normal, il est impossible d’y assister, c’est réservé aux initiés. Mais le sanctuaire nous a permis de la filmer, car le reste du festival était annulé en raison de la pandémie », se souvient-il.

Une cérémonie diffusée sur Internet aux airs de pis-aller pour les amateurs du Kanamara matsuri qui viennent chaque année à Kawasaki pour assister à un moment hautement festif et grivois faisant la renommée du festival : la grande procession des statues de phallus dans la ville. Un défilé auquel, situation sanitaire oblige, le sanctuaire a dû renoncer.

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« La procession s’élance d’ordinaire à 11 h 30 », raconte Hisae Nakamura, qui n’en a pas manqué une depuis la création du festival, et une folle ambiance s’empare alors de son quartier. Des dizaines de milliers de personnes – elles étaient 60 000 en 2019 – se massent autour du sanctuaire, dans les rues autour de la gare Daishi.

Toutes viennent voir les vedettes du jour : deux statues phalliques de fer et de bois, d’environ 1,30 m chacune, installées dans des mikoshi, des palanquins divins. On dit que c’est en elles que les divinités du sanctuaire s’incarnent. Une centaine de filles et de garçons en kimono font office de porteurs. Les voilà qui quittent le sanctuaire aux cris de « Phallus de fer ! Enorme phallus ! », que reprend une foule compacte et surexcitée. Sifflets, claquements de mains, flûtes et percussions rythment la procession, qui est précédée par un aréopage de vieux messieurs en costume – les aînés des comités de quartier – et différents membres du clergé en kimono d’apparat.

Clichés scabreux

Le public, lui, est hilare ou concentré à mitrailler la scène au téléphone portable. Familles, ados ou couples âgés, hommes d’affaires, étudiantes et mafieux en congé, tout le Japon est là, réuni dans un enjaillement dont ses habitants sont friands. On compte aussi des touristes étrangers, venus voir ces drôles de Japonais célébrer la vigueur masculine. L’ambiance tient à la fois du carnaval, du pèlerinage et de la manif régressive.

En marge de la procession, une partie de la foule reprend son souffle dans les nakamise (« ruelles commerçantes ») du temple bouddhiste voisin, où des étals proposent des souvenirs pour festivaliers coquins. Les lunettes-pénis ont un certain succès. Elles sont vendues à côté de boucles d’oreilles, de bougies, de cartes postales, toutes aux formes et aux motifs suggestifs. Beaucoup s’agglutinent autour des stands de sucreries, où la sucette en forme de pénis ou de vagin coûte 350 yens (3 euros) et donne lieu à des clichés scabreux. Les visières en carton surmontées de pénis roses, elles, sont gratuites.

Partout, parfois déguisés, souvent avinés, les touristes multiplient les poses obscènes pour des photos inoubliables. Sur les coups de 17 heures, l’ambiance se tasse. Les marchands remballent, la gare s’engorge de visiteurs sur le départ. Au Japon, les fêtes se terminent tôt, et chacun sera rentré avant le coucher du soleil. Les phallus sacrés, eux, ont été remisés au sanctuaire. Ils n’en ressortiront que l’an prochain.

« Le festival est fait pour rendre hommage aux dieux qui habitent notre sanctuaire. » Hisae Nakamura

Cette année, le Kanamara matsuri n’a donc eu lieu que sous sa forme silencieuse, codifiée, faite de symboles et de gestes précis. Lui a manqué sa parade vulgaire et joyeuse, et son élan carnavalesque. Lui a manqué ce décalage qui fait de la fête un emblème de la société japonaise en apparence paradoxale, qui voit les extrêmes se rejoindre, le rituel sacré et le festif profane.

« Le festival est fait pour rendre hommage aux dieux qui habitent notre sanctuaire », commente Hisae Nakamura. A 43 ans, Hisae est l’aînée du clan Nakamura, qui administre le lieu de culte. Rien d’anormal, puisqu’au Japon les charges ecclésiastiques – que ce soit pour un temple bouddhiste ou un sanctuaire shinto – sont des affaires de famille, transmises par les aïeux à la génération suivante.

C’est le père, Hirohiko, qui, en 1977, eut l’idée de réactiver ce « festival du phallus de fer » (de kana, le « métal », et mara, le « pénis ») qui existait à l’époque Edo (1600-1868). Sa veuve, Kimiko, et leurs deux enfants, Hisae et Hiroyuki, s’en chargent aujourd’hui avec enthousiasme et sens du devoir. Car il faut bien s’occuper des dieux, pour qu’à leur tour ils s’occupent bien des hommes, enseigne le shintoïsme, ce culte premier du Japon (par opposition au bouddhisme, importé de Chine au Ve siècle) qui célèbre les forces de la nature et les esprits qui l’habitent.

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« On dit que la divinité rend visite aux hommes au printemps, au moment où ils plantent le riz nouveau, pour favoriser sa culture. » Jean-Michel Butel, ethnologue

Le shintoïsme, une sensibilité qui unit les hommes à la nature et à l’invisible, analysait l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, fasciné par ce qu’il avait observé lors de séjours au Japon dans les années 1970-1980. « J’ai coutume de dire que les Japonais sont pratiquants, mais pas croyants », confirme l’ethnologue Jean-Michel Butel, enseignant à l’Institut national des langues et civilisations orientales, qui décrypte les moments-clés du matsuri, ces festivités traditionnelles que les Japonais affectionnent.

La liturgie pratiquée le matin dans le sanctuaire est là pour satisfaire les dieux – par des offrandes et par des invocations – et purifier les hommes. Mais aussi pour les réunir : « La divinité est toujours ancrée dans un lieu et dans la communauté qui vit aux alentours, rappelle-t-il. On dit qu’elle rend visite aux hommes au printemps, au moment où ils plantent le riz nouveau, pour favoriser sa culture. » Ainsi, la procession qui s’ensuit est « l’occasion de promener la divinité sur son territoire pour en définir les limites et fédérer sa communauté ».

Quant à ces dieux incarnés sous forme de phallus démesurés, forment-ils une anomalie dans un pays qu’on croit souvent prude, gêné par la nudité ? Selon Agnès Giard, anthropologue et chercheuse au laboratoire Sophiapol (université de Paris-Nanterre), l’idée n’a pour les Japonais rien de farfelu. Ni les corps, ni leur union charnelle n’étaient hier réprouvés par une morale quelconque, et le tabou pèse aujourd’hui moins sur le sexe que sur les émotions. C’est ainsi que la loi, au Japon, oblige à flouter les organes génitaux dans les films pornographiques, alors que c’est dans le visage et l’expression du plaisir que se loge la véritable transgression.

« Auguste coït » des dieux Izanagi et Izanami

Agnès Giard rappelle aussi que dans la mythologie, c’est un « auguste coït » des dieux Izanagi et Izanami qui donne naissance à l’archipel japonais. Si le Japon est le fruit d’un rapport divin, pourquoi ne pas rendre hommage à ce moment joyeux et créateur ? Mais le festival Kanamara porte aussi un sens plus pratique : ce culte phallique provient des nombreux rites agraires de fertilité, « des cultes de nature orgiaque qui avaient lieu aux dates butoirs du plantage du riz et des moissons », précise la chercheuse.

Vénérer au printemps un phallus et sa divine semence était autrefois une manière de prier pour des récoltes fructueuses, et de nombreuses communautés rurales conservaient à cet effet des symboles phalliques – statues, pierres dressées – appelées konsei-sama, ou « vénérable racine de vie ».

Agnès Giard, qui interroge depuis longtemps l’imaginaire amoureux et sexuel des Japonais, en a aussi trouvé de nombreux exemples en dehors du Japon. En Grèce antique notamment, dans les rites de fertilité indonésiens et aujourd’hui dans « des fêtes populaires à travers toute l’Europe qui mettent en scène des organes génitaux, comme la fête des Failles, en Suisse, au cours de laquelle des torches phalliques sont allumées à la nuit tombée par des enfants et des adolescents ».

Hisae Nakamura sourit à l’évocation des konsei-sama, mais n’est pas choquée par ces dieux péniens et vulvaires qui appartiennent à l’histoire du sanctuaire familial. Celui-ci abrite d’ailleurs un drôle de petit musée à faire rougir plus d’un visiteur : on y voit des masques de tengu (dieu au nez fort allongé), des assiettes décorées de couples en pleine occupation, des tortues empaillées (en Asie, on dit que leur sang stimule la vigueur masculine)… Certaines sont de véritables pièces de collection, d’autres des gadgets d’un goût douteux. Mais toutes racontent un Japon polisson, rabelaisien, qui commence par l’« auguste coït » du mythe fondateur, habite les estampes érotiques ou les amours d’une femme fontaine filmées par Shôhei Imamura (De l’eau tiède sous un pont rouge, 2001).

Prier pour avoir des enfants

C’est dans la continuité de ce Japon, jouisseur malgré le poids des conventions sociales, mais aussi pétri de sacré, qu’il faut lire le culte de Kanamara. Un esprit intrinsèquement japonais mis à mal par le puritanisme occidental, auquel le pouvoir du Japon de l’ère Meiji (1868-1912) s’est plié : les processions phalliques et les musées érotiques furent alors interdits, de même que la mixité dans ces bains chauds que les Japonais aiment prendre en groupe.

Il faut attendre les années 1970 pour voir ces rites de fertilité réapparaître : « Plusieurs sanctuaires les remettent au goût du jour, un processus classique à la fin de la période dite de haute croissance, où le pays avait le sentiment de perdre ses valeurs, son sens du sacré », conclut Jean-Michel Butel, qui cite d’autres exemples contemporains de cultes phalliques.

A Osawa Onsen notamment, dans le nord du pays, qui fête en avril un immense phallus de cèdre verni. En mars, à côté de Niigata, les femmes mariées au cours de l’année précédente enjambent le même objet lors du festival Hodare matsuri. La fertilité n’est plus celle de la terre, mais celle des humains. De nos jours, de nombreux couples viennent au festival Kanamara prier les dieux pour avoir des enfants.

Paysans, forgerons et prostituées

A Kawasaki, dans les temps anciens, le festival était celui des paysans et des forgerons (d’où le métal dans lequel est coulée la statue), puis des prostituées. Il a ensuite connu des années très creuses. « Lorsque mon père l’a réactivé, le 15 avril 1977, seules dix personnes y assistaient », se souvient Hisae Nakamura. L’affluence va croître de manière exponentielle dans les décennies suivantes, dopée par l’intérêt renouvelé des Japonais pour ces fêtes d’antan, la courbe ascendante des touristes étrangers (3 millions en 1993, 31 millions en 2018), la proximité de Tokyo (la ville la plus visitée du pays) et la forte couverture médiatique dont le festival bénéficie depuis dix ans.

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Une vlogueuse japonaise raconte (en anglais) le festival

Sur les 60 000 participants de l’édition 2019, la moitié seulement était japonaise. « Les autres venaient de pays asiatiques – l’Indonésie, les Philippines, Singapour – et des Etats-Unis », détaille Mikiho Hotta, guide pour une petite agence locale, qui refuse les groupes à cette période, car la foule rend son travail impossible.

Tourisme gay

Depuis qu’en 2012 l’icône gay et travestie Matsuko Deluxe a fait part de tout le bien qu’il en pensait, le festival est aussi devenu le point de ralliement du milieu LGBT nippon. Ainsi, en plus des deux sculptures sacrées, un autre phallus attire tous les regards. Celui-là est rose, en plastique et mesure près de deux mètres. On l’appelle Elizabeth, du nom d’un bar LGBT de Tokyo dont les habitués, des hommes travestis, participent depuis plusieurs années au Kanamara matsuri. On les retrouvera plus tard, sébile en main, en train de collecter des fonds pour des associations de lutte contre le sida. La famille Nakamura a même convié plusieurs de ces associations.

Une des trois statues phalliques.

Le Kanamara matsuri est ainsi devenu l’objet d’un tourisme gay, chez les Japonais et chez les touristes étrangers, et l’on voit ici des couples d’hommes ou de femmes se tenir par la main, une rareté au Japon. « Le shintoïsme ne dit nulle part explicitement que l’homosexualité est un péché », explique Hisae, fière de l’ouverture d’esprit de son sanctuaire dans un environnement plutôt conservateur.

Le Japon ne criminalise pas l’homosexualité, mais n’autorise pas non plus le mariage entre personnes de même sexe. Lorsque, en 1999, le père de Hisae célébra au sanctuaire l’union de deux hommes, les réactions de ses collègues furent plus que mitigées. Certains sanctuaires réputés rigoristes n’admettent toujours pas les unions « non naturelles » sans toutefois s’exprimer officiellement sur la question.

Exploitation commerciale à outrance

Pour autant, Hiroyuki, pasteur et frère de Hisae, se dit gêné aux entournures par le côté guignolesque et l’exploitation médiatique qui dévoient la fête d’autrefois. Il aimerait qu’elle revienne à l’esprit shinto, plus sacré que touristique. Bref, qu’elle cesse de sombrer dans la caricature et l’exploitation commerciale à outrance.

Hiroyuki n’est pas seul : de plus en plus de Japonais pestent contre un tourisme de masse qui « pollue » leur pays, en particulier dans l’ancienne capitale impériale, Kyoto. Le réflexe identitaire peut être fort, teinté de xénophobie. Un mot est à la mode pour désigner ce complexe : celui de kankô kôgai (« pollution touristique »), dont la logique pousse même certains à appeler de leurs vœux un nouveau sakoku, du nom de la période (1650-1842) durant laquelle le pays était presque totalement fermé aux étrangers.

La situation sanitaire aura peut-être le mérite d’amener le Japon à réfléchir à son avenir touristique et le sanctuaire Kanayama à celui de son festival. Dans un pays à huis clos, qui a dû reporter les Jeux olympiques de Tokyo à l’été prochain, la fréquentation étrangère accuse une baisse historique de 99,9 % au premier trimestre 2020 par rapport à la même période en 2019. Et des voix en profitent pour réclamer un tourisme plus mesuré.

Guillaume Loiret

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11 juillet 2020

Nue à Lourdes, prière punk, Jésus en érection… Quand l’art provoque l’Eglise

Par Roxana Azimi 

deborah

Deux mille euros. C’est le montant de l’amende requise, le 25 juin, par le parquet de Tarbes à l’encontre de Deborah De Robertis. En août 2018, l’artiste franco-luxembourgeoise s’était ­ présentée nue à l’entrée de la grotte du sanctuaire de Lourdes, où, selon la tradition catholique, la Vierge Marie serait apparue à Bernadette Soubirous en 1858. Le sanctuaire a porté plainte, dénonçant « un acte d’exhibitionnisme qui a ­choqué les fidèles ­présents ». La récidiviste, déjà relaxée par le passé pour des per­formances dénudées au Louvre et à Orsay, affirme avoir voulu réunir à Lourdes deux figures bibliques, Marie « l’asexuée » et Marie-Madeleine la « trop sexuée », pour dénoncer les stéréotypes féminins véhiculés par la religion. Jugement rendu le 6 août.

ecce homo

Le site Hyperallergic rapportait, en juin 2017, l’arrestation dans un cybercafé de Rome du street-artiste italien Hogre, coupable d’avoir placardé une affiche satirique sur des arrêts de bus dans la capitale. Intitulée Ecce homo erectus, celle-ci représente Jésus en érection sous sa robe, posant une main sur la tête d’un enfant en prière. L’artiste provo­cateur réagissait alors aux accusations d’agressions sexuelles sur mineurs visant le cardinal australien George Pell, le numéro 3 du Vatican. En vertu de l’article 724 du code pénal italien, qui réprime le blasphème, il risquait 5 000 euros d’amende et une peine jusqu’à deux ans de prison. Hogre a toutefois échappé à un procès et ­récidivé deux ans plus tard en collant la même affiche, de nouveau à Rome.

punk

C’est une peine des plus sévères qui a été infligée à ces artistes. Nadejda Tolokonnikova, Ekaterina Samoutsevitch et Maria Alekhina, trois jeunes membres du collectif russe Pussy Riot, ont été condamnées le 17 août 2012 à deux ans de camp, par un tribunal moscovite pour « vandalisme » et « incitation à la haine religieuse », à l’issue d’un procès fortement médiatisé. Leur seul tort ? Avoir chanté en février 2012 une « prière punk » dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, demandant à la Sainte Vierge de chasser Vladimir Poutine du pouvoir. Les jeunes femmes avaient indiqué avoir aussi voulu dénoncer « la collusion de l’église et de l’état ».

piss

En 2003, le tribunal régional de Gdansk, en Pologne, a condamné l’artiste Dorota Nieznalska à six mois de prison ferme, commués en peine de travaux d’utilité publique, pour injure aux sentiments religieux. En cause, son installation baptisée Pasja (« passion », en polonais). Présentée à la galerie Wyspa, à Gdansk, en 2002, celle-ci se composait d’une photo de cuisses et de parties génitales masculines intégrées à une croix gréco-romaine accompagnée d’une vidéo filmant un sportif en train de soulever des haltères. Les recours en justice et le tollé international suscité par la sentence ont toutefois permis à l’artiste d’échapper à la peine en 2009.

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Bettina Rheims et Serge Bramly, editions Albin Michel

En découvrant, en 1998, le livre I.N.R.I. des Français Bettina Rheims et Serge Bramly, recueil photographique racontant la vie du Christ et publié chez Albin Michel, l’abbé Philippe Laguérie voit rouge. La couverture montre une femme torse nu crucifiée. Basé en Gironde, le prêtre intégriste, ancien curé de la paroisse traditionaliste Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, assigne alors trois librairies bordelaises, la Fnac, Mollat et Virgin, afin de leur interdire la diffusion, la vente, ainsi que la présentation du livre. Une ordonnance en référé interdit d’exposer le livre au public. Décision infirmée quelques semaines plus tard par la cour d’appel de Bordeaux qui a condamné l’abbé zélote à indemniser l’une des librairies visées.

Roxana Azimi

11 juillet 2020

A la campagne...

campagne

11 juillet 2020

Opinion - Si Facebook était un pays, ce serait la Corée du Nord

facebook

THE GUARDIAN (LONDRES)

Facebook est “hors de contrôle”, écrit dans le Guardian la journaliste britannique qui a révélé le scandale Cambridge Analytica avec ses confrères du New York Times. Entreprise “totalitaire” dirigée par un seul homme, la plateforme est une “menace pour la démocratie”, estime-t-elle dans une tribune alarmiste.

Rien ni personne ne peut arrêter Facebook. Ni les parlements, ni les autorités, ni les organismes de contrôle et de surveillance. Le Congrès [des États-Unis] a échoué. L’UE a échoué. Lorsque la Commission fédérale du commerce [une agence indépendante du gouvernement américain] lui a infligé une amende record de cinq milliards de dollars pour son rôle dans le scandale de Cambridge Analytica, le cours de son action n’a fait qu’augmenter.

C’est sans doute ce qui rend l’instant si passionnant et, peut-être même historique. Si le boycott publicitaire de Facebook par certaines des plus grandes marques du monde - Unilever, Coca-Cola, Starbucks – atteint son objectif, c’est qu’il aura porté un coup à la seule chose que Facebook comprend : son bilan financier. Et si ce boycott échoue, nous entrerons dans une nouvelle ère, et cette étape sera tout aussi historique.

Rappelons qu’il s’agit d’une entreprise qui a facilité la déstabilisation d’une élection américaine par une puissance étrangère [la Russie durant la présidentielle 2016], qui a retransmis en direct un massacre puis l’a diffusé à des millions de personnes dans le monde entier [l’attentat de Christchurch], et qui a contribué au déclenchement d’un génocide.

Et je pèse mes mots. Facebook a contribué au déclenchement d’un génocide. Selon un rapport des Nations unies, l’utilisation de Facebook a joué un “rôle déterminant” dans le déchaînement de haine et de violence à l’encontre des Rohingyas de Birmanie, qui a entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes et l’exil des centaines de milliers d’autres.

Je pense souvent à ce rapport. Lorsque je regarde des documentaires montrant des employés de Facebook jouant au ping-pong dans leur espace sécurisé de Menlo Park. Quand j’ai visité la banlieue de la Silicon Valley en début d’année et que je suis passée dans la rue “ordinaire” où Mark Zuckerberg vit sa vie tout à fait ordinaire alors qu’il est le seul maître à bord d’une entreprise unique au monde. J’ai pensé à ce rapport quand j’ai appris que Maria Ressa, la journaliste philippine qui avait tant œuvré pour mettre en garde contre les méfaits de Facebook, a été condamnée à la prison. […]

Facebook est une arme à feu. Une arme qui n’a pas besoin de permis - elle n’est soumise à aucune loi et à aucune surveillance – une arme qui est entre les mains de 2,6 milliards de personnes et dans tous les foyers ou presque, une arme infiltrée par des agents secrets agissant pour le compte d’autres pays, un laboratoire pour des groupes qui vantent les effets purifiants de l’Holocauste et croient que la 5G fera frire notre cerveau dans notre sommeil.

On dit parfois que si Facebook était un pays, il serait plus grand que la Chine. Mais la comparaison n’est pas bonne. Si Facebook était un pays, ce serait un État voyou. Ce serait la Corée du Nord. Et Facebook n’est pas une arme à feu. C’est une bombe nucléaire. Plus qu’une entreprise, c’est un totalitarisme, une dictature, un empire mondial contrôlé par un seul homme. Un homme qui, alors même que les preuves des dégâts causés par Facebook sont indéniables, indiscutables et accablantes, a simplement choisi d’ignorer ses détracteurs à travers le monde.

Presque impossible de vivre sans Facebook

Zuckerberg préfère continuer à déverser une propagande invraisemblable et de plus en plus ridicule alors même qu’il contrôle les principaux canaux de diffusion de l’information. Et comme les Nord-Coréens qui sont à la merci de l’État, il nous est aujourd’hui presque impossible de vivre sans Facebook, WhatsApp et Instagram.

La campagne #StopHateForProfit veut mettre un terme aux torrents de haine déversés sur Facebook. C’est ce qui a motivé six organisations américaines de défense des droits civiques aux États-Unis à faire pression sur les annonceurs afin qu’ils fassent “une pause” de leurs publicités achetées sur le réseau social en juillet. Une campagne précipitée par la décision de Facebook de ne pas retirer un post de Donald Trump menaçant de représailles les manifestants de Black Lives Matter : “Avec les premiers pillages viennent les premiers coups de feu.”

Mais l’ampleur du problème dépasse largement les propos ignobles tenus sur le réseau. Et c’est un problème qui ne concerne pas seulement les États-Unis, même si le rôle que Facebook va jouer dans l’élection américaine [en 2020] sera déterminant (et il est intéressant de noter que les exigences de #StopHateForProfit ne s’étendent pas aux publicités politiques mensongères, alors que c’est une nécessité fondamentale). Les dangers de Facebook s’étendent au monde entier. La menace que Facebook représente pour la démocratie met également en péril notre existence.

Est-ce une coïncidence si les trois pays qui ont le plus mal géré la crise du coronavirus sont dirigés par des populistes qui se sont fait élire en exploitant la capacité de Facebook de répandre des mensonges à grande échelle ? Trump, Bolsonaro et Johnson. La question se pose.

Plus fort que le capitalisme

Et si la démocratie est un concept trop abstrait, pensez au coronavirus. Si un vaccin est disponible, combien de gens voudront se faire vacciner ? Il y a autant d’anti-vax sur Facebook que d’antisémites. […]

Zuckerberg n’est pas Kim Jong-un. Il est beaucoup plus puissant. “Je pense que tous ces annonceurs reviendront bientôt sur la plateforme”, aurait-il déclaré à ses employés la semaine dernière. Et si 500 entreprises ont désormais rejoint le boycott, cela ne représente qu’une baisse de 5 % des bénéfices de l’entreprise, selon le Wall Street Journal. Facebook n’est pas seulement plus grand que la Chine. Il a même pris de vitesse le capitalisme.

Au bout du compte, il n’y a que nous qui pouvons changer les choses, grâce à notre porte-monnaie et aux messages que nous envoyons à ces marques. Parce que le monde doit comprendre que rien, ni personne ne nous viendra en aide. Trump et Zuckerberg ont formé une alliance stratégique tacite. Seuls les États-Unis ont le pouvoir d’enrayer la machine Facebook. Et seul Facebook a le pouvoir d’empêcher Trump de propager ses mensonges.

Nous sommes à un moment charnière de l’histoire et il nous faut agir avant qu’il ne soit trop tard. À condition de ne pas rater le coche.

Carole Cadwalladr

11 juillet 2020

« Le garde des sceaux tenait jusqu’à il y a peu un discours qui rend très inquiétante sa nomination »

Par Katia Dubreuil, Présidente du Syndicat de la magistrature

Dans une tribune au « Monde », la présidente du Syndicat de la magistrature estime préoccupante la nomination d’Eric Dupond-Moretti à la chancellerie, notamment en raison de ses critiques à l’égard du Parquet national financier.

Il y a deux façons de s’inquiéter de la nomination d’Eric Dupond-Moretti à la chancellerie. La première, la plus évidente et la plus immédiate, consiste à dresser contre lui les juges, du seul fait qu’un avocat pénaliste de renom et de talent, qui a certes trop souvent cédé à la facilité de la provocation et de l’outrance, accéderait à la tête du ministère de la justice. Elle institue une logique guerrière, une barricade infranchissable entre, d’un côté, les magistrats, et, de l’autre, le monde politique et les avocats, forcément animés d’intentions malveillantes à l’endroit des premiers. Cette réaction est, il est vrai, confortée par l’insondable morgue d’un casting gouvernemental dans lequel la justice est reléguée au dixième rang protocolaire, et où deux ministres sont confortés alors que l’un fait l’objet d’une enquête pour viol et l’autre pour corruption et trafic d’influence.

C’est pourtant oublier que le garde des sceaux n’est pas davantage le ministre des magistrats qu’il n’est celui des avocats, des greffes, des personnels pénitentiaires ou des éducateurs, et que la légitimité des premiers à l’incarner n’est pas, en définitive, nécessairement supérieure à celle des autres. C’est oublier également qu’une telle mise à distance, par les magistrats, de ceux qui les critiquent parfois n’est pas audible, à juste raison, par le corps social, qui les renvoie volontiers à un certain désir, pas toujours fantasmé, d’entre-soi.

Ce détour corporatiste est d’autant moins nécessaire que la nomination du nouveau garde des sceaux pose des problèmes d’un autre type, dès lors qu’on s’attache à le prendre à ses propres mots. Contrairement à ce qu’il prétend souvent, Eric Dupond-Moretti ne se contente pas de défendre des hommes : en les défendant, par le degré de généralité de ce qu’il dit et par les lieux où il le dit, il défend des causes. Toutes ne sont d’ailleurs pas à jeter aux orties, et il porte parfois sur l’institution un regard pertinent, que l’on aurait tort de disqualifier du seul fait de son acerbité.

Eric Dupond-Moretti défend avec constance la présence du peuple français dans les cours d’assises, un meilleur équilibre de la procédure pénale ; il morigène le conformisme ambiant et la justice d’abattage que constitue trop souvent la comparution immédiate : sur ces terrains fondamentaux, il porte une parole qui mérite l’attention, voire le soutien. « De la parole aux actes », donc : les projecteurs, qu’il a eu coutume d’attirer, seront implacablement tournés vers ce « ministre des libertés », tel qu’il s’est déjà autoproclamé le jour de son investiture, en espérant qu’il mette également en lumière la justice civile, pour laquelle il n’a eu aucun mot lors de son discours de passation.

Un discours sans nuances

Mais sur d’autres terrains tout aussi fondamentaux, le garde des sceaux tenait jusqu’à il y a peu un discours qui rend objectivement très inquiétante sa récente nomination. De ce discours sans nuances, trois exemples conduisent à trois questions.

Depuis le début de la Ve République, les magistrats de l’ordre judiciaire sont formés dans une seule et même école. Cette école permet la formation d’une culture commune, fondée sur l’indépendance et la déontologie. Dans une institution judiciaire globalement précarisée, tout le monde ou presque s’accorde à faire de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) un des rares outils efficients et internationalement reconnus. Pourtant, Eric Dupond-Moretti n’a jamais vu en cette école autre chose que le ventre fécond du corporatisme judiciaire, à seule fin d’en suggérer la suppression. Le nouveau garde des sceaux s’engage-t-il à préserver le modèle français de l’ENM ? Cette première question est d’autant plus centrale qu’un récent rapport, rendu à la demande du chef de l’Etat, a proposé des évolutions radicales, dont certaines seraient dévastatrices pour l’ENM.

Ensuite, les condamnations de Jérôme Cahuzac, Patrick et Isabelle Balkany, François Fillon, mais aussi des décisions rendues au sujet de la compagnie Airbus, pour ne prendre que quelques exemples, démontrent que les efforts accomplis depuis de nombreuses années commencent à porter leurs fruits pour donner à la justice économique et financière une ampleur et une crédibilité qu’elle n’avait pas jusqu’alors. Il s’agit là d’un enjeu démocratique de première importance, fondé sur le principe d’égalité de tous devant la justice, et qui emporte des conséquences fondamentales sur la confiance des citoyens envers leurs institutions et leur classe politique.

Pourtant, Eric Dupond-Moretti n’a eu de cesse, ces dernières années, au-delà de la défense d’individus qui ne saurait lui être reprochée, de stigmatiser la « volonté effrénée de transparence », susceptible de conduire à « la dictature », au « maccarthysme », de mélanger les lanceurs d’alerte avec les délateurs, et de pourfendre l’un des principaux outils de ce combat pour l’égalité, le Parquet national financier (PNF). Le nouveau garde des sceaux s’engage-t-il à poursuivre et amplifier les efforts réalisés depuis plusieurs années contre la criminalité économique et financière ?

Enfin, et plus délicat : Eric Dupond-Moretti s’est investi ces dernières années, et c’est son droit le plus strict, dans la défense des personnes poursuivies dans les plus importantes affaires politico-financières du moment. Il est notoirement proche de toute une frange du barreau engagée dans un combat sans merci afin de décrédibiliser les magistrats spécialisés en matière économique et financière et en criminalité organisée. Comme ministre de la justice, il aura accès aux remontées d’informations des parquets dans tous ces dossiers, qui sont par nature signalés. Par ce biais, il saura avant tout le monde que telle enquête est ouverte contre telle personnalité politique ou tel avocat.

« LE NOUVEAU GARDE DES SCEAUX S’ENGAGE-T-IL À METTRE FIN IMMÉDIATEMENT À TOUTES LES REMONTÉES D’INFORMATIONS DANS LES AFFAIRES POLITICO-FINANCIÈRES OU CELLES CONCERNANT DES AVOCATS ? »

Dans ces circonstances, il est normal que de nombreux procureurs et juges s’interrogent sur les usages dévoyés qui pourraient être faits de ces informations extrêmement sensibles – et ce à plus forte raison qu’ils savent, depuis la condamnation de Jean-Jacques Urvoas, que ces usages ne seraient pas l’apanage d’un avocat ayant de multiples liens d’intérêt dans des dossiers de premier ordre. Le nouveau garde des sceaux s’engage-t-il à mettre fin immédiatement à toutes les remontées d’informations dans les affaires politico-financières ou celles concernant des avocats, et à engager une réflexion ambitieuse sur une réduction drastique des autres ?

Telles sont les questions auxquelles celui qui en a posé tant, et pas seulement de mauvaises, depuis tellement d’années à l’institution judiciaire devra répondre s’il veut trouver sur son chemin des partenaires loyaux et constructifs.

10 juillet 2020

La flèche de Notre Dame de Paris.... à l'identique

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Une nouvelle flèche pour Notre-Dame ? La fin d’un serpent de mer

Par Laurent Carpentier, Isabelle Regnier

Emmanuel Macron a finalement donné son feu vert, jeudi, à une reconstruction à l’identique de la toiture de la cathédrale parisienne.

Finie la polémique sur la flèche de Viollet-le-Duc. L’heure n’est plus au geste architectural, à la reconstruction de Notre-Dame de Paris « plus belle encore », à l’apologie de la jeunesse ou de la réinvention, mots chéris du président Macron. L’heure est au consensus : alors que les architectes chargés du chantier présentaient, jeudi 9 juillet, devant la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine, leur rapport de 3 000 pages qui prône une reconstruction à l’identique de la toiture, l’Elysée a orchestré le dénouement d’un feuilleton qui aura mobilisé plumes et esprits pendant quinze mois.

Au nom d’un continuum historique, pour ne pas menacer la structure, mais aussi pour respecter l’objectif fixé d’une reconstruction en cinq ans, le rapport présenté a reçu un avis positif et unanime de la Commission qui, pour n’être que consultatif, est pratiquement toujours suivi par le ministère de la culture. Un consensus notable pour cette assemblée d’architectes, d’élus, et de représentants d’associations de défense du patrimoine, qui ont choisi la solution la moins risquée.

La charpente sera en chêne, au grand dam des lobbies du béton et des amoureux du fer : « On n’a même pas été interrogés », s’insurge Charlotte Florès qui avec l’association ConstruirAcier représente la filière. Et ceux qui attendaient, comme cela avait été annoncé le 17 avril 2019, un concours international d’architecture pour repenser la flèche en seront pour leurs frais.

« Cette affaire est quasiment phallique »

Voilà en réalité des mois que cette question est tranchée. Passé le lyrisme des débuts, censé redonner du souffle à une France stupéfiée par l’incendie (« Notre-Dame de Paris nous avons su l’édifier et, à travers les siècles, la faire grandir et… l’améliorer » : Emmanuel Macron dans le texte), et les divers projets plus surprenants les uns que les autres – une flèche en titane, une toiture végétale, vitrée, couverte d’une piscine ou de panneaux solaires… –, l’enthousiasme s’était rapidement tari. Deux mois après le sinistre, déjà, un conseiller de l’Elysée confiait en souriant : « La flèche est un millième du sujet. Cette affaire est quasiment phallique. Il y a trop d’hommes sur ce dossier. »

Elle aura en tout cas contribué à nourrir la presse, prompte, par exemple en novembre 2019, à monter en épingle une querelle imaginaire entre le général Jean-Louis Georgelin – nommé par le président pour diriger l’établissement public chargé de Notre-Dame –, et Philippe Villeneuve, l’architecte en chef lorsque ce dernier se laissa aller à expliquer que ce serait « à l’identique ou sans lui ». En bon soldat, le général l’avait rappelé à son devoir de réserve, avec une brutalité toute militaire, tout en cherchant en sous-main à convaincre Macron qu’il n’était pas Pharaon.

Ses proches ne cessent de l’expliquer : le président écoute. Déjà le 15 avril, il fut question d’annoncer un changement dans la doctrine, mais le Covid-19 s’en est mêlé, et l’anniversaire de l’incendie a paru déplacé en ces temps de confinement. Mi-juin seulement, le général a finalement présenté les conclusions du rapport Villeneuve au président.

A l’Elysée, l’idée est d’attendre la fin de la séquence remaniement, et les conclusions de la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine, pour communiquer. La veille, une fuite dans Le Figaro a finalement sonné le branle-bas tard dans la nuit : au matin, voilà Roselyne Bachelot, nouvellement nommée à la culture, sur France Inter. L’après-midi, un débriefing est organisé pour quelques journalistes, tout ça très prudemment pour ne pas empiéter sur le champ de la Commission.

Voilà qu’un autre souci ressurgit : le plomb

Le message est clair : qu’on n’aille pas croire que le président s’est mis en porte-à-faux, ou pire qu’il ait perdu une quelconque bataille : il a toujours voulu, dit-on, « l’avis de tous les experts. désormais c’est fait, et il leur fait confiance. »

Il y aura bien un concours d’architecture mais celui-ci portera sur la reconversion des abords de Notre-Dame, en lien avec la mairie de Paris (consensus toujours), et peut-être aussi sur la « Maison du chantier », bâtiment éphémère qui pourrait trouver sa place dans la cour de l’Hotel-Dieu, et abriter des expositions, des conférences, des ateliers (une vieille idée qui traîne depuis cet hiver). Bref, c’est pour ne pas retarder le chantier et ne pas cristalliser le débat sur la question que le président a renoncé à sa flèche.

Sitôt réglée la question de la réfection à l’identique, voilà qu’un autre souci ressurgit : le plomb. La Commission peuplée d’amoureux du patrimoine – tel Alexandre Gady et sa Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, qui ne cesse depuis le début du chantier d’en dénoncer le moindre manquement à la règle –, a voté non seulement pour une charpente en chêne mais également pour une couverture en plomb « dans le respect des matériaux d’origine », comme le résume son président, le sénateur des Alpes-Maritimes, Jean-Pierre Leleux (Les Républicains).

« La cathédrale a été bâtie à l’époque avec une couverture en plomb. Quand on change de matériaux sur un bâtiment aussi vénérable, on change l’équilibre de l’édifice », explique-t-on à la Commission où l’on sait bien que le choix va faire réagir.

« Le plomb, ce n’est pas l’amiante »

« C’est le matériau qu’on utilise pour les couvertures de tous les monuments d’Europe, plaide un membre de la Commission. Regardez le Panthéon ! Le plomb est un matériau très ductile qui s’adapte parfaitement aux formes. On va dire le plomb, c’est dangereux. Mais le plomb, ce n’est pas l’amiante. Le plomb, on l’évacue naturellement pourvu qu’on n’en ait pas ingéré de trop grandes quantités. »

De quoi faire bondir des chercheurs américains qui viennent de publier une nouvelle étude réévaluant à la hausse la pollution au plomb générée l’an passé par l’incendie.

La Commission qui souhaite « pouvoir se prononcer en toute objectivité » a demandé une étude complémentaire et le général Georgelin (qui, en digne fils de la Grande Muette, se gardera bien de vous dire en face que c’est là aussi le choix qu’il aurait opéré) sait qu’il a là son prochain combat. Il lui reste quatre ans pour mener à bien l’objectif que lui a fixé Emmanuel Macron. L’homme sourit : « On va y arriver. La seule chose qui pourrait rendre vraiment les choses difficiles serait un reconfinement. Pour parler comme à l’Ecole de guerre, le “mode d’action ennemi”, c’est le Covid-19. »

Laurent Carpentier et Isabelle Regnier

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Greenpeace déploie une banderole sur la grue de Notre-Dame pour interpeller sur le climat. Vers 6 heures jeudi 9 juillet, quatre militants de l’ONG Greenpeace sont montés sur la grue attenante à la cathédrale Notre-Dame de Paris, haute d’environ 80 mètres. Ils ont tiré une banderole géante « Climat : aux actes » et la signature « Greenpeace », en noir sur fond jaune. L’un d’entre eux, suspendu dans le vide, a brandi le message « Macron, climat, Notre-Drame ». L’action s’est terminée vers 8 h 30 et la banderole a été retirée. « Sembler attaquer ce chantier tellement important dans le conscient et l’inconscient collectif… Je crois que Greenpeace ne sert pas une cause qui par ailleurs est juste », a critiqué Roselyne Bachelot, la ministre de la culture, sur France Inter, soulignant que le chantier de Notre-Dame était « fragile » et que « toute intrusion » pouvait avoir « des conséquences néfastes ». Le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, a indiqué que les militants « n’avaient pas touché la cathédrale » et que leur action n’avait entraîné « aucun risque ni pour le bâtiment ». « Greenpeace s’adresse directement à Emmanuel Macron pour dénoncer son inaction climatique », a expliqué dans un communiqué l’ONG, qui a attaqué le gouvernement en justice pour ce motif, au côté d’autres associations. Sur Franceinfo, la ministre de l’écologie, Barbara Pompili a vu dans cette action « un petit cadeau de bienvenue, un petit message d’encouragement ». « C’est toujours des gens que j’apprécie et que je respecte, ce sont des lanceurs d’alerte », a-t-elle confié.

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