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Jours tranquilles à Paris
14 mai 2020

Coronavirus : en Europe, les applis de traçage divisent les Etats et ne convainquent pas les habitants

Par Martin Untersinger pour Le Monde

Si la plupart des pays ont opté pour une technologie Bluetooth, le clivage concernant le choix de l’architecture globale – centralisée ou pas – fait craindre une incompatibilité entre les différentes applications.

Utiliser une application mobile pour enrayer un virus : l’idée n’existait pas il y a quelques mois à peine mais elle a fait, à la faveur de la pandémie de Covid-19, le tour de l’Europe. Aujourd’hui, rares sont les pays du continent qui n’ont pas étudié la possibilité de lancer une application de « suivi de contact » capable d’alerter les personnes côtoyées par les malades, en soutien aux équipes sanitaires censées casser les chaînes de contamination.

Une poignée de pays sont allés vite. C’est le cas de l’Autriche. Dès le 25 mars, la Corona-app développée par Croix-Rouge locale a permis d’enregistrer les contacts rapprochés par Bluetooth et de prévenir les utilisateurs en cas de dépistage positif de l’un d’eux. En Islande, Rakning C-19 enregistre régulièrement les déplacements des utilisateurs grâce au GPS. Si l’un d’entre eux est testé positif, il peut choisir de partager ses données avec les autorités sanitaires de l’île.

Les Norvégiens peuvent eux télécharger l’application Smittestopp. Sur la base du volontariat, elle utilise le GPS pour suivre les déplacements des utilisateurs et le Bluetooth afin d’identifier les personnes côtoyées de près. Si l’une d’elles est testée positive au Covid-19, l’utilisateur reçoit un SMS. Pour le moment, cette fonction n’est testée dans trois communes, avant un élargissement prévu à tout le pays.

La République tchèque a, elle, lancé début avril un vaste programme de pistage. Outre une application de traçage des contacts par le Bluetooth, eRouska, les autorités en ont lancé une autre, qui permet la géolocalisation via le populaire service local de cartographie Mapy.cz. Celle-ci permet d’établir des zones à risque de contamination mais aussi aux épidémiologistes d’aider les malades, via leurs historiques bancaire et téléphonique, à se remémorer avec qui ils ont pu être en contact.

Un modèle européen a émergé

Dans les quelques applications lancées et celles encore en développement, et à de rares exceptions, un modèle européen a émergé : celui d’une application n’utilisant pas de géolocalisation, mais les ondes radio Bluetooth pour détecter les téléphones se trouvant à proximité. Ce dispositif a le mérite d’être moins intrusif et donc compatible avec l’exigeant droit européen des données personnelles. Toutes les applications actuellement envisagées, testées ou déployées en Europe sont, de surcroît et à ce stade, d’usage facultatif. Rares sont cependant les pays où l’éventualité d’un suivi de la population – fût-il « anonyme » et respectueux du droit – n’a pas fait tiquer les défenseurs des libertés publiques.

Certains pays ont tout simplement écarté l’hypothèse, au moins pour le moment. En Belgique, le débat a déjà été vif pour mettre en place le cadre légal au suivi de contact « manuel ». L’idée d’une application sur smartphone, présumée complémentaire, n’a pas été retenue à ce stade. La Suède, qui a refusé le confinement obligatoire, n’est pas davantage favorable à une application. En plus des questions liées à la légalité et au respect de la vie privée, Anders Tegnell, l’épidémiologiste en chef, estime que le traçage demande trop de ressources et exige une politique de dépistage massif, que la Suède n’a pas mise en place. Aux Pays-Bas, une certaine confusion règne après une première sélection, très contestée, de certains systèmes. L’autorité de contrôle a émis des réserves, le Parlement s’inquiète et des ingénieurs estiment qu’un système performant et non intrusif ne sera pas effectif avant des mois.

En Autriche, depuis qu’un usage obligatoire a été écarté, les débats se sont apaisés, d’autant que l’application a été reconnue plutôt respectueuse des données personnelles par les organisations non gouvernementales spécialistes de la question. En République tchèque, malgré un niveau d’accès aux données extrêmement intrusif, le paysage politique local soutient le projet.

Discussions agitées

Ailleurs en Europe, les discussions ont été parfois agitées. Des dizaines de chercheurs européens, spécialistes de sécurité informatique ou de cryptographie, ont mis en garde, par le biais de plusieurs pétitions, contre les dangers de ce type d’application. En Norvège, des journalistes de la chaîne de télévision NRK ont ainsi montré qu’il était facile de détourner les SMS envoyés par l’application pour tromper les utilisateurs. Par ailleurs, des doutes continuent de peser sur la protection des données personnelles, rassemblées sur un même serveur, en Irlande.

Le gouvernement suisse, lui, aurait aimé déployer son application, fondée sur le Bluetooth, sans texte légal spécifique. Sous la pression du Conseil des Etats puis du Conseil national, il a fini par obtempérer. Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, Adrian Lobsiger, a assuré qu’il examinerait cette application de près. En Italie aussi, les débats liés aux données personnelles, les réticences d’élus de tous bords mais aussi les difficultés techniques et logistiques, ont décalé le lancement de l’application, qui pourrait finalement avoir lieu à la fin du mois de mai.

L’application britannique, basée sur le Bluetooth et testée depuis peu sur l’île de Wight, au sud du pays, suscite aussi quelques inquiétudes. Harriet Harman, qui préside le comité parlementaire des droits humains, a considéré que « les ministres n’ont pas donné suffisamment de garanties de respect des données privées ». Le ministre de la santé Matt Hancock n’en a pas moins déclaré, le 12 mai, que les tests étaient concluants et que l’application serait disponible dans les prochains jours pour le pays entier.

Clivage autant technique que politique

Au-delà des débats sur le principe même de ces applications et des conditions de leur déploiement, un sujet de discorde a agité les pays européens sur le fonctionnement technique sous-jacent de ces applications, le long d’un clivage autant technique que politique.

Il y a ceux, d’un côté, qui privilégient une solution dite « centralisée ». C’est le cas de la France, du Royaume-Uni, et, initialement, de l’Allemagne et de l’Italie. Ce type d’application fait remonter les identifiants de toutes les personnes approchées par un malade dans un serveur central. Chaque application vérifie ensuite si son identifiant figure dans cette base. Ses adversaires craignent un Etat trop curieux quand ses soutiens affirment au contraire que cela permet de mieux protéger la vie privée. Car dans l’autre modèle, dit « décentralisé », ce sont les identifiants pseudonymes de toutes les personnes malades qui sont distribuées à chacun des téléphones participant au dispositif. Ces derniers vérifient s’ils ont détecté, par le passé, cet identifiant à proximité. Une méthode qui fait courir, affirment ses opposants, un danger immédiat d’identification des malades.

Le débat est technique, mais soulève des questions politiques liées au rapport à l’Etat. Et en Allemagne, le débat a été si électrique que le gouvernement a décidé de basculer vers un modèle « décentralisé ». S’agissant du calendrier, il refuse pour l’instant de se prononcer sur une date, mais, selon les spécialistes, la nouvelle application ne pourra pas voir le jour avant la mi-juin. D’autres pays ont fait le même choix que l’Allemagne, notamment la Suisse puis l’Italie. La Pologne pourrait leur emboîter le pas, tandis que l’Espagne hésite. Et en plus de la version « centralisée » développée depuis des semaines, le gouvernement britannique a reconnu travailler en parallèle sur une autre version, décentralisée. Le Parlement européen s’est lui aussi prononcé en faveur de ce type d’architecture, tout comme Margrethe Vestager, la vice-présidente de la Commission européenne.

Si une majorité de pays européens s’orientent vers le modèle décentralisé, cela doit beaucoup à Apple et Google. Les deux entreprises, qui se partagent le marché des téléphones portables et de leurs systèmes d’exploitation, ont annoncé mi-avril travailler à un dispositif de suivi de contact à l’intérieur même de leurs téléphones, que pourront utiliser les autorités sanitaires. Cela permettrait de lever les restrictions mises de longue date par ces fabricants autour du Bluetooth, prisé des pirates et gourmand en énergie. Les deux géants des technologies ont cependant fait le choix d’adopter un fonctionnement « décentralisé » : les pays adeptes de la solution dite « centralisée », dont la France, doivent donc choisir entre persister, au risque de développer une application dont le fonctionnement sera bridé, ou bien revenir sur leurs choix sanitaires.

Le sujet est d’autant plus central que ces deux modèles ne peuvent pas communiquer entre eux. Les frontaliers de pays n’ayant pas fait le même choix ne pourraient ainsi pas être avertis des contacts établis de l’autre côté de la frontière. Dès la mi-avril, l’Union européenne rappelait aux Etats-membres « la nécessité de l’interopérabilité », fonction de l’efficacité de ces outils. Jeudi 13 mai, la Commission européenne l’a encore martelé : « Les citoyens européens doivent pouvoir être alertés d’une possible infection d’une façon sécurisée et protégée, où qu’ils se trouvent dans l’Union européenne (UE), et quelle que soit l’application qu’ils utilisent », a réclamé l’exécutif européen.

Un autre défi sera l’adoption de ces applications. L’Islande mène le train, avec un téléchargement par environ des 40 % des Islandais. La propagation du Covid-19 y a été stoppée, mais il est difficile d’isoler le rôle joué par l’application. Sur l’île de Wight, une proportion semblable a installé l’application.

Ailleurs, en revanche, les chiffres sont moins reluisants : en un mois et demi, à peine 560 000 Autrichiens, sur une population de 8,8 millions, ont téléchargé la Corona-App, que plusieurs acteurs de terrain considèrent inutile. Malgré les appels du gouvernement tchèque à télécharger ses applications, à peine plus d’un million ont activé la fonction coronavirus de Mapy.cz et 200 000 ont téléchargé eRouska, sur une population de 10,5 millions d’habitants. En Norvège, seuls 17 % de la population alimentent l’application. « Nous avons besoin de plus d’utilisateurs », a plaidé, le 7 mai, l’Institut national de santé publique.

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13 mai 2020

L’Europe face à ses nouveaux pauvres

Article de Isabelle Mandraud

La crise fait basculer dans le dénuement des milliers de citoyens de l’ouest du continent. Dans les pays les plus touchés par le virus, la demande d’aide alimentaire s’est accrue de 25 % à 30 %

Pour la première fois depuis sa création en 1971, une équipe de Médecins sans frontières (MSF) intervient au Royaume-Uni, une autre en Allemagne. Dans la capitale britannique, onze employés de l’ONG, en partenariat avec un hôpital universitaire londonien, fournissent ainsi depuis le 11 avril un soutien médical et logistique aux sans-abri, devenus encore plus vulnérables avec la pandémie de Covid-19. Et cette aide inclut, désormais, des nouvelles populations qui ont perdu leur emploi – ou un job précaire – avec la fermeture des bars, restaurants et commerces, et dont les conditions de logement, la promiscuité, sont devenues sources aggravantes de contamination.

« S’il est très inhabituel pour MSF de lancer de grandes activités dans des pays à revenu élevé, il est tout à fait normal que nous apportions une aide humanitaire d’urgence vitale là où elle est nécessaire », souligne Rosamund Southgate, coordinatrice médicale pour MSF au Royaume-Uni. Inédite aussi, l’initiative prise depuis le 14 avril, à Bruxelles, par le Parlement européen de mettre à disposition sa cantine pour concevoir et délivrer 1 000 repas par jour aux personnes en difficulté, avant de faire de même, quelques jours plus tard, à Strasbourg, et dans ses locaux au Luxembourg. « Pour l’instant, en accord avec les municipalités, ce dispositif est prévu jusqu’à fin juin, mais sans doute sera-t-il prorogé jusqu’à fin juillet, voire au-delà », avance Jaume Duch, porte-parole du Parlement européen.

La crise sociale et économique prend le relais de la crise sanitaire, et elle n’épargne pas les pays développés. Partout, en Europe ou aux Etats-Unis, l’arrêt brutal d’activités lié au confinement a fait basculer des milliers de personnes dans le dénuement, qui viennent grossir les rangs des plus démunis. La reprise progressive de l’activité ne devrait apporter qu’un répit très limité, devant la catastrophe annoncée dans le tourisme, les spectacles ou la restauration. Conséquences : les files s’allongent pour la distribution d’aide alimentaire. Des coupons ont fait leur apparition. Et sur les sites des associations caritatives, les appels aux dons se font plus pressants.

« La crise sociale est devant nous »

Dans un appel commun lancé fin avril, la Fédération européenne des banques alimentaires (FEBA), Feeding America (FA) et The Global FoodBanking Network (GFN) se disent engagées dans une « lutte massive » pour « nourrir un nombre toujours croissant de familles et de personnes », dans un contexte d’autant plus difficile que « les canaux de distribution alimentaire sont perturbés par les interruptions de transport et les mesures de quarantaine ».

« La crise sociale est devant nous, et d’expérience, nous savons qu’elle dure plus longtemps. Si l’Europe de l’Est semble un peu plus épargnée, en Italie, en France, en Espagne, en Belgique, la demande d’aide a déjà augmenté de 20 % à 25 %. En Grande-Bretagne, c’est encore plus difficile. Partout, les mises au chômage s’amoncellent », confirme Jacques Vandenschrik, président de la FEBA, un réseau présent dans vingt-neuf pays européens. « Avant, poursuit-il, 30 millions de personnes se trouvaient déjà en situation matérielle de pauvreté en Europe. Et dire qu’on pensait que ce chiffre tomberait à 20 millions en 2020… »

Dans la seule ville de Milan, épicentre de l’épidémie en Italie, huit hubs de distribution d’aide alimentaire organisés par une multitude d’associations ont vu le jour ; à Barcelone et Madrid, en Espagne, les demandes ont triplé, dont 40 %, selon Caritas Madrid, provenant de personnes qui n’avaient jamais eu recours à ce type d’aide jusqu’ici ; dans le nord-est du pays, le journal El Periodico de Aragon faisait état, au 6 mai, de 24 000 personnes secourues à Saragosse et dans toute la région, un « chiffre qui ne cesse de croître ».

En France, « nous sommes confrontés à la même situation », déplore le président de la Banque alimentaire, Jacques Bailet, qui cite l’une des opérations menées fin avril dans un lycée professionnel de Seine-Saint-Denis, au cours de laquelle « plus de 600 bénéficiaires ont reçu une aide alimentaire en moins de trois heures ». « Il est trop tôt pour comprendre pleinement l’impact de la crise sur le revenu des ménages, mais on assiste à une énorme augmentation du chômage à la suite des mesures prises pour ralentir la propagation du Covid-19, note de son côté l’eurodéputée (PPE, centre droit) irlandaise Maria Walsh. Selon les dernières estimations en avril, nous sommes passés en Irlande d’un taux de chômage modeste de 5,4 % à 28 %. »

« Même si les Pays-Bas ne sont jamais entrés dans un confinement complet comme Italie ou en Espagne, l’économie a aussi considérablement ralenti, témoigne de son côté l’eurodéputée (S&D, centre gauche) néerlandaise Agnes Jongerius. Beaucoup de personnes avec des contrats flexibles ont été licenciées, des indépendants ont vu leurs activités réduites. Et même si le gouvernement néerlandais a pris certaines mesures, comme, par exemple, la possibilité de reporter le paiement de certaines taxes, un nombre croissant de personnes aux Pays-Bas sont obligées de recourir aux banques alimentaires. Et ce n’est qu’un début. Dans certaines villes, comme Amsterdam, cette augmentation est déjà de 30 %. »

A Londres, l’Olympia Center, une salle de spectacle située à West Kensington, a mis ses locaux à disposition pour distribuer des colis à 250 personnes par jour en moyenne. Au bout d’un mois de confinement, la Food Foundation, au Royaume-Uni, a publié les résultats glaçants d’une étude réalisée du 24 au 29 avril, selon laquelle 5 millions de Britanniques avec des enfants de moins de 18 ans se trouvaient alors en situation d’insécurité alimentaire, soit le double du niveau établi par la Food Standards Agency en 2018. Parmi les 621 000 enfants qui avaient accès à des petits déjeuners gratuits avant la crise, seuls 136 000 ont pu bénéficier d’un substitut.

Moyens jugés insuffisants

Associée à la distribution alimentaire menée à Genève, en Suisse, par l’association La Caravane de la solidarité, MSF est arrivée à la même conclusion sur la base d’un questionnaire distribué dans les longues files d’attente qui se sont formées devant la patinoire olympique de la ville réquisitionnée pour l’occasion. « Quarante pour cent des personnes présentes possédaient un travail mais avec des droits sociaux insuffisants, rapporte Patrick Wieland, chef de projet chez MSF Suisse. Ce sont des aides à domicile, des femmes de ménage, des employés de restaurant dont les petites économies ont fondu en peu de temps et qui basculent dans l’indigence. »

Les répercussions de l’isolement et de l’arrêt d’activités ont été d’autant plus violentes qu’elles ont eu lieu dans un contexte tendu, depuis la crise financière de 2008. « On ne peut pas dire qu’on partait de zéro. Avant l’épidémie, le budget européen aidait déjà 13 millions de personnes à se nourrir grâce au Fonds européen d’aide aux plus démunis [FEAD] », indique Jaume Duch, porte-parole du Parlement européen. Les moyens alloués aux Etats par le FEAD, créé en 2014 et doté de 3,8 milliards d’euros, sont aujourd’hui unanimement jugés insuffisants.

« En Italie, selon des données récentes, nous estimons que nous aurons une augmentation de près de 1 million de pauvres, soit au total près de 4 millions de personnes en situation de pauvreté absolue », affirme l’eurodéputée (S&D) italienne Elisabetta Gualmini. « L’introduction d’une forme de revenu minimum à partir de 2016 avait réduit le nombre de personnes dans le besoin avant la pandémie,mais aujourd’hui, ajoute-t-elle, le gouvernement s’apprête à adopter des mesures d’urgence supplémentaires, en plus des 80 milliards d’euros déjà débloqués. Jamais, dans l’histoire italienne des cinquante dernières années, il n’y avait eu une telle intervention financière de l’Etat. »

En dépit des sommes colossales annoncées par les gouvernements pour tenter d’endiguer les conséquences sociales et économiques de l’épidémie, la situation ne fait qu’empirer.

12 avril 2020

Macron contesté...

macron contesté

10 avril 2020

Coronavirus : les Européens s’entendent sur un plan de soutien à plus de 500 milliards d’euros

Par Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen

Les Vingt-Sept vont étudier la mise en place d’un fonds de relance, destiné à investir massivement quand la pandémie sera terminée.

Finalement, la réunion des ministres des finances de l’Union européenne (UE) – qui se tenait par vidéoconférence jeudi 9 avril – n’a duré que quarante-cinq minutes et s’est soldée par un accord sur la réponse économique à apporter à la crise du coronavirus. Le 7 avril, les mêmes avaient discuté pendant seize heures, sans succès. « La réunion s’est achevée sous les applaudissements des ministres », a annoncé, sur Twitter, le porte-parole de Mario Centeno, le président de l’Eurogroupe (qui rassemble les ministres des finances de la zone euro).

Le rendez-vous de jeudi a été précédé de tractations à tous les niveaux. Il a commencé avec plus de quatre heures de retard pour laisser le temps aux argentiers de cinq pays – France, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas – et à Mario Centeno de trouver un compromis. Dans la matinée, les chefs d’Etat avaient déblayé le terrain ; le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel avaient tous deux parlé à leur homologue néerlandais Mark Rutte, dont les positions empêchaient jusque-là toute avancée.

Les Européens se sont finalement entendus pour consacrer jusqu’à 540 milliards d’euros face aux ravages économiques du coronavirus. « C’est un grand jour pour la solidarité européenne », a commenté le ministre allemand des finances Olaf Scholz, quand son homologue français Bruno Le Maire a jugé qu’il s’agissait d’« un plan massif ». Les chefs d’Etat et de gouvernement devraient se retrouver bientôt pour l’entériner.

Ce plan comporte trois volets. Le premier, le plus consensuel, passe par la Banque européenne d’investissements (BEI) et s’adresse aux entreprises. Grâce à des garanties de 25 milliards d’euros que lui apporteront les pays européens, la BEI pourra accorder jusqu’à 200 milliards d’euros de nouveaux prêts aux entreprises.

Une récession sans précédent s’annonce

Le deuxième volet de ce plan – qui n’a pas d’emblée fait l’unanimité – répond aux besoins d’aide des Etats membres de l’UE pour financer un chômage partiel qui explose. Avant la crise, dix-huit pays, dont la France et l’Allemagne, avaient un mécanisme de ce type. Depuis, tous s’y sont mis, espérant ainsi limiter les licenciements, protéger le pouvoir d’achat et faire en sorte que les entreprises soient en mesure, une fois le confinement terminé, de se remettre au travail.

Dans ce contexte, jeudi soir, les Vingt-Sept se sont engagés à apporter, là aussi, 25 milliards d’euros de garanties à la Commission européenne, qui pourra dès lors lever 100 milliards sur les marchés pour financer cette initiative. Une initiative dont les Pays-Bas ont tenu à ce qu’elle soit temporaire.

C’est sur le troisième volet de la réponse économique de l’UE à la récession sans précédent qui s’annonce que les Vingt-Sept ont eu le plus de mal à s’entendre. Il concerne l’utilisation du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce fonds de sauvetage de la zone euro créé en 2012, quand l’union monétaire menaçait d’exploser. Doté d’une force de frappe de 410 milliards d’euros, il a en théorie pour mission de voler au secours des Etats membres qui n’arrivent plus à se financer sur les marchés.

Désormais, ont décidé les ministres, il pourra accorder aux pays les plus affectés par le virus des lignes de crédits dites « préventives », dont la seule existence doit rassurer les marchés et leur ôter toute envie d’imposer des taux discriminatoires à ces Etats dans le besoin. Et ce, dans la limite de 240 milliards d’euros.

Blessures mal cicatrisées entre le Nord et le Sud

Mais – et c’est à ce sujet que la bataille a fait rage – les Pays-Bas souhaitaient que les pays qui y auront recours s’engagent ensuite dans des réformes afin d’assainir leurs finances publiques. Une forme de mise sous tutelle qui rappelait les pires heures de la crise grecque entre 2010 et 2012, et dont Rome ne voulait pas entendre parler, évoquant la montée du sentiment anti-européen et des populismes sur ses terres.

Isolée, alors que Paris et Berlin redoutaient que cet épisode ne ravive les blessures mal cicatrisées entre le Nord et le Sud du continent, La Haye a fini par lever son veto.

Mais un pays ne pourra pas emprunter plus de 2 % de son produit intérieur brut (PIB) au Mécanisme européen de stabilité. Pour l’Italie, cela représente 36 milliards d’euros. « Peanuts », confiait un diplomate avant la réunion. Une somme en tout cas modeste au regard des besoins auxquels Rome pourrait devoir faire face si jamais la situation se dégradait dans les prochains mois, d’autant que la péninsule est déjà surendettée.

Et seules « les dépenses, directes et indirectes, de santé et de prévention liées au Covid 19 », précise le rapport de l’Eurogroupe, pourront être couvertes par le Mécanisme européen de stabilité (MES). « Un soutien économique » hors dépenses de santé sera assorti de « certaines conditions », a expliqué le ministre néerlandais des finances, Wopke Hoekstra : « En clair, c’est hors de question qu’un magasin qui aura fermé ses portes pour éviter la contagion en bénéficie. »

Un excellent compromis

Quelques minutes plus tôt, Bruno Le Maire prenait le même exemple, pour en tirer la conclusion inverse… Avant de reconnaître : « Il n’y a pas de bon compromis sans bonnes ambiguïtés. » De ce point de vue, la partie de l’accord conclu entre les ministres des finances sur un futur « fonds de relance » – destiné à intervenir quand la pandémie sera terminée et quand il s’agira d’investir massivement pour aider les économies européennes à se reconstruire – est un excellent compromis.

Pour Paris, la formulation à laquelle sont arrivés les Vingt-Sept permet tous les espoirs. La France a largement plaidé, avec huit autres pays, dont l’Italie et l’Espagne, pour la création d’un instrument commun de dette afin de financer ce futur fonds, que Bruno Le Maire imagine à 500 milliards d’euros. Pour Berlin et La Haye, viscéralement opposés à toute mutualisation de l’endettement, c’est tout l’inverse. Toujours est-il que le sujet est officiellement sur la table, ce qui est, en soi, une avancée. Aux chefs d’Etat et de gouvernement, désormais, de trancher le débat.

En attendant, ce sont déjà 540 milliards d’euros qui vont compléter la panoplie déjà déployée par l’Europe dans cette crise. La Commission a fait tomber ses tabous, les uns après les autres, en suspendant le pacte de stabilité et ses règles en matière d’aide d’Etat. Les Etats membres ont déjà consacré plus de 3 % de leur PIB à lutter contre le virus, et il ne se passe pas un jour sans nouvelle annonce.

Quant à la Banque centrale européenne (BCE), elle a décidé d’injecter plus de 1 000 milliards d’euros dans l’économie continentale et promet de faire plus si nécessaire.

14 mars 2020

Face au coronavirus, les frontières ferment les unes après les autres

coronavirus

L’Europe est désormais l’« épicentre » de la pandémie, a averti, vendredi, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé.

Le Monde avec AFP, AP et Reuters 

La pandémie due au coronavirus s’étend désormais dans 124 pays et territoires, avec plus de 140 000 personnes contaminées et au moins 5 300 décès, selon un bilan établi vendredi 13 mars par l’Agence France-Presse (AFP) à partir de sources officielles.

Etat d’urgence aux Etats-Unis

Accusé d’avoir dans un premier temps minimisé la gravité de l’épidémie dans son pays, Donald Trump a déclaré vendredi 13 mars l’état d’urgence aux Etats-Unis « pour déclencher la pleine puissance des ressources du gouvernement fédéral ». Le président américain a expliqué que cette décision permettrait d’accéder à près de 50 milliards de dollars de fonds pour lutter contre le virus.

« J’appelle chaque Etat [du pays] à mettre immédiatement en place des centres d’urgence » et les hôpitaux à activer leurs plans de préparation d’urgence « pour répondre aux besoins des Américains », a ajouté le président. Il a déclaré qu’il serait « probablement » lui-même testé après avoir été en contact avec les membres d’une délégation brésilienne testés positifs ce week-end.

De son côté, l’entreprise Apple annonce la fermeture de tous ses magasins hors de Chine jusqu’au 27 mars pour tenter de contenir la propagation du nouveau coronavirus, a annoncé son président, Tim Cook. Le fabriquant a tiré les leçons de mesures de confinement prises en Chine, où il vient juste de rouvrir ses boutiques, a déclaré Tim Cook dans un communiqué publié vendredi soir aux Etats-Unis.

L’Europe, épicentre de la pandémie

L’Europe est désormais l’« épicentre » de la pandémie, a averti, vendredi 13 mars, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, expliquant que, en excluant la Chine, le continent européen avait fait état de plus de cas et de morts que partout ailleurs dans le monde.

En Chine, point de départ de l’épidémie, le nombre de nouvelles contaminations a chuté vendredi à 8, chiffre le plus bas depuis le début de la publication des statistiques, mi-janvier. A l’inverse, l’Italie, pays le plus touché après la Chine, a vu le nombre des personnes contaminées faire un bond sur son territoire, passant de 15 113 à 17 660. Le pays a enregistré 250 nouveaux décès en vingt-quatre heures, faisant grimper le nombre des morts à 1 266.

En Chine, peu de nouveaux cas, la plupart importés

La Chine a rapporté samedi seulement 11 nouvelles contaminations, mais, pour la première fois depuis le début de l’épidémie, la plupart sont le fait de personnes venant de l’étranger.

Parmi ces cas supplémentaires, quatre à peine ont été enregistrés dans la ville de Wuhan (centre), où le virus est apparu fin 2019, selon le ministère de la santé.

C’est le chiffre le plus bas depuis le début du comptage en janvier.

Les sept autres nouvelles contaminations recensées (quatre à Shanghaï, deux dans la province du Gansu et une à Pékin) sont le fait de personnes en provenance de l’étranger. Leur nationalité n’a pas été précisée.

A travers le monde, les frontières se ferment les unes après les autres

Le Danemark a annoncé la fermeture de ses frontières aux étrangers à partir de samedi midi. La Pologne a pris une mesure similaire, ainsi que Chypre, la Slovaquie et la République tchèque, qui va fermer à partir de lundi ses frontières tant aux étrangers voulant entrer dans le pays qu’aux Tchèques voulant le quitter.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rappelé vendredi que « les interdictions de voyage générales [n’étaient] pas considérées comme très efficaces par l’OMS ».

De son côté, Emmanuel Macron a proposé à l’Union européenne (UE) de mettre en place dans les prochains jours des mesures de contrôles renforcés des frontières autour de l’espace Schengen et même de les fermer, afin d’« éviter les mesures non coordonnées », a fait savoir l’Elysée.

Hors UE, l’Ukraine a annoncé suspendre tous ses vols réguliers, et la Russie réduira à partir de lundi le nombre de ses liaisons aériennes avec l’UE. Singapour va interdire l’entrée et le transit aux voyageurs qui sont passés au cours des quatorze derniers jours par l’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne. L’Australie et le Canada ont appelé leurs ressortissants à reconsidérer leurs projets de voyage à l’étranger.

Les vols en provenance et vers l’Europe ont été suspendus dans de nombreux pays d’Amérique latine. La Colombie va fermer sa frontière avec le Venezuela et restreindre les entrées d’étrangers ayant voyagé en Europe ou en Asie au cours des quatorze derniers jours, a annoncé vendredi le président Ivan Duque.

En Nouvelle-Zélande, la première ministre a annoncé qu’à partir de lundi tous les nouveaux arrivants à la frontière, même les citoyens néo-zélandais, devraient être confinés durant quatorze jours. L’hommage national aux victimes de l’attaque des mosquées de Christchurch, survenue il y a un an, a par ailleurs été annulé.

L’Arabie saoudite suspend les vols internationaux dès dimanche pour deux semaines. Le pays a enregistré 86 cas de contamination.

Les plans d’aide se multiplient

L’UE va mettre en place un fonds de 37 milliards d’euros dans le cadre des mesures visant à limiter l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les économies des pays membres, a déclaré vendredi la présidente de la Commission européenne. Elle a ajouté que les autorités de l’UE feraient preuve de souplesse en matière d’application des règles communautaires sur les déficits budgétaires et les aides d’Etat.

En Allemagne, le gouvernement a annoncé vendredi des prêts « sans limite » d’une valeur d’au moins 550 milliards d’euros pour aider les entreprises du pays confrontées à des problèmes de trésorerie en raison de l’épidémie. Ce plan d’aide est plus important encore que celui qui avait été mis en place lors de la crise financière de 2008.

La Norvège a dévoilé vendredi des mesures d’urgence, chiffrées à près de 600 millions d’euros, pour soutenir l’économie du pays.

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13 mars 2020

Bourses : ça krach de tous les côtés, la BCE impuissante

Par Christophe Alix

lagarde

Christine Lagarde, le 11 février. (Photo V. Kessler. Reuters)

Après avoir annoncé une série de mesures pour endiguer la panique boursière, Christine Lagarde a exhorté la zone euro à apporter une réponse plus «ambitieuse».

Dernière grande banque centrale à réagir à la pandémie mondiale de Covid-19, la Banque centrale européenne (BCE) se sera montrée totalement impuissante jeudi à rassurer les marchés. A peine avait-elle annoncé le maintien de ses taux directeurs que les places européennes sont reparties dans une spirale baissière, précipitant le deuxième krach de la semaine à la Bourse de Paris, bien plus sévère encore que le premier. Il faut dire que la journée avait (très mal) débuté : jeudi matin, Donald Trump annonçait la fermeture des frontières des Etats-Unis pour les trente prochains jours aux voyageurs provenant d’Europe.

«Vendez, vendez»

A la différence des autres grandes banques centrales, la BCE n’a pas touché à ses taux directeurs. Si le principal est déjà à zéro depuis 2016, celui qui s’applique aux dépôts des banques dans ses caisses a été maintenu à -0,50 %. Dans les minutes qui ont suivi, le CAC 40 à Paris, le DAX de Francfort et le FTSE à Londres s’effondraient de plus de 10 %, accentuant un recul qui représente désormais plus d’un tiers de leur valeur depuis le début de l’année. A - 12,28 % en clôture, la place parisienne a même essuyé la pire baisse journalière de son histoire. Le Dow Jones a aussi plongé de 8,22 % à l’ouverture, provoquant une interruption automatique des échanges. Un scénario qui s’est répété à la Bourse de São Paulo (- 11,6 %). «Vendez, vendez, vendez», a résumé un analyste pour qualifier l’état d’esprit du jour ; un autre pronostiquait une «descente aux enfers boursiers» qui devrait continuer à court et moyen termes.

En annonçant toute une série de mesures pour tenter d’endiguer cette panique, la BCE n’est toutefois pas restée inerte. Les Etats et les entreprises, en premier lieu les PME, vont bénéficier de son programme de prêts et de rachats de dette publique et privée rallongé de 120 milliards d’euros d’ici la fin de l’année. Quant aux banques, en première ligne, dont certaines ont déjà perdu plus de la moitié de leur valeur en Bourse ces dernières semaines, elles vont voir leurs règles assouplies et être autorisées à opérer temporairement en dessous des exigences de fonds propres et de liquidités en vigueur.

Challenge

Après cette série d’annonces, la présidente de l’institution, Christine Lagarde, n’a pas vraiment remonté le moral des marchés en évoquant une «considérable aggravation des perspectives de croissance à court terme». L’entrée potentielle de la zone euro en récession «va clairement dépendre de la vitesse, de la force et du caractère coordonné» de la réponse «de tous les acteurs», a-t-elle insisté.

Or à l’écouter, les Etats ont jusqu’ici fait preuve de «lenteur et de complaisance» dans leur réaction face au coronavirus, «en particulier dans la zone euro». Une critique aussi vive qu’inhabituelle de la part de l’institution européenne pour mieux exhorter les Etats à apporter une «réponse budgétaire ambitieuse et coordonnée» lors de la réunion de l’Eurogroupe lundi.

Confrontés au double challenge «d’assumer le défi sanitaire» tout en limitant l’impact économique de la pandémie, les Etats vont devoir prolonger l’action de la BCE, plaide Lagarde, notamment en apportant des garanties supplémentaires sur les crédits. Manière de signifier que l’arme monétaire des banques centrales, déjà très sollicitée ces dernières années, n’est qu’un rempart temporaire pour faire face à des crises d’une telle ampleur.

10 mars 2020

Covid-19 : les Etats de l’Union préfèrent le chacun pour soi

Par Jean Quatremer, Correspondant à Bruxelles — Libération

Plutôt que de se coordonner, les Vingt-Sept ont jusqu’ici avancé en ordre dispersé. Un conseil européen extraordinaire doit tenter d’y remédier ce mardi.

Alors que le coronavirus, qui a atteint l’Europe le 24 janvier, se joue des distances et des frontières, l’UE est restée spectatrice de cette spectaculaire crise sanitaire. C’est le chacun pour soi qui l’a emporté jusque-là. L’Italie, épicentre européen de l’épidémie, a été abandonnée à elle-même, l’Allemagne et la France allant jusqu’à interdire l’exportation de matériel médical de protection, au mépris de toute solidarité. Les Etats, à l’image des institutions communautaires, ont décidé (ou pas) dans le désordre des mesures visant à freiner la propagation du virus, ce qui a contribué à accroître la panique des opinions publiques. Et les populistes font pression pour obtenir la fermeture des frontières nationales. «Le coronavirus a montré tout à la fois une absence de réflexe européen des Etats et une absence de réaction de l’UE», reconnaît un proche d’Emmanuel Macron.

Discrète

Le président français souhaite que ce chaos prenne fin au plus vite. Il a donc obtenu, lundi, la convocation d’un Conseil européen extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement consacré au Covid-19 : les Vingt-Sept ne se retrouveront pas en chair et en os mardi mais ils discuteront par téléconférence, en raison de la brièveté des délais et pour éviter tout déplacement inutile. «Il s’agit d’envoyer le signal politique que l’Europe est déterminée à agir unie, explique-t-on à l’Elysée. On ne peut pas ne pas avoir de leadership européen sur un sujet comme celui-là.»

Le problème est que l’Union européenne est largement dépourvue de moyens d’action, la santé n’étant pour l’essentiel qu’une «compétence d’appui» des Etats. En clair, elle ne peut agir que si les membres le lui demandent, ce qu’ils n’ont pas fait jusque-là, et seulement pour les aider. Même en cas d’épidémie transfrontalière, elle ne peut pas décider seule de mesures de protection : le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) n’a ni les pouvoirs ni les moyens du CDC, son homologue américain. C’est ce qui explique que la Commission soit aussi discrète depuis le début de la crise.

«Mais on ne peut réduire la question du Covid-19 à un problème juridique, c’est surtout une question politique, grince-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat français. Personne n’en aurait voulu à Ursula von der Leyen [la présidente de l’exécutif européen] si elle avait proposé il y a une semaine un plan d’action.» L’UE étant aux abonnés absents, les Etats ont réagi en ordre dispersé pour protéger leurs citoyens. Or le coût de la non-coordination est élevé puisqu’il pousse les pays à la surenchère. Et «plus ils réagissent dans leur coin, plus la coordination devient difficile», souligne un diplomate européen.

Cette crise a fait prendre conscience aux Vingt-Sept que, soixante-dix ans après le début de la construction communautaire, il n’y avait aucune possibilité de pilotage européen, et bien sûr aucun stock commun de médicaments ou d’équipements de protection… De même, il a fallu cette crise pour qu’ils se rappellent à quel point ils étaient dépendants des pays tiers. Ainsi, 80 % des principes actifs des médicaments vendus en Europe et 40 % des médicaments finis proviennent de Chine (pour les deux tiers) et d’Inde (pour un tiers). Ces deux pays produisent même 60 % du paracétamol mondial, 90 % de la pénicilline, 50 % de l’ibuprofène. Et 60 % de la production mondiale de vaccins (90 % pour le vaccin contre la rougeole) est concentrée en Inde. Cette mondialisation de la production s’est même accélérée depuis l’épisode du Sras en 2003, alors qu’il aurait fallu en tirer les leçons.

«Test de souveraineté»

La France espère donc que ses partenaires, lors du sommet, accepteront de coordonner leurs mesures de protection, mettront le paquet pour financer la recherche d’un vaccin qualifié de «test de souveraineté européenne» et ouvriront les cordons de la bourse pour aider les régions les plus touchées. Elle souhaite aussi que la «question industrielle» soit traitée : «Il faut, pour les prochaines crises, développer les industries européennes afin de ne plus dépendre de la Chine ou de l’Inde, explique-t-on à l’Elysée. Il ne s’agit pas de lancer un Gosplan soviétique, mais on doit être capable de gérer au niveau européen la démondialisation qui s’annonce.»

La crise du Covid-19, après celle des migrants et le Brexit, va-t-elle réveiller les Européens, qui semblent avoir abandonné toute ambition collective, comme l’a montré leur échec sur le budget communautaire 2021-2027 ? Pour l’Elysée, «ça peut être une opportunité de relancer la machine. Les peuples veulent plus d’Europe car ils voient bien que les réponses nationales sont insuffisantes».

2 mars 2020

Crise humanitaire - Les migrants, otages des manœuvres politiques d’Erdogan

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Sans espoir et sans ressources, des milliers de migrants syriens, afghans et irakiens sont bloqués depuis ce week-end à la frontière gréco-turque. Le président Erdogan leur a fait miroiter des frontières européennes grandes ouvertes, mais la Grèce a cadenassé la majeure partie de ses points d’entrée.

“À quelques mètres du poste-frontière d’Ipsala, des centaines de réfugiés sont regroupés sur un parking aux allures de terrain vague”, raconte l’envoyé spécial du Soir en Turquie. “Autour d’eux, des files de camions attendent les contrôles pour gagner la Grèce. Mohamad les regarde, dépité. ‘Erdogan nous a dit que nous pouvions passer ! Nous sommes venus et nous sommes bloqués… Les Grecs ont fermé les frontières’, explique ce jeune Afghan de 20 ans.”

Des centaines de familles comme celles de Mohamad ont cru trouver des frontières ouvertes et “sur les routes, les migrants continuent d’espérer passer, sans savoir qu’ils sont d’abord au cœur d’un marchandage”, écrit le quotidien belge.

En claironnant l’ouverture des frontières, Erdogan n’avait qu’un objectif : faire pression sur l’Union européenne (UE) en agitant le spectre de la crise migratoire de 2015, qui avait déstabilisé une Europe plus divisée que jamais.

Engagé dans une escalade militaire sanglante avec le régime de Bachar El-Assad, le président turc espère ainsi forcer les Européens à s’investir davantage dans le conflit à ses côtés. Les migrants se retrouvent otages de ce vaste jeu politico-diplomatique.

L’envoyé spécial d’El País raconte le sort de Zekerya et de ses proches, originaires d’Irak. Après d’être rendu compte qu’ils ne pourraient jamais passer côté grec, ils ont décidé “de rentrer à Istanbul. Nous étions une quinzaine de familles dans des taxis, mais la police turque nous a arrêtés sur la route. Et ils nous ont dit de retourner à la frontière.”

Le jeune homme est désespéré : “Les Grecs ne nous laissent pas passer et les Turcs ne nous laissent pas rentrer, du coup nous ne savons pas quoi faire. Nous nous retrouvons entre les deux.”

Si la voie terrestre semble verrouillée, la voie maritime est un peu moins étanche, observe Kathimerini. “Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les arrivées sur les îles s’accélèrent”, selon le quotidien grec. Seize bateaux, avec à leur bord “plus de 400 migrants, ont débarqué à Lesbos, Chios et Samos” dimanche matin. “Et des milliers d’autres migrants sont rassemblés sur la côte turque, attendant leur tour pour traverser.”

Situation explosive

Mais si les migrants réussissent à échapper aux gardes-côtes, leur sort n’est pas pour autant réglé en arrivant sur les îles. À Lesbos, des dizaines d’habitants les attendaient dimanche sur les plages pour les empêcher de débarquer. L’île abrite déjà un centre de réfugiés surpeuplé – construit pour 3 000 migrants, il en accueille aujourd’hui 20 000 – et demande maintenant à la Grèce continentale de prendre ses responsabilités.

The Guardian a discuté avec le sergent Panaghiotis Fykias, de la police de Lesbos. “Pour être honnête, je suis pessimiste, déclare-t-il. Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai eu l’impression de revenir en 2015. Les vents sont tombés, le temps est parfait (pour traverser), mais si ces flux continuent, c’est de mauvais augure. La situation est explosive. Il y a 27 000 migrants ici et les habitants ont perdu patience. Cela pourrait facilement dégénérer.”

L’UE, inquiète de la situation, va réunir cette semaine ses ministres des Affaires étrangères, tandis que le Premier ministre bulgare, Boïko Borissov – dont le pays partage une frontière avec la Turquie –, doit rencontrer Erdogan lundi, au nom des Vingt-Sept.

Mais quelle que soit l’issue politique de la crise, le sort des milliers de réfugiés bloqués à la frontière reste incertain. Apostolis Fotiadis, spécialiste des politiques migratoires, craint, dans La Stampa, que leur situation ne devienne “encore plus difficile”.

“La Grèce est prise en étau entre la Turquie, qui utilise les réfugiés pour des raisons géopolitiques, et l’UE, qui n’envisage aucun autre scénario que de maintenir ses frontières extérieures fermées, explique-t-il. Le gouvernement (grec) fera tout pour continuer à verrouiller ses frontières et considérera cette situation comme une excuse pour promouvoir une politique de détention plus sévère.”

17 février 2020

Tribune - George Soros : « La Chine de Xi Jinping représente une menace pour les valeurs de l’Union européenne »

Par George Soros, Financier et philanthrope américain, créateur, en 1993, de l’Open Society Foundations

Alors que la mauvaise gestion de l’épidémie de coronavirus montre les failles du gouvernement chinois, le financier américain George Soros invite, dans une tribune au « Monde », l’Europe à reconnaître la Chine comme ce qu’elle est : un partenaire commercial non démocratique.

Ni l’opinion publique européenne, ni les responsables politiques et dirigeants d’affaires européens ne semblent pleinement comprendre la menace que représente la Chine de Xi Jinping. Le président chinois est un dictateur qui utilise les technologies de pointe pour imposer un contrôle total sur la société chinoise. Or, les Européens considèrent principalement la Chine comme un partenaire commercial majeur. Ils ne saisissent pas que depuis l’accession de Xi Jinping aux fonctions de président et de secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), celui-ci a établi un régime dont les principes directeurs sont diamétralement opposés aux valeurs fondatrices de l’Union européenne (UE).

Cette plongée dans les bras de Xi est plus prononcée de la part du Royaume-Uni que de l’UE elle-même, le pays étant en phase de séparation par rapport au bloc. Le premier ministre Boris Johnson entend éloigner au maximum le Royaume-Uni de l’UE, et bâtir une économie de marché libérée des réglementations de l’UE. Il lui sera difficile d’y parvenir, dans la mesure où l’UE est prête à prendre des mesures contre cette forme de déréglementation que le gouvernement Johnson semble envisager. Seulement voilà, dans le même temps, le Royaume-Uni considère la Chine comme un partenaire potentiel, avec pour espoir de rétablir le partenariat bâti par l’ancien chancelier de l’Echiquier George Osborne entre 2010 et 2016.

L’administration Trump, distincte du président américain Donald Trump, gère beaucoup mieux ses relations avec la Chine. Les Etats-Unis sont parvenus à élaborer une politique bipartisane qui considère la Chine comme un rival stratégique, et ont inscrit le géant technologique Huawei ainsi que d’autres sociétés chinoises sur la fameuse « Entity List », qui interdit aux entreprises américaines de commercer avec ces entités sans l’autorisation du gouvernement.

Le cas de l’entreprise Huawei

Une seule personne est capable d’enfreindre cette règle en toute impunité : Trump lui-même. Et il semble malheureusement le faire, en plaçant Huawei sur la table des négociations avec Xi. Depuis le mois de mai 2019, lorsque les Etats-Unis ont placé l’entreprise chinoise sur l’Entity List, le département du commerce a octroyé à Huawei plusieurs exemptions de trois mois, afin d’empêcher certaines difficultés excessives pour les fournisseurs de composants électroniques américains auprès de l’entreprise chinoise.

Huawei est une entreprise très inhabituelle, unique à certains égards. Son fondateur Ren Zhengfei a suivi une formation technique en tant que membre du corps des ingénieurs de l’Armée populaire de libération (APL), laquelle est devenue l’un de ses premiers grands clients. A l’époque de la création de Huawei, en 1987, toutes les technologies chinoises étaient importées depuis l’étranger, et l’objectif de Ren Zhengfei consistait à rétroconcevoir les technologies grâce aux chercheurs locaux. Il y est parvenu au-delà de ses rêves les plus fous.

EN 2005, LES EXPORTATIONS DE HUAWEI DÉPASSAIENT SES VENTES INTÉRIEURES. EN 2010, L’ENTREPRISE FIGURAIT SUR LA LISTE DU MAGAZINE « FORTUNE » INCLUANT LES 500 PLUS GRANDES SOCIÉTÉS AU NIVEAU MONDIAL.

En 1993, Huawei lançait le plus puissant commutateur téléphonique disponible en Chine. Par la suite, l’entreprise obtenait un contrat majeur auprès de l’APL, pour la construction du premier réseau national de télécommunications. Huawei a ensuite bénéficié des politiques du gouvernement adoptées en 1996 et consistant à alimenter les fabricants nationaux de télécommunications, qui signifiaient également refuser l’entrée aux concurrents étrangers. En 2005, les exportations de Huawei dépassaient ses ventes intérieures. En 2010, l’entreprise figurait sur la liste du magazine Fortune incluant les 500 plus grandes sociétés au niveau mondial.

Une menace pour l’Europe

Après l’arrivée de Xi au pouvoir, Huawei a perdu le peu d’autonomie dont elle avait pu disposer auparavant. Comme toutes les autres entreprises chinoises, elle a dû se plier aux ordres du PCC. Jusqu’en 2017, cette obligation demeurait informelle ; après l’adoption de la loi chinoise sur le renseignement national, elle est devenue officielle.

Peu de temps après, un employé de Huawei a été impliqué dans un scandale d’espionnage en Pologne, et la société également accusée d’autres faits d’espionnage. Mais ce n’est pas l’espionnage qui constitue la plus grande menace pour l’Europe. Le fait de rendre les infrastructures les plus critiques de l’Europe dépendantes des technologies chinoises ouvre en effet la porte aux chantages et sabotages.

Il est pour moi évident que la Chine de Xi représente une menace pour les valeurs sur la base desquelles l’UE a été fondée. Cela ne semble pas le cas dans l’esprit des dirigeants des Etats membres de l’UE, ainsi que des chefs d’industrie, notamment en Allemagne.

L’UE est confrontée à un défi immense : la majorité silencieuse pro-européenne a parlé, disant considérer le changement climatique comme la priorité majeure, pendant que les Etats membres se querellent autour du budget, et s’efforcent davantage d’apaiser Xi que de maintenir la relation transatlantique.

Les manquements dans le respect des droits de l’homme

Plutôt que de livrer une bataille perdue d’avance contre la position dominante de Huawei sur le marché de la 5G, les Etats-Unis et l’UE, ou l’UE seule, doivent coopérer pour faire d’Ericsson et de Nokia des concurrents viables. Xi rencontrera en septembre les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-sept pays membres de l’UE, lors du sommet UE-Chine de Leipzig.

SEULS LES HAUTS DIRIGEANTS POLITIQUES CHINOIS PEUVENT DÉCIDER DE L’AVENIR DE XI.

Les Européens doivent comprendre qu’il en repartira avec une victoire politique fort nécessaire pour lui, si personne ne lui demande de rendre des comptes, ou l’interroge, sur ses manquements dans le respect des droits de l’homme, notamment au Tibet, dans le Xinjiang, ainsi qu’à Hongkong.

Seuls les hauts dirigeants politiques chinois peuvent décider de l’avenir de Xi. Le mal engendré par sa mauvaise gestion de l’épidémie de coronavirus devient si visible que l’opinion chinoise, voire le Politburo, doit le reconnaître. Quant à l’UE, elle ne doit pas faciliter sciemment sa survie politique.

George Soros, Financier et philanthrope américain. Il a créé en 1993 l’Open Society Foundations, qui fait la promotion de l’Etat de droit et de la liberté d’expression dans plus de 70 pays, et plus particulièrement en Europe de l’Est

Ce texte © Project Syndicate 1995 – 2020 a été traduit de l’anglais par Martin Morel

1 février 2020

Le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne, après 47 ans d’adhésion.

Après le compte à rebours des 30 dernières secondes précédant l’heure fatidique, le “moment historique” s’est produit vendredi 31 janvier “à 23 heures” locales (minuit heure de Paris) : “les sons de cloche préenregistrés de Big Ben ont résonné” et le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne, “plus de trois ans après avoir voté en ce sens par référendum”, relate la BBC.

“Le Royaume-Uni se sépare enfin de l’UE après 47 ans d’adhésion”, se réjouit le Financial Times. “NOUS L’AVONS FAIT !”, titre The Daily Express, citant “des Brexiters en liesse”, ravis de voir le Royaume-Uni entrer “dans une nouvelle ère de liberté”.“Got Brexit done! (Nous avons réalisé le Brexit!)”, s’enthousiasme The Daily Mail. “Le Royaume-Uni est désormais seul au monde”, observe pour sa part The Mirror, quand The Times voit dans le divorce un “point de départ”.

“Émotions mitigées”

A travers le pays, “des millions” de Britanniques ont “célébré l’un des plus grands moments de l’histoire de la nation”, “après des années de tergiversations et de retards”, décrit The Sun.

La BBC livre un récit plus contrasté : la soirée a été marquée à la fois par “des célébrations et des protestations” anti-Brexit : “des veillées aux chandelles ont eu lieu en Écosse, qui a voté pour rester dans l’UE, tandis que les Brexiters faisaient la fête sur la place du Parlement à Londres”. The Guardian dresse un constat similaire, faisant état “d’émotions mitigées (…) montrant que le Royaume-Uni n’est pas encore à l’aise” avec ses différentes composantes. Pour une partie des Britanniques, l’heure était au deuil : “alors que certains descendaient dans la rue pour célébrer leur départ de l’UE, d’autres pleuraient la perte d’un vieil ami.”

C’était la tristesse de dire au revoir non pas à une institution, mais à une idée – celle de l’amitié par-delà les mers, d’harmonie entre les nations, de détermination à ce qu’un continent qui a été rongé par les guerres les plus sanglantes vive son avenir dans la paix.”

A Londres, “des milliers de personnes sont descendues sur Parliament Square”, aux abords du Parlement de Westminster, rapporte The Independent. La fête y était “turbulente” avec “des politiciens pro-européens hués” et des pancartes demandant aux autorités de mettre en prison “les traîtres”, note le journal, précisant toutefois que “l’événement était largement bon enfant”.

Sky News retransmettait les images de partisans du Brexit exultant, agitant des drapeaux britanniques, criant “bye bye EU !” ou encore “Boris ! Boris !” pour acclamer le Premier ministre Boris Johnson, et chantant l’hymne national. Peu après minuit, un partisan de la sortie de l’UE témoignait de son bonheur d’être “libéré des chaînes de l’Europe”. A ses côtés, un ami portant un nœud papillon motif Union Jack se disait lui aussi “extatique”, sur fond sonore de feux d’artifice.

Johnson se pose en rassembleur

Dans un discours à la nation prononcé peu avant la sortie de l’UE, M. Johnson, a promis de faire du Brexit un “succès éclatant” et s’est posé en rassembleur, proposant de “guérir les divisions britanniques”.

La chose la plus importante à dire ce soir, c’est que ce n’est pas la fin, mais le début, le moment où l’aube pointe et le rideau se lève sur un nouvel acte.”

Reste que si “Johnson affirme que Brexit permet au Royaume-Uni de libérer tout son potentiel”, note le Financial Times, pour l’UE, l’heure n’était pas à la fête, la chancelière allemande Angela “Merkel se (plaignant) d’une ‘rupture profonde’”. Le chef du gouvernement prévoit d’imposer des contrôles douaniers et frontaliers complets sur les marchandises européennes, anticipe quant à lui The Telegraph, qui note “un changement radical” par rapport à ses annonces pré-électorales.

Pour l’heure, en tout cas, “rien n’a matériellement changé” pour les Britanniques, souligne The Guardian.

Le Royaume-Uni qui se réveillera samedi devra encore se conformer aux règles de l’UE et contribuer au budget de l’UE, bien qu’il n’ait pas son mot à dire, jusqu’au 31 décembre. (…) Les choses ne se concrétiseront qu’au premier jour de l’année 2021.”

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