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Jours tranquilles à Paris
12 avril 2019

L'ÉDITO de Charles de Saint Sauveur - Splendide isolement

macron seul

Coup sur coup, Emmanuel Macron s’est retrouvé à faire cavalier seul au sein de la famille européenne. Dans la nuit de mercredi à jeudi, c’est face aux Britanniques qu’il a tenu une ligne dure, plus intransigeante vis-à-vis de Londres que celle de Merkel et de la plupart des autres partenaires européens. En clair, il défendait (et a seulement en partie obtenu) un report le plus court possible du Brexit, en insistant pour que des conditions les plus strictes possible soient imposées à Londres. Quelques heures plus tard, l’Elysée a fait savoir que la France voterait lundi à Bruxelles contre l’ouverture de négociations commerciales entre l’UE et les Etats-Unis. Et ce, alors que les 27 autres Etats membres en avaient approuvé le principe jeudi. Pourquoi ? Macron refuse tout accord commercial avec un pays non-signataire de l’Accord de Paris sur le climat… ce qui est le cas des Etats-Unis de Trump.Dans les deux cas, cette fermeté affichée procède d’un calcul stratégique (l’avenir de l’Union européenne) et politique (les élections du 26 mai). Le risque, c’est l’isolement sur le vieux continent, et le fossé qui se creuse avec l’Allemagne. De couple, il n’est plus trop question ces jours-ci. Car Macron, affranchi des accommodements de Merkel, entend incarner une Europe qui ne se couche pas ; qui porte une voix forte, affiche sa fermeté… Bref, une Europe qui ne serait plus celle du plus petit dénominateur commun. Puisqu’il a mis le projet européen au cœur de son quinquennat, le président ne peut pas incarner aux yeux de l’opinion française une UE molle qui s’ouvre à tous vents et ne protège pas ses citoyens. Cette posture de « splendide isolement » - oxymore avec lequel on qualifiait la diplomatie britannique à la fin du XIXe siècle - sera peut-être payante en France le 26 mai. Sur la scène européenne, elle suppose que Paris ait les moyens de son leadership supposé. Pour l’instant, il relève surtout de l’illusion. Le Parisien

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11 avril 2019

L'ÉDITO de Didier Micoine - Abracadabrantesque

Dedans et dehors. Voilà donc la situation – baroque, selon l’expression d’Emmanuel Macron — dans laquelle se trouvent les Britanniques aujourd’hui. Ils disposent désormais d’un nouveau délai, jusqu’au 31 octobre, pour quitter l’Union européenne. Et sauf si les parlementaires britanniques votaient soudainement dans les prochains jours l’accord de divorce qu’ils ont rejeté à plusieurs reprises ces dernières semaines (ce qui paraît très improbable), le Royaume-Uni va devoir organiser des élections européennes le 23 mai et élire des eurodéputés. Une provocation pour les électeurs qui avaient voté pour la sortie de l’UE il y a trois ans. Et une aberration alors que les sièges des Britanniques ont été bloqués et répartis entre les 27 pays membres. Il devrait donc y avoir à l’issue du scrutin de mai moins de députés élus par pays que ce qui était prévu, en tout cas jusqu’à ce que le Brexit soit acté. Et que les parlementaires anglais cèdent leur place ! En attendant, ils siégeront à Strasbourg, notamment pour la mise en place de la nouvelle législature (avec l’élection du président du parlement et des commissions). Dans ce cas, les partisans du Brexit ont déjà promis de « pourrir » la vie de l’UE… Il est difficile de prévoir les prochains épisodes du feuilleton, mais dans ce scénario abracadabrantesque, Macron a le mérite de la cohérence en ayant affirmé sa fermeté et en s’opposant au report encore plus long qui était envisagé. Mais le président français a pu constater à Bruxelles qu’il était bien isolé. Le Parisien

11 avril 2019

Brexit : les Européens optent pour un report flexible jusqu’au 31 octobre

mat

Par Cécile Ducourtieux, Bruxelles, bureau européen, Cédric Pietralunga, Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles, bureau européen

Emmanuel Macron, qui souhaitait une extension courte au 30 juin, a été contraint au compromis. Londres pourra toutefois quitter l’Union européenne avant cette date, dès que son Parlement aura ratifié un accord.

Le Brexit, qui a déjà livré un lot conséquent d’expressions, en a offert une nouvelle aux journalistes, mercredi 10 avril : « Halloween Brexit ». Après avoir été annoncé pour le 29 mars, puis pour le 12 avril, le « prochain » Brexit devrait avoir lieu le 31 octobre, pour la fête anglo-saxonne des citrouilles et des sorcières.

C’est cette date qu’ont fini par arrêter les vingt-huit dirigeants de l’Union européenne (UE), Theresa May compris, même si elle n’a pas vraiment eu son mot à dire, après quatre heures de discussion serrée lors d’un Conseil européen extraordinaire, à Bruxelles.

Les chefs d’Etat et de gouvernement sont sortis de la négociation avec un compromis typiquement européen : ils ont coupé la citrouille en deux.

La première ministre britannique réclamait un délai jusqu’au 30 juin pour éviter un « no deal » catastrophique le 12 avril, les élus de la Chambre des communes ayant voté trois fois contre l’accord de divorce négocié avec Bruxelles. Et son offre de négociation à Jeremy Corbyn, le chef de file des travaillistes, n’a jusqu’ici produit aucun résultat. « Des désaccords profonds demeurent sur la nature de notre relation future avec l’Europe », indiquait, mercredi, un responsable du Labour.

Le Brexit au congélateur

Si, par extraordinaire, le gouvernement britannique parvenait à faire ratifier le traité du divorce dans les semaines ou les mois qui viennent, et avant la fin octobre, le Brexit serait effectif « le premier jour du mois suivant » cette ratification, précisent les conclusions du Conseil. Si, en revanche, le pays était toujours membre de l’UE au moment des élections européennes, du 23 au 26 mai, mais n’y participait pas (alors que c’est une obligation légale), il sortirait, dans le cadre d’un « no deal », le 1er juin.

Avant la discussion, la grande majorité des Etats membres avait l’intention d’accorder une extension « longue » de l’article 50 (la procédure de sortie du Royaume-Uni de l’UE), « d’un an au maximum », selon Donald Tusk, le président du Conseil et principal promoteur de cette solution, avec la chancelière Angela Merkel.

Le but était de mettre littéralement le Brexit au congélateur, face à l’incapacité des Britanniques à décider eux-mêmes de leur sort. Le temps de gérer une séquence politique aussi délicate que cruciale pour l’UE : les élections européennes, avec le renouvellement de l’hémicycle de Strasbourg, puis la nomination de la nouvelle présidence de la Commission, du Parlement et du Conseil européens.

Emmanuel Macron, très isolé – car soutenu seulement par l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg et Malte –, prônait, lui, une extension au 30 juin maximum, afin de maintenir une pression intense sur les Britanniques et les amener à ratifier finalement l’accord de retrait. Ou à dégager un consensus entre travaillistes et conservateurs sur un divorce avec maintien dans l’union douanière. La France, indiquait le président, estime qu’« on ne peut pas rester éternellement si on n’a pas de perspective pour sortir ». « Pour nous la situation de “no deal” est une vraie option », poursuivait-il, refusant que l’UE soit « engluée dans l’incertitude du Brexit ».

Macron « seul contre tous »

A son arrivée, M. Macron s’était d’ailleurs voulu martial. « Pour moi, rien n’est acquis, rien, et en particulier quand j’entends les rumeurs, aucune extension longue », avait-il lancé. « Nous avons négocié pendant deux ans un accord de retrait, beaucoup de temps a été donné, il faut maintenant en venir aux décisions », avait-il ajouté, donnant le sentiment de vouloir précipiter les choses, malgré les réticences allemandes. Certains ont même cru que le président français irait jusqu’à mettre son veto à une nouvelle extension, provoquant un « no deal » le 12 avril – la première date limite, fixée lors du Conseil européen des 21 et 22 mars.

La posture se voulait gaullienne – « seul contre tous ». « Tout n’est pas préférable au “no deal” », avait expliqué un conseiller de l’Elysée, alors que la discussion battait son plein dans le bâtiment Europa, qui accueille les réunions des Vingt-Huit.

Le président français était sur la même ligne que Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, lui aussi désireux de maintenir la pression sur Londres, de peur que le divorce tourne au mauvais remake du film Un jour sans fin. Et afin d’éviter cette habitude si européenne de procrastiner, de renvoyer les difficultés au lendemain, de « kick the can down the road » comme disent les Britanniques, que l’on peut traduire par « repousser la poussière sous le tapis ».

Avec une extension de plus de six mois, M. Macron a toutefois cédé du terrain. Il a certes obtenu que le Brexit soit à l’agenda du Conseil des 20 et 21 juin, mais de toute façon, le sujet, étant donné son importance, aurait forcément été sur la table. La France n’a par ailleurs arraché qu’un engagement symbolique de Londres de ne pas bloquer la machine européenne (« Le Royaume-Uni doit s’abstenir de prendre en otage » les décisions de l’UE à Vingt-Sept, précisent les conclusions), alors qu’elle insistait pour que le pays soit privé de son droit de veto sur certaines décisions de l’UE.

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Couac franco-allemand

Angela Merkel et les adeptes de l’extension longue – Donald Tusk, le président de la Commission Jean-Claude Juncker, et une bonne quinzaine de pays membres –, ont accepté de revenir sur leur projet d’un report au 31 décembre 2019, voire au 31 mars 2020.

« La butée du 31 octobre nous protège » car c’est « une date clé, avant l’installation d’une nouvelle Commission » européenne, a expliqué M. Macron. Théoriquement, celle-ci ne prendra en effet ses fonctions que le 1er novembre, avec son collège de commissaires au complet. Théoriquement seulement : beaucoup, à Bruxelles, redoutent déjà qu’elle ait du retard à l’allumage, anticipant que certains commissaires, envoyés par des gouvernements populistes, rateront leurs auditions devant le Parlement.

Mercredi soir, les Vingt-Sept ont évité de peu la désunion, eux qui étaient, jusqu’à présent, restés soudés sur ce dossier. La soirée avait mal commencé avec un Emmanuel Macron fatigué et tendu et une Angela Merkel arborant une mine sévère. Une rencontre bilatérale entre les deux responsables n’avait duré qu’un quart d’heure. La chancelière aurait, auparavant, confié aux autres dirigeants du Parti populaire européen qu’elle ne comprenait pas « la rationalité de Macron ». Ce couac prouve, s’il en était besoin, que le moteur franco-allemand est vraiment en panne.

theresa may

La question est, désormais, de savoir si le Brexit aura effectivement lieu un jour. « Malgré le report, le Royaume-Uni peut encore quitter l’UE le 22 mai, cela évitera au pays de tenir des élections européennes », affirmait Theresa May, toujours vaillante, à presque 3 heures du matin, jeudi 11 avril. M. Tusk, lui, évoque « une extension aussi flexible que je l’attendais, mais plus courte que je l’attendais ». Susceptible, toutefois, d’assurer le maintien du Royaume-Uni dans l’UE, suggère-t-il à demi-mot…

La vérité est, en fait, que les Européens à Vingt-Sept semblent autant dans l’impasse que les Britanniques, dès lors qu’ils ont majoritairement exclu l’hypothèse du « no deal ». Si, de leur côté, les Britanniques persistent dans leur refus de ce « divorce ordonné » tout en continuant à se déchirer sur la forme du Brexit qu’ils souhaitent, leurs (ex- ?) partenaires se retrouveront à nouveau au bord de la falaise. Pour Halloween.

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10 avril 2019

Brexit : les trois scénarios des Européens, qui s’acheminent vers un report long

Par Cécile Ducourtieux, Bruxelles, bureau européen, Cédric Pietralunga

D’abord rejetée par la France, la proposition du président du Conseil, Donald Tusk, une extension longue, jusqu’à un an, mais flexible, en permettant au Royaume-Uni de sortir de l’UE dès que ses forces politiques s’accordent, est en voie de s’imposer.

Mercredi 10 avril, Bruxelles vivra de nouveau à l’heure du Brexit. Theresa May doit rencontrer ses vingt-sept homologues européens en fin d’après midi, pour tenter d’obtenir un nouveau report du divorce. En effet, la première ministre britannique n’est toujours pas parvenue, après trois tentatives, à faire approuver l’accord de sortie de l’Union européenne (UE) par les députés de la Chambre des communes ; et les négociations avec le camp travailliste pour un accord de compromis sur une union douanière traînant en longueur.

Le Brexit aurait dû avoir lieu initialement le 29 mars. Le 21 mars, Mme May avait déjà dû réclamer un report aux Vingt-Sept, pour éviter un « no deal » catastrophique. Les Européens lui avaient alors donné jusqu’au 12 avril, soit pour faire valider le traité du divorce, soit pour venir avec un « plan crédible » justifiant un report, cette fois, long de plusieurs mois.

Ce mercredi, la première ministre britannique se présentant à eux sans véritable « plan », ils ont théoriquement le choix entre trois scénarios. Avec, à cette heure, une préférence marquée pour la « flextension » : une extension longue – jusqu’à un an – mais flexible – le Royaume-Uni pouvant en sortir dès qu’un consensus national sur le Brexit aura émergé. Présentée le 5 avril par Donald Tusk, le président du Conseil européen, cette solution avait pourtant été qualifiée de « ballon d’essai maladroit » par l’entourage d’Emmanuel Macron.

Un « no deal » le 12 avril quasiment exclu

Le 21 mars, le camp des « durs », qui comprend le président français, le premier ministre belge, Charles Michel, et le Luxembourgeois Xavier Bettel, mettait encore en garde Londres contre un risque de « no deal ». Ces derniers jours, le camp des modérés – Donald Tusk et Angela Merkel, la chancelière allemande – semble avoir nettement pris le dessus.

L’« UE ne prendra jamais la décision d’un “no deal”, a affirmé Michel Barnier, le négociateur en chef pour les Vingt-Sept, mardi 9 avril, ce sera un choix des Britanniques. »

Or, la Chambre des communes s’est prononcée à plusieurs reprises, clairement, contre un Brexit sans accord. « Etant donné le risque posé par un “no deal” pour les citoyens et les entreprises des deux côtés de la Manche, nous devons faire tout notre possible pour l’éviter », a insisté M. Tusk, mardi, dans sa lettre d’invitation aux vingt-sept dirigeants de l’UE. Un point de vue qui fait écho aux déclarations répétées de la chancelière allemande. Elle a assuré vouloir « travailler jusqu’à la dernière minute à éviter un “no deal” ».

Un report du Brexit au 30 juin peu probable

Les Européens sont tous à peu près d’accord : pas question d’octroyer des reports courts à répétition aux Britanniques, au risque d’enchaîner les réunions d’urgence à Bruxelles. « Nous ne voulons pas de sommets à répétition, insiste t-on à l’Elysée. Il faut montrer qu’on sait faire autre chose. Et qu’on ne perturbe pas le fonctionnement de l’UE. »

Une séquence politique délicate s’est en effet ouverte, avec la campagne des élections européennes : le scrutin, à proprement parler, se tiendra du 23 au 26 mai partout dans l’UE. Le Conseil européen devra ensuite désigner un ou une nouvelle présidente de la Commission en remplacement du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

Le Parlement de Strasbourg devra, dans la foulée, donner son feu vert. Durant l’été, un ou une nouvelle présidente du Conseil devra lui/elle aussi être désigné. Puis à l’automne sera constitué le collège de la nouvelle Commission. Pas question que ces évènements, cruciaux pour l’UE, soient « pollués » par un Brexit chronophage.

Un report long, d’un an maximum, désormais l’option la plus probable

Le cœur n’y est pas. Mais prolonger l’article 50 « d’au plus un an », comme suggéré par M. Tusk dans sa lettre d’invitation aux Vingt-Sept, mardi soir, paraît désormais l’option la plus raisonnable à Bruxelles.

Il s’agit, dans l’esprit des Européens, de mettre le Brexit « au congélateur », le temps que les Britanniques trouvent une voie politique de sortie (consensus national sur un accord, élections générales, second référendum, voire révocation de l’article 50). Et le temps que les Européens, de leur côté, renouvellent leur Parlement et leur Commission.

« Une extension flexible serait une possibilité, qui ne durerait que le temps nécessaire, mais pas plus d’un an, car au-delà de cette date, nous devrons prendre des décisions unanimes sur des projets européens clés », a précisé M. Tusk. Il veut parler du budget pluriannuel de l’UE pour la période 2021-2027, dont la négociation ne commencera vraiment qu’en 2020.

La France réclame des garanties

Sur sa ligne martiale, prête au « no deal », le président français paraissait de plus en plus isolé ces derniers jours sur la scène européenne. La France ne s’opposerait désormais plus à un report long, mais à l’Elysée, on considérait encore mardi, qu’« un an nous paraît trop long », et qu’il s’agit de durcir les conditions attachées à ce report. « Nous voulons des garanties très sérieuses de non-perturbation de l’UE », insistait-on à l’Elysée, mardi.

Les Vingt-Sept sont au moins d’accord sur un point : les Britanniques vont devoir participer aux élections européennes. Le Royaume-Uni étant encore un Etat membre au moment du scrutin, il s’agit d’une obligation légale. Et s’il s’avisait de ne pas faire élire ses propres eurodéputés, « le divorce interviendrait le 1er juin 2019 », est-il précisé dans un projet de conclusions du Conseil, que Le Monde a pu consulter.

Paris insistait aussi, ces dernières heures, sur la formation d’un « comité de suivi des engagements britanniques », qui se réunirait tous les « trois ou quatre mois », précise l’Elysée, afin de vérifier si les Britanniques ne perturbent pas le jeu démocratique européen et s’ils s’engagent dans une « coopération sincère ». La France insistera t-elle davantage, réclamant d’écarter les eurodéputés des postes à responsabilité au Parlement européen ? De priver Londres d’un commissaire européen ? « Juridiquement, c’est impossible si le Royaume-Uni reste un Etat membre », estimait un diplomate bruxellois, mardi.

Plus fondamentalement, à l’Elysée, on s’inquiète de ce que la présence des Britanniques focalise exagérément l’attention et les moyens de la Commission européenne sur la question du Brexit dans les prochains mois, voire les prochaines années. « Le président a de grands projets pour l’Europe, il n’est pas question de consacrer toute l’énergie et le temps de l’UE à négocier avec le Royaume-Uni, explique-t-on à l’Elysée. Depuis dix ans, la crise de la zone euro puis celle des migrants ont paralysé l’Europe, on ne va pas recommencer avec le Brexit. »

8 avril 2019

Brexit or not ?

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8 avril 2019

Enquête - En Europe, l’inquiétant creusement des fossés régionaux

Par Anne-Françoise Hivert, Malmö (Suède), correspondante régionale, Blaise Gauquelin, Vienne, correspondant, Marie Charrel

Au sein des pays européens, les disparités entre les régions se creusent, alimentant les angoisses face à la disparition des emplois et la peur du déclassement

On raconte qu’au XIVe siècle, les habitants de Patalenitsa, au centre-ouest de la Bulgarie, enterrèrent leur église sous une colline afin de la protéger de l’envahisseur ottoman. Au fil des ans, ils oublièrent sa présence… Jusqu’à ce qu’un paysan la redécouvre par hasard, au XIXe siècle.

Aujourd’hui, la bâtisse médiévale, l’une des mieux conservée du pays, attire les touristes en été. Mais cela ne suffit pas à faire vivre le village. Près du café où quelques anciens discutent, une masure abandonnée est envahie par les ronces. Plus loin, le toit d’une autre s’est effondré. En face, une bâtisse délabrée n’a plus de fenêtre. Partout, des maisons abandonnées offrent leur triste façade à la rue. « Les jeunes partent à la ville ou à l’étranger, là où sont les emplois, et laissent leurs logements derrière », déplore Kalinka Stoyanova, une habitante. Depuis dix ans, la population de Patalenitsa a fondu de 1 600 à 1 000 âmes.

La Bulgarie est le pays le plus pauvre de l’Union européenne (UE). Selon les Nations unies, c’est aussi celui se dépeuplant le plus rapidement au monde, sous l’effet conjugué de l’émigration et de la faible natalité. Le pays compte aujourd’hui 7 millions d’habitants, soit 2 millions de moins qu’en 1989. « Ces départs aggravent encore le fossé entre les campagnes et les grandes villes, comme Varna et Sofia, qui continuent de croître et concentrent les emplois », s’inquiète Ruslan Stefanov, du Centre pour l’étude de la démocratie, à Sofia.

Si l’exemple bulgare est le plus extrême, pas un pays membre ou presque – le Luxembourg et les Pays-Bas sont moins concernés – n’échappe au phénomène. « Pendant soixante ans, l’UE a été une formidable machine à convergence, mais les divisions régionales au sein des pays se sont creusées », détaille la Banque mondiale, dans son dernier rapport sur l’Europe.

« Gilets jaunes » et divisions françaises

La richesse moyenne des Etats les plus pauvres rattrape peu à peu celle des plus riches, et c’est un succès pour l’UE. Mais localement, les disparités n’ont pas disparu. Et bien souvent, elles s’accroissent. En France, la crise des « gilets jaunes », parfois présentée trop schématiquement comme l’affrontement entre villes et périphéries, a mis cette problématique sous le feu des projecteurs.

Nombre d’indicateurs économiques d’emplois, de revenus ou de développement permettent de mesurer ces contrastes régionaux. Les plus éclairants sont peut-être ceux publiés fin février par Eurostat, détaillant le produit intérieur brut (PIB) par habitant. En 2017, celui de l’Italie équivalait à 96 % de celui de la moyenne européenne. Mais le niveau montait à 128 % dans la riche Lombardie, au nord, deux fois plus qu’en Calabre ou dans les Pouilles, au sud. En France, les écarts vont de 177 % en Île-de-France à 75 % en Picardie et 34 % à Mayotte. En Allemagne, ils vont de 202 % à Hambourg à 83 % en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.

Le fossé est plus impressionnant encore à l’est. La capitale slovaque Bratislava est ainsi l’une des quatre régions européennes ayant enregistré la plus forte croissance entre 2007 et 2016. Son PIB par habitant équivaut, aujourd’hui, à 179 % de la moyenne européenne, soit plus que celui de sa proche voisine, Vienne (151 %). Mais près de la frontière ukrainienne, où le niveau tombe à 54 %, certains villages offrent encore le visage de la misère.

Le sujet a d’ailleurs occupé les débats de l’élection présidentielle, dont le second tour s’est tenu le 30 mars. « Le boom du secteur automobile continue d’être concentré principalement dans les régions occidentales », regrette Ján Remeta, responsable des questions économiques pour les sociaux-libéraux du Progresivne Slovensko (PS). La candidate de son parti, la militante anticorruption Zuzana Caputova, a été élue avec 58 % des voix.

« Pour autant, il serait caricatural de résumer la problématique à une opposition binaire entre ville et campagne », prévient Eric Charmes, sociologue et urbaniste à l’Ecole nationale des travaux publics de l’Etat, auteur de La Revanche des villages (Ed. du Seuil, 112 pages, 11,80 euros). Les dynamiques à l’œuvre sont plus complexes. Notamment en France, où le fossé est plutôt entre les territoires éloignés de tout, et les zones concentrant les activités – y compris certaines communes périurbaines.

La Banque mondiale, elle, identifie deux types de régions particulièrement à la traîne. Les premières sont celles à très bas revenus à l’Est, notamment en Bulgarie, Roumanie, Hongrie et Pologne. Les secondes sont celles où la croissance est quasi nulle. La plupart sont situées en Italie, Grèce, Espagne et Portugal : entre 2005 et 2015, le PIB par habitant y a stagné, alors qu’il a progressé de 2,1 % par an en moyenne dans l’UE.

« Ces régions sont pénalisées par leur faible potentiel économique », explique la Banque mondiale. Elles affichent des institutions publiques de moindre qualité, une forte dépendance à l’agriculture, plus de travailleurs peu qualifiés et, bien souvent, un vieillissement démographique prononcé. Exemple : le sud de l’Italie, moins développé que le nord industriel, est miné par le travail au noir, et certaines villes souffrent d’une infiltration mafieuse freinant le développement économique. Ce qui encourage un peu plus encore les jeunes à faire leurs valises.

« L’INSTAURATION DU MARCHÉ COMMUN A ÉGALEMENT ENCOURAGÉ LA CONCENTRATION DES ACTIVITÉS DANS LES GRANDES AGGLOMÉRATIONS ET SUR LA DORSALE EUROPÉENNE »

En Italie comme ailleurs, les divisions régionales sont souvent l’héritage de l’histoire et de l’exode rural. Mais pas seulement. Elles sont aussi le fruit des politiques nationales d’aménagement du territoire et de compétitivité, plus ou moins efficaces selon les Etats. Dans certains, comme en Allemagne, elles ont contribué au maintien d’un tissu de PME industriel décentralisé.

« En permettant les économies d’échelle et supprimant les barrières commerciales, l’instauration du marché commun a également encouragé la concentration des activités dans les grandes agglomérations et sur la dorsale européenne, courant de la mer du Nord à la plaine du Pô », ajoute Laurent Chalard, docteur en géographie à Paris-IV-Sorbonne. Une tendance renforcée encore par l’introduction de l’euro.

S’ajoutent à cela les mutations structurelles de l’économie et de l’emploi. Ainsi, le développement des services favorise les créations de postes très qualifiés dans les grandes villes, en particulier les capitales. Ces prochaines années, 14 % des emplois pourraient être automatisés, au risque de creuser un peu plus encore les écarts entre régions, souligne l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans un récent rapport.

Celles affichant une population active moins éduquée sont particulièrement exposées : en Slovaquie occidentale, la proportion des emplois menacés frôle les 40 %, contre 4 % seulement autour d’Oslo, la capitale norvégienne. En France, les régions les plus susceptibles d’être affectées par la robotisation (dans l’ancienne nomenclature) sont la Champagne-Ardenne (18,5 %) et la Basse-Normandie (18,4 %).

Des administrations délocalisées

Si ces disparités sont en partie atténuées par les transferts sociaux, elles alimentent le sentiment de déclassement des Européens vivant dans les zones concernées.

« Ces frustrations favorisent le vote pour les mouvements nationalistes et populistes, commente Dominik Owczarek, de l’Institut des affaires publiques, à Varsovie. En Pologne, les soutiens aux conservateurs eurosceptiques de Droit et justice (PiS) sont plus forts dans les communes les moins favorisées. »

Pour inverser la tendance, certains Etats ont choisi de prendre le problème à bras-le-corps. Comme le Danemark où, là aussi, les disparités n’ont cessé de se creuser ces dernières décennies. En octobre 2015, à l’initiative des libéraux et des populistes du Parti du peuple danois (DF), 44 administrations ont été délocalisées entièrement ou en partie. D’autres mesures ont suivi début 2018. L’administration fiscale a été divisée en plusieurs unités, réparties sur tout le territoire. Les effectifs des garnisons, en province, ont été renforcés.

Résultat : depuis 2015, 4 800 postes de fonctionnaires d’Etat basés à Copenhague ont été transférés dans les régions danoises. Et ce n’est qu’un début, puisque 7 900 emplois, au total, sont concernés. 20 % des employés ont déménagé ou font l’aller-retour chaque semaine. Les autres ont démissionné. Leurs remplaçants ont été recrutés sur place.

Au départ, le coût du déménagement avait été estimé à 400 millions de couronnes (50 millions d’euros). Depuis, le budget a été largement dépassé. Mais cela n’a pas empêché les sociaux-démocrates, cette fois, de faire campagne pour la décentralisation d’un millier d’emplois supplémentaires, avant les législatives qui se tiendront d’ici à juin.

En France, le gouvernement d’Edouard Philippe travaille sur une piste similaire depuis l’été dernier. La réflexion est encore en cours, mais une dizaine de services de l’Etat, au moins, devraient être transférés d’ici deux ans vers les zones rurales.

3 avril 2019

Brexit : les Vingt-Sept sont-ils prêts à accepter un nouveau report au 22 mai ?

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Par Cécile Ducourtieux, Bruxelles, bureau européen

La première ministre britannique a dit vouloir réclamer un nouveau délai court, le temps de trouver une solution d’union nationale avec le camp travailliste. Les Européens sont sceptiques.

Comme souvent, Donald Tusk fut le premier à réagir. « Soyons patients, même si, après la journée d’aujourd’hui, nous ne savons toujours pas à quoi ressemblera la fin », a tweeté le président du Conseil européen, juste après l’annonce de Mme May, mardi 2 avril. La première ministre britannique, à qui les Vingt-Sept ont déjà accordé un report du Brexit du 29 mars au 12 avril, a dit vouloir réclamer un nouveau délai court, jusqu’au 22 mai, le temps de trouver une solution d’union nationale avec le camp travailliste.

S’agit-il d’une forme d’assentiment de la part d’un dirigeant connu pour son approche conciliante à l’égard des Britanniques ? Pas totalement, à en croire d’autres sources bruxelloises : plutôt un « wait and see » poliment troussé. « Ni la Chambre des communes ni la première ministre n’ont apporté de la clarté, les Vingt-Sept doivent encore patienter et voir ce qui sort finalement du débat politique à Londres. Pour M. Tusk, toutes les options restent possibles : un accord, le no deal, un report long du Brexit, et une révocation de l’article 50 », souligne un diplomate européen.

Enfin, un accord transpartisan à Londres, pour ratifier, enfin, l’accord de retrait et esquisser une relation future ? La plupart des Européens ont du mal à y croire, à dix jours d’un « probable » no deal (selon la Commission européenne). La confiance est désormais quasi-nulle à Bruxelles, Mme May et le reste de la classe politique britannique ayant multiplié les faux espoirs. Dernière grosse déception en date : les Vingt-Sept espéraient qu’une majorité finirait par émerger, lundi 1er avril à la Chambre des communes, pour un Brexit doux et le maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière. Ce ne fut pas le cas, à trois voix près.

Cirque britannique

Ce n’est pas la première fois que Theresa May tend la main à Jeremy Corbyn, le chef de file des travaillistes. En janvier par exemple : à l’époque, M. Corbyn avait réclamé qu’elle exclue le « no deal » de ses scénarios, et la tentative de dialogue en était restée là. Jusqu’à présent, chacun des deux dirigeants est resté campé sur sa logique : l’unité de son parti à tout prix.

« Pourquoi Corbyn l’aiderait-il maintenant ? » s’interroge un diplomate bruxellois, très dubitatif. Echaudés par trois mois de « cirque » britannique, les Européens attendront de toute façon la missive que Mme May s’est engagée à envoyer à Bruxelles, avant le Conseil spécial Brexit du 10 avril, où elle « indiquera une voie à suivre » : demande de report long, avec engagement à participer aux élections européennes, no deal, etc.

Si Mme May arrive, le 10 avril, avec un accord transpartisan enfin voté à la Chambre des communes, les Vingt-Sept devraient lui accorder sans problème le nouveau report du Brexit au 22 mai. Cette date butoir, la veille du début des élections européennes (elles se tiennent du 23 au 26 mai), faisait déjà parti des scénarios envisagés lors du Conseil « Brexit » du 21 mars.

« Aura-t-on vraiment le choix ? »

Mais quelle sera l’attitude des Vingt-Sept, si le 10 avril, Mme May vient les mains presque vides, sans accord bouclé, avec sa seule demande d’un report court au 22 mai ? Les avis étaient très partagés à Bruxelles mardi soir, augurant d’une discussion serrée entre capitales dans les prochains jours. « Je ne crois pas qu’on le lui accordera », estimait un diplomate proche des discussions du Brexit. « Tout porte à croire qu’on va plutôt vers un report long, jusqu’à fin 2019, conditionné à la participation des Britanniques aux élections européennes. Pour éviter aux Vingt-Sept d’avoir à se retrouver sur Bruxelles en urgence, à chaque caprice de la classe politique britannique », ajoutait un collègue.

« Aura t-on vraiment le choix ? », nuançait cependant un troisième. Car à mesure que l’hypothèse du « no deal » se concrétise, certains parmi les Vingt-Sept paraissent soudain très prudents, et pas prêts à sauter de la falaise le 13 avril au matin. Emmanuel Macron a continué à tenir des propos plutôt martiaux, mardi : « Il revient au Royaume-Uni de présenter un plan alternatif crédible, soutenu par une majorité, d’ici le 10 avril pour éviter [le no deal] ». Faute de quoi, « il aura de facto choisi de lui-même de sortir sans accord. Nous ne pouvons éviter l’échec à sa place ».

Mais les Irlandais paniquent et les Allemands alertent sur les risques économiques et les implications géopolitiques d’un « no deal ». « Je travaillerai jusqu’à la dernière minute à l’éviter », avait déjà prévenu la chancelière Merkel au lendemain du conseil du 21 mars. Aucun des Vingt-Sept ne voulait prendre la responsabilité d’un non-accord ce jour-là, assure une source bruxelloise haut placée. « L’Union ne poussera jamais dehors un de ses membres », estime un officiel européen.

2 avril 2019

Brexit : les députés britanniques ne parviennent pas à s’accorder sur une alternative au plan de May

Par Philippe Bernard, Londres, correspondant

Après avoir rejeté trois fois déjà l’accord de la première ministre, les élus ont dit non aux nouvelles options qui leur étaient présentées et proposaient notamment de maintenir des liens étroits avec l’Union européenne.

A onze jours de la nouvelle échéance fixée au 12 avril, le jeu de massacre du Brexit continue. Le Parlement de Westminster se faisait fort de réussir là où Theresa May a échoué : sortir le processus de l’impasse en réunissant une majorité sur un plan alternatif à celui que la première ministre ne parvient pas à leur faire avaler. Mais les députés ont donné une nouvelle fois, lundi 1er avril au soir, le spectacle de leur désunion, de leur impuissance, voire de leur irresponsabilité, renforçant l’impression déjà forte de chaos.

Aucune des quatre motions soumises à leur vote – qui proposaient soit une rupture plus douce que celle voulue par Mme May, soit une remise en cause du Brexit – n’a recueilli de majorité. Il a manqué seulement trois voix (273 voix favorables contre 276) à la motion portée par l’ancien ministre conservateur Kenneth Clarke, doyen des Communes et proeuropéen de choc, pour passer. Celle-ci proposait le maintien du pays dans l’union douanière européenne. Le texte prônant l’organisation d’un second référendum, lui, a été défait à peine plus largement (280 voix favorables contre 292).

A première vue, l’échec des députés est une relativement bonne nouvelle pour Mme May, qui en a bien besoin. Aucune des propositions alternatives mises aux voix lundi n’a obtenu les 286 voix que l’accord de Brexit qu’elle défend, a recueillies lors de son troisième passage devant les députés, le 29 mars. De quoi l’encourager à se lancer dans une quatrième tentative dans les jours qui viennent. « Si vous ne votez pas enfin mon deal, vous aurez un Brexit édulcoré, ou des élections, voire un nouveau référendum [qu’ils redoutent] », pourrait-elle menacer en substance les députés conservateurs. Sans garantie de succès car cela suppose qu’elle convainque de se rallier plus de trente députés, les plus remontés contre elle.

Mardi 2 avril, le gouvernement est convoqué pour une réunion de cinq heures où la suite des opérations devrait être décidée, y compris la mise en ordre de marche pour d’éventuelles législatives. De leur côté, les députés, peu habitués à la sorte d’autogestion qu’ils ont conquise face à un gouvernement déliquescent, se sont séparés lundi soir sans plan précis. Un créneau parlementaire est réservé pour une nouvelle séance, mercredi 3 avril, au cours de laquelle les propositions les plus populaires rejetées lundi soir pourraient fusionner pour être à nouveau soumises au vote.

Paysage dévasté

Dans ce paysage dévasté, les options de la première ministre sont limitées et toutes, hormis un vote miraculeux de son deal au quatrième tour, présentent des dangers politiquement mortels pour son gouvernement, pour elle-même ou pour le pays. Qu’elle soit tentée par la sortie sans accord (« no deal »), ce « saut de la falaise » décrit comme une catastrophe économique mais souhaité par les ministres ultras, et la faction modérée de son gouvernement démissionnera. Mme May serait alors fortement exposée à un vote de défiance et le pays à des élections législatives. Qu’elle tente au contraire un compromis autour d’un « Brexit doux » en maintenant la proximité avec l’Union européenne (UE), et les ultra pro-Brexit de son équipe s’éclipseront avec des conséquences comparables.

Dans ces circonstances d’extrême instabilité, on voit mal comment Mme May, sauf choix suicidaire du « no deal », éviterait de solliciter de l’UE un deuxième report du Brexit, de longue durée cette fois. Un nouveau délai que les vingt-sept autres Etats de l’Union n’accorderaient qu’à deux conditions : que le Royaume-Uni accepte d’organiser les élections européennes le 23 mai, et que le pays se soit accordé pour convoquer soit des élections législatives, soit un second référendum. Deux issues qui provoqueraient probablement le départ de Theresa May, mais dont personne n’est sûr qu’elles trancheraient définitivement la question du Brexit.

« Pas fins politiques »

Le Parlement « tente de faire en quelques jours ce que Theresa May aurait dû faire depuis deux ans et demi », a grincé Joanna Cherry, l’une des trente-cinq députés du Parti national écossais (SNP, indépendantiste). De fait, alors que les élections législatives de 2017 avaient reflété la préférence des électeurs pour un Brexit modéré, la première ministre n’a jamais cherché à constituer une majorité avec des élus du Labour, se cabrant au contraire sur ses « lignes rouges » radicales dont elle est aujourd’hui prisonnière. Après avoir tenté de court-circuiter les députés, elle tente aujourd’hui de leur mettre des bâtons dans les roues.

Mais les parlementaires, peu habitués à tant de liberté, « ne se sont pas montrés fins politiques », comme leur a lancé Kenneth Clarke à l’issue des quatre votes stériles. Certes, le Labour avait mis de l’eau dans son Brexit en soutenant la motion dudit conservateur Clarke. Mais les partisans du second référendum – Libdems, SNP et indépendants, soit 57 députés au total – ont refusé toute concession et refusé de voter en faveur d’un simple maintien dans l’union douanière.

Après l’annonce des résultats, le député tory Nick Boles, qui défendait une autre motion rejetée, favorable à un statut d’association à l’UE proche de celui de la Norvège, a demandé la parole et annoncé sa démission du Parti conservateur. « J’ai échoué parce que mon parti se refuse à tout compromis », a-t-il articulé d’une voix blanche.

28 mars 2019

Brexit...

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26 mars 2019

Ce qui va changer ou pas pour les citoyens européens en cas de Brexit sans accord

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Par Cécile Ducourtieux, Bruxelles, bureau européen

Tandis que la sortie du Royaume-Uni de l’UE a été reportée du 29 mars au 12 avril, l’hypothèse d’un échec des négociations sur le traité de divorce fait plus que jamais planer la menace d’un « no deal ».

C’est à ce type de publications qu’on mesure à quel point le « no deal » est désormais tangible. « De plus en plus probable », a même estimé la Commission européenne, lundi 25 mars, à dix-neuf jours du nouveau D-Day : le 12 avril prochain. L’institution européenne a tenu, dans ce contexte anxiogène, et alors que l’impasse politique se prolonge à Londres, à insister sur l’état de préparation des Vingt-Sept. A l’en croire, il serait excellent : « Les pays membres sont prêts », assure un officiel européen.

Le 13 avril au matin, si les députés britanniques n’ont toujours pas validé l’accord de retrait déjà rejeté à deux reprises par Westminster, ou si le gouvernement n’a pas sollicité de nouveau report du divorce, plus aucune loi de l’Union européenne (UE) ne s’appliquera au Royaume-Uni, qui deviendra brutalement un « pays tiers ». Il n’aura en outre droit à aucune période de transition, censée encadrer un quasi-maintien du Royaume-Uni dans l’UE, puisque cette phase est conditionnée à l’adoption du traité du divorce.

La Commission a déjà proposé 19 législations afin d’éviter des blocages chaotiques (dans l’aérien, le transport routier, la pêche, etc.). Dix-sept d’entre elles ont d’ores et déjà été définitivement adoptées par le Parlement de Strasbourg et le Conseil (les Etats membres). Ces textes, complexes, assurent une forme de continuité (accès aux zones de pêche maintenues, licences de transport toujours valides pour certains trajets, etc.), mais ne répondent pas aux questions du quotidien, pour les presque 5 millions de citoyens, britanniques et européens, à court terme directement affectés par le Brexit, surtout s’il est « dur ».

C’est la raison pour laquelle, une fois n’est pas coutume, la commission a fait œuvre de pédagogie, lundi, en publiant, dans toutes les langues de l’Union, une série de notes, très pratiques, à l’intention de tous ceux que la perspective d’un no deal commence à paniquer. Ainsi qu’un numéro vert, le 00 800 6789 10 11, pour des questions plus spécifiques de la part des particuliers.

Citoyens européens vivant au Royaume-Uni

Ceux qui ont l’intention de prolonger leur séjour au-delà du 31 décembre 2020 doivent faire une demande de « settled status », statut de résident permanent, auprès de l’administration britannique. Pour ceux qui arriveront après le Brexit, ils devront demander une autorisation d’entrée ou de séjour au Royaume-Uni.

Par ailleurs, à partir de la date du divorce, les droits liés au travail et à la sécurité sociale des ressortissants européens au Royaume-Uni seront régis par la législation britannique. Il ne sera plus possible d’importer les droits de son pays membre, contrairement à ce que prévoient en partie les règles européennes d’harmonisation des sécurités sociales.

Ressortissants britanniques vivant dans un Etat membre de l’UE

Ils devront réclamer des titres de séjour. S’ils séjournent depuis plus de cinq ans de manière ininterrompue dans un Etat membre, ils pourront demander le statut de résident de longue durée. Cela vaut pour les conjoints britanniques de ressortissants européens vivant dans leur Etat membre d’origine.

Contrôles aux frontières

Pour les ressortissants britanniques voyageant dans l’UE, ils devront se munir d’un passeport et pourront faire l’objet de contrôles approfondis à la douane : durée et but du séjour, moyens de subsistance sur place. Les bagages et marchandises feront aussi l’objet de contrôles poussés : des restrictions s’appliqueront aux produits d’origine animale (viande, lait, etc), aux produits végétaux, aux sommes en liquide (pas plus de 10 000 euros). Le Royaume-Uni a pour le moment fait savoir que les ressortissants de l’UE pourront se rendre dans le pays sans visa pour des séjours jusqu’à trois mois. La carte d’identité nationale n’y sera valable que jusqu’au 31 décembre 2021.

Animaux de compagnie

Les voyageurs accompagnés d’animaux de compagnie venant du Royaume-Uni devront faire la preuve qu’ils ont fait l’objet d’une vaccination antirabique et qu’ils disposent d’une identification par puce électronique. Le Royaume-Uni n’a pas encore précisé ses conditions, mais, à tout le moins, il est probable que les Européens devront disposer du certificat sanitaire de leur animal, pour toucher le sol britannique en sa compagnie.

Itinérance téléphonique

Attention, la suppression des frais d’itinérance télécom dans l’UE ne vaudra plus pour le Royaume-Uni. Ainsi, les opérateurs pourront facturer des frais supplémentaires aux Britanniques utilisant des services d’itinérance (appels vocaux, SMS, données) dans l’UE (appelant d’un pays de l’UE vers le Royaume-Uni) ou aux citoyens de l’UE utilisant ce type de services au Royaume-Uni.

Permis de conduire

Le Royaume-Uni a d’ores et déjà prévenu que les ressortissants européens pourront continuer de conduire au Royaume-Uni avec un permis européen. En revanche, la reconnaissance des permis délivrés dans des pays tiers étant définie au niveau national, les Britanniques, considérés comme des ressortissants d’un pays tiers, devront vérifier auprès de chacun des pays de l’UE où ils comptent conduire.

Droits des passagers

La carte européenne d’assurance maladie ne sera plus valable pour les Européens, au Royaume-Uni, pour y avoir accès à des soins de santé remboursés. Idem pour les Britanniques ayant besoin de soins dans l’UE. Si les frais médicaux d’urgence ne sont pas couverts dans les pays tiers par leur caisse d’assurance, ils devront envisager une assurance voyage privée.

Pour ce qui est des titres de transport (vol au départ ou à destination du Royaume-Uni), ils seront toujours valides au-delà de la date du « no deal », mais la Commission conseille aux voyageurs de vérifier les conditions d’annulation de leurs billets. Ils ne bénéficieront des lois très protectrices de l’UE en matière de remboursement qu’à condition que leur vol parte d’un pays de l’UE vers le Royaume-Uni.

Droits des consommateurs

Les Européens procédant à un achat en ligne sur le site d’un e-commerçant britannique devront s’acquitter de droits d’importation et de la TVA. En cas de litige, le citoyen européen pourra poursuivre un commerçant britannique devant une législation européenne dès lors que ce commerçant a vendu le bien dans son Etat de résidence.

Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)

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Theresa May humiliée. La presse britannique était sévère après le vote lundi par les députés d’un amendement leur permettant d’influer sur le processus du Brexit, qui complique encore une affaire mal engagée. « La Première ministre humiliée par une rébellion chez les Tories, tandis que le gouvernement se prépare à des élections anticipées », écrivait le Times (conservateur). « Humiliation pour Theresa May qui perd le contrôle du Brexit au profit de députés Remainers » (qui veulent rester dans l’UE), estimait The Sun, quotidien populaire pro-Brexit. Cet amendement, adopté lundi soir par 329 voix contre 302, permet aux parlementaires d’organiser mercredi une série de votes indicatifs sur la forme que doit prendre le Brexit. Le maintien dans le marché unique, un nouveau référendum, voire l’annulation de la sortie de l’UE sont parmi les scénarios sur lesquels les élus pourraient donner leur avis.

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