Rétrospective du 28 janvier au 27 mars 2016, à la Maison européenne de la photographie. 45 années d’images et d’émotions.
Quelque 200 images réparties dans les 3 étages de la MEP, nous promènent à travers 45 ans de production de la femme photographe Bettina Rheims, de ses toutes premières images à ses travaux personnels les plus récents. Vous y verrez en bonne place ses grandes séries, comme les célèbres photos qui ont bâti pas à pas sa réputation, mais aussi d’autres plus confidentielles voire certaines jamais encore exposées en France.
Présentation de l’artiste
Bettina Rheims, qui a appris le métier avec le sulfureux photographe australien d’origine allemande Helmut Newton, a immédiatement posé au centre de son travail et comme sujet de prédilection la femme dans tous ses états, et le trouble, de ses modèles comme de ceux qui les regardent.
En 1982, elle travaillera sur sa série Animal, d’animaux naturalisés et sans vie, dont elle s’efforce avec acharnement de capter l’ultime expression...
En 1989, elle publie Female Trouble, qui rassemble des portraits de femmes, célèbres ou anonymes, réalisés au cours des années 1980.
Le genre, l’androgynie et la transsexualité deviendront pour elle des sujets à part entière avec ses autres séries Modern Lovers (1989-1990), Les Espionnes (1992) et Kim (1994).
Avec sa première série en couleur Chambre close (1990-1992), cette femme photographe travaille sur la proximité des corps avec des modèles non professionnelles.
Parodiant les premières photos pornographiques, et, donnant vie à la chair, elle est alors en partance pour la découverte d’une "féminité primitive", source inépuisable des troubles, des pulsions et des refoulements. Elle se demandera à l’époque si ce n’était pas aller trop au bout de l’impudeur (entretien avec A. Trapenard).
En 1995, elle suivra en reporter la fin de la campagne de Jacques Chirac, dont elle fera même plus tard le portrait officiel.
Dans I.N.R.I., qu’elle publie en 1999 avec Serge Bramly, ils tentent ensemble, elle par l’image lui par le texte, de transposer la venue d’un Christ contemporain, à l’heure de l’imagerie parfaite qu’exigent la publicité, la mode, et nos technologies les plus modernes.
2002 sera l’irruption dans l’univers de Bettina Rheims de la ville de Shanghai "entre tradition et poursuite effrénée à la modernité", une Chine à la fois officielle, terreau et partie prenante de si nombreuses avant-gardes.
Puis viendront Héroïnes (2005) et Rose, c’est Paris (2010).
Bettina Rheims, femme et photographe française de renommée internationale dont les œuvres ont souvent été exposées et publiées en Allemagne, a également effectué des travaux de commande dans le monde des grandes marques de la mode (Chanel, Lancôme, Well), et dans celui de la publicité.
Elle a réalisé un grand nombre de portraits de femmes célèbres, souvent pour des magazines internationaux (Monica Bellucci, Barbara, Madonna, Catherine Deneuve, Charlotte Rampling, Carole Bouquet, Marianne Faithfull, Claudia Schiffer, Asia Argento, Kylie Minogue...).
Elle a remporté en 1994 le grand prix de la photographie de la Ville de Paris.
Rétrospective Bettina Rheims à la MEP
Au gré de votre déambulation, sans que l’ordonnancement ne soit ni thématique ni chronologique, vous suivrez ses variations sensibles centrées sur la féminité dans tous ses états, qu’elle ait été surprise, interrogée, glorifiée, mais toujours en connivence. Des effets de surprise et des rapprochement pétillants ont été glissés dans le parcours, préparés comme de subtils pièges, ou des coquetteries d’auteur. Cette photographe n’a pas toujours eu la vie facile ! Elle fut taxée de traitresse au féminisme sous le prétexte qu’elle avait appris avec Helmut Newton et attaquée en justice par le FN et les catholiques intégristes pour sa ré-interprétation des Évangiles dans I.N.R.I.. Aujourd’hui, au micro d’Augustin Trapenard, elle constate avec effroi l’effritement progressif depuis les années 1980 des notions de plaisir et de liberté. Mais elle persiste dans le refus absolu de l’autocensure comme dans sa recherche d’équilibriste entre les timidités et les exhibitionnismes de ses modèles, comme si la quête de ces troubles lui servait de Graal.
La première salle de l’exposition, en toute civilité, présente cette étrange assemblée que forment les personnages de l’œuvre de Bettina Rheims. Face-à-face grandeur nature avec les premiers tirages, monumentaux et parfois assez intimidants. Il instille chez le visiteur des troubles de tous ordres ou désordres. Codes de la féminité, identité, genre, le regard de l’artiste embrasse les transgressions, transgresse les conventions et découvre des intimités ambivalentes, à la fois génériques et profondes. Où vous situez-vous dans cette galerie de portraits ? Vous êtes-vous enfin retrouvé.e ? Ça viendra très certainement. Malmener les codes du nu photographique. Rechercher la beauté mais lui faire céder place face à la féminité. Les modèles de Bettina Rheims, toutes fragiles et dénudées qu’elles soient, nous touchent et nous intimident.
Bien sûr, elle ne pouvait pratiquer l’évitement sur la question du genre (bien que difficilement montrable en France), qu’elle scrute à sa manière, provocante, impudique mais sensible, dans sa série devenue classique Modern Lovers (1990), ou avec sa plus récente Gender Studies (2011) ou ses Espionnes (1992). Une de ses secrets de fabrication tient aussi, malgré des préparatifs à la prise de vue en général très longs et élaborés, à savoir se saisir du moment de dérapage, de la chute du voile protecteur, de l’instant magique où le modèle trébuche et donne le plus à voir sa force et ses fêlures. La mise à nu des corps est le principe incontournable, forcément initial, mais aussi celle des sentiments qu’éprouvent ces êtres révélés dans un entre-deux par nature équivoque. Cette attraction si particulière, ce jeu perméable des contraires, transparaissent aussi dans la série Shanghai (2002). Surprenant des situations inattendues, Bettina Rheims montre des femmes chinoises écartelées entre leur culture et une idée diablement fantasmée de la modernité .
L’artiste a su faire entrer sa galerie de portraits si personnels dans notre imaginaire. Anonymes (détenues, prostituées de Pigalle), ou femmes célèbres (dont Kristin Scott Thomas, Monica Bellucci, Charlotte Rampling, Sophie Marceau, Madonna, Claudia Schiffer) sont capturées avec bienveillance, stars des années 2000 comme détenues des prisons françaises, sa toute dernière série. Bettina Rheims, faiseuse d’images, respectueuse d’une longue et classique tradition picturale, travaille à l’évidence, avec une exigence rare, la composition et la narration figurative de ces photographies, qu’il s’agisse du Christ dans la série I.N.R.I. (2000) ou de ces Héroïnes (2005), "mystérieuses allégories de la mélancolie, série qui marque, pour elle, un retour à la tradition de la chambre photographique". Article de André Balbo
L’exposition est coproduite avec le Fotografiska de Stockholm.
Bettina Rheims, du 28 janvier au 27 mars 2016, à la Maison européenne de la photographie, 5 / 7 rue de Fourcy 75004 Paris, 01 44 78 75 00, www.mep-fr.org, Métro Pont Marie ou Saint-Paul. Ouvert du mercredi au dimanche de 11 à 20h. Fermé lundi, mardi, et jours fériés. 8 ou 4,5€. Entrée gratuite le mercredi de 17 à 20h.
Et, à la MEP, du 3 février au 27 mars, voir aussi les expositions : Renaud Monfourny (Sui Generis) ; Tony Hage (Pris sur le vif) ; Lendemain Chagrin (4 photographes).