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Jours tranquilles à Paris
26 avril 2020

Aujourd'hui : jour du souvenir

resisitance

Étel - Malgré le confinement, le souvenir des déportés d’Etel

Né à Etel en 1909, Pierre Richard a été arrêté à Bordeaux le 17 mars 1944 en tant que résistant, et déporté le 21 mai 1944 vers le K.L Neuengamme, où il a été porté disparu.

Ce dimanche 26 avril, le comité du Pays d’Auray de l’ANACR (Association nationale des anciens combattants et Amis de la Résistance) prévoyait de mettre en lumière quatre déportés natifs d’Etel : Marguerite Solleu, arrêtée à Groix et déportée en 1943 à Ravensbrück et Mauthausen, libérée le 28 avril 1945 et qui a pu revenir à Etel, où elle a été commerçante, Pierre Morvan et Pierre Richard, déportés en 1944 à Neuengamme, et Jean Kerzerho, déporté en 1944 à Brême-Farge - Neuengamme, morts dans les camps. « Tous avaient été très actifs dans la Résistance », rappelle Maryline Le Sauce, présidente, qui a mené, avec le comité et l’aide de l’AFMD (Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation), des recherches pour les faire ressortir de l’oubli. « À Etel, on connaissait bien Simone Le Port, native d’Inguiniel, qui avait beaucoup témoigné, mais peu ou pas ces trois autres déportés car leur engagement résistant avait eu lieu dans d’autres régions ».

Une pensée pour eux et pour cinq autres combattants

La pose de la plaque commémorative, face au Café Breton (lieu de la reddition de la Poche de Lorient) à l’angle des rues de La Libération et du 8-Mai, est ajournée en raison du confinement. « Mais nous aurons une pensée pour eux en ce jour commémoratif des héros et victimes de la Déportation ». L’ANACR associera à son souvenir cinq autres oubliés qu’elle souhaite aussi honorer officiellement. « Ce sont les combattants FFI tués le 23 août 1944 pour libérer Etel, et dont Georges Millarec a retracé l’histoire : Jean Aubert, d’Auray, Eugène Le Chevillé, de Ploemel, Alphonse Lamouric et Antoine Le Priellec, de Saint-Goustan, et Grégoire Guillevic, de Merlevenez ».

Pratique

lesamisdelaresistance56.com

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23 avril 2020

L’hommage de Kamel Mennour à Peter Beard: «Il n’avait qu’un désir, des oursins et des framboises!»

EXCLUSIF - C’est l’histoire d’un tout jeune passionné d’art et d’une légende de la photographie qui vient de s’éteindre à 82 ans. Elle fut déterminante pour le premier. Après vingt ans de carrière spectaculaire, le galeriste nous la raconte.

Par Valérie Duponchellekamel

Le catalogue de l’exposition «Peter Beard,» la première de la galerie Kamel Mennour en 1999, alors rue Mazarine à Paris. C’est aujourd’hui un «collector». Peter Beard/ Courtesy galerie Kamel Mennour

«RIP Peter Beard. Il était une légende vivante. Un artiste incroyable et si élégant. Il a été ma première exposition de galeriste, mon premier catalogue en 1999 et ma première Fiac en 2000. Je n’étais personne et il était le plus grand. Ma petite galerie au 60, rue Mazarine était trop petite. Le monde entier est venu voir son exposition. Il était là, accueillant tout ses amis, des Rolling Stones à n’importe qui. Il était le même avec tous. Il m’a tant inspiré. Un des plus grands rencontrés dans ma vie».

Figure du marché parisien et force montante du marché international, Kamel Mennour a posté ce message (en anglais) ce lundi 20 avril au matin sur son compte Instagram, dès que l’information de la mort de Peter Beard a traversé l’Atlantique.

Pour Le Figaro, il raconte en exclusivité cette rencontre décrochée contre toute probabilité et qui a lancé sa carrière de tout jeune marchand sans appui ni fortune, une carrière aujourd’hui bien établie (trois espaces à Paris et un à Londres).

«J’ouvre ma première galerie à Paris en 1998. Sans aucun programme, sans rien du tout. J’étais juste un jeune galeriste fantasmé. Je savais que j’étais galeriste, mais sans les outils, sans formation, sans soutien, sans mentor. J’allais voir toutes les Fiac, une par par une. Donc, en 1998, je récupère ce tout petit espace de François Mitaine, un homme inspiré et hors des contingences matérielles (ce galeriste parisien est disparu le 1 er mars 2015, NDLR). Je repeins les murs.»

«Je ne savais pas quoi montrer. J’achetais depuis deux trois ans des livres de photographie et d’art, aux Puces de Vanves. Dont un livre de Peter Beard, The End of the Game, qui m’avait fasciné. Quelle résonance avec ce qui se passe aujourd’hui, la fin d’un monde! L’itinéraire de cet homme qui part au Kenya rejoindre cette faune sauvage et témoigner n’avait rien à voir avec une mode. Il se parlait à lui-même. C’était un sauvage qui parle aux mondes sauvages. Il était brut de décoffrage, même s’il venait d’un milieu extrêmement civilisé. Un funambule de cette société W.A.S.P. des Hamptons qui a besoin d’un saut dans le vide. Il ressent que, dans cette terre africaine, c’est justement la fin d’un monde.»

«Séduit par cet engagement, ce côté énorme de l’aventure, cette gueule aussi formidable qu’il avait, j’essaie de rentrer en contact avec lui. Je vais le voir à New York au printemps. Je me présente, entre insouciance et aplomb, avec de la fraîcheur en fait, comme non pas moi, monsieur Personne, mais comme ‘‘Paris, une ville qui a besoin de pointures comme lui’’, qui n’a pas encore Paris Photo. Le studio-galerie de Peter Beard à Soho était énorme, s’appelait ‘‘’The Time Is Always Now’’. Il était beau, plus que beau, tellement beau que tout le monde, hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, se retournaient sur son passage».

Vieux matelas et pieds nus

«Il m’a reçu complètement affalé sur de vieux matelas, pieds nus, dans le basement de son studio. De la peinture sur le corps. En train de travailler, de coller, pendant des heures. Il m’oublie, mais reste toujours d’une gentillesse désarmante. Je reste des heures à le regarder, sidéré. Débarque alors le tout New York de l’art, de la mode, de la jet set. Paul Morissey (réalisateur, scénariste, directeur de la photographie, producteur, monteur et acteur américain, aujoud’hui âgé de 82 ans, il a réalisé des films d’Andy Warhol qui ont fait de lui l’une des figures du cinéma underground américain, NDLR), Naomi Campbell, et toutes les créatures d’une scène stylée et/ou underground.»

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Peter Beard, «larger than life». Une fascination pour l’Afrique sauvage en danger, comme ses espèces menacées. Et le goût des «Diaries», ses journaux intimes composés de photos, de collages, de sang séché et d’écriture cursive. Une formule Peter Beard / Courtesy galerie Kamel Mennour

«Je lui laisse ma carte. Un mois plus tard, il m’envoie un fax. On est fin 1998, c’est l’époque des faxs! Il est venu à Paris, a visité ma toute petite galerie. Il ne m’a demandé qu’une chose: il avait une envie d’oursins! À côté de ma minuscule galerie, il y avait le café Le Mazarin et son étale d’huîtres. Je n’avais jamais mangé d’oursins, je ne savais même pas comment cela se mangeait. Les premiers de ma vie furent donc avec Peter Beard! Cela coûtait monstrueusement cher. Après, il m’avait demandé des framboises! Ce n’étaient pas des caprices de riche, il était assez fou. Il vivait son temps, son moment, sa jouissance, ses envies. On a tout de suite fixé la date de l’exposition ‘‘Peter Beard, 28 pièces, Photographies choisies’’ du 9 décembre 1999 au 28 février 2000. Des photos qu’il adaptait toujours in situ en découpant les tirages, en les recomposant avec ses journaux intimes qui témoignent, comme chacune de ses expositions, de l’instant.»

La rue Mazarine fermée à cause de lui

«Il tenait table ouverte à la galerie. Donnant des rendez-vous au cinéaste expérimental Jonas Mekas, à Mick Jagger, à une foule de célébrités qui ne venaient que pour lui. Un flux constant de visiteurs qui dépassaient de beaucoup l’importance de ma micro-galerie, en face d’un parking, qui avait juste un an d’existence. Surréaliste. Je vivais ce sentiment surréel d’être de l’autre côté des choses, un peu ce sentiment de rêve éveillé que nous vivons tous aujourd’hui avec cette épidémie. Le soir du vernissage, la rue Mazarine a été fermée à cause de nous. Un monde fou. Tout Paris. Le monde interlope de la célébrité, le monde de l’art, un monde bigarré et vivant.»

«Je lui propose assez vite de faire un one man show avec lui pour la Fiac 2000, une figure obligée pour remonter une édition que l’on disait moribonde, alors Porte de Versailles. Il ne savait même pas ce qu’était la Fiac! Il me demande de venir à l’Hôtel du Cap au Cap-Ferrat. J’avais un camion à l’époque en leasing, je faisais tout dans ma galerie, transports et délivrance des œuvres. Je suis donc descendu avec mon épouse Annika en Ford Transit dans cet hôtel au luxe suprême. J’ai compris ce qu’était l’ Hôtel du Cap en arrivant. Je me suis garé à 300 mètres sur la corniche, pour cacher mon camion, du type qui servait alors à faire les marchés.»

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Le premier catalogue d’une toute jeune galerie en 1999, grâce à Peter Beard. C’est aussi lui, par le biais d’un one man show, qui lui ouvre les portes de la Fiac en 2000. Peter Beard / Courtesy galerie Kamel Mennour

«Il m’a accueilli royalement. Notre expo l’avait rendu heureux. Nous avions tout vendu, tout de suite, ce qui m’avait ébloui, mais cela n’était vraiment pas cher. À l’époque, un grand Peter Beard ne valait que 10.000 €! Les prix ont depuis flambé. Il me dit un oui de principe et me donne rendez-vous fin août. J’apprends qu’il est alors, non pas à New York, mais dans le sud, sur le bateau d’un ami. Et qu’il n’a rien fait. Je rappelle début septembre, toujours rien. Fin septembre, toujours rien. Octobre, toujours rien. Là, je me sens mal car c’est notre show qui m’a ouvert les portes de ma première Fiac, alors qu’il fallait dix ans pour y être accepté. Je me suis vu galeriste mort-né, la risée de ma communauté.»

«Et, deux jours avant la Fiac, pas trois, deux, il arrive à la galerie avec un rouleau de photos, ses chaussures complètement ouvertes, lui comme toujours, égal à lui-même et couvert de peinture. On n’avait plus le temps de faire encadrer les photos. Je les ai punaisées, un peu comme fait Wolfgang Tillmans aujourd’hui. Peter Beard trouvait cela très bien, me disait: «C’est comme ça, l’art!» La pauvreté des moyens, le geste, c’est un retour aux sources auquel nous pensons tous aujourd’hui.»

«Dans le stand à côté du mien, il y avait celui de la grande galerie londonienne, la Marlborough Gallery, qui avait un sublime petit tryptique de Francis Bacon qui valait plusieurs millions. Sujet de ce portrait peint? Peter Beard! La galeriste et collectionneuse Agnès B faisait un solo show de Jonas Mekas qui est venu du coup sur mon stand. Et moi, grâce à Peter Beard, je me connectais à tous ces gens, c’était un choc et une chance fantastiques. Il fallait comprendre très vite. D’où mon respect pour eux. Ce sont les artistes qui m’ont mis le pied à l’étrier, m’ont fait rentrer dans ce train de l’art qui partait à toute vitesse...»

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20 avril 2020

Décès du photographe Peter Beard, à 82 ans

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Depuis presque 3 semaines les proches de l'artiste new-yorkais étaient sans nouvelle de lui. Son corps a fini par être retrouvé à Long Island.

Il avait choisi de passer la période du confinement qui frappe aussi New York dans sa propriété de Montauk, sur Long Island. Avec son chien, Nej. Sa fille, Zara, l'avait eu une dernière fois au téléphone le 31 mars. Depuis, elle était sans nouvelle, craignant le pire. Le corps du photographe a fini par être retrouvé dans la nature. « Là où il a toujours aimé vivre », a précisé, dans un communiqué, sa famille.

C'est dans cette maison isolée, plantée au bord d'une impressionnante falaise, à l'extrémité orientale de cette île, que l'artiste avait choisi de fêter ses 82 ans le 22 janvier dernier. Né en 1938, dans une famille fortunée (les aïeux de sa mère avaient participé au développement des premières lignes ferroviaires lors de la conquête de l'Ouest), le jeune homme s'était tourné très tôt vers la photographie.

Il a travaillé avec Andy Warhol, Truman Capote et Francis Bacon

Il commence, comme Jacques-Henri Lartigue (1894-1986), un journal intime, illustrés de clichés, dès ses dix ans. Il le poursuivra toute sa vie. Étudiant en histoire de l'art à la prestigieuse université Yale de 1957 à 1961, sa découverte de l'Afrique bouleverse sa vie. La romancière Karen Blixen (autrice de Out of Africa entre autres), qu'il rencontre au Danemark à la fin de ses études l'encourage à s'installer au Kenya. Le jeune homme achète une propriété d'une vingtaine d'hectares près de Ngong Hills, non loin de Nairobi.

Beard se fait d'abord connaître par les photographies d'animaux sauvages et les somptueux paysages qu'il tire de ses séjours sur place. Son premier livre d'images paraît en 1965. Intitulé The End of the Game, il témoigne de l'inquiétude de son auteur face à la disparition des grands éléphants. Peter Beard se met à travailler dans le parc national de Tsavo à la fin des années 60. Il partage alors sa vie entre la savane et Manhattan.

Safaris-photos au Kénya

Entre deux safaris-photo, le photographe retourne à New York où son appartement de la 57e rue devient célèbre pour les fêtes qu'il organise avec ses amis, parmi lesquels figurent de nombreuses stars de cinéma et écrivains. Parmi eux, figurent Andy Warhol, Truman Capote, ou encore Francis Bacon avec qui il travaillera d'ailleurs.

Au début des années 70, Ruth Ansel, directrice artistique du magazine Harper's Bazaar fait appel à lui. « Si tu sais photographier les éléphants, tu ne devrais pas avoir de mal à tirer le portrait à des mannequins, m'a-t-elle dit », racontait Beard lorsqu'il évoquait son entrevue avec elle. Peter Beard s'épanouit dans l'univers de la mode. Séducteur invétéré, son visage d'aventurier, éternellement hâlé, se retrouve alors fréquemment dans les pages people des magazines.

Une œuvre très personnelle

Parallèlement à cette carrière de photographe de presse, l'artiste n'en poursuit pas moins une œuvre très personnelle intégrant notes et dessins, mais aussi collages... à ses clichés animaliers tirés en grand format. Sa côté atteint, au début des années 90, des sommets et ses clichés intègrent les musées. Alec Baldwin et Elton John collectionnent également ses images. En 2017, une photo de lui atteint les 672 000 $ lors d'une vente aux enchères chez Christies.

Malgré cette reconnaissance, Peter Beard supporte mal l'avancée en âge et sombre, progressivement, dans une profonde neurasthénie. Craignant un suicide, la police d'East Hampton avait lancé des recherches dès 1er avril 2020 pour retrouver l'artiste, qualifié, dans l'avis de recherche publié par le New York Times, d'« adulte vulnérable » en raison de troubles cognitifs qui commençaient à le frapper. La dépouille, retrouvée par la police revêtue d'un pull-over bleu, d'un jogging noir et de ses éternelles baskets bleues a été identifiée, par sa veuve, Nejma, comme étant la sienne.

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20 avril 2020

Peter Beard, photographe animalier du côté sauvage, décède à 82 ans

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Peter Beard à la librairie Taschen de Paris le 27 novembre 2006. Photo : Jacques Snap.

Voir mes précédents billets sur Peter Beard en cliquant sur le lien suivant :

http://jourstranquilles.canalblog.com/tag/peter%20beard

 

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Lien vers l'article original : https://www.nytimes.com/2020/04/19/arts/peter-beard-dead.html

Appelé «le dernier des aventuriers», M. Beard a photographié la faune africaine à grand risque personnel, et bien dans la vieillesse pourrait faire la fête jusqu'à l'aube. Il était porté disparu depuis 19 jours.

Par Margalit Fox

Peter Beard, un photographe, artiste et naturaliste new-yorkais auquel le mot «sauvage» a été appliqué de manière ronde, à la fois pour ses photographies de défier la mort de la faune africaine et pour ses propres jours très médiatisés - des décennies, vraiment - en tant que amoureux, bavard , homme enclin à la pharmacie dans la ville, a été retrouvé mort dans les bois dimanche, près de trois semaines après avoir disparu de sa maison à Montauk, à l'est de Long Island. Il avait 82 ans.

Sa famille a confirmé qu'un corps trouvé au Camp Hero State Park à Montauk était celui de M. Beard.

Il était atteint de démence et avait subi au moins un accident vasculaire cérébral. Il a été vu pour la dernière fois le 31 mars et les autorités ont procédé à une recherche approfondie à son encontre.

"Nous avons tous le cœur brisé par la confirmation de la mort de notre bien-aimé Peter", a déclaré la famille dans un communiqué, ajoutant: "Il est mort là où il vivait: dans la nature".

L'œuvre la plus connue de M. Beard était le livre «The End of the Game», publié pour la première fois en 1965. Comprenant son texte et ses photographies, il documentait non seulement la romance en voie de disparition de l'Afrique - un endroit prisé depuis longtemps par les colonialistes occidentaux pour ses savanes ouvertes. et le gros gibier abondant - mais aussi la tragédie de la faune en péril du continent, en particulier l'éléphant.

Peter Beard Studio

Plus tard, M. Beard est devenu célèbre pour embellir ses tirages photographiques avec de l'encre et du sang - humain (le sien) ou animal (d'un boucher) - produisant des surfaces complexes, cryptiques et multicouches.

Il était également connu pour les journaux intimes idiosyncrasiques qu'il avait tenus depuis son enfance - assemblages abondants de mots, d'images et d'objets trouvés comme des pierres, des plumes, des billets de train et des coupures d'ongles - et pour les grands, encore plus abondants collages auxquels les journaux intimes ont par la suite donné des ailes.

Mais aussi renommé soit-il pour son travail (il a reçu des expositions personnelles au Centre International de la Photographie à Manhattan, au Centre National de la Photographie à Paris et ailleurs), M. Beard est resté au moins aussi bien connu pour son swashbuckling, très public vie privée.

Même par les normes fringantes de la photographie animalière, son curriculum vitae était un truc de drame, plein d'audace, de danger, de romance et de grands contes, beaucoup d'entre eux étant en réalité vrais. Si M. Beard n'avait pas déjà existé, il aurait très bien pu être le résultat d'une onde cérébrale collaborative de Hemingway, F. Scott Fitzgerald et Paul Bowles.

Il était beau-idole en matinée et, héritier d'une fortune, riche bien avant que ses photographies ne commencent à se vendre pour des centaines de milliers de dollars chacune.

En plus de documenter la faune en voie de disparition de l'Afrique, il a photographié certaines des plus belles femmes du monde dans des séances de mode pour Vogue, Elle et d'autres magazines. Il a eu des romans bien documentés avec beaucoup d'entre eux, dont Candice Bergen et Lee Radziwill , la sœur de Jacqueline Kennedy Onassis.

"La dernière chose qui reste dans la nature est la beauté des femmes, donc je suis très heureux de la photographier", a déclaré M. Beard au journal britannique The Observer en 1997.

Il a découvert un mannequin, Iman, et a filé une fabuleuse légende sur ses origines. Il était marié pour un temps à une autre, Cheryl Tiegs.

il comptait parmi ses amis Andy Warhol, Truman Capote, Salvador Dalí, Mme Onassis, Grace Jones, les Rolling Stones et Francis Bacon, qui a peint son portrait plus d'une fois .

En 1963, il est apparu, nu, dans le film d'avant-garde d'Adolfas Mekas "Hallelujah the Hills!", Un succès critique et populaire au premier Festival du film de New York. Il a rappelé plus tard que "Andy Warhol l'a appelé la première séquence".

Il semblait posséder l'infatigable d'une demi-douzaine d'hommes, et bien dans la vieillesse se délectait régulièrement jusqu'à l'aube, ses escapades devenant de l'eau pour les chroniqueurs de potins du monde entier.

"Peter Beard - gentleman, mondain, artiste, photographe, Lothario, prophète, playboy et fan de drogues récréatives - est le dernier des aventuriers", a déclaré The Observer.

«James Dean a grandi», a déclaré un autre journal britannique, The Evening Standard.

«Le clapet septuagénaire dur à faire la fête», écrit le Daily News de New York.

Il y a eu le temps, par exemple, comme l'a rapporté Vanity Fair en 1996 , que M. Beard, après s'être perché jusqu'à 5 heures du matin dans une boîte de nuit de Nairobi, est sorti le lendemain après-midi d'une tente dans son ranch dans la campagne kenyane, suivi du «quatre ou cinq ”jeunes femmes éthiopiennes qu'il avait ramenées avec lui.

«Nous étions très confortables», a-t-il noté.

Il y a eu le temps en 2013, a rapporté le New York Post, que M. Beard, alors âgé de 75 ans, est rentré chez lui vers 6 heures du matin dans l'appartement de Midtown Manhattan qu'il avait partagé avec sa femme, Nejma Beard, qui était également son agent, après une nuit de délires. .

Mme Beard n'a pas bien voulu rentrer - non pas à cause de l'heure, mais parce qu'il se trouvait que deux prostituées russes étaient en remorque. En réponse, elle a composé le 911, a déclaré que son mari tentait de se suicider et l'a fait envoyer pour un certain temps dans un hôpital local.

«Beard ne fait pas vraiment de l'art pour améliorer la vie du reste d'entre nous», écrivait un critique du Globe and Mail de Toronto en 1998. «Il a créé sa vie flamboyante comme une œuvre d'art.»

Pourtant, malgré tous ses scintillements scintillants, le curriculum vitae de M. Beard a été traversé par l'obscurité. Son art, remarquaient souvent les critiques, semblait hanté par la mort et la perte. Ainsi, parfois, a fait sa vie. Dans les années 1970, un incendie dévastateur a détruit sa maison, ainsi que 20 ans de travail. Dans les années 1990, il a été attaqué et presque tué par l'un des animaux mêmes qu'il avait longtemps travaillé pour sauver

Un fils de mouton noir

De son propre chef, le mouton noir d'une famille illustre, Peter Hill Beard est né à Manhattan le 22 janvier 1938, d'Anson McCook Beard et Roseanne (Hoar) Beard.

Un arrière-grand-père, James J. Hill, connu dans la presse comme «l'Empire Builder», a fondé le Great Northern Railway - allant de Saint-Paul à Seattle - au milieu du 19e siècle. Un beau-père était le magnat du tabac Pierre Lorillard V.

Le père de Peter était associé chez Delafield & Delafield, une maison de courtage de Wall Street; sa mère, a déclaré M. Beard longtemps après, "souffrait d'un manque d'éducation et de la maladie de la conformité".

Après avoir passé une partie de son enfance en Alabama, où son père était en poste dans l'armée de l'air, Peter a été élevé dans l'Upper East Side de Manhattan et de Long Island. Enfant, il a commencé à prendre des photos avec un appareil photo à soufflet Voigtländer que lui avait donné une grand-mère. Il a également commencé à tenir les journaux éclectiques qui deviendraient une marque professionnelle.

Pourtant, ses dons artistiques évidents, at-il dit plus tard, ont été perdus pour ses parents.

"Personne n'a dit:" Vos photos sont bonnes "ou" Vous avez un bon œil "", a déclaré M. Beard à l'émission "Public Eye" de CBS News en 1998. Ce qu'il a dit, a-t-il poursuivi, était: "" Bon passe-temps. Quand allez-vous faire quelque chose qui en vaille la peine? '»

Son avenir semblait prédestiné. Il a été envoyé dans les écoles fréquentées par son père, dont la Buckley School de New York et la Pomfret School du Connecticut.

En 1955, à 17 ans, Peter effectue son premier voyage en Afrique, en compagnie de Quentin Keynes, arrière-petit-fils de Charles Darwin. Bien qu'il ait été poursuivi par un hippopotame en colère qu'il essayait de photographier, il a été frappé. Au Kenya, il a été présenté au dernier d'une génération de chasseurs de gros gibier et est allé tirer - dans les deux sens - avec eux.

Entrant à Yale, il entreprit des études prémédicales mais changea rapidement de cap.

"Il est vite devenu douloureusement clair", a déclaré plus tard M. Beard, "que les êtres humains étaient la maladie." Il est passé à l'histoire de l'art, étudiant avec l'artiste Josef Albers et l'historien de l'art Vincent Scully .

Il est retourné au Kenya l'été après son année junior. Bon nombre des photographies qu'il a prises à l'époque seraient reproduites dans «La fin du jeu».

Après avoir obtenu son diplôme de Yale en 1961, il a signé, selon le souhait de ses parents, un stage avec l'agence de publicité J. Walter Thompson. Mais la vie à flan gris n'était pas pour lui, et il a rapidement fait défection.

En voyageant au Danemark, il a rencontré et photographié Karen Blixen, qui, sous le pseudonyme Isak Dinesen, avait écrit les mémoires de 1937 «Hors d'Afrique», un livre que M. Beard a cité comme une profonde influence. Il a ensuite acheté 45 acres dans la campagne à l'extérieur de Nairobi, jouxtant la ferme de café sur laquelle Mme Blixen avait vécu.

«La fin du jeu», initialement publié par Viking Press, a fait la réputation de M. Beard. Alors que quelques critiques l'ont pris à partie pour son étreinte apparemment non critique de la romance du grand chasseur blanc, la plupart ont loué ses photographies dynamiques et sa thèse saisissante: que les conserves de gibier destinées à protéger les éléphants contribuaient involontairement à leur destruction.

Passant en revue le volume dans The New York Times Book Review en 1965, J. Anthony Lukas a écrit:

«Les portraits des animaux eux-mêmes - vivants, mourants et morts - sont superbes. Ce ne sont pas de «jolis» plans Walt Disney de gazelles sautant à travers les prés ou des perroquets bavardant dans la verdure de la jungle. Les photos de Beard capturent toute la sauvagerie en dents de scie des animaux qui doivent montrer chaque jour qu'ils sont aptes à survivre. »

Les études approfondies de M. Beard sur la faune dans le parc national de Tsavo East au Kenya lui avaient montré que la population d'éléphants là-bas, ayant largement dépassé les disponibilités alimentaires disponibles, mourait de faim par milliers. Se considérant comme un «conservateur», il a plaidé pour l'abattage contrôlé des troupeaux d'éléphants, une position qui, dans les années 1960, avait fait grincer les dents de nombreux écologistes.

"La conservation", a déclaré M. Beard, "est pour les coupables sur Park Avenue avec des caniches et des pékinois."

M. Beard a ramené sa thèse à la maison encore plus clairement dans les éditions ultérieures de «The End of the Game», qui contenait ses photographies aériennes ultérieures du paysage kenyan ravagé. Sur ces images, des squelettes d'éléphants jonchent la terre desséchée comme des fantômes brillants.

Ever-Beckoning Kenya

Bien que M. Beard ait conservé des maisons à Manhattan et à Montauk, il a vécu et travaillé au Kenya pendant de longues périodes. Au milieu des années 1970, marchant dans une rue de Nairobi, il a aperçu Iman. Il lui a présenté Wilhelmina Models, l'agence de New York, et sa carrière est née.

Présentant Iman aux médias américains, M. Beard a joyeusement créé un fantasme impérial: qu'il était tombé sur son troupeau de bovins dans la brousse africaine. En vérité, comme Iman l'a bientôt souligné avec ce qui peut raisonnablement être interprété comme un mélange d'amusement et d'irritation, elle parlait cinq langues, avait été étudiante en sciences politiques à l'Université de Nairobi et était la fille d'un diplomate somalien.

Le premier mariage de M. Beard, avec Minnie Cushing, la fille d'une famille distinguée de Newport, RI, s'est soldé par un divorce, tout comme son deuxième, avec Mme Tiegs, avec qui il était marié dans les années 1980. Il a épousé Nejma Khanum, la fille d'un diplomate afghan, en 1986.

Pour M. Beard, la fin du 20e siècle a été une période particulièrement sombre. En 1977, alors qu'il était à New York, une fournaise au pétrole a explosé à son domicile de Montauk. La maison a été détruite, ainsi que des peintures de Warhol, Bacon et Picasso et des décennies de photographies et de journaux intimes de M. Beard.

En septembre 1996, alors qu'il pique-niquait près de la frontière entre le Kenya et la Tanzanie, il a été attaqué par un éléphant, qui s'est approché de lui, se souvient-il, comme «un train de marchandises».

L'éléphant a passé une défense dans sa jambe, manquant de peu l'artère fémorale. Utilisant sa tête comme un bélier, il a écrasé M. Beard, cassant des côtes et se fracturant le bassin dans au moins une demi-douzaine d'endroits. Au moment où il est arrivé à l'hôpital de Nairobi, selon les informations, il n'avait plus de pouls.

Les médecins l'ont ressuscité, mais des dommages à son nerf optique l'ont rendu aveugle. On lui a dit qu'il ne pourrait plus jamais marcher. Il a finalement retrouvé la vue et la capacité de marcher. Il a subi une nouvelle intervention chirurgicale à New York et a vécu pour toujours avec plus de deux douzaines d'épingles dans le bassin.

Nejma Beard a demandé le divorce au milieu des années 90, mais le couple s'est réconcilié après l'attaque et est resté marié.

Outre sa femme, il laisse dans le deuil une fille, Zara; une petite-fille et ses frères, Anson Jr. et Samuel.

Parmi ses autres livres figurent «Paupières du matin» (avec Alistair Graham), sur les crocodiles; «Peter Beard», un vaste recueil de son travail; et "Les Contes de Zara: Escapades Périlleuses en Afrique Equatoriale."

À mesure que M. Beard vieillissait, les opinions qu'il exprimait librement lors des entrevues semblaient de plus en plus en décalage avec les sensibilités du 21e siècle. Il semblait, à toutes les apparences, être abandonné dans le monde de la veste de dîner et du grand chasseur blanc - un monde qu'il abhorrait et aspirait à la fois - alors que le nouveau siècle passait.

Dans une interview accordée au magazine New York en 2003, par exemple, il a exprimé sa surprise en apprenant que le créateur de mode Tom Ford était gay.

"Mais il a l'air tout à fait normal", a protesté M. Beard, ajoutant: "Je ne suis pas homophobe" et affirmant que Truman Capote "était l'un de mes meilleurs amis".

S'exprimant dans la même interview sur les raisons pour lesquelles il avait décidé d'abandonner l'Afrique après quatre décennies, M. Beard a déclaré: "Les Africains sont les seuls racistes que je connaisse", ajoutant "et c'est parce qu'ils sont primitifs".

En fin de compte, on se souviendra de Peter Beard - l'artiste ou l'hédoniste - est une question ouverte. Peut-être, comme il le savait clairement, ces deux incarnations n'ont pas besoin de s'exclure mutuellement.

Dans «Zara's Tales», écrit pour sa fille, il cite une phrase de «The Marriage of Heaven and Hell», une œuvre de William Blake de la fin du XVIIIe siècle, qui semblait avoir été une pierre de touche pour sa vie et son art. : "On ne sait jamais ce qui est suffisant à moins de savoir ce qui est plus que suffisant."

À ces mots emblématiques, M. Beard a ajouté une pierre angulaire personnelle. "Si vous avez envie de quelque chose de nouveau, quelque chose d'original, en particulier quand ils ne cessent de dire:" Moins c'est plus "", a-t-il écrit, "souvenez-vous que je dis: Trop c'est vraiment très bien ."

Stacey Stowe a contribué au reportage.

Margalit Fox est une ancienne rédactrice principale du bureau des nécrologies du Times. Elle était auparavant éditrice à la Book Review. Elle a écrit les envois de certaines des personnalités culturelles les plus connues de notre époque, dont Betty Friedan, Maya Angelou et Seamus Heaney.

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Cet article a été traduit automatiquement par Google.

Lien vers l'article original :

https://www.nytimes.com/2020/04/19/arts/peter-beard-dead.html

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20 avril 2020

Peter Beard est décédé...

Veruschka in Africa with Peter Beard

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19 avril 2020

19 avril 1943 : soulèvement du ghetto de Varsovie

ghetto varsovie

Répression de l'insurrection du ghetto de Varsovie, photo extraite du « rapport Stroop » adressé en mai 1943 à Himmler - source : WikiCommons

En avril 1943, le soulèvement du ghetto de Varsovie est réprimé dans un terrible bain de sang. Les rares journaux libres français font le récit ému de cet événement qui deviendra le symbole de l'esprit de résistance à la barbarie.

19 avril 1943. 850 soldats allemands pénètrent en force dans le ghetto juif de Varsovie pour le liquider. 3 000 résistants les attendent de pied ferme. 600 seulement disposent d'armes à feu. Aucun n'a de formation militaire.

Il faut remonter trois ans plus tôt pour comprendre la souffrance où cette révolte désespérée puise ses racines.

En novembre 1940, quelques mois après l'invasion de la Pologne par les Allemands, les Juifs de la capitale polonaise et de ses environs ont été rassemblés dans un quartier transformé en ghetto et isolé du reste de la ville par des barrières, des murs et des façades aveugles. Ils sont 500 000 à être confinés, affamés, exploités.

L’Écho d’Alger, l’un des seuls journaux français à paraître pendant toute la durée du conflit – il est édité hors des frontières métropolitaines, à Alger donc – décrit les effroyables conditions de survie des habitants du ghetto de Varsovie, dans un article paru deux mois après le soulèvement :

« Le ghetto de Varsovie : un camp de concentration construit par l'envahisseur où l'on a parqué toute la population juive. On a élevé de grands murs. On a enfermé là ces misérables, isolés du reste du monde, seuls les protecteurs y avaient droit de cité.

Et commencèrent alors, à l'abri de toute indiscrétion, les tortures rapides et lentes, le massacre à petit feu de milliers de créatures humaines. [...]

Ce furent donc d'abord les torturés à longue échéance, la mort distillée goutte à goutte : le manque d'hygiène, le froid, la faim, une livre de pain par semaine. Les épidémies ne tardèrent pas à se déclarer. Il en mourait par centaines, hommes, femmes et enfants. On ramassait les cadavres dans la rue.

On ramassait les cadavres dans la rue, de pauvres gens morts de maladie, de faiblesse, de faim, car l'Allemagne lutte pour le bonheur des hommes. »​

En juillet 1942, les Allemands entament sur le territoire polonais ce qu'ils nommeront la « Grande déportation ». Des milliers de personnes sont transférées chaque jour vers le pseudo-camp de travail de Treblinka – en réalité, l'un des plus grands camps d'extermination en activité. La situation devient de plus en plus désespérée pour les habitants du ghetto.

 « Au ghetto de Varsovie la vie devint intenable, impossible de fuir, nuit et jour les S.S. étaient là, avec leurs mitrailleuses braquées, et nuit et jour des files de malheureux étaient menées, mitraillette au poing, à l'abattoir. On en tua ainsi 100 000 en une semaine.

Sur 250 000 Polonais évacués de la ville, 20 000 seulement parvinrent aux travaux forcés du front russe. Le témoignage des chiffres est dur : sur quatre millions de Juifs en Pologne, il n'en restait que 300 000.

Et c'est alors que commença la résistance. »

En janvier 1943, des groupes de résistants se forment en effet et s'opposent par la force aux déportations ; le 18 janvier 1943, après quatre jours de combats de rue, le ghetto est paralysé et les déportations momentanément suspendues.

Face à cette rébellion imprévue, le chef de la SS Heinrich Himmler donne l'ordre à son représentant en Pologne de détruire définitivement le ghetto. Sa lettre du 16 février 1943 ne laisse aucun doute :

« Pour des raisons de sécurité, j'ordonne que le ghetto de Varsovie soit détruit […] après que tous les éléments de maison ou les matériaux ayant de la valeur ont été récupérés. »

Ce 19 avril 1943, lorsque les soldats allemands pénètrent dans le ghetto, les résistants tentent le tout pour le tout : certains essaient de bloquer les Allemands à l'entrée du quartier, d'autres se cachent où ils le peuvent.

Pris de court, le général SS Jürgen Stroop, qui dirige l'opération, ne tarde pas à réagir : 2 000 hommes et des chars arrivent bientôt en renfort. La riposte est terrible. Les immeubles sont systématiquement incendiés, du gaz est propulsé dans les souterrains pour en déloger les résistants, immeuble par immeuble, cave par cave.

Certains tiennent pendant un mois. Quelques miraculés parviennent à s’échapper par les égouts. La grande majorité meure ou se suicide.

« Que peuvent faire des malheureux désarmés contre les Panzer Divisionen ? », interroge avec émotion L'Écho d'Alger : « [Leur] destin était écrit d'avance.

Mais le destin d'Hitler est lui aussi écrit d'avance, car celui qui viole cyniquement les lois les plus antiques de l'humanité, celui qui entre en lutte contre l'Univers et contre les dieux ne saurait espérer une éternelle immunité.

Il n'est qu'un homme après tout. »

Moins de deux ans plus tard, le sort d’Hitler est bel et bien scellé : acculé, il s’est suicidé dans son bunker le 30 avril 1945.

À Varsovie, la vie a repris sur les décombres de l’ancien ghetto.

Survolant la capitale polonaise, le journaliste et historien Georges Storia en fait dans le journal communiste Ce soir cette apocalyptique description en juillet 1945 :

« Du haut des airs, Varsovie est une gigantesque écumoire criblée de trous alignés de part et d'autre le long des avenues. C'est une vision d'épouvante qui vous coupe le souffle.

À perte de vue, des pâtés de maisons se succèdent avec leurs vastes aires fracassées, leurs façades effondrées et découpées par des festons bizarres. L'œil cherche en vain un immeuble qui ne soit pas détruit. [...]

Au centre même de ce tableau de désolation, on aperçoit un cercle d'une couleur rouge brique : c'est l'ancien ghetto de Varsovie que les Allemands ont complètement rasé ; l'emplacement se détache sur le reste des ruines. Pas la moindre trace n'est restée de ce quartier si ce n'est les matériaux de construction pulvérisés par les destructions à la dynamite. »

Et conclut sur cet espoir :

« Varsovie est une ville décidée à renaître de ses cendres. »

18 avril 2020

Christophe, paradis perdus

libé 18 avril

Par Christophe Conte 

L’auteur d’«Aline» et des «Mots bleus» est mort jeudi soir à 74 ans. Sa carrière de «beau bizarre» décadentiste et obsessionel égrène tubes rutilants et chansons hantées, le hissant entre Gainsbourg et Bashung au sommet du panthéon pop français.

C’était l’homme du confinement absolu, mais l’ennemi tout aussi absolu de la distanciation sociale. Capable de rester cloîtré des nuits entières en quête d’un son que lui seul entendrait une fois l’ouvrage terminé, Christophe avait aussi fait de son appartement-studio-musée-salle de poker du boulevard du Montparnasse le lieu de passage le mieux fréquenté d’un tout-Paris nyctalope qui l’avait élu maire adjoint aux mondanités délicieuses. Les restaurants ouverts à pas d’heure (un débiteur à bidoche des Halles, un japonais de Montmartre, etc.) lui gardaient toujours une table au cas où, des donzelles charmantes passaient lui lire des chapitres de Tendre est la nuit dont son hypermétropie le privait, disait-il - la bonne excuse !

Des musiciens de toutes époques et obédiences allaient et venaient également, en alternance avec des journalistes en quête d’une anecdote non encore déflorée du septuagénaire plus jeune que la plupart d’entre eux. Et lorsqu’il ne répondait pas aux textos, dans une syntaxe en cut-up à la ponctuation hasardeuse, synchrone avec son débit parlé, c’est sans doute qu’il croisait sur un voilier au large de Tanger, s’était claquemuré dans sa carapace de celluloïd pour mater 8 1/2 de Fellini en copie cinéma pour la huit millionième fois et demie, ou qu’il dormait parce qu’il était 14 h 30.

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Phénix des variétés

Christophe était un mythe français accessible, un phénix des variétés donné mille fois cramé et sans cesse réinventé, un Astérix novö résistant à tout, aux modes comme à la ringardise, accessoirement le seul type capable de jouer aux boules avec Carlos à Saint-Tropez et de taper un duo avec Alan Vega, la voix de Suicide, dans la même journée. Mais, inlassablement, lorsqu’on lui posait la question, Christophe se présentait comme un bluesman. Son Delta : Juvisy-sur-Orge, banlieue sud-est, la Seine pour Mississippi. A la tombée de la guerre, le 13 octobre 1945, Daniel Bevilacqua voit le jour dans une famille italienne originaire du Frioul. L’arrière-grand-père Bevilacqua a débarqué à Juvisy avec des gars du pays à la fin du XIXe siècle pour y faire prospérer son entreprise de maçonnerie-fumisterie.

Le père de Daniel et de deux autres garçons, Gérard et Yves, donne quant à lui dans l’installation de chauffage central et tient un magasin d’électroménager, et sa femme fait chaque jour le trajet vers les beaux quartiers pour y exercer ses talents de couturière dans les grandes maisons de l’avenue Montaigne et du faubourg Saint-Honoré. La musique de la machine à coudre, ce beat frénétique qui crée de la beauté, fascine l’enfant distrait à l’école - il lâchera l’affaire en seconde -, tout comme le chant de l’ouvrière qui l’accompagne. La grand-mère, blanchisseuse rue Montmartre, chante aussi, et cette voix mêlée aux tambours des lessiveuses constitue lors des visites un autre objet de curiosité auditive pour l’acousticien en herbe qui ne cessera toute sa vie de tester des combinaisons accidentelles entre l’humain et les machines. Le son plus rude et coupant des guitares et l’accroche pour le blues, Robert Johnson et John Lee Hooker en messagers du diable, seront son autre obsession, mais pas tout de suite.

Trinité filles-rock-bagnoles

A 12 ans, il est envoyé en pension à Montlhéry (Essonne), et son seul lien avec le monde est un poste à galène en ondes moyennes à travers lequel lui parviennent des radios du Maghreb, avec le Coran hypnotique qui le berce chaque soir et lui donnera le goût des mélodies qui voltigent, peut-être celui d’un Orient fantasmé où il cherchera plusieurs décennies après sa ressource. Le rock le happe à la sortie, quand il profite du divorce de ses parents pour tailler sa route, souvent à fond la caisse, à tombeau ouvert dès qu’un volant lui passe dans les mains.

Le choix de Christophe naîtra de cette médaille du saint patron des voyageurs, offerte par sa grand-mère, qu’on aimante sur les tableaux de bord pour prémunir des accidents. Elle ne fera pas toujours effet. La trinité filles-rock-bagnoles, on peut en rigoler aujourd’hui, mais à la fin des années 50, il s’agit quasiment d’un programme universitaire pour ceux qui ont choisi de griller les feux et les étapes. La Fureur de vivre, même reconstituée à Juvisy, ça fait plus rêver que les chaînes de Billancourt à fabriquer les bolides des autres.

Avec la guitare de son frère Gérard et un pote plus aguerri qui s’époumone dans un harmonica et lui a fait découvrir le blues, Daniel s’exerce à cet art brut entre une virée en Simca et une séance de cinéma au Ciné Vogue de Juvisy ou au Calypso de Vitry. Avec son premier groupe, Danny Baby et les Hooligans, c’est également là qu’il essuiera les plâtres, à l’époque où les orchestres amateurs jouaient entre les films, le sien tentant de reproduire les hits américains de Presley et Cochran dans un yaourt - un Yop, dira-t-il plus tard, donnant ses lettres de noblesse à l’exercice - pas très frais. Daniel rêve aussi d’être acteur, mais au retour du service militaire il se métamorphose en Christophe et tente sa chance en solo sur la Côte d’Azur, où transitent l’été tous les musiciens amateurs et les premiers nababs de l’industrie musicale, puis à Paris.

Sa maîtrise du blues et du rock est certes rudimentaire, mais le garçon chante juste et clair et, dans le flot des ambitieux, sa petite dégaine de marlou taciturne, 1,65 m de nervosité romantique, ne tarde pas à taper dans l’œil des maquignons du disque. Son premier EP sort ainsi sous le label Golf Drouot, créé pour figer dans la cire les plus prometteurs parmi les candidats du tremplin de la rue Drouot, et c’est Eddie Barclay qui distribue. Mais Reviens Sophie fait un flop, avant qu’un autre prénom féminin ne devienne en 1965 l’un des plus distribués dans les maternités.

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Avec sa traînée de violons et ses chœurs en intro, son allure de supplique cadencée pour faire tourner et pleurer à la fois, Aline est le slow qui déchire, celui qui lui collera aux basques toute sa vie sans que jamais il ne s’en plaigne. «C’est toujours ma chanson préférée car je lui dois tout le reste», avait-il l’habitude de dire, alors qu’elle aurait pu tout aussi bien le laisser sur le sable comme Pascal Danel, son grand rival chez Disc’Az, englouti sous les Neiges du Kilimandjaro. Les sixties défilent d’ailleurs en pointillé pour Christophe, et hormis un autre tube (les Marionnettes), il ne fait pas beaucoup d’étincelles chez les yéyés, écrasé par plus virils (Hallyday, Mitchell qui se fout de sa gueule dans Et s’il n’en reste qu’un), plus marrants (Dutronc, Ferrer ou Antoine) et plus flamboyant (Polnareff).

Sa vie privée va plus vite que sa carrière, il file un amour à toute blinde avec Michèle Torr, qu’il abandonne enceinte de leur fils, Romain, né en 1967. Il se fait choper à 200 km/h sur les Champs-Elysées en Lamborghini, et malgré la suspension de permis il projette de devenir pilote automobile professionnel. Au lieu de ça, en 1968, il intègre le cirque Alexis Grüss, glissant vers la fin de la décennie sur un toboggan sans fin de choix absurdes, au bout duquel il est miraculeusement réceptionné par l’homme qui va changer sa trajectoire, Francis Dreyfus.

Fondateur des éditions Labrador et du tout jeune label Motors, il embauche le créateur d’Aline, qu’il aidera à transformer en alien de la pop française grand style. Dreyfus le colle d’abord sur la musique d’un Lautner étrange, la Route de Salina (1970), avec Mimsy Farmer et Robert Walker Jr., et le résultat est prodigieux, irisé de clavecins et de chœurs de vestales, où Christophe se révèle (en anglais) comme un petit marquis baroque dont il ne manque plus qu’à bâtir le royaume et écrire le récit. Après plusieurs essais et quelques réussites (la Petite Fille du 3e, Oh ! Mon amour, Goodbye, je reviendrai), c’est Jean-Michel Jarre, un musicien lettré de l’écurie Dreyfus, parolier à ses heures, qui trouve la bonne hauteur et la langue majestueuse pour faire de Christophe un sérieux concurrent frenchy au glam anglais des Bowie et Roxy Music. L’androgynie vocale du chanteur et l’audace du compositeur-metteur en son - «Je fais du son, pas des chansons» sera désormais son mantra - transforment les albums en films sonores stupéfiants, avec Jarre en scénariste buñuelien.

Les pianos volent

Les Paradis perdus (1973) et les Mots bleus (1974) ne sont pas pour autant des chefs-d’œuvre maudits, mais des juke-box emballés dans la soie par les arrangements de Karl-Heinz Schäfer et Dominique Perrier, avec les studios Ferber comme atelier d’illusions sonores et de transfiguration du rock’n’roll en art décadent pour ce Des Esseintes symphonique qu’est devenu Christophe. Sous la plume de Jarre, avec les neuf minutes épiques du Dernier des Bevilacqua, il se fanfaronne en paria rital et flambeur et c’est beau comme du Dino Risi, quand pendant l’été 1974 dans les transistors, il semble qu’il sera 6 heures au clocher de l’église jusqu’à la fin des temps.

A l’Olympia, les pianos volent comme par magie grâce à Dominique Webb, et hormis Polnareff personne ici n’oserait lui disputer un challenge d’altitude. Il redescendra tout de même un peu après le départ de Jarre, avec le réussi mais inaperçu Samouraï (1976, Boris Bergman à la Remington), chantera la Dolce Vita à contretemps l’année du punk, et s’accommodera brillamment à l’asphalte sur le Beau Bizarre (1978, Bob Decout en tandem). Sans doute son disque le plus en liaison avec son horloge interne et sa nature profonde de macadam cow-boy, et dont le titre deviendra son surnom, décliné en «Labo bizarre» pour ses admirateurs ou «Nabot bizarre» pour les ignares.

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Les années 80 sont plus problématiques, démarrées avec Pas vu pas pris, bon disque rock, presque bashungien période Gaby, façonné avec son beau-frère Alain Kan (Christophe a épousé sa sœur Véronique, mère de sa fille Lucie), mais c’est la réédition d’Aline en 45-tours, ressortie des sables opportunément, qui cartonne en radio cette année-là. Kan disparaîtra sans plus jamais donner de nouvelles dix ans plus tard, en 1990, à une époque où Christophe est lui-même devenu un fantôme, dont le dernier succès (fou) date de 1983.

Fâché avec Dreyfus, enfermé dans son propre labyrinthe obsessionnel, à effacer les millions de pistes qu’il a enregistrées la veille, Christophe atterrit finalement chez Sony, pour un album, Bevilacqua, à la tonalité rétrofuturiste selon sa propre acception, c’est-à-dire rock’n’roll en hoquets électroniques, avec Alan Vega pour modèle (l’inverse est réciproque) et comme invité (Rencontre à l’as Vega). Commercialement, l’album marche au diesel, mais il permet à Christophe de mesurer sa cote d’amour auprès d’une presse spécialisée qui ne le lâchera plus, même s’il faudra encore attendre cinq ans avant le grandiose Comm’si la terre penchait (2001), avec cette fois un succès comptable à la clé (100 000 unités) et un retour triomphal à l’Olympia, dans une mise en scène de Dominique Gonzalez-Foerster qui éblouit encore la rétine des chanceux qui la vécurent.

Le démesuré Aimer ce que nous sommes (2008) coûtera le prix d’un building, et malgré son statut de démiurge chez les esthètes et sa veine au poker, Christophe devient un objet de luxe pour son label, Universal, qui peine à trouver un retour sur investissement. Pascal Nègre, à l’époque, lui suggère fermement d’enregistrer un album de duos avec ses anciens tubes, mais le vieux Mohican n’acceptera que si Bowie, Thom Yorke et Björk lui donnent la réplique. Le projet, forcément mort-né, rejaillira l’an dernier avec les deux volumes de Christophe, etc. et un casting plus modeste (Obispo, Mitchell, Arno, Daho, Doré, Armanet…), tous triturés des heures entières face au silence du boulevard du Montparnasse.

Avant cet exercice obligé, Christophe avait retrouvé Jean-Michel Jarre au soir d’un certain 13 novembre 2015, où coupés du massacre en cours les deux avaient écrit le troublant les Vestiges du chaos, titre qui baptisera son ultime grand œuvre, publié en 2016. Venu au piano sur le tard, l’objet encombrant désormais son salon parmi les vestiges chaotiques de sa vie de collectionneur maboul, Christophe se produisait à l’année en version intime (synthés-piano-voix), alternant avec des plus grandes formations, et devait encore reprendre la formule fin avril. Les dates ayant été reportées au mois de septembre, elles auront donc lieu finalement au paradis. Pas perdues pour tout le monde.

17 avril 2020

17 avril 1975 : Phnom Penh, tombe aux mains des Khmers rouges

Il y a 45 ans, la capitale du Cambodge, Phnom Penh, tombe aux mains des Khmers rouges. Dans les années qui suivront, de 1975 à 1979, 1,7 million de Cambodgiens périront sous le régime Khmer rouge.

Il y a deux ans, nous avons publié un entretien avec l’un des grands témoins de ces journées, André Pasquier, chef de la délégation du CICR au Cambodge à cette époque. Dans le chaos de ces journées, il tenta, en vain, avec une poignée de collègues de négocier un espace humanitaire, la protection des hôpitaux et des populations civiles.

Dans le documentaire « La chute de Phnom Penh » déjà visionné plus de 15 000 fois, découvrez l’histoire tragique et méconnue de cette négociation qui s’acheva par l’expulsion du CICR et des derniers étrangers vers la Thaïlande.

Le 17 avril 1975, il y a 45 ans, Phnom Penh, la capitale du Cambodge tombe aux mains des Khmers rouges. Dans le chaos de ces journées, André Pasquier, chef de la délégation du Comité Internationale de la Croix-Rouge, tente, en vain, avec une poignée de collègues de négocier un espace humanitaire, la protection des hôpitaux et des populations civiles. Raconté par André Pasquier Ce récit, André Pasquier le livre à travers le 17ème épisode de la série « Une histoire d’Humanité » produite et réalisée par la délégation régionale du CICR en France qui sortira le 17 avril prochain. Vous découvrirez l’histoire tragique et méconnue de cette négociation qui s’acheva avec l’expulsion du CICR et des derniers étrangers vers la Thaïlande. Dans les années qui suivront, de 1975 à 1979, 1,7 million de Cambodgiens périront sous le régime Khmer rouge. Synopsis En 1975, en pleine guerre froide, le Cambodge n’est pas qu’un simple conflit annexe de la guerre du Vietnam. Une guerre civile ravage le pays depuis déjà 5 années. La nouvelle république du Cambodge, soutenue par les Etats-Unis fait face à la révolte communiste des Khmers rouges. Alors que Phnom Penh est sur le point de tomber, les Etats Unis décident d’évacuer la ville, emportant avec eux tous les étrangers qui le désiraient. Fraîchement arrivé au Cambodge, André Pasquier, chef de délégation du CICR a pour volonté d’instaurer un dialogue avec les parties engagées dans le conflit.

17 avril 2020

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17 avril 2020

Nécrologie - Coronavirus : Luis Sepulveda, écrivain chilien, est mort du Covid-19

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Par Ariane Singer, Collaboratrice du "Monde des livres"

Détenu sous Pinochet puis exilé, l’auteur a gardé dans son œuvre l’empreinte indélébile de ses combats et de leurs inévitables désillusions. Atteint du Covid-19, il est mort à l’âge de 70 ans.

Lors de la soirée célébrant les 40 ans des éditions Métailié, le 21 octobre 2019, Luis Sepulveda, l’auteur fétiche de la maison, avait été très chaleureusement applaudi. Un lien particulier unissait le romancier et cinéaste chilien, né le 4 octobre 1949 à Ovalle, au nord de Santiago, et la maison fondée par Anne-Marie Métailié – laquelle, en publiant, en 1992, son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, jusque-là passé inaperçu en Espagne, a contribué à forger sa notoriété internationale.

Traduite dans une soixantaine de langues, cette histoire d’un homme veuf, grand connaisseur de la forêt amazonienne et de ses Indiens, se plongeant dans des romans pour échapper à la barbarie des hommes blancs, a conquis des millions de lecteurs dans le monde, charmés par le talent de conteur du romancier et la fausse candeur de son écriture.

Mais loin d’être un peintre naïf, jouant habilement sur la corde des émotions, comme on a pu le lui reprocher, Luis Sepulveda, mort le 16 avril, à Oviedo, en Espagne, à l’âge de 70 ans, était d’abord un militant de gauche à l’engagement chevillé au corps et à la plume. « Raconter, c’est résister », se plaisait-il à dire, en reprenant la devise de l’écrivain brésilien Joao Guimaraes Rosa. Selon la version qu’il donnait de sa vie, ce petit-fils d’un Andalou anarchiste, contraint de fuir l’Espagne pour s’exiler en Equateur puis au Chili (du côté paternel), et d’un chef indien Mapuche (par sa mère) s’était engagé dès 12 ans auprès des jeunesses communistes. Par la suite, son appartenance à la garde rapprochée du président Salvador Allende (1908-1973) lui avait valu, sous la dictature d’Augusto Pinochet (1915-2006), d’être condamné à vingt-huit ans de prison pour trahison et conspiration.

Engagé au Nicaragua aux côtés des sandinistes

Libéré en 1977 après deux ans et demi de détention, grâce à Amnesty International, moyennant un exil de huit ans en Suède, il avait choisi de se soustraire à sa peine en arpentant l’Amérique du Sud. Une aventure des plus fécondes. Un séjour auprès des Indiens Shuars, en 1978, destiné à étudier l’impact de la colonisation, lui avait ainsi donné la matière de son premier roman. Ses pérégrinations lui avaient également inspiré Le Neveu d’Amérique (1996), sans doute l’un de ses plus beaux livres, récit d’un long voyage, depuis l’Amérique jusqu’en Andalousie.

En 1979, ayant mis le cap sur le Nicaragua, il s’était investi dans la lutte armée aux côtés des sandinistes, dans la brigade Simon-Bolivar. Il en était revenu « déçu qu’une belle révolution ait fini en enfer à cause des infirmités de toujours : le dogmatisme, l’uniformisation et le manque de générosité créative », avant de s’expatrier en Allemagne. A Hambourg, il était devenu reporter et avait épousé une infirmière, dont il a eu trois enfants, avant de retrouver, des années plus tard, à Paris, sa première femme, une ancienne militante de gauche, comme lui.

Son œuvre, qu’il avait choisi d’écrire du côté des perdants, a gardé l’empreinte indélébile de ses combats et de leurs inévitables désillusions. C’est d’abord par le biais du thriller qu’il en a rendu compte, par un alter ego romanesque, Juan Belmonte, un ancien guérillero chilien des révolutions perdues de l’Amérique latine, dont il a fait le héros du livre Un nom de torero (1994), puis, plus récemment, de La Fin de l’histoire (2017), où celui-ci, retiré des affaires, repart régler ses comptes avec un ex-tortionnaire de la junte chilienne.

Une sensibilité profondément humaniste

Critique des dictatures latino-américaines, comme de la gauche, Luis Sepulveda n’en avait pas moins gardé une profonde nostalgie des années passées à défendre ses idéaux, comme dans L’Ombre de ce que nous avons été (2009), où il imaginait les retrouvailles, à Santiago, de trois anciens militants de retour d’exil, souhaitant mener une ultime action révolutionnaire. Pour Luis Sepulveda, l’amnésie était la pire des lâchetés. On trouve cette injonction à ne pas oublier ni à pardonner dans La Folie de Pinochet (2003), compilation d’articles dans lesquels il fustigeait l’indulgence de ses compatriotes vis-à-vis de l’ancien dictateur.

Très marqué par l’œuvre de son compatriote, le conteur et nouvelliste Francisco Coloane (1910-2002), comme par celle de Jules Verne, il tenait Ernest Hemingway pour son maître d’écriture en sobriété. Cette simplicité est la marque de ses livres, qu’il souhaitait accessibles au plus grand nombre et dans lesquels prévaut une sensibilité profondément humaniste. Elle s’exprime tant dans ses romans écologistes – un autre de ses combats depuis ses années passées en Allemagne (Le Monde du bout du monde, 1993) – que dans ses contes pour enfants (dont Histoires d’un chien mapuche, 2016). L’auteur, dont plusieurs livres ont été portés à l’écran, s’était lui-même essayé au cinéma avec Terre de feu (2000), coécrit avec Miguel Littin, et Nowhere (2002).

Après avoir renoncé à retourner s’installer au Chili, mais toujours attentif à la situation sociale et politique du pays, Luis Sepulveda avait fini par s’établir en 1996 à Gijón, ville des Asturies (nord de l’Espagne), dont il louait la « tradition de lutte politique instaurée par les mineurs et la fraternité qui y règne ». Une ville à son image.

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