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Jours tranquilles à Paris
6 avril 2020

Royaume-Uni - Coronavirus : Boris Johnson hospitalisé

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COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Après une allocution télévisée “historique” de la reine Élisabeth II, promettant que le Royaume-Uni “vaincra” le coronavirus, Downing Street a annoncé que le Premier ministre, Boris Johnson, toujours affaibli par le Covid-19, avait été hospitalisé “par mesure de précaution”.

“Boris Johnson a été admis à l’hôpital pour des examens, alors qu’il présente toujours des symptômes persistants du coronavirus, dix jours après avoir été testé positif”, écrit The Independent. Le Premier ministre est en quarantaine dans son appartement depuis le 27 mars.

Ses proches “ont insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une hospitalisation d’urgence et que les médecins considéraient comme ‘sensé’ d’examiner le Premier ministre, sachant que sa température reste élevée”, poursuit le quotidien.

The Sun précise que M. Johnson, âgé de 55 ans, “n’a pas été emmené en ambulance” et qu’il est traité “dans un hôpital public du centre de Londres”. Son entourage a confirmé qu’il y “passera[it] la nuit” et y resterait “aussi longtemps que nécessaire”, selon le tabloïd.

Pour The Guardian, cette hospitalisation n’est pas anodine car, “compte tenu de la pression croissante sur les centres de soins en ce moment, il est peu probable qu’il eût été hospitalisé si les médecins n’avaient pas de vraies inquiétudes. Les examens de routine peuvent être réalisés à Downing Street.”

Le quotidien pense que les médecins veulent s’assurer que Boris Johnson “n’est pas entré dans la deuxième phase (de la maladie), quand le système immunitaire entre en surchauffe”.

Les services du Premier ministre ont assuré qu’il “restait en charge du gouvernement et en contact avec les ministres”, selon The Daily Telegraph. “Mais il est probable que [le ministre des Affaires étrangères], Dominic Raab, préside la réunion quotidienne sur le Covid-19, lundi matin”.

Lors de sa conférence de presse, dimanche, Donald Trump a souhaité un prompt rétablissement à Boris Johnson, assurant que “tous les Américains priaient pour lui. C’est un ami et un vrai gentleman”, rapporte The Hill. “J’ai confiance et je suis sûr que ça va aller”, a ajouté le président américain.

“Cri de ralliement”

L’hospitalisation de Boris Johnson a été annoncée peu après une allocution télévisée de la reine Élisabeth II, qualifiée de “rare”, “historique”, “émouvante”, et “poignante” par la presse britannique.

Pour The Daily Mail, le discours de quatre minutes trente était un “cri de ralliement” pour le peuple britannique, auquel la reine, depuis le château de Windsor, a promis : “Nous vaincrons ; et cette victoire sera celle de chacun d’entre nous.”

Le quotidien populaire souligne que l’allocution d’Élisabeth II “était inspirée par le discours de son père, Georges VI, prononcé au début de la Seconde Guerre mondiale et dans lequel il avait évoqué les heures sombres à venir, mais aussi l’espoir que l’esprit britannique prévaudrait”.

De fait, la référence à l’histoire a constitué la seule surprise du discours – l’essentiel ayant été communiqué à la presse dès samedi. La reine a rappelé, photo à l’appui, que sa première allocution avait été prononcée à la radio, pour rassurer les enfants du Commonwealth, durant la Seconde Guerre mondiale. Elle était alors âgée de 14 ans.

“En invoquant la mémoire de ce discours de 1940, la monarque nonagénaire nous a subtilement offert un contexte historique, à l’aune duquel nous pouvons mesurer notre confinement actuel et reconnaître, comme elle le dit, que c’est bien ‘ce qu’il faut faire’”, analyse The Spectator.

Et le magazine d’ajouter :

Ce qu’elle ne dit pas, c’est que les privations endurées par sa génération en temps de guerre ont été plus sévères et ont duré bien plus longtemps.”

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6 avril 2020

We will succeed': Watch the Queen's speech on coronavirus in full

6 avril 2020

Coronavirus : toute la planète cherche à acheter des masques de protection en Chine

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Par Gilles Paris, Washington, correspondant, Florence de Changy, Hongkong, correspondance, Piotr Smolar, Sarah Belouezzane, Harold Thibault

Cette foire d’empoigne se fait dans l’urgence, car chaque pays est confronté à la pénurie et à des opinions publiques abasourdies par le manque d’anticipation.

C’est la grande cohue aux portes des ­usines chinoises, auprès desquelles toute la planète cherche à se procurer des masques de protection pour freiner la propagation du coronavirus. Dans cette foire d’empoigne se font concurrence les Etats entre eux, mais aussi les collectivités locales et les entreprises. Le tout dans l’urgence, car chacun est confronté à la pénurie et à des opinions publiques abasourdies par le manque d’anticipation de leurs dirigeants, et ce alors que l’essentiel du trafic aérien à destination de la Chine a été supprimé. « Il y a une course aux masques en Chine, il faut être prêt à dégainer tout de suite pour ­réussir à passer une commande », résume Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine.

Le gouvernement français a lancé ce qu’il compare à un « pont aérien » avec la Chine – des vols cargos payés au prix fort pour importer 600 millions de masques. Ils doivent notamment approvisionner les hôpitaux. Mais les régions conservent la responsabilité de trouver des masques pour les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes et les soignants à domicile. La Nouvelle-Aquitaine devait réceptionner une commande de 2,6 millions de masques ce week-end, à l’issue d’un parcours du combattant : la cargaison devait d’abord décoller de Shenzhen (sud), grand centre industriel qui jouxte Hongkong. Mais face à l’engorgement du terminal cargo de l’aéroport, elle a été envoyée par camion jusqu’à Shanghaï (est). Là, l’attente s’annonçait si longue que le tout a finalement été convoyé pour un décollage depuis Zhengzhou, 950 km à l’ouest.

« Course contre la montre »

L’Ile-de-France a connu pire déconvenue. Lorsque, le 20 mars, le gouvernement lève sa réquisition des masques sur le territoire, Valérie Pécresse, présidente de la région, se précipite car les besoins sont grands. Elle procède à une commande de plusieurs millions de masques auprès d’un fournisseur chinois. Mais très vite, sans nouvelles de la cargaison, la région se rend compte que le stock a été tout simplement vendu à une autre partie, plus offrante. « Nous ne savons même pas qui l’a acheté finalement, on parle d’Américains, mais en réalité, c’est difficile à dire », précise-t-on dans l’entourage de la présidente.

Cette situation ubuesque est la conséquence d’une demande en flux hypertendu et d’une concurrence impitoyable. Il faut désormais payer rubis sur l’ongle dès l’ordre passé, parce que les producteurs peuvent se permettre de l’exiger, mais aussi en raison du coût de leurs matières premières. « Auparavant, il fallait un premier versement, d’environ 30 %, puis le reste après livraison. La nouveauté, c’est que les usines veulent 100 % comptant à la commande, sinon les autres passent avant », explique Melvin Gerard, consultant dans l’import-export avec la Chine.

L’Ile-de-France a fait appel aux réseaux de ses entreprises, mais également à la communauté d’origine chinoise afin de trouver un producteur fiable. « Nous nous sommes battus car la recherche de masques est une course contre la montre pour identifier les producteurs et, surtout, faire décoller les cargaisons. Nous avons pu sécuriser une filière d’approvisionnement grâce à la communauté franco-chinoise en Ile-de-France », explique Valérie Pécresse.

Les différents chefs d’Etat, Emmanuel Macron en tête, ont beau promettre de réfléchir à terme à cette dépendance à la Chine, dont ils prennent conscience avec la crise sanitaire, la République populaire se révèle plus incontournable que jamais. Dès janvier, alors que le virus faisait ses premiers ravages, sa propre demande et celle de ses voisins asiatiques l’ont poussée à augmenter ses capacités de production : 3 000 nouveaux fabricants se sont lancés sur un marché qui en comptait déjà 4 000. La Chine – qui, l’année dernière, livrait la moitié des masques sur la planète – aurait dopé sa capacité de production à 110 millions d’unités par jour fin février, selon les chiffres officiels, cinq fois plus qu’un mois plus tôt.

Le constructeur automobile BYD se targue d’avoir lancé en deux semaines la plus grosse ligne de production mondiale, et assure au Monde qu’elle sort désormais 10 millions d’unités par jour. Le géant de l’assemblage des smartphones Foxconn s’est jeté dans la mêlée au même moment. Un producteur de serviettes de protection contre l’incontinence de la province rurale de l’Anhui, U-Play, explique s’être converti aux masques en trente-cinq jours car le gouvernement local peinait à en trouver, confronté à la demande des autres provinces.

Dans cette bataille, la qualité laisse souvent à désirer. Les Pays-Bas ont rappelé 600 000 masques FFP2 défectueux, réceptionnés le 21 mars d’un fabricant chinois. Mais Pékin est soucieux de son image, et se pose désormais d’autant plus en position de sauveur qu’il a été accusé d’avoir étouffé la révélation, par des médecins de la ville de Wuhan, de l’existence d’un nouveau virus, fin décembre 2019. Depuis mardi 31 mars, les usines du pays ne peuvent plus exporter de matériel médical ou de protection si elles n’ont pas reçu la licence les autorisant à vendre sur le ­marché chinois. Selon une source au ministère français de la santé, aucun problème de qualité n’a été décelé sur les premiers arrivages en France, par deux avions affrétés lundi 30 mars et mercredi 1er avril par la société Geodis, qui ont ramené près de 20 millions de masques.

L’amertume des pilotes

L’autre défi est logistique. Outre Geodis, qui doit affréter une quinzaine de vols Antonov pendant ce mois d’avril dans le cadre du « pont aérien » avec la Chine, Air France prévoit six rotations par semaine. Les deux premiers vols de la compagnie française ont eu lieu dimanche 29 mars et mercredi 1er avril, acheminant chacun 80 tonnes de matériels – essentiellement des masques, près de 8 millions au total – à destination de la France. Une grande partie, le 29 mars, a été importée à l’initiative du groupe LVMH. Le prochain vol est prévu le 5 avril. En privé, le président Emmanuel Macron a critiqué la lenteur du ministère de la santé, qui s’est fait prendre de vitesse, pour des raisons administratives, dans la prise en charge des masques sur le terrain, en Chine.

Les équipages qui participent à ces vols à vide dans le sens de la Chine sont soumis à un protocole sanitaire très strict. C’est dans ce cadre qu’un pilote d’Air France a été retenu sur place, selon nos informations, confirmées par Air France. A la suite d’un test positif au Covid-19, il a été « placé en observation dans un centre médicalisé » chinois le 31 mars, précise la compagnie, qui s’efforce d’obtenir son retour « le plus rapidement possible ».

Du côté des syndicats de pilotes, une certaine amertume s’exprime en raison de l’écho donné aux vols affrétés par Geodis. « On aimerait que le travail d’Air France soit davantage mis en valeur par le ministère des affaires étrangères, dit une source syndicale. On s’offusque du fait que les vols d’Antonov soient tant évoqués, alors qu’ils sont à un tarif délirant de 1,5 million d’euros pièce. »

La ruée mondiale sur le matériel de protection chinois est source de vives crispations diplomatiques. Le ministre de l’intérieur du Land de Berlin, Andreas Geisel, a ainsi accusé les Etats-Unis de « piraterie moderne » dans un article de vendredi du Tagesspiegel révélant qu’une cargaison de masques de type FFP2 de la marque américaine 3M, produits en Chine à destination des soignants de la capitale allemande, a été « confisquée » lors d’un transbordement à l’aéroport de Bangkok. L’entreprise du Minnesota résiste à une injonction de l’administration de Donald Trump d’expédier l’intégralité de sa production asiatique vers les Etats-Unis et de cesser de fournir le Canada et l’Amérique latine. Cet ordre, qui aurait des « implications humanitaires importantes », selon l’industriel, suscite l’ire du premier ministre canadien, Justin Trudeau.

Les Etats américains eux-mêmes se plaignent de voir l’administration fédérale se montrer plus offrante à chaque fois qu’ils tentent de passer une commande aux Etats-Unis. Au point que le gouverneur du Massachusetts, Charlie Baker, a utilisé un avion de l’équipe de football des New England Patriots pour aller chercher une livraison en Chine pour sa région. Cette concurrence américaine nourrit la guerre au plus offrant. Un membre de l’état-major américain, l’amiral John Polowczyk, chargé de l’approvisionnement, a assumé avoir une équipe qui « parcourt le monde » pour prendre tous les équipements nécessaires que les Etats-Unis peuvent récupérer. Il a précisé que six avions-cargos avaient déjà ramené du matériel médical et que 28 autres avions étaient prévus dans les jours à venir. Il parle lui aussi de « pont aérien ».

5 avril 2020

Faut-il généraliser le port du masque ? Le discours officiel commence à s’infléchir

Alors que l’Organisation mondiale de la santé veut limiter les masques aux soignants et aux malades, le gouvernement américain et l’Académie de médecine en France préconisent un recours plus large.

Faut-il généraliser le port du masque ? Depuis le début de l’épidémie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de nombreux gouvernements répètent que les masques doivent être uniquement utilisés par les soignants, les malades et leur entourage proche, en disant s’appuyer sur des données scientifiques. Mais le discours officiel a changé dans plusieurs pays cette semaine.

Quelles positions ont changé ?

La volte-face la plus spectaculaire est venue des Etats-Unis vendredi 3 avril : le président, Donald Trump, a annoncé que les autorités sanitaires conseillaient désormais aux Américains de se couvrir le visage lorsqu’ils sortent de chez eux. C’est « seulement une recommandation », a ajouté le président américain précisant qu’il ne le ferait sans doute pas lui-même. La veille, le maire de New York, Bill de Blasio, avait demandé aux habitants de se couvrir le visage à l’extérieur, avec un foulard si besoin.

En France, l’Académie de médecine a jugé vendredi qu’il fallait attribuer en priorité les masques FFP2 et chirurgicaux aux soignants, mais qu’un masque « grand public » devrait être rendu obligatoire pour les sorties pendant et après le confinement.

Le Directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a infléchi sa position en annonçant la fabrication de masques « alternatifs », autres que médicaux : « Nous encourageons le grand public, s’il le souhaite, à porter (…) ces masques alternatifs qui sont en cours de production. » Une position qui reste optionnelle, comme il l’a rappelé samedi soir :

« Nous apprenons chaque jour de ce nouveau virus. Peut-être qu’un jour nous proposerons à tout le monde de porter un masque mais on n’en est pas là. Tout ça se discute avec les experts, avec le conseil scientifique et avec les experts de virologie. Avec toutes les agences nationales. »

En Allemagne, l’Institut Robert-Koch, l’établissement de référence en santé publique, a encouragé les citoyens à porter en public des masques faits maison. Il n’y a « pas encore de preuve scientifique » qu’ils limitent la propagation du virus, mais cela « semble plausible », a estimé son président.

En Italie, la Lombardie a décidé qu’à partir de dimanche, ceux qui sortiront devront se couvrir les voies respiratoires, avec des masques, ou à défaut des écharpes ou des foulards. Les supermarchés seront par ailleurs tenus de fournir des gants et du gel hydroalcoolique à leurs clients.

Le port du masque est obligatoire en République tchèque et en Slovénie, et l’Autriche l’a généralisé dans les supermarchés.

Il a également été imposé en Turquie.

Pourquoi un tel revirement ?

Jusqu’à présent, les autorités occidentales réservaient le port du masque aux personnels soignants et aux malades, ce qui étonnait beaucoup les pays asiatiques. Le directeur général du Centre chinois de contrôle et de préventions des maladies, George Gao, a averti dans un entretien publié le 27 mars que « la grande erreur aux Etats-Unis et en Europe est que la population ne porte pas de masque ».

Parmi les craintes principales figure l’hypothèse selon laquelle le coronavirus pourrait se transmettre par l’air expiré (les « aérosols » dans le jargon scientifique). Ce mode de transmission n’est pas encore scientifiquement prouvé, mais on suspecte que « le virus puisse se transmettre quand les gens ne font que parler, plutôt que seulement lorsqu’ils éternuent ou toussent », a déclaré vendredi sur Fox News le très respecté spécialiste américain Anthony Fauci, conseiller de Donald Trump.

S’il était confirmé, ce mode de transmission expliquerait la haute contagiosité du virus, également transmis par des patients sans symptômes.

L’OMS pourrait-elle changer d’avis ?

Jusqu’à présent, l’OMS s’en tient encore à sa position initiale, en craignant que l’usage généralisé du masque donne un « faux sentiment de sécurité » et fasse oublier les indispensables mesures barrières (distanciation sociale, lavage des mains…).

Toutefois, son patron, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, a concédé mercredi qu’elle continuait à « évaluer l’usage potentiel du masque de manière plus large ». « La pandémie évolue, les preuves et nos avis aussi », a-t-il glissé.

Une étude parue vendredi dans la revue Nature lui donnera du grain à moudre : elle conclut que le port de masques chirurgicaux réduit la quantité de coronavirus dans l’air expiré par des malades (l’expérience a été faite avec d’autres coronavirus que le SARS-CoV-2, responsable de l’épidémie actuelle).

Quelle efficacité des masques « alternatifs » ?

De nombreux pays, dont la France, font face à une pénurie de masques médicaux et chirurgicaux. Le personnel soignant, qui est prioritaire pour les utiliser, est parfois démuni dans certaines structures.

Pour éviter la ruée sur les masques médicaux, ce sont donc les masques faits maison ou fabriqués par l’industrie textile qui sont mis en avant. Des tutoriels de fabrication de masques artisanaux circulent largement sur Internet, parfois émanant d’hôpitaux ou de sociétés savantes.

Attention toutefois à bien avoir en tête que ces masques « alternatifs » ou « écrans antipostillons », comme les appelle le collectif français Stop-postillons (qui propose des modèles sur son site) n’ont pas un effet protecteur très efficace contre le coronavirus. Il est dangereux de les utiliser lorsqu’on est en contact étroit avec un malade.

La plupart ne sont pas dotés de filtres suffisants. En revanche, ils servent à ne pas contaminer les autres, dont à ralentir la propagation du virus. Porter un masque évite aussi de se toucher le visage avec les mains, qui peuvent être contaminées.

4 avril 2020

A Wuhan, la liberté toujours suspendue à un QR code

Par Zhifan Liu, correspondant en Chine

Alors que la fin du confinement était promise pour le 8 avril dans l’épicentre chinois de l’épidémie, un contrôle strict est encore à l’œuvre et de nouvelles restrictions ont été annoncées.

Cela fait soixante-et-onze jours que les 11 millions d’habitants de Wuhan attendent que leur cauchemar prenne fin. Le 8 avril, ils devraient à nouveau pouvoir se déplacer librement dans leur ville et dans le reste du pays. Du moins en théorie.

Car, vendredi, Wang Zhonglin, le chef du Parti communiste chinois à Wuhan et le plus haut gradé de la ville, a expliqué que les risques d’un regain de l’épidémie restaient élevés et a demandé à la population de rester vigilante et de limiter ses déplacements à l’extérieur. Un prélude à un report de la sortie du confinement ?

Quatre nouveaux morts du Covid-19 ont été signalés en vingt-quatre heures sur le territoire chinois, tous issus de Wuhan, capitale du Hubei et foyer de l’épidémie. Plus de trois mois après que Pékin a signalé l’émergence d’une pneumopathie inconnue, les derniers chiffres officiels font état de 81 620 cas et 3 322 morts du virus sur le territoire chinois.

«La prévention et le contrôle de l’épidémie à Wuhan sont toujours fondamentaux alors que le flux des cas importés augmente, et quelques habitants ont relâché leur garde contre l’épidémie», a alerté une notice de la municipalité publiée vendredi sur le réseau social WeChat. Les autorités ont annoncé dans la foulée limiter les accès aux immeubles résidentiels et renforcer les prises de température corporelle. Sur les trottoirs, d’imposantes palissades jaunes ont été érigées pour éviter les interactions entre les piétons, rendant les déplacements difficiles.

Isolement

Depuis le 25 mars, les restrictions s’étaient pourtant assouplies dans la mégalopole du centre de la Chine alors que la province du Hubei sortait du confinement. Les Wuhanais en bonne santé peuvent de nouveau prendre les transports en commun, qui sont en partie à nouveau opérationnels. Mais pour toute sortie, il faut avoir téléchargé un QR code sur son téléphone portable. S’il est vert tout va bien, mais la couleur peut changer en fonction des déplacements de l’utilisateur. «Notre plus grande hantise désormais est de voir notre QR code changer de couleur. Alors on limite toujours autant nos déplacements», explique Fang (1) une habitante de Wuhan qui n’a toujours pas quitté son lotissement. Car le système qui génère votre QR code répertorie votre adresse, votre numéro de téléphone et de carte d’identité, et traque vos données GPS.

S’il s’avère que vous avez croisé, au supermarché ou ailleurs, une personne suspectée d’être infectée, vous pouvez même être placé d’office à l’isolement. Une quarantaine à vos frais dans une «installation désignée par le gouvernement», en général un hôtel. Ce qui fait que Fang n’est toujours pas allée voir sa mère, enfin sortie de l’hôpital après avoir été soignée pour le Covid-19 : «Je n’ai pas de voiture et il me faut environ deux heures de transports en commun pour aller la voir chez elle. Je n’ose pas prendre le métro ou le bus.» Car si elle perdait son QR code vert, elle ne pourrait plus entrer dans un magasin ou aller à la pharmacie.

D’après le quotidien d’Etat Global Times, le pouvoir local réfléchit à tester massivement les 11 millions d’habitants de la mégalopole pour recenser les cas asymptomatiques. Les personnes positives au Covid-19 mais qui présentaient peu ou pas de symptômes ont été écartées durant des semaines du comptage officiel avant d’être de nouveau recensées cette semaine.

Ces asymptomatiques, potentiellement contagieux, sont la réelle inconnue qui pourrait participer à une nouvelle vague de l’épidémie. Deux de ces porteurs silencieux ont contaminé une habitante de la ville de Jia, dans le Henan, province voisine du Hubei. Résultat, les 600 000 habitants sont depuis cette semaine sous le coup d’un confinement général, aucun citoyen n’est autorisé à sortir ou entrer dans le comté.

Mémoires

L’heure est désormais au deuil national. Ce samedi matin à 10 heures, les Chinois sont appelés à observer trois minutes de silence pour les victimes chinoises de l’épidémie. Parmi elles, un nom restera dans les mémoires, celui de Li Wenliang, docteur qui avait été puni au début de la crise sanitaire pour avoir alerté sur un nouveau coronavirus à une période où Pékin jouait encore l’opacité. Sa mort, due au Covid-19, avait attisé un vent d’indignation inédit dans la Chine communiste. Depuis, Pékin affirme que la situation est sous contrôle sur son territoire. Le président Xi Jinping s’est déplacé, sans masque sur le visage, dans le Zhejiang, une province moteur de l’économie chinoise, pour sonner le réveil de la deuxième puissance mondiale. Mais vendredi soir, la rumeur courait sur les réseaux sociaux que le confinement général de Wuhan serait prolongé après le 8 avril. Signe que le cauchemar risque encore de durer dans le berceau de l’épidémie.

(1) Le prénom a été changé.

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4 avril 2020

Poutine donne les « pleins pouvoirs » aux régions contre le Covid-19

Décision rare de l’hyper Président russe : la délégation, aux gouverneurs des provinces, de la gestion de la lutte contre le coronavirus. 

De notre correspondante en Russie, Nathalie Ouvaroff

La verticale du pouvoir, base de la gouvernance de Vladimir Poutine, n’a pas résisté au coronavirus. Le chef de l’État russe est contraint de donner davantage de pouvoirs de gestion aux gouverneurs des régions.

Dans un discours à la nation qui sonne comme un aveu d’impuissance, le chef de l’État russe a fait savoir à son peuple que la bataille contre la maladie était pour ainsi dire « régionalisée ».

Alors qu’il se taisait depuis l’annonce, à la surprise générale, d’une semaine de congés payés pour lutter contre la pandémie, Vladimir Poutine n’a pas annoncé, comme nombre de chefs d’État, l’instauration de l’état d’urgence mais un renforcement des pouvoirs des gouverneurs de provinces, qui seront désormais habilités à prendre toutes les décisions en accord avec un conseil ad hoc, chargé de la lutte contre l’épidémie près du Président.

Les gouverneurs auront la haute main sur toutes les questions sanitaires : hôpitaux, approvisionnement en médicaments et en moyens de protection pour les soignants et la population. Ils pourront également, avec l’aval des autorités sanitaires régionales, durcir ou assouplir les mesures de confinement et, bien entendu, les punitions pour les contrevenants.

Les chefs de région auront également les pleins pouvoirs, quant à l’infrastructure : arrêt des transports en commun, des trains, des transports fluviaux, des déplacements de population entre les différentes régions. Enfin, ils devront veiller sur la situation économique des régions dont ils ont la charge : empêcher les pénuries, le marché noir, la hausse de la criminalité, de l’alcoolisme.

L’unité russe en danger

La Fédération de Russie, qui comptait, au 1er janvier 2019, 146 millions habitants, recense, avec la Crimée, 22 « républiques kraï » (territoires administratifs), 48 « oblasts » (régions administratives) et trois villes d’importance fédérale : Moscou, Saint-Pétersbourg et Sébastopol. La région la plus peuplée est le Bachkortostan (quatre millions d’habitants) et la moins peuplée, l’Altaï (200 000). Reste que les régions de Russie sont très inégalement développées et que nombreuses sont celles qui, sur le plan sanitaire, ne sont absolument pas préparées à assumer le poids d’une pandémie. Dans ce contexte, cette « régionalisation » risque d’avoir des conséquences gravissimes et peut-être, à terme, remettre en question la Fédération de Russie comme un État unitaire.

3 avril 2020

Contamination - Le port du masque, signe de la différence culturelle entre l’Asie et l’Occident

corona monde

masque

SOUTH CHINA MORNING POST (HONG KONG)

En Asie, porter un masque a été une évidence dès le début de l’épidémie de Covid-19. Une bizarrerie aux yeux des Occidentaux, pour qui le masque symbolise la maladie. Analyse d’une anthropologue de Hong Kong.

Voisins de la Chine, les Hongkongais ont été parmi les premiers à être exposés à la menace de l’épidémie du nouveau coronavirus, il y a deux mois [fin janvier]. À ce moment-là, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considérait encore qu’il s’agissait d’un événement de portée régionale, affirmant par ailleurs qu’il était tout à fait possible de l’enrayer.

Hong Kong a signalé ses premiers cas d’infection au nouveau virus le 22 janvier. Le lendemain, la Chine annonçait la mise en quarantaine de Wuhan, une ville de plus de 10 millions d’habitants.

Début février, j’étais en déplacement professionnel en Europe. À l’aéroport de Heathrow, en Grande-Bretagne, alors que j’attendais l’avion qui devait me ramener à Hong Kong, je me suis entretenue avec un Britannique charmant qui m’a demandé pourquoi le virus semblait à ce point inquiéter les gens en Asie.

Dialogue de sourds

Je lui ai répondu que la maladie était extrêmement contagieuse et qu’elle pouvait être mortelle. Ce à quoi il a rétorqué :

Eh bien, ce n’est qu’une grippe de plus, je n’imagine pas que d’autres pays iraient verrouiller une ville de 10 millions d’habitants.

- Ça ne vous fait pas un peu peur ? lui ai-je dit.

- Pas du tout, a-t-il répliqué.

- Oh, vous êtes sacrément forts, par ici !” ai-je plaisanté.

Sauf que non. À partir de la mi-février, le virus s’est répandu rapidement en Europe, et maintenant, ce sont les États-Unis qui annoncent le plus grand nombre de cas confirmés dans le monde. C’est en Italie que le taux de mortalité est le plus élevé, supérieur même à la Chine, mais il devient également alarmant dans plusieurs pays occidentaux, dont l’Espagne.

À Hong Kong, l’obsession du masque

Quiconque a suivi de près le développement de la pandémie n’aura pas manqué de remarquer les différences entre l’Occident et l’Asie. À Hong Kong, Macao, Taïwan, mais aussi au Japon et en Corée du Sud, les gens portent des masques chirurgicaux, qu’ils se sont souvent procurés à grands frais et au prix de rudes efforts.

Depuis la fin janvier à Hong Kong, une seule question est sur toutes les lèvres : où trouver des masques ? Le mois dernier, le gouvernement a essuyé des critiques pour ne pas en avoir prévu assez pour le personnel médical dans les hôpitaux publics.

Un slogan est souvent revenu dans le combat qu’a mené Hong Kong contre l’épidémie : “Les Hongkongais se débrouillent tout seuls.” Répondant à la hausse de la demande de masques à Hong Kong et ailleurs, investisseurs et entrepreneurs se sont lancés dans la production de ces équipements. Des dizaines d’entreprises ont postulé auprès du gouvernement afin d’obtenir des subventions à la production de masques.

En Europe, distanciation sociale et confinement

De l’autre côté du globe, Européens et Américains se soucient apparemment bien moins des masques, même maintenant. La distanciation sociale et le confinement à domicile sont les deux stratégies gouvernementales le plus régulièrement évoquées dans la lutte contre la maladie, plutôt que de se couvrir la bouche.

À Hong Kong, en revanche, les responsables des services médicaux n’ont cessé de recommander aux gens de porter une protection sur le visage. Et ils ont constamment appelé la population à rester vigilante dans ce domaine.

Les médecins hongkongais ont expliqué en quoi les masques sont utiles : un masque chirurgical se compose de trois couches, et s’il est vrai que la deuxième couche ne protège pas contre les particules virales microscopiques, la première couche, imperméable, peut repousser les gouttelettes contaminées. Bien sûr, il faut en outre manipuler le masque de façon hygiénique et se laver fréquemment les mains.

Pourtant, en Occident, on affirme souvent aux gens que cet accessoire ne les aidera pas. Pis encore, qu’il pourrait jouer le rôle de réservoir de germes. Les praticiens chinois et leurs homologues occidentaux ont beau être formés à la médecine occidentale, ils ont des points de vue et des discours très différents. Ces divergences sont de plus en plus souvent débattues. Pourquoi un tel hiatus ? Serait-il avant tout culturel ?

Des conceptions culturelles bien ancrées

Si les cultures étrangères semblent facilement accessibles, les différences culturelles ont la vie dure. Une conception culturelle peut être si ancrée chez les individus que même une maladie hautement contagieuse, mystérieuse et mortelle, ne suffit pas à la faire disparaître.

De fait, pour beaucoup d’Occidentaux, le masque lui-même représente la maladie (on ne le porte que lorsqu’on présente des symptômes), il ne la prévient pas. Ce qui est dans le droit fil des recommandations de l’OMS concernant les moments auxquels porter un masque. Toutefois, Carrie Lam Cheng Yuet-ngor, la chef de l’exécutif de Hong Kong, a été très critiquée pour avoir cité ces recommandations.

L’altérité visée en premier lieu

Tandis que la peur du coronavirus gagnait les pays occidentaux, certains s’en sont pris à des Asiatiques qui se couvraient le bas du visage, car ils voyaient en eux des symboles ambulants de la maladie.

De tels comportements agressifs étaient alimentés par l’anxiété, le manque d’informations claires, les préjugés culturels. Il s’agissait de désigner des boucs émissaires et, en l’occurrence, c’est l’“autre”, qui était visé.

Et, en effet, l’Occident a aussitôt pensé qu’il s’agissait d’un virus chinois, voire asiatique. Mais aujourd’hui tout traverse les frontières, mondialisation oblige. De nombreux pays ferment leurs frontières pour arrêter l’épidémie. Pour autant, nous n’allons pas restreindre les voyages perpétuellement.

En ces temps de confinement, nous devrions faire passer le message que les perceptions culturelles – qui concernent non seulement les masques, mais aussi les poignées de main, les embrassades, les baisers, l’autodiscipline et les préjugés raciaux – se manifestent par une diversité bien réelle dans la gestion de cette crise sanitaire.

Yuk Wah Chan

3 avril 2020

Témoignage - “Bloqués au Pérou, on essaie de se faire rapatrier depuis deux semaines”

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COURRIER EXPAT (PARIS)

À Cuzco, au Pérou, le confinement est total, avec des règles encore plus strictes qu’en France. Plusieurs Français s’y retrouvent bloqués sans possibilité de retour. En cause, des désaccords entre les autorités péruviennes et françaises.

En voyage depuis huit mois, Nicolas et sa compagne sont à Cuzco, au Pérou, depuis un mois. Avec la situation sanitaire liée au Covid-19 et les mesures de confinement, ils cherchent depuis deux semaines à rentrer en France, sans parvenir à se faire rapatrier. Ils sont actuellement coincés dans un Airbnb, avec trois autres couples de Français dans la même situation.

Des désaccords entre les autorités péruviennes et françaises

En cause, une gestion catastrophique de la part de l’ambassade et du consulat français. “Nous n’avons aucune information”, déplore Nicolas :

Les différents acteurs – l’ambassade, le consulat, l’Union des Français de l’étranger et les compagnies aériennes – jouent chacun de leur côté. Du coup, on a des informations différentes, voire contradictoires.”

Ce mardi, un avion transportant des ressortissants français est parti de Cuzco. L’ambassade a dit au groupe qu’il était inutile qu’ils se rendent à l’aéroport : n’ayant pas pu acheter leurs billets en ligne, ils serait refoulés. En fin de compte, l’avion est parti avec des places vides alors que le groupe aurait pu être rapatrié.

Les autorités péruviennes et françaises semblent avoir du mal à s’accorder. Alors que la France avait réussi à affréter trois bus pour ses ressortissants, les autorités péruviennes n’ont finalement pas voulu laisser circuler ces bus.

Il y a des vols pour Paris au départ de Lima. Mais de Cuzco à Lima, il y a vingt-trois heures de route et nous n’avons pas le droit de circuler. Même avec des laisser-passer, les autorités péruviennes nous bloquent. Nous n’avins aucune solution.”

Un confinement strict et une peur des étrangers

Comme la centaine de Français encore bloqués à Cuzco, les quatre couples doivent respecter les règles de confinement du Pérou. “Elles sont encore plus dures qu’en France. Il y a un couvre-feu à 18 heures et interdiction de sortir à plus d’une personne par famille”, explique Nicolas. Et ces mesures semblent encore plus strictes pour les étrangers :

Les Péruviens appliquent les règles à moitié. On voit encore des familles se promener. Nous, si nous sort, nous sommes sûrs d’être contrôlés.”

Nicolas évoque aussi une loi qui interdit l’alcool et des interventions de policiers dans les hôtels et auberges pour la faire respecter. En plus, depuis peu une loi a été mise en place pour protéger policiers et militaires contre toute poursuite judiciaire s’ils font des blessés lors de leurs interventions pour faire respecter le confinement.

Étant donné que la plupart des cas contaminés par le Covid-19 à Cuzco sont des Européens, un fort ressentiment est né à l’égard des étrangers : “Les gens changent de trottoir pour pas nous croiser, ils disent de pas nous approcher dans les boutiques”, raconte Nicolas. À cause de cette peur du virus, le couple a même été expulsé de son dernier logement Airbnb :

On était 9 Français dedans. Et un jour, la propriétaire a paniqué et nous a tous virés.”

On voit les autres nationalités se faire rapatrier. On a vu au moins dix bus de Mexicains, des bus d’Américains aussi ! Et nous, rien.”

En attendant qu’une solution soit trouvée, le groupe doit s’armer de patience et tente tant bien que mal de s’occuper pendant le confinement : “Heureusement notre Airbnb est bien, on a une chambre par couple, c’est déjà ça !” plaisante Nicolas.

On fait beaucoup à manger, on expérimente nos recettes les plus folles ! Notre jeu de Uno est notre plus grand ami. On fait aussi des blind test, des Burger quiz… On s’occupe comme on peut !”

Léane Burtier

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Source

Courrier Expat

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1 avril 2020

Poutine

poutine542Du coup Poutine se protège... (en scaphandre jaune ci-dessous)

macron 2 protégé poutine

 Tandis que notre Macron (en gaulois intrépide) visite une usine de fabrication de masques, avec un simple masque chirurgical

macron prtégé

 

1 avril 2020

Vu du Japon.La Chine veut s’attribuer tous les mérites dans la gestion de l’épidémie du Covid-19

drapeau chinois

NIKKEI ASIAN REVIEW - TOKYO

Cet article est issu du Réveil Courrier. Chaque matin à 6h, notre sélection des meilleurs articles de la presse étrangère.

Pékin aimerait démontrer la supériorité de son système autoritaire face à l’épidémie de coronavirus. C’est oublier que ce même système a empêché des mesures précoces pour stopper la diffusion de la maladie, écrit cet ancien correspondant japonais en Chine.

Le quotidien chinois Huanqiu Shibao (Global Times) a récemment publié un éditorial très critique vis-à-vis des États-Unis et de l’Europe, incapables, selon lui, de contenir le nouveau coronavirus et de mettre en œuvre des mesures adéquates contre celui-ci. Cet éditorial du 13 mars a été publié avec la bénédiction du Renmin Ribao (“Le Quotidien du peuple”), organe du Parti communiste chinois (PCC) [dont le Huanqiu Shibao dépend].

Auparavant, la Chine s’était targuée à plusieurs reprises d’avoir eu une réaction exemplaire face au virus, exigeant pratiquement la reconnaissance du monde entier pour ses efforts visant à ralentir la contagion. C’est absurde.

Le nouveau coronavirus, à l’origine de tant de souffrances pour un si grand nombre de personnes, est quand même apparu en Chine. S’attendre à des éloges pour avoir ralenti sa propagation – sans reconnaître sa responsabilité – c’est un peu comme allumer un feu puis vouloir être applaudi parce qu’on apporte de l’eau.

La thèse du complot américain ne tient pas debout

Récemment, cependant, Pékin a montré une étrange volonté de s’exonérer de toute responsabilité dans la pandémie. Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a tweeté [le 12 mars] que l’armée américaine était responsable de la contamination de la Chine par le Covid-19. Cette théorie du complot a naturellement provoqué les protestations des États-Unis.

La Chine a l’habitude de déclencher sa machine de propagande pour déformer les faits afin de se présenter sous un jour favorable sur la scène internationale. Par exemple, alors que les États-Unis adoptent le protectionnisme, la Chine prétend être le champion du libre-échange. Mais qu’est-ce qui peut pousser la Chine à utiliser une pandémie mondiale pour une propagande aussi tirée par les cheveux ? À en juger par les déclarations des porte-parole officiels, le PCC veut réécrire l’histoire en disant :

Premièrement, que la Chine a retardé la diffusion des contaminations en limitant les libertés individuelles, ce qui a offert au reste du monde une avance de temps précieuse pour se préparer à l’assaut de la maladie.

Deuxièmement, que les États-Unis et l’Europe n’ont pas réussi à mettre en place des mesures aussi fortes que celles de la Chine, ce qui a permis au virus de se propager.

Et troisièmement, que la différence entre les réactions montre clairement que le gouvernement autoritaire de la Chine est bien supérieur aux systèmes démocratiques des États-Unis et de l’Europe.

Certaines ambassades chinoises relaient l’argumentation de Pékin, selon des sources diplomatiques. Une attitude qui a éveillé les soupçons à Tokyo et à Washington, qui sont maintenant sur leurs gardes pour éviter que la Chine ne réussisse à redorer l’image de son pays en diffusant davantage de propagande.

Une réponse énergique, mais après un retard inavouable

Certes, la Chine mérite d’être applaudie pour sa réponse énergique visant à contenir l’épidémie. Mais cela ne veut pas dire qu’elle doit être considérée comme un exemple pour le reste du monde en matière de lutte contre la pandémie, ni qu’elle a sauvé le monde. Au contraire, le monde se serait mieux porté si les dirigeants communistes avaient réagi rapidement lorsque la nouvelle du virus a été annoncée pour la première fois l’année dernière à Wuhan [le 31 décembre], au lieu de chercher à la dissimuler.

Alors même que la crise s’aggravait, en février, la Chine critiquait les États-Unis et d’autres pays pour avoir imposé des restrictions d’entrée aux voyageurs chinois, qualifiant ces mesures de “réaction excessive”. C’est ce genre de réaction belliqueuse qui a poussé les autres pays à temporiser plutôt que de passer à l’action.

Cette imprudence ne peut être imputée qu’à une seule chose : la peur. La crainte de perdre le contrôle des événements et donc l’emprise sur le pays.

Dans une démocratie, les dirigeants ont une légitimité parce qu’ils sont élus, au lieu d’être désignés par un parti unique et tout-puissant qui ne fait que coopter les siens.

La “survie de la nation chinoise” en question

Pour gagner l’approbation des Chinois, un dirigeant doit marquer l’histoire. Comme Mao Zedong, qui a fondé la République populaire de Chine [en 1949]. Ou Deng Xiaoping, qui a largement amélioré la vie du peuple [en lançant la politique de réforme économique en 1979]. Mais les dirigeants qui ont suivi n’ont pas réussi à suivre leurs traces et ne peuvent se targuer de grandes réalisations historiques.

Au contraire, les dirigeants actuels pâtissent de l’aggravation des problèmes intérieurs, comme l’écart grandissant entre les riches et les pauvres, la pénurie d’eau, le vieillissement de la population et un système de santé surchargé. Le ralentissement de la croissance économique sera encore aggravé par le déclin démographique qui devrait s’amorcer d’ici à 2030.

L’accès à l’eau potable est extrêmement problématique, notamment en raison de la pollution et des sécheresses. Par rapport aux années 1940, le fleuve Jaune, deuxième voie navigable intérieure de la Chine, ne représente plus qu’un dixième de son volume. Selon les Nations unies, les ressources annuelles en eau par habitant sont très limitées dans huit provinces chinoises.

Il y a vingt ans déjà, Wen Jiabao, qui allait plus tard être Premier ministre [entre 2003 et 2013], avait averti que la pénurie d’eau menacerait “la survie même de la nation chinoise”.

Toujours raison, jamais tort

Si les Chinois, dont la plupart ont passé toute leur vie sans réelle liberté politique, estimaient que les communistes n’ont pas su les protéger, le gouvernement pourrait voir sa popularité fortement érodée. Il est donc impératif que les dirigeants puissent continuer à faire croire qu’ils ont “toujours raison et jamais tort” et refuser d’admettre qu’ils ont mal géré le début de l’épidémie de Covid-19, qui a fait plus de 3 000 morts dans le pays.

Avant la pandémie, un haut responsable du Parti communiste avait dit à une de ses connaissances étrangères que certains membres du Parti enviaient les hommes politiques occidentaux. Il avait déclaré :

En Occident, lorsque les dirigeants politiques perdent le soutien de la population, il leur suffit de se retirer après avoir perdu les élections. Mais nous n’avons pas de système de ce genre. Et nous ne pouvons pas échouer. Nous sommes donc constamment sous pression.”

Si c’est exact, et à la lumière de sa réaction initiale face aux premiers cas, alors le PCC devrait faire preuve d’humilité et changer sa façon de diriger le pays.

Les mauvaises nouvelles doivent être transmises

Tout d’abord, il faudrait diminuer le pouvoir excessif du président Xi Jinping et de ses proches collaborateurs, qui empêche les subordonnés de transmettre les mauvaises nouvelles par crainte des représailles et conduit les dirigeants à ne pas prendre les bonnes décisions [comme les autorités du Hubei l’ont fait].

En outre, le PCC devrait se montrer moins sensible aux critiques, notamment celles exprimées sur Internet, afin que les idées et les informations constructives ne soient pas étouffées avant de pouvoir atteindre les dirigeants [la censure et la répression ont été très actives depuis janvier].

Après avoir déclaré le 12 mars que le nombre de cas en Chine avait atteint un pic, la Chine a commencé à coopérer avec les autorités sanitaires en Irak, en Iran et en Italie. Certes ce soutien est précieux, mais le gouvernement chinois devrait également tirer les leçons de l’épidémie afin de mettre en place une gestion du pays plus efficace et ainsi prévenir une autre crise d’origine chinoise.

C’est ce que la Chine peut faire de mieux pour le reste du monde.

Hiroyuki Akita

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