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Jours tranquilles à Paris
9 mars 2020

Nouvelle purge au sein de la famille Saoud

mbs

Mohammed Ben Salman (photo ci-dessus en décembre 2019) neutralise ses rivaux dans son accès programmé au trône de Riyad. Déjà plein de rebondissements, le feuilleton de l’ascension vers le pouvoir suprême de Mohammed Ben Salman, le prince héritier d’Arabie saoudite et fils du roi Salman, connaît un nouvel épisode. Selon plusieurs médias, dont le New York Times et le Wall Street Journal, au moins quatre membres de la dynastie royale ont été arrêtés, dont l’ancien dauphin Mohammed Ben Nayefet le propre frère du souverain, Ahmed Ben Abdelaziz Al­Saoud. L’information a été transmise aux deux quotidiens américains, vendredi 6 mars, par plusieurs sources convergentes, internes à la famille dirigeante ou proches de celle-ci, et confirmée ensuite à d’autres médias. Selon le Wall Street Journal, les princes – des personnalités d’envergure, susceptibles de faire de l’ombre au numéro deux saoudien – seraient accusés de trahison, une charge passible de la peine de mort ou, du moins, de longues années d’emprisonnement.

Cette nouvelle purge au sein de la maison des Saoud paraît destinée à faciliter la montée de l’ambitieux Mohammed Ben Saman sur le trône de Riyad. En mettant hors d’état de nuire ces possibles gêneurs, « MBS », comme on le surnomme, semble vouloir s’assurer que rien ne pourra entraver son couronnement à la mort de son père, un octogénaire à la santé chancelante, ou si celui-ci venait à soudainement abdiquer. Les rumeurs d’un décès de Salman ont d’ailleurs fleuri sur les réseaux sociaux durant tout le week­end. Les médias d’Etat saoudiens les ont démenties dimanche, en publiant des images du monarque en bonne santé, discutant avec des diplomates saoudiens fraîchement nommés ambassadeurs. Sa précédente apparition en public remontait au jeudi 5 mars, lorsqu’il s’était entretenu avec le ministre des affaires étrangères britannique, Dominic Raab, à Riyad.  Mohammed Ben Nayef, dit « MBN », est le plus célèbre des dignitaires royaux neutralisés. Ancien chef du contre-terrorisme  saoudien et ex ministre de l’intérieur, loué pour sa poigne de fer face aux attentats d’Al­Qaida dans les années 2000, il passait pour le successeur naturel de Salman, son oncle, lorsque celui-ci est devenu roi, en janvier 2015. C’était compter sans l’ambition dévorante de « MBS » qui, avec le soutien de son père, a gravi les échelons du pouvoir à toute vitesse, avant de ravir le titre de prince héritier à son cousin en juin 2017. Depuis cette date, « MBN » vivait peu ou prou en résidence surveillée, avec l’interdiction de voyager à l’étranger. Mais ce régime de semi-liberté n’a visiblement pas suffi à rassurer le prince héritier. L’aura persistante de Mohamed Ben Nayef au sein de la famille royale et les contacts qu’il s’était forgés dans les milieux du renseignement américain ont continué à inquiéter « MBS ». Le jeune frère de  « MBN », Nawaf Ben Nayef, a lui aussi été arrêté. Suspects de déloyauté Ahmed Ben Abdelaziz Al­Saoud, autre victime de ce coup de force, est pour sa part le dernier frère utérin en vie du roi. Issu, comme lui, de la fameuse lignée des Soudaïri, il fut un éphémère ministre de l’intérieur en 2012. A la suite de  propos tenus à Londres en septembre 2018, dans lesquels il donnait l’impression de critiquer la conduite de la guerre au Yémen, certains opposants ont voulu voir en lui une alternative à « MBS ».  Son arrivée le mois suivant à Riyad, après un long séjour au Royaume-Uni, parfois perçu comme un semi­exil, avait suscité de nombreuses spéculations. D’autant qu’elle avait coïncidé avec la révélation de l’assassinat du journaliste et dissident saoudien Jamal Khashoggi, par des barbouzes proches du prince héritier, dans le consulat du royaume à Istanbul (Turquie). Mais les milieux anti­« MBS », qui espéraient que le prince Ahmed se saisirait de ce scandale planétaire pour contester l’ordre de succession, ont vite déchanté. De son plein gré ou sous la contrainte, le cadet de Salman a fait profil bas depuis son retour dans le royaume. Selon le New York Times, l’un de ses fils, le prince Nayef Ben Ahmed, qui dirige les renseignements militaires, figure lui aussi dans le coup de filet. L’arrestation de VIP suspects de déloyauté est la marque de fabrique de « MBS ». A l’automne 2017, sous couvert d’accusations de corruption, il avait bouclé dans les suites du Ritz­Carlton de Riyad  près de deux cents hommes d’affaires, ex ministres et membres de la famille royale, qui constituaient, pour beaucoup d’entre eux, de possibles obstacles à sa marche vers le trône. Ces dignitaires avaient été libérés au bout de plusieurs semaines, en échange d’une grosse partie de leurs avoirs et de leur renoncement à jouer le moindre rôle d’importance sur la scène économique et politique.

Benjamin Barthe

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9 mars 2020

Lundi noir pour les places financières mondiales.

Conséquence directe de l'épidémie de Covid-19, les cours pétroliers sont en chute libre et entraînent avec eux les bourses mondiales, faisant craindre des conséquences économiques et sociales d'ampleur. Interrogé sur France Inter, le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, a appelé à la solidarité des grandes entreprises envers leurs sous-traitants. La croissance devrait être sensiblement revue à la baisse, et passer en dessous des 1% pour l'année 2020.

Lundi noir pour les places financières mondiales. Les Bourses ont lourdement chuté en Asie, accompagnant la dégringolade du baril de Brent de la mer du Nord de 20,5%, à 35,99 dollars. Dans un climat déjà tendu, la crise sanitaire voit ses effets multipliés sur les économies fortement dépendantes au pétrole. La Bourse de Paris dévissait à nouveau à l'ouverture (-5,71%), lundi 9 mars, dans le sillage des autres places financières mondiales inquiètes du décrochage des cours du pétrole et des effets économiques de l'épidémie de coronavirus.

9 mars 2020

Énergie - Prix du pétrole : la guerre est déclarée

petrole

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Le prix du pétrole s’est effondré dimanche, après la décision surprise de l’Arabie Saoudite d’augmenter sa production et de baisser les prix, dans un marché déjà rendu atone par le coronavirus.

En refusant vendredi de s’aligner sur l’Arabie Saoudite et l’Opep pour réduire la production de brut et permettre ainsi de soutenir les prix dans un contexte international de crise sanitaire, “la Russie a déclenché ce qui pourrait bien devenir la plus dévastatrice des guerres du prix du pétrole de l’histoire récente”, observe le site professionnel Oilprice.com.

En représailles, l’Arabie Saoudite a radicalement changé sa stratégie et décidé d’inonder la planète avec du pétrole à prix cassé, pour “arracher à Moscou ses parts de marché”, selon des délégués de l’Opep interrogés par le Wall Street Journal.

Un pari risqué, qui a fait plonger de 9 % l’action d’Aramco, le géant pétrolier saoudien, et provoqué la chute du baril de brent ­ – la référence internationale – “de 45 à 31,52 dollars, l’une des plus grosses baisses de son histoire sur une seule journée”, écrit le Financial Times. Il faut remonter à la première guerre du Golfe, en 1991, pour voir un tel effondrement des prix en moins de vingt-quatre heures.

La nouvelle a également fait “plonger les Bourses asiatiques, le marché des actions japonais chutant de 3 % à l’ouverture”, tandis que “la Bourse australienne a reculé de 5 %”, observe le Washington Post. Hong Kong a cédé 3,8 % tandis que la Bourse de Shanghai a lâché 1,56 % à l’ouverture. Selon plusieurs experts, le prix du baril pourrait poursuivre sa dégringolade jusqu’à 20 dollars.

“Ce qui rend cette guerre des prix particulièrement grave, c’est qu’elle coïncide avec une crise massive de la demande, en raison du coronavirus”, explique au Wall Street Journal le consultant Robert McNally, président de Rapidan Energy Group. “Nous n’avions pas connu cette combinaison explosive depuis le début des années 1930”, dit-il.

“Masochisme”

Pour les Russes, la baisse de la production demandée par l’Opep aurait favorisé l’écoulement du pétrole de schiste américain. Une situation insupportable pour Moscou, qui a préféré faire cavalier seul et aller au clash.

“Du point de vue des intérêts russes, cet accord (de baisse de la production) n’a aucun sens”, a déclaré dimanche Mikhaïl Leontiev, porte-parole du géant russe de l’énergie Rosneft, à l’agence de presse Ria Novosti. Pour lui, retirer du marché les pétroles arabe et russe à bas prix reviendrait à “laisser la place aux schistes américains à prix élevés, pour rendre leur industrie rentable. Notre production serait tout simplement remplacée par celle de nos concurrents. C’est du masochisme”, assène-t-il.

Mais pour le New York Times, “la Russie comme l’Arabie Saoudite semblent viser un bénéfice à court terme, stratégiquement risqué. La Russie avait acquis une influence notable au Moyen-Orient, en s’alignant avec l’Opep. Et contribuer à soutenir les prix du pétrole, en accord avec l’Arabie Saoudite et les autres États du Golfe, a aidé le gouvernement de Nicolás Maduro (un allié de Moscou) à survivre au Venezuela”, observe le quotidien.

“Pour l’Arabie Saoudite, la coopération avec la Russie a renforcé l’influence de l’Opep, au moment où elle était menacée par la croissance de la production pétrolière américaine, qui a fait des États-Unis un exportateur majeur de brut, pour la première fois depuis des décennies”, ajoute le journal américain.

Si la Russie et l’Arabie Saoudite n’enterrent pas la hache de guerre au plus vite, l’agence Bloomberg craint des conséquences “cataclysmiques” pour l’industrie pétrolière américaine, qui affecteront “les géants tels qu’Exxon Mobil comme les petits exploitants de schistes du Texas”.

“Cela touchera durement les budgets des nations dépendant du pétrole, de l’Angola au Kazakhstan, et pourrait aussi redistribuer les cartes politiques, en réduisant l’influence de pays comme l’Arabie Saoudite”, ajoute l’agence économique. “Et le combat contre le changement climatique pourrait subir un revers, les énergies fossiles devenant plus compétitives que les énergies renouvelables.”

9 mars 2020

La Chine fait du masque une arme géopolitique

Par Brice Pedroletti, Taipei, envoyé spécial

Pékin a augmenté ses capacités de production et mène une diplomatie du masque à travers le monde pour redorer son blason.

Foyer principal de l’épidémie due au coronavirus, la Chine démultiplie ses capacités de production de masques. Malgré les pénuries, elle met désormais un point d’honneur à en redistribuer à travers le monde – au côté souvent de matériel médical et de kits de test du virus. L’Iran, qui avait puisé dans ses stocks pour envoyer un million de masques en Chine début février au point d’en manquer très vite, en a reçu 250 000 de Pékin fin février. La Corée du Sud et le Japon, qui en ont fourni plusieurs millions, en ont reçu en retour des centaines de milliers récemment.

Outre les donations gouvernementales chinoises, les patrons du privé sont appelés à la rescousse : Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, a annoncé, lundi 2 mars, une donation d’un million de masques au Japon et à l’Iran. La presse chinoise a rapporté début mars la distribution, fin février, de masques gratuits dans la rue à Nagoya, au Japon, par des étudiants chinois présents dans le pays dans le cadre d’un échange universitaire.

Eviter la stigmatisation du pays

Voici le temps de la « diplomatie du masque », devenu un signe de good will (« bonne volonté »), d’abord en Asie puis dans le reste du monde, après les fortes tensions géopolitiques générées par la propagation du coronavirus.

Séoul était en plein réchauffement avec Pékin quand le Covid-19 a frappé – ce qui explique que la Corée du Sud n’ait pas imposé de quarantaine aux voyageurs venant de Chine – tout comme le Japon, qui devait accueillir Xi Jinping fin avril pour la première visite d’Etat d’un président chinois depuis 2008, après des années d’animosité. Le voyage a été repoussé.

Dans les premières semaines de l’épidémie, la Chine s’était indignée de voir certains pays, notamment les Etats-Unis, fermer leurs frontières ou stigmatiser ses ressortissants – jusque des pays « amis » comme la Russie – tout en couvrant de louanges les alliés les plus fidèles, comme le Cambodge.

« Quand une idéologie, une personne détenant des secrets comme Snowden, un nuage radioactif ou des migrants traversent une frontière entre deux pays, et ce faisant, provoquent des conséquences sur les rapports de pouvoir de part et d’autre, on est face à un facteur géopolitique. C’est le cas du virus, et il entraîne une géopolitique du masque », souligne, depuis Taipei, le sinologue Stéphane Corcuff, de Sciences Po Lyon.

Les masques sont d’autant plus symboliques pour Pékin que Peter Navarro, le conseiller pour le commerce de Donald Trump, connu pour son hostilité à la Chine, en a fait fin février un enjeu stratégique de la bataille pour la « relocalisation » des industries parties dans l’ex-empire du Milieu : Pékin a « placé des restrictions à l’exportation des masques N95 [la meilleure qualité] » fabriqués en Chine par la société américaine 3M « pour que nous n’en recevions pas, elle a nationalisé nos usines », avait-il déclaré le 26 février sur la chaîne conservatrice Fox News, annonçant le projet de construire de nouvelles lignes de production de masques aux Etats-Unis. Dans un communiqué publié le 5 mars, le ministère chinois du commerce a déclaré « n’avoir jamais placé aucune restriction » à l’exportation de masques fabriqués en Chine.

« L’usine du monde »

Depuis quelques jours, les médias officiels chinois consacrent une grande place au boom de la production de masques dans le pays : celui-ci produit désormais 1,66 million de masques N95 par jour – soit cinq fois plus que début février. Il produit chaque jour 110 millions de masques toutes qualités confondues – soit douze fois plus que début février. Un long article sur le site de l’agence de lutte contre la corruption, publié le 3 mars, décrit cette montée en puissance industrielle comme un « code secret chinois », entendre, une « arme secrète ».

« Le masque est devenu l’objet symbolique de la lutte contre l’épidémie. A travers les donations à l’extérieur, la Chine veut aujourd’hui démontrer que l’usine du monde a toujours d’énormes capacités de production », explique le chercheur en sciences politiques indépendant Chen Daoyin. « Avec l’épidémie, il y a eu beaucoup d’interrogations, en Chine comme à l’étranger, sur le “destin commun de l’humanité” [une antienne de la propagande] promis par la Chine, et aussi sur les risques pour les autres pays de mettre tous leurs œufs dans le même panier en faisant tout produire en Chine. Maintenant que l’épidémie s’est stabilisée en Chine et qu’une deuxième phase est en cours dans le reste du monde, Pékin redouble d’efforts pour reconstituer une image de leadership », poursuit-il.

Le point d’orgue de ce retour en force d’une Chine volontariste et fière devait être un livre publié par le département de la propagande du Parti communiste, et intitulé Da guo zhan yi, soit « La grande puissance combat l’épidémie ». Les médias officiels ont annoncé sa publication officielle le 26 février – mais sa distribution n’a pas encore eu lieu. « L’annonce de la sortie du livre a généré plein de quolibets sur Internet, ils se sont sans doute dit que c’était prématuré et qu’il y aurait un retour de bâton. Donc ils attendent », explique un observateur des réseaux sociaux chinois, qui préfère garder l’anonymat.

8 mars 2020

Arabie Saoudite : trois princes dont le frère du Roi Salmane arrêtés pour trahison

mbs

Les trois hommes sont suspectés d'avoir fomenté un complot contre le très puissant prince héritier Mohammed ben Salmane.Les trois hommes sont suspectés d'avoir fomenté un complot contre le très puissant prince héritier Mohammed ben Salmane (photo ci-dessus).

Reuters

Trois membres de la famille royale, dont prince Ahmed ben Abdelaziz al-Saoud, frère du roi Salmane, ont été arrêtés. Ils sont accusés de trahison et encourent la prison à vie, voire la peine de mort.

Les autorités saoudiennes ont arrêté trois membres de la famille royale, ont rapporté vendredi des médias américains, ce qui illustre un renforcement de l'emprise sur le pouvoir par le très puissant prince héritier Mohammed ben Salmane.

Le prince Ahmed ben Abdelaziz al-Saoud, frère du roi Salmane, ainsi que le neveu du monarque, le prince Mohammed ben Nayef, ont été interpellés à leurs domiciles après avoir été accusés de trahison, rapporte le Wall Street Journal citant des sources anonymes.

Les deux hommes, naguère potentiels candidats au trône, sont accusés d'avoir "fomenté un coup dans le but de renverser le roi et le prince héritier", écrit le journal. Ils encourent la prison à vie, voire la peine de mort, selon la même source.

Le New York Times a également rapporté ces arrestations, ajoutant que le frère cadet du prince Nayef a lui aussi été appréhendé. Les autorités saoudiennes n'ont pas réagi dans l'immédiat à ces informations.

Il s'agit des plus récentes mesures en date du prince héritier qui renforce son emprise sur le pouvoir par l'emprisonnement de responsables religieux et militants, ainsi que de princes et d'importants hommes d'affaires.

Fils du roi Salmane, le prince héritier a également été confronté à de vives critiques internationales après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans l'enceinte du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul en octobre 2018.

Septuagénaire, le prince Ahmed était rentré au royaume depuis Londres après l'éclatement du scandale Khashoggi, une décision qui avait été interprétée par certains comme une volonté de montrer son soutien à la monarchie.

Peu avant son retour en octobre 2018, le prince Ahmed avait lancé, selon une vidéo largement diffusée sur internet, à des protestataires qui scandaient contre l'implication de l'Arabie saoudite dans le conflit au Yémen: "Qu'est-ce que la famille à voir avec ça? Certains individus sont responsables (...) le roi et le prince héritier".

Ce commentaire avait été perçu par certains comme une des rares critiques à l'adresse des plus hauts dirigeants du royaume, mais l'intéressé avait balayé une telle interprétation comme "inexacte".

En juin 2017, lorsque le prince Mohammed ben Salmane a été désigné prince héritier, le prince Nayef était ministre de l'Intérieur.

A l'époque, les chaînes de télévisions saoudiennes ont montré le prince Mohammed embrassant la main et s'agenouillant en signe de respect devant le prince Nayef.

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6 mars 2020

Syrie - Erdogan et Poutine annoncent un cessez-le-feu à Idlib

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COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Le cessez-le-feu dans le nord-ouest de la Syrie est fragile, préviennent plusieurs médias européens. Mais il a le mérite de calmer les tensions entre les deux puissances après la mort d’une trentaine de soldats turcs dans une attaque menée par les forces de Bachar El-Assad, soutenues par Moscou.

Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan ont annoncé jeudi 5 mars à Moscou un cessez-le-feu provisoire à Idlib, au nord-ouest de la Syrie. Le résultat d’”une longue conversation. Ou plutôt une négociation ardue. Qui a duré cinq heures et quarante minutes, dont trois heures de tête-à-tête avec les seuls interprètes”, décrit le Soir.

Cet échange a lieu dans la foulée d’une attaque du régime syrien, soutenu par le Kremlin, le 27 février, qui a coûté la vie à plus de trente soldats turcs. “Bien sûr, le président turc sait très bien qu’une implication russe dans l’incident de jeudi  dernier ne peut être exclue. Les négociations sur la situation à Idlib n’ont donc pas été faciles”, explique la Süddeutsche Zeitung.

Il faut dire que “l’incident a fait naître la crainte d’un conflit militaire direct entre la Turquie et la Russie” d’où l’importance de cette rencontre entre les deux leaders afin d’“éviter une escalade majeure”, note la BBC.

Le président russe espère que “l’accord servira de base à la fin des combats dans la zone d’Idlib et mettra un terme aux souffrances de la population civile”. Une déclaration faite lors d’une conférence de presse commune. “Nous ne permettrons pas aux forces du régime de nuire à nos relations avec la Russie”,  a commenté son homologue turc, faisant référence à Bachar El-Assad.

Comme le rapporte Hürriyet, le cessez-le-feu a démarré vendredi à minuit. Un corridor de sécurité de douze kilomètres de large sera mis en place le long de l’autoroute M4 qui traverse la région d’est en ouest. Une autoroute où patrouilleront les forces russes et turques à partir du 15 mars.

Un cessez-le-feu jusqu’à quand?

“Au-delà de ce cessez-le-feu, les positions détaillées par la suite par leurs ministres restaient particulièrement vagues”, prévient Le Temps pour qui “ces très longues discussions se concluent par une sorte de capitulation turque”. D’après le Guardian, l’accord permet en effet aux forces syriennes de conserver les territoires acquis grâce à leur offensive des trois derniers mois sur Idlib, l’un des derniers bastions des rebelles, soutenus par Ankara.

Par ailleurs, remarque CNN, l’existence d’un mécanisme à même d’imposer le cessez-le-feu n’est pas très claire. Et comme le rappelle la BBC, un autre accord sur l’arrêt provisoire des combats dans la zone en 2018 a été régulièrement violé depuis.

“Ce que Poutine et Erdogan ont convenu au Kremlin, c’est un cessez-le-feu qui s’appuie sur un cessez-le-feu existant - auquel personne ne se conforme”, estime Die Welt. Ce qui fait dire à plusieurs médias, dont El Pais, que “ce cessez-le-feu semble fragile”.

“Un nouvel accord ne signifie pas une solution. C’est un gel temporaire du conflit”, analyse pour la radio NPR Galip Dalay, un expert de la Turquie. Mais précise le Washington Post, pour Ankara, l’un des objectifs principaux de ce cessez-le-feu, c’est d’éviter l’arrivée massive de nouveaux réfugiés syriens dans un pays qui en accueille déjà plus de trois millions. Côté russe, souligne Axios, Poutine doit trouver un moyen de continuer à soutenir Assad tout en gardant la Turquie comme alliée pour fragiliser l’Otan.

En tout cas, “cet accord s’est conclu en l’absence des Syriens à Moscou”, insiste Le Temps. “A Damas, Assad doit certainement déjà chercher comment saboter ce qui apparaît comme une solution qui ne tient nullement compte de son aspiration à “libérer chaque mètre carré du sol syrien de la domination des terroristes”, pour reprendre son langage”, peut-on lire dans Le Soir. “Mais son allié russe, en laissant l’armée turque décimer ses divisions dans le sud d’Idlib après l’épisode du 27 février, a bien montré au potentat syrien qui, en réalité, décidait en Syrie”, poursuit le quotidien belge.

Si Assad ne décide de rien, l’Union européenne non plus, considère Die Welt. “Il est clair que chaque rencontre entre les deux autocrates réduit les Européens à un rôle de spectateur” sur la question syrienne.

erdogan

5 mars 2020

ITALIE - Coronavirus

En Italie, 41 décès liés au nouveau coronavirus ont été enregistré en 24 heures, selon un bilan de la Protection civile.Le nombre de cas confirmés depuis le début de l'épidémie s'élève à 3 858, contre 3 089 la veille, soit une hausse de 25%. L'Italie est le troisième pays le plus touché au monde derrière la Chine et la Corée du sud. Sur ce total, 414 sont déjà guéris, soit 138 de plus que la veille.

5 mars 2020

Crise - Turquie : l’AKP d’Erdogan s’offre un avenir sur le dos des migrants

erdogan

GAZETE DUVAR (ISTANBUL)

En décidant de rediriger le flux de réfugiés syriens vers l’Europe, Erdogan et l’AKP ne mènent pas seulement une politique de circonstance visant à faire oublier l’échec de sa politique syrienne, dénonce ce journal d’opposition. Il s’agit également d’enraciner la haine des migrants en Turquie pour faire de ce thème l’instrument d’un éventuel renouveau politique.

Le principal parti d’opposition turc, le CHP, de mèche avec les islamistes de Fethullah Gülen… Il y a dix ans de cela, tout le monde se serait esclaffé bruyamment en entendant des accusations aussi farfelues. Et pourtant, l’AKP [parti du président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir] est parvenu à convaincre son électorat que c’était vrai. De même, qui aurait pu penser que les réfugiés syriens, accueillis à bras ouverts il y a cinq ans, seraient un jour chassés par ce même AKP ? Pire, que le parti au pouvoir recueillerait les suffrages de la population pour cela ? C’est pourtant bien ce qui se passe aujourd’hui.

La politique de l’AKP sur la question des réfugiés syriens n’est pas une simple réaction épidermique aux évènements en cours à Idlib. C’est la première étape d’un projet mûri de longue date pour assurer sa pérennité. Ces milliers de pauvres gens envoyés à la frontière grecque, les attaques qui ont eu lieu contre eux, notamment à Maraş, les pressions subies par ceux qui tentent de leur venir en aide, tout cela participe d’une tentative de l’AKP de renaître de ses cendres. Cette vague de xénophobie et de haine anti-migrants risque d’enfler et enfler encore jusqu’à submerger la scène politique turque dans son ensemble.

Fascisme

Pour l’opposition, l’AKP et son allié ultranationaliste du MHP sont le principal obstacle sur la voie de la démocratie. Il suffirait d’une alternance pour que tout revienne à la normale. Mais en réalité, le gouvernement s’emploie à garantir sa survie en dépit des défaites à venir, et même de s’assurer de pouvoir renaître de ses cendres. Les graines qu’il sème risquent de germer dans l’ensemble de la population, condamnant le pays à un fascisme autrement plus violent.

C’est la raison pour laquelle venir en aide aux réfugiés, lutter contre le racisme anti-migrants, empêcher celui-ci de devenir la norme ou d’accéder à une forme quelconque de légitimité n’est pas seulement un devoir d’humanité mais un acte politique concret qui pèsera de manière déterminante sur le devenir du pays.

L’avenir de la Turquie passe soit par le racisme soit par l’humanisme. Le pouvoir voit son salut dans le premier.”

Si cette vague n’est pas endiguée, peu importe que l’AKP et le MHP demeurent ou non aux affaires, le populisme raciste aura définitivement pris racine dans le pays. Le cours banal des événements suffit à prouver qu’à quelques exceptions près, la société turque se montre faible face aux puissants ou ceux qui se prétendent tels. Au contraire, elle est prompte à se retourner contre le faible et l’innocent. La haine des migrants sera une thématique clé des campagnes à venir et il est impératif que tous ceux qui aspirent à vivre en démocratie se préparent à lutter. Ce n’est pas le jour venu mais dès à présent que nous devons combattre.

Flatter l’opinion

Le fait que ni le parti pro-kurde HDP ni le principal parti d’opposition du CHP n’aient pris fait et cause pour les milliers de migrants déportés à la frontière grecque, le fait qu’aucun de leurs députés n’ait pris l’initiative de se rendre sur place tend à montrer que l’opposition est d’ores et déjà touchée par cette vague et n’a guère l’intention de fourbir ses armes.

Il faut bien reconnaître, pour sa défense, que l’AKP a brillamment su jouer de la carte des réfugiés pour tirer les marrons d’un feu dont il était lui-même la cause. Hier encore, la Turquie de l’AKP ouvrait grand ses portes aux millions de réfugiés de la guerre civile syrienne en se proclamant championne de l’humanisme. Aujourd’hui, en envoyant des dizaines de milliers de pauvres gens à la frontière grecque, l’AKP flatte l’opinion hostile aux migrants et se protège contre les conséquences du fiasco d’Idlib et de son propre affaiblissement interne. Mieux encore, au procès en humanité, c’est l’Europe et non Ankara qui est appelée à la barre.

En temps normal, le pouvoir a tendance à camoufler les vilaines choses derrière de jolis mots. La guerre devient la paix, la mort devient la vie, une perte devient un profit, un danger une opportunité etc. Mais par gros temps, c’est l’inverse. L’invité d’hier devient le pestiféré d’aujourd’hui, le désir de paix devient la haine, le refus de la mort une trahison nationale. Si ce genre de manœuvres offre un sursis au pouvoir, il ne peut fonctionner éternellement. Mais une fois que ce type de politique devient la norme, c’est l’ensemble des gouvernements et des politiques à venir qui en subissent le contrecoup. Pour affaibli qu’il soit, le parti au pouvoir tente d’enraciner son discours de telle sorte qu’il puisse, le jour venu, renaître de ses cendres.

En bref, l’AKP sème les graines de son renouveau. Lutter fermement contre toute forme de racisme et de haine anti-migrants, c’est empêcher ces graines de germer.”

Car si la faillite économique, politique et sociétale de l’AKP se transmet à la société tout entière via le triomphe du racisme et de l’ignominie, sur le long terme, c’est le pouvoir qui sera gagnant et l’opposition qui sera perdante. L’homme éclairé est celui qui tire des conséquences de ce que lui enseigne l’expérience. Ceux qui hier ont fermé les yeux sur les violences dont étaient victimes les Kurdes sont responsables des défaites d’aujourd’hui. Ceux qui aujourd’hui s’accommodent du racisme et des violences anti-réfugiés seront, de même, responsables et comptables des défaites de demain.

Irfan Aktan

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26 février 2020

Synthèse - La Corée du Sud, second foyer de contagion du Covid-19 avec 1 146 cas d’infections

En Chine continentale, le coronavirus a contaminé 78 064 personnes et causé 2 715 décès. Pékin a annoncé le plus faible bilan quotidien depuis trois semaines.

Après la Chine, c’est au tour de la Corée du Sud de publier des bilans quotidiens alarmants. Les autorités sanitaires ont annoncé, mercredi 26 février, 169 nouvelles contaminations, pour un total de 1 146, et un onzième décès lié au coronavirus. Il s’agit du niveau d’infection le plus important au monde en dehors de la Chine continentale, où l’épidémie de Covid-19 est apparue en décembre 2019.

La onzième personne à avoir succombé au virus est un homme d’une trentaine d’années originaire de Mongolie, devenu le premier étranger décédé en Corée du Sud, selon un communiqué des Centres de contrôle et de prévention des maladies (KCDC). Il était hospitalisé dans l’attente d’une greffe du foie, précise l’agence de presse Yonhap.

Parmi les personnes contaminées, un soldat américain en poste dans le camp de Carroll, à 30 kilomètres au nord de Daegu, a été testé positif au nouveau coronavirus, ont annoncé les responsables militaires. Premier militaire américain contaminé, il a été placé en auto-quarantaine dans sa résidence située en dehors de la base.

Pas de confinement à Daegu

L’immense majorité des nouveaux cas de contamination – soit 90 % – ont été détectés à Daegu (Sud), quatrième ville du pays et épicentre de l’épidémie en Corée du Sud, et dans la province voisine de Gyeongsang du Nord. A elles deux, la ville et la province représentent 80 % des cas de contamination dans le pays.

Les autorités de Daegu ont appelé la population à se montrer très prudente, en conseillant aux habitants de rester chez eux en cas de fièvre ou de symptômes respiratoires. Elles ont cependant déclaré ne pas envisager le placement en quarantaine de la ville comme l’a fait la Chine avec la mégapole de Wuhan, où le virus est apparu. Le gouvernement entend tout mettre en œuvre pour « permettre un retour à la normale à Daegu dans les quatre prochaines semaines », a-t-il affirmé, estimant que cette semaine sera « déterminante ».

La Corée du Sud possède un système médical de pointe, la presse y est libre et le pays est très transparent, ce qui permet de faire confiance aux chiffres communiqués par les autorités sanitaires, selon des observateurs.

La plupart des cas de contamination ont un lien avec une secte chrétienne, l’Eglise Shincheonji de Jésus, qui compte environ 200 000 fidèles. Le directeur des KCDC a conseillé aux membres de cette Eglise d’éviter « autant que possible » de sortir de leur domicile.

94 passagers d’un avion mis en quarantaine

En Chine, les autorités sanitaires ont annoncé le plus faible bilan quotidien depuis trois semaines, avec 52 morts au cours des dernières vingt-quatre heures – portant le nombre de décès à 2 715 depuis l’apparition de la pneumonie virale en décembre 2019 dans la province du Hubei. Quelque 406 nouveaux cas de contamination ont également été répertoriés, selon la commission nationale de la santé.

Le même jour, les autorités chinoises ont mis en quarantaine 94 personnes présentes sur un vol arrivant à Nankin (est de la Chine) en provenance de Séoul, car trois passagers étaient fiévreux, a rapporté un médiat d’Etat chinois. Des membres du service des douanes sont montés à bord de l’avion peu après son atterrissage afin de détecter d’éventuels symptômes du nouveau coronavirus, et en ont découvert sur trois passagers, tous Chinois, selon la chaîne CCTV.

Ces derniers ont été hospitalisés en vue d’un test de dépistage. Ils ne se sont pas rendus récemment à Wuhan, la capitale du Hubei, où le virus avait fait son apparition, a précisé la chaîne.

D’ex-passagers du « Diamond Princess » ont des symptômes

Quarante-cinq passagers, qui ont débarqué du navire de croisière Diamond Princess touché par le coronavirus, présentent certains types de symptômes, a déclaré, mercredi, le ministre japonais de la santé, Katsunobu Kato. Les autorités ont contacté 813 anciens passagers du paquebot autorisés à en descendre la semaine passée, après avoir été testés négatifs au nouveau coronavirus venu de Chine.

« Nous leur avons demandé de consulter un médecin et de passer des tests » pour vérifier s’ils étaient infectés par le nouveau coronavirus, a précisé le ministre de la santé aux députés, lors d’une session parlementaire. « Nous avions pensé que le suivi était une mesure de précaution, mais maintenant nous le renforçons et vérifions chaque jour » par téléphone.

Le gouvernement japonais défend la façon dont il a géré la mise en quarantaine du Diamond Princess pendant quatorze jours, mais il est vivement critiqué en raison des centaines de cas d’infection au coronavirus qui s’y sont développés. Les reproches ne se sont pas calmés après le débarquement des passagers car, contrairement aux autres pays qui ont imposé une quarantaine supplémentaire à leurs ressortissants, le Japon a laissé rentrer chez eux les passagers par les transports en commun avec de simples consignes, comme porter un masque ou éviter de rencontrer du monde.

Mercredi, au moins deux anciens passagers du navire de croisière avaient, d’ores et déjà, été confirmés infectés après avoir pourtant été testés négatifs avant de débarquer du navire immobilisé près de Yokohama au sud de Tokyo.

25 février 2020

Covid-19 : la pandémie mondiale paraît inéluctable

coronavirus pays prepares

Par Paul Benkimoun

L’épidémie continue de décliner en Chine, selon l’OMS, mais le risque d’une extension sur le reste de la planète s’accroît avec le développement de trois foyers actifs en Corée du Sud, en Iran et en Italie.

Sommes-nous à la veille d’une pandémie, voire déjà dans cette situation ? Le développement de foyers actifs de Covid-19 hors de Chine – en Corée du Sud, en Iran et en Italie – a peut-être sonné le glas des espoirs de contenir l’épidémie à l’intérieur des frontières du pays où elle a pris naissance. Pour autant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se refuse encore à employer le terme de pandémie. Dans un cas comme dans l’autre, la question essentielle est de savoir apporter une réponse adaptée à la réalité de la situation.

Lors du point de presse quotidien de l’institution, lundi 24 février, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a égrené quelques chiffres, tels qu’ils étaient disponibles à 6 heures du matin à Genève. Le Chine avait notifié à l’OMS un total de 77 362 cas de Covid-19, dont 2 618 mortels, tandis que 2 074 cas, dont trois mortels, étaient dénombrés dans vingt-huit autres pays. Au cours des vingt-quatre heures écoulées, la Chine avait rapporté 416 nouveaux cas et 150 décès. le docteur Tedros s’est dit « encouragé par le déclin persistant des cas en Chine ».

La mission internationale envoyée sur place par l’OMS avait pris le vol retour plus tôt dans la journée et a envoyé son rapport, dont le directeur a brièvement évoqué les conclusions qui seront publiées le 25 février. Les scientifiques envoyés par l’OMS ont considéré que « l’épidémie a atteint son pic et suivi une courbe en plateau entre le 23 janvier et le 2 février et a régulièrement décru depuis. Ils ont constaté qu’il n’y avait pas eu de changement significatif dans le génome du virus. Ils ont noté que le taux de létalité se situe entre 2 et 4 % à Wuhan et 0,7 % hors de cette ville », qui a été l’épicentre de l’épidémie, a résumé le docteur Tedros. Le directeur général a ajouté que la mission a appris que « pour les personnes ayant une forme bénigne de la maladie, le temps de guérison est d’environ deux semaines, tandis que celles ayant une forme sévère ou critique guérissent en trois à six semaines ».

« Un potentiel pandémique »

Le docteur Tedros a précisé que la mission avait « estimé que les mesures prises en Chine avaient évité un nombre significatif de cas », avant de lancer : « Le message clé, qui devrait donner de l’espoir, du courage et de la confiance à tous les pays, c’est que le virus peut être contenu et, en effet, c’est ce qu’ont exactement fait beaucoup de pays. » Un encouragement qui a étonné certains spécialistes comme l’épidémiologiste spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses Marc Lipsitch (Ecole de santé publique d’Harvard) qui interroge sur Twitter : « Lesquels et quelle est la solidité des preuves ? » Surtout quand l’OMS se refuse à parler d’une pandémie.

C’est l’autre point marquant de la déclaration du directeur général de l’OMS. « Notre décision d’utiliser ou nom le mot pandémie pour qualifier une épidémie est fondé sur une évaluation continue de la propagation géographique du virus, de la sévérité de la maladie qu’il provoque et de l’impact qu’il a sur l’ensemble de la société, a expliqué le docteur Tedros, donnant ainsi une définition notablement différente de celle que l’OMS avait employée lors de la pandémie de grippe A (H1N1) de 2009-2010. Pour le moment, nous n’assistons pas à une propagation mondiale débridée du virus et nous ne voyons pas une maladie grave ou des décès à grande échelle. Est-ce que ce virus possède un potentiel pandémique ? Absolument, il l’a. En sommes-nous là ? D’après notre évaluation, pas encore. »

Néanmoins, il semble bien que les circonstances d’une diffusion significative du SARS-CoV-2 sont déjà en place. Des chercheurs de l’Imperial College londonien ont publié sur le site de leur établissement une évaluation de la sensibilité relative de la surveillance internationale des voyageurs infectés qui pourraient partir de Chine pour une destination à l’étranger.

De « multiples chaînes de transmissions » pas encore décelées

Leur conclusion tend à montrer que la dispersion du SRAS-CoV-2 hors des frontières chinoises a déjà eu lieu malgré les mesures prises : « Bien que des restrictions des voyages depuis Wuhan et d’autres villes à travers la Chine ont peut-être réduit le nombre absolu de voyageurs allant et partant de Chine, nous estimons qu’environ deux tiers des cas de Covid-19 exportés depuis la Chine continentale sont demeurés non détectés à travers le monde, résultant potentiellement en de multiples chaînes de transmissions interhumaines pour l’instant non décelées hors de Chine continentale. »

Une évaluation que rejoint celle réalisée avec une méthode différente par l’équipe internationale conduite par Vittoria Colizza (Inserm, Sorbonne université). Elle porte sur près de 300 cas d’importation de Covid-19 et a été mise en ligne, dimanche 23 février, sur le site epicx-lab.com. Ces chercheurs notent « une croissance rapide exponentielle des importations depuis la province chinoise du Hubei combinée à une hausse plus lente à partir d’autres régions. Le temps qui sépare le voyage de la détection du cas a considérablement diminué depuis la première importation, mais nous avons estimé que 6 cas sur 10 passaient inaperçus ».

C’est probablement ce qui est à l’origine de l’épidémie actuelle en Italie. Ce pays était pourtant le premier en Europe à avoir pris des mesures d’interdiction des vols aériens en provenance ou à destination de Chine. Mme Colizza estime qu’on ne peut pas parler de recrudescence des cas en Italie mais plutôt « de l’importation de cas qui sont à l’origine de chaînes de transmission. Durant la période d’incubation, ces chaînes de transmissions sont invisibles. Elles ne deviennent visibles que lorsque les cas s’aggravent. Les interrompre est la priorité ».

Un coût psychologique et économique

Marc Lipsitch a récemment listé et commenté sur Twitter les contre-mesures maintenant que « l’épidémie maîtrisable tourne à la pandémie ». L’épidémiologiste souligne que la plupart de celles destinées à ralentir la propagation du virus – isolement, quarantaine, distanciation sociale, annulation des rassemblements publics, traitement des cas par des antiviraux s’ils sont efficaces – sont temporaires et que la transmission peut de nouveau se produire une fois qu’elles sont levées. Celles dépendant de la capacité à identifier les cas et réduire la transmission par les traitements, l’isolement et la quarantaine, fonctionnent surtout si les personnes malades identifiables sont aussi les seuls ou au moins les principaux transmetteurs, comme cela a été le cas en 2003 pour le SRAS.

Dans le cas du SARS-CoV-2 et de la Covid-19, il semble clair, d’après les cas individuels bien documentés, que des gens peuvent transmettre avant les symptômes, ou du moins lorsque ceux-ci ne sont pas assez nets pour faire suspecter l’infection par le coronavirus. De même, des personnes en phase présymptomatique excrètent du virus, comme l’ont montré les vols d’évacuation et, selon Marc Lipsitch, des preuves indirectes tendraient à montrer que cela est fréquent.

Parmi les mesures restreignant les contacts sociaux, la fermeture des écoles serait utile si les enfants contribuent de manière importante à la transmission, ce qu’on ignore encore. En revanche on sait qu’ils peuvent être infectés et développent moins de formes sévères que les adultes. Il existe des arguments en faveur du recours à des mesures de distanciation sociale afin de ralentir l’épidémie mais elles ont un coût psychologique et économique. Dans certains cas, elles peuvent remettre en cause les libertés individuelles. Mais d’un autre côté, elles sauvent des vies, rappelle Marc Lipsitch.

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