Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
24 février 2020

Santé - Coronavirus en Italie : “C’est comme si nous étions à Wuhan”

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

L’Italie est le premier pays européen à avoir instauré une mise en quarantaine pour empêcher la propagation du coronavirus : onze communes du nord du pays ont été placées à l’isolement, alors que le nombre de personnes infectées dans le pays a dépassé la centaine. Une situation très commentée par la presse italienne, mais aussi ailleurs en Europe.

“Plus de 100 cas en Italie”, titre Il Giornale dimanche 23 février, “dont 89 en Lombardie”. “À Milan, les écoles fermées pendant une semaine”, prévient Il Sole-24 Ore, tandis que le Corriere della Sera rappelle qu’il n’est “plus possible de sortir des onze villes touchées par l’épidémie” dans le nord du pays. Ce dimanche, le coronavirus s’affiche à la une de tous les sites d’information italiens, qui suivent, heure par heure, l’évolution de la situation. L’Italie est en effet le premier pays européen à avoir établi des zones de quarantaine – à l’instar de la Chine – pour tenter d’empêcher la propagation de l’épidémie de Covid-19.

Dans le nord du pays, quelque 52 000 personnes se sont donc réveillées dans des zones où “ni l’entrée ni la sortie ne sera autorisée sauf dérogation particulière”, selon les mots du Premier ministre italien, Giuseppe Conte. À la mi-journée, dimanche, le pays comptait 132 personnes atteintes du coronavirus, dont 89 dans la seule région de Lombardie et 25 en Vénétie.

Écoles fermées, carnaval annulé

C’est Codogno, une ville de 15 000 habitants en Lombardie, qui constitue l’épicentre de la maladie. Et dès samedi, relate le Tagesspiegel depuis Berlin, cette dernière ressemblait fort “à une ville fantôme”. “En raison de plusieurs cas de coronavirus, les magasins, les restaurants, les bars et même les églises sont restés fermés”, rapporte le quotidien allemand.

La compagnie de chemin de fer Trenord n’a pas laissé ses trains s’arrêter dans la petite ville de 15 000 habitants. Les écoles sont fermées la semaine prochaine, et le carnaval, qui devait débuter dans une semaine, est annulé”.

Une atmosphère pesante s’est installée dans la commune, relate encore le Tagesspiegel, citant les propos d’un habitant de la commune à télévision publique italienne : “À Codogno, il n’y a pas âme qui vive dans la rue. C’est comme si nous étions à Wuhan”. Une “désolation” confirmée par cette vidéo tournée dans la ville confinée et publiée par La Stampa, quotidien italien :

L’origine de la première contamination encore inconnue

Le président de la région Lombardie, Attilio Fontana, a demandé au gouvernement italien de renforcer le contrôle aux frontières. Le quotidien belge Le Soir rapporte que “M. Fontana, membre de la Ligue (extrême-droite) de Matteo Salvini, parti d’opposition au gouvernement, a précisé : ‘je ne le dis pas pour faire des polémiques mais seulement pour améliorer nos réactions futures pour faire davantage attention à ceux qui arrivent de l’étranger’”.

Toujours sur le site du Soir, on peut lire que le président de région “a aussi évoqué ‘deux hypothèses’ en cours d’exploration pour comprendre qui a pu infecter Mattia, 38 ans, un cadre habitant à Codogno, à 60km au sud de Milan, considéré comme le patient 1 d’où dérivent pratiquement tous les cas de Lombardie”. Article de Mélanie Chenouard

Publicité
23 février 2020

LE POINT CORONAVIRUS

LE POINT CORONAVIRUS : 2.442 morts et près de 77.000 personnes contaminées en Chine; en Italie, 11 villes du nord confinées après la mort d’un homme et d’une femme; la France se « prépare » à une possible « épidémie », annonce le ministre de la Santé

En Chine, le bilan du coronavirus atteint désormais 2.442 morts après l'annonce de 97 décès supplémentaires. Avec 648 cas confirmés en plus, le nombre de personnes contaminées frôle les 77.000.

Si la progression du Covid—19 est plus lente ces derniers jours après deux changements coup sur coup, du mode de détection, c’est surtout l’expansion du virus hors de Chine qui inquiète.

La Corée du Sud annonce ce matin 2 nouveaux décès liés à l'épidémie, ce qui porte à quatre le nombre de morts dans ce pays. Il y a également 123 nouveaux malades pour un total de 556.

Mais c’est l’Italie qui inquiète le plus avec 2 morts et 79 personnes infectées dans la région de Milan. L’Italie est devenue le premier pays d'Europe à mettre des villes en quarantaine en isolant 11 communes du nord pour lutter contre le coronavirus. Au total, environ 52.000 personnes sont confinées pour au moins deux semaines sur décision du gouvernement. Fermeture des entreprises, des établissements scolaires, des restaurants, annulation d'événements culturels et sportifs, report de matches de foot et interdiction d’entrer ou de sortir des 11 communes devenues des villes fantômes.

En France, les dernières déclarations du ministre de la Santé au Parisien Dimanche peuvent aussi inquiéter. Le ministre estime « très probable » la possibilité de nouveaux cas en France. « Nous nous préparons » à une possible « épidémie » de Covid-19, concède Olivier Véran, qui se dit « attentif à la situation en Italie ».

23 février 2020

Coronavirus : l’Italie met 11 villes en quarantaine.

Après l’annonce d’un deuxième décès dû au coronavirus en Italie, les autorités ont ordonné la mise en quarantaine de onze communes, une mesure touchant plus de 50 000 personnes, écrit La Stampa. L’Italie est le premier pays d’Europe à prendre de telles mesures. Dans les zones concernées, en Lombardie et en Vénétie, “ni l’entrée ni la sortie ne seront autorisées sauf dérogation particulière”, a annoncé le Premier ministre italien Giuseppe Conte, qui n’exclut pas de faire appel à l’armée pour faire respecter l’isolement. L’Italie, avec 79 malades, est le pays européen le plus touché par l’épidémie. En Chine, berceau du nouveau coronavirus, le bilan s’établissait dimanche à 2 442 morts, après l’annonce de 97 nouveaux décès.

23 février 2020

Forte inquiétude en Italie face à l’épidémie de coronavirus

Par Jérôme Gautheret, Rome, correspondant

Les autorités ont annoncé, vendredi, le premier décès sur le sol italien depuis le début de la crise, et ont mis en place des mesures fortes destinées à contenir la contagion. La victime ne s’était pas rendue en Chine et n’a jamais été en contact avec un malade connu.

L’inquiétude concernant les progrès de l’épidémie de coronavirus a connu en Italie, dans les dernières heures, une nette augmentation, avec l’annonce de dix-sept nouveaux cas, quinze en Lombardie et deux en Vénétie. Vendredi soir 21 février, peu avant 23 heures, les autorités ont annoncé le premier décès sur le sol italien depuis le début de la crise. Et son profil comme son parcours n’ont rien de rassurant : en effet, il n’a jamais mis les pieds en Chine, et n’a jamais été en contact avec un malade connu.

La victime s’appelle Adriano Trevisan. Cet homme de 78 ans, maçon à la retraite, était hospitalisé depuis dix jours à Schiavonia, dans la province de Padoue (Vénétie). Il a commencé à développer la maladie alors qu’il était convalescent d’autres pathologies. Extrêmement faible, il n’avait jamais été jugé transportable dans l’hôpital du chef-lieu.

Selon les informations transmises par le gouverneur de la région Vénétie, Luca Zaia, il n’avait eu aucun contact suspect durant les derniers jours, pas plus que le second malade identifié, un homme de 67 ans originaire du même petit bourg de Vo Euganeo. Des données de nature à jeter le trouble, faisant craindre un avancement réel de l’épidémie beaucoup plus important que ne le pensaient les autorités sanitaires.

Des tests doivent être pratiqués dans les prochaines heures sur pas moins de 4 200 personnes, des habitants des environs et des membres du personnel médical.

Mise en place de mesures radicales

« Je suis inquiet, j’ai parlé avec le maire de Vo Euganeo pour que toutes les mesures soient adoptées. Nous avons décidé de la fermeture des écoles et des commerces, tout en cherchant à reconstituer toutes les activités sociales et les contacts qu’ont eus ces personnes, afin de comprendre quel est le niveau du cordon sanitaire à mettre en place », déclare Luca Zaia.

La tâche s’annonce complexe dans la zone, alors même qu’on ne dispose d’aucune information quant au moyen par lequel les deux patients ont pu contracter la maladie. « Ils ne ressemblent pas aux habituels cas suspects », a ainsi concédé le gouverneur, convenant que ce dernier point était tout sauf rassurant.

Si la situation en Vénétie est jugée préoccupante, c’est en Lombardie que l’épidémie a provoqué dans les dernières heures, la mise en place des mesures les plus radicales. Plus précisément dans la province de Lodi, vers laquelle tous les regards convergent désormais.

Là ont été identifiés quinze nouveaux cas. Dix communes de la zone, parmi lesquelles les plus importantes sont Codogno, Castiglione d’Adda et Casalpusterlengo, ont été mises en « isolement ». Dans cette zone, rassemblant environ 50 000 résidents, les écoles, les administrations et les bars ont été fermés, tandis que les habitants étaient appelés à rester chez eux. Des images de Codogno, survolée par un drone en fin de journée, montraient une petite commune aux rues soudain désertées, et aux airs de ville fantôme.

A la recherche du « patient zéro »

C’est dans l’hôpital de la ville que la situation paraît la plus dramatique. Là est hospitalisé un patient de 38 ans qui semble à l’origine de la contagion. Hospitalisé dans un état jugé très grave, il aurait contaminé sa femme, enceinte de huit mois, ainsi qu’au moins trois clients d’un bar où il avait ses habitudes. Cinq membres du personnel soignant ont aussi été contaminés. Dans l’après-midi de vendredi, l’hôpital a été fermé au public.

Travaillant pour une multinationale (le groupe Unilever), cet homme n’a pas voyagé en Asie ces derniers temps, mais les experts évoquent la possibilité d’une contamination survenue le 1er février, lors d’une rencontre avec un collègue qui, lui, revenait de Chine. Ce dernier – que les spécialistes soupçonnent d’être le véritable « patient zéro » local, même s’il n’a jamais développé les symptômes – vit dans la province voisine de Piacenza, en Emilie-Romagne, où la fermeture des écoles a été décrétée, ainsi que l’annulation des manifestations sportives des prochains jours.

Dans une conférence de presse tenue avec le ministre de la santé Roberto Speranza, lequel a détaillé les dispositions spéciales prises pour la zone de contagion, le gouverneur de la région Lombardie, Attilio Fontant, a assuré que ses concitoyens ne devaient pas prendre peur et que « ces mesures sont l’unique moyen possible pour bloquer l’épidémie ».

Cela n’a pas empêché les alertes de se multiplier, au-delà des frontières de la province de Lodi. Ainsi, dans la soirée de vendredi, deux trains à grande vitesse ont été immobilisés pendant plusieurs heures en raison de suspicions sur deux voyageurs. A Lecce (Pouilles), un train est resté à quai, portes closes, parce qu’une passagère avait dénoncé, dans son wagon, la présence d’un jeune homme revenant de Chine ; celui-ci n’a présenté aucun symptôme. Une mésaventure similaire s’est produite sur un train en direction de Turin, dans lequel voyageait un homme ayant confié qu’il avait côtoyé le patient infecté de Codogno lors d’une partie de football ; il a subi des tests en gare de Bologne et de Milan, tous négatifs.

===================

L’OMS appelle la communauté internationale à « agir rapidement ». A Genève, le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a tiré la sonnette d’alarme : « Nous sommes encore dans une phase où il est possible de contenir l’épidémie. » Mais la « fenêtre de tir se rétrécit », a-t-il averti, déplorant le manque de soutien financier international. L’OMS est préoccupée par l’apparition de cas en dehors de Chine « sans lien épidémiologique clair, tels que les antécédents de voyage ou les contacts avec un cas confirmé ». « La situation évolue », a souligné le docteur Sylvie Briand, directrice du département Préparation mondiale aux risques infectieux à l’OMS : « le nombre de cas augmente mais nous voyons aussi différents modèles de transmission dans différents endroits. » L’OMS refuse pour l’instant de parler de pandémie, mais considère qu’il y a « des épidémies différentes, montrant des phases différentes », a-t-elle expliqué. Signe de son inquiétude, l’OMS a annoncé la nomination de six envoyés spéciaux, parmi lesquels David Nabarro, ancien coordinateur de l’ONU pour Ebola lors de l’épidémie qui toucha l’Afrique de l’Ouest entre fin 2013 et 2016. Soulignant les mesures « sérieuses » prises par Pékin pour contenir l’épidémie, le patron de l’OMS a appelé les « autres pays », sans les citer, à être aussi « très, très sérieux ». Les cas se multiplient notamment au Moyen-Orient. Après quatre décès et dix-huit contaminations en Iran depuis mercredi, le Liban a annoncé vendredi son premier cas de pneumonie virale Covid-19, et Israël a indiqué qu’un de ses ressortissants placé en quarantaine sur le paquebot Diamond Princess avait été testé positif. En Iran, la plupart des dernières contaminations ont eu lieu à Qom, une ville sainte située à 150 km au sud de Téhéran, qui revêt une importance particulière pour les chiites.

22 février 2020

Coronavirus : la fenêtre de tir pour enrayer l'épidémie «se rétrécit», selon le patron de l'OMS

Pour le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, la «fenêtre de tir» pour enrayer l'épidémie du nouveau coronavirus «se rétrécit». C'est ce qu'il a affirmé ce vendredi aux médias alors que les cas en dehors de la Chine continuent de progresser. «Bien que le nombre total de cas à l'extérieur de la Chine reste relativement faible, nous sommes préoccupés par le nombre de cas sans lien épidémiologique clair, tels que les antécédents de voyage ou les contacts avec un cas confirmé», a ajouté le patron de l'OMS. Il a toutefois assuré qu'il était encore possible de contenir l'épidémie. Durant la même conférence de presse, il a indiqué que l'équipe internationale d'experts dirigée par l'Organisation mondiale de la santé se rendra demain samedi à Wuhan, berceau de l'épidémie.

Publicité
22 février 2020

Reportage - Dans les campagnes chinoises, les paysans se barricadent contre le coronavirus

coronavirus66

SANLIAN SHENGHUO ZHOUKAN (PÉKIN)

Dans les régions rurales proches de Wuhan, les habitants bloquent les routes d’accès à leurs villages, empêchant tout échange de produits agricoles. Ce magazine pékinois s’est rendu sur place.

Zhou Ping travaille comme camionneur à Xiantao [à environ 70 kilomètres au sud-ouest de Wuhan, dans la province du Hubei]. Il livre surtout de la nourriture pour volaille aux éleveurs des environs. Le 30 janvier, avec des représentants de ces derniers, il s’est rendu à la mairie pour alerter les autorités sur le problème posé par le blocage des routes en milieu rural, qui empêche toute livraison de nourriture, avec le risque de voir les poules et poulets mourir de faim.

Le 23 janvier à 10 heures du matin, Wuhan a été placée en quarantaine, et d’autres villes de la province se sont également repliées sur elles-mêmes, en limitant leurs accès. Ainsi, dans la municipalité de Chibi, toutes les routes nationales, provinciales et de préfecture ont été interdites à la circulation.

À l’intérieur de l’agglomération, des contrôles ont été mis en place sur les trois grands ponts : seuls peuvent passer les véhicules autorisés à assurer l’approvisionnement, ceux qui font des interventions d’urgence et les cars de ramassage des services de prévention de l’épidémie. Tout contrevenant s’expose à une amende allant de 200 à 2 000 yuans [de 26 à 260 euros] et un placement en détention pouvant aller jusqu’à quinze jours.

Des tranchées creusées dans la chaussée

Outre les arrêtés de limitation de la circulation, les villageois ont installé des barrages sur toutes les petites routes qui relient les villages au chef-lieu de préfecture.

“Depuis le nouvel an [chinois, le 25 janvier], les routes menant à tous les villages ont été fermées par des amas de terre ou par des gros camions agricoles mis en travers ; en d’autres endroits, on a posé des barrières. Comme les véhicules n’ont plus le droit de passer, les gens ne peuvent que sortir à pied ou à vélo. C’est impossible de se rendre en ville, et même au bourg, on ne voit personne dans les rues, et il n’y a plus aucun magasin d’ouvert ni de vendeurs de petit déjeuner”, explique Guoguo, qui est venu passer les fêtes du nouvel an chinois à la campagne près de Chibi.

Une fermeture raisonnable des routes peut effectivement contribuer à stopper la transmission de la pneumonie à nouveau coronavirus, mais en certains endroits, les gens ont carrément creusé la chaussée pour empêcher tout passage, gênant considérablement les agriculteurs.

Zhou Ping explique : “En temps normal, les éleveurs de volaille stockent suffisamment d’aliments pour couvrir la période allant du 24e jour du 12e mois lunaire au 10e jour du 1er mois de la nouvelle année. Cette année, on a appris qu’il y avait une épidémie à Wuhan le 28e ou le 29e jour du 12e mois lunaire, et le 1er, les routes ont été brusquement coupées. Personne n’a pu anticiper une telle situation pour les stocks de nourriture.”

Il habite dans un village situé à dix kilomètres du chef-lieu de préfecture, et à quelques kilomètres seulement de la banlieue de Wuhan, mais les deux voies d’accès étant bloquées, il ne peut pas sortir avec son camion pour aller livrer des aliments ni se faire approvisionner de l’extérieur. Il risque d’enregistrer de lourdes pertes si cela continue. “Il faut compter six sacs de nourriture par jour pour 10 000 poules. Habituellement, je livre aux aviculteurs des environs 1 600 tonnes d’aliments par mois. On est une dizaine de chauffeurs comme moi dans la région”, précise M. Zhou.

Les éleveurs de langoustes très inquiets

Le cas des aviculteurs n’est qu’une petite illustration de la situation. Si la fermeture des routes devait durer, elle causerait des problèmes dans de nombreux secteurs. Ainsi, la province du Hubei est renommée dans toute la Chine pour ses langoustes, mais les éleveurs nous ont confié :

En plus des difficultés rencontrées par le personnel pour venir travailler, la fermeture des routes a surtout pour conséquence aujourd’hui d’empêcher les livraisons de nourriture. Heureusement qu’en ce moment ce sont les vacances de la Fête du printemps, mais si cela devait durer jusqu’à fin février début mars, ce serait très embêtant pour l’élevage des langoustes.”

Il est clair que l’épidémie risque de poser de nombreux problèmes économiques. Ce n’est qu’en garantissant l’approvisionnement en nourriture et le bon fonctionnement du réseau logistique qu’on pourra éviter d’abattre de nombreuses bêtes faute de pouvoir les alimenter et les vendre normalement. Il ne faut pas laisser la situation se détériorer davantage.

Avec la propagation de l’épidémie, d’autres régions en dehors du Hubei ont également décidé de fermer les routes. Funan est la préfecture la plus peuplée de la province de l’Anhui, c’est également une grande exportatrice de main-d’œuvre vers les autres provinces.

Or, le 25 janvier, le bourg de Zhuzhaizhen a ordonné la suspension du service de bus et de cars reliant les zones rurales à Funan. Le 26, les petites routes entre les villages ont été bloquées par des monceaux de terre, chaque village ne laissant libre qu’une ou deux artères pour aller à la ville afin d’acheminer des marchandises et de pouvoir les utiliser en cas d’urgence, par exemple pour emmener un malade.

Les zones rurales vulnérables

Tous les villages ont instauré des points de contrôle sur les grandes routes menant à la ville. Il s’agit en général de quelques véhicules mis en travers, avec parfois une tente pour s’abriter. Seuls les véhicules des habitants du lieu sont autorisés à passer, personne ne peut venir du dehors faire ses civilités de nouvel an. En arrivant au village, les conducteurs du cru doivent montrer leurs papiers et se soumettre à un contrôle de leur température.

On commence cependant à trouver sur [la plateforme de microblogging] Weibo des messages de mécontentement face à une telle situation. Une villageoise du district de Yang, dans la province du Shaanxi [dans le nord de la Chine], qui devait se rendre à l’hôpital pour un suivi de grossesse, a été obligée de rebrousser chemin après s’être retrouvée bloquée lorsqu’elle a voulu prendre un raccourci en passant par d’autres villages.

Par rapport à l’épidémie de Sras (en 2003), la menace qui pèse sur les campagnes est aujourd’hui beaucoup plus forte. Cette fois, l’épidémie est en effet survenue en pleine période de grandes migrations des villes vers les campagnes à l’occasion de la Fête du printemps, alors que le Sras s’était déclaré après le nouvel an chinois et avait touché surtout les citadins.

Lors de sa conférence de presse le 26 janvier, le maire de Wuhan, Zhou Xianwang, a déclaré que 5 millions de personnes avaient quitté l’agglomération [avant la mise en quarantaine de la ville, le 20], en particulier de nombreux travailleurs migrants d’origine rurale qui étaient rentrés dans leurs familles.

Des installations médicales précaires

Le nombre de cas diagnostiqués reflète bien cette réalité : ainsi, dans la province de l’Anhui, proche géographiquement de celle du Hubei, on constate une explosion du nombre de cas diagnostiqués, avec parmi eux un fort pourcentage de ruraux, de personnes âgées ou d’âge moyen, ainsi que de commerçants et de travailleurs migrants.

Par rapport à celui des villes, le système de prévention des épidémies en milieu rural est très fragile. Fin 2018, 46 bourgs de Chine [de 10 000 à 100 000 habitants] étaient toujours dépourvus de tout centre de soins ; 666 centres de soins fonctionnaient sans médecin généraliste ou simple praticien ; 1 022 villages administratifs [2 000 habitants en moyenne] n’avaient pas de dispensaire et 6 903 dispensaires ne disposaient que de “médecins” non qualifiés.

Nous avons rencontré l’un de ces “médecins” dans la province du Henan [limitrophe du Hubei]. Deux fois par jour, sans aucun équipement de protection, il se rend au village voisin pour prendre la température des habitants, qui ne portent pas non plus de masque. Sa fille, qui travaille dans une grande agglomération, lui en a bien rapporté, mais il a eu vite fait d’épuiser son stock.

Il en a commandé à l’étranger par l’intermédiaire d’amis, mais les livreurs ne vont pas plus loin désormais que le chef-lieu de préfecture, à plus de 10 kilomètres de là. “Les routes sont toutes fermées et aller à pied jusque là-bas n’est pas possible”, explique sa fille.

Parcours du combattant

Dans les campagnes, compte tenu de l’état actuel du réseau de soins et de prévention des épidémies et de l’insuffisance des installations médicales de base, la fermeture des routes est la solution la plus économique et la plus efficace. Les citadins trouvent très bizarre que les paysans bloquent les routes avec des tas de terre ou des engins agricoles, mais ils ne font qu’utiliser avec astuce les ressources dont ils disposent gratuitement.

Cependant, ils doivent avoir conscience qu’en même temps qu’ils empêchent l’épidémie de se répandre, ils font aussi obstacle au bon fonctionnement de la société. Le directeur adjoint d’une société du Hubei qui s’occupe de la commercialisation d’œufs et de nourriture pour animaux explique que le transport des œufs est devenu un vrai casse-tête ces derniers temps :

Il y a deux jours, nous avons dû acheminer des œufs d’un chef-lieu de district situé dans le sud du Hubei jusqu’à Wuhan, soit sur une distance d’environ 120 kilomètres. Il nous a fallu pour cela procéder en cinq étapes : notre camion est allé jusqu’à un premier barrage, où on a dû transvaser les œufs dans un autre véhicule qui attendait de l’autre côté du tas de terre, et ainsi de suite à chaque barrage. Cinq fois au total ! Finalement on a pu livrer le supermarché à Wuhan, mais en ayant recours à beaucoup de personnel.”

Si les villages n’hésitent pas à se replier sur eux-mêmes, c’est parce qu’ils sont capables de vivre longtemps en cercle fermé. Mais le réseau ramifié des petites routes qui relient ces villages conditionne le bon fonctionnement de la société. Le fait de ne permettre qu’aux gens de son propre village d’y accéder peut avoir de lourdes conséquences.

Ainsi, Xiantao est au Hubei un important lieu de production d’œufs. “80 % de la production d’œufs de Xiantao est écoulée dans la province du Hunan, une petite partie étant vendue directement dans les supermarchés ou sur les marchés de Wuhan. En temps normal, trois ou quatre jours après le nouvel an [chinois], on se remet à distribuer nos œufs, mais cette année, les villages se sont repliés sur eux-mêmes et, à ce jour, aucun des aviculteurs que je connais n’a réussi à vendre ses œufs,” explique Li Qiang, un éleveur de poules.

En dehors de ces clients du Hunan qui ne peuvent plus recevoir les œufs de Xiantao, leur distribution dans la province-même du Hubei se heurte à de nombreux obstacles. “Toutes les voies d’accès au village sont fermées, les ouvriers ne peuvent pas venir travailler et on ne peut pas livrer les œufs”, explique Li Qiang. En fait, à supposer qu’il ait pu transporter les œufs en dehors du village, de toute façon, il n’aurait pas pu prendre l’autoroute, car il faut une autorisation pour cela, et celle-ci n’est délivrée qu’aux véhicules de secours.

Pas de commande depuis le 19 janvier

Tout le secteur du transport de marchandises est quasiment paralysé à cause de la fermeture des routes. Le chef d’une gare de chargement du Hubei nous a expliqué que, “comme les chauffeurs et les camions ne peuvent pas sortir, certains camionneurs se sont proposés pour des opérations de bénévolat à l’intérieur de la province, mais dans leurs villages, on ne les a pas laissés partir, de peur qu’ils ne rapportent le virus”.

Le Hubei n’est pas la seule province à être touchée par le blocage des routes. M. Yuan, qui habite à Bozhou, dans l’Anhui, est spécialisé dans la livraison de matières premières pour une chaîne de restauration rapide. Sa dernière commande remonte au 19 janvier, avant les vacances du nouvel an ; il était allé la livrer à Pékin, puis était rentré dans sa famille dans l’Anhui pour y passer les fêtes.

À ce moment-là, l’épidémie de pneumonie s’était étendue à tout le pays : “Dès le lendemain du nouvel an, les villages se sont repliés sur eux-mêmes. Dans notre village, les personnes extérieures n’ont plus eu le droit d’y pénétrer, et les habitants d’en sortir. Normalement, je n’y séjourne pas ; j’y vais juste pour passer le réveillon. Mais, de toute façon, même si je pouvais sortir du village, je ne pourrais pas accepter des commandes, car il y a des barrages routiers un peu partout, et l’autoroute, on ne peut qu’y entrer, pas en sortir. J’ai dû annuler des commandes à destination de Pékin, Wuhan et Canton qui devaient être livrées après le nouvel an,” raconte M. Yuan.

Yang Lu

===========================

Source

Sanlian Shenghuo Zhoukan

PÉKIN http://www.lifeweek.com.cn/

Très lu par les jeunes intellectuels de la capitale, ce magazine d'informations générales, créé en 1996, se veut l'héritier d'une tradition journalistique chinoise remontant aux années 1920. L'une des publications qui reflètent le mieux l'évolution sociale et culturelle des citadins.

Magazine plutôt culturel à l'origine, il est passé d'une périodicité bimensuelle à hebdomadaire, en orientant son contenu vers une approche plus journalistique et sociétale. Il se fixe pour objectif de devenir le Time de Chine.

22 février 2020

Coronavirus : en Chine, les punitions de citoyens dissidents se multiplient

Texte par : Tiffany Fillon

Alors que la Chine a annoncé, jeudi, une baisse spectaculaire des nouvelles contaminations dues au coronavirus, des citoyens chinois, ayant dénoncé sur les réseaux sociaux la gestion sanitaire de la crise par le régime, sont portés disparus. Parmi eux : Fang Bin, vendeur de vêtements et Chen Qiushi, avocat.

Il est devenu un symbole de la censure du gouvernement chinois, en pleine épidémie de coronavirus. Li Wenliang est mort vendredi 7 février, après avoir succombé au coronavirus. Ce médecin avait alerté les autorités dès la fin du mois de décembre, de l'apparition du virus à Wuhan, capitale du Hubei. Depuis sa mort, d'autres citoyens ont repris le flambeau, en montrant, sur les réseaux sociaux, des images d'hôpitaux débordés. Des pratiques gênantes pour le pouvoir chinois qui tente de museler ces voix dissidentes, en les intimidant, voire en les arrêtant, alertent plusieurs ONG.

Depuis qu'ils ont diffusé des images mettant en cause le pouvoir chinois dans sa gestion de la crise du coronavirus, Fang Bin, vendeur de vêtements à Wuhan, et Chen Qiushi, avocat installé dans cette même ville, ont disparu. Tous deux avaient publié des vidéos sur les réseaux sociaux montrant des soignants débordés dans les hôpitaux de la ville.

Contacté par France 24, Fang Bin avait raconté ses motivations avant de disparaître. "Quand la ville a été mise en quarantaine, je me suis aperçu que quelque chose clochait. Je me suis rendu à l'hôpital et j'ai vu les gens, il y avait énormément de gens. C'est là que j'ai compris que Wuhan était le centre de l'épidémie", explique ce citoyen chinois, qui a publié ses premières vidéos fin janvier. "Les hôpitaux sont les lieux où les chaînes de télévision nationale, du Hubei et de Wuhan devraient se déplacer pour interviewer des gens. Mais personne n'y est allé. Je me suis dit que s'ils ne voulaient pas y aller alors j'irai filmer ce qu'il s'y passe."

L'une des vidéos publiées par Fang Bin a été particulièrement relayée sur les réseaux sociaux. Sur YouTube, il montre, dans cette vidéo publiée le 1er février, plusieurs corps enveloppés dans des bâches. Ils sont placés à l'intérieur d'un camion funéraire, garé près de l'hôpital de Wuhan. Fang Bin pénètre ensuite au sein du bâtiment où il assiste à la mort d'un homme victime du coronavirus.

Le jour même, Fang Bin est convoqué au commissariat. En parallèle, une vidéo de soutien est publiée sur Internet et massivement partagée. Fang Bin est finalement relâché après cinq heures d'interrogatoire. Revenu chez lui, il continue à publier des vidéos sans pour autant sortir de chez lui. "Je suis surveillé par des policiers en civil. Ils sont aux entrées est, nord et ouest de mon immeuble", prévient-il, appelant les internautes à l'aide. "Ma sécurité dépend de votre attention, de votre prise de conscience et de vos partages."

Depuis le 9 février, Fang Bin est inactif sur les réseaux sociaux et ses proches affirment ne plus avoir de nouvelles.

Plus de 350 internautes chinois sanctionnés

Chen Qiushi, un avocat chinois de 34 ans, est lui aussi porté disparu. "Le 6 février, il a dit à sa famille qu'il voulait filmer un hôpital. Mais il n'a pas été revu depuis, selon plusieurs reportages et les déclarations de la mère de Chen Qiushi", a averti l'ONG Committee to protect journalists (CPJ) dans un communiqué.

"Les autorités de Wuhan doivent dire si elles détiennent le journaliste Chen Qiushi. Si c'est le cas, il devrait être libéré immédiatement", a alors déclaré Steven Butler, coordinateur du programme Asie du CPJ, à Washington.

Comme Fang Bin, Chen Qiushi avait filmé des hôpitaux débordés par le nombre de malades victimes du coronavirus. Avant de disparaître, il se disait menacé par le régime. "J'ai peur. J'ai le virus devant moi et les forces de l'ordre chinoises derrière moi. Mais je vais me relever. Tant que je serai vivant dans cette ville, je continuerai mon travail. Je ne raconterai que ce que je vois, que ce que j'entends. Allez vous faire foutre, je n'ai pas peur de mourir. Tu crois que j'ai peur de toi, Parti communiste ?", s'était-il indigné dans une vidéo.

Fang Bin et Chen Qiushi ne seraient pas les seuls à avoir disparu après avoir critiqué le régime. Le 7 février, l'ONG Chinese Human Rights Defenders a publié un communiqué, indiquant que 351 internautes chinois avaient été punis pour avoir "répandu des rumeurs".

"La majorité des personnes impliquées dans ces affaires auraient subi des détentions administratives allant de trois à 15 jours. Certaines ont également reçu des amendes, des avertissements verbaux, une "éducation" forcée et des aveux forcés", peut-on lire dans le document.

Autre cas fortement médiatisé : celui de Xu Zhiyong. Mardi, l'ONG Amnesty International a annoncé l'arrestation de ce dissident chinois. Il avait critiqué la gestion de l'épidémie de coronavirus par le président Xi Jinping. Il était en fuite depuis décembre, après avoir participé à une réunion d'opposants dans la ville de Xiamen, dans le sud-est du pays.

The detention of Xu Zhiyong shows that the #Chinese government’s battle against the coronavirus has in no way diverted it from its ongoing general campaign to crush all dissenting voices and its ruthless assault on freedom of expression. https://www.amnesty.org/en/latest/news/2020/02/china-detention-of-activist-shows-unrelenting-assault-on-freedom-of-expression/ …

Il n'en continuait pas moins à diffuser sur les réseaux sociaux des articles dénonçant le régime communiste. "Les fournitures médicales manquent, les hôpitaux sont débordés et beaucoup de personnes contaminées ne sont pas dépistées", avait-il, par exemple, dénoncé. "C'est la pagaille." Amnesty International ainsi que l'ONG Human Right Watch réclament toutes deux la libération de Xu Zhiyong.

Joint par France 24, Emmanuel Lincot, professeur à l'Institut catholique de Paris et chercheur-associé à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) explique que ces pratiques répressives ne sont pas nouvelles en Chine. "Généralement, on bloque les comptes de la personne visée, sur les réseaux sociaux. Ensuite, elle peut recevoir des courriels d'intimidation. Si elle persiste dans son comportement, les autorités peuvent la faire disparaître. Elle peut ensuite être placée dans une résidence ou un hôtel surveillé", affirme-t-il. Dans le pire des cas, l'individu peut être "envoyé dans un laogaï - un camp de rééducation par le travail - pendant plusieurs années".

Même si elle cherche à faire taire les oppositions, la Chine, où 74 500 personnes ont été contaminées par le coronavirus et 2 118 personnes tuées à cause du virus, se sert également de ces voix discordantes pour servir ses intérêts. Selon Jean-Louis Rocca, sociologue spécialiste de la Chine, professeur à Sciences-Po et chercheur au Ceri, contacté par France 24, ces blogueurs tiennent un rôle stratégique pour les autorités. "Il est très difficile pour le pouvoir chinois de connaître l'opinion publique puisque dans ce pays, tous les médias sont liés au pouvoir en place", affirme Jean-Louis Rocca. "Les autorités chinoises laissent donc respirer l'opinion publique. Et, si certains citoyens franchissent les limites, elles leur envoient un message d'intimidation", poursuit-il.

Pour le moment, le régime n'a fait aucune déclaration sur les disparitions de Fang Bin et Chen Qiushi. Le pouvoir central se contente de communiquer sur l'investissement de la Chine, déterminée à contenir l'expansion du coronavirus. La Chine a par exemple annoncé jeudi 20 février une baisse spectaculaire des nouvelles contaminations, au plus bas depuis près d'un mois avec une hausse nette de 394 cas soit seulement le quart du chiffre annoncé la veille. Mais pas un mot sur le sort de ces citoyens qui manquent à l'appel.

21 février 2020

Reportage - Coronavirus : partir ou rester, le dilemme des étudiants étrangers en Chine

coronavirus etudiants

THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

500 000 étudiants étrangers sont inscrits dans les universités chinoises. Ceux qui ont décidé de partir ne savent pas s’ils pourront retourner en Chine, ceux qui veulent rester le font contre l’avis de leur famille.

Sur tous les campus du pays, les étudiants ont reçu des messages pressants de leurs familles à l’étranger : il faut quitter la Chine immédiatement. Dexter Lensing s’est plié à cette recommandation. La Chine venait d’être touchée par un nouveau coronavirus qui, début février, avait fait plus de 1 300 victimes [près de 1 900 morts au 18 février], paralysant nombre d’activités sur l’essentiel du territoire. Ce doctorant est l’un des 500 000 étudiants étrangers qui fréquentent les universités chinoises et qui ont dû choisir entre rester et partir.

Depuis des décennies, des étudiants comme lui surmontent les obstacles linguistiques, politiques et culturels pour contribuer au rapprochement de la Chine avec le reste du monde. La Chine intéressait particulièrement Dexter Lensing en raison de son système politique opaque, où les décisions sont prises dans l’ombre et où les personnes au pouvoir vont et viennent au rythme des intrigues de palais à Pékin. Aujourd’hui, Dexter fait partie des milliers de jeunes qui se demandent si ou quand ils pourront finir leur cursus en Chine.

Les partenariats universitaires mis à rude épreuve

“Je n’ai jamais été si déçu”, confie-t-il de retour en Caroline du Nord chez sa sœur. En dernière année à l’université d’État de Géorgie, il craint de ne pas avoir l’occasion de retourner en Chine. Ses biens les plus précieux, précise-t-il, sont encore dans un dortoir à Harbin, une ville du nord-est du pays.

Le coronavirus, qui continue de faire des morts en Chine, a coupé beaucoup de liens entre le pays et la communauté internationale. De nombreux Chinois qui étudient à l’étranger s’inquiètent pour leur famille et sont parfois la cible d’une attention dont ils se passeraient bien. Pour beaucoup d’étudiants étrangers en Chine, l’épidémie a suspendu, voire interrompu une occasion de se plonger dans un pays vaste et complexe. Cette crise survient à une période où les relations sont tendues entre la Chine et le reste du monde, Pékin cherchant à contrebalancer l’influence mondiale des États-Unis.

Esma Dallakyan, étudiante en master à Pékin, le 31 janvier 2020. Photo Yan Cong pour The New York Times.Esma Dallakyan, étudiante en master à Pékin, le 31 janvier 2020. Photo Yan Cong pour The New York Times.

L’impact de la situation actuelle pourrait se faire sentir tout particulièrement aux États-Unis. Nombre des jeunes Américains qui sont allés en Chine dans les années 1980, quand le pays a commencé à s’ouvrir, sont devenus des journalistes, patrons ou responsables politiques et ont contribué à créer des liens entre les deux puissances.

En revanche, le nombre d’échanges universitaires était en baisse avant l’épidémie actuelle et les partenariats entre établissements sont notamment mis à l’épreuve par les questions géopolitiques et de liberté d’expression. Le nombre d’étudiants américains en Chine était d’environ 11 600 en 2018, soit un recul de plus de 2 % par rapport à l’année précédente. Orville Schell, directeur du Centre des relations sino-américaines au sein d’un organisme éducatif aux États-Unis, l’Asia Society, analyse cette évolution :

C’est une métaphore de la dissociation qui s’opère dans les secteurs des hautes technologies, du commerce et de l’investissement, même si les raisons sont complètement différentes, Toutes ces tendances indiquent que le tissu d’une Chine plus cosmopolite est en train de s’effilocher.”

Des étudiants étrangers surpris par la crise sanitaire

Tous les étudiants n’ont pas quitté le territoire. Certains y sont restés coincés, notamment des étudiants et enseignants nigérians dans les universités de Wuhan, l’épicentre de l’épidémie. Le gouvernement du Pakistan a donné pour consigne à 800 de ses ressortissants de rester à Wuhan, par crainte que le système de santé national ne soit pas en mesure de les prendre en charge.

Certains, comme Kathy Song, sont restés par choix. Elle suit un double cursus de culture chinoise et sciences sociales sur le campus de l’université de New York à Shanghai, et elle s’est installée pour l’instant à Pékin avec son oncle, sa tante et un jeune cousin. Cette jeune femme de 19 ans parle mandarin et elle a pratiqué la langue pendant les étés passés dans sa famille en Chine. Elle a décidé d’y faire ses études car, en tant qu’Américaine d’origine chinoise, elle pense pouvoir faire la peau aux préjugés qui persistent dans ces deux pays. Elle explique :

La Chine est le plus grand pays en développement et je pense que sa relation avec les États-Unis sera parmi les plus cruciales au XXIe siècle.”

Kathy Song, étudiante sino-américaine sur le campus de l’université de New York à Shanghai, vit actuellement recluse chez son oncle, à Pékin. Photo Yan Cong pour The New York Times.Kathy Song, étudiante sino-américaine sur le campus de l’université de New York à Shanghai, vit actuellement recluse chez son oncle, à Pékin. Photo Yan Cong pour The New York Times.

Presque tout étant fermé à Pékin, Kathy Song sort très peu. Prenant exemple sur son oncle, elle s’est mise à la calligraphie. Elle découvre aussi que ses parents (à New York) et son oncle n’ont pas les mêmes méthodes d’éducation. “Mon oncle ne rigole pas avec les études, précise-t-elle. Il prend ça beaucoup plus au sérieux que mes parents.”

D’autres ont choisi de rester et se rendent compte que voir du monde leur manque beaucoup. Esma Dallakyan, étudiante en master à Pékin et originaire d’Arménie, passe l’essentiel de son temps dans sa chambre universitaire. Le quotidien sur le campus est de plus en plus solitaire :

Toutes les rues sont vides et il n’y a personne à qui parler. On se sent un peu seul.”

La jeune femme de 26 ans suit un cursus en santé publique et elle a travaillé dans l’administration arménienne, mais la situation actuelle est autrement formatrice : “Maintenant, en voyant ce que font les autorités en temps réel, j’ai l’impression de faire un stage sur le terrain.”

Quant à ceux qui ont quitté la Chine, ils n’ont plus qu’à patienter. “Je vis très loin, alors ce n’est pas évident d’acheter des billets d’avion et de programmer mon retour en Chine”, raconte Diego Rocha, 31 ans, en deuxième année de MBA dans le cadre d’un programme conjoint de l’université Tsinghua et du MIT.

Diego Rocha, qui est actuellement chez lui, à São Paulo, explique que si la remise des diplômes n’a pas lieu au printemps comme prévu, il sera compliqué pour lui d’obtenir un visa pour rester en Chine et y travailler. Pendant leur dernier semestre d’étude, les étudiants en affaires travaillent dans une entreprise locale et il n’est plus certain de pouvoir bénéficier de ce partenariat.

L’information étant strictement contrôlée, ces étudiants étrangers, dont Diego Rocha et Ryan Tombly (19 ans), ont été surpris par la panique soudaine, qui a renforcé leur sentiment de déracinement. “Ce qui est curieux, c’est que cette crise est sortie de nulle part pour beaucoup d’entre nous”, explique la jeune femme, en deuxième année à l’université Duke Kunshan, un nouveau partenariat entre l’université américaine Duke (Caroline du Nord) et l’université chinoise de Wuhan.

Le mauvais souvenir de l’épidémie de Sras

Une semaine avant que les autorités ne commencent à fermer des villes entières pour tenter de contenir l’épidémie, Ryan Tombly était en voyage universitaire à Nanjing, Shanghai et Hangzhou. “Quelques articles étaient parus à l’étranger, mais personne ne prêtait attention au virus en Chine, alors on ne portait pas de masque pendant ces déplacements”, raconte-t-elle.

Ryan avait prévu de rentrer chez ses parents, dans l’Arizona, pendant les vacances du nouvel an lunaire : le jour de son départ, le 24 janvier, il régnait dans la gare un calme qu’elle n’avait jamais connu.

Pékin, le 31 janvier 2020. Esma Dallakyan à l’entrée du campus de l’université Tsinghua : le masque est obligatoire. Photo Yan Cong pour The New York Times.Pékin, le 31 janvier 2020. Esma Dallakyan à l’entrée du campus de l’université Tsinghua : le masque est obligatoire. Photo Yan Cong pour The New York Times.

Ryan Tombly prévoit de retourner en Chine pour finir deux années supplémentaires d’études. En attendant, elle suit des cours en ligne. “Je sais que la Chine est en pleine ascension et jouera un rôle crucial dans le domaine qui m’intéresse, les relations internationales”, précise-t-elle.

Certains étudiants avaient connaissance des antécédents de la Chine en matière d’épidémies. Il y a dix-sept ans, les autorités avaient dans un premier temps dissimulé l’épidémie de Sras, aggravant ainsi la propagation de ce virus. Cet épisode avait suscité des interrogations sur la transparence et Pékin en matière de santé mondiale.

Kerrie Wong, 33 ans, est en deuxième année de MBA dans le programme Tsinghua-MIT, comme Diego Rocha. Elle aussi est restée en Chine à la fin de sa première année, même si ce n’était pas obligatoire. Mais le 1er janvier, sa mère l’a appelée de Boston après l’annonce des premiers cas de maladie. “Elle m’a dit que je devais partir immédiatement”, raconte Kerrie. Elle et ses parents vivaient à Hong Kong au moment de la crise du Sras, qui avait fait près de 300 morts dans la mégalopole. Elle a quitté Pékin en avion le 7 janvier.

Elle devra retourner en Chine pour sa soutenance, qui devait avoir lieu en avril ou mai. Malgré tout, elle ne regrette pas sa décision :

Ce que je crains le plus en tant qu’étrangère, c’est qu’il y ait un décalage dans la transmission des informations, dans un contexte où l’actualité n’est pas traitée avec la transparence du journalisme occidental. Mieux vaut prévenir que guérir.”

Alexandra Stevenson

 ==========================

Source

The New York Times

NEW YORK http://www.nytimes.com/

Avec 1 400 journalistes, 35 bureaux à l’étranger et 127 prix Pulitzer et plus d’un million d’abonnés, The New York Times est de loin le premier quotidien du pays, dans lequel on peut lire “all the news that’s fit to print” (“toute l’information digne d’être publiée”).

C’est le journal de référence des États-Unis, dans la mesure où les télévisions ne considèrent qu’un sujet mérite une couverture nationale que si The New York Times l’a traité. Son édition dominicale (1,1 million d’exemplaires) est distribuée dans l’ensemble du pays – on y trouve notamment The New York Times Book Review, un supplément livres qui fait autorité, et l’inégalé New York Times Magazine. La famille Ochs-Sulzberger, qui, en 1896, a pris le contrôle de ce journal créé en 1851, est toujours à la tête du quotidien de centre gauche.

Quant à l’édition web, qui revendique plus de 3,7 millions d’abonnés en octobre 2019, elle propose tout ce que l’on peut attendre d’un service en ligne, avec en plus des dizaines de rubriques spécifiques. Les archives regroupent des articles parus depuis 1851, consultables en ligne à partir de 1981.

19 février 2020

LE POINT CORONAVIRUS : Plus de 2.000 morts et près de 75.200 contaminés à travers le monde

L’épidémie de coronavirus Covid-19 a désormais fait plus de 2.000 morts, principalement en Chine continentale. Le nombre de personnes contaminées atteignant dans ce pays 74.185, soit 1.749 de plus en 24h, la plus faible hausse en un mois.

Le nombre global de morts atteint ce matin 2.010 et le nombre de cas à travers le monde, 75.198. Ce qui signifie qu’un peu plus de 1.000 personnes contaminées ont été recensées dans une trentaine de pays.

Hong Kong vient d’enregistrer son deuxième décès, un homme de 70 ans.

Le principal foyer hors Chine est toujours le paquebot Diamond Princesse à quai à Yokohama au Japon. A bord, 542 personnes ont été contaminées, c’est 88 de plus par rapport à hier.

Une autre croisière inquiète son organisateur. Une Américaine qui était à bord du paquebot Westerdam a été détectée positive. Le croisiériste cherche à retrouver la trace de quelque 1.200 passagers autorisés à débarquer la semaine dernière au Cambodge malgré la crainte de contaminations potentielles.

Le directeur général de l’OMS, s’appuyant sur une enquête des scientifiques chinois, souligne que plus de 80% des patients souffrent d'une forme bénigne de la maladie. selon cette enquête, jusqu'à 39 ans, le taux de mortalité du Covid-19 reste très bas, à 0,2%, puis s'élève progressivement avec l'âge.

En France, lors d’un point de presse, le nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé que sur les douze cas confirmés d'infection seules quatre personnes sont toujours hospitalisées. Elles font partie du groupe de Britanniques contaminés en Haute-Savoie, fin janvier.

17 février 2020

Coronavirus : deux hommes arrêtés pour vol à main armée de papier toilette à Hong Kong

papier1

Alors que les rumeurs de pénuries liées au coronavirus se répandent à Hong Kong, deux hommes ont été arrêtés pour un braquage pour le moins insolite. Inquiets de devoir faire face à une pénurie de papier toilettes, les deux hommes auraient braqué un livreur pour lui voler des centaines de rouleaux.

Deux hommes ont été arrêtés lundi à Hong Kong, soupçonnés d'avoir braqué un livreur pour lui dérober des centaines de rouleaux de papier toilette. Un bien devenu rare à la suite d'une crainte de pénurie depuis l'apparition du nouveau coronavirus. Un troisième homme est en fuite, mais le butin a été retrouvé.

Un butin équivalent à 120 euros de papier toilette

Depuis une dizaine de jours à Hong Kong, il est compliqué de trouver du papier toilette, même si le gouvernement local ne cesse d'affirmer que les approvisionnements ne sont pas affectés par l'épidémie de pneumonie virale. Un chauffeur de camion a été braqué lundi matin par trois hommes devant un supermarché de Mong Kok, un des quartiers historiques des triades (mafias locales). "Un livreur a été menacé par trois hommes armés de couteaux qui ont volé des paquets de papier toilette pour un montant de plus de 1.000 dollars hongkongais", soit environ 120 euros.

papier00

De longues files d'attente devant les magasins

Des images vidéos de la chaîne Now TV montrent des enquêteurs de la police se tenant autour de plusieurs palettes de papier toilette devant un supermarché. L'une d'entre-elles n'est qu'à moitié remplie. Les supermarchés étant dans l'incapacité de se réapprovisionner de manière suffisamment rapide, de longues files de clients se forment parfois même avant l'ouverture des magasins. A peine achalandés, les rayons se vident à toute allure. Les consommateurs se ruent de la même manière sur le riz, les pâtes ainsi que sur les produits d'entretien et les solutions hydroalcooliques.

Pénurie de masques

Certains Hongkongais se montraient perplexes lundi au sujet de ce vol alors que d'autres préféraient en rire. "Je volerais des masques faciaux plutôt que des rouleaux de papier toilette", a plaisanté une habitante interviewée à proximité du lieu du braquage par la chaîne de télévision iCable.

La mégapole, où 58 cas du nouveau coronavirus ont été enregistrés, connaît actuellement une véritable pénurie de masques destinés à se protéger du cette infection virale. L'apparition de cette épidémie en Chine a suscité l'hystérie à travers la mégapole, réveillant le traumatisme lié au Sras (syndrome respiratoire aigu sévère).

Fausses rumeurs de pénurie

Cet autre coronavirus avait fait 299 morts dans le territoire semi-autonome en 2002 et 2003. Pékin avait alors tardé à donner l'alerte et depuis, la population de ce territoire de plus de sept millions d'habitants, demeure méfiante à l'égard de la politique sanitaire du gouvernement local. Cette épidémie intervient alors que l'exécutif, aligné sur Pékin, connait une taux de popularité historiquement bas après des mois de manifestations pro-démocratie.

Les autorités ont fustigé les fausses rumeurs de pénurie et assuré que les approvisionnements en produits alimentaires et ménagers demeuraient constants. Cette ruée vers certains produits a elle-même alimenté ce manque de certains produits, notamment dans une ville très densément peuplée où les commerces sont en général de petite superficie. Des photos postées sur les réseaux sociaux et sur internet montrent des habitants fiers d'avoir constitué d'importants stocks de papier toilette dans leurs appartements exigus.

Dans un communiqué, la chaîne de supermarchés Wellcome a qualifié ce vol d'"acte insensé" et a assuré avoir "une offre suffisante" de papier toilette "pour répondre à la demande". "La pénurie temporaire a été causée par la hausse soudaine et inhabituelle de la demande", a-t-elle ajouté.

Europe 1

Par Europe 1 avec AFP

Publicité
Publicité