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Jours tranquilles à Paris
18 janvier 2020

Analyse - En Iran, le guide Ali Khamenei reste inflexible

Par Ghazal Golshiri, Allan Kaval

Le Guide de la révolution a décidé de diriger la prière du vendredi pour la première fois depuis 2012, lui donnant l’occasion de fixer la ligne, dure, du régime.

Dans la tourmente, il a fallu fixer la ligne du régime, une ligne dure. Pour Ali Khamenei, l’heure n’est pas à la réconciliation nationale mais à la consolidation de sa base, les plus fervents partisans de la République islamique. Vendredi 17 janvier, le Guide de la révolution iranienne a voulu se montrer inflexible.

Après l’assassinat de Ghassem Soleimani, les frappes de missiles iraniennes sur des installations militaires américaines en Irak et le crash du Boeing d’Ukraine Airlines abattu par la défense aérienne iranienne, le chef de la République islamique avait décidé de diriger la prière du vendredi pour la première fois depuis 2012. La mesure exceptionnelle a donné l’occasion au guide d’annoncer, en temps de crise, les orientations du régime. Juché sur un balcon face à des centaines de dignitaires religieux, militaires et civils de la République islamique, un fusil à lunette posé comme c’est l’usage contre son pupitre, l’ayatollah Ali Khamenei a tâché de reprendre le contrôle du récit officiel.

« Les deux semaines qui viennent de s’écouler ont été marquées par des événements amers ou moins amers, a déclaré Ali Khamenei. Le jour où des millions d’Iraniens et des dizaines de milliers d’Irakiens sont descendus dans la rue, pour faire leurs adieux au grand commandant, fut un jour marqué par la volonté de Dieu. Cette volonté a également été exprimée le jour où les missiles des gardiens de la révolution ont frappé la base américaine. »

Les intérêts américains visés

La mise en scène de l’unité nationale lors des funérailles du général Soleimani, puis le triomphalisme qui a accompagné la première opération militaire iranienne directement dirigée contre des cibles américaines avaient pourtant été coupés dans leur élan par l’indignation suscitée par les mensonges officiels initiaux sur la catastrophe aérienne du 8 janvier. Ali Khamenei a paru vouloir l’effacer de l’histoire avec ses 176 victimes. Le guide n’est pas revenu sur les responsabilités du régime, se contentant d’exprimer son chagrin personnel en appelant les Iraniens à ne pas se détourner du seul deuil qui compte vraiment — celui du général Soleimani — et du seul événement significatif des semaines passées, l’attaque réussie contre les intérêts américains.

« Khamenei n’a présenté aucune réforme. A dessein. La crise de crédibilité que traverse la République islamique depuis les manifestations de novembre et leurs centaines de victimes, tuées par la répression, et approfondie par le crash est secondaire pour lui », relève Clément Therme, spécialiste de l’Iran au Centre d’étude des relations internationales de Sciences Po : Il doit d’abord répondre à la crise de légitimité en ressoudant ses partisans grâce au carburant traditionnel du régime : l’antiaméricanisme. »

Selon le chercheur, la poursuite de la politique de pression maximale de Washington sur le régime ne peut qu’aider Khamenei à accomplir son dessein : la domination totale de son camp sur le régime. Le guide a ainsi désigné comme des ennemis de l’intérieur à la solde de l’étranger ceux qui ont manifesté contre les mensonges du régime au sujet du crash au cours des jours qui ont suivi la reconnaissance par les autorités de leur responsabilité, rendue inévitable par des pressions extérieures.

La mémoire des victimes, un enjeu politique

Dans ce contexte, la mémoire des victimes est devenue un enjeu politique. Le régime se les attribue, en les qualifiant de martyr et en proposant aux familles des avantages financiers qui sont associés à ce titre, afin de les réduire au silence. Leurs funérailles sont placées sous haute surveillance. Jour après jours, partout dans le pays, leurs cadavres — ou ce qu’il en reste — sont portés en terre dans une ambiance alourdie par la présence massive des membres des services de renseignement et des gardiens de la révolution, responsables du crash.

iran22

Un Iranien ayant assisté dans la ville de Babol, au nord, aux funérailles de Mohammad Abbaspour, étudiant en génie mécanique au Canada tué à 33 ans dans le crash, a décrit au Monde les méthodes du pouvoir pour contrôler les démonstrations de deuil : « Les partisans du régime et les forces de sécurité nous ont pris le cercueil des mains dès que nous sommes sortis de la rue où habite la famille. Le corps de Mohammad a été porté jusqu’au cimetière par ses assassins. Nous ne pouvions faire rien de plus que regarder. » Sur son compte Instagram, l’époux d’une victime du crash a publié jeudi une photographie du cercueil de sa femme orné d’un écriteau portant le mot de « martyr » avec ce commentaire : « Pardonne-nous si nous n’avons pas pu leur résister. Tu es une martyre, mais pas celle qu’ils croient. Tu es la martyre d’une cause opposée à celle de ces oppresseurs ignorants. »

« Khamenei n’a pas besoin d’essayer de convaincre ceux qui ont manifesté leur colère à l’encontre des autorités, au contraire », estime le politologue iranien installé aux Etats-Unis Mohsen Milani. « En 1978, face à des manifestations massives, le chah Mohammad Reza avait prononcé un discours important dans lequel il a déclaré avoir entendu la voix de la révolution, admis que de grandes erreurs avaient été commises et s’est engagé à réformer le système », rappelle M. Milani : « Ainsi, le chah a affaibli et mis en colère sa base de soutien. Quelques mois plus tard, il a été renversé. Khamenei s’en souvient. Il a fait exactement le contraire dans son sermon. »

Signe d’une lutte interne

L’appel à la base et le discours dur porté par le guide se place par ailleurs dans le contexte d’une lutte entre les partisans d’Ali Khamenei et les modérés dont le président Hassan Rohani est la principale figure actuelle. « La crise de légitimité accentue la lutte interne qui se trame au sein du régime », estime Ahmad Salamatian ancien vice-ministre des affaires étrangères de la République islamique et fin connaisseur de ses arcanes. « Les gestionnaires qui se réclament avec Rohani de la légitimité du suffrage universel dans les limites posées par la République islamique s’opposent à ceux qui, issu des organes militaires, se réclament d’une légitimité révolutionnaire. Les seconds, liés au guide, sont sur la défensive mais ont l’avantage dans le rapport de force en période de tensions. »

Signe de cette lutte interne, dans l’assistance, le président, Hassan Rohani, paraissait en colère. Tout au long du sermon, il a froncé les sourcils, la tête baissée. La ligne fixée par le guide s’inscrit en opposition aux principes de « réconciliation nationale » qu’il avait mis en avant dans son discours au gouvernement de mercredi. M. Rohani s’était alors livré à un exercice de contrition impossible. Prétendant répondre aux attentes de transparence exprimées dans l’opinion, il avait dénoncé à demi-mot les dysfonctionnements structurels du régime tout en chantant dans le même mouvement les louanges des responsables du crash, les gardiens de la révolution. Le guide a-t-il cherché à humilier le président qu’il avait soutenu en 2013, lui donnant pour mandat de négocier sur le dossier nucléaire ? A la fin de la prière, Hassan Rohani a quitté précipitamment la salle, avant tous les autres dans l’assistance. Geste interprété sur les réseaux sociaux et par certains analystes comme un signe d’opposition aux propos du guide.

Le guide a en effet aussi profité de son sermon pour s’attaquer à l’héritage diplomatique du président Rohani et son ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, depuis le retrait des Etats-Unis en 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien. Téhéran avait alors tenté d’exercer des pressions sur les trois pays Européens signataires pour qu’ils garantissent les bénéfices économiques prévus par l’accord malgré le renforcement des sanctions américaines. Les efforts allant en ce sens, qui avaient culminé avec la médiation tentée par le président français, Emmanuel Macron, en septembre, ont tous échoué. Mardi, les Européens ont déclenché le mécanisme de résolution des conflits prévu par l’accord nucléaire, une mesure considérée comme hostile par Téhéran.

Devant Rohani et son gouvernement réuni à ses pieds, le guide en a pris acte en qualifiant les puissances européennes de « subalternes » des Etats-Unis. « Ce trio comme je le disais dès le début des négociations n’a aucune indépendance d’action. Il ne mérite pas confiance », a ainsi déclaré le guide. Mohammad Javad Zarif, le visage souriant de la diplomatie iranienne, n’était pas là pour l’entendre. Il devait rencontrer à Mascate, la capitale du sultanat d’Oman, son homologue canadien, François-Philippe Champagne. Ottawa, dont 63 citoyens ont péri dans le crash provoqué par les gardiens de la révolution et qui a révélé la responsabilité des forces armées iraniennes, mène l’offensive diplomatique visant à obtenir des réparations de l’Iran.

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18 janvier 2020

Russie - En réformant la Constitution, Poutine jette les bases d’un pouvoir à vie

poutine

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

L’annonce par Vladimir Poutine d’un train de réformes constitutionnelles, immédiatement suivie de la démission du Premier ministre Dmitri Medvedev, est interprétée par ses opposants et de nombreux observateurs comme la mise en place d’un système institutionnel destiné à lui assurer le pouvoir à vie.

“Un coup de tonnerre dans un ciel clair.” C’est ainsi qu’un ministre russe, aussi surpris que ses compatriotes, a décrit les multiples rebondissements de la journée de mercredi. En l’espace de quelques heures, Poutine a annoncé une vaste révision constitutionnelle, accepté la démission de Medvedev et nommé un nouveau Premier ministre, Mikhaïl Michoustine – un technicien inconnu du grand public.

En proposant de redéfinir l’équilibre entre le président – aujourd’hui tout-puissant – et le Parlement, “Vladimir Poutine a dessiné une nouvelle architecture du pouvoir, sans pour autant y définir sa place”, se bornant à confirmer qu’il quitterait son poste en 2024, comme l’exige la Constitution, écrit Le Temps.

“Les commentateurs de la vie politique russe s’accordent sur le fait que Vladimir Poutine compte dans tous les cas conserver une fonction prédominante dans la verticale du pouvoir qu’il a construit et remodèle à sa guise”, poursuit le quotidien. “La fonction reste aujourd’hui dissimulée, tandis que l’identité est connue de tous.”

Un avis partagé par Mikhaïl Kassianov, un ancien Premier ministre de Poutine passé depuis dans l’opposition, cité par le site de RFE-RL. “Ce qu’il faut retenir de ce discours, c’est que Poutine n’est pas près de partir et qu’il essaie de le dissimuler avec un présumé renforcement du rôle de la Douma et du Conseil fédéral”, dit-il.

Le fait que les réformes annoncées rognent le pouvoir présidentiel semble confirmer que Poutine chercherait une façon de garder le contrôle du pays en occupant une autre fonction, selon le Washington Post.

“Bien que certains de ses opposants assurent qu’il pourrait quand même essayer de rester président, d’autres voient les annonces de mercredi comme la mise en place d’un transfert de pouvoir plus sophistiqué”, analyse le quotidien.

Multiples scénarios

Toutes les hypothèses étant sur la table, chacun y va de son scénario.

Dans une colonne d’opinion pour l’agence Bloomberg, Leonid Bershidsky identifie trois voies possibles pour Poutine : “L’une serait de devenir Premier ministre avec des pouvoirs renforcés et de rester indéfiniment. Une autre serait d’essayer de diriger le pays depuis la présidence du Parlement. La troisième serait de gouverner depuis les coulisses, comme chef du parti majoritaire au Parlement – à la manière dont Jaroslaw Kaczynski, leader du parti Droit et justice, gouverne la Pologne”.

Cette dernière option est qualifiée de “probable” par le New York Times. Le quotidien rappelle qu’elle a aussi été appliquée avec succès par Noursoultan Nazarbaev lorsqu’il était président du Kazakhstan : “II a pris la tête du parti majoritaire et adopté le nouveau titre de ‘leader du peuple’.”

Dans son analyse, le Moscow Times cite Tatiana Stanovaïa, du Carnegie Moscow Center, qui penche plutôt pour une prise de contrôle du Conseil d’État, une institution qui pourrait étendre son emprise à tous les niveaux de pouvoir, “des gouverneurs à l’administration présidentielle, en passant par les ministres et les siloviki – ces responsables liés aux forces de police”.

Selon elle, un tel poste offrirait à Poutine “une grande capacité de contrôle, tout en le libérant des problèmes quotidiens”.

The Economist considère pour sa part que la fonction de Poutine à l’avenir importe peu, la Russie n’étant pas “une vraie démocratie”. Il pourrait tout aussi bien être président de l’Association nationale de bridge – seul poste officiel de Deng Xiaoping à la fin de sa vie, alors qu’il dirigeait encore la Chine, rappelle le magazine, non sans ironie. Il déplore en revanche le silence de l’Occident face à ces manœuvres.

“Il fut un temps où les États-Unis auraient protesté contre une telle manipulation des règles. Pas sous Donald Trump. Le président américain ne cache pas son admiration pour les hommes forts”, écrit le titre britannique. “Et voir M. Poutine s’accrocher au trône ne suscitera probablement qu’un murmure de l’Union européenne, effrayée par l’essor de la Chine et dépendante du gaz russe.”

“Les autocrates du monde entier suivront avec intérêt les développements à Moscou, pour voir si M. Poutine peut leur donner des idées utiles pour prolonger leurs propres mandats, poursuit le magazine. Quant aux démocrates, leur seule consolation est que même les dirigeants à vie ne sont pas éternels.”

15 janvier 2020

Enquête - Hong Kong : Rester ou partir, le dilemme des expats

SOUTH CHINA MORNING POST (HONG KONG)

En proie à une crise sans précédent, Hong Kong n’est plus le pays d’expatriation idéal pour le business. Pour les Français sur place, la question se pose : faut-il quitter le pays ?

Les manifestations antigouvernementales ont convaincu une expat installée de longue date à Hong Kong – elle souhaite rester anonyme afin que son nom ne soit pas associé aux manifestations – de faire une liste des affaires à emporter au cas où la situation tournerait au vinaigre. Elle a recensé tous les objets à réunir au cas où elle aurait à fuir rapidement, a rangé cette liste dans le tiroir de son bureau, et y a trouvé un certain réconfort.

“Ce n’est pas long, comme liste, explique-t-elle. Les bijoux de ma mère, mon passeport et quelques photos, c’est à peu près tout.” Mais le fait de coucher cette liste sur le papier, confie-t-elle, lui a donné l’impression d’être à peu près préparée au cas où le conflit la pousserait à fuir la ville où elle a posé ses valises voilà 28 ans.

Elle fait partie de ces étrangers qui représentent près de 10 % des 7,5 millions d’habitants de Hong Kong. Beaucoup jaugent en ce moment les risques de rester dans une ville jusque-là connue pour sa stabilité et désormais la proie des troubles depuis des mois.

Plans d’urgence et lignes jaunes

Pour autant, on ne relève jusqu’à présent aucun signe d’exode. Les chiffres de l’immigration donnent 731 082 étrangers installés à Hong Kong en novembre 2018. Un an plus tard, ce chiffre s’élève à 726 032. Il comprend les aides ménagères, originaires pour la plupart des Philippines et d’Indonésie, soit environ 400 000 personnes, selon les statistiques des services de l’immigration.

Les étrangers qui travaillent dans le secteur de la finance ou qui dirigent des entreprises à Hong Kong se posent des questions sur leur sécurité et celle de leurs enfants à l’heure où les gaz lacrymogènes, les briques, les balles en caoutchouc et les cocktails Molotov remplacent le tourisme et le lèche-vitrines dans les rues de la ville.

Les plans d’urgence et les “lignes jaunes” divergent d’une personne et d’une famille à l’autre, mais beaucoup reconnaissent avoir eu des discussions animées avec un conjoint ou la famille restés au pays au sujet de la meilleure décision à prendre depuis que les manifestations globalement pacifiques de juin contre un projet de loi sur l’extradition ont dégénéré en batailles rangées entre la police et des manifestants radicaux.

Un banquier de 33 ans originaire de Nouvelle-Zélande, qui souhaite également rester anonyme, n’a pas établi de liste mais a amplement discuté avec sa femme, et tous deux ont décidé d’aller chercher du travail ailleurs, après quatre années passées dans la ville. “On constate que Hong Kong a changé radicalement, ce n’est plus le centre d’affaires que c’était”, relève-t-il.

Il y a les confiants…

Un autre expat, un courtier originaire de Corée du Sud, témoigne : partir ne fait pas partie des options pour ce trentenaire et sa famille. Son épouse, hongkongaise, et lui viennent d’avoir un bébé qu’ils ont bien l’intention d’élever à Hong Kong. Mais si la ville est plus intéressante pour lui professionnellement, il n’en a pas moins une ligne jaune.

L’histoire de la Corée du Sud est émaillée de mouvements antigouvernementaux lancés par les étudiants, par exemple dans la ville de Gwangju en 1980, où l’usage de la force par l’armée s’était soldé par la mort de plusieurs centaines de personnes : “Sauf événement grave de cette ampleur, je resterai à Hong Kong, même si le risque est toujours là – on sait tous que la Chine peut prendre des mesures radicales”, observe-t-il, réclamant à son tour l’anonymat en échange de son témoignage.

… et les nostalgiques

Les qualités qui séduisent les étrangers à Hong Kong – la sécurité, la stabilité et les loisirs – ont du plomb dans l’aile. Hong Kong est un des principaux centres financiers du globe, mais l’instabilité et la violence contrebalancent désormais la perspective de salaires juteux et de carrières alléchantes.

“On attend de voir. Ça dépendra de ce qui se passe à Noël ; beaucoup de gens retourneront voir leurs familles et se demanderont ce qu’ils vont faire”, remarque Tara Joseph, présidente de la chambre de commerce américaine à Hong Kong.

“Les gens se demandent s’ils ont pris la bonne décision”

Certains ont déjà décision prise. Un ancien militaire américain installé à Hong Kong explique qu’il n’a pas envie de vivre dans une ville où “la violence [est] tolérée” et prévoit d’émigrer à Singapour. “Je ne veux pas que mon enfant et ma femme vivent dans la peur”, justifie ce cadre américain de 39 ans, né à Hong Kong. “Quand vous avez deux régimes politiques différents, il y aura forcément une fusion, mais ça va prendre du temps. Personnellement, je n’ai pas le temps d’y prendre part… Ce n’est pas mon combat.”

La plupart des étrangers que j’ai interrogés disent comprendre l’opposition au projet de loi sur l’extradition et soutenir les appels à la démocratie lancés par les manifestants, mais dénoncent la violence et le vandalisme. D’autres s’inquiètent de la gestion des troubles par l’État et la police. Tous sont dans le flou.

Président du Forum des travailleurs indiens de Hong Kong, Anurag Bhatnagar s’y est installé en 1995, et ce n’est pas le premier mouvement social d’envergure auquel il assiste. “Ce qui m’a surpris, quand même, c’est la violence – que les choses aient pu déraper comme ça”, confie-t-il, précisant qu’il s’agit ici de son opinion personnelle, et non de celle de son organisation.

Ce négociant en matières premières et fondateur d’une société technologique explique que beaucoup de gens, dans son entourage, s’inquiètent du tour que prennent les manifestations et déplorent le manque de volontarisme du gouvernement. “Finalement, tous les expats qui se sont installés à Hong Kong y sont venus pour des raisons à la fois professionnelles et personnelles. Quand l’avenir devient flou, politiquement, les gens se demandent s’ils ont pris la bonne décision”, fait-il remarquer.

Des devis de déménagements en hausse

Si beaucoup d’entreprises sont impactées, les sociétés de déménagement observent quant à elles une multiplication des demandes de devis et s’attendent à une année 2020 chargée. Dans la plupart des cas, les manifestations ne sont que l’élément déclencheur du déménagement, et non la cause profonde, observe Lars Kuepper, directeur commercial de la société de déménagement Relosmart :

Ce n’est pas vraiment à cause des manifestations, même si elles ont servi d’élément déclencheur – ce sont des gens qui envisageaient de déménager depuis un certain temps à cause du coût de la vie et des frais de scolarité pour les enfants, et les derniers événements ont précipité leur prise de décision.”

L’entreprise a assuré 125 déménagements en octobre, soit deux fois plus que l’année précédente, dont près de la moitié pour des expatriés, précise-t-il. “C’est du sept jours sur sept en ce moment”, poursuit Lars Kuepper.

Les employeurs tranchent

Si on ne voit aucun signe d’exode, on constate en revanche un ralentissement du recrutement international. Certaines banques et multinationales cherchent également à répartir le risque en délocalisant certaines activités hors de Hong Kong.

“Ça ne veut pas dire qu’elles vont délocaliser l’ensemble de leurs activités, mais elles font une liste et voient ce qui doit impérativement rester à Hong Kong et ce qu’elles pourraient éventuellement mettre ailleurs”, constate Stephen West, directeur commercial du cabinet de conseil Quartermain Alpha à Hong Kong.

Il précise qu’il n’est pas inhabituel que les entreprises revoient leur stratégie de maîtrise du risque, mais qu’une fois installées ailleurs les chances de retour sont faibles.

Selon une enquête publiée [en novembre 2019] par la chambre de commerce et d’industrie japonaise à Hong Kong, plus d’un tiers des 270 entreprises qui y ont répondu envisageaient de rapatrier au Japon les familles de leurs employés sur place, ou l’avaient déjà fait. Seize entreprises faisaient savoir qu’elles relocaliseraient l’ensemble de leurs effectifs au Japon avant la fin 2019, et 90 autres disaient l’envisager. En revanche, d’autres marquaient leur intention de rester sur place.

Des entreprises restent optimistes

Tara Joseph, de la chambre de commerce américaine, assure ainsi que bon nombre de grandes entreprises américaines “tiennent absolument à rester”. Une étude conduite par la chambre de commerce, publiée en octobre, montre que moins d’un quart des entreprises membres envisagent de réduire la voilure ou de quitter Hong Kong.

Le président de la chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, Jörg Wuttke, s’est également dit “frappé” par l’optimisme des entreprises étrangères au vu des événements en cours.

Beaucoup d’étrangers installés de longue date ont tissé avec la ville un lien qui n’est pas uniquement financier, mais aussi personnel, et ont hâte de voir Hong Kong se relever de cette épreuve. Bhim Prasad Kafle, vice-président de la chambre de commerce népalaise de Hong Kong, confirme : “[Les deux camps] doivent s’asseoir autour de la table des négociations et trouver une solution. Il le faut, c’est la seule option”, tranche-t-il.

Bhim Prasad Kafle, qui s’est installé à Hong Kong voilà 24 ans pour y faire des études dans l’industrie hôtelière, observe une baisse de 30 % de l’activité de son groupe de restauration situé dans le célèbre quartier [gastronomique] de Soho. Mais il n’en reste pas moins optimiste sur la capacité de la ville à rebondir. “Hong Kong a toujours été comme ça : quand [l’activité] redémarre, c’est sur les chapeaux de roue”, dit-il.

La fin d’une ère idyllique pour les expatriés ?

Le redressement de Hong Kong dépendra des enjeux clés qui ont fait descendre des millions de personnes dans la rue cette année : comment la ville se définira-t-elle dans sa relation au continent ? “Il va falloir que les politiques déploient des trésors de créativité pour redresser la barre et dessiner un projet pour Hong Kong”, prévient Michael Pepper, un avocat d’affaires installé dans la ville depuis plus de vingt ans.

“Il faut vraiment qu’on comprenne dans les cinq ans ce qui nous attend au-delà de 2047”, poursuit-il, faisant référence à la date où prendra fin le principe du “Un pays, deux systèmes” institué par la Déclaration sino-britannique qui définissait les termes de la rétrocession de Hong Kong à la Chine le 1er juillet 1997. L’indépendance du pouvoir judiciaire de Hong Kong avait permis à la ville de se poser en intermédiaire de confiance entre les entreprises étrangères et la Chine continentale.

Tara Joseph, de la chambre de commerce américaine, reconnaît que les troubles qui agitent en ce moment Hong Kong amènent à sérieusement s’interroger sur l’avenir :

Il faut se poser la question honnêtement, et dès maintenant : il y a eu l’époque coloniale, puis la rétrocession voilà de ça vingt ans… et les choses n’ont pas vraiment changé, les expats ont toujours plus ou moins les mêmes privilèges. Peut-être qu’on est on en train d’entrer dans une troisième ère, où les expats resteront sur place, mais avec un niveau de risque accru, où il n’y aurait plus cette coexistence des deux régimes… Ça a été une année riche en émotions. Tout le monde va essayer de digérer tout ça, y compris moi.”

Et vous, où placeriez-vous votre ligne jaune ?

Simone McCarthy

Cet article a été publié dans sa version originale le 27/12/2019.

Source

South China Morning Post

HONG KONG http://www.scmp.com/

13 janvier 2020

Pour Nancy Pelosi, « il y a assez de preuves pour destituer » Donald Trump

A la tête des démocrates à la Chambre des représentants, l’élue de Californie entame une semaine cruciale pour enclencher le processus qui devrait voir le président américain être jugé par le Sénat, à majorité républicaine.

Nancy Pelosi en est convaincue : « Il y a assez de preuves pour destituer le président. » La speaker (présidente) démocrate de la Chambre des représentants s’est montrée offensive, dimanche 12 janvier, lors d’une interview sur la chaîne ABC. Il faut dire que son camp joue gros, alors que Donald Trump ne cesse de dénoncer un « canular » à propos de la procédure de destitution, lancée en décembre 2019.

« Pourquoi devrais-je avoir le stigmate de l’impeachment collé à mon nom alors que je n’ai RIEN fait de mal ? », a tempêté le président dimanche sur Twitter. Il s’en est de nouveau pris à l’opposition démocrate, exigeant que « la nerveuse Nancy » Pelosi et Adam « Schiff le fourbe », qui a supervisé l’enquête contre M. Trump, soient entendus en tant que témoins.

Dans un tweet ultérieur, Donald Trump a estimé que l’affaire devrait être close sans procès, déclarant que toute procédure au Sénat apporterait une crédibilité indue à ce qu’il considère comme une « chasse aux sorcières » menée contre lui par ses opposants démocrates.

Improbable destitution

Nancy Pelosi avait donné vendredi son feu vert pour l’envoi la semaine prochaine de l’acte d’accusation de Donald Trump à la chambre haute, après plusieurs semaines de bras de fer avec les républicains, ouvrant ainsi la perspective d’un procès en destitution imminent. Elle a confirmé dimanche qu’elle réunirait ses troupes mardi pour fixer le calendrier.

L’actuel locataire de la Maison Blanche est devenu le mois dernier le troisième président de l’histoire des Etats-Unis à être mis en accusation à la Chambre des représentants – « impeached » en anglais – dans l’affaire ukrainienne. Il a néanmoins peu de chances d’être destitué au Sénat, où les élus républicains, majoritaires, lui restent fidèles. « Nous avons confiance dans l’impeachment. Et nous croyons qu’il y a assez de témoignages pour le destituer », a au contraire assuré Nancy Pelosi.

Le témoignage de John Bolton, enjeu de taille

Elus républicains et démocrates croisent le fer sur un autre sujet majeur, le témoignage de John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. M. Bolton s’est dit prêt à témoigner au procès du président américain, à condition d’être formellement convoqué par le Sénat. Or Donald Trump a laissé entendre vendredi, interviewé par la chaîne Fox News, qu’il pourrait empêcher l’un de ses anciens bras droit d’être entendu, invoquant le « privilège exécutif ».

De son côté, Nancy Pelosi n’a pas exclu, si la majorité républicaine au Sénat ne convoquait pas M. Bolton, de l’auditionner à la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates. Les démocrates accusent Donald Trump d’avoir abusé de son pouvoir en demandant à l’Ukraine d’enquêter sur Joe Biden, un rival potentiel à la présidentielle de novembre.

Ils ont voté le 18 décembre 2019 à la Chambre des représentants deux articles de mise en accusation de Donald Trump, pour « abus de pouvoir » et « entrave à la bonne marche du Congrès ».

13 janvier 2020

Portrait - Tsai Ing-wen réélue présidente de Taïwan : une femme singulière face à la Chine de Xi Jinping

Par Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant

Réélue samedi pour un second mandat de quatre ans, l’avocate défend les valeurs de la démocratie à l’occidentale, contrastant avec la fermeté du dirigeant chinois.

Cette femme est la bête noire de Xi Jinping. La chef d’un Etat qui, aux yeux du président chinois, n’existe pas. L’usurpatrice qui l’empêche d’accomplir sa « mission historique » : « réunifier » la République populaire de Chine et Taïwan, cette île où les nationalistes trouvèrent refuge lors de l’arrivée de Mao au pouvoir, en 1949, et dont les communistes n’ont jamais reconnu l’indépendance. Tsai Ing-wen vient pourtant d’être réélue au suffrage universel, samedi 11 janvier, présidente de la République de Chine – nom officiel de Taïwan – pour un second mandat de quatre ans. Elle a recueilli 57,1 % des voix, selon les résultats définitifs.

A 63 ans, Tsai Ing-wen est l’exacte opposée de Xi Jinping, de trois ans son aîné. Bien plus qu’un simple détroit, deux mondes les séparent. Lui est fils d’un « prince rouge », intime de Mao et de Deng Xiaoping ; elle est l’une des neuf enfants d’un riche garagiste de Taïwan. Lui est ingénieur chimiste, diplômé de Tsinghua, l’université de l’élite communiste ; elle est avocate, diplômée de l’université de Taipei, mais aussi de l’université Cornell (Etats-Unis) et de la London School of Economics (LSE). Lui ne jure que par Marx et par Mao, elle admire Margaret Thatcher et Angela Merkel. Lui a épousé une star de la chanson, elle garde le secret le plus absolu sur sa vie privée. Lui a traduit sa « pensée » politique en livres, elle a longtemps rechigné à s’exprimer en public.

Surtout, Tsai Ing-wen symbolise, au sein même du monde chinois, la démocratie à l’occidentale, celle qui s’appuie sur les 23 millions de Taïwanais pour dire non à Pékin. Pas question d’être soumis demain au principe « un pays, deux systèmes », comme le sont aujourd’hui Macao et Hongkong. « Accepter serait trahir la confiance et la volonté du peuple de Taïwan », explique la présidente. Pour elle, la République de Chine est « une réalité » que Pékin doit accepter. « Les valeurs démocratiques sont les valeurs et le mode de vie que les Taïwanais chérissent, et nous appelons la Chine à s’orienter courageusement vers la démocratie. C’est la seule façon pour eux de vraiment comprendre les idées et les engagements du peuple de Taïwan », répond-elle, le 2 janvier 2019, à Xi Jinping qui, quelques heures plus tôt, n’a pas exclu de recourir à la force pour accomplir sa « mission ».

L’ordre du patriarche

Singulière au sein du monde chinois, Tsai Ing-wen l’est aussi à Taïwan. Non seulement parce qu’elle est la première femme à avoir atteint ce niveau de responsabilité, mais aussi parce que son grand-père paternel est issu de la minorité Hakka et sa grand-mère paternelle une aborigène Paiwan, deux ethnies dont la langue n’est ni le mandarin ni le taïwanais et qui, de ce fait, sont plutôt marginalisées. L’ascension politique de Tsai Ing-wen constitue donc une exception sur la scène politique. Surtout qu’elle n’a pas d’assise locale. Durant toutes les années – jusqu’en 2000 – où les nationalistes du Kouomintang (KMT) ont été au pouvoir à Taïwan, les leaders pro-indépendantistes du parti de Tsai Ing-wen, le DPP (Parti démocrate progressiste), ont souvent dû se contenter de militer sur le terrain, sans perspective nationale. Rien de tel pour Mme Tsai. Grâce à l’argent de son père, elle a pu partir pour New York mener, selon une de ses rares confidences, « une vie révolutionnaire » avant de traverser l’Atlantique pour intégrer la LSE, où elle passera un doctorat sur le commerce international, en 1984.

Une fois ses études terminées, la jeune femme n’a pas le choix : son père la rappelle à Taipei. Le patriarche, qui a fait fortune dans le commerce automobile puis l’immobilier, l’a certes poussée à faire des études, mais il compte aussi sur elle pour s’occuper de lui. Dans la culture confucéenne dans laquelle elle a été élevée, les désirs paternels sont des ordres. Tsai Ing-wen revient donc à Taipei, cette fois comme professeure de droit. C’est là que, dix ans plus tard, le Kouomintang, alors au pouvoir, la repère. Elle devient consultante pour le Conseil des affaires avec « le continent » – à Taïwan, on ne parle pas de « la Chine », puisque le gouvernement de Taipei, comme celui de Pékin, se considère comme le seul représentant du pays. A ce titre, selon Hong Yaonan, un responsable de sa campagne, qui connaît Tsai Ing-wen depuis de nombreuses années, celle-ci effectue deux visites « de l’autre côté du détroit » : une à Pékin et une à Shanghaï, en 1998. Les premières et les dernières. Depuis, elle n’y est jamais retournée. Signe que le sujet demeure sensible, le Conseil des affaires continentales refuse de confirmer ces visites.

« ELLE EST COMME UNE MINI AUSTIN. ELLE EST PETITE, INTROVERTIE, MAIS ELLE AIME LES DÉFIS ET RIEN NE L’ARRÊTE »

WELLINGTON KOO, AVOCAT PROCHE DE LA PRÉSIDENTE

A la même époque, Tsai Ing-wen fait partie de la délégation chargée de négocier l’entrée de Taïwan dans l’Organisation mondiale du commerce. L’île n’y est pas admise en tant que pays, mais – concession à Pékin – comme « territoire douanier souverain ». « Ç’a été une expérience déterminante pour elle, explique l’avocat Wellington Koo, un de ses proches, aujourd’hui président de la commission de supervision du secteur financier de Taïwan. Elle voit la politique à travers l’économie et la finance. Pour elle, la vraie indépendance est avant tout économique. Tsai Ing-wen n’est pas contre la Chine. Elle veut juste que Taïwan ait sa place dans l’économie mondiale. »

Pour décrire son amie, cet homme malicieux ose une comparaison audacieuse : « Elle est comme une Mini Austin. Elle est petite, introvertie, mais elle aime les défis et rien ne l’arrête. » Selon son entourage, son principal défaut est d’être une « techno » cérébrale et timide. « Elle a vraiment dû beaucoup travailler sur elle-même pour aller à la rencontre des gens », reconnaît M. Koo.

Cuisine politique

De fait, ses premiers pas en politique furent laborieux. « Petite Ing », comme l’appellent les Taïwanais, se cachait derrière ses collègues lorsqu’ils faisaient du porte-à-porte. « Elle était comme un lapin dans une forêt, entourée par des loups, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti », a confié un de ses collègues au magazine Time. Tsai Ing-wen a pris le parti d’en rire. « J’ai accepté de venir soutenir le candidat local [aux élections législatives] à condition qu’il ne me demande pas de chanter », expliquait-elle durant la campagne, lorsque les meetings démarraient, comme c’est parfois le cas, par un karaoké. Ses communicants s’arrachent les cheveux. En 2019, son jeune directeur de la communication a tourné une vidéo les présentant, la présidente et lui, faisant la cuisine. Une mise en scène à laquelle certains journalistes étrangers ont également eu droit. Surtout, ses animaux de compagnie sont devenus de véritables stars. Chacun, à Taïwan, sait que cette célibataire n’a pas d’enfants, mais qu’elle a adopté trois chiens et, surtout, deux chats. Ces derniers, Think Think et Ah Tsai, figuraient d’ailleurs en bonne place sur les affiches de campagne.

Si elle n’est pas une grande oratrice, Mme Tsai peut, quand elle fend l’armure, émouvoir son public. En 2012, son discours, au soir de sa défaite à la présidentielle, est devenu viral sur les réseaux sociaux, bien au-delà de Taïwan. De l’avis général, ce fut sa meilleure prestation. Analysant de façon sincère son échec, elle a fait pleurer la plupart de ses jeunes partisans venus l’écouter. « Vous pouvez pleurer, mais ne vous découragez pas », leur dit-elle. Même sa garde rapprochée sert les dents pour ne pas craquer. Car « Tsai-la-techno » a fini par prendre goût à la politique. En 2000, la victoire du DPP, parti pro-indépendantiste, change la donne. Tsai Ing-wen devient présidente du fameux Conseil pour les affaires continentales. Un poste évidemment délicat pour cette femme contrainte de faire face à des interlocuteurs chinois qui redoutent la ligne pro-indépendantiste du nouveau pouvoir. Elle n’est pas encore adhérente au DPP, mais ses sympathies pour le « parti vert » ne font aucun doute. « C’est à ce poste qu’elle a vraiment compris qu’il ne fallait pas que la Chine s’empare de Taïwan », confie Hong Yaonan.

En 2004, elle prend d’ailleurs sa carte au DPP. Quatre ans plus tard, elle en devient la présidente. Une ascension fulgurante au sein d’un parti en ruine. Il a perdu les élections et le premier président DPP de l’histoire, Chen Shui-bian, sera condamné quelques mois plus tard à la prison à vie pour corruption et détournement de fonds. Echouant à ravir la mairie de New Taipei en 2010, puis à devenir présidente en 2012, Tsai Ing-wen doit démissionner de la présidence de sa formation politique. Sa traversée du désert sera brève. Deux ans plus tard, elle retrouve son siège de présidente et, après une large victoire aux élections locales de 2014, dans la foulée du « mouvement des tournesols » – l’occupation du Parlement contre un projet d’accord de libre-échange avec la Chine –, elle se porte à nouveau candidate à la présidence de la République en 2016.

Attirer l’attention

Cette deuxième tentative sera la bonne. Tsai Ing-wen l’emporte avec plus de 56 % des suffrages, face à son adversaire du KMT. Le 20 mai 2016, elle devient officiellement la première présidente de la République de Chine et la première femme à présider une démocratie en Asie sans succéder à son père ou à son mari. Une victoire que Xi Jinping célèbre à sa façon. A partir d’août 2016, l’armée de l’air chinoise multiplie les vols autour de l’île, et la marine enchaîne les manœuvres dans le détroit. A la fois pour affirmer son autorité sur l’armée et pour montrer à Pékin sa détermination, Tsai Ing-wen consacre une bonne partie de son temps aux dossiers militaires. « Durant les deux premières années de son mandat, elle a effectué au moins une visite par semaine aux forces armées », observe Lai I-chung, président du centre de réflexion Prospect Foundation. Outre une étroite collaboration avec les Etats-Unis, Tsai Ing-wen entend promouvoir l’industrie nationale. « La défense, y compris la cybersécurité, est l’une de ses priorités à la fois économiques et politiques », note Lai I-chung.

Sans jamais franchir la ligne rouge – déclarer formellement l’indépendance de Taïwan, souhaitée par certains membres de son parti –, Tsai Ing-wen n’entend pas se laisser impressionner. Son appel téléphonique à Donald Trump, en 2016, alors qu’aucun président américain ne parle plus à un dirigeant taïwanais depuis la reconnaissance de la Chine populaire et la rupture des relations avec Taïwan en 1979, restera dans les annales. Plus discrètement, Tsai Ing-wen a aussi reçu, au printemps 2019, plusieurs initiateurs d’un colloque organisé à Taipei par d’anciens responsables du mouvement étudiant de Tiananmen. Et si la reconnaissance du mariage homosexuel – une première en Asie – n’était pas dirigée contre Pékin, c’était aussi un moyen d’attirer l’attention du monde sur cette petite île, quasiment privée par la Chine d’alliés diplomatiques. « Moins on parlera de Taïwan, mieux cela vaudra », affirment souvent les diplomates occidentaux, soucieux de ne pas fâcher Pékin. Manifestement, la dame de Taipei pense exactement l’inverse.

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12 janvier 2020

Crash du vol Ukrainian Airlines : l’Iran face aux critiques internationales et à la contestation intérieure

Des étudiants se sont rassemblés à Téhéran en hommage aux victimes. Le président américain a averti le régime qu’il ne pouvait « pas y avoir un autre massacre de manifestants pacifiques ».

La pression est maximale sur le régime iranien, et elle vient désormais de toute part. Donald Trump a averti, samedi 11 janvier, qu’il ne pouvait « pas y avoir un autre massacre de manifestants pacifiques, ni une coupure d’Internet » en Iran, en référence au mouvement de contestation qui avait eu lieu dans le pays en novembre 2019. « Le monde regarde », a averti sur Twitter le président américain, à la fois en anglais et en farsi.

Plusieurs centaines d’étudiants se sont en effet rassemblés samedi soir dans la capitale iranienne, en réponse à une invitation à honorer les 176 victimes du Boeing ukrainien abattu « par erreur » par un missile iranien mercredi. Le rassemblement, à la prestigieuse université Amir Kabir de Téhéran, s’est transformé en manifestation de colère.

La foule a lancé des slogans dénonçant « les menteurs » et réclamant des poursuites contre les responsables du drame et ceux qui, selon les manifestants, ont tenté de le couvrir. La police iranienne a ensuite dispersé les étudiants, qui scandaient des slogans « destructeurs » et « radicaux », selon l’agence de presse iranienne Fars.

« Au brave peuple iranien, qui souffre depuis longtemps : je suis à vos côtés depuis le début de ma présidence, et mon administration continuera à être à vos côtés, a également tweeté Donald Trump. Nous suivons de près vos manifestations, et votre courage nous inspire. »

L’ambassadeur britannique arrêté

Les manifestations qui avaient éclaté mi-novembre en Iran, pour protester contre une forte augmentation du prix de l’essence, ont fait plus de 300 morts, selon l’ONG Amnesty International. L’accès à Internet avait été coupé à plusieurs reprises, notamment après des appels à commémoration lancés sur les réseaux sociaux, un mois après les manifestations.

Ce samedi, en marge de ce nouveau rassemblement, les autorités iraniennes ont brièvement arrêté l’ambassadeur du Royaume-Uni à Téhéran, a indiqué le ministre des affaires étrangères, Dominic Raab.

« L’arrestation de notre ambassadeur, sans fondement ou explication, est une violation flagrante de la législation internationale », a déclaré M. Raab. Selon le Daily Mail, l’ambassadeur a été arrêté pour avoir prétendument « incité » les manifestants à Téhéran qui exprimaient leur colère.

Il a été relâché environ une heure après, selon la même source. M. Raab a estimé que l’Iran devait choisir entre « sa marche vers un statut de paria » ou « prendre des mesures pour la désescalade et pour s’engager sur le chemin diplomatique ». Les Etats-Unis ont, quant à eux, appelé Téhéran à s’excuser pour cette arrestation.

Trudeau « furieux »

« Furieux », le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a exigé de son côté que l’Iran fasse toute la lumière sur la catastrophe du Boeing ukrainien, et a appelé Téhéran à en « assumer l’entière responsabilité », y compris financière.

« Ce matin, j’ai parlé au président iranien, Rohani, et je lui ai dit que les aveux de l’Iran (…) étaient un pas important en vue d’apporter des réponses aux familles, mais j’ai souligné que d’autres mesures doivent être prises », a expliqué M. Trudeau. « Il faut faire toute la lumière sur les raisons qui ont provoqué une tragédie aussi horrible », a-t-il martelé, exigeant que le Canada soit étroitement associé à l’enquête.

« Ce que l’Iran a reconnu est très grave, abattre un avion de ligne commercial est horrible, l’Iran doit en assumer l’entière responsabilité », a ajouté M. Trudeau. Il s’est dit « scandalisé et furieux » et a estimé que « cela n’aurait jamais dû arriver, même dans une période de tension accrue ».

Interrogé pour savoir si Ottawa comptait demander des compensations financières pour les familles des victimes canadiennes, le chef du gouvernement a répondu positivement. « C’est certainement quelque chose qui va devoir faire partie » des discussions, a reconnu M. Trudeau, qui a rencontré vendredi, loin des caméras, des familles de victimes à Toronto.

12 janvier 2020

Taïwan

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Taïwan : la présidente sortante réélue. La présidente sortante de Taïwan, Tsai Ing-wen, a été réélue samedi pour un nouveau mandat, un camouflet pour la Chine et sa campagne systématique d’intimidation de l’île, écrit le South China Morning Post. À peine réélue, la présidente de 63 ans a exhorté Pékin à “abandonner ses menaces contre Taïwan”. Les autorités chinoises, sans commenter directement le résultat de l’élection, ont rappelé dans un communiqué leur “opposition à toute forme d’indépendance de Taïwan”. Les États-Unis ont été parmi les premiers à féliciter Tsai Ing-wen pour sa réélection, par la voix de son secrétaire d’État Mike Pompeo : “Sous son leadership, nous espérons que Taïwan continuera à servir de brillant exemple pour les pays qui se battent pour la démocratie”, a-t-il déclaré.

11 janvier 2020

Crash près de Téhéran : l’armée iranienne reconnaît avoir abattu l’avion ukrainien par « erreur »

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L’appareil civil s’est écrasé mercredi peu après son décollage, faisant 176 victimes. Téhéran présente ses excuses pour un « désastre », conséquence de l’« aventurisme américain ».

L’état-major des forces armées iraniennes a déclaré samedi 11 janvier qu’une « erreur humaine » était à l’origine de la catastrophe du Boeing 737 d’Ukrainian Airlines. L’appareil, dans lequel 176 personnes ont été tuées, a été pris pour un « avion hostile » et a été « touché » alors que les menaces ennemies étaient au plus haut niveau, indique un communiqué publié par l’agence officielle IRNA. Il n’y a eu aucun survivant.

L’avion qui s’est écrasé mercredi quelques minutes après son décollage de l’aéroport de Téhéran avait survolé une zone située à proximité d’un site militaire sensible appartenant aux Gardiens de la révolution.

Dans ce communiqué relayé par la télévision publique, l’armée iranienne précise que les fautifs seront traduits devant un tribunal militaire et présente ses condoléances aux familles des victimes, qui sont pour la plupart des Iraniens et des Canadiens d’origine iranienne. « On vous assure qu’en poursuivant des réformes fondamentales dans les processus opérationnels au niveau des forces armées nous allons rendre impossible la répétition de telles erreurs », écrit encore l’état-major dans ce texte.

Le président iranien Hassan Rohani a affirmé que son pays regrettait « profondément » avoir abattu un avion civil ukrainien, « une grande tragédie et une erreur impardonnable » selon lui. « L’enquête interne des forces armées a conclu que de manière regrettable des missiles lancés par erreur ont provoqué l’écrasement de l’avion ukrainien et la mort de 176 innocents », a-t-il estimé sur Twitter, ajoutant que « les investigations se poursuivent pour identifier et traduire en justice » les responsables.

« Jour triste », écrit de son côté le ministre des affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif sur Twitter. Une « erreur humaine en des temps de crise causée par l’aventurisme américain ont mené au désastre », ajoute-t-il, « nos profonds regrets, excuses et condoléances à notre peuple, aux familles des victimes et aux autres nations affectées » par le drame.

Trudeau évoquait jeudi « un missile sol-air iranien »

Le crash de l’avion d’Ukraine Airlines a accru les pressions internationales contre l’Iran, sur fond de tensions croissantes entre Téhéran et Washington.

Depuis plusieurs jours, de nombreux doutes s’élevaient sur le caractère accidentel de la catastrophe. Dans le sillage de Newsweek, les médias américains diffusaient des citations anonymes de responsables du renseignement, tandis que des photos d’impacts extérieurs de shrapnels sur la carlingue, ou de restes d’un missile Tor à proximité du crash, étaient publiées sur les réseaux sociaux. Puis une première confirmation tombait, par l’entremise de Justin Trudeau, le premier ministre du Canada, dont 57 ressortissants – d’après un bilan légèrement révisé à la baisse –, pour beaucoup binationaux, sont morts dans le crash.

« Nous avons des informations de sources multiples, notamment de nos alliés et de nos propres services », montrant que l’avion a été abattu « par un missile sol-air iranien », avait ainsi précisé M. Trudeau, lors d’une conférence de presse jeudi, avant d’ajouter que l’acte n’avait peut-être pas été intentionnel.

A Téhéran, on demeurait sur la défensive après les déclarations du premier ministre canadien. Jeudi, Mohammad Javad Zarif avait dénoncé des « mises en scène douteuses » et appelé Ottawa à partager ses informations avec la commission d’enquête iranienne sur l’incident. « Scientifiquement, il est impossible qu’un missile ait frappé l’avion ukrainien, de telles rumeurs sont illogiques », affirmait Ali Abedzadeh, responsable de l’organisation de l’aviation civile iranienne, cité par l’agence de presse semi-officielle ISNA.

8 janvier 2020

James P. Rubin : « Une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran est aujourd’hui une réelle possibilité »

Par James P. Rubin, conseiller stratégique à Washington

L’assassinat du général iranien Ghassem Soleimani était justifié mais pas judicieux. Pour l’ancien secrétaire d’Etat adjoint de Bill Clinton, les Etats-Unis sont aujourd’hui isolés diplomatiquement et n’ont pas de stratégie claire même si leur capacité de dissuasion est rétablie.

Les tirs de drones américains de la semaine dernière, qui ont causé la mort du général iranien Ghassem Soleimani, suscitent de fiévreuses spéculations quant à la possibilité d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient, une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran. Contrairement à l’Irak, qui était l’adversaire des Américains lors des deux guerres du Golfe de 1991 et 2003, l’Iran a réellement la capacité de développer des armes nucléaires et a relancé des programmes à cette fin. Et, contrairement à Saddam Hussein, qui était peu ou pas impliqué dans le terrorisme international, la République islamique d’Iran est le premier Etat à soutenir le terrorisme au Moyen-Orient et possiblement dans le monde.

Ce qui fait dire à beaucoup que, en 2003, le président George W. Bush s’est trompé de cible s’il s’inquiétait réellement d’empêcher que des armements nucléaires ne tombent entre les mains d’un groupe terroriste ou d’un Etat voyou. Car l’Iran est le seul pays au monde à mener un programme de développement d’armes nucléaires viable, à massacrer des civils en orchestrant des actions terroristes sanglantes par dizaines et, lors de la crise des otages de 1979, à s’être montré prêt à violer toutes les règles internationales en matière de civilité.

Téhéran étant ces dernières années monté en puissance sur la scène géopolitique, une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran est aujourd’hui une réelle possibilité. Mais, malheureusement pour les Etats-Unis et leurs amis, le contexte d’une éventuelle troisième guerre du Golfe est très différent de celui des deux premières.

CETTE FOIS, LES AMÉRICAINS N’ONT PAS D’AUTRE OBJECTIF MILITAIRE CLAIR QUE CELUI, FLOU, DE RÉALISER UNE DÉMONSTRATION DE FORCE POUR DISSUADER TÉHÉRAN DE MENER DES REPRÉSAILLES

Car, cette fois, ce sont les Américains qui se trouvent isolés sur la scène internationale, et non leurs adversaires. Cette fois, ils n’ont pas d’autre objectif militaire clair que celui, flou, de réaliser une démonstration de force pour dissuader Téhéran de mener des représailles. Et, cette fois, aussi héroïque que soit la diplomatie, il ne sera pas possible de la synchroniser avec l’action militaire. Souvenez-vous de 1991 et de 2003 : à ces époques, le recours à la force armée était légitimé, car il venait soutenir les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’invasion du Koweït, puis sur le refus de l’Irak de se plier au contrôle de ses armements – condition qui faisait partie du cessez-le-feu qui avait mis un terme à la première guerre.

Ce sont ces trois facteurs – l’isolement des Américains, un objectif militaire vague et l’absence de stratégie diplomatique – qui font que cette opération militaire, autrement louable, visant à éliminer le chef militaire le plus impitoyable d’Iran, celui dont les mains sont le plus tachées de sang, est en réalité une opération extrêmement dangereuse pour l’Occident et irritante pour les alliés traditionnels des Américains.

Le contexte et la méthode

De fait, le général Soleimani conduisait depuis plus de dix ans une campagne militaire brutale contre les Etats-Unis et leurs alliés au Moyen-Orient. Ses unités paramilitaires ont armé et entraîné en Irak des milices qui, selon les estimations de l’armée américaine, ont causé la mort de quelque 600 soldats américains. Ses cellules terroristes sont responsables de la disparition de centaines de civils en Iran, mais aussi de dissidents établis dans des capitales européennes. Et, politique la plus pernicieuse dans tout cela, peut-être, Soleimani a personnellement mené sur le terrain la campagne qui a permis à Bachar Al-Assad de faire basculer la situation en sa faveur (avec l’aide précieuse des attaques aériennes russes) et de vaincre la rébellion, dans une guerre civile qui fait des ravages depuis maintenant huit ans en Syrie.

SOLEIMANI ET SON ALLIÉ BACHAR AL-ASSAD MÉRITENT LEUR PLACE DE CRIMINELS DE GUERRE DANS LE MÊME CERCLE DE L’ENFER QUE LE CHEF CAMBODGIEN POL POT

Outre le déplacement de plusieurs millions de civils, la violence des campagnes de massacres systématiques menées par Assad et ses alliés a fait entrer la guerre civile syrienne dans l’histoire. Soleimani et son allié Bachar Al-Assad méritent leur place de criminels de guerre dans le même cercle de l’enfer que le chef cambodgien Pol Pot, les responsables hutu au Rwanda et la hiérarchie nazie qui a organisé l’Holocauste. Et pour cette simple raison, son assassinat est indubitablement justifié. La question est de savoir s’il est judicieux.

Comme pour beaucoup d’actions entreprises par l’administration américaine, le problème n’est pas le résultat, mais le contexte et la méthode. En matière d’affaires internationales, la manière de procéder et la préparation des choses ont leur importance. Avant l’assassinat de Soleimani, il n’y a pas eu de campagne diplomatique visant à isoler Téhéran au motif des agressions qu’il a commises contre les Américains au Moyen-Orient, en Irak, au Liban et en Syrie. Il n’y a pas eu non plus d’offensive diplomatique coordonnée qui aurait explicité la responsabilité de Soleimani dans divers crimes de guerre et actes terroristes. Au contraire, ces frappes aériennes semblent constituer un (compréhensible) geste d’exaspération de la part de Washington, las de la détermination de Téhéran à s’en prendre aux intérêts et aux ressortissants américains.

Le fait est que toutes les mesures de dissuasion ont échoué. Il est bien possible que, à terme, ces tirs de drones contribueront à redonner du poids aux politiques de dissuasion américaines. Alors que l’Iran s’est vu imposer une ribambelle de sanctions économiques douloureuses, le pays a continué de mener des attaques terroristes et militaires en toute impunité militaire. Cette époque est désormais révolue. Et maintenant ?

Revoir l’accord nucléaire iranien

Même s’il n’y a guère de chances que l’administration Trump entende ce conseil venant d’un démocrate, la voie de la sagesse est très simple. Après avoir tué l’artisan de nombre des politiques que Trump et son équipe invoquent lorsqu’ils s’opposent à un accord nucléaire, de promptes tentatives de négocier un retour des Américains dans cet accord contribueraient largement à mettre fin à l’isolement des Etats-Unis et à rediriger la pression diplomatique internationale sur Téhéran, comme il se doit.

Si le gouvernement Reagan, qui a dénoncé l’Union soviétique lorsqu’elle envahissait l’Afghanistan et soutenait les rebelles communistes d’Amérique latine et d’Afrique, a pu parallèlement négocier avec Moscou des accords sur le contrôle des armes, alors l’administration Trump pourrait elle aussi mener de front deux politiques avec Téhéran. Cela signifie s’opposer par tous les moyens appropriés aux tentatives iraniennes d’asseoir une hégémonie régionale, et ce, en exerçant une influence sur les gouvernements et territoires du Liban, d’Irak et de Syrie (autrement dit, une bande de terre allant de la Méditerranée au golfe Persique), tout en retournant à la table des négociations pour rapidement revoir l’accord nucléaire iranien et définir un nouveau calendrier.

Si l’Amérique sort de son isolement, Washington pourra bénéficier d’un soutien en Europe et au Moyen-Orient afin de mettre en place des mesures de plus en plus fortes pour contrer l’agressivité iranienne dans la région. Le fait que tant de pays arabes applaudissent le décès de Soleimani signifie qu’un tel objectif diplomatique ne serait pas très difficile à atteindre – à condition que la position absurde de Washington sur l’accord nucléaire ne bloque pas toute avancée.

Traduit de l’anglais par Valentine Morizot

James P. Rubin a été secrétaire d’Etat adjoint aux affaires publiques de Bill Clinton. Il est aujourd’hui conseiller stratégique à Washington et collabore au site « Politico ».

7 janvier 2020

Australie

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