Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
13 octobre 2019

La France suspend les exportations vers la Turquie de « matériels de guerre susceptibles d’être employés » en Syrie

drapeau turc

Cette décision, déjà prise par les Pays-Bas et l’Allemagne, a un « effet immédiat », ont indiqué samedi soir les ministères français des armées et des affaires étrangères.

Après les Pays-Bas et l’Allemagne, la France. Paris a décidé de « suspendre tout projet d’exportation vers la Turquie de matériels de guerre susceptibles d’être employés dans le cadre de l’offensive en Syrie », ont annoncé, samedi 12 octobre, les ministères français des armées et des affaires étrangères.

« Cette décision est d’effet immédiat, ont précisé les deux ministères dans un communiqué. Le conseil des affaires étrangères de l’UE [Union européenne], qui se réunira le 14 octobre à Luxembourg, sera l’occasion de coordonner une approche européenne en ce sens. »

« La France réitère sa ferme condamnation de l’offensive unilatérale engagée par la Turquie dans le Nord-Est de la Syrie », poursuit le texte. Celle-ci « remet en cause les efforts sécuritaires et de stabilisation de la coalition globale contre Daech [acronyme en arabe du groupe Etat islamique]. Elle entraîne des conséquences humanitaires importantes. Elle porte donc atteinte à la sécurité des Européens ». « La France demande la tenue rapide d’une réunion de la Coalition contre Daech pour évoquer la poursuite des efforts de la coalition dans ce contexte », conclut le communiqué.

« Cela ne fait que nous renforcer »

Une suspension analogue des ventes d’armes à Ankara a été annoncée vendredi et samedi par les gouvernements néerlandais puis allemand. Le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, a indiqué, dans le quotidien Bild à paraître dimanche 13 octobre, que Berlin stoppait sa livraison à la Turquie d’armes « qui pourraient être utilisées dans le nord-est de la Syrie » contre les Kurdes, sans préciser le type d’armements concernés ni leur montant.

En réaction à la décision de Berlin, le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a assuré à la radio allemande Deutsche Welle que cette offensive dans le nord syrien était une « question vitale » et « une question de sécurité nationale, une question de survie ».

« Peu importe ce que tout le monde fait, qu’il s’agisse d’un embargo sur les armes ou d’autre chose, cela ne fait que nous renforcer », a-t-il ajouté. « Même si nos alliés soutiennent l’organisation terroriste, même si nous sommes seuls, même si un embargo est imposé, quoi qu’ils fassent, notre lutte est dirigée contre l’organisation terroriste », la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG), a-t-il martelé.

La Turquie a déclenché mercredi une offensive dans le nord de la Syrie contre une milice kurde, deux jours après que les Etats-Unis ont retiré des militaires américains déployés dans certains secteurs du nord syrien juste à la frontière avec la Turquie.

Publicité
13 octobre 2019

Offensive turque en Syrie : de violents combats sur le terrain, des milliers de manifestants en France

kurdes57

Malgré le tollé international suscité par l’offensive turque en Syrie contre les positions kurdes, Ankara affirme être déterminé à poursuivre les combats.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté, samedi 12 octobre, à Paris et dans plusieurs autres villes françaises, en soutien aux Kurdes de Syrie, trois jours après le début de l’offensive turque menée contre leurs positions.

En Syrie, où de violents combats se poursuivent dans le nord-est du pays, les forces kurdes ont appelé Washington à « assumer ses responsabilités morales » et à « respecter ses promesses », accusant les Etats-Unis de les avoir abandonnées en retirant leurs troupes déployées dans certains secteurs du nord syrien juste à la frontière avec la Turquie.

Voisine de la Syrie en guerre, la Turquie entend chasser des secteurs frontaliers la milice kurde syrienne des Unités de protection du peuple (YPG), qu’elle qualifie de « terroriste », et instaurer une « zone de sécurité » de 32 kilomètres de profondeur en territoire syrien pour séparer sa frontière des zones contrôlées par les YPG. Malgré le tollé international et les menaces de sanctions américaines, Ankara s’est dit déterminé à poursuivre son offensive.

kurdes manifs

Manifestations de soutien aux Kurdes en France et dans plusieurs pays européens

A Marseille, des manifestants brandissent des drapeaux kurdes par centaines et ont déployé un immense drapeau jaune, rouge et vert qu’ils portent à plusieurs, samedi 12 octobre 2019 sur la Canebière.

A Marseille, des manifestants brandissent des drapeaux kurdes par centaines et ont déployé un immense drapeau jaune, rouge et vert qu’ils portent à plusieurs, samedi 12 octobre 2019 sur la Canebière. JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS

Plusieurs milliers de personnes, dont des personnalités politiques françaises, ont manifesté, samedi 12 octobre, à Paris et dans plusieurs autres villes françaises en soutien aux Kurdes de Syrie et contre l’offensive turque déclenchée contre leurs positions. Dans le capitale, les organisateurs ont estimé la foule « à plus de 20 000 personnes ». « Erdogan, terroriste ! », « Rojava [zone kurde autoproclamée autonome dans le nord-est de la Syrie, NDLR], résistance ! », scandait la foule réunie à l’appel du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Parmi les pancartes brandies par les manifestants à Paris, on pouvait lire « Trump = serial killer » ou encore « La Turquie envahit le Rojava, l’Europe contemple ».

Plusieurs parlementaires français issus de partis de gauche se sont succédé à une tribune pour dénoncer l’offensive turque. « C’est un non-sens historique ce qui se passe au nord-est de la Syrie car ce sont les plus fidèles alliés de la France, ceux qui ont permis la victoire contre Daesh sur le terrain, qui aujourd’hui se retrouvent menacés », a lancé le député Eric Coquerel (La France Insoumise). La sénatrice du parti Europe Ecologie-Les Verts Esther Benbassa a, elle, estimé que la France « devrait aujourd’hui suspendre la vente d’armes » à la Turquie, comme l’Allemagne l’a fait dans la journée (lire ci-dessous).

A Marseille, plusieurs milliers de Kurdes – 6 000 selon les organisateurs de la marche, 1 500 selon la police –, ont descendu la Canebière jusqu’au Vieux-Port contre les frappes turques en Syrie, dénonçant le « dictateur » Erdogan. Des rassemblements ont également eu lieu à Strasbourg, à Lyon, à Bordeaux ou encore à Lille.

Le soutien aux Kurdes s’est également manifesté dans plusieurs autres pays européens samedi. En Allemagne, des manifestations ont réuni « des milliers de personnes » dans plusieurs villes, selon l’agence de presse DPA, qui a parlé de plus de 10 000 manifestants à Cologne et d’environ 4 000 à Francfort. Des rassemblements similaires ont eu lieu samedi à Chypre, Athènes, Varsovie et Bruxelles.

kurdes manifs22

Les Kurdes de Syrie dénoncent un « coup de couteau dans le dos » de la part des Etats-Unis

« Nous invitons nos alliés à assumer leurs responsabilités morales et à respecter leurs promesses ». C’est en ces termes que les Forces démocratiques syriennes (FDS), l’alliance arabo-kurde qui contrôle de vastes régions dans le nord et le nord-est syrien, se sont adressées à Washington dans un communiqué lu en conférence de presse samedi. Les FDS étaient alliées ces dernières années à la coalition internationale menée par les Etats-Unis dans le combat contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI).

L’offensive de la Turquie intervient alors que depuis plusieurs semaines, Washington et Ankara œuvraient à la mise en place d’une « zone de sécurité » à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Dans le cadre de ce « mécanisme de sécurité », les FDS avaient accepté de retirer leurs fortifications à la frontière, mais à plusieurs reprises, Ankara s’est plaint des retards pris par Washington dans la création de la zone tampon.

« Nos alliés nous avaient garanti leur protection après qu’on a détruit nos tranchées et nos fortifications, explique le communiqué. Mais soudain, sans prévenir, ils nous ont abandonnés avec une décision injuste de retirer leurs troupes de la frontière turque ». « Cette mesure a été une déception majeure, comme un coup de couteau dans le dos », selon le texte. Selon un haut responsable à Washington, entre 50 à 100 membres des forces spéciales américaines ont été éloignés de la frontière pour être transférés vers d’autres bases en Syrie.

A plusieurs reprises, le président américain Donald Trump a menacé d’« anéantir » l’économie de la Turquie en cas d’offensive « injuste ». Dans leur communiqué, les FDS ont estimé que les « condamnations politiques » et « les projets de sanctions économiques contre la Turquie » n’allaient pas faire cesser « les massacres ». « Nous ne voulons pas qu’ils envoient des soldats sur le front pour qu’ils mettent leur vie en danger. Tout ce que nous voulons, c’est la fermeture de l’espace aérien face à l’aviation turque », indique le communiqué.

Sur le terrain, de violents combats continuent. Les forces turques et leurs supplétifs syriens sont entrés samedi dans une ville kurde stratégique du nord de la Syrie, Ras al-Aïn, frontalière de la Turquie, presque entièrement désertée par ses habitants. A Ankara, le ministère de la défense a affirmé que les forces turques avaient capturé Ras Al-Aïn, mais les forces kurdes ont démenti et, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) et l’Agence France-Presse (AFP), les forces turques et leurs alliés y sont entrés mais les combats se poursuivent. Au total, depuis mercredi, les forces kurdes ont perdu 27 villages, selon l’OSDH.

Samedi, neuf civils ont été « exécutés » par des rebelles proturcs qui participent à l’offensive turque, selon l’OSDH. Ces morts portent à 38 le nombre de civils tués depuis le début de l’assaut mercredi, d’après l’ONG. Par ailleurs, 81 combattants kurdes ont été tués dans les affrontements, toujours selon l’OSDH. De son côté, Ankara a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de dizaines de roquettes kurdes tirées sur des villes frontalières en Turquie. D’après l’ONU, 100 000 personnes ont été déplacées.

Des ONG ont mis en garde contre un nouveau drame humanitaire en Syrie où la guerre, qui s’est complexifiée avec l’intervention de multiples acteurs régionaux et internationaux, a fait plus de 370 000 morts depuis 2011.

Paris « suspend les exportations vers la Turquie de matériels de guerre susceptibles d’être employés » en Syrie

La France a décidé de suspendre « les exportations vers la Turquie de matériels de guerre susceptibles d’être employés » en Syrie, ont annoncé, samedi 12 octobre, les ministères français des armées et des affaires étrangères. « La France réitère sa ferme condamnation de l’offensive unilatérale engagée par la Turquie dans le Nord-Est de la Syrie », poursuit le texte. Elle « remet en cause les efforts sécuritaires et de stabilisation de la coalition globale contre Daech. Elle entraîne des conséquences humanitaires importantes. Elle porte donc atteinte à la sécurité des européens ».

Une suspension analogue des ventes d’armes à Ankara a été annoncée vendredi et samedi par les gouvernements néerlandais puis allemand. La décision allemande n’est pas que symbolique : en 2018, les livraisons d’armes à la Turquie ont représenté, avec 242,8 millions d’euros, près d’un tiers des exportations allemandes d’armes de guerre (770,8 millions d’euros). Au cours des quatre premiers mois de 2019, le montant des ventes en direction de la Turquie a atteint 184,1 millions d’euros. La Turquie est ainsi le premier client, au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), d’armements allemands.

De nombreux pays européens ont condamné fermement l’offensive turque contre les Kurdes en Syrie. Les ministres des affaires étrangères de la Ligue arabe ont également condamné samedi « l’agression de la Turquie » sur le territoire syrien, appelant au retrait immédiat des troupes d’Ankara, selon leur communiqué publié après une réunion d’urgence de l’organisation au Caire à la suite d’une requête de l’Egypte.

Mais, malgré le tollé international et les menaces de sanctions américaines, la Turquie s’est dit déterminée à poursuivre son offensive. « Peu importe ce que certains disent, nous ne stopperons pas » l’opération, a averti vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan.

11 octobre 2019

ALERTE-USA-Turquie

ALERTE-USA-Turquie: Washington conseille à Ankara d’interrompre son intervention en Syrie. Le Pentagone conseille « fermement » à la Turquie d’interrompre son offensive militaire dans le nord-est de la Syrie.

11 octobre 2019

« Erdogan ! Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ces enfants ? » : à Kamechliyé, les Kurdes syriens dans l’angoisse

Les forces turques ont repris, jeudi, leurs frappes sporadiques sur la grande ville du nord-est, provoquant mouvements de panique et victimes civiles.

Par Allan Kaval  

Le jour décline tôt, l’automne, dans l’est de la Syrie. Dans les faubourgs poussiéreux de Kamechliyé, la plus grande ville kurde du pays, la nuit s’est annoncée au milieu de l’après-midi. Et avec elle, une menace insidieuse, bruyante mais invisible.

Jeudi 10 octobre, dans le quartier d’Anterieh, les premiers échos de la guerre se sont fait entendre vers 15 heures. D’abord un bruit sourd qui retentit, venu du nord, de la Turquie toute proche. Une munition vient d’être tirée. Les rares passants, dont les ombres s’allongent sur des rideaux métalliques tirés prématurément, restent suspendus un moment, semblant compter les secondes avant l’impact. La munition est tombée. Un adolescent convertit son sursaut naissant en un bref fou rire. Pas très loin. Pas trop près. On est encore en vie.

L’armée turque reprend ses tirs d’artillerie sporadiques sur la ville, prolongeant l’offensive terrestre lancée la veille en plusieurs points de la frontière contre les vastes territoires tenus par les Forces démocratiques syriennes (FDS), à dominante kurde et alliées depuis 2014 à la coalition internationale en lutte contre l’organisation Etat islamique (EI).

Autour de Tall Abyad et de Ras Al-Aïn, les forces turques alliées à des rebelles syriens ont conquis onze villages, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). L’offensive a poussé près de 70 000 personnes à l’exode, selon l’organisation qui a dénombré au moins 56 morts, dont 10 civils, dans les frappes aériennes et les tirs d’artillerie de l’armée turque depuis mercredi. Les autorités turques ont, elles, annoncé la mort de 6 civils et plusieurs dizaines de blessés par des roquettes kurdes tirées sur des villes frontalières en Turquie.

 « Les Américains nous ont trahis »

A Kamechliyé, pour peu qu’on puisse se hisser sur le toit d’un immeuble, on verrait peut-être le territoire turc. Mais à hauteur de rue, l’ennemi est invisible.

Au croisement de deux ruelles aux maisons basses, le silence, entre deux frappes, est ponctué de quelques éclats de voix. Un groupe d’une dizaine de jeunes hommes aux coiffures étudiées tient l’angle des deux rues. Chaises en plastique, cigarettes, pistolet dans le pantalon. « On a combattu Daech, on ne va pas avoir peur des Turcs ! », clame l’un d’entre eux, Kanaa, plus fort en gueule que les autres. Il montre sa cheville déformée, dit avoir été blessé en 2017 à Rakka alors qu’il combattait dans les rangs des FDS pour reprendre la capitale du « califat » autoproclamé de l’EI. Ses voisins approuvent. Il poursuit : « Les Américains nous ont trahis… On s’est battus et on est morts pour eux. On n’en revient toujours pas… »

Femmes et enfants de ce quartier périphérique et populaire ont été envoyés dans les villages des environs, que l’on dit plus sûrs. Eux montent la garde et le jurent : ils ne céderont pas leurs positions avant la dernière balle.

Chevauchant un scooter, un trentenaire corpulent, sourire aux lèvres, roule lentement. Maillot rouge, kalachnikov à l’épaule gauche, tatouage à l’effigie du Che au bras droit. « Je me suis fait ça en Turquie, quand je travaillais dans le bâtiment, à Iskenderun. Le Che, c’est le symbole de la liberté ! De la paix aussi », dit-il en souriant. Propriétaire d’une boutique de maquillage, Hazni dit être responsable de la sécurité de son quartier. Aucun homme en uniforme n’est visible. « C’est comme au début de la révolution ! Les premières forces kurdes, c’était des civils avec des armes », raconte-t-il.

La ville sombre dans la peur

Après huit années de lutte, de morts, quelques défaites et de grandes victoires, ce serait donc, pour les Kurdes, le retour à l’incertitude, aux zones grises où la vie quotidienne et la guerre se mélangent.

Hazni dit que ce soir il ira au front. Le front ? Où ça ? Il ne sait pas vraiment. Le front, la frontière, l’immensité voisine de la Turquie ennemie. Tout se confond dans la brume des rumeurs alimentées par le bourdonnement de Twitter, de WhatsApp et de Facebook. Toutes les paires d’yeux du Nord-Est syrien semblent rivées sur les écrans fluorescents des téléphones avec leurs demi-vérités, leurs images de corps martyrisés, de rues en flammes, leurs cris de propagande et leurs vrais mensonges que l’on se répète en fumant des cigarettes de contrebande. C’est ainsi, dans le bruit intermittent de frappes aux cibles inconnues, que la ville sombre dans la peur.

Le long des faubourgs crépusculaires de Kamechliyé, des camions de fabrication asiatique roulent trop vite, avec, serrés, sur leur plate-forme arrière, tout un peuple de voiles fleuris et de visages enfantins. Il faut quitter la ville. Il y a des femmes qui pleurent, sacs en plastique à la main, en quittant leurs foyers. Les rues sont presque désertes au seuil de la nuit.

Dans une artère du centre-ville, un membre des forces de sécurité regarde disparaître vers l’ouest une camionnette chargée de femmes et d’enfants. « Les gens sont effrayés, ils s’enfuient… C’est une guerre de réseaux sociaux, personne ne sait ce qui se passe, mais tout le monde a peur », résume-t-il. Dans la ville abandonnée, son détachement en uniforme paraît bien isolé. Daniel fait signe à des hommes armés de mitrailleuses et de lance-roquettes, juchés sur un toit. C’est justement par les réseaux sociaux qu’un hôpital situé à quelques rues de là vient de lancer un appel aux donneurs de sang. Pour des blessés. Ce serait des enfants.

Poitrine arrachée par les shrapnels

La façade de l’hôpital privé Al-Salam est baignée d’une lumière blafarde dans la nuit noire. Dans le hall, des pleurs, des visages interdits. Le docteur Fouad Elias a les mains humides. Il vient d’amputer la jambe en lambeaux d’une fillette de 5 ans. Un parent explique que Sara Youssef se tenait devant la porte de la maison familiale, dans un quartier arabe de la ville, avec son grand frère de 9 ans quand, vers 15 heures, quelque chose est tombé du ciel. C’était un obus de mortier. Le frère est arrivé mort à la clinique. Il a eu la poitrine arrachée par les shrapnels. Sur un téléphone portable, on montre une photographie de l’enfant, ses yeux sans vie, mi-ouverts sur un ciel de néon.

« Un attentat à la bombe, ça va. On soigne les blessés, on enterre les morts, et puis c’est fini. Des frappes, on ne sait pas quand ça va s’arrêter, dit le chirurgien. Les Turcs tuent les Kurdes, les Arabes, les chrétiens… Ils ne changent pas, ces Ottomans ! » Comme toutes les vieilles familles chrétiennes de Kamechliyé, fondatrices de la ville il y a près d’un siècle, celle du docteur Elias a fui le génocide des chrétiens syriaques, perpétré en même temps que celui des Arméniens de l’Empire ottoman, en 1915.

Au premier étage de l’hôpital, des femmes sont assises ou appuyées au mur, enveloppées dans leur voile. Leurs lèvres semblent former des mots silencieux dans le halo froid d’un néon. « Erdogan, fils du péché ! Qu’est-ce qu’ils t’ont fait, ces enfants ? », lance soudainement l’une d’entre elles. La mère des enfants sanglote à genoux au pied d’un grand lit d’hôpital, le visage blotti contre la main de sa fille au petit corps amputé, et qui dort, paupières remuantes, sous une couverture à fleurs.

11 octobre 2019

Chronique « Trump a déclaré la guerre (économique) à Xi. L’affrontement va au-delà de la bataille de tarifs »

Par Alain Frachon

Une partie de notre avenir est entre les mains d’un Donald Trump au bord de la crise de nerfs et d’un Xi Jinping qui semble menacé par l’hubris, s’inquiète, dans sa chronique, Alain Frachon, éditorialiste au « Monde ».

Les deux hommes les plus puissants au monde nous inquiètent. L’un, Donald Trump, paraît au bord de la crise de nerfs, l’autre, Xi Jinping, semble menacé par l’hubris, l’ivresse du pouvoir. Au moment où ce dernier célébrait, mardi 1er octobre, dans l’impériale vastitude de la place Tiananmen, à Pékin, l’accession de son pays au rang de géant militaire, le premier, sous le coup d’une procédure en destitution à Washington, affichait un comportement encore un peu plus erratique qu’à l’habitude. L’un trop fort, l’autre déséquilibré ? Une partie de notre avenir est entre les mains de ces deux-là.

La scène la plus étonnante de ces derniers jours a eu lieu jeudi 3 octobre à la Maison Blanche, devant la presse, quand le républicain Trump, élu d’une formation où l’on a toujours pourfendu les « rouges », a appelé le Parti communiste chinois (PCC) à son secours. La situation était d’autant plus baroque que les Etats-Unis sont engagés dans une guerre commerciale à la vie à la mort avec la Chine. Ainsi va Trump.

L’Américain demandait aux dirigeants chinois d’enquêter sur la famille de Joe Biden, le potentiel rival démocrate de Trump à l’élection de novembre 2020. Explication : le fils de Joe, Hunter Biden, a ouvert un bureau de consultant à Pékin quand son père était vice-président. Gros conflit d’intérêts, suggère Trump – qui, lui, n’a pas jugé bon, une fois élu à la Maison Blanche, de couper les liens avec son empire immobilier (confié à la gestion de ses enfants).

Toujours devant les journalistes, le président répétait mot pour mot ce qui a conduit la majorité démocrate à la Chambre des représentants à ouvrir une enquête aux fins de le destituer. C’est vrai, avoue-t-il, il a bien demandé, le 25 juillet, à l’Ukraine d’enquêter sur les affaires de Hunter à Kiev – et sur le rôle que le père de celui-ci, Joe Biden, a pu y jouer. Curieuse contre-attaque qui, consistant à reconnaître les faits, relève d’une sorte « d’autodestitution », écrit l’excellente Susan Glasser dans l’hebdomadaire The New Yorker. La Constitution américaine interdit à tout candidat à une élection de solliciter la moindre assistance à l’étranger.

Trump dégrade la démocratie américaine

La procédure en cours fait ressortir ce qu’il y a de pire chez Donald Trump : insultes renouvelées contre les institutions, accusations répétées de « trahison » ou « d’espionnage » contre ses adversaires, fantasme sur un « coup d’Etat » ou un complot fomenté par « l’Etat profond », début de paranoïa et langage de guerre civile – l’ensemble de la panoplie verbale qui précède en général la violence physique. Trump dégrade la démocratie américaine, dont il se refuse par ailleurs à promouvoir les valeurs.

La même semaine, à Pékin, Xi fêtait le 70e anniversaire de la République populaire de Chine en organisant un défilé militaire sans précédent. La vedette, tout en noire rondeur, en était un missile intercontinental, porteur de dix têtes nucléaires, capable de frapper en trente minutes n’importe quel objectif aux Etats-Unis. L’engin s’appelle le Dongfeng 41. Son exhibition place Tiananmen était une façon d’adresser un message de force au monde entier et de rivalité aux Etats-Unis. « Aucune force ne pourra ébranler le statut de notre puissante nation, aucune ne pourra arrêter sa marche en avant », a dit le président Xi.

Il a salué, à juste titre, la performance, sans égale dans l’histoire, réalisée par la Chine : en moins d’un siècle, le passage de la plus abjecte pauvreté au rang de grande puissance économique, scientifique, technologique et militaire. La vérité imposerait de dire que cette transition est le fait de la période courant de 1976 à aujourd’hui – de 1949 à 1976, le PCC, sous la houlette de Mao, a martyrisé et éreinté la Chine.

Xi a terni l’image de la Chine à l’étranger

Mais Xi, patron du PCC, cultivant une étrange nostalgie maoïste, sacralise le parti et l’investit de tous les pouvoirs pour placer près d’un milliard et demi de Chinois sous une cloche idéologique aussi hermétique qu’étouffante. On sait les caractéristiques de l’ère Xi : recrudescence de l’autoritarisme à l’intérieur et affichage à l’extérieur de l’impérieuse puissance montante de la Chine, l’ensemble sur fond de lutte idéologique contre la démocratie libérale « à l’occidentale ».

Cette vision monolithique de la Chine – de l’être chinois – est depuis quatre mois défiée à Hongkong. Xi a eu beau rappeler, le jour du défilé, son attachement à la formule dite « un pays, deux systèmes », censée préserver les libertés des Hongkongais, il n’a cessé depuis son arrivée au pouvoir, en 2012, de les rogner. Jusqu’où ira-t-il pour soumettre le « rocher » ? La deuxième île chinoise, Taïwan, est concernée. Dans la « pensée Xi Jinping », le « rêve chinois » suppose la réunification avec Taïwan d’ici à 2049. Comment ?

Xi a terni l’image de la Chine à l’étranger, où une peur diffuse l’emporte sur l’admiration. Sur une base de reproches un peu caricaturaux mais pas injustifiés – non-respect des règles du commerce international, attaques de hackeurs pilotées par l’Etat, pratiques déloyales en matière d’investissements –, Trump a déclaré la guerre (économique) à Xi. L’affrontement va au-delà de la bataille de tarifs.

Les Etats-Unis appellent à boycotter un nombre croissant d’entreprises chinoises, du chemin de fer à la 5G, et envisagent de les interdire de cotation à New York. Forcené du tweet intempestif, Trump, dans un moment de déprime, a qualifié la Chine de « menace pour le monde ». C’était quelques jours avant que Xi, devant son défilé de missiles, ne dresse l’éloge de la puissance chinoise. Entre la Chine de Xi et les Etats-Unis de Trump, le niveau de conflictualité monte dangereusement.

PS : Pointu et didactique, le mensuel Pour l’Eco, que pilote Stéphane Marchand, consacre sa livraison d’octobre à l’affrontement sino-américain.

Publicité
10 octobre 2019

L'article à lire pour comprendre l'offensive turque contre les forces kurdes en Syrie

kurdes22

L'armée turque et des supplétifs syriens ont lancé mercredi une opération à la frontière. Les frappes aériennes et les tirs d'artillerie ont visé plusieurs secteurs frontaliers dans le nord syrien.

Des membres de l\'Armée nationale syrienne, alliée de la Turquie, entrent sur le territoire syrien dans le cadre de l\'offensive turque contre les Kurdes en Syrie, le 10 octobre 2019.  Des membres de l'Armée nationale syrienne, alliée de la Turquie, entrent sur le territoire syrien dans le cadre de l'offensive turque contre les Kurdes en Syrie, le 10 octobre 2019.   (HISAM EL HOMSI / ANADOLU AGENCY / AFP)

Syrie : quelles sont les forces en présence dans la bataille entre la Turquie et les Kurdes ?

En France, aux Etats-Unis, en Iran, en Israël, en Arabie saoudite... Partout dans le monde, des voix inquiètes s'élèvent pour dénoncer l'intervention turque dans le nord-est de la Syrie. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir en urgence, jeudi 10 octobre, à la demande de ses membres européens. Une réunion extraordinaire de la Ligue arabe est prévue samedi.

kurdes51

Si Ankara a assuré, dans une lettre adressée au Conseil de sécurité de l'ONU, que son opération serait "proportionnée, mesurée et responsable", les conséquences de cette offensive pourraient s'avérer graves, à l'intérieur comme à l'extérieur de la région. Franceinfo résume la situation. 

Que se passe-t-il en Syrie ?

La Turquie a lancé une offensive militaire mercredi 9 octobre contre les forces kurdes du nord-est de la Syrie, dans le cadre d'une opération baptisée "Printemps de la paix." Au cours de cette seule journée, au moins 15 personnes, dont huit civils, ont été tuées, selon le décompte de l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Selon la presse turque, les troupes ont pénétré en Syrie par quatre points : deux à proximité de la ville syrienne de Tell Abyad et deux autres proches de Ras al-Aïn, plus à l'est.

Le 9 octobre 2019, les troupes turques ont pénétré en Syrie à proximité des villes syriennes de Tell Abyad et de Ras al-Aïn, plus à l\'Est. Le 9 octobre 2019, les troupes turques ont pénétré en Syrie à proximité des villes syriennes de Tell Abyad et de Ras al-Aïn, plus à l'Est.  (MY MAPS / GOOGLE MAPS)

Ces frappes aériennes et d'artillerie ont visé les positions des Unités de protection du peuple (YPG), la milice kurde qui constitue la colonne vertébrale des Forces démocratiques syriennes (FDS). Selon un porte-parole de la milice arabo-kurde, les combattants des FDS ont repoussé une attaque au sol des troupes turques à Tell Abyad. 

Jeudi, les forces turques se sont emparées de plusieurs de leurs objectifs et poursuivent leur progression sur la rive orientale de l'Euphrate, a assuré leur état-major. Selon le ministère de la Défense turc, 181 cibles de la milice kurde ont été touchées par l'aviation et l'artillerie depuis le début de l'opération.

kurdes55

Pourquoi cette offensive ?

En  annonçant le début de l'opération, le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est justifié en assurant que l'objectif était d'empêcher, selon ses mots, la création d'un "corridor terroriste" à la frontière méridionale de la Turquie. Les autorités turques assimilent les YPG au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qu'elles considèrent comme une organisation terroriste.

En menant cette offensive, Erdogan souhaite empêcher l'apparition d'une région autonome kurde non loin de la frontière sud. Les Kurdes sont un peuple apatride, réparti sur les territoires turc, syrien, iranien et irakien. Selon les estimations, entre 2 et 3,6 millions de Kurdes vivraient en Syrie, essentiellement dans le nord du pays.

La Turquie redoute qu'un embryon d'Etat kurde galvanise les velléités séparatistes sur son propre territoire. En janvier 2018, le président turc avait d'ailleurs déjà lancé une offensive à Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, avec le même objectif.

Enfin, les autorités turques souhaitent créer une zone tampon de 30 km de long et de 500 km de large entre la frontière turque et les zones syriennes contrôlées par les milices kurdes dans la région, afin de "réimplanter 2 des 3,5 millions de réfugiés syriens présents en Turquie", a décrypté Frédéric Pichon, interrogé par franceinfo.

Quel rôle les Kurdes jouent-ils dans le conflit syrien ?

Les Kurdes sont les alliés des Occidentaux dans la lutte antijihadiste. Via les Unités de protection du peuple (YPG), ils forment la majorité des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes créée dans le nord de la Syrie.

Seuls sur le terrain, ce sont eux qui ont repris – aidés par la coalition internationale menée par les Etats-Unis – la ville de Kobané des mains du groupe terroriste Etat islamique (EI) en 2015, à l'issue de quatre mois de combats acharnés, puis celles de Raqqa, fief syrien de l'EI, en 2017, et de Baghouz, en 2019. C'est ainsi le porte-parole des FDS qui a annoncé en mars "la victoire militaire sur Daech [l'acronyme arabe de l'EI]". "Le soi-disant califat a été totalement éliminé", a-t-il tweeté.

Des combatants kurdes de la milice YPG posent après avoir repris le centre culturel de Kobané, en Syrie, des mains du groupe Etat islamique, le 22 décembre 2014.  Des combatants kurdes de la milice YPG posent après avoir repris le centre culturel de Kobané, en Syrie, des mains du groupe Etat islamique, le 22 décembre 2014.   (JONATHAN RAA / NURPHOTO / AFP)

Environ 10 000 combattants de l'EI, ainsi que des familles des jihadistes, sont toujours détenus dans des camps contrôlés par la milice kurde YPG. Parmi les prisonniers figurent près de 2 000 jihadistes étrangers, que leurs pays d'origine refusent de reprendre. Pour juger les crimes de l'EI, les Kurdes de Syrie demandent la création d'un tribunal international spécial, qui serait installé dans le nord-est du pays.

Les Etats-Unis ont-ils facilité l'offensive turque contre les Kurdes ?

Dans un communiqué publié dimanche, soit trois jours avant l'offensive, la Maison Blanche a annoncé le retrait immédiat de ses troupes en Syrie (environ 2 000 soldats). Pour Frédéric Pichon, interrogé mardi par franceinfo, ce n'était pas une surprise : "Donald Trump avait annoncé qu'il souhaitait que les Etats-Unis se retirent des zones où le pays n'a pas de bénéfice. C'est une réflexion de businessman. L'Amérique ne veut plus s'engager dans des guerres lointaines", a expliqué l'expert.

Or, la présence des troupes américaines en Syrie constituait un rempart à une nouvelle offensive de la Turquie qui, rappelons-le, veut imposer sa fameuse "zone tampon" dans la région. La décision de Donald Trump de retirer ses troupes, laissant le champ libre à Erdogan, a ainsi été qualifiée par les FDS de "coup de poignard dans le dos".

D'anciens combattants de l'armée américaine, laquelle a travaillé avec les combattants kurdes pour venir à bout de l'EI, ont même estimé que les Etats-Unis avaient "abandonné" les Kurdes. Diplomates et autres chefs d'Etat ont en chœur dénoncé la décision américaine. En réponse à cette vague d'indignation, Donald Trump a assuré mercredi ne pas cautionner l'offensive, que Washington considère comme une "mauvaise idée", et a même menacé de "ruiner l'économie turque si la Turquie détruit les Kurdes".

Pourquoi cette offensive turque pourrait-elle ranimer l'Etat islamique ?

Plusieurs pays redoutent que l'offensive turque dans le nord-est de la Syrie contre les forces kurdes ne permette un sursaut du groupe jihadiste Etat islamique. Jeudi, les Kurdes de Syrie ont accusé la Turquie d'avoir bombardé la veille au soir une prison abritant de nombreux jihadistes dans une "tentative évidente" de les aider à s'enfuir. Ils craignent de perdre le contrôle de ces prisons, mais aussi des camps abritant des milliers de familles de jihadistes, et où s'est développée une idéologie radicale, expliquait La Croix dans un reportage réalisé en juillet dans les camps de Al-Hol et de Roj. Selon l'Institute for the Study of War (ISW), "l'EI prépare probablement des opérations plus coordonnées et sophistiquées pour libérer ses membres détenus".

Libérés, les jihadistes pourraient mener de nouvelles attaques dans la région, voire en Europe pour les membres de l'EI étrangers qui voudraient rejoindre leur pays d'origine. Deux djihadistes britanniques de haut rang, soupçonnés d'avoir exécuté plusieurs Occidentaux en Syrie, ont ainsi été placés sous la garde de l'armée américaine.

FRANCEINFO

"L'EI constitue toujours une menace, qui pourrait métastaser si les FDS voient leur attention et leurs ressources détournées (...) au profit d'une bataille défensive contre la Turquie", complète Sam Heller, du groupe de réflexion International Crisis Group, cité par l'AFP.

Et initier une nouvelle crise migratoire ?

Outre bien sûr la recrudescence du terrorisme islamique, la communauté internationale craint que cette offensive n'ouvre la voie à une nouvelle vague migratoire. En réponse à l'indignation de l'Union européenne, Recep Tayyip Erdogan a menacé jeudi d'ouvrir les portes de l'Europe à des millions de réfugiés. "Ô Union européenne, reprenez-vous. (...) Si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants", a-t-il déclaré lors d'un discours à Ankara.

Enfin, selon Frédéric Pichon, le retrait des soldats américains et une offensive turque pourraient entraîner "une vague migratoire kurde vers l'Europe", ces derniers fuyant les combats.

Est-ce l'ouverture d'un nouveau chapitre de la guerre civile syrienne ?

Pour cette offensive contre les Kurdes syriens, les militaires turcs sont appuyés par l'Armée nationale syrienne. Constituée de rebelles soutenus par Ankara, cette armée émane des anciens de l'Armée syrienne libre, branche armée de l'opposition au régime de Bachal al-Assad. Depuis plusieurs années, ces Syriens, dont de nombreux exilés de Tell Abyad, s'entraînent de l'autre côté de la frontière, en Turquie, "en prévision de leur retour sur leur terre natale", explique Le Monde.

Certains éprouvent un désir de vengeance, explique le quotidien, après que les YPG aient commis en 2013 et 2015 des exactions à Tell Abyad et dans des villages syriens "soupçonnés de sympathies jihadistes".

Des membres de l\'Armée nationale syrienne posent avec un drapeau syrien en arrivant à Tell Abyad, en Syrie, dans le cadre de l\'offensive menée par la Turquie, le 10 octobre 2019. Des membres de l'Armée nationale syrienne posent avec un drapeau syrien en arrivant à Tell Abyad, en Syrie, dans le cadre de l'offensive menée par la Turquie, le 10 octobre 2019.  (EMIN SANSAR / ANADOLU AGENCY / AFP)

Combattants syriens anti-Assad armés et financés par la Turquie, Kurdes syriens, armée pro-Assad, cellules dormantes du groupe Etat islamique... Si cette nouvelle offensive inquiète la communauté internationale, c'est aussi parce qu'elle risque de déstabiliser encore une région éprouvée par près de neuf ans de guerre civile.

J'ai la flemme de tout lire, vous me faites un résumé ?

Des militaires turcs et leurs supplétifs syriens ont pénétré, mercredi 9 octobre, dans le nord-est de la Syrie dans le cadre d'une offensive lancée par Ankara contre une milice kurde soutenue par les pays occidentaux. Au moins 15 personnes, dont 8 civils, ont été tuées selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les Kurdes sont les alliés des Occidentaux dans la lutte antijihadiste. Via les Unités de protection du peuple (YPG), ils forment la majorité des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes créée dans le nord de la Syrie. L'Union européenne a exigé l'arrêt de l'offensive et le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir en urgence, jeudi.

Dimanche, soit trois jours avant l'offensive, la Maison Blanche a annoncé le retrait immédiat de ses troupes en Syrie. Or, la présence des troupes américaines en Syrie constituait un rempart pour les FDS, qui ont qualifié la décision de Donald Trump de "coup de poignard dans le dos".

Plusieurs pays redoutent que l'offensive turque dans le nord-est de la Syrie contre les forces kurdes ne permette un sursaut du groupe terroriste Etat islamique, car elles pourraient perdre le contrôle des prisons où sont enfermés les jihadistes, mais aussi des camps abritant des milliers de familles. Outre la recrudescence du terrorisme islamique, la communauté internationale craint aussi "une vague migratoire kurde vers l'Europe" et que la région soit encore une fois déstabilisée après neuf ans de guerre civile.

10 octobre 2019

En Syrie, Ankara met ses menaces à exécution

kurdes33

Par Hala Kodmani 

Laissée libre d’agir par les Etats-Unis, la Turquie a entamé son offensive sur les territoires kurdes syriens à l’est de l’Euphrate, bombardant plusieurs localités. Les Européens s’indignent…

En Syrie, Ankara met ses menaces à exécution

Attendue et redoutée depuis des mois, la guerre de la Turquie contre les forces kurdes dans le nord-est de la Syrie a éclaté mercredi. Recep Tayyip Erdogan a annoncé lui-même sur Twitter le déclenchement de l’opération «Source de paix». «Les Forces armées turques et l’Armée nationale syrienne [des rebelles syriens soutenus par Ankara, ndlr] ont débuté l’opération», a écrit le président turc. Quelques minutes plus tard, les premières frappes de l’aviation turque visaient Ras al-Ain, localité frontalière évacuée lundi par les soldats américains. De fortes explosions ont secoué la ville et des colonnes de fumées s’échappaient des immeubles, a rapporté le correspondant de CNN Türk sur place. L’artillerie turque a aussi visé des cibles des YPG, les milices kurdes qui contrôlent la région, à Tall Abyad, une autre localité du nord-est de la Syrie. Les forces kurdes ont répliqué en tirant des obus sur la ville turque frontalière de Ceylanpinar, sans faire de victimes.

«Immense panique»

Peu après le début des hostilités, les habitants ont commencé à fuir massivement la zone. Le porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, Mustapha Bali, a indiqué que les «raids aériens ont visé des zones civiles, jetant une immense panique parmi la population». L’angoisse monte parmi les Kurdes, mais aussi les autres Syriens habitant la région, qui accueille des dizaines de milliers de déplacés des autres provinces ravagées par la guerre.

Le compte à rebours a commencé quand Donald Trump a donné le feu vert dimanche soir. Après une conversation téléphonique avec Erdogan, le président américain a annoncé dans un communiqué laconique un retrait de ses forces armées du nord-est syrien pour permettre une «opération militaire turque prévue de longue date». Un laissez-passer qui aurait même surpris Erdogan, tant il dépassait ses espérances. Les Turcs se sont mis immédiatement à accélérer les préparatifs militaires et politiques de leur offensive. «Nous allons tenir l’ONU et tous les pays concernés, y compris la Syrie, informés» du déroulement de l’opération, a déclaré mercredi le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. Le porte-parole d’Erdogan s’est entretenu mercredi avec le conseiller de Trump à la sécurité nationale, Robert O’Brien, au sujet de la mise en place de la zone de sécurité ; et l’ambassadeur américain à Ankara a été convoqué au ministère des Affaires étrangères pour être briefé sur l’attaque. L’opération vise «les terroristes des YPG et de Daech», a précisé Erdogan dans son tweet. «La zone de sécurité que nous allons créer va permettre le retour des réfugiés syriens dans leur pays», a-t-il ajouté à l’intention de son opinion intérieure, de plus en plus hostile à la présence de quelque 3,5 millions de Syriens dans leur pays.

Réunion d’urgence

Le déclenchement de l’offensive turque a soulevé un tonnerre de protestations internationales. Les pays européens, engagés dans la coalition antiterroriste qui s’est appuyée sur les forces kurdes sur le terrain pour mener la guerre contre l’Etat islamique, ont été les premiers à réagir. La France a condamné «très fermement» l’offensive et saisi le Conseil de sécurité de l’ONU. Celui-ci doit se réunir d’urgence et à huis clos ce jeudi à la demande de ses membres européens, la Belgique, la France, l’Allemagne, la Pologne et le Royaume-Uni. Le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, a exigé pour sa part l’arrêt de l’offensive : «La Turquie doit cesser l’opération militaire en cours. Elle ne donnera pas de résultat. Et si le plan de la Turquie est la création d’une zone de sécurité, n’attendez pas de financement de l’Union européenne.» Même le président russe, Vladimir Poutine, a appelé son partenaire turc «à bien réfléchir à la situation afin d’éviter de porter atteinte aux efforts communs visant à résoudre la crise syrienne». Autant d’appels tardifs, alors qu’aucune solution politique n’a été sérieusement recherchée avec la Turquie, qui menaçait depuis longtemps de passer à l’attaque. Hala Kodmani - Libération

9 octobre 2019

ALERTE-Turquie-Syrie: Ankara annonce le début de la phase terrestre de son offensive contre les Kurdes en Syrie (ministre)

Quelques heures après les premiers bombardements des positions kurdes en Syrie par l’aviation turque, le ministère turc de la Défense annonce que ses forces terrestres ont traversé la frontière pour combattre les milices kurdes.

Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir dans la soirée à la demande de la France qui a fermement condamné cette intervention turque.

syrie

 

CE QU'IL FAUT SAVOIR

L'armée turque est entrée dans le nord de la Syrie et a commencé ses opérations au sol, a fait savoir le ministère turc de la Défense, mercredi 9 octobre. L'opération doit permettre la création d'une "zone de sécurité" destinée à séparer la frontière turque des positions kurdes et accueillir des réfugiés, selon la Turquie. 

 Des milliers de civils fuient les bombardements. "Il y a des milliers de déplacés dans la région de Ras Al-Aïn et des villages de Tal Abyad, a indiqué le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. Les déplacés ont fui vers des secteurs adjacents épargnés par les bombardements", a-t-il précisé. 

 La Turquie entend créer une "zone de sécurité". Le pays veut faire rentrer les millions de réfugiés qu'elle a accueillis sur son territoire. Elle veut aussi éloigner la menace que constituent, à ses yeux, les Kurdes syriens, qu'elle considère comme des terroristes, même s'ils ont lutté contre l'Etat islamique.

 Moscou avait des réserves sur une offensive. Le président russe Vladimir Poutine a appelé son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à "bien réfléchir" avant de lancer une offensive contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie, annonce un communiqué du Kremlin. Il n'a pas été entendu.

 La France condamne "très fermement" l'offensive turque. La secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Amelie de Montchalin, a déclaré que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni finalisaient une déclaration commune pour "condamner fermement" l'offensive turque. Les trois pays ont appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à se réunir pour discuter de l'offensive turque.

 Une réunion d'urgence demandée à l'ONU. Une réunion en urgence et à huis clos du Conseil de sécurité de l'ONU a été demandée. Cette réunion a été réclamée par la Belgique, la France, l'Allemagne, la Pologne et le Royaume Uni.

#SYRIE

22h02 : "Nos forces armées héroïques et l'Armée nationale syrienne (des rebelles syriens soutenus par Ankara) ont commencé la phase terrestre de l'opération", a indiqué le ministère de la Défense dans un communiqué. Selon le porte-parole du groupe de rebelles syriens, cette offensive terrestre contre des forces kurdes dans le nord-est de la Syrie a débuté ce soir en direction de la ville de Tal Abyad.

21h58 : La Turquie annonce le début de la phase terrestre de son offensive contre des forces kurdes dans le nord-est de la Syrie.

9 octobre 2019

Turquie : Recep Tayyip Erdogan annonce le début d'une offensive dans le Nord-Est syrien

Plusieurs explosions ont retenti dans la région de Ras Al-Aïn, une localité frontalière de la Turquie.

La Turquie a lancé son opération militaire "Peace Spring" dans le nord de la Syrie, annonce son président Recep Tayyip Erdogan, mercredi 9 octobre. "Notre mission est d'éviter la création d'un corridor de la terreur de l'autre côté de notre frontière du sud et d'apporter la paix dans la zone", a-t-il écrit sur Twitter.

The Turkish Armed Forces, together with the Syrian National Army, just launched #OperationPeaceSpring against PKK/YPG and Daesh terrorists in northern Syria. Our mission is to prevent the creation of a terror corridor across our southern border, and to bring peace to the area.

Les médias syriens et un responsable kurde ont déclaré séparément que des bombardements avaient touché la ville de Ras al-Ain, dans le nord-est du pays, le long de la frontière turque. Un correspondant de l'AFP a pu constater la fuite de dizaines de civils et des colonnes de fumée s'élever tout près de la frontière. "Les avions de guerre turcs ont commencé à mener des frappes aériennes sur des zones civiles, il y a une forte panique parmi les gens", a ajouté de son côté un porte-parole des forces kurdes, Mustafa Bali.

Les forces kurdes dénoncent "un coup de poignard dans le dos"

Une source de sécurité turque a déclaré à Reuters que l'opération militaire en Syrie avait été lancée avec des frappes aériennes et qu'elle serait soutenue par des tirs d'artillerie et d'obusiers. La Turquie était sur le point de pénétrer dans le nord-est de la Syrie depuis que les troupes américaines ont commencé à quitter la région dans un changement de politique brutal du président américain Donald Trump, largement critiqué à Washington pour avoir trahi les alliés de la milice kurde aux États-Unis.

La Turquie veut faire rentrer les millions de réfugiés qu'elle a accueillis sur son territoire. Elle veut aussi éloigner la menace que constituent à ses yeux les Kurdes syriens, qu'elle considère comme des terroristes. Le président russe Vladimir Poutine, de son côté, a appelé son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à "bien réfléchir" avant de lancer une offensive contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie, annonce un communiqué du Kremlin. Il n'a pas été entendu.

Les puissances mondiales craignent que cette action ouvre un nouveau chapitre de la guerre en Syrie et aggrave les troubles régionaux. Les forces dirigées par les Kurdes ont dénoncé le changement de politique américaine comme un "coup de poignard dans le dos". Donald Trump, pour sa part, a nié avoir abandonné les forces, les partenaires américains les plus compétents dans la lutte contre le groupe Etat islamique en Syrie.

9 octobre 2019

Manifestations à Hong Kong : l’exécutif n’écarte pas l’idée de demander de l’aide à la Chine

hong3321

Carrie Lam, qui est nommée par un comité acquis à Pékin, a été fortement critiquée par les manifestants pour sa décision d’interdire les masques faciaux. (NICOLAS ASFOURI / AFP)Carrie Lam, qui est nommée par un comité acquis à Pékin, a été fortement critiquée par les manifestants pour sa décision d’interdire les masques faciaux. (NICOLAS ASFOURI / AFP)

Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif hongkongais indique qu’elle pourrait appeler Pékin à la rescousse si la situation dérapait encore.

Par L'Obs avec AFP

La cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam n’a pas écarté ce mardi 8 octobre la possibilité d’accepter l’aide de Pékin pour résoudre la crise politique dans son territoire, face à une contestation de plus en plus violente de la mouvance pro-démocratie.

La région semi-autonome du sud de la Chine est depuis quatre mois le théâtre de manifestations et d’actions quasi quotidiennes qui ont encore dégénéré ces derniers jours en des affrontements entre policiers et manifestants, dont certains se sont en outre livrés à des actes généralisés de vandalisme. La dernière flambée de violences a suivi la décision annoncée vendredi par Carrie Lam d’invoquer une vieille loi d’urgence remontant à l’époque coloniale pour interdire le port du masque lors des manifestations.

Vers un « Tiananmen » à Hong Kong ? « Les bruits de bottes se multiplient »

Des groupes radicaux s’en sont pris à des dizaines de stations du métro, dont l’opérateur est accusé de faire le jeu de Pékin, au point de perturber sérieusement le fonctionnement du réseau, et à nombre de commerces et entreprises liées à la Chine continentale. Alors que les Hongkongais ont repris mardi le travail après un week-end prolongé, Carrie Lam, qui est une des cibles de la colère des manifestants, a estimé que son gouvernement était capable de régler cette crise. Mais elle a ajouté qu’elle pourrait appeler Pékin à la rescousse si la situation dérapait encore.

Carrie Lam, la « marionnette de Pékin » victime de son allégeance

« Aucune option exclue »

« A ce stade, je suis toujours convaincue que nous devons trouver une solution nous-mêmes. C’est aussi la position du gouvernement central qui pense que Hong Kong doit affronter seul le problème », a-t-elle expliqué lors de sa conférence de presse hebdomadaire.

« Mais si la situation devient très grave, alors aucune option ne peut être exclue si nous voulons que Hong Kong ait une deuxième chance. »

L’image symbolique d’une bannière pro-Pékin brûlée à Hong Kong

Carrie Lam, qui est nommée par un comité acquis à Pékin, a été fortement critiquée par les manifestants pour sa décision d’interdire les masques faciaux, qui sont par ailleurs très répandus dans une agglomération toujours traumatisée par les ravages de l’épidémie de Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003.

Et des dizaines de milliers de personnes ont manifesté ces trois derniers jours le visage masqué pour réaffirmer qu’ils ne respecteraient pas la mesure. Un étudiant et une femme de 38 ans ont été inculpés lundi pour port de masque prohibé, et libérés sous caution. Quatorze manifestants qui avaient été arrêtés dimanche après-midi dans le quartier de Wanchai ont à leur tour été inculpés mardi après-midi.

Carrie Lam a jugé qu’il était « trop tôt » pour dire si l’interdiction était efficace ou non : « Vous serez d’accord sur le fait qu’il faut du temps pour mettre en œuvre une nouvelle politique ou une nouvelle loi. »

Les Hongkongais envoient un fabuleux message démocratique mais ils sont seuls au monde

Réparer les dégâts

Carrie Lam a, par ailleurs, refusé de réagir à la suggestion du député pro-Pékin Ip Kwok-him, membre du conseil exécutif, de limiter l’accès à internet pour mieux lutter contre la capacité d’organisation des manifestants.

Hong Kong : « Dans quel monde de fou on tire à balles réelles ? »

Les dégradations commises dans et aux abords des stations de métro à partir de vendredi soir ont eu pour conséquence de paralyser le réseau samedi, et de compliquer très fortement les déplacements des habitants, contraints de se rapatrier dans des bus bondés. Mardi matin, 13 stations demeuraient fermées, entraînant de fortes perturbations pour les employés reprenant le travail au sortir du week-end prolongé. Deux ont rouvert dans la journée.

Le réseau hongkongais est en temps normal loué pour son efficacité, transportant quotidiennement quatre millions de personnes, dans une ville qui en compte 7,5 millions.

L’opérateur du Mass Transit Railway (MTR) a cependant indiqué que le service serait interrompu mardi soir à 20 heures, heure locale, soit cinq heures avant l’heure normale. Une fermeture justifiée par la nécessité de donner aux agents le temps de réparer les dégâts.

Comment Pékin maintient Hongkong, Taïwan, le Xinjiang et le Tibet sous pression

La contestation a démarré en juin contre un projet de loi visant à autoriser les extraditions vers la Chine continentale. Le texte a été abandonné début septembre, trop tard aux yeux de manifestants qui avaient entre-temps considérablement élargi leurs revendications.

Ils demandent notamment une amnistie pour les milliers de manifestants arrêtés, une enquête sur le comportement – violent selon eux – de la police, ou encore l’avènement d’un véritable suffrage universel.

Publicité
Publicité