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Jours tranquilles à Paris
14 août 2019

Scènes de chaos à l’aéroport de Hongkong

hong

Article de Frédéric Lemaître

Les manifestants s’en sont pris à deux Chinois du continent. Pékin dénonce des « quasi-actes de terrorisme »

HONGKONG - envoyé spécial

Jusqu’ici objet de fierté et symbole de la réussite financière de la ville, l’aéroport de Hongkong n’était plus qu’un bateau ivre, mardi 13 août en fin de journée, et c’est un miracle s’il n’y a pas eu de mort. Comme la veille, les jeunes manifestants qui protestent depuis deux mois contre le gouvernement et contre l’emprise de la Chine sur cette « Région administrative spéciale » avaient décidé de bloquer le trafic aérien. Ce mouvement sans leader entendait donner plus de retentissement international à son action certes populaire mais qui, en dix semaines, n’a rien obtenu. Soutenue par Pékin, Carrie Lam, la chef de l’exécutif local, n’entend leur concéder aucune victoire, hormis la « suspension » du projet de loi sur les extraditions vers la Chine.

Au contraire, la police est de plus en plus violente. Dimanche, un tir a grièvement blessé une manifestante à l’œil et les protestataires ont découvert que des policiers en civil s’infiltraient parmi eux pour mieux les contrôler et les arrêter. D’où une tension qui ne cesse d’aller crescendo même si, jusqu’ici, les manifestants, principalement des jeunes diplômés de la classe moyenne, ne se sont pas attaqués aux personnes privées ni à leurs biens. Ils concentrent leur action sur les symboles et les représentants du pouvoir, notamment les forces de l’ordre et les commissariats.

Lundi, les manifestants avaient été suffisamment nombreux pour contraindre la direction du huitième aéroport mondial à annuler tous les vols. Mais, malgré le chaos, il n’y avait pas eu de violence. La simple rumeur d’une intervention policière avait fait repartir nombre d’entre eux à pied, vers le centre-ville.

Rien de semblable mardi. Dans le hall des départs, les passagers qui, la veille, se montraient plutôt compréhensifs commençaient à laisser éclater leur colère lorsqu’ils s’apercevaient qu’ils n’arrivaient plus à accéder aux comptoirs d’enregistrement. Vers 16 heures, tous les départs étaient à nouveau annulés. Surtout, deux incidents ont fait basculer l’occupation dans la violence. Dans la soirée, les manifestants ont arrêté et attaqué un homme, un Chinois de Chine continentale, qu’ils pensaient être un policier en civil. Lorsque la police et une équipe médicale ont voulu l’emmener, les manifestants ont bloqué l’ambulance. La police a alors eu recours à du gaz au poivre.

Un journaliste chinois malmené

Mais elle s’est laissé déborder à plusieurs reprises. On a ainsi vu des jeunes s’emparer de la matraque d’un policier. Paniqué, celui-ci a alors sorti son arme de service. Sans tirer, il s’est affalé au sol avant d’être rejoint par des collègues. Un autre incident pourrait avoir de réelles conséquences politiques. Un groupe de manifestants a également séquestré et battu un second Chinois du continent, lui attachant les mains derrière le dos parce qu’ils le soupçonnaient d’être un policier infiltré. Les images des caméras et des téléphones portables montrent le jeune homme au milieu de manifestants furieux. Certains tentent visiblement de raisonner la foule, mais il est plaqué au sol, son sac est fouillé et les manifestants en sortent un tee-shirt de soutien à la police de Hongkong. Son passeport chinois est exhibé aux caméras. Il sera ensuite ligoté sur un chariot d’aéroport et exposé à la vindicte. Des ambulanciers sont ensuite vus tentant de le ranimer après qu’il a perdu connaissance, dans l’hystérie générale, avant d’être évacué.

Le jeune Chinois, du nom de Fu Guohao, était en fait un reporter du Global Times, le quotidien nationaliste chinois qui, depuis plusieurs semaines, souffle sur les braises et appelle Pékin à faire preuve de davantage de fermeté face aux manifestants. Pendant l’événement, son rédacteur en chef, Hu Xijin, a adjuré sur Twitter les manifestants de le relâcher.

Au matin du 14 août, le Global Times titrait sur le fait que des « condamnations affluent de partout pour condamner l’attaque brutale du reporter ». Fu Guohao est décrit comme un « héros » par ses commentateurs, et son nom a été l’un des plus partagé sur Weibo, le Twitter chinois. Il n’a toutefois pas été blessé, selon la presse chinoise. Pékin a fermement condamné dès mercredi matin l’attaque contre ses deux nationaux : Xu Luying, la porte-parole du bureau des affaires de Hongkong et de Macao à Pékin, l’agence gouvernementale chinoise en charge de ces territoires, a exprimé la « colère extrême » de la Chine et comparé ces agressions à de « quasi-actes de terrorisme » : « Les manifestants radicaux ont franchi le seuil de la loi, de la morale et de l’humanité », a-t-elle déclaré. Une progression subtile mais certaine dans la rhétorique chinoise : un collègue de Mme Xu avait dénoncé lundi 12 août « les premiers signes de terrorisme » dans le comportement des manifestants face à la police.

Au cours de la nuit de mardi à mercredi, la justice de Hongkong a ensuite donné l’ordre d’évacuer l’aéroport et le calme est peu à peu revenu. C’est par une décision similaire que le gouvernement avait mis fin en 2014 aux zones d’occupation du mouvement des parapluies sur la voie publique, à la suite d’une plainte des compagnies de bus. L’accès aux principales aires de départ et d’arrivée est désormais régulé. Mercredi matin, les vols redécollaient progressivement.

« Prêts à sacrifier leur vie »

La journée du 13 marque incontestablement un tournant et une radicalisation du mouvement. Sur les réseaux sociaux, les violences de l’aéroport ne semblaient pas faire l’unanimité entre les jeunes de Hongkong, et certains ont présenté des excuses. Dans un entretien au Monde, une des figures de l’opposition parlementaire, Claudia Mo, dit soupçonner Carrie Lam, la chef de l’exécutif, de jouer la politique du pire, et affirme que des jeunes sont « prêts à sacrifier leur vie pour leur cause ».

Mardi matin, au cours d’une conférence de presse, Carrie Lam, prise à partie par les journalistes sur les violences policières, avait eu du mal à contenir son émotion. Elle a été incapable de répondre à un journaliste qui lui demandait, très calmement, si elle avait suffisamment d’autonomie politique pour annuler la loi controversée sur les extraditions vers la Chine qui est à l’origine du mouvement ou si une telle décision relevait de Pékin. Le dernier sondage de l’Institut de recherche de l’opinion publique de Hongkong, réalisé du 1er au 6 août, confirme la baisse de sa cote de popularité à 27,9 %, un seuil encore jamais atteint.

Par ailleurs, Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, a demandé mardi une enquête sur les tirs de gaz lacrymogènes par la police. La Chine a immédiatement condamné une « déclaration malvenue » et dénoncé l’ingérence des Nations unies dans ses affaires intérieures. Cela envoie « un mauvais signal à des criminels violents », affirme le communiqué de la mission chinoise à l’ONU. Une nouvelle grande manifestation est prévue le dimanche 18 août.

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11 août 2019

Des dizaines de milliers de personnes rassemblées à Moscou pour réclamer des élections libres

Par Benoît Vitkine, Moscou, correspondant

Ce rassemblement, le plus important depuis des années en Russie, avait été autorisé par les autorités.

Ni la pluie, ni les nombreux départs en vacances du mois d’août, ni surtout la répression des autorités n’ont eu raison de la contestation contre le pouvoir qui secoue Moscou depuis près d’un mois. Samedi 10 août, une nouvelle manifestation « pour des élections libres » a réuni le chiffre record de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre de la capitale russe.

Selon le comptage de l’ONG spécialisée « Compteur blanc », réputée pour son sérieux, ce sont même 49 900 personnes qui étaient présentes sur l’avenue Sakharov. Ce comptage était d’autant plus aisé que la manifestation avait été autorisée et que les protestataires devaient passer en rang par des portiques. La police assure de son côté avoir recensé 20 000 manifestants, soit le même chiffre que lors du rassemblement du 20 juillet, alors que l’avenue Sakharov était alors bien moins remplie.

Le centre de Moscou avait à nouveau été transformé en camp retranché, avec des cordons de forces antiémeutes positionnés dans chaque rue pour éviter que des participants au rassemblement ne se dispersent dans la ville.

In fine, de petits groupes ont de fait commencé à défiler en scandant des slogans hostiles au pouvoir, donnant lieu aux scènes désormais rituelles d’arrestations musclées. Dans la soirée, l’ONG OVD-Info recensait ainsi 146 interpellations.

Contre toute attente, ce rassemblement constitue donc le plus important depuis le début du mouvement, il y a un mois. La mobilisation dépasse également de loin ce qui avait été observé il y a un an lors des rassemblements contre la réforme des retraites, et elle est désormais comparable avec le mouvement de 2011-2012 contre les fraudes aux législatives et le retour de Vladimir Poutine au Kremlin. D’autres rassemblements se déroulaient également en province, où plusieurs dizaines d’arrestations ont eu lieu.

Rejet des candidats d’opposition

Ce mouvement de contestation a démarré après le rejet, pour des prétextes douteux, d’une soixantaine de candidats indépendants aux élections locales du 8 septembre. Ces candidats, issus du camp libéral ou alliés de l’opposant Alexeï Navalny, paraissaient en mesure de mettre en difficulté les représentants du pouvoir. A travers toute la Russie, ce sont des centaines de candidats d’opposition qui ont été bloqués de la même façon, accusés de falsifications ou refusés pour des vices de forme.

Malgré le caractère très local de ces scrutins de septembre, cette interdiction a choqué de nombreux Russes, qui y voient un déni de démocratie et un raidissement du pouvoir face à la moindre tentative de contester son monopole.

De nombreuses personnalités qui étaient restées jusqu’à présent silencieuses, notamment dans le monde de la musique, ont appelé ces derniers jours à se joindre au mouvement, contribuant à sa popularité.

A l’inverse, la mairie de Moscou organisait ce samedi, au pied levé, un festival de musique gratuit, espérant comme la semaine passée attirer la frange la plus jeune des éventuels manifestants. Près de la moitié des artistes annoncés se sont toutefois désistés, soit en appelant explicitement à manifester, soit en faisant part de problèmes « éthiques ».

Répression du mouvement et intimidation

Après avoir tergiversé face à cette crise, les autorités ont choisi il y a environ deux semaines la manière forte. Outre les violences policières constatées chaque samedi et les arrestations massives de manifestants pacifiques, pour la plupart rapidement relâchés, c’est dans l’arrière-salle des tribunaux que se jouent la répression du mouvement, et l’intimidation de ceux qui seraient tentés de le rejoindre.

Tous les candidats interdits, transformés en meneurs de facto de la contestation, sont ainsi emprisonnés, condamnés à des peines administratives allant jusqu’à trente jours de détention pour participation ou appel à des manifestations interdites. La dernière des candidates en liberté, Lioubov Sobol, qui a entamé une grève de la faim le 13 juillet, a été interpellée dans la matinée de samedi.

Quant à Alexeï Navalny, le dirigeant de l’opposition qui est aussi en prison pour trente jours, son « Fonds de lutte contre la corruption », dont les vidéos dévoilant les manigances des élites russes cumulent des dizaines de millions de vues sur YouTube, est dans le viseur de la justice, qui a déjà gelé les comptes de l’organisation.

Cette enquête pour « blanchiment d’argent » est intervenue au lendemain d’une nouvelle investigation du Fonds sur la numéro deux de la mairie de Moscou, accusée d’avoir mis la main sur des biens immobiliers publics d’une valeur de 94 millions d’euros.

Enquête pénale pour « troubles massifs à l’ordre public »

Surtout, l’ouverture d’une enquête pénale pour « troubles massifs à l’ordre public » a permis des arrestations de simples manifestants ces derniers jours et des dizaines de perquisitions.

Treize personnes, qui semblent pour l’essentiel avoir été choisies de façon aléatoire, sont pour l’instant détenues pour ce motif et risquent jusqu’à quinze ans de prison. Parmi elles, un homme qui avait été filmé le 3 août en train de faire mine de relever la visière d’un policier antiémeute. Pour le reste, les juges ne présentent aucune preuve de la participation des personnes arrêtées à de quelconques actions violentes. Cette semaine, le parquet a aussi demandé le retrait de ses droits parentaux à un couple ayant manifesté avec son enfant.

« Les autorités savent se montrer flexibles tant que les demandes de la société civile ne concernent pas des sujets politiques », écrivait cette semaine Alexandre Baounov, du Centre Carnegie à Moscou :

« Mais pour Vladimir Poutine, les élections sont quasiment devenues des questions de sécurité nationale. (…) C’est le gouvernement lui-même qui a choisi l’escalade. Il a choisi de répondre par la violence à des manifestations pacifiques, comme si une révolution menaçait. Son message est : “Vous voulez la révolution ? Nous sommes prêts, battons-nous !” »

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Cette stratégie montre toutefois ses limites. En témoigne la mobilisation massive de ce 10 août. De très localisé, l’enjeu est devenu national, et les manifestants de l’avenue Sakharov n’exigent désormais plus seulement le droit de voter pour le candidat de leur choix, mais aussi la libération des « prisonniers politiques » et le départ de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis vingt ans.

11 août 2019

Entretien - Chine : « Une intervention militaire ou policière à Hongkong semble très improbable »

Par Arnaud Leparmentier, New York, correspondant

L’ancien premier ministre australien Kevin Rudd s’inquiète des divisions au sein de la Maison Blanche sur l’attitude à adopter face à Pékin.

Kevin Rudd, ancien premier ministre travailliste d’Australie, est le président de l’Asia Policy Institute, un think tank de New York destiné à favoriser les relations des Etats-Unis avec l’Asie. Il analyse les stratégies chinoises et américaines, alors que les tensions sont vives entre les deux géants.

Trente ans après Tiananmen, la révolte de Hongkong va-t-elle finir par être réprimée par Pékin ?

Je serais très surpris que les autorités de Pékin prennent ce risque. Une intervention militaire ou de police à Hongkong me semble très improbable : il y aurait une résistance féroce et elle coûterait beaucoup plus à la réputation de la Chine qu’elle ne rapporterait. Dans la hiérarchie des priorités de Pékin, Hongkong fait partie de la deuxième priorité, l’unité nationale, mais une intervention abîmerait la légitimité du parti, qui est la priorité première, et mettrait en danger l’économie – la troisième priorité.

A Tiananmen, ce risque a été pris.

C’était beaucoup plus tôt et il s’agissait d’une affaire intérieure. Hongkong reste toujours un monde différent. Ce n’est pas Shanghaï, Donggang ou Wuhan. Certains craignent que le chaos à Hongkong se propage. Mais les Chinois du continent, même les dissidents, savent qu’une action similaire ne marchera pas. De surcroît, une intervention détruirait tout espoir d’unification pacifique avec Taïwan car le système « un pays deux systèmes » serait complètement mort.

Comment cela va-t-il finir ?

Mon diagnostic part du principe que le mouvement ne devient pas considérablement plus violent, menaçant pour l’administration de Hongkong et ne progresse pas en taille. Le scénario le plus vraisemblable est que Pékin, par sa non-réaction, va laisser le mouvement décliner. Certains formulent l’hypothèse d’une intervention de l’armée populaire la semaine du 12 août. Je ne vois rien de tel. Une intervention aurait des conséquences inconnues au niveau international et provoquerait l’isolement de la Chine.

La révolte intervient dans un climat très tendu avec les Etats-Unis. Après la guerre commerciale, la guerre technologique et monétaire. Et après, la guerre tout court ?

Il est facile de prédire un enchaînement négatif qui déboucherait, après la guerre monétaire, sur une guerre financière plus large. C’est là que la situation devient particulièrement grave, à cause de l’interpénétration des marchés financiers. Si cette tendance continue, cela équivaut à un découplage des économies, précondition d’une guerre froide. Tout cela est possible, mais je ne pense pas qu’il y ait unanimité dans l’administration américaine pour estimer que c’est le but à atteindre.

Quel est le but des Etats-Unis : obtenir de la Chine qu’elle respecte les règles du jeu du commerce mondial et l’intégrer ou l’isoler ?

Les Américains n’ont pas de stratégie, juste une attitude. Cela s’explique par les immenses tensions internes à l’administration sur les objectifs. Il y a ceux qui veulent mener et remporter une guerre commerciale, et apporter des changements à l’économie chinoise, y compris sur la propriété intellectuelle, les transferts forcés de technologies et les subventions d’Etat aux entreprises chinoises. Cette vision est celle du secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, du représentant au commerce, Robert Lighthizer, et du conseiller économique Larry Kudlow. Une fois un accord signé, on en resterait là, sans guerre technologique ou financière. Ce serait une politique étrangère d’accommodation et le statu quo militaire.

Vous avez une deuxième école, celle du conseiller Peter Navarro, dont le but est d’empêcher la Chine de s’élever davantage. Elle passe par un découplage des économies, implique de passer de la guerre commerciale à la guerre financière. Dans cette hypothèse, les Etats-Unis tentent de couper la Chine non seulement des marchés américains, mais aussi de ses alliés et le plus possible des marchés mondiaux.

Quelle forme prendrait cette guerre financière ?

Les premiers signes pourraient être la limitation de la cotation des firmes chinoises sur les places financières américaines et alliées, la restriction des lignes de crédit octroyées par les banques américaines et alliées. In fine, les Etats-Unis pourraient utiliser l’arme du dollar.

Avec des embargos comme ceux sur l’Iran ?

A l’extrême, oui. Nos amis chinois ont certainement déjà commencé à faire des simulations financières sur l’usage de l’arme du dollar, comme elle est employée à l’égard du Venezuela et de l’Iran. Le point d’arrivée de cette politique marquerait le début d’une guerre froide effective. Les relations sino-américaines seraient de même nature que jadis les relations américano-soviétiques, sans imbrication politique, avec une stratégie de « containment » [endiguement].

Et la troisième école, c’est la guerre ?

La troisième possibilité ne se termine pas nécessairement en guerre mais implique une confrontation de politique étrangère directe, qui peut ou non finir en conflit. Cette troisième école se situe toujours à l’intérieur de l’administration, mais à ses marges. On y trouve des gens comme Stephen Miller, conseiller spécial du président, ou l’entourage du vice-président, Mike Pence. On assisterait à un rollback massif des Américains contre les routes de la soie, contre toute revendication territoriale chinoise future dans la mer de Chine méridionale ou contre le schéma actuel des opérations navales chinoises et des règles d’engagement des navires américains quand les Chinois tentent de les intercepter.

Cela signifierait aussi une confrontation directe avec l’initiative technologie 2025 de la Chine et des injonctions aux firmes américaines et alliées contre leur participation à tout développement technologique chinois, particulièrement celles avec des applications militaires. Et l’on verrait des attaques généralisées sur les atteintes de Pékin aux droits de l’homme pour décrédibiliser l’Etat chinois.

Que veulent les Chinois ?

J’ai exposé à l’Académie militaire de West Point le cercle concentrique des priorités chinoises, exposé que mes amis chinois ont jugé objectif : un, garder le parti au pouvoir ; deux, l’unité nationale [Xinjiang, Tibet, Taïwan, Hongkong] ; trois, la prospérité économique pour légitimer le parti et renforcer la capacité à agir.

Quatre, et c’est nouveau depuis ces cinq dernières années, avoir une croissance écologique car le parti est attaqué sur la pollution aujourd’hui et sur le climat demain. Cinq, avoir des voisins aussi bénins et accommodants que possible. Six, faire reculer les Américains jusqu’à la première chaîne d’îles, du Japon au nord aux Philippines au sud, pour permettre une plus grande liberté d’action en mer et traiter si nécessaire le futur de Taïwan. Sept, sécuriser la frontière terrestre et avoir une Eurasie dépendante économique de la Chine. D’où l’initiative des routes de la soie et la transformation de la Russie d’adversaire en allié.

Et enfin, poursuivre la politique historique du G77 [groupe des Nations unies qui réunit la Chine et plusieurs pays en développement] en Afrique et en Amérique latine pour amasser des soutiens, ce qui nous conduit au dernier point : changer l’ordre international pour qu’il soit plus tolérant sur la politique intérieure chinoise plutôt qu’un ordre international fondé sur les valeurs occidentales qui cherchent à mettre en cause l’ordre intérieur chinois (parti unique), ses valeurs intérieures et ses pratiques économiques. La Chine ne veut pas changer l’ordre mondial, elle veut simplement qu’il soit moins intrusif.

Mais face aux Etats-Unis de Donald Trump, que vont-ils faire ?

Les Chinois connaissent leurs forces, comme la capacité à définir une politique économique sans dissensus démocratique ou la poursuite de la croissance par l’urbanisation, mais ils sont conscients aussi de leurs faiblesses. La plus forte est le dilemme non résolu entre le parti et le marché, l’entreprise privée et l’entreprise d’Etat, le contrôle du crédit rationné et l’allocation par le marché des ressources vers les entreprises les plus performantes. Il ne s’agit pas d’un débat idéologique obscur, mais d’un problème réel, quotidien en Chine.

La Chine a ralenti ces dernières années car l’administration de Xi Jinping a préféré le parti au marché, les conglomérats d’Etat aux entreprises privées et a rendu la vie plus dure aux entreprises privées avec sa campagne anticorruption et une restriction du crédit au détriment du secteur privé. Or, ce dernier représente 61 % du produit intérieur brut, 90 % de la croissance, 80 % de l’innovation et environ 55 % des impôts. Le dilemme de Xi Jinping, c’est qu’il a besoin d’un secteur privé performant pour réaliser la percée économique et technologique dont il a besoin pour le futur.

Les Américains ont-ils sabordé l’accord prévu en mai en humiliant les Chinois ?

Dans la plupart des négociations avec les Chinois, il y a une véritable négociation sur la substance et bien sûr de la pure politique. Il y avait une convergence raisonnable sur les questions de fond, mais là où les négociations ont rompu, c’est sur la politique. Les Américains ont insisté sur leur capacité à maintenir des droits de douane après la signature de l’accord, imposer des droits punitifs s’ils jugeaient unilatéralement que les Chinois avaient violé la substance ou l’esprit dudit accord et avoir leur mot à dire sur la mise en œuvre des réformes. J’étais à Pékin à ce moment, où j’enseignais, et j’ai parlé à de nombreux décideurs : cela équivalait pour eux à une seconde génération de « traités inégaux », comme la Chine avait dû en signer avec les impérialistes anglais, français et d’autres au XIXe siècle. Ils ne pouvaient pas l’accepter. Trump a été un piètre négociateur en ignorant ces facteurs politiques de dignité de la nation alors que l’accord de fond était plus important.

L’intransigeance américaine fait, dit-on, le jeu des nationalistes chinois.

La Chine est face à ses choix, les plus importants depuis 1978. La première possibilité est que les Chinois envoient bouler les Américains : nous ne capitulerons pas mais nous étendrons notre ouverture au reste du monde et nous allons libéraliser davantage l’économie intérieure. Nous envoyons le message au monde que la Chine est ouverte au commerce mais ne se soumet pas aux pressions unilatérales des Etats-Unis. Est-ce probable ? Non. Est-ce possible ? Oui, mais cela exige beaucoup de courage économique. Le vice-premier ministre, Liu He, a insisté sur la possibilité de transformer l’adversité économique en opportunité. C’est du langage codé pour retourner à une plus grande ouverture.

La deuxième possibilité est d’envoyer bouler le reste du monde. Nous allons accélérer la demande domestique, réduire notre dépendance au commerce extérieur, qui décroît déjà, augmenter nos pratiques mercantilistes et être encore plus protectionnistes, nous allons cesser de libéraliser et réprimer la dissension politique… Troisième solution, les Chinois cèdent aux Américains, mais c’est de moins en moins probable. Tout le monde anticipe une récession et Trump met de l’huile sur le feu. En dépit de tout, je pense néanmoins que Xi Jinping souhaite un accord avant la fin de l’année et que secrètement, Donald Trump le souhaite aussi car il ne veut pas aller à l’élection de 2020 avec une économie affaiblie par les guerres commerciales.

Quels alliés peuvent trouver les Chinois ?

Mes amis chinois voient l’Europe comme les Etats-pivots du futur. S’il y a un changement fondamental dans la relation américano-chinoise, la Chine va réfléchir à limiter l’impact d’une telle bascule en améliorant ses relations avec trois entités : le Japon, l’Europe et l’Inde. L’offensive de charme a commencé et il n’est pas dur pour la Chine de défendre son cas en raison du comportement de Donald Trump. La Chine cherche à neutraliser, voire faire basculer ces trois zones de son côté. Si cela arrivait, cela mettrait une pression fondamentale sur les relations américaines avec l’OTAN et l’Union européenne. Une histoire joyeuse pour les Français !

9 août 2019

Les Eglises chrétiennes de Hongkong, très impliquées dans la rébellion

Par Florence de Changy, Hongkong, correspondance

Plusieurs figures du mouvement revendiquent leur foi catholique, tandis que le diocèse apporte son soutien aux manifestants.

Parmi les surprises du mouvement de protestation à Hongkong, l’irruption du chant de messe Chante Alléluia au Seigneur dès les premières « barricades » a d’abord fait sourire. Il révèle néanmoins comment les Eglises chrétiennes, et notamment la catholique, se sont retrouvées impliquées dans la crise politique déclenchée par l’opposition farouche de la population à un projet de loi d’extradition vers la Chine.

« La plupart des gens qui le chantent ne font pas vraiment attention aux paroles. Ils aiment bien la mélodie », minimise le jeune pasteur Wong, en tenue cléricale, avec étole et croix pectorale, alors qu’il passe dans la foule effervescente de jeunes rassemblés devant le Parlement, le 1er juillet au soir, quelques heures avant que des manifestants en forcent l’entrée. « Il y a beaucoup de tensions. Je les encourage à garder espoir. Chanter apaise », dit-il.

Contrairement à la Chine populaire, où la pratique religieuse est étroitement contrôlée par le Parti communiste, elle est à Hongkong un « droit fondamental » garanti par la Constitution du territoire. Un peu plus de 5 % de la population sont catholiques (400 000 personnes sur 7,4 millions d’habitants), et environ autant protestantes – pour plus de quatre fois plus de bouddhistes et de taoïstes (2 millions).

« Soutien moral »

Tout au long de la contestation, des stands de veillées de prière et des chapelles de campagne sont apparus à proximité des points chauds. L’évêque auxiliaire de Hongkong, Joseph Ha, 60 ans, a lui même activement participé aux veillées de prières œcuméniques face au LegCo, le Parlement de Hongkong. Nombre de tee-shirts portent la « marque » « Jesus », en grosses lettres.

Quelques heures avant la manifestation du 28 juillet à Yuen Long contre l’attaque des triades une semaine plus tôt dans la station de métro du quartier, le député prodémocratie Ray Chan tweetait : « Les amis, soyez malins. Echappez-vous avant que les flics ne perdent la tête. Moi je serai sur place pour prêcher l’Evangile. »

Au cours des affrontements des dernières semaines, des groupes de jeunes croyants se sont retrouvés les yeux fermés et les mains jointes, nez à nez avec un mur de policiers en tenue antiémeute. « Dis donc à ton Jésus de descendre nous voir ! », avait d’ailleurs lancé un policier le 12 juin à un manifestant. Le commentaire fit polémique. Une plainte fut déposée, finalement classée sans suite, fin juin. Depuis l’incident, des pancartes humoristiques avertissent les policiers : « Si vous sortez encore les bâtons, nous recommencerons à chanter Alléluia ! »

Les organisations chrétiennes se sont aussi mobilisées à la suite des quatre morts (dont au moins trois suicides avérés) associées au mouvement de contestation actuel. D’après les autorités sanitaires, ces décès découleraient d’« une épidémie de dépression » dans la jeunesse. L’un des prospectus distribués lors des manifestations, avec en prime une petite croix faite de perles rose, liste une dizaine de numéros d’assistance à contacter « en cas de problèmes de stress » et mentionne des extraits de la Bible.

« Une croyance religieuse peut apporter un soutien moral aux gens qui sont désespérés et sans recours, parfois porteurs de haine. Les Eglises sont très proactives pour offrir un soutien psychologique sans jugement », observe le directeur du centre sur la prévention du suicide de l’université de Hongkong, Paul Yip. « Hier soir [5 août], des jeunes qui cherchaient refuge sont entrées pacifiquement dans les églises de Chun Wan et de Tuen Mun. Ils y ont passé la nuit et les prêtres les ont accueillis », révèle un prêtre étranger qui préfère ne pas être identifié.

Lutte pour la démocratie

Dans sa quête éperdue de démocratie, la jeune génération semble inspirée par les valeurs chrétiennes. Avec plus de 2 500 baptêmes de catéchumènes en 2018, le diocèse de Hongkong baptise plus d’adultes chaque année à Pâques que la France tout entière. Joshua Wong, 22 ans, l’icône de la jeunesse rebelle de Hongkong, a de longue date revendiqué sa foi protestante comme moteur de son engagement politique. Le leader politique Edward Leung, condamné à six ans de prison ferme en 2018 pour son rôle dans une « émeute » en 2016, a, lui, publié de sa cellule il y a quelques jours une « Lettre à Hongkong » sur Facebook appelant ses concitoyens « non pas à s’opposer [au gouvernement] avec nos précieuses vies mais, par nos sacrifices, à pratiquer la persévérance et l’espoir », une citation presque littérale de la Lettre de saint Paul apôtre aux Romains.

Plusieurs ecclésiastiques sont de longue date en première ligne de la lutte pour la démocratie à Hongkong. Les deux plus célèbres sont le cardinal Zen, 87 ans, ancien évêque de Hongkong et anticommuniste invétéré, et le pasteur anglican, Chu Yiu-ming, 75 ans, condamné à seize mois de prison en avril, avec deux ans de suspension, pour son rôle dans le « mouvement des parapluies »  de l’automne 2014. C’est en partie grâce au réseau éducatif (environ 250 institutions) que l’Eglise catholique a un tel impact sur la société hongkongaise. Alors que les écoles jésuites, notamment le très élitiste Wah Yan collège, ont beaucoup formé les « gouvernants », les écoles protestantes produisent des travailleurs sociaux.

Du coup, bon nombre de personnalités de la vie politique hongkongaise catholiques ou sympathisantes appartiennent au camp prodémocratie. A l’exception de Carrie Lam, la chef de l’exécutif dont les manifestants exigent la démission : cette catholique fervente et pratiquante est d’une loyauté sans faille à Pékin. Elle fit sa scolarité chez les Canossiennes, congrégation d’origine italienne. Persuadée, selon ses propres dires, que sa mission politique est un appel de Dieu, elle avait souhaité, après son élection, recevoir la bénédiction du cardinal Tong, alors évêque de Hongkong, avant même d’aller à Pékin. Ce qui ne l’a pas empêchée d’ignorer les appels à abandonner le projet de loi controversé que lui lancèrent tant sa propre école que le diocèse catholique de Hongkong.

Les convulsions actuelles interviennent à un moment délicat pour l’Eglise catholique à Hongkong, sans évêque depuis janvier : l’engagement du diocèse aux côtés des manifestants pourrait coûter sa promotion à l’évêque auxiliaire, Mgr Ha, en lice pour porter la mitre de l’évêque de Hongkong. Bien que Hongkong soit techniquement exclu, en raison de son statut spécial, des accords secrets passés entre le Vatican et Pékin en 2018 sur la nomination des évêques en Chine, les proches du dossier sont persuadés que « quelqu’un de plus conciliant » sera choisi.

Il faut dire que l’entente entre Rome et les autorités communistes sur les évêques chinois a dressé contre elle toute une partie du diocèse de Hongkong, derrière son critique le plus virulent, le cardinal Zen. « Les Eglises chrétiennes ont de bonnes raisons de se sentir concernées par le mouvement actuel car elles savent comment les chrétiens chinois sont traités par le gouvernement chinois en Chine. C’est pour cela qu’elles soutiennent aussi activement les participants au mouvement », estime Paul Yip. A Hongkong se joue ainsi une autre bataille d’influence, entre Pékin et le Vatican.

5 août 2019

A Hongkong, les manifestants prodémocratie sèment le chaos dans les transports en commun

Après un nouveau week-end de manifestations, la contestation se poursuit ce lundi. Une grève générale paralyse une partie du centre financier asiatique.

Le chaos s’est abattu lundi 5 août matin sur le métro hongkongais, pourtant connu pour sa redoutable efficacité, en raison d’opérations de blocage des rames et d’une grève générale lancée par les manifestants prodémocratie pour accroître la pression sur les autorités pro-Pékin.

Après de nombreuses manifestations ce week-end et de nouveaux heurts dimanche soir – les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser plusieurs centaines de manifestants et la police a annoncé avoir arrêté 44 personnes –, des protestataires sont descendus à l’heure de pointe dans plusieurs stations clés du réseau hongkongais pour bloquer les portes des métros et empêcher les trains de partir. Cette action coup de poing a eu pour effet de paralyser le trafic, alors que des files d’attente de milliers d’usagers se formaient dans les couloirs et aux abords des stations. Si certains voyageurs étaient irrités par le chaos créé par l’action des manifestants, d’autres exprimaient au contraire leur soutien au mouvement, après deux mois de manifestations sans précédent visant à protéger les libertés à Hongkong.

L’opérateur ferroviaire MTR Corp a suspendu son service sur les lignes entre les quartiers de Causeway Bay et Quarry Bay sur l’île de Hongkong. Le trafic a également été interrompu sur les lignes entre Kowloon Tong et les stations proches de la frontière avec la Chine continentale, rapporte la presse locale. Le département du travail a exhorté les employeurs à faire preuve de compréhension et de souplesse dans les conditions de travail des employés en raison des conditions de circulation.

Plus de 100 vols supprimés

Plus de 100 vols ont en outre été annulés à l’aéroport de Hongkong, l’un des plus actifs au monde, alors que les autorités du transport aérien mettaient les passagers en garde contre de possibles perturbations.

L’exécutif pro-Pékin du territoire semi-autonome a accusé lundi les manifestants prodémocratie de tenter « de contester la souveraineté nationale du pays ». « J’ose affirmer que cela vise à renverser Hongong, à détruire complètement la précieuse vie de plus de sept millions de personnes » a déclaré à la presse la dirigeante Carrie Lam.

Mme Lam, dont les manifestants réclament la démission, sait qu’elle peut compter sur l’appui de Pékin, l’Armée populaire de libération ayant même proposé, la semaine dernière dans une vidéo musclée, ses services pour rétablir l’ordre.

La grève intervient après un week-end de manifestations marquées par les violences qui, selon le gouvernement, entraînent la ville vers « un danger extrême ». Des milliers de personnes ont battu le pavé, dimanche. « Je suis plus inquiète qu’optimiste », a confié Florence Tung, une avocate stagiaire de 22 ans, qui a manifesté dans le quartier résidentiel de Tseung Kwan O. « On a l’impression que, quel que soit notre nombre, on ne peut pas changer notre gouvernement », poursuit-elle, en référence au fait que les dirigeants de la ville ne sont pas élus au suffrage universel.

« Forces abjectes »

Cette première manifestation dimanche a été dispersée par la police, à l’aide de gaz lacrymogène. Mais les contestataires ont immédiatement rejoint un second cortège plus important, qui prenait la route du Bureau de liaison représentant les intérêts de Pékin à Hongkong. Il y a deux semaines déjà, cet immeuble proche du front de mer et voisin du siège du gouvernement local avait été la cible de jets d’œufs par des manifestants qui avaient tagué sa façade.

Pékin, qui avait dénoncé des dégradations « absolument intolérables », multiplie depuis lors les mises en garde. Dimanche matin, l’agence de presse officielle Chine nouvelle a dénoncé les « forces abjectes » menaçant les fondements du principe « un pays, deux systèmes » :

« Le gouvernement central ne restera pas les bras croisés et ne laissera pas la situation se poursuivre. »

Hongkong, qui traverse sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession en 1997 par le Royaume-Uni, en est à son neuvième week-end consécutif de manifestations, de plus en plus souvent suivies d’affrontements entre petits groupes radicaux et forces de l’ordre. La mobilisation avait débuté avec la dénonciation d’un projet de loi – aujourd’hui suspendu – qui proposait de légaliser les extraditions vers la Chine continentale.

Les revendications se sont depuis élargies à la dénonciation du recul des libertés dans l’ex-colonie britannique ou à l’exigence de réformes démocratiques. Initialement très pacifiques, les manifestations ont ces derniers temps de plus en plus dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.

Face à cette situation inédite, les autorités locales ont également durci le ton ces derniers jours. Une quarantaine de manifestants ont été inculpés pour participation à une émeute, une infraction passible de dix ans de prison. Samedi, une vingtaine de personnes ont été arrêtées après avoir temporairement bloqué l’un des tunnels routiers permettant de rejoindre l’île de Hongkong.

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4 août 2019

Les Etats-Unis sortent officiellement du traité sur les armes nucléaires intermédiaires

Par Marc Semo, Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles, bureau européen

Ce retrait signe la mort de l’un des grands symboles de la fin de la guerre froide, acté le 8 décembre 1987 par Reagan et Gorbatchev.

Ils ont signé son arrêt de mort et, en définitive, cela sert leurs intérêts mutuels : les Etats-Unis et la Russie sont désormais officiellement sortis du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire – FNI, ou INF en anglais, pour intermediate-range nuclear forces – signé, le 8 décembre 1987, par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev.

C’était l’un des grands symboles de la fin de la guerre froide et son extinction, vendredi 2 août, aura trois conséquences immédiates.

Elle permettra d’abord, tant à Washington qu’à Moscou, de moderniser leur arsenal et de déployer rapidement de nouveaux équipements ; elle laisse les Européens à leurs inquiétudes quant à la relance d’une course à l’armement nucléaire par les deux grands rivaux ; enfin, elle cible directement la Chine qui développe très vite ses capacités à l’heure actuelle pour affirmer notamment sa suprématie en Asie.

Donald Trump avait annoncé, le 2 février, la procédure de retrait américain, qui deviendrait effectif au bout de six mois. mettant en cause Moscou pour des violations de l’accord depuis plusieurs années. En rétorsion, Vladimir Poutine avait aussitôt suspendu la participation de la Russie, décision ratifiée le 3 juillet.

« Les Etats-Unis ont évoqué leurs inquiétudes auprès de la Russie dès 2013 », a rappelé le patron de la diplomatie américaine, Mike Pompeo. L’administration Obama disposait en effet d’informations indiquant que la Russie testait un nouveau missile, le 9M729, et des lanceurs, en contravention avec les règles du traité FNI. Le président américain n’avait toutefois pas voulu partager immédiatement ces informations avec les pays de l’OTAN, afin de ne pas jeter le trouble au sein de l’Alliance. Vendredi, les pays membres ont apporté leur « plein soutien » aux Etats-Unis.

La question de crédibilité de la dissuasion

Washington et ses alliés accusent la Russie de ne pas avoir respecté l’accord en développant ce 9M729 (ou SSC-8) mobile, rapide, difficile à détecter, doté d’une portée d’au moins 2 500 kilomètres. Moscou nie, assurant, contre toute évidence, que ses missiles à double capacité – à la fois conventionnelle et nucléaire – ne peuvent dépasser 480 kilomètres.

M. Pompeo souligne que les autorités russes n’avaient pas saisi, au cours des six derniers mois, leur « dernière chance » de sauver l’accord. Plusieurs discussions entre les deux puissances rivales se sont de fait révélées infructueuses depuis février, dans le cadre du Conseil OTAN-Russie notamment. « Le traité FNI nous a été utile, mais il ne fonctionne que si les deux parties le respectent », a déclaré le nouveau chef du Pentagone, Mark Esper, en début de semaine. Devant le Sénat, il a affirmé que les Etats-Unis, affranchis des obligations découlant de l’accord, feraient désormais « tout ce qui est dans leur intérêt ».

Un haut responsable de l’administration américaine indiquait dès vendredi que son pays conduirait rapidement des essais de nouveaux missiles, qui auraient été bannis par le traité FNI. « Nous ferons en sorte que notre dissuasion soit crédible face au déploiement du nouveau système de missiles russes capables de transporter des têtes nucléaires et de frapper les villes européennes en quelques minutes », déclarait de son côté le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à Bruxelles.

Quels seront les éléments de cette dissuasion ? M. Stoltenberg est resté vague, confirmant seulement que Washington ne déploierait pas de nouveaux missiles nucléaires en Europe. Moscou, de son côté, évoque notamment le développement d’une version terrestre de missiles, les Kalibr, utilisés par la marine russe et déjà testés en Syrie.

En décalage avec les nouvelles réalités

Mettant fin à la longue crise des « euromissiles » avec le déploiement en Europe des SS-20 russes puis des Pershing américains, le traité sur les FNI interdisait totalement les missiles conventionnels ou nucléaires d’une portée intermédiaire, c’est-à-dire comprise entre 500 et 5 500 kilomètres. Il prévoyait le retrait mais aussi la destruction de ces armes.

Il fut longtemps respecté par les deux parties. En tout, 2 692 missiles ont été détruits avant 1991, soit la quasi-totalité des missiles nucléaires de portée intermédiaire.

L’une des innovations du traité FNI constituait en la mise en place de procédures de vérification des destructions par des inspecteurs de l’autre pays concerné. Mais ce texte bilatéral entre les Etats-Unis et la Russie s’est trouvé de plus en plus en décalage avec les nouvelles réalités géostratégiques et notamment la montée en puissance de la Chine, non liée par le traité, qui a considérablement développé ce type d’arme.

Le Pentagone a d’ailleurs fait d’une modernisation de son arsenal en guise de riposte à Pékin l’une de ses priorités. Des missiles d’un nouveau type devraient notamment être déployés dans la région indo-pacifique et la mer de Chine méridionale. « La plus grande partie de l’arsenal chinois est composée de missiles de portée intermédiaire et nous devons nous assurer que nous avons les mêmes capacités si, par malheur, nous devions entrer en conflit avec eux un jour », a expliqué Mark Esper.

« Perte d’un outil précieux contre la guerre nucléaire »

Questionné jeudi au sujet du traité FNI, le président américain, Donald Trump, a répondu : « La Russie voudrait faire quelque chose au sujet d’un traité nucléaire. Je suis d’accord. » Sans plus de précisions.

Nul ne se fait, en tout cas, d’illusion quant à la volonté de l’administration Trump de chercher un nouvel accord. Ce d’autant plus qu’elle se montre clairement réticente à prolonger pour cinq ans le traité New Start – ou Start III – sur les armements nucléaires stratégiques qui, signé en 2011, arrive à échéance en 2021.

La fin de cet autre traité lèverait tous les obstacles à une nouvelle course aux armements nucléaires. D’où l’inquiétude exprimée par le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, face à ce qu’il considère être « la perte d’un outil précieux contre la guerre nucléaire ».

« Le FNI était un traité de guerre froide datant de trente ans, mais ce n’est pas le cas du New Start. Il y a, du côté américain une dimension idéologique toujours évidente, amorcée avant même la présidence Trump, qui est de considérer de tels traités de maîtrise des armements comme des carcans qui ne sont pas dans l’intérêt des Etats-Unis », relève Corentin Brustlein, directeur du centre d’études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (IFRI), soulignant que, parallèlement, « du côté russe, il y a une nouvelle confiance dans leur remontée en puissance militaire et en leur capacité à violer les traités, tout en niant le fait de les violer et surtout en faisant porter la responsabilité aux autres ».

Prudence des experts

Les experts restent en général prudents quant au risque d’une véritable escalade. Il y avait, à la fin de la guerre froide, quelque 60 000 têtes nucléaires, à 95 % aux mains des Américains et des Soviétiques. Aujourd’hui, elles ne sont plus que 14 000. « Nous n’allons pas, en 2019, revenir à 1979. Ce n’est pas parce que les Russes violent le traité FNI et que les Etats-Unis s’en retirent que nous allons obligatoirement assister à une course aux armements », explique Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

La modernisation de l’arsenal russe, engagée depuis plusieurs années, est réelle. Mais elle est néanmoins limitée par les ressources d’un pays dont le produit intérieur brut est aujourd’hui équivalent à celui de l’Italie et dont le budget de la défense n’est guère supérieur à celui de la France.

« Je ne suis pas sûr que la fin du FNI altère réellement la stabilité européenne », analyse M. Brustlein, tout en relevant que « cela dépendra de l’attitude de la Russie, notamment de sa capacité à produire et surtout à déployer ces missiles qui sont déjà là en violation du traité ».

« Un important déploiement en Europe de missiles russes de croisière à moyenne et longue portée changerait le rapport de force, mais essentiellement dans le domaine conventionnel, même si les missiles russes ont une double capacité, conventionnelle et nucléaire. Les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont dit qu’ils ne déploieraient pas de missiles sol-sol nucléaires. La question reste de savoir s’il faut de nouveaux moyens militaires, offensifs ou défensifs, pour contrer ces déploiements », précise M. Tertrais.

Il faut en effet tenir compte aussi du poids des opinions publiques européennes, et notamment en Allemagne, aujourd’hui encore plus opposées qu’à l’époque de la guerre froide à l’accueil de nouvelles armes nucléaires.

3 août 2019

A Hongkong, des fonctionnaires rejoignent la contestation

Les autorités ont prévenu leurs employés qu’ils risquaient un limogeage s’ils descendaient dans les rues.

Alors que Pékin durcit le ton face aux rassemblements monstres qui agitent Hongkong depuis deux mois, des fonctionnaires ont manifesté vendredi 2 août, du jamais-vu de la part d’un secteur connu autant pour son efficacité que pour sa discrétion et son conservatisme.

Les autorités ont prévenu ces employés qu’ils risquaient un limogeage s’ils descendaient dans les rues. « Toute action minant le principe de la neutralité politique du service public est totalement inacceptable », a menacé le gouvernement, jeudi soir.

Des travailleurs du secteur de la santé ont aussi appelé à manifester et des employés de banques et de sociétés financières s’étaient déjà mobilisés, jeudi soir. Des rassemblements non autorisés sont également prévus samedi et dimanche, ainsi qu’une grève générale lundi.

Le mouvement, déclenché par l’opposition à un projet de loi hongkongais qui devait permettre les extraditions vers la Chine, et qui est aujourd’hui suspendu, s’est élargi pour contester le recul des libertés dans l’ex-colonie britannique ou exiger des réformes démocratiques.

Arrestations et propagande

Ces dernières semaines, les manifestations qui n’avaient pas reçu d’autorisation ont souvent dégénéré en violences. Ajoutant au climat de tension, les autorités ont annoncé l’arrestation, jeudi soir, de sept hommes et d’une femme accusés de possession d’explosifs.

Une source policière a affirmé que le fondateur du parti indépendantiste hongkongais HKNP (interdit en 2018), Andy Chan, figurait parmi les personnes interpellées et qu’une « bombe à essence » avait été découverte lors de cette descente de police.

Le HKNP avait beau ne compter qu’une poignée de membres, son existence même provoquait la fureur des autorités chinoises, pour lesquelles l’idée d’une indépendance de leur région semi-autonome est un tabou absolu.

Relativement discrète depuis le début de la contestation, la garnison de l’Armée populaire de libération (APL) basée à Hongkong a lancé cette semaine, au travers d’une vidéo musclée, un avertissement aux contestataires, preuve de l’escalade des tensions dans la région.

29 juillet 2019

Xi Jinping, le nouveau timonier

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Par Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant, Brice Pedroletti, Hongkong et Taïwan, envoyé spécial

Xi Jinping, un destin chinois (1/6). Arrivé au pouvoir fin 2012, le numéro un chinois n’a fait qu’étendre son empire depuis. Régnant sans partage sur le pays, ce fils de dignitaire n’a aujourd’hui plus grand-chose à envier à Mao.

Depuis l’arrivée de Mao Zedong au pouvoir en Chine, en 1949, aucun dirigeant étranger n’avait eu droit à un tel honneur. Une réception officielle, non pas au Palais du peuple, symbole par excellence du pouvoir communiste, mais, de l’autre côté de l’avenue de la Paix-Céleste, au sein même de la Cité interdite. Une façon de flatter Donald Trump, qui, en ce mois de novembre 2017, effectue sa première visite d’Etat à Pékin. Mais aussi de signifier au monde entier que Xi Jinping est le digne héritier des empereurs ayant régné sur le pays pendant deux millénaires. Certes, l’Egypte est « un peu plus ancienne », concède-t-il à son invité. Mais la Chine est « l’unique civilisation ininterrompue qui se poursuit encore aujourd’hui », avec ses « trois mille ans d’histoire écrite », ajoute Xi Jinping, avec toute la solennité qui sied à l’endroit.

De fait, en cet automne 2017, le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), également président de la République depuis début 2013, savoure son triomphe et pose avec Donald Trump devant le hall de l’Harmonie-Suprême. Deux semaines plus tôt, les délégués du XIXe congrès du PCC, le conclave du parti qui se tient tous les cinq ans, ont approuvé l’inscription de la « pensée » de Xi dans la charte du parti.

Il faut dire qu’il sait tout de Pékin et des pièges du pouvoir : fils d’un leader communiste écarté des hautes sphères dirigeantes du jour au lendemain en 1962, puis réhabilité dix-huit ans plus tard, il a passé une partie de son enfance derrière les murailles de Zhongnanhai, le complexe résidentiel du PCC dans le secteur ouest de la Cité interdite, avant d’en être chassé. Il tient désormais sa revanche : en termes de pouvoir, il n’a plus rien à envier à Mao. Grâce aux nouvelles technologies mises à son service, cet homme de 66 ans est une sorte de Grand Timonier 2.0, omniprésent dans la vie de ses sujets, intraitable dès que l’on s’intéresse d’un peu trop près à sa personne ou à celle de son épouse.

A Hongkong, cinq hommes, éditeurs et libraires, l’ont appris à leurs dépens : ils se sont retrouvés, en 2015, au cœur d’une vaste opération des services chinois. Un seul d’entre eux, Lam Wing-kee, a recouvré la liberté depuis. Sa librairie, située dans un quartier de Hongkong très fréquenté par les touristes chinois, était spécialisée dans les brûlots politiques sur la Chine, nourris de ces fuites et rumeurs en provenance de Pékin dont ce territoire, en principe autonome, est le réceptacle. Les Chinois de passage se procuraient ces ouvrages en toute discrétion. Lam en expédiait aussi par la poste vers la Chine continentale.

L’opération dont le libraire et ses collègues furent la cible en 2015 est aujourd’hui partiellement connue. Arrêté à la frontière entre Hongkong et Shenzhen, Lam a été détenu huit mois, soumis à des interrogatoires, contraint à des confessions télévisées. Son crime : avoir vendu des livres illégalement en Chine. Ses interrogateurs souhaitaient identifier ses clients, mais aussi les auteurs soigneusement dissimulés sous des pseudonymes. Un autre « suspect », l’éditeur hongkongais propriétaire de la librairie, Gui Minhai, a, lui, disparu du jour au lendemain de sa résidence de Pattaya, en Thaïlande. Il est toujours en détention en Chine. Trois autres de ses associés et collègues, séquestrés au même moment, continuent, pour leur part, d’être soumis à diverses formes de chantage.

Reprise en main du pays

Trois ans après les faits, Lam Wing-kee se dit convaincu que l’opération visait à éviter la publication, par l’éditeur Gui Minhai, d’un ouvrage sur Xi Jinping : « Il aurait eu le projet de mettre en annexe de ce livre une note autocritique, dans laquelle celui-ci avouait avoir eu une liaison extraconjugale alors qu’il était gouverneur du Fujian », précise-t-il au Monde. Ce genre de notes autocritiques, les jiantaoshu, n’ont rien d’exceptionnel au sein du PCC. Xi Jinping les a lui-même remises au goût du jour dans les premières années de son mandat ; les confessions de cadres « dévoyés » se sont alors multipliées dans les journaux du parti.

« Si ce genre de choses était révélé, alors qu’il venait d’arriver au pouvoir, que ça soit vrai ou faux, l’impact aurait été énorme sur sa position, d’abord dans son foyer, auprès de sa femme et de sa fille, et au sein du PCC, estime Lam Wing-kee. Les luttes de pouvoir sont féroces en Chine. Son rêve de se faire président à vie, de devenir un nouvel empereur, aurait été compromis. » Le libraire a compris en les écoutant que les enquêteurs chargés de l’interroger appartenaient à un « groupe dédié central ». Autrement dit, qu’ils avaient tous les pouvoirs.

« LE CONTRÔLE DE SA BIOGRAPHIE EST D’AUTANT PLUS IMPORTANT, AUX YEUX DE XI JINPING, QUE C’EST UN LIVRE QUI A FAIT CHUTER SON PÈRE ET SES AMIS EN 1962 »

ALEX PAYETTE, ENSEIGNANT À L’INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES DE L’UNIVERSITÉ D’OTTAWA

D’après un autre éditeur requérant l’anonymat, le livre brodait autour des efforts présumés de la célèbre cantatrice Peng Liyuan, épouse de Xi Jinping depuis 1987, pour se débarrasser d’une animatrice de télévision locale qui, disait-on à l’époque, était la maîtresse attitrée de son mari. « Mais plus personne à Hongkong n’oserait même envisager aujourd’hui de publier un tel ouvrage, ajoute le même éditeur. Cela implique de faire perdre la face à Xi Jinping. Et c’est très risqué. »

Et pour cause… « Le contrôle de sa biographie est d’autant plus important, aux yeux de Xi Jinping, que c’est un livre qui a fait chuter son père et ses amis en 1962 », remarque Alex Payette, enseignant à l’Institut d’études politiques de l’université d’Ottawa et spécialiste du pouvoir en Chine. En 1962, c’est en effet après avoir été accusé d’avoir soutenu la publication d’un livre qui déplut à Mao que Xi Zhongxun, jusqu’alors très proche du Grand Timonier, fut limogé et envoyé à la « base », dans une usine.

Chez l’actuel président chinois, cette obsession du « contrôle » ne concerne pas que l’écrit. Un participant au dîner organisé en janvier 2018 au Palais du peuple de Pékin en l’honneur d’Emmanuel Macron n’en revient toujours pas : la petite vidéo des deux présidents qu’il avait prise à cette occasion a disparu de son portable français. En revanche, celles des autres invités y sont restées. Les logiciels de reconnaissance faciale chinois seraient donc capables de s’immiscer partout.

Selon le politologue norvégien Stein Ringen, les hautes technologies sont en train de faire de la Chine une « dictature parfaite ». M. Ringen a d’ailleurs imaginé un néologisme pour la désigner : la « contrôlocratie ». De fait, en six ans à la tête de la deuxième puissance économique mondiale, Xi Jinping a mis sous cloche une société civile particulièrement turbulente lors de sa prise de pouvoir, reprenant en main des réseaux sociaux qui semblaient indomptables.

Le syndrome du « mauvais empereur »

S’il n’aime pas qu’on le filme à son insu ou qu’on écrive sur lui, Xi Jinping cultive volontiers l’image d’un penseur prolixe. Ainsi, le 30 mai, le journal télévisé de 19 heures de CCTV 1, la chaîne d’Etat, s’est ouvert, comme tous les soirs, par une information sur le président : le deuxième volume de son best-seller consacré à la « gouvernance de la Chine » est disponible dans cinq langues de minorités reconnues – le mongol, le tibétain, l’ouïgour, le kazakh et le coréen. Dans la foulée, un reportage montrait des lecteurs ouïgours plongés dans le livre dans une librairie. Non sans un certain cynisme, puisque cette minorité est la cible, sous Xi Jinping, d’un programme d’internement massif en camps de rééducation.

Il s’en est fallu de peu que les lecteurs français bénéficient du même privilège : avant le voyage de Xi Jinping en France, fin mars, les autorités chinoises ont tenté d’obtenir de Paris que les écrits du président figurent en bonne place dans les librairies françaises. Les Français ont dû leur expliquer qu’ils n’ont aucun pouvoir sur les choix des libraires…

Les deux livres de Xi Jinping sont une sélection de ses discours depuis 2012. Ils montrent à la fois son assurance et son ambition. Celle-ci a éclaté au grand jour dès le XIXe congrès du Parti communiste chinois d’octobre 2017, qui grave sa « pensée » (plus précisément « la pensée de Xi Jinping du socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère ») dans la charte du parti, au côté de son nom. Depuis Mao, nul dirigeant n’avait eu droit à un tel honneur de son vivant. Aux côtés de Xi et de son premier ministre, Li Keqiang, les cinq nouveaux membres du Comité permanent, l’organe suprême du PCC, se rendent, après la clôture du congrès, à Shanghaï, pour prêter serment sur le lieu de naissance du parti, en 1921.

Les chercheurs et diplomates spécialistes de la Chine ont constaté qu’aucun successeur de Xi n’a été nommé au Comité permanent durant le Congrès, rompant avec le mécanisme de transition institutionnel imposé par Deng Xiaoping. Ce n’est qu’à la session parlementaire annuelle de mars 2018 que la manœuvre prend tout son sens : un « coup d’Etat constitutionnel » a conduit à l’imposition par Xi Jinping et ses partisans de multiples amendements à la Constitution, dont la fin de la limite des deux mandats pour le président. Xi annonce lui-même le résultat du scrutin qui lui donne des pouvoirs sans limite.

Malgré la censure, le malaise est palpable dans le pays. A l’étranger, le politologue américain Francis Fukuyama dénonce, par exemple, le syndrome du « mauvais empereur » guettant le régime dès lors qu’il s’affranchit des règles qui garantissaient, tous les dix ans depuis 1978, une succession ordonnée au sommet. Celles-ci, écrit-il dans une tribune, « rendaient son système politique autoritaire si différent de presque virtuellement toutes les autres dictatures ».

La pensée de Xi en application

Si Xi Jinping est sans doute contesté au sein de certaines instances du Parti, il n’est pas réellement affaibli. Ses adversaires potentiels ? Marginalisés. Comme le premier ministre Li Keqiang, sur lequel il daigne rarement jeter un regard en public. Le véritable numéro deux est Wang Qishan, un autre « prince rouge » (c’est-à-dire un fils de dignitaire), adoubé vice-président en mars 2018 – lui aussi sans limite de mandat. Ancien chef de la lutte anticorruption, Wang a une passion pour l’histoire et a sans doute eu un rôle majeur, au côté de l’idéologue Wang Huning, dans la formulation de la voie unique et salvatrice que prêche le numéro un chinois : sans le PCC, point de salut.

Le sinologue britannique Kerry Brown fait de Xi Jinping et de ses deux « apôtres » des communistes « born again » (« nés de nouveau »), convaincus de la mission sacrée d’un PCC « abîmé par les souffrances et les malencontreuses expériences du passé, mais près enfin de livrer le grand résultat attendu », c’est-à-dire le rêve chinois du retour du pays au premier rang.

« LE SENTIMENT DE PORTER UN HÉRITAGE SOUS-TEND LA PENSÉE DE XI. DANS SES DISCOURS ET DÉCLARATIONS PUBLIQUES, IL SE RÉFÈRE CONSTAMMENT AU PASSÉ »

AGNÈS ANDRÉSY, AUTEURE DE « XI JINPING. LA CHINE ROUGE NOUVELLE GÉNÉRATION » (L’HARMATTAN, 2013)

Ces dernières années, c’est Wang Qishan qui a mené la bataille contre la corruption. De la fin 2012 à 2017, 1,3 million « de tigres et de mouches » – des hauts gradés, mais aussi des cadres ordinaires – ont été emprisonnés. Parmi les « grands fauves », les trophées se comptent par centaines, dont quatre des plus importants responsables politiques sous le mandat du président précédent, Hu Jintao, tous condamnés à la perpétuité. L’épuration a largement épargné les « princes rouges » – à l’exception de Bo Xilai, le rival malheureux de Xi Jinping, condamné à la prison à vie pour corruption en 2013.

Le numéro un chinois les tient cependant à distance, car il dirige en s’entourant de nombreux fidèles et de collègues croisés au cours de sa longue carrière hors de Pékin. « En province, il y a exactement 606 personnes qui comptent, précise Alex Payette. Au moins 10 % sont dans la poche de Xi. Ça a l’air peu, mais c’est énorme, car ils ont les postes les plus importants. Sans eux, impossible pour le pouvoir de faire appliquer ses réformes. » Un même homme, Chen Xi, dirige l’école du parti et le département de l’organisation qui promeut les cadres. Toutes les nominations importantes passent par lui. Faut-il le préciser ? C’est un intime de Xi. Un ami de plus de quarante ans. Ils étudiaient ensemble à l’université pékinoise Tsinghua.

De manière significative, le premier chapitre du livre de Xi sur la « gouvernance de la Chine » porte sur « le socialisme à la chinoise ». « Le rêve chinois » vient en deuxième position. « L’Etat de droit » ne figure qu’à la cinquième place. Pour Stein Ringen, « Xi Jinping n’est rien d’autre qu’idéologique dans son discours et son action ». Et le « rêve chinois de renaissance » présente, pour le politologue norvégien, « l’embryon d’une idéologie ultra-dangereuse », parce qu’elle « repose sur une rhétorique du pouvoir et de la grandeur nationale et qu’en fin de compte il s’agit d’une idéologie dans laquelle la personne cesse d’exister en tant qu’être autonome et est englobée dans la nation ».

Pour être sûr que les Chinois la maîtrisent bien, la « pensée de Xi Jinping » fait, depuis janvier, l’objet d’une application pour smartphones, intitulée « Etudier Xi, rendre le pays plus fort ». « Un mouchard électronique s’assure que les professeurs et les chercheurs passent au moins deux heures par jour à lire des articles sur la pensée de Xi et à regarder des vidéos de propagande. Par ailleurs, Xi leur a assigné comme mission de contribuer au développement d’un modèle de modernité sociale, économique, politique et environnementale pouvant être exporté à l’étranger », explique la sinologue française Chloé Froissart.

La leçon américaine

« Gouverner, c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire, mais même d’y penser », disait Machiavel. Xi Jinping s’y emploie. Grâce au savoir-faire des ingénieurs d’Alibaba, le géant du commerce en ligne chinois, qui ont développé cette application, les Chinois peuvent tester leurs connaissances, seuls ou en groupe et même, pour les meilleurs ou les plus assidus, gagner des lots. Les 89 millions de membres du PCC ont l’obligation de la télécharger.

Le « Machiavel de Zhongnanhai » ne néglige aucun public. Dans le Jiangxi, cette province du Sud-Est d’où est partie la Longue Marche de Mao en 1934, la « culture rouge » est inculquée aux enfants dès la crèche par le biais de chansons composées à leur intention. Un programme pilote destiné à être étendu au reste du pays.

Surnommé « Oncle Xi » par la propagande, il cultive sans retenue une image paternelle et débonnaire de dirigeant proche des enfants – et donc du peuple. CGTN, la chaîne chinoise diffusée à l’étranger, a même posté sur YouTube – pourtant interdit en Chine – une vidéo en anglais intitulée « Xi Jinping, ami des enfants ». On le voit visiter des écoles ou des hôpitaux pour les plus jeunes. Certains ont ensuite l’insigne honneur de pouvoir nouer, autour du cou présidentiel, le célèbre foulard rouge des jeunes communistes – un rituel qui rappelle l’époque Mao.

L’aristocrate rouge, qui a fait de la lutte contre la pauvreté l’une de ses priorités domestiques, est régulièrement montré dans les villages reculés, où, assis à même le kang, le lit chauffé par-dessous, il écoute de vieilles paysannes ridées témoigner de leur vie de labeur.

Il va jusqu’à fréquenter, certes au compte-gouttes, les restaurants populaires : comme en ce mois de décembre 2013, où il est filmé par les médias officiels dans une gargote servant des petits pains farcis à Pékin. En réalité, ses conseillers en communication se sont inspirés de la sortie dans un boui-boui pékinois du vice-président américain Joe Biden et de son ambassadeur Gary Locke, en 2011 : les internautes avaient porté aux nues la simplicité des dirigeants américains. Pour mieux critiquer l’inaccessibilité des leurs. Xi a retenu la leçon.

A l’étranger, il prend un réel plaisir à côtoyer les têtes couronnées, que ce soit la reine d’Angleterre ou le prince Albert de Monaco. Le couple qu’il forme avec son épouse est discrètement glamour. C’est la première fois qu’une première dame chinoise n’a rien à envier, en matière de tenues vestimentaires, à ses homologues occidentales. Fidèle au recentrage sur la culture chinoise dont son mari est le chantre, Peng Liyuan s’habille chez des designers chinois. Ce soft power fait des merveilles : le couple « donne de la face aux Chinois à l’étranger », entend-on souvent. Comprendre : il les rend fiers.

Quant à leur fille unique, Mingze, diplômée de Harvard, elle est aussi invisible qu’influente. Ne dit-on pas qu’elle est l’inspiratrice, voire la rédactrice, de l’éditorial du Quotidien du peuple, paru le 11 mai, au lendemain de l’échec des négociations commerciales avec les Etats-Unis ? Le titre : « Aucun défi ne saurait empêcher la Chine d’avancer ».

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Porteur d’un héritage

A défaut de s’entendre avec Donald Trump, Xi Jinping courtise le reste de la planète, invitant le monde entier en Chine. En 2018, 53 leaders africains avaient fait le déplacement à Pékin pour le septième sommet du Forum Chine-Afrique. Le 15 mai, un spectacle féerique était donné au « nid d’oiseau », le stade olympique de Pékin, en l’honneur de dizaines de milliers de participants, venus cette fois de toute l’Asie, à une conférence « sur le dialogue des civilisations asiatiques ».

Mais le grand œuvre international de Xi Jinping reste bien sûr les « nouvelles routes de la soie ». Un projet lancé en septembre 2013, lors d’un voyage au Kazakhstan, destiné à renforcer les liens entre l’Asie et l’Europe. Dès 2015, changement de cap. On ne parle plus de « programme » ni de « stratégie ». Un seul mot, plus « inclusif », doit être employé : « initiative ». Pour lui, l’opération est devenue mondiale et englobe l’Afrique et l’Amérique latine, pas vraiment situées sur la route entre Xi’an et Venise. Quand Donald Trump ne jure que par son « America first », Xi Jinping, au contraire, défend le multilatéralisme et la « coopération gagnant-gagnant » par ces « routes de la soie » qui relient désormais des pays aussi différents que la Suisse, l’Ethiopie, le Panama ou la Malaisie.

Pourtant, c’est d’une miette de territoire chinois que provient aujourd’hui la contestation : Hongkong, la région administrative spéciale rétrocédée à la Chine en 1997, est en ébullition. Outrage suprême, lundi 1er juillet, des manifestants ont forcé l’entrée du Parlement local et recouvert le perchoir d’un drapeau de l’ex-colonisateur britannique. La raison ? Une loi d’extradition vers la Chine qui permettrait à Pékin de juger des Hongkongais selon ses propres lois, comme les éditeurs et libraires précédemment évoqués.

« L’histoire ne se répète pas, elle rime », disait l’écrivain américain Mark Twain. C’est dans le Guangdong, la province chinoise qui fait face à Hongkong, que le père de Xi Jinping a renoué avec sa carrière de mandarin communiste après son retour en grâce sous Deng Xiaoping. Il fut chargé, au début des années 1980, d’ouvrir à l’Occident la zone économique spéciale de Shenzhen pour contrebalancer le pouvoir d’attraction de la colonie britannique.

Le président chinois « a une conscience aiguë de son appartenance à une “pure famille communiste”, contrairement à ses prédécesseurs », écrit Agnès Andrésy, dans le livre que cette fine connaisseuse des « princes rouges » lui a consacré en 2013 (Xi Jinping. La Chine rouge nouvelle génération, L’Harmattan). « Le sentiment de porter un héritage sous-tend sa pensée. Dans ses discours et déclarations publiques, il se réfère constamment au passé. » Un passé tourmenté, dont il a fait une force.

29 juillet 2019

Macron recevra Poutine à Brégançon en août, signe d’un nouveau rapprochement franco-russe

Par Marc Semo

Le président français a annoncé samedi qu’il recevrait le président russe au fort de Brégançon, le 19 août, soit quelques jours avant le sommet du G7, fin août à Biarritz.

Le lieu fait sens autant que la date. Emmanuel Macron recevra le président russe, Vladimir Poutine, au fort de Brégançon, le 19 août, cinq jours avant l’ouverture à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) du sommet du G7, réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des principales puissances économiques démocratiques.

« Le fort de Brégançon permet de pouvoir s’isoler pour travailler, d’avoir les équipements pour recevoir tous les appels internationaux, de recevoir des dirigeants étrangers, ce que je ferai avec Vladimir Poutine dans quelques semaines », a déclaré le président de la République, samedi 27 juillet, en marge d’un déplacement à Bormes-les-Mimosas (Var).

Recevoir son homologue russe à Brégançon, c’est insister sur le caractère personnel qu’il veut donner à la relation avec l’homme fort du Kremlin. Le voir juste avant la réunion du G7 (Etats-Unis, France, Royaume-uni, Allemagne, Japon, Italie, Canada), dont la Russie a été exclue en 2014 après l’annexion de la Crimée, c’est souligner la volonté de Paris, qui préside cette instance, de remettre la Russie dans le jeu, sans pour autant encore la réintégrer.

Evoquant déjà lors du G20 d’Osaka (Japon) fin juin, après un long entretien avec Vladimir Poutine, son désir d’une telle rencontre bilatérale, le président français assurait vouloir « explorer toutes les formes de coopération sur les grands sujets de déstabilisation ou de conflit, sans naïveté, mais sans que la porte ne soit fermée ».

Alors que la diplomatie française se pose en médiatrice dans la crise sur le nucléaire iranien, pour tenter de sauver l’accord de juillet 2015 après le retrait américain, et faire baisser les tensions dans le Golfe, la relation avec Moscou est essentielle. Paris voudrait lancer un signal fort en marge du sommet du G7.

Mais les ambitions du président dans la relation avec la Russie vont au-delà. « Nous voulons sortir de l’effet d’alignement et marquer un décalage. C’est la vocation de la diplomatie française, d’où les initiatives que nous prenons comme dans la crise iranienne », explique une source élyséenne, n’hésitant pas à parler « d’un certain retour gaullien », même si le contexte est très différent.

« Réenclencher une dynamique »

Les signes d’un réchauffement des relations franco-russes ont été nombreux ces deux derniers mois. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, s’était rendu au Havre le 24 juin, où il a rencontré Edouard Philippe. Il s’agissait de la première visite d’un haut responsable russe depuis la venue à Versailles de Vladimir Poutine en mai 2017.

La France a, en outre, soutenu la réintégration de la Russie au Conseil de l’Europe, saluée par la presse du régime comme une « victoire » de Moscou. Dans une interview à la RTS (Radio-Télévision suisse), le 11 juin, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir « réenclencher une dynamique » avec la Russie et reprendre « un dialogue stratégique ». Il reconnaissait toutefois que la Russie avait encore « des efforts à faire ». En premier lieu sur l’Ukraine, et la mise en œuvre des accords de Minsk, parrainés par Paris et Berlin en février 2015, instaurant un fragile cessez-le-feu entre Kiev et les rebelles. « Sans cela, pas de reformation du G8 », insiste l’Elysée.

Emmanuel Macron n’en a pas moins de bonnes cartes en main. Ses relations avec Vladimir Poutine ont été pour le moins fluctuantes. Lors de leur première rencontre à Versailles, le président français, nouvellement élu, critiqua ouvertement les atteintes aux droits de l’homme et les tentatives de déstabilisation menées par les médias proches du Kremlin en France.

En juin, à Osaka, Emmanuel Macron affirma haut et fort son soutien aux « valeurs libérales » remises en cause par son homologue russe. Le président français incarne toutefois aujourd’hui le visage de l’Europe face à une Angela Merkel affaiblie et en fin de mandat. « A Paris, comme à Moscou, il y a une prise de conscience que l’on ne peut rester comme ça, et qu’il faut faire quelque chose », note un diplomate tout en rappelant « les risques d’instrumentalisation par le Kremlin » d’un rapprochement avec Paris. Ce d’autant plus que Moscou ne connaît que le rapport de force.

27 juillet 2019

A Hongkong, les manifestants envahissent l’aéroport

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Les contestataires veulent sensibiliser les voyageurs à leurs revendications démocratiques.

Des milliers de manifestants se sont rassemblés, vendredi 26 juillet, à l’aéroport de Hongkong pour sensibiliser les voyageurs au mouvement de contestation qui agite ce haut lieu de la finance internationale, avant un nouveau week-end de mobilisation.

Le grand hall d’arrivée de l’aéroport international, l’un des plus animés du monde, a été envahi par une marée de manifestants, dont des membres d’équipage. Vêtus de noir, ils ont scandé des slogans antigouvernementaux, brandissant des pancartes et distribuant des tracts. La manifestation s’est déroulée dans une ambiance bon enfant, et aucune perturbation du trafic aérien n’a été signalée.

Sept semaines de contestation

L’ancienne colonie britannique, rétrocédée à la Chine en 1997, est le théâtre depuis sept semaines de gigantesques manifestations pacifiques contre le gouvernement pro-Pékin de Hongkong. Des affrontements sporadiques ont opposé contestataires radicaux et policiers.

Le mouvement est parti du rejet d’un projet de loi visant à autoriser les extraditions vers la Chine continentale où la justice est sous l’influence du Parti communiste. Mais certains manifestants exigent désormais des réformes démocratiques.

Le rassemblement à l’aéroport était organisé pour informer les voyageurs, principalement ceux venant de Chine continentale, sur le climat politique. Les médias chinois, contrôlés par le gouvernement central, dépeignent les manifestations comme un complot financé par des puissances étrangères pour déstabiliser le pays.

Un syndicat de Cathay Pacific soutient les manifestants

Un groupe de manifestants s’est livré à une parodie des messages de sécurité diffusés à bord des avions, afin d’expliquer leurs revendications et d’informer sur les manifestations en cours.

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« Veuillez mettre vos masques et vos tee-shirts noirs si vous vous rendez à des rassemblements », invitent les organisateurs dans une vidéo, faisant référence à la couleur adoptée par beaucoup de manifestants antigouvernementaux.

D’autres ont brandi des panneaux « Avertissement touriste » expliquant que la police avait fait usage de gaz lacrymogène contre les contestataires dimanche dernier, et que quarante-cinq manifestants avaient été blessés dans des attaques commises par des agresseurs soupçonnés d’appartenir aux triades.

Le syndicat du personnel de vol de la compagnie Cathay Pacific a déclaré soutenir le rassemblement et encouragé ses membres à s’y joindre. Cette prise de position a été condamnée dans les médias d’Etat chinois. « Nous regrettons l’incompétence de Carrie Lam et son équipe, qui se moquent de leur peuple », a publié le syndicat sur Facebook, en référence à la chef de l’exécutif local, soutenue par Pékin.

De nouvelles manifestations prévues ce week-end

Un grand groupe de personnes scandait encore « Libérez Hongkong » dans le hall des arrivées, cinq heures après le début de la protestation. Hongkong se prépare à un autre week-end de rassemblements.

La police a interdit la manifestation prévue samedi en réponse à l’agression des militants prodémocratie par les triades à Yuen Long, au nord des Nouveaux territoires de Hongkong. Mais les groupes de discussion instantanée et les forums sur lesquels se concertent les militants semblent indiquer que les rassemblements auront quand même lieu.

Une autre manifestation se tiendra dimanche près du bureau de liaison du gouvernement chinois à Hongkong. Dimanche, le bâtiment avait été couvert d’œufs et de graffitis, avant que la police ne fasse usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène contre les contestataires.

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