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Jours tranquilles à Paris
2 avril 2019

En Algérie, l’annonce de la démission de Bouteflika ne lève pas toutes les incertitudes

libé 2 avril

Libération de ce 2 avril 2019

 

Par Amir Akef, Alger, correspondance

Cédant aux pressions de la rue, le chef de l’Etat accélère le calendrier de sa retraite politique mais sa volonté affichée de maîtriser la transition risque de relancer la protestation.

Abdelaziz Bouteflika a finalement composé avec les pressions de la rue comme de larges fractions du régime. Le chef de l’Etat démissionnera « avant le 28 avril prochain, date de la fin de son mandat électif », a indiqué un communiqué de la présidence de la république rendu public lundi 1er avril en fin d’après-midi.

La décision intervient à l’issue d’un véritable bras de fer entre l’armée et le clan présidentiel qui s’est traduit – via les médias – par des accusations de complot contre le frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika, et de hauts responsables des services de renseignement.

L’annonce de cette « démission » à court terme est une rupture par rapport à la position du chef de l’Etat jusque-là. Après avoir officialisé sa candidature pour un cinquième mandat, M. Bouteflika avait opté – en décidant le 11 mars l’annulation de l’élection présidentielle du 18 avril – pour une prolongation sine die du mandat en cours. Finalement, il aura fallu six semaines d’une mobilisation de la rue hostile à son maintien au pouvoir, puis l’entrée en lice de l’armée proposant de déclarer son « empêchement » en raison de son inaptitude à exercer le pouvoir, pour convaincre M. Bouteflika de lâcher prise.

Calendrier

Toutefois, bien des incertitudes demeurent. La seule concession octroyée par le chef de l’Etat tient dans le calendrier. Son départ, annoncé pour « avant le 28 avril », devrait permettre d’éviter au pays un vide institutionnel. Sur le fond, il rejette de facto l’idée d’une « incapacité » physique invoquée implicitement par le chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, qui avait réclamé la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution relatif à l’« empêchement ».

Comme pour le prouver, le communiqué présidentiel indique que M. Bouteflika, qui a nommé le 31 mars un gouvernement, va prendre, « d’importantes décisions », conformément à la Constitution, afin « d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’Etat durant la période de transition qui s’ouvrira à la date à laquelle il décidera sa démission ».

Ainsi l’« empêchement » est-il écarté par la présidence au profit de la « démission », prévue elle aussi par l’article 102. Dans ce cas de figure, une fois la démission annoncée, le Conseil constitutionnel devra constater la vacance définitive de la présidence de la République avant de la communiquer au Parlement. Selon l’article 102 de la Constitution, le président du Conseil de la nation – ou Sénat –- assume alors la charge de chef de l’Etat pour une durée de quatre-vingt-dix jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées.

Le communiqué présidentiel ne fournit aucune indication sur la nature des « importantes décisions » que M. Bouteflika va prendre d’ici le 28 avril. Selon les textes, il revient à Abdelkader Bensalah, actuel président du Conseil de la nation, d’assurer l’intérim du chef de l’Etat jusqu’à l’élection présidentielle. Mais M. Bensalah, un cacique à la tête de la Chambre haute depuis 2002, n’inspire aucune confiance à une contestation populaire qui veut « dégager » tous les symboles du régime.

Une des hypothèses qui circulent serait que M. Bouteflika use de son pouvoir de désigner des sénateurs aux sièges encore vacants relevant de son quota de nominations – le tiers de la Chambre – pour placer à la tête de l’institution une figure plus « consensuelle » que celle de M. Bensalah. Autre mesure à prendre, il lui faudra mettre en place d’une instance indépendante de supervision des élections.

Arrangement entre l’armée et la présidence

Le scénario qui se dessine est donc celui d’un intérim de courte durée géré par le pouvoir en place pour aller vers l’élection présidentielle. Or cette option est très largement refusée par les acteurs de la contestation populaire. Ces derniers réclament la mise en place d’un gouvernement de transition composé de personnalités indépendantes et une période de transition plus longue avant d’aller à une élection constituante ou un scrutin présidentiel.

M. Bouteflika, lui, a déjà désigné dimanche un nouveau gouvernement censé gérer la transition. Les réactions sont franchement négatives. Pour les animateurs de la contestation, le chef de l’Etat, en annulant l’élection présidentielle du 18 avril, est déjà sorti du cadre de la Constitution. A leurs yeux, Il n’aurait donc pas de légitimité à l’invoquer afin de passer la main. La procédure choisie s’éloigne en outre de l’invocation par le général Gaïd Salah des articles 7 et 8 de la Constitution relatifs à la « souveraineté » et du « pouvoir constituant » du peuple.

Au fond, le bras de fer entre l’armée et la présidence se solde par un arrangement qui convient aux deux parties, mais pas à la contestation. Il s’agit précisément du scénario craint et rejeté par les protestataires, celui d’une transition administrée par le régime lui-même. Les appels à manifester une nouvelle fois « avec force » vendredi 5 avril se multiplient déjà sur les réseaux sociaux.

Série d’enquêtes

Dans une apparente volonté d’« apaiser » la rue, le parquet d’Alger a annoncé lundi que des enquêtes avaient été diligentées pour « faits de corruption et de transfert illicite de capitaux vers l’étranger » à l’encontre d’une dizaine d’hommes d’affaires proches du frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika, dont Ali Haddad, ex-patron des patrons, arrêtés à la frontière tunisienne.

Ces « oligarques » ainsi que des membres de leurs familles font l’objet d’une mesure d’interdiction de quitter le pays jusqu’à la fin des enquêtes engagées. Ali Haddad devrait être transféré devant un tribunal à Alger pour « non-déclaration de devises et présentation de dossier non conforme à la réglementation alors qu’il tentait de se rendre en Tunisie ». La chute du « patron des patrons », encore très puissant il y a quelques semaines, illustre le grand retournement de situation en Algérie depuis le 22 février, date de la première manifestation populaire en Algérie.

Dans ce contexte de luttes intestines au sein du régime, l’ancien patron des services de renseignements, le général Mohamed Mediène, a vigoureusement démenti l’information diffusée par la chaîne de télévision Echorouk selon laquelle il aurait pris part à une réunion avec Saïd Bouteflika, Bachir Tartag, le nouveau patron de renseignements et… des « agents français » dans le but de fomenter un complot.

« Je n’ai jamais rencontré, ne serait-ce qu’une seule fois, le personnage des services de sécurité qui est cité comme ayant assisté à cette pseudo-réunion depuis que j’ai quitté mes fonctions, a-t-il indiqué. M’accuser d’avoir rencontré des agents étrangers pour évoquer des sujets relevant de la souveraineté nationale est une tentative délibérée de me porter préjudice. »

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30 mars 2019

Une foule énorme manifeste à Alger pour exiger la fin du régime

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Par Ali Ezhar, Alger, correspondance

Pour la sixième semaine d’affilée, les Algériens mobilisés réclament le départ de l’ensemble des dirigeants, et pas seulement celui du chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika.

Elle est arrivée avec un balai et s’est mise à nettoyer la chaussée. « Ils sont en train de partir, ils sont en train de partir », raille cette vieille dame enroulée dans son haïk, un vêtement traditionnel, et un drapeau algérien, en comparant les mégots et la poussière qu’elle éparpille aux hommes politiques algériens. Autour d’elle, des jeunes éclatent de rire face à son spectacle improvisé. Un peu plus loin, on se prend en photo avec un personnage qui a revêtu le costume rayé du bagnard et qui porte autour du cou une carte d’Algérie enchaînée sur laquelle est écrit « libérez-nous ». A côté, une enfant, dans le bras de son père, s’est accrochée au dos un bout de carton d’où l’on peut lire « je veux grandir dans un pays moderne ».

Vendredi 29 mars, sous un soleil cuisant, des centaines de milliers d’Algérois ont englouti le centre-ville de la capitale pour crier, sans s’essouffler, « dégage » au clan Bouteflika, « dégage » au pouvoir en place et « dégage » au FLN. Une foule immense et dense s’est étirée de la grande poste à la rue Didouche-Mourad. Impossible de faire quelques pas au milieu de cette masse verte et rouge sans être percuté ou compressé par les marcheurs.

Au-delà d’Alger, presque toutes les wilayas (préfectures) du pays ont été secouées par ces manifestations exceptionnelles rassemblant au total des millions d’Algériens même s’il n’existe aucun décompte officiel. « Si tu enlèves les grabataires, les nourrissons, les malades, j’en suis sûr que c’est la moitié du pays qui est sortie : 20 millions de personnes, ce n’est pas rien », s’amuse à dire Mahmoud, un quinqua sans emploi.

Comme lui, personne ne voulait manquer ce nouveau vendredi de mobilisation et pour cause, « il faut continuer à mettre la pression sur le système qui est en train de se fissurer », résume Zineb, 26 ans, commerciale. Surtout après les récentes déclarations du général Ahmed Gaïd Salah qui a demandé mardi 26, l’application de l’article 102 de la Constitution, prévoyant l’empêchement du chef de l’Etat pour incapacité à exercer ses fonctions. « C’est une énième combine du pouvoir », s’insurge Malik, 58 ans, venu en famille pour dire « que tout le monde s’en aille ».

« ON NE VA TOUT DE MÊME PAS DEMANDER DES SOLUTIONS À DES PERSONNES QUI SONT LA CAUSE PRINCIPALE DES PROBLÈMES »

ANIS, 23 ANS

La proposition du général n’a ni calmé et ni rassuré la foule, bien au contraire. Cette manœuvre politique est perçue comme une tentative de plus pour sauver le régime en place et pour apaiser – pour ne pas dire briser – la contestation nationale. « Le peuple est encore sorti pour dire que nous comprenons votre ruse mais nous n’allons rien céder, ajoute Zineb. Il n’est pas question d’enlever un pion pour en mettre un autre. Gaïd Salah et Bouteflika ont environ 80 ans comme ma grand-mère qui passe ses journées à regarder la télé ou à s’occuper de ses petits-enfants même si elle a du mal à me reconnaître. Pourquoi ils veulent continuer à gouverner ? »

Face à l’armée, le peuple veut rester « vigilant et concentré ». L’immixtion du général dans le débat politique est perçue comme suspect, beaucoup trop même. « Gaïd Salah fait parti de ce pouvoir, il a longtemps soutenu Boutef. On ne va tout de même pas demander des solutions à des personnes qui sont la cause principale des problèmes, argue Anis, 23 ans, étudiant en musique. Nous ne faisons aucune confiance aux représentants de l’Etat y compris Gaïd Salah. Nous sommes face à un pouvoir assassin qui peut à n’importe quel moment nous tirer dessus. » Personne ne souhaite que l’armée face un putsch et s’accapare du pouvoir. « Ce n’est pas ce que l’on veut, mais c’est un scénario possible », souffle Abderrahmen, un militant des droits de l’homme qui a participé au lancement du collectif « Jeunes engagés pour l’Algérie » le 29 janvier, trois semaines avant la première grande marche pour « la dignité ».

« Il faut que tout le système dégage »

Jusqu’à présent Ahmed Gaïd Salah avait été épargné par le courroux des manifestants ; mais depuis sa sortie, il a réussi, à son insu, à vivifier davantage la mobilisation. « Cette marche, c’est la confirmation de la conscience politique des Algériens », se félicite Djamel, 38 ans. Le général est même devenu le sujet de nouveaux slogans : « Gaïd Salah va profiter du repos éternel. Dégage pour l’amour de Dieu » ; « Gaïd Salah, le peuple veut la démocratie, et non un régime militaire » ; « Gaïd Salah, honte à vous » ; « On ne veut pas un “Al-Sissi” en Algérie, le scénario égyptien ne se reproduira pas chez nous », pouvait-on lire sur les pancartes.

Et l’application de l’article 102 a été largement moquée et détourné par les manifestants avec un sarcasme détonant. « Le numéro 102 que vous avez composé n’est plus valable en 2019. Veuillez consulter son excellence le peuple », s’est amusée à écrire une jeune fille sur sa pancarte. Les marcheurs n’en veulent pas de cet article : ils exigent la démission immédiate du président Abdelaziz Bouteflika et une transition qui puisse permettre l’organisation de nouvelles élections démocratiques. Ils réclament l’élaboration d’une autre constitution et plaident pour une deuxième République qui prône « un état civil et pas un état islamique » comme on a pu l’entendre. « Mais avant cela, il faut que tout le système dégage », martèle Sofiane, venu exprès de Bouira en Kabylie.

Ils sont arrivés au pas de course ou en voitures militaires américaines en criant « l’armée avec le peuple ». Applaudis, enlacés, embrassés à leurs passages, d’anciens soldats, vêtus d’une veste et d’un béret militaires, ont également manifesté : ils ont voulu apporter leur soutien aux marcheurs et dire qu’ils aspirent, eux aussi, à vivre dans un pays libre. « Vous savez, ce n’est pas le terrorisme qui nous a touchés, mais c’est cette administration », assure l’un d’eux qui a quitté l’armée en 2008. A peine sa phrase terminée, sur un immeuble qui fait face à la place Maurice-Audin, un homme déploie un portrait géant du général Liamine Zeroual, l’ancien président de la République (1994-1999). La foule se met à hurler des « non », « enlève », « dégage ». Puis, une voisine arrive d’un autre balcon et arrache le portrait : elle est ovationnée.

Depuis plusieurs jours, le nom de Liamine Zeroual, 77 ans, est cité pour conduire une éventuelle transition. « Il serait utile à la tête du pays, il est honnête », assure l’ancien militaire. Un étudiant l’entend et le reprend : « Non, c’est aussi un homme du pouvoir, c’est lui qui nous a amené Bouteflika. » La discussion s’arrête. Une partie de la jeunesse préfère réclamer à la tête du pays l’avocat Mustapha Bouchachi, ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme.

« Pas de retour en arrière »

Ainsi, pour son sixième vendredi d’affilée, les Algériens ont choisi de répondre à l’armée en investissant massivement les rues du pays. « Pas de retour en arrière », répètent-ils régulièrement. Pas question aussi pour eux de se faire confisquer leur révolution comme on peut le lire sur certaines pancartes. « Tous les discours politiques ne peuvent pas égaler ce que l’on voit dans les marches, souligne l’acteur Kader Affak, 49 ans. Chaque vendredi, il y a un dialogue entre le système et le peuple. Et chaque vendredi, le peuple répond aux propositions du système. Mais tant qu’il n’aura pas reçu l’assurance d’un changement, il continuera à sortir. »

Lors de cette nouvelle marche, les drapeaux amazighs ainsi que le visage de Lounès Matoub, icône de la musique kabyle assassiné en 1998, ont fleuri toute la journée. « Mais nous sommes une Algérie unie contre un système mafieux », veut insister Ahmed, un jeune peintre en bâtiment. Pendant des heures, la foule n’a cessé de chanter son amour pour l’Algérie et pour la liberté. Les plus jeunes ont distribué des bouteilles d’eau, les anciens des tablettes de chocolats. Des anarchistes ont brandi leur fanion rouge et noir. Les vendeurs ambulants de drapeaux se sont multipliés et ont doublé les prix (de 200 à 400 dinars).

Même si la mobilisation s’est déroulée comme toujours dans une joie déroutante, certains manifestants ont durci leurs slogans et ont réclamé justice contre « les voleurs » du régime : « Le seul mandat que vous méritez, c’est un mandat d’arrêt » ; « partir aujourd’hui, c’est mieux que d’être condamné demain » ; « juges, qu’attendez-vous pour commencer à les mettre derrières les barreaux »…

La foule veut faire des rues d’Alger le cimetière du « système ». Elle n’attend qu’une seule chose : la mort du pouvoir. Et ce depuis six semaines maintenant. Elle veut aller au bout de sa révolution pacifique. Mais comme le souligne Smail Mehnana, professeur de philosophie à l’université de Constantine : « Pour que le système dégage, il faut que la révolution soit permanente, qu’elle se maintienne dans le temps pour quelle devienne le nouveau contrat social. »

29 mars 2019

Venezuela : Guaido révoqué de son poste de président du Parlement et déclaré inéligible

Le leader de l’opposition s’était autoproclamé président par intérim du pays le 23 janvier, et a été reconnu à ce poste par une cinquantaine de pays.

Le président du Parlement vénézuélien, Juan Guaido, également chef de file de l’opposition, a été révoqué de son poste, jeudi 28 mars, ont annoncé les autorités vénézuéliennes. Le principal opposant du président Nicolas Maduro a été en outre déclaré inéligible durant quinze ans pour corruption présumée.

Le contrôleur général de la République, Elvis Amoroso, chargé de veiller à la transparence de l’administration du pays, a décidé d’« interdire l’exercice de toute fonction élective au citoyen [Juan Guaido] pour la durée maximale prévue par la loi », a déclaré ce proche du pouvoir en place à la télévision d’Etat.

Selon M. Amoroso, Juan Guaido ne justifie pas, dans ses déclarations de patrimoine, certaines dépenses réalisées au Venezuela et à l’étranger avec des fonds provenant d’autres pays. « Il a effectué plus de quatre-vingt-onze voyages hors du territoire pour un coût supérieur à 310 millions de bolivars [quelque 84 000 euros au taux actuel], sans justifier l’origine de ces fonds », a expliqué le contrôleur général. Ce dernier avait annoncé le 11 février l’ouverture d’une enquête visant l’opposant.

« Il n’est pas contrôleur »

Dans la foulée, Juan Guaido, qui s’est autoproclamé président par intérim le 23 janvier et a été reconnu comme tel par une cinquantaine de pays, a rejeté cette sanction lors d’un discours devant ses partisans, affirmant qu’Elvis Amoroso était illégitime. « Il n’est pas contrôleur. Il ne l’est pas (…) et il n’existe pas de sanction d’inéligibilité (…). Le Parlement légitime est le seul ayant le pouvoir de désigner un contrôleur », a déclaré M. Guaido, rappelant qu’Elvis Amoroso avait été nommé à ce poste par l’Assemblée constituante, acquise au pouvoir et qui remplace dans les faits le Parlement. « Chaque journée [supplémentaire] dans la rue pour moi est une défaite pour le régime. S’il m’arrête, ce sera son ultime défaite », a-t-il ajouté dans une autre réunion publique.

Les Etats-Unis, au travers du porte-parole du département d’Etat Robert Palladino, ont qualifié de « ridicule » cette sanction. Quand aux pays latino-américains et européens du Groupe de contact international (GCI) sur le Venezuela, réunis jeudi à Quito, ils ont condamné la décision des autorités vénézuéliennes et appelé à trouver une « solution pacifique et démocratique à la crise au Venezuela ».

Dans ce pays où personne ne reconnaît la légitimité de personne, difficile de dire quelles seront les conséquences de cette décision qui vise Juan Guaido, également président du Parlement. Ni s’il va pouvoir continuer à siéger, la sanction étant en théorie d’application immédiate. L’ancien candidat à la présidentielle de 2013 Henrique Capriles avait été sanctionné de la même façon et déclaré inéligible, ce qui l’avait empêché de se présenter par la suite en 2018.

Depuis deux mois, le Venezuela est confronté à la plus grave crise de son histoire avec une économie au ralenti, une monnaie naufragée et des pénuries de tout. Les deux « présidents » rivaux avaient convoqué samedi des rassemblements de leurs partisans, à Caracas « contre le terrorisme » pour M. Maduro, à Barcelona (nord-est) pour Juan Guaido, qui a entamé une tournée du pays destinée, compte-t-il, à le mener « jusqu’à Miraflores », le palais présidentiel.

94 % de la population vit dans la pauvreté

Dans le pays, la situation humanitaire est de plus en plus critique. Selon un rapport de l’ONU publié jeudi 28 mars, 24 % de la population vénézuélienne, soit 7 millions de personnes, ont besoin d’une aide humanitaire. Selon le document de 45 pages, qui cite des chiffres d’universités vénézuéliennes, plus de 94 % de la population vivait dans la pauvreté en 2018, dont 60 % dans une extrême pauvreté.

Environ 3,7 millions de personnes souffrent de malnutrition, un fléau qui touche 22 % des enfants âgés de moins de cinq ans, selon l’ONU. La consommation de viande et de légumes a chuté entre 2014 et 2017, celle du lait a baissé de 77 %.

Des maladies ont aussi réapparu comme la tuberculose, la diphtérie, la malaria ou l’hépatite A, en raison notamment d’un manque d’accès à de l’eau potable. Le document rappelle qu’environ 5 000 personnes quittent le pays chaque jour. Plus de 3,4 millions de personnes vivent désormais comme réfugiés ou migrants dans des pays voisins, indique le document.

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28 mars 2019

Algérie : le RND, principal parti allié de Bouteflika, demande sa démission

Le Rassemblement national démocratique « recommande » son départ, un nouveau revers politique pour le président après la prise de distance de l’armée.

Le Rassemblement national démocratique (RND) – principal allié du Front de libération nationale (FLN), le parti d’Abdelaziz Bouteflika – a demandé, mercredi 27 mars, la démission du président algérien, au lendemain de l’appel à son départ par le plus haut gradé de l’armée.

Dans un communiqué reçu par l’Agence France-Presse et signé par son secrétaire général, l’ex-premier ministre Ahmed Ouyahia récemment limogé, le RND « recommande la démission du président de la République (…) dans le but de faciliter la période de transition ». M. Ouyahia est un fidèle de M. Bouteflika, dont il a été trois fois le premier ministre depuis 2003. Très impopulaire, il a été sacrifié le 11 mars pour tenter – en vain – de calmer la colère populaire, dont il était l’une des cibles favorites.

Ahmed Ouyahia n’est pas le seul à avoir pris ses distances avec le président algérien mercredi. Le patron de la principale centrale syndicale algérienne, soutien jusqu’ici indéfectible d’Abdelaziz Bouteflika, a lui aussi appuyé l’appel lancé par le chef d’état-major de l’armée à écarter le chef de l’Etat. L’application de l’article 102 constitue « le cadre légal à même de surmonter la crise politique à laquelle est confronté notre pays », estime dans ce communiqué le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, qui fut pourtant un zélateur enthousiaste de la candidature de M. Bouteflika à un cinquième mandat, candidature qui a jeté des millions d’Algériens dans la rue.

Article 102 de la Constitution

Mardi, le chef de l’Armée nationale populaire, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, a appelé à recourir à l’article 102 de la Constitution, qui prévoit l’« empêchement » du chef de l’Etat. Dans son communiqué, le RND dit accueillir « favorablement » cette proposition du chef d’état-major de l’armée, qui « cherche à préserver le pays du blocage ». Le parti rend aussi « hommage à Abdelaziz Bouteflika, pour tout ce qu’il a fait pour l’Algérie ».

L’affaire est à présent entre les mains du Conseil constitutionnel, seule institution formellement habilité à enclencher la procédure d’empêchement. Son président, l’ancien ministre de la justice Tayeb Belaïz, est un homme du premier cercle du président de la République.

L’Algérie connaît une importante crise depuis plus d’un mois. Chaque vendredi, des centaines de milliers d’Algériens défilent pour réclamer le départ de M. Bouteflika, en fonction depuis 1999. Le chef de l’Etat, très affaibli depuis un accident vasculaire cérébral en 2013, a renoncé à se présenter à un cinquième mandat mais a aussi reporté sine die l’élection présidentielle prévue le 18 avril, se maintenant de fait au pouvoir.

27 mars 2019

L'ex-président chinois d'Interpol poursuivi pour corruption

Meng Hongwei

Par   Journaliste Figaro Cyrille Pluyette  

Les autorités chinoises ont clos leur enquête visant Meng Hongwei, qui avait disparu de façon rocambolesque fin septembre. Il sera traduit en justice pour avoir touché des pots de vin.

Après des mois de silence, les autorités chinoises ont fini par livrer les conclusions de leur enquête sur Meng Hongwei, l'ex-président d'Interpol, dont la disparition fin septembre avait stupéfait la planète. Comme attendu, le verdict est implacable. L'ancien dirigeant a été exclu du Parti communiste chinois (PCC) et de toute fonction publique, et il sera poursuivi en justice pour avoir touché des pots-de-vin et bafoué l'autorité du régime, ont annoncé mercredi les services d'inspection de la formation au pouvoir.

Meng Hongwei s'était «volatilisé» à l'automne dernier peu après avoir quitté la France - où est basé Interpol - et atterri en Chine. Pékin ne s'était manifesté qu'après plus d'une semaine, en indiquant qu'une enquête pour corruption avait été ouverte à l'encontre du haut fonctionnaire. Il avait démissionné par courrier le 7 octobre de la tête de l'organisation policière.

Les faits qui lui sont reprochés apparaissent en partie politiques. «Meng Hongwei n'a pas respecté les principes du Parti (…), il n'a pas communiqué des informations personnelles comme il aurait dû le faire et s'est refusé à mettre en œuvre les décisions du comité central du Parti», a déclaré la Commission d'inspection disciplinaire du PCC.

Ce haut dignitaire a également abusé de son pouvoir pour obtenir des gains privés et «gaspillé sans compter» les fonds de l'Etat «pour satisfaire le train de vie extravagant» de sa famille, a précisé cet organe du régime. L'accusé a aussi accepté illégalement «d'énormes quantités» d'argent et de biens, selon la même source. Autant de dérive qui valent à celui qui était aussi vice-ministre du ministère de la Sécurité publique, d'être accusé de ternir l'image du Parti et de nuire gravement aux intérêts du pays.

Vaste campagne anti-corruption

Restée en France, l'épouse de Meng Hongwei, laissée sans informations sur le sort de son mari depuis son arrestation, avait demandé au président français d'évoquer son cas avec son homologue chinois Xi Jinping lors de sa de trois jours visite en France (qui s'est achevée mardi). Dans le courrier qu'elle a adressé la semaine dernière à Emmanuel Macron, cette femme craignant pour sa sécurité et qui a déposé plainte en février pour une mystérieuse tentative d'enlèvement, demande à savoir où se trouve le père de ses deux jeunes enfants et «comment il se porte». Elle insiste pour que ce dernier puisse recevoir la visite de ses avocats. La commission nationale de supervision chinoise, qui a investigué sur Meng Hongwei, peut garder des suspects au secret pendant six mois sans prévenir leur famille ni leur donner accès à un avocat.

L'ancien numéro un d'Interpol est désormais quasiment certain d'être jugé coupable à l'issue de son procès. Les tribunaux, contrôlés par le Parti, ne devraient en effet pas remettre en cause ses accusations. Meng Hongwei est loin d'être le premier officiel à être victime de la vaste campagne anti-corruption lancée par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir, fin 2012. Cette croisade a entraîné la chute de plus de plus de 170 hauts dirigeants du PCC. Selon ses détracteurs, le numéro un chinois l'utilise également pour écarter des rivaux ou des responsables qui ne lui sont pas assez fidèles.

Meng Hongwei, avait été nommé en 2016 à la tête d'Interpol, ce qui avait constitué une victoire pour Pékin, désireux de renforcer sa présence dans les organisations internationales. Il a été remplacé par le Sud-Coréen Kim Jong-yang en novembre.

27 mars 2019

Algérie : le chef de l’armée suggère que soit déclaré « l’état d’empêchement » d’Abdelaziz Bouteflika

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Par Amir Akef, Alger, correspondance

Le général Ahmed Gaïd Salah propose d’engager la procédure de l’article 102 de la Constitution, prévue dans le cas où le président de la République « se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions ».

La crise algérienne a connu, mardi 26 mars, un rebondissement au plus haut niveau de l’Etat : la direction de l’armée a décidé de défier la présidence d’Abdelaziz Bouteflika. Le chef de l’Armée nationale populaire (ANP), le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, a en effet appelé à recourir à l’article 102 de la Constitution, qui prévoit l’« empêchement » du chef de l’Etat. Le message, diffusé en boucle sur la télévision publique depuis la quatrième région militaire de Ouargla, scelle la rupture entre l’armée et le clan présidentiel. Ce geste d’Ahmed Gaïd Salah marque une nouvelle étape dans la crise qui secoue l’Algérie depuis plus d’un mois alors que des millions d’Algériens défilent chaque vendredi contre le maintien au pouvoir de M. Bouteflika aux cris de « dégagez le système ».

« Il faut adopter une solution qui garantisse la satisfaction de toutes les revendications légitimes du peuple algérien et le respect des dispositions de la Constitution ainsi que la continuité de la souveraineté de l’Etat, une solution de nature à être acceptée de tous », a déclaré le général Salah, nommé à la tête de l’armée en 2004 par M. Bouteflika lui-même.

Pour justifier cette intervention qui bouscule les formes, le chef de l’armée a mis l’accent sur les risques sécuritaires. Les manifestations contre la prolongation du quatrième mandat de Bouteflika sont restées pacifiques jusqu’à présent, a-t-il dit, mais la « situation peut être retournée ». Les manifestations « peuvent être instrumentalisées par des forces ennemies internes ou externes », a-t-il mis en garde.

Une « suggestion » qui équivaut à une quasi-injonction

Ahmed Gaïd Salah qui, dit-on à Alger, était tenu par une « parole donnée » à M. Bouteflika au sujet de sa candidature à un cinquième mandat – auquel le chef de l’Etat a finalement renoncé le 11 mars en annulant l’élection présidentielle prévue le 18 avril – a graduellement pris ses distances à l’égard du clan présidentiel. Tout en rendant hommage au pacifisme des manifestants, il n’évoquait plus, au fil des semaines, le nom du président et s’est abstenu de soutenir la feuille de route du 11 mars prévoyant une prolongation du quatrième mandat jusqu’à une nouvelle élection présidentielle selon un calendrier non précisé. Son appel à la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution constitue une rupture franche entre les deux grands pôles du pouvoir en Algérie.

POUR LE CAMP PRÉSIDENTIEL QUI ŒUVRAIT LABORIEUSEMENT À LA FORMATION D’UN GOUVERNEMENT, LA SORTIE DU CHEF DE L’ARMÉE EST UN COUP DUR

Formellement, le chef de l’armée ne fait que « suggérer » cette option constitutionnelle qui prévoit de faire le constat de l’« empêchement » du président de la République et la mise en œuvre d’un intérim de quarante-cinq jours exercé par le président du Conseil de la nation (Sénat) jusqu’à la tenue d’une élection présidentielle. Mais cette suggestion, dans un contexte de contestation générale du régime de Bouteflika, équivaut une quasi-injonction adressée au Conseil constitutionnel de recourir à l’article 102.

Pour le camp présidentiel qui œuvrait encore laborieusement à la formation d’un gouvernement, la sortie du chef de l’armée est un coup dur. Vingt-quatre heures plus tôt, l’ancien secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saadani, suppliait pratiquement, dans un entretien surréaliste au site Tout sur l’Algérie (TSA), de laisser au moins M. Bouteflika terminer son mandat jusqu’au 28 avril. Le message n’a pas été entendu, l’armée ne souhaitant pas, à l’évidence, se retrouver à cette date devant un vide institutionnel, celui d’un mandat se concluant par une vacance du pouvoir présidentiel.

Deux cas de figure prévus par l’article 102

L’article 102 prévoit deux cas de figure, celle d’une démission, ce qui n’est pas le cas, où celui d’un « empêchement » pour raison de santé, soit la procédure désormais envisagée pour pousser Abdelaziz Bouteflika vers la sortie avant l’expiration de son mandat le 28 avril. Il reste à savoir si le Conseil constitutionnel, seule institution formellement habilité à enclencher la procédure d’empêchement « suggérée » par le chef de l’armée, s’y résoudra.

Le Conseil constitutionnel est dirigé par l’ancien ministre de la justice, Tayeb Belaïz, un homme du premier cercle du président de la République. S’il répond positivement à la « suggestion » du chef de l’armée, le Conseil constitutionnel devra constater l’empêchement « par tous moyens appropriés » avant de proposer, à l’unanimité de ses membres, au Parlement de « déclarer l’état d’empêchement ». Les deux chambres du Parlement devront se prononcer « à la majorité des deux tiers ». Dans un tel scénario, le président du Conseil de la nation, en l’occurrence, Abdelkader Bensalah, assurerait l’intérim pendant quarante-cinq jours au plus. Le gouvernement resterait en place durant cette période.

En choisissant de faire pression pour l’application de l’article 102, l’armée cherche à éviter la mise en place d’une transition dirigée par des personnalités indépendantes, soit l’option réclamée par une bonne partie des acteurs de la contestation.

25 mars 2019

Venezuela : Nicolas Maduro accuse Juan Guaido de préparer son assassinat

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Le président du Venezuela Nicolas Maduro a accusé samedi l’opposant Juan Guaido de préparer un complot pour l’assassiner, et a menacé de l’envoyer en prison. « Nous venons de déjouer un plan de la marionnette diabolique, qu’il dirigeait personnellement, pour me tuer », a affirmé Nicolas Maduro devant plusieurs milliers de ses partisans rassemblés à Caracas.

« Nous n’aurons pas peur d’envoyer ces délinquants en prison », a-t-il ajouté, en qualifiant de « groupe terroriste » le parti Voluntad Popular de Juan Guaido. Juan Guaido s’est autoproclamé président par intérim du pays le 23 janvier et a été reconnu comme tel par une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis. Deux mois plus tard, le Venezuela reste confronté à la plus grave crise de son histoire avec une économie au ralenti, une monnaie naufragée et des pénuries de tout.

Des « preuves »

Les deux « présidents » rivaux avaient convoqué samedi des rassemblements de leurs partisans, à Caracas « contre le terrorisme » pour Nicolas Maduro, à Barcelona (nord-est) pour Juan Guaido, qui a entamé une tournée du pays destinée, compte-t-il, à le mener « jusqu’à Miraflores » le palais présidentiel.

Le ministre de l’Information Jorge Rodriguez a affirmé à la télévision détenir des preuves selon lesquelles des « tueurs » recrutés au Salvador, au Guatemala et au Honduras « grâce à d’énormes sommes d’argent » ont été envoyés en Colombie voisine pour conduire des « assassinats sélectifs » et des « sabotages » des services publics vénézuéliens.

Pas de rupture entre Maduro et les militaires

Début mars, Juan Guaido bénéficiait de 61 % d’avis favorables contre 14 % pour Nicolas Maduro, selon une enquête de l’institut Datanalisis. « Un tel scénario était inimaginable en 2018 », reconnaît l’analyste Mariano de Alba. Mais, même « affaibli », Nicolas Maduro « a réussi à maintenir une cohésion étonnante dans l’adversité ». Surtout la forte mobilisation populaire et le soutien affirmé de Washington et de l’Union européenne à Juan Guaido, notamment, n’ont pas entamé la loyauté de l’armée envers le pouvoir.

La rupture entre l’armée et le pouvoir n’a pas eu lieu « parce qu’aucune offre crédible n’a permis à l’élite militaire de croire en la possibilité d’un changement » de régime sans risque, estime le président de Datanalisis, Luis Vicente Leon. Pour cet expert, penser que Nicolas Maduro ne partira que par la force encourage l’opposition à refuser toute forme de négociations pour « provoquer une fracture » : un scénario impopulaire selon lui, mais « toujours d’actualité » pour sortir de la crise.

Situation économique dramatique

En attendant le Venezuela s’enfonce un peu plus. Le 28 avril entrera en vigueur l’embargo sur les exportations de pétrole qui assurent 96 % du budget de l’Etat. « La situation économique va terriblement s’aggraver et la population subir une nouvelle dégradation de son niveau de vie », prévient Mario De Alba, qui annonce simultanément une « répression » accrue.

Pour Vicente Leon, le temps joue contre Nicolas Maduro avec le risque d’une « explosion sociale ». Mais le temps qui passe est aussi risqué pour Juan Guaido, car « plus le pays se détériorera, plus la patience de la population va s’émousser.

20 mars 2019

En Algérie, l’armée cherche à se poser en arbitre

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Par Frédéric Bobin, Tunis, correspondant

Le chef d’état-major de l’armée algérienne, Gaïd Salah, ménage la protestation anti-Bouteflika afin de jouer un rôle dans la sortie de crise.

Si un verbe officiel est décortiqué, pesé au trébuchet, baromètre d’une possible issue à la crise algérienne, c’est bien le sien. Non celui du président Abdelaziz Bouteflika, à peine audible depuis qu’il est lui-même devenu invisible, éloigné de la scène par la maladie. Mais celui du général de corps d’armée Gaïd Salah, patron de l’Armée nationale populaire (ANP), puissant acteur – sinon omnipotent – du jeu politique depuis l’indépendance de 1962.

Et chacun de quêter un indice dans l’exégèse. L’armée soutiendra-t-elle jusqu’au bout le chef de l’Etat dans sa volonté de proroger son mandat (le quatrième) au-delà de son expiration légale le 28 avril ? M. Bouteflika a réitéré, lundi 18 mars, son souhait de rester à son poste jusqu’à un nouveau scrutin présidentiel renvoyé à une date non précisée. Ou l’ANP basculera-t-elle du côté des millions d’Algériens qui ont défilé le 15 mars – ainsi que chaque vendredi depuis trois semaines – pour demander, non plus seulement le retrait de la candidature de M. Bouteflika à un cinquième mandat (obtenu), mais son départ du pouvoir sans délai ainsi que la fin du « système » ? De la réponse à la question dépend l’avenir d’une révolution démocratique au visage inédit et, au-delà, la stabilité du géant d’Afrique du Nord.

Que dit donc Gaïd Salah ? Un mélange de formules convenues, puisées dans la rhétorique traditionnelle de l’« armée du peuple », et de discrets signaux témoignant d’un attentisme plus que prudent, a priori éloigné de la ligne répressive que certains avaient initialement pu redouter. Si évolution il y a eu, elle est plutôt dans le sens de la dédramatisation, une posture qui a semblé s’ajuster au fil des jours à la popularité croissante de la cause des protestataires.

« Stratégie de désamorçage »

Ainsi le 26 février, quatre jours après le début du mouvement, le chef de l’ANP se montrait menaçant. Il dénonce alors les « appels anonymes douteux » visant à pousser « les égarés vers des issues incertaines et dangereuses ». Le 5 mars, il poursuit dans l’alarmisme en mettant en garde contre le « retour aux douloureuses années de braise ».

Il faudra attendre la nouvelle démonstration de force des manifestants, le 8 mars, pour que le ton change. Deux jours après cet acte III de la mobilisation, Gaïd Salah déclare que « l’Algérie est fière de son peuple, et l’armée aussi ».

Lundi 18 mars, il a joué encore davantage de l’emphase pour louer – non plus seulement dans l’absolu mais « dans les circonstances actuelles » – le « sens du patriotisme » et le « civisme inégalé » du « peuple algérien ». Détail révélateur, il ne prend même plus la peine de citer le président Bouteflika.

Est-ce à dire que l’ANP est train de prendre ses distances avec le chef de l’Etat et son clan ? Vu l’opacité du système de pouvoir algérien, la prudence s’impose.

Si modération il y a, souligne le chercheur en sciences politiques Kamal Cheklat, il s’agit avant tout d’une « stratégie de désamorçage ». « Il s’agit de répondre à certaines revendications mais sans changer le système », poursuit-il. Or ce « système », ancré dans la position prééminente de l’armée, remonte à la genèse même de l’indépendance. L’armée de libération nationale (ALN), devenue ensuite ANP, a créé l’Etat algérien, un acte fondateur source d’une tutelle dont le pays ne s’est pas encore vraiment affranchi.

Rééquilibrage entre civils et militaires

Il y a quelque ironie de voir la crise actuelle réinstaller l’armée dans une position d’arbitre, renforçant ainsi de facto son jeu, alors que M. Bouteflika s’enorgueillissait d’avoir rééquilibré les relations entre civils et militaires.

Quand il arrive au pouvoir en 1999, adoubé par les « décideurs » (selon le mot convenu) militaires ayant mené la guerre aux groupes islamistes armés lors de la « décennie noire », M. Bouteflika affirme d’emblée qu’il n’est pas une « marionnette » et qu’il n’entend pas être un « trois quarts de président ». La détérioration de l’image de l’ANP, qui avait tiré sur la foule lors du premier « printemps » démocratique de 1988 puis joué un rôle controversé lors de la guerre anti-insurrectionnelle des années 1990, lui facilite la tâche.

A partir de 2004, début de son deuxième mandat, le chef de l’Etat conforte son assise, mettant à profit le départ à la retraite de la génération des « décideurs ». L’ANP accepte d’autant mieux ce recalibrage de la relation avec les civils que la charte sur la « réconciliation nationale » interdit d’évoquer les dossiers litigieux de la « décennie noire ».

En outre, le contexte post-11 Septembre, qui lui ouvre de nouvelles perspectives de coopération antiterroriste internationale, redore quelque peu son blason aux yeux des capitales occidentales tandis que la rente pétrolière en plein essor finance sa modernisation. Sur la période 2013-2017, l’Algérie se hisse au septième rang mondial des importateurs d’équipements militaires et le budget de l’armée s’élève à 5,7 % du produit intérieur brut (PIB), un taux parmi les plus élevés de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord.

La « normalisation » de la relation entre civils et militaires va franchir un nouveau seuil en 2015 quand la présidence de Bouteflika s’emploie à réduire la Direction du renseignement et de la sécurité (DRS), les tout puissants services secrets de l’armée, véritable Etat dans l’Etat. A l’automne, le général Mohamed Médiène, dit « Toufik », qui a régné sur le renseignement militaire – et donc politique – pendant un quart de siècle, est poussé à la retraite. Et début 2016, le DRS est dissous pour laisser place à une nouvelle entité, le Département de surveillance et de sécurité (DSS), placé sous la tutelle de la présidence.

Tout au long de l’année 2018, la purge s’approfondit dans l’armée et la gendarmerie – ainsi que dans la police – dans la foulée de la découverte au large d’Oran d’un cargo empli de 700 kg de cocaïne, prétexte à une épuration sans précédent dans l’Algérie indépendante.

« Ligne rouge »

Le général Gaïd Salah, nommé à la tête de l’ANP en 2004, supervise ce vaste remaniement de l’appareil sécuritaire. Toutefois, le recalibrage du lien entre l’armée et les civils ne signifie nullement qu’elle perd la main. « L’ANP reste la gardienne du temple des valeurs nationales, souligne Flavien Bourrat, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem). Elle se place désormais en retrait mais avec, en filigrane, l’idée qu’elle se réinvestirait dans le politique si le pouvoir franchissait la ligne rouge. »

Cette « ligne rouge », c’est la relation avec le Maroc et les visées de l’islamisme sur l’Etat. Ou éventuellement l’aggravation d’une crise de succession déjà bien engagée en coulisses avant qu’elle n’éclate au grand jour il y a trois semaines.

« La latence de la crise rend possible la réactualisation des prétentions tutélaires des hauts gradés, qui sont régulièrement évoqués comme des recours par les hommes politiques, y compris par des opposants », écrit le chercheur Thomas Serres dans son ouvrage L’Algérie face à la catastrophe suspendue (IRMC-Karthala, 2019).

Là se noue le paradoxe de la crise actuelle où la protestation appelle à « dégager le système » tout en cherchant à accommoder l’armée, pourtant pilier du même système. « Armée et peuple, frères » scandent nombre de manifestants. « La contradiction s’explique par le souci des manifestants de se protéger, de ne pas être pris en otage, décrypte Amel Boubekeur, chercheuse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Et évidemment, l’armée est très heureuse que ce tabou algérien continue de fonctionner. »

Le « tabou algérien », c’est l’absence de justice transitionnelle sur la « décennie noire ». « Il n’y a pas eu de contre-récit à la mythologie selon laquelle l’armée protège le peuple », ajoute Amel Boubekeur. Le général Gaïd Salah sait donc parfaitement quelle corde il touche quand il proclame que l’« armée est fière du peuple ». Il y a là l’esquisse d’une sortie de crise autant que le germe d’un futur malentendu.

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