A la frontière entre le Brésil et le Venezuela, l’angoisse de l’affrontement
WATCH: Venezuelan troops try to block a convoy headed to the Colombian border to collect humanitarian aid. pic.twitter.com/fU6M8JQp5x
— NBC News (@NBCNews) 21 février 2019
Al menos dos muertos y 15 heridos de bala dejó este viernes el ataque perpetrado por un grupo de soldados de la Fuerza Armada Nacional Bolivariana (FANB) contra manifestantes de la etnia indígena pemón.
— El Estímulo (@elestimulo) 22 février 2019
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Par Claire Gatinois, Pacaraima, Brésil, envoyée spéciale
Alors que l’aide humanitaire promise par l’opposant Juan Guaido doit être acheminée samedi, les militaires fidèles à Maduro restent postés debout à la frontière.
Il était un peu plus de midi quand Margarita (le nom a été modifié), 71 ans, a franchi la frontière. Arpentant à pied les montagnes, le cœur battant la chamade, l’élégante vieille dame munie d’une petite valise emmagasinant toute sa vie, a défié le président Nicolas Maduro. Un « dictateur » qu’elle attend désormais de voir « tomber ». « Je veux que le Venezuela redevienne ce qu’il était », dit-elle.
Ce vendredi 22 février, dans un petit café de Pacaraima, ville brésilienne à la frontière avec le Venezuela, la septuagénaire se remet avec peine de son audace. A un âge où elle ne devrait plus se préoccuper que de ses petits-enfants, la voici clandestine, affolée à l’idée d’être ramenée dans son pays. Ou pire encore.
Depuis la veille au soir, le président du Venezuela a ordonné la fermeture de la frontière et de l’espace aérien du pays. Les Vénézueliens comme Margarita, fuyant la misère et la faim, n’ont eu d’autre choix que de prendre des chemins de traverse avant que la situation n’empire.
Deux morts, une quinzaine de blessés
Dans quelques heures, samedi 23 février, doivent arriver à Pacaraima les camions chargés de 200 tonnes de vivres et de médicaments venus des Etats-Unis qui tenteront de traverser une frontière désormais verrouillée. Une « guerre humanitaire », comme la qualifie le Brésil, censée faire plier les soutiens militaires de Nicolas Maduro et permettre à son opposant, Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale et chef d’Etat autoproclamé, soutenu par une vingtaine de pays européens, dont la France, d’accéder au pouvoir.
A vingt-quatre heures du coup d’envoi, les militaires postés à la frontière, debout derrière leur bouclier semblent toujours jurer fidélité au dirigeant Maduro qui se prétend l’héritier de la révolution bolivarienne. A 70 kilomètres de là, côté vénézuélien, à Kumarakapay des affrontements avec les forces de l’ordre ont tourné au massacre.
Deux personnes, sans doute des Pemons (indigènes), ont été tuées, une quinzaine d’autres sont blessées ; certaines sont dans un état grave. Ces Vénézueliens auraient subi des tirs de balles réelles en s’opposant aux barrages des soldats afin de laisser l’aide humanitaire entrer dans le pays. « Les militaires font aussi partie du peuple ! », se désole Marcel Perez. L’œil cabossé, le jeune homme faisait partie de la troupe attaquée.
Pour seule réponse, Nicolas Maduro a renforcé son soutien aux forces de l’ordre. « Morale maximale, cohésion maximale, action maximale. Nous vaincrons », a-t-il écrit sur Twitter.
Les morts, puis les propos belliqueux ont plongé Pacaraima dans l’angoisse. « La vengeance est inhérente à la culture des Pemons, on est en droit de craindre des représailles et une escalade », soupire le père Jesus, à la tête de la paroisse de Pacaraima. Arrivé il y a neuf ans dans cette petite ville sans charme, le prêtre a vu progressivement débarquer ces Vénézuéliens fuyant la misère et la faim considérant le lieu comme un « paradis ». Il a également assisté à la montée de la haine et de la xénophobie de la part de Brésiliens d’ordinaire si accueillants.
Cellule de crise à Brasilia
Venu à Pacaraima dans la matinée, le député Antonio Carlos Nicoletti du Parti social libéral (PSL), qui est aussi celui du président Jair Bolsonaro, s’est montré préoccupé face aux risques de dérives. Assurant s’être entretenu avec le chef de l’Etat le mercredi précédent, le parlementaire promet que rien ne sera fait qui puisse nuire aux intérêts des Brésiliens. L’Etat du Roraima dépend de l’énergie achetée au Venezuela. Et la station de combustible qui alimente la ville de Pacaraima, est aux mains des Vénézuéliens.
Alerté par la montée des tensions, le gouvernement a convoqué une cellule de crise à Brasilia avec le président Jair Bolsonaro. Sans renoncer à l’opération, le pays a prévenu que son action s’arrêterait à la frontière. Dit autrement à aucun moment le Brésil ne remettra en cause la souveraineté vénézuélienne pour forcer le passage de l’aide humanitaire, laissant les opposants ou les pro-Maduro, décider du cours des événements.
Une position prudente, souhaitée par les militaires en position de force dans le gouvernement. Et plus nuancée que celle qu’aurait défendu initialement Ernesto Araujo, le ministre des affaires étrangères, admirateur du président des Etats-Unis Donald Trump.
Allaitant son fils de deux ans à même le sol, Ariannis Esperalta, 20 ans, qui a traversé la frontière lundi, se fiche, elle, de savoir si l’opération humanitaire tournera à l’affrontement. Seul lui importe de savoir que Maduro quittera le pouvoir. « Qu’il s’en aille », supplie-t-elle.
Au Venezuela, où le taux d’inflation dépasse un million de pourcents, un salaire minimum ne suffit plus à acheter un poulet ou un kilo de fromage.