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Jours tranquilles à Paris

10 septembre 2020

Critique - Bande dessinée : à Landerneau, Enki Bilal de case en case

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Par Frédéric Potet, Landerneau (Finistère), envoyé spécial

Le Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture consacre une rétrospective à l’artiste français, jusqu’au 4 janvier 2021.

Rempart nécessaire mais inconfortable, le masque n’est pas le compagnon idéal pour arpenter une exposition. L’expérience sensorielle qui en découle s’avérera toutefois presque opportune pour certains parcours. Ainsi la rétrospective Enki Bilal, présentée à Landerneau (Finistère) par le Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, jusqu’au 4 janvier 2021.

Né à Belgrade en 1951, l’artiste français a construit une œuvre protéiforme sur le thème du dérèglement. Qu’il soit politique, climatique ou technologique, le chaos bilalien s’articule autour d’une vision du monde anxiogène où l’air serait irrespirable si n’y flottaient pas, ici et là, des volutes de poésie et de dérision. En tissu ou en polypropylène, le masque n’est sans doute pas de trop pour découvrir cet univers complexe et magnétique, situé aux confins du fantastique.

LE DESSINATEUR N’AVAIT PAS VU VENIR LA PANDÉMIE DE COVID-19. LE SEUL VIRUS PRÉSENT DANS SON TRAVAIL… EST INFORMATIQUE

Adepte de l’idée selon laquelle tout créateur doit avoir un coup d’avance sur l’actualité, Enki Bilal a comme « prédit », dans ses albums de bande dessinée, des événements étant réellement survenus, tels que la chute du bloc soviétique (aux côtés du scénariste Pierre Christin) ou les attentats du 11-Septembre. Le dessinateur n’avait pas vu venir, en revanche, la pandémie de Covid-19. Le seul virus présent dans son travail… est informatique.

Dans Bug (Casterman) – deux tomes parus en 2017 et 2019 –, Bilal imagine un bug généralisé à l’ensemble de la planète qui dévitaliserait l’Internet et viderait l’intégralité des disques durs. Actuellement attablé à la réalisation du troisième volume de cette fable futuriste, il vient de finaliser, avec l’écrivain Dan Franck, le scénario de son adaptation en série télévisée, manière d’ajouter une corde supplémentaire à son arc déjà bien garni.

Mini-tableaux

Dans la catégorie « la bande dessinée mène à tout à condition d’en sortir », Enki Bilal fait figure de champion. Egalement réalisateur, peintre, illustrateur, écrivain, décorateur, le Grand Prix d’Angoulême 1987 a fait d’une matrice féconde sa discipline de prédilection qu’est la BD, comme le rappelle l’accrochage breton, organisé par Serge Lemoine, ancien directeur du Musée d’Orsay. Le 9e art y occupe malgré tout une place majeure avec plus de 200 pièces rassemblées : des planches bien sûr, mais aussi beaucoup de « morceaux » de pages.

BILAL A CONTRIBUÉ LARGEMENT À L’INTRODUCTION DE LA BD DANS LE MARCHÉ DE L’ART AVEC SES VENTES RECORD AU DÉBUT DES ANNÉES 2000

L’ancien auteur vedette du magazine Pilote a fait voler en éclats ce concept pourtant consubstantiel à la bande dessinée, consistant à composer des pages d’un seul tenant où les cases se suivent au gré de la narration. Depuis une vingtaine d’années, Bilal exécute ainsi séparément ses vignettes, avant de les scanner et de les assembler sur ordinateur. L’exposition de Landerneau met en avant ces cases isolées aux allures de mini-tableaux, impression renforcée par l’emploi de peinture acrylique et de pastels, et par l’absence de phylactères (rajoutés à l’écran).

Cette méthode a plusieurs avantages. Elle permet d’agrandir et de rapetisser des images, voire d’en découper des extraits, sans laisser trace du moindre repentir. Elle offre également la possibilité de démultiplier la vente d’inédits, comme le raillent parfois certains confrères, défenseurs de la planche unique, oublieux que Bilal contribua largement à l’introduction de la BD dans le marché de l’art avec ses ventes record au début des années 2000. Si de nombreux auteurs peuvent aujourd’hui compléter leurs revenus en cédant leurs originaux, c’est ainsi en partie grâce à lui.

Terrorisme et mémoire

Son glissement vers une bande dessinée picturale coïncide avec Le Sommeil du monstre (Casterman, 1998), premier volume d’une tétralogie traitant de terrorisme et de mémoire, se déroulant en partie dans son pays d’origine, l’ex-Yougoslavie. La guerre n’y était pas terminée quand Bilal s’y attela, obsédé par la recherche d’un nouveau procédé artistique qui serait à la hauteur du plus intime de ses projets. Une seule solution : s’affranchir des contraintes habituelles de la planche constituée. « La liberté picturale a favorisé la liberté d’écriture, explique-t-il aujourd’hui. Sans cela, je me serais planté et j’aurais certainement dû arrêter la bande dessinée. Je ne supportais plus de tracer des cases et de contourner des phylactères. »

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ENKI BILAL, ARTISTE : « LA LIBERTÉ PICTURALE A FAVORISÉ LA LIBERTÉ D’ÉCRITURE »

A l’exposition de la Fondation Leclerc, le contraste peut sembler important entre ses réalisations les plus récentes (la Trilogie du Coup de sang, Bug) et ses planches des débuts, comme celles – magnifiques – du Vaisseau de pierre (Dargaud, 1976, scénario de Pierre Christin), l’histoire d’un village breton préservé d’un projet immobilier grâce à un ermite aux pouvoirs occultes. C’est pourtant bien la même main qui agit derrière : ici pour déployer une peinture flottante, dominée par la grisaille et le bleu ; là pour hachurer des pages blanches à la plume, dans la tradition de l’illustration du XIXe siècle.

S’il a fait usage, dans l’intervalle, d’une technique mixte alliant peinture et encre de Chine pour produire ses albums les plus fameux (toujours avec Pierre Christin) – Les Phalanges de l’Ordre noir (1979), Partie de Chasse (1983) – Enki Bilal aura construit une œuvre à part faisant la jonction entre Gustave Doré et Francis Bacon. La bande dessinée mène à tout, oui.

« Les Phalanges de l’Ordre noir » (1979), encre de chine et gouache blanche. | COLLECTION PARTICULIÈRE/COURTESY MEL PUBLISHER

Enki Bilal, Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, Aux Capucins, Landerneau (Finistère). Jusqu’au 4 janvier 2021, de 10 heures à 18 heures, fermé les 1er novembre, 24, 25, 31 décembre et le 1er janvier 2021. De 6 € à 8 €.

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10 septembre 2020

Vu du Royaume-Uni - L’“ensauvagement” de la France n’est qu’un mythe raciste

POLITICO (BRUXELLES)

La polémique française sur ce terme employé récemment par le ministre de l’Intérieur trouve son écho à l’étranger. Pour cet ancien correspondant britannique, il ne recouvre aucune réalité.

“Que ce soit clair : les récents actes de violence ne doivent pas être passés sous silence ni minimisés”, concède John Litchfield. Mais parler d’“ensauvagement” dans la France en 2020 est pour ce journaliste de Politico “une aberration”.

Il est vrai, rappelle-t-il, que des incidents ultraviolents sont survenus cet été à Bayonne, par exemple, ou à Lyon. Dans le premier cas, un chauffeur de bus a été tué pour avoir rappelé l’obligation du port du masque ; dans le deuxième, une jeune femme est morte après avoir été traînée pendant 800 mètres par une voiture. Il existe aussi l’éternel problème de la violence entre bandes au sein des banlieues françaises. Mais, pour autant, ce terme récemment remis au goût du jour par Marine Le Pen sert avant tout un discours politique.

“L’idée que la France s’enfoncerait dans un monde apocalyptique, où les migrants régneraient par la terreur […] est un mensonge destiné à attiser la haine et le racisme. Ce que Marine Le Pen laisse entendre sans grande subtilité, c’est que les personnes issues des minorités visibles sur le sol français, qu’il s’agisse de Français ou de migrants, sont persona non grata. Selon la dirigeante du RN, la violence est dans leur ADN et leur culture est trop différente de la culture française.”

Mais, en réalité, il y a aujourd’hui de moins en moins de violence en France, souligne le journaliste, chiffres à l’appui : ces derniers vingt-cinq ans, le taux d’homicides a chuté presque de moitié. Ramené à la population, il est cinq fois moins élevé qu’aux États-Unis. Le nombre de vols avec violence et des actes de violence est stable, et même en régression si l’on exclut les agressions sexuelles. Plus récemment, entre 2012 et 2018, les incidents violents ont chuté de 647 000 à 579 000.

Une société moins violente selon les chiffres

Mais “qu’elles soient vraies ou fausses, les rumeurs continuent de se propager”. Conséquence : 60 % des Français affirment que l’insécurité augmente et que le sujet se trouvera tout en haut des préoccupations lors de la campagne présidentielle, explique Litchfield, qui, du coup, pour démontrer le “grotesque” de cette argumentation propose d’inverser la logique. Car, si les chiffres de la violence sont en baisse, ceux des migrants présents en France, eux, augmentent.

“Au cours de l’histoire française récente, le nombre d’homicides a explosé à la fin des années 1940, puis des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990. La France compte aujourd’hui 6 500 000 personnes d’origine étrangère, soit un peu moins de 10 % de la population – des Algériens comme des Américains. En 1975, le pourcentage de personnes d’origine étrangère en France était de 7,4 %. En 1946, il était de 5 %.”

Au cours de ces deux périodes, toujours selon les statistiques, les actes criminels violents étaient plus répandus qu’aujourd’hui. Et le journaliste de conclure :

Si l’on suit la logique de Marine Le Pen, il est tout à fait possible (et probablement tout aussi trompeur) de dire que l’augmentation du nombre d’étrangers a fait de la France un espace plus sûr et plus paisible.”

Source Politico

BRUXELLES http://www.politico.eu/

10 septembre 2020

Jean Michel Basquiat

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10 septembre 2020

Mathieu Carrière

Mathieu Carrière descend d'une famille de huguenots français chassés par la révocation de l'édit de Nantes1 et parle couramment le français. Il a grandi à Berlin, avant de partir pour Lübeck en 1962. Ses parents sont Bern Carrière, psychiatre et psychanalyste, et Jutta Mühling, assistante de radiographie et mère au foyer. Mathieu Carrière a une sœur, Mareike (née le 26 juillet 1954 à Hanovre et morte le 17 mars 2014 à Hambourg), qui était également actrice, et un frère, Till (1952-1979), qui était acteur de théâtre et qui s'est suicidé à l'âge de 26 ans.

À l'âge de 17 ans, Mathieu Carrière part rejoindre le collège des jésuites de Vannes, le Lycée Saint-François-Xavier, puis étudie la philosophie à Paris, à partir de 1969.

Mathieu Carrière fait ses débuts à l'âge de 13 ans, en interprétant le rôle-titre du film de Rolf Thiele tiré du roman éponyme de Thomas Mann, Tonio Kröger. Il enchaîne en 1966 avec le rôle qui le rendra célèbre, en jouant le personnage principal du premier film de Volker Schlöndorff, Les Désarrois de l'élève Törless, tiré du roman éponyme de Robert Musil.

Au début des années 1970, il participe au spectacle du cabaret L'Alcazar grimé en frac à la manière du Berlin des années 1920-302. Dans son journal La vie rêvée, Thadée Klossowski de Rola mentionne ce numéro, à l'époque d'une relation entre l'acteur et Loulou de la Falaise, dont furent témoins Yves Saint Laurent, Pierre Bergé et leurs amis.

Il figure aussi dans quelques épisodes de la série policière Derrick.

En 1987, il est le protagoniste du dernier film du cinéaste Walerian Borowczyk, intitulé Cérémonie d'amour.

Mathieu Carrière est connu pour son combat en faveur des droits des pères divorcés. Il est également écrivain et philosophe. Il a consacré un essai à Heinrich von Kleist, traduit en français : "Pour une littérature de guerre, Kleist".

En 2005, il a été candidat aux élections fédérales sous l'étiquette du Parti du socialisme démocratique.

En 2008, il joue le rôle de Robert Broda dans la série télévisée allemande Anna und die Liebe.

En 2010 il participe à la 3e saison de Let's Dance, la version allemande de Danse avec les stars.

En 2011 il prend part à l'émission de téléréalité de Ich bin ein Star – Holt mich hier raus!, équivalent de I'm a Celebrity… Get Me Out of Here!.

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9 septembre 2020

Circulation du coronavirus à Rennes : le port du masque désormais obligatoire partout

La circulation de la Covid-19 s’intensifie dans la métropole rennaise, où la densité et le brassage de populations sont propices à une diffusion rapide du virus. Ce 9 septembre, la maire, la préfète accompagnées par l'Agence régionale de santé ont annoncé la mise en place du niveau 2.

Nathalie Appéré, maire de Rennes, Michèle Kirry, préfète d'Ille-et-Vilaine, Anne-Brice Billi, directrice de cabinet à l'ARS (Agence régionale de santé) Bretagne et Christian Willhelm, directeur de l'académie d'Ille-et-Vilaine, font le point sur la situation de l'épidémie

Ille-et-Vilaine Rennes

Un plan métropolitain, de prévention et de protection a été prévu par Rennes Métropole, en lien avec la préfecture, l'Agence régionale de santé et l'académie de Rennes. Ce 9 septembre et lors d'une conférence de presse, Nathalie Appéré et Michèle Kirry ont annoncé la mise en place de son niveau 2. En cause ? "Nous faisons un constat préoccupant, la circulation active du virus ne fait que croître ce qui justifie ce passage au niveau 2" a déclaré la préfète.

Le département d'Ille-et-Vilaine est le plus touché par l'épidémie dans la région. Pour Rennes Métropole, le taux d'incidence est de 93 cas pour 100 000 habitants. Pour le département en intégralité, on recense 68 cas pour 100 000 habitants à ce jour.

Port du masque obligatoire dans toute la ville de Rennes

Le port du masque est désormais étendu partout dans Rennes, à l'exception de trois zones identifiées : la Prévalaye, les Gayeulles et les Landes du Breuil a expliqué Nathalie Appéré. Cette mesure s'applique dans les communes intra-rocades (les plus proches de Rennes) comme Cesson-Sévigné, Chantepie et Vezin-le-Coquet.

Dans les prochains jours, les 43 communes de Rennes Métropole devront aussi appliquer cette règle, dans des zones denses identifiées et délimitées. Un arrêté détaillera ces périmètres, pour chacune d'entre elles.

Notre philosophie c'est mettre en place, au bon moment, un certain nombre de mesures coordonnées, pour éviter des mesures plus contraignantes. Nous devons doser nos actions pour ne pas attenter aux libertés individuelles

Michèle Kirry, préfète d'Ille-et-Vilaine

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Les bars fermeront plus tôt

Les bars de nuit ayant habituellement l'autorisation de fermer à 3 h du matin devront, dans les prochains jours fermer à 1 h. Des discussions sont en cours avec les professionnels du secteur. Nathalie Appéré a précisé qu'il y avait une "forte incitation auprès des bars et restaurants à ouvrir des registres papiers, pour repérer les cas contacts et faciliter le traçage."

La situation dans les établissements scolaires

"Il y a des cas positifs un peu partout" a souligné Christian Willhelm, directeur académique des services de l'éducation nationale d'Ille-et-Vilaine. Il a rappelé que les contaminations se font hors du milieu scolaire, dans le cercle amical et familial, parfois lors des rassemblements à la cantine où le masque s'enlève.

33 établissements scolaires ont été touchés à ce jour, avec 18 lycées concernés. "Une classe entière peut être isolée". La situation du lycée Saint-Sauveur de Redon fermé totalement, a été évoquée. "Les malades vont bien". "D'un point de vue sanitaire il n'y avait pas d'obligation de fermer mais l'administration et le fonctionnement de l'établissement étaient fortement impactés" Saint-Sauveur comprend notamment un internat.

Les autorités n'ont pas caché que le département pourrait être placé rouge dans les prochains jours, c'est-à-dire en situation de vulnérabilité.

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9 septembre 2020

Nath Sakura

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9 septembre 2020

Vu de l'étranger - Au procès Charlie, l'"effroi" et la "détresse" des survivants de la tuerie

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COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Au procès des attentats de janvier 2015, des survivants de la tuerie de Charlie Hebdo ont replongé mardi devant la Cour d’assises spéciale dans “l’horreur” du carnage.

“Je me suis sentie coupable”, retient El Universal, au Mexique. “J’attends la justice – la loi des hommes est la règle, pas la loi de Dieu”, pour The Daily Mail, au Royaume-Uni. “Dans la société, il y a des gens qui baissent leur froc !”, titre pour sa part Le Soir, en Belgique. Plusieurs quotidiens étrangers relayaient, mardi 8 septembre, les mots de la dessinatrice de Charlie Hebdo Corinne Rey, dite “Coco”, au cinquième jour du procès des attentats de janvier 2015 devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Cette survivante de la tuerie a décrit dans l’après-midi, à la barre, comment, le 7 janvier 2015, “des terroristes islamistes l’ont forcée à ouvrir la porte des bureaux de l’hebdomadaire satirique sous la menace d’une arme alors qu’ils arrivaient pour assassiner 11 personnes”, relate le journal britannique The Guardian. Mise en joue par les frères Chérif et Saïd Kouachi “armés jusqu’aux dents”, c’est elle qui a composé le code de la porte d’entrée. “Je savais que c’était une kalachnikov”, a confié Coco, en racontant sa longue “ascension dans l’escalier” jusqu’à l’entrée de Charlie Hebdo.

Ils m’ont dit: ‘on veut Charlie, on veut Charb’. J’étais dévastée, comme dépossédée de moi, je n’arrivais plus à rien. J’ai avancé vers le code et je l’ai tapé (…). Je sentais que les terroristes approchaient de leur but, je sentais une excitation à côté de moi.”

“Coco ébranlée, dévastée, mais debout”

Corinne Rey, 38 ans, a “les larmes aux yeux” mais la voix “claire”, selon les mots du Daily Mail. “Ses mots résonnent d’une force incroyable et plongent la salle d’audience dans une émotion bouleversante. Elle raconte (…) le bruit sec des balles : ‘Tac tac’”, rapporte l’envoyée permanente à Paris du Soir. Des moments de “terreur pure”, résume le Washington Post, aux États-Unis.

Je ne suis pas blessée, je n’ai pas été tuée. Mais cette chose absolument effroyable, je la vivrai jusqu’à la fin de mes jours. C’est l’impuissance qui est le plus dur à traverser. Je me suis sentie coupable. Personne ne peut être à ma place. Personne ne pourrait s’imaginer ce que c’est. Cette fulgurance, ces armes. Ce sang-froid qu’ils avaient. Ils étaient portés par une idéologie. Ils voulaient tuer.”

Puis Coco se reprend, selon le récit du Soir, et proclame d’une voix forte :

Les seuls coupables, ce sont les terroristes islamistes et leurs complices. (…) Dans la société, il y a des gens qui baissent leur froc devant une idéologie. Si j’ai voulu parler à ce procès, c’est aussi pour ça.”

“Des mots pour l’histoire, dans ce procès où les caméras tournent. Mais qui interpellent aussi aujourd’hui. (…) Coco ébranlée, dévastée, mais debout”, commente le quotidien belge.

“L’un des chapitres les plus douloureux de l’histoire de France”

Son témoignage est suivi par celui d’Angélique Le Corre, responsable des abonnements, qui dit aujourd’hui se sentir “plus forte” et “pas terrorisée”. Puis de Sigolène Vinson. Cette ancienne avocate, qui tenait une chronique dans Charlie Hebdo, s’est “effondrée” à la barre, écrit The Guardian :

Le tireur avait son arme contre mon front. (…) J’ai accepté que j’allais mourir et je me suis dit que c’était mon tour. J’ai pensé à mes proches. Une balle dans la tête, c’est rapide. J’attendais qu’il me tue. (…) il a dit que s’il me sauvait, je devais lire le Coran. Il a dit qu’il ne tuait pas les femmes.”

Jean Cabut, dit Cabu, 76 ans, Georges Wolinski, 80 ans, et Stéphane “Charb” Charbonnier, 47 ans, qui “comptaient parmi les dessinateurs français les plus célèbres”, ont tous perdu la vie dans le massacre, rappelle le Daily Mail. Laurent Sourisseau, dit Riss, qui a été blessé par balle mais a survécu, est désormais directeur de la publication de Charlie Hebdo. Le procès, qui a débuté le 2 septembre, ajoute le tabloïd, “devrait se poursuivre jusqu’en novembre, rouvrant ainsi l’un des chapitres les plus douloureux de l’histoire de France.”

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9 septembre 2020

Récit - Au procès des attentats de janvier 2015, les mots des survivants, remplis de morts

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Par Henri Seckel, Pascale Robert-Diard - Le Monde

Avec force, douleur, tendresse, détresse et même humour, ces femmes et hommes ont témoigné, mardi, devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Seuls comptent leurs mots. Le miracle de ces mots prononcés par des femmes et des hommes debout, là, parmi nous, au milieu du prétoire de la cour d’assises spéciale de Paris, mardi 8 septembre. Des survivants, des revenants, avec leurs mots qui disent l’horreur en sujet verbe complément. Avec force, douleur, tendresse, détresse et même drôlerie. Oui, aussi la drôlerie. Avec leur souffle qui cogne si fort dans le micro quand les mots jaillissent et leurs silences suspendus quand ils ne viennent plus.

Pour chacun d’eux, Corinne Rey, Angélique Le Corre, Sigolène Vinson, Laurent Léger, Cécile Thomas, Gérard Gaillard, s’ajoute la culpabilité du survivant. La seconde où l’un s’est jeté sous une table, où un autre s’est laissé glisser, un troisième a reculé, une quatrième a eu peur plus tôt et a eu le temps de disparaître, un cinquième n’a pas été repéré, une sixième a été épargnée. Le hasard qui a fait que ce jour-là, Cécile Thomas a changé de place pendant la conférence de rédaction parce que sa chaise, au deuxième rang, juste derrière Elsa Cayat, était coincée contre le mur et qu’elle est allée s’installer un peu plus loin, à l’extrémité de la salle de rédaction. La volonté des deux terroristes qui ont écarté Angélique Le Corre – « Toi, tu restes là » – quand ils ont remonté l’escalier en prenant Corinne Rey en otage. L’échange de regards entre Cherif Kouachi et Sigolène Vinson, qui a fait baisser son arme au terroriste et lui a fait dire « On ne tue pas les femmes », alors qu’il venait de tirer sur Elsa Cayat assise autour de la table avec les autres. Le réflexe de Laurent Léger qui s’est recroquevillé sous un bureau.

En les appelant tour à tour à la barre, le président Régis de Jorna avait dit maladroitement : « Nous entendons aujourd’hui les témoins qui n’ont pas été blessés dans l’attentat du 7 janvier. Nous entendrons demain les blessés. »

« Victimes sans blessure apparente », selon les mots de Cécile Thomas, ils sont survivants, mais remplis de morts. Sur son bras gauche, Corinne Rey s’est fait tatouer la baleine de Moby Dick, entourée de barques. « Et dans les barques, il y a douze personnes. Frédéric Boisseau [le technicien de maintenance qui est le premier tué au 10, rue Nicolas-Appert] et Ahmed Merabet [le policier abattu dans la rue après la fusillade chez Charlie Hebdo] y sont. En faisant ça, je me suis dit que c’était une cicatrice qui allait quitter ma tête pour aller dans mon avant-bras. Ce tatouage me constitue autant que la couleur de mes yeux, la carnation de ma peau. Il fait partie de moi », dit-elle.

Ils nous racontent ces secondes, leur éternité, où Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, Elsa Cayat, Mustapha Ourrad, Bernard Maris, Franck Brinsolaro et Michel Renaud, ont perdu la vie. Ils parlent mais eux revoient. Nous écoutons, ils revivent. Toute la violence de ces dix heures de témoignages est dans cette infranchissable distance.

Corinne Rey, dite Coco

Arrivée pour un stage de dessin à Charlie Hebdo en 2007, Corinne Rey y est revenue après ses études en 2008, comme pigiste. « Je voulais juste dessiner et quand j’ai rencontré cette rédaction, ça a été comme une révélation. C’est bizarre ce mot pour une athée comme moi », dit-elle. Elle dessine toujours pour le journal. Elle a 38 ans.

Ce 7 janvier j’ai déposé ma fille à la crèche, je suis passée chez Franprix acheter un paquet de galettes parce qu’il y a beaucoup de gourmands autour de la table, et je suis arrivée rue Nicolas-Appert. C’était une rue où les gens amenaient leur chien faire caca, c’était la rue idéale pour faire ça tellement c’était désert.

Quand je suis arrivée, Simon Fieschi s’affairait, j’ai chambré Tignous parce qu’il était un peu en avance, Charb dessinait déjà. Cabu discutait avec ses deux invités [Michel Renaud et Gérard Gaillard] qui lui avaient apporté un jambon. La réunion a commencé. On parlait du livre de Houellebecq [Soumission] qui faisait la couverture ce jour-là, et de ces jeunes qui partaient faire le djihad en Syrie. Il y a eu un débat entre Tignous et Bernard Maris sur le sujet. La réunion allait se terminer, je devais partir chercher ma fille à la crèche à 12 h 30. J’étais installée entre Honoré et Tignous, j’ai mis ma main sur l’épaule de Tignous et je suis partie discrètement. Je suis allée chercher Angélique pour lui demander de descendre fumer une cigarette avec moi.

Je sais pas si c’est le choc, mais dans ma tête, les terroristes sont arrivés au moment où on sortait de l’immeuble. Or, ils sont arrivés quand on était dans la cage d’escalier. Ils ont surgi du couloir en m’appelant « Coco ! Coco ! ». J’étais stupéfaite. Ça a été d’une fulgurance dingue. L’un m’a immédiatement attrapée par le bras pour me pousser dans la cage d’escalier, l’autre a repoussé Angélique en lui disant : « Toi tu restes là ! » Dans l’escalier, l’un des deux hommes s’est mis juste derrière moi avec sa kalachnikov. Charb dessinait tellement bien les armes que je savais que c’était une kalachnikov. On a monté les escaliers, ils m’ont dit : « On veut Charlie Hebdo, on veut Charb. » J’ai ressenti une détresse absolue.

J’étais incapable de réfléchir, j’ai poussé une porte, mais on n’était pas au bon étage. Je me suis rendu compte de mon erreur et, pensant que ça me serait fatal, je me suis mise comme ça [elle s’accroupit, les mains au-dessus la tête] en disant : « Pardon pardon, je me suis trompée d’étage. » Ils m’ont dit : « Pas de blague, sinon on te descend ! » J’ai fait demi-tour, ils m’ont suivie avec leurs armes. [Silence] C’était l’effroi en moi. Ils ont dit : « Vous avez insulté le prophète, on est Al-Qaida Yémen. » Nous sommes montés au deuxième étage. Ils disaient : « On veut Charb, on veut Charb. »

J’ai eu une pensée fulgurante pour ma petite fille, j’étais dans la détresse la plus totale. Dévastée. J’ai avancé vers le code et je l’ai tapé. Je sentais l’excitation des terroristes, ils avaient atteint leur but. L’un d’eux m’a poussée à l’intérieur de la rédaction, j’ai avancé comme un automate, tout droit. J’ai entendu un tir, j’ai vu Simon tomber de son siège. Ma première pensée, absurde, ça a été de me dire : « C’est nul, le bruit d’une arme. Tac. Tac. »

J’ai entendu Luce [Lapin] dire : « Qu’est-ce que c’est ça, c’est des pétards ? » La porte de la rédaction était fermée, personne ne pouvait voir ce qui se passait à quelques mètres. J’ai couru vers le bureau de Riss pour me cacher dessous, un terroriste est rentré dans la salle de réunion, j’ai entendu des bruits de chaise, tout le monde qui se levait, puis des tirs saccadés. Ils ont dit : « Allah Akbar, on a vengé le prophète. »

Après les tirs, il y a eu silence, un silence de mort. Et puis ils sont partis. J’ai entendu des tirs beaucoup plus lointains. Je me suis dit qu’il fallait que j’aille voir.

Je suis sortie de ma cachette et j’ai vu un homme à terre. Je me suis penchée. C’était Mustapha [Ourrad], il avait les yeux ouverts, mais cette expression, c’était tellement pas lui que je ne l’ai pas reconnu tout de suite. J’ai dit : « Mustapha, Mustapha ! », mais il ne bougeait plus, le sang était déjà comme une pâte marron.

J’ai vu Jean-Luc [un graphiste du journal] et Eric [Portheault, directeur administratif et financier] sortir de leur cachette. J’ai vu Franck [Brinsolaro, le garde du corps de Charb] à terre dans beaucoup de sang, lui aussi. Et puis j’ai vu l’étendue du massacre dans la rédaction. J’ai vu les jambes de Cabu, je l’ai reconnu parce que des miettes de pain sortaient de son manteau, et qu’il mange des tartines pendant la réunion. J’ai vu les jambes d’Elsa [Cayat], elle ne bougeait plus. J’ai vu Charb, le côté de son visage, qui était d’une pâleur extrême.

J’ai vu Riss, il était blessé. J’ai dit : « J’aimerais t’aider mais je sais pas faire un point de compression, j’ai peur de te faire mal. » J’avais pris des cours de secourisme un an avant, mais là c’était tellement la détresse que je n’ai plus rien su. Riss m’a dit : « T’inquiète pas Coco. » Sigolène [Vinson] est venue, elle m’a dit : « Il y a Philippe [Lançon] au fond de la salle, j’arrive pas, vas-y si tu peux. » J’ai enjambé Charb, puis des jambes qui étaient vraisemblablement celles de Tignous et d’Honoré, et quand j’ai vu Philippe, j’ai pensé : « Il n’a plus de visage. »

C’est fou, mais je savais que ce n’était pas un point vital et j’ai pu garder un peu de sang-froid. Il avait un os de la main cassé, il a essayé de m’écrire des choses je crois. Que j’appelle sa mère, son frère. C’est vraiment étrange, comme coup de téléphone : « Allô, il y a eu un attentat à Charlie Hebdo, votre fils est vivant. Il est à côté de moi. » J’entends sa mère qui ne sait pas si c’est vrai, pas vrai. Un peu brutalement, je lui dis : « Votre fils est vivant, mais il est défiguré. » C’est ce que j’ai trouvé pour pouvoir lui faire entendre des choses.

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Patrick Pelloux est arrivé, il a crié : « Charb ! Charb, mon frère ! » et il s’est mis à côté de lui. Les pompiers sont arrivés à ce moment-là. Et puis, et puis voilà.

Les menaces, on les connaissait mais on ne les entendait pas trop. On faisait un journal. On était là pour faire rire. C’est le talent qu’on a assassiné ce jour-là. L’intelligence. Des gens d’une extrême gentillesse, qui avaient une manière d’être drôles. C’est pas facile d’être drôle. Toute cette rédaction était à la fois joyeuse et sérieuse.

Après, comme un réflexe de défense, j’ai voulu dessiner et m’occuper l’esprit le plus possible. Ça me crevait le cœur de voir qu’en plus, ce journal pouvait s’arrêter à cause de ça. Ce journal, c’était la chose précieuse qui restait. Se remettre à dessiner, refaire le journal, c’était une manière de résister à ce qui s’était passé le 7 janvier. Je n’ai pas été suivie tout de suite sur le plan psychologique. On manquait de dessinateurs, je n’avais pas le temps de faire autre chose que le journal.

C’est difficile de parler de soi devant des gens qui ont perdu un père, un frère. Je n’ai pas été tuée, je n’ai pas été blessée. Je me suis sentie impuissante. Je me suis sentie coupable. Ça a été très dur de traverser ça.

Je n’ai pas pu beaucoup en parler, c’est une solitude extrême, je crois que personne ne peut se mettre à ma place. Parfois, j’aurais aimé qu’on me pose des questions, mais personne ne peut imaginer cette fulgurance, ces armes, ce sang-froid qu’ils avaient. Ils étaient portés par une idéologie, ils voulaient tuer, ça se sentait dans leurs gestes, leur façon de me parler, leur façon de dire « Charb ! ».

Je me suis sentie très longtemps coupable. J’ai travaillé avec un psychologue de « Paris aide aux victimes » que je vois encore régulièrement, et au bout de deux ans, j’allais mieux, suffisamment pour me rendre compte que ce n’est pas moi la coupable là-dedans. Les seuls coupables, ce sont les terroristes islamistes, les Kouachi et leurs complices et ceux qui les ont aidés. Et ceux qui, dans la société, baissent leur froc devant l’islamisme. Si j’ai voulu parler à ce procès, c’est aussi parce qu’il y a un problème de société, et je voulais le dire ici.

Sigolène Vinson

OLIVIER DANGLA POUR LE MONDE

Avocate en droit du travail, elle avait été repérée par Patrick Pelloux qui avait lu un de ses livres et l’avait recommandée à Charb. Il lui avait confié la chronique judiciaire au journal. Après les attentats, elle a quitté Paris et vit dans le sud de la France. Elle a 46 ans.

Le 7 janvier, il faisait froid et gris, et j’aime pas quand il fait froid et gris. J’ai proposé à mon compagnon de passer à la réunion de la rédaction pour qu’il rie, parce que c’est bien de rire en hiver. Finalement, quand on est arrivés boulevard Richard-Lenoir, il m’a dit : « Je vous laisse entre vous. »

J’ai croisé Cécile [Thomas], l’éditrice, j’ai demandé si elle connaissait une boulangerie, parce que c’était l’anniversaire de Luz et je voulais marquer le coup avec autre chose que les chouquettes que j’apportais habituellement. A la boulangerie, il n’y avait plus que du gâteau marbré, je n’ai jamais trouvé ce gâteau joli et bon, mais comme il ne restait que ça, je l’ai pris.

Je suis arrivée à Charlie, dans la cuisine Cabu était hilare avec ses invités, Tignous préparait un café, c’était tellement joyeux. Il m’a réclamé une bise. Charb était à son bureau. La réunion a commencé. Depuis octobre 2012, je n’ai jamais raté une… [elle craque] conférence de rédaction.

Bernard Maris et Philippe Lançon discutaient de Soumission de Houellebecq, ils avaient tous les deux aimé le livre, et voulaient savoir ce qu’on en pensait. Bernard m’a recommandé un livre d’Alexis Corbière, j’ai noté la référence sur le livre de Zola que j’avais avec moi. Et puis on a parlé des banlieues et de certains jeunes qui partaient faire le djihad. Tignous disait qu’il pouvait les comprendre et essayait d’expliquer. Le ton est monté, et comme je n’aime pas le conflit, je suis allée dans la cuisine préparer un café pour Cabu. Quand je suis revenue, Philippe [Lançon] était prêt à partir. Il s’arrête, sort de son sac un beau libre sur le jazz et le montre à Cabu, qui sourit à chaque page.

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Et puis Bernard Maris a dit à Philippe : « Ce serait bien que tu fasses un papier sur Soumisision. » Il a répondu : « J’en ai déjà fait un pour Libé, je peux pas faire une resucée. » Charb a dit : « Oh si Philippe, resuce-nous ! » Et là, on a entendu les premiers coups de feu.

Luce a dit : « C’est des pétards ? » Riss a dit : « C’est un radiateur ? » Moi j’avais compris que c’était des coups de feu. J’ai vu le regard de Charb, je pense qu’il avait compris aussi. Franck [Brinsolaro] s’est levé. Il a dit : « Il ne faut pas bouger de façon anarchique. » Et à ce moment-là, moi, j’ai bougé de façon anarchique.

J’ai senti derrière moi la porte qui s’ouvrait, quelqu’un qui cherchait Charb et disait « Allah Akbar ». Ça tirait, ça tirait. Des coups secs, pas des rafales. J’ai eu très mal dans le dos, j’ai pensé que j’avais été touchée, je suis tombée violemment. J’ai rampé derrière un petit muret du bureau des correcteurs en pensant que les secours viendraient peut-être à temps pour me sauver. Je me suis recroquevillée, et j’ai vu Jean-Luc, le graphiste, recroquevillé aussi, les mains sur la tête.

Le silence s’est fait, un silence de plomb comme j’en avais jamais entendu. J’ai entendu des pas, j’ai compris que le tueur m’avait vue partir et me suivait. Et me suivant, forcément, il est tombé sur Mustapha. J’ai senti le corps de Mustapha tomber comme un fusillé. Le tueur a contourné le muret, il me surplombait, il avait son arme contre mon front. Je crois qu’il a secoué la tête comme s’il sortait d’un mauvais rêve, et qu’il avait l’impression de s’être trompé sur qui j’étais.

Il a mis son arme de côté et a levé le doigt à la place. J’avais accepté de mourir, je pensais que c’était mon tour. Je pensais à mes proches qui seraient tristes que je sois morte comme ça. J’ai pensé qu’une balle dans la tête, c’était très rapide. Quand il s’est penché vers moi, j’ai trouvé qu’il avait le regard doux, des yeux veloutés. J’ai cru qu’il me consolait. Il disait qu’il ne me tuerait pas, et il me demandait de me calmer. Vraiment, je suis désolée d’avoir cru qu’il était doux, mais c’est ce qui m’a semblé.

Il m’a dit que ce que je faisais, c’était mal, mais je ne comprenais pas. J’écrivais des chroniques prud’homales, je défendais toujours les salariés, je me disais que j’étais du bon côté. A un moment je me suis dit que j’allais lui dire ça, en pensant que ça pourrait me sauver, de défendre les salariés.

Et c’est là qu’il me dit qu’il ne tue pas les femmes. Je trouve ça injuste, mais je comprends que s’il ne tue pas les femmes, il tue les hommes, et j’ai toujours Jean-Luc dans mon dos. Je ne quitte pas le regard de Kouachi, je me dis que si Jean-Luc est tué là, dans mon dos, je m’en remettrai pas. Ça n’est pas une pensée altruiste. C’est pas pas pour sauver Jean-Luc, c’est pour me sauver moi.

Ensuite, il me dit que, puisqu’il ne me tue pas, il faut que je lise le Coran. Je n’ai pas le temps de lui dire que j’ai grandi au pied d’un minaret [à Djibouti] et que j’entendais les cinq prières par jour. Il a dit « Al-Qaida Yémen », et moi j’habitais à 3 km du Yémen par la mer, et ça me fait d’autant plus mal. Puis ils s’en vont.

Je me relève. Je vois le corps de Mustpaha, je vois Lila, le cocker roux de Portheault qui passe dans le sang de Mustapha. Il y a un nuage de poudre en suspension, une odeur de poudre très forte. Je passe une jambe par la fenêtre pour m’échapper, mais c’est trop haut pour sauter. Je repasse par-dessus le corps de Mustapha, je vois le corps de Brinsolaro, Tignous, Cabu, Elsa [Cayat]. Très vite, je vois Philippe [Lançon], il a sa joue dans sa main. Il me regarde, avec un regard d’enfant qui a fait une bêtise. Il me dit : « T’as vu ? » Et je voyais, oui.

J’ai vu les corps d’Honoré et de Bernard Maris emmêlés. Maris, ce jour-là portait un costume pied-de-poule que j’aimais pas, je trouvais que la veste et le pantalon, ça faisait trop de pied-de-poule pour un seul homme. J’ai vu des éclats d’os, c’était des paillettes partout qui brillaient. Et de la matière que j’ai identifiée comme de la cervelle. Quelques instants avant, c’était de la générosité, de l’intelligence, de l’humanisme. Parce que l’humour, c’est de l’humanisme, faire comprendre l’économie, c’est de l’humanisme. Je me suis reculée, j’ai enjambé les corps, le corps de Wolinski. J’ai appelé les pompiers, j’ai dit : « Ils ont tous morts », et au fond de la salle, j’ai entendu : « Non, je suis pas mort. » C’était Riss.

J’ai vu le corps de Charb avec sa marinière bleue et rouge, et son visage, c’était comme le passe muraille, il était absorbé par le sol. Comme si le sol avait bu le visage de Charb. Je me suis dit qu’il manquait une partie de sa face.

A côté, il y avait Fabrice Nicolino, et je me suis dit que c’était plus facile de m’occuper de lui que de Philippe Lançon, parce qu’il était blessé aux jambes. Il voulait quelque chose de frais. J’ai mouillé un torchon, je lui ai caressé le visage avec, et le torse pour savoir s’il était blessé au torse. Ses jambes, il y avait les os qui sortaient. Il y avait la chair, et l’os, perpendiculaire. J’ai dit : « C’est bon, tu n’es blessé qu’aux jambes. » A un moment, j’ai vu une jeune femme dans l’encadrement de la porte. J’ai appris ensuite qu’elle s’appelait Suzy. Elle dira plus tard que cette scène, c’était Le Radeau de la méduse de Géricault.

Le 7 janvier, j’ai pensé qu’on avait ouvert le bal. Je me suis dit : « Si des hommes sont capables de faire ça à Paris à 11 heures du matin, c’est parti. »

Laurent Léger

Journaliste d’investigation, il est entré en 2009 à Charlie Hebdo, où il rédigeait de grandes enquêtes. Il en est parti en 2018, et travaille désormais à L’Express. Il a 54 ans.

Le 7 janvier 2015, je rentre de vacances, c’était la première réunion de rédaction de l’année. On a beaucoup ri, comme souvent, beaucoup discuté, on s’est écharpé sur les banlieues, et Cabu, qui est pourtant plutôt quelqu’un de discret, était très en colère contre Houellebecq.

A la fin de la réunion, quelqu’un autour de la table entend des bruits de pétards qui se rapprochent. Tout d’un coup, une odeur de pétard. La porte derrière moi s’ouvre très brutalement, et ça va très, très vite, quelques nanosecondes. Je vois un type très massif dans toute l’embrasure de la porte, tout en noir, on aurait dit quelqu’un du GIGN. Quelque chose de blanc était écrit sur son gilet noir, j’ai même cru qu’il y avait écrit « police ».

En réalité, il crie « Allah Akbar » et là, je comprends qu’on est attaqués. Très vite, je me retrouve par terre sous une table, complètement recroquevillé sur moi-même. Une image m’apparaît régulièrement depuis cette date : le dessus du crâne de Wolinski qui gît devant moi. Il murmure, il souffle un peu, il a de petites taches de sang en haut du crâne. Un peu plus loin, je vois passer les jambes d’un terroriste.

Toute ma vie défile dans ma tête, un kaléidoscope d’images, de sensations, de souvenirs, comme si tout explosait. Je suis terrorisé, dans un état second. J’essaie d’analyser ce qui se passe, je n’y arrive pas, et il y a ces bruits, les coups secs qu’on vous a déjà racontés. « Tac, tac, tac. » Des tirs séparés, comme s’ils essayaient de viser les uns et les autres. Je me prépare à être tué moi aussi.

Un terroriste dit : « On les a tous tués. » Puis : « On tue pas les femmes. » Pourtant, quand ils ont fait irruption dans la salle, j’avais vu qu’Elsa Cayat s’était levée en même temps que tout le monde, et dans un éclair, j’avais vu son corps tomber.

Petit à petit, le silence revient. Je reste immobile. Je me dis qu’ils sont peut-être toujours là. Je ne sais pas combien ils sont. Quand j’entends des détonations lointaines, je comprends qu’il n’y a plus de terroriste dans la salle. Je me lève, et là… C’est épouvantable. C’est un amas de tables renversées, de corps enchevêtrés… Je me rue vers mon bureau pour téléphoner à mon compagnon, je lui dis d’appeler la police. Ensuite, seulement, je fonds en larmes.

Luce est là, elle me caresse l’épaule. Je croise ceux qui sont encore vivants. On est tous hébétés, sidérés, comme des zombies, complètement figés, n’ayant plus aucune capacité de réagir. Je vois Simon [Fieschi] qui gît sur son fauteuil, je lui prends la main et je lui parle, je ne sais plus ce que je lui dis. Il n’a pas perdu connaissance. Je crois qu’il a soif, j’essaie de l’aider, mais je culpabilise parce que je ne sais pas quoi faire.

Un policier de la brigade criminelle me demande si je peux l’aider à identifier les corps dans la salle de rédaction. Je vois les corps réunis une dernière fois, tous ensemble, comme une sorte de famille qu’ils avaient été. J’ai mis un nom sur chacun des personnages qui étaient par terre.

En partant, je vois mon téléphone éclaboussé de sang, je décide de ne pas le prendre. Quand je l’ai récupéré quelques semaines plus tard, je me suis rendu compte qu’il n’avait pas du tout été tâché de sang. Mon esprit l’avait recouvert de rouge alors qu’il était noir.

9 septembre 2020

Cabaret Burlesque - Théâtre Michel

cabaret

9 septembre 2020

Face au blocage des tractations sur le Brexit, Londres veut contester une partie de l’accord de divorce avec l’UE

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante, Virginie Malingre, Bruxelles, bureau européen

Le respect de ce compromis arraché de haute lutte fin 2019 est un prérequis pour les Européens, dans l’espoir de se mettre d’accord sur les modalités de la relation future avec le Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni va-t-il contester l’accord de divorce avec l’Union européenne (UE) signé fin 2019, alors qu’il a valeur de traité international et que ce sont les Britanniques eux-mêmes qui ont inventé la notion de rule of law, soit la primauté de l’Etat de droit sur la politique ? C’est la ligne rouge que semble prêt à franchir le gouvernement de Boris Johnson, malgré les protestations de ses partenaires européens, de ses opposants politiques et même de quelques figures du Parti conservateur.

Mardi 8 septembre, à la Chambre des communes, Brandon Lewis, le secrétaire d’Etat chargé de l’Irlande du Nord, a affirmé, à propos de dispositions concernant Belfast censées figurer dans un projet de loi attendu le lendemain (portant sur le marché intérieur britannique), qu’elles « enfreign[aient] ou potentiellement pourraient enfreindre la loi internationale, mais de manière spécifique et limitée ». Le gouvernement entend introduire « un filet de sécurité » afin de « pouvoir tenir nos engagements vis-à-vis des Nord-Irlandais » et « protéger les énormes gains » des accords de paix du Vendredi saint (Good Friday Agreement) – qui a mis fin à la guerre civile, en 1998 –, a précisé M. Lewis.

La matière est complexe mais ultrasensible, à Bruxelles comme à Dublin : un comité conjoint (composé de Britanniques et d’Européens) a été chargé début 2020 de mettre en musique les modalités pratiques du traité de divorce (le Withdrawal Agreement Bill), agréé de haute lutte fin 2019, notamment son volet irlandais, conçu pour éviter le retour d’une frontière « dure » après le Brexit entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

La réputation du Royaume-Uni en danger

Doivent notamment être précisés le régime d’aides d’Etat s’appliquant à Belfast et à quels niveaux de contrôles douaniers devront être soumises les marchandises transitant de la Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord. Sachant que cette dernière, comme convenu dans le traité de divorce, restera à la fois alignée sur les normes européennes fixées dans le cadre du marché intérieur communautaire et fera partie de l’union douanière britannique.

Londres dit vouloir parer à toute éventualité : si ce comité conjoint ne parvenait pas à un accord fin 2020, le gouvernement britannique prévoit dans son projet de loi que ses ministres puissent trancher unilatéralement sur les aides d’Etat et les contrôles douaniers. Ces intentions, en contradiction évidente avec le traité de divorce, ont été révélées par le Financial Times dès dimanche et ont provoqué mardi matin la démission de Jonathan Jones, le plus haut fonctionnaire de l’administration britannique, chargé des affaires juridiques.

Boris Johnson met en danger la réputation du Royaume-Uni, a mis solennellement en garde l’ex-première ministre Theresa May, mardi : « Comment le gouvernement peut-il convaincre de futurs partenaires internationaux qu’on peut faire confiance au Royaume-Uni pour s’en tenir à ses obligations légales dans le cadre des accords qu’il signe ? », s’est interrogée la députée conservatrice, qui n’intervient que rarement dans le débat depuis son éviction de Downing Street, en juillet 2019. « Déchirer un traité est un comportement d’Etat voyou. Je ne me rappelle pas que nous ayons jamais agi ainsi », a pour sa part réagi, outré, Lord Kerr of Kinlochard, ex-ambassadeur britannique auprès de l’UE et à Washington.

Sur les bancs conservateurs, seuls les brexiters les plus durs ont osé manifester leur contentement : le gouvernement « est tout à fait dans ses droits » de revisiter l’accord de retrait, a jugé Iain Duncan Smith, un ex-leader du Parti conservateur. Ces eurosceptiques de longue date n’ont toujours pas digéré le traité de divorce, qu’ils trouvent trop généreux vis-à-vis de l’UE. Mais Boris Johnson, lui, s’était félicité, fin 2019, d’avoir réussi à négocier un « great new deal » avec Bruxelles. Pourquoi vouloir le revisiter de cette manière un an plus tard ?

Une forme de chantage ?

S’agit-il d’une forme de chantage avec les Européens ? Une tentative pour décrocher un accord commercial à sa convenance d’ici à la fin de l’année ? Il est vrai que les discussions portant sur le futur accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE patinent et que Londres n’est pas en position de force, face à vingt-sept Etats membres toujours aussi unis. A moins que le premier ministre britannique ne souhaite délibérément provoquer un arrêt des discussions : n’a-t-il pas assuré il y a quelques jours que son pays pourrait « prospérer » même en cas de « no deal » ?

« L’application intégrale de l’accord de retrait est un prérequis » pour tout accord qui pourrait être conclu entre Londres et Bruxelles sur la relation future avec l’UE, réplique-t-on à la Commission européenne. « Je fais confiance au gouvernement britannique pour la mise en œuvre de l’accord de retrait, une obligation d’un point de vue du droit international et un prérequis pour tout partenariat ultérieur, a tweeté Ursula von der Leyen, lundi. Le protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord est essentiel pour préserver la paix et la stabilité sur l’île et l’intégrité du marché unique. »

Le négociateur en chef pour l’Europe, Michel Barnier, était attendu mercredi à Londres pour une nouvelle cession de négociations avec son alter ego, David Frost. Mardi soir, il n’était pas prévu qu’il reporte son arrivée. « On va voir les textes [de loi britanniques]. S’ils veulent effectivement revenir sur l’accord de retrait, il n’est pas impossible que Barnier arrête de négocier », confie un proche du dossier. « Si Londres s’apprête à contrevenir aux dispositions de l’accord de divorce, on saisira les mécanismes de règlement des différends prévus par le texte, en l’occurrence la Cour de justice européenne s’il s’agit de droit européen », ajoute un diplomate.

L’eurodéputée libérale française Nathalie Loiseau a tweeté de son côté : « Le droit, on le viole ou on le respecte, entièrement et pas à moitié, de même qu’on n’est pas à moitié enceinte. » « On arrive à l’heure de vérité. Et pour Londres, négocier un accord, ça veut dire négocier pour limiter les conséquences négatives du Brexit. Plutôt que de faire cet aveu, Londres préfère la fuite en avant », poursuit l’élue. Quitte à mettre en danger la qualité de la signature du Royaume-Uni.

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