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Jours tranquilles à Paris

31 octobre 2020

Invectives, narcissisme et obsessions : quatre années de Trump résumées par ses Tweet

trump réélu

Par Pierre Bouvier - Le Monde

Assurer sa promotion en permanence, court-circuiter la diplomatie, détruire l’héritage de Barack Obama… sous leurs airs erratiques, les quelque 24 000 Tweet publiés par Donald Trump au cours de son mandat répondent à une série d’objectifs précis.

Brouillon, brutal, méchant, souvent cryptique. Mais aussi, parfois, drôle malgré lui lorsqu’il s’emmêle les pinceaux et tweete un incompréhensible « covfefe », en voulant probablement écrire « coverage » (« couverture »). Rejoindre les 87,3 millions d’abonnés du compte de @realDonaldTrump sur Twitter et en activer les notifications, c’est ouvrir une fenêtre sur l’esprit de Donald Trump, l’homme le plus puissant de la planète.

Le milliardaire est arrivé sur ce réseau social au printemps 2009 et a eu le temps de développer son art du Tweet avant d’entrer à la Maison Blanche. Pendant six ans, il a élargi son audience à coups de slogans, de formules-chocs et de mots compréhensibles par un enfant de 11 ans comme « super », « bon », « mauvais »… « Si le président Trump est sur Twitter, utilisant de préférence son compte personnel, c’est parce qu’il avait une audience avant d’être président, et qu’il a, à sa manière, façonné Twitter », analyse Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et enseignant à Sciences Po.

Qui se souvient du 12 novembre 2016, quatre jours après sa victoire face à Hillary Clinton, lorsqu’il déclarait sur CBS, à propos des réseaux sociaux : « Si je les utilise, je vais faire preuve de beaucoup de retenue » ? Las, depuis son élection, il a tweeté et retweeté plus de 24 000 fois, ne cessant de vitupérer et de commenter l’actualité de façon épidermique. Mais sous ses airs erratiques, la tweetomanie de Donald Trump répond à une série d’objectifs bien précis : assurer sa promotion en permanence, détruire l’héritage de Barack Obama et ses adversaires démocrates, ou encore se présenter en chef de guerre.

Défendre son statut de « meilleur président »

« Je suis le président qui en a le plus fait dans l’histoire pour les Noirs américains, sauf peut-être Lincoln. » Dans ses Tweet, Donald Trump poursuit ce qu’il a fait depuis ses débuts sur le réseau : assurer son propre service après-vente.

« Il ne faut jamais oublier que Trump, c’est une marque à faire fructifier. Homme d’affaires ou président, il est obsédé par l’idée qu’on parle de lui et de mettre son nom partout : hôtels, casinos, colonie israélienne [Trump Heights, sur le plateau du Golan] », explique Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Alexis Pichard, docteur en civilisation américaine et professeur agrégé d’anglais spécialiste de la politique et des médias américains à l’université Paris-Nanterre, ajoute :

« Il s’adresse exclusivement à sa base, aux 40 % d’Américains qui le soutiennent coûte que coûte, envers et contre tout. Ces Américains – blancs, peu instruits, évangéliques, hétérosexuels, réactionnaires, vivant dans les milieux périurbains – considèrent Trump comme un demi-dieu, un sauveur, au sens biblique du terme.

C’est pour cette Amérique que Trump gouverne depuis son accession à la Maison Blanche. Chaque déclaration, chaque Tweet leur est adressé. Grâce à Twitter, il peut mobiliser ses “trumpers” en permanence et les maintient dans un état de colère, sentiment moteur de leur adhésion à sa politique. »

Dénoncer « chasse aux sorcières » et « fake news »

Pour Donald Trump, Twitter constitue aussi son espace privilégié d’expression lorsqu’il se sent attaqué. Sa victoire, par exemple, reste entachée du soupçon d’une ingérence russe. Qu’importe si l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les interférences prêtées à Moscou par le renseignement américain en 2016 conclut bien à la tentative d’ingérence du Kremlin, sans parvenir toutefois à prouver une complicité américaine : Donald Trump n’aura de cesse de la dénoncer comme une « blague », se disant victime de la « chasse aux sorcières » du procureur Robert Muller, dont l’enquête est « totalement contradictoire, illégale et truquée ».

De la même manière, Trump balaie d’un revers de la main le procès en destitution lancé en décembre par la Chambre des représentants, à majorité démocrate, qui réclamait son impeachment, l’accusant d’avoir essayé de forcer l’Ukraine à « salir » Joe Biden, qui n’était encore qu’un potentiel candidat à la présidentielle.

« IL S’AGIT TOUJOURS POUR LUI DE SE POSER EN VICTIME, EN MARTYR DU SYSTÈME »

Dans cette stratégie d’autodéfense, les médias occupent une place centrale, vecteurs à ses yeux des « fake news » (« fausses informations »), qu’il s’agisse de sondages lui étant défavorables ou, fin septembre, de révélations concernant ses impôts. Le président a ainsi tweeté près de 400 fois à propos du New York Times, près de 300 fois à propos de CNN, plus de 70 fois à propos du Washington Post, une soixantaine de fois concernant MSNBC… N’hésitant pas, par exemple, à qualifier CNN de « FNN », pour « Fraud News Network », ou à traiter la chaîne d’« ennemi du peuple ». Depuis son élection, « il s’agit toujours pour lui de se poser en victime, en martyr du système, et de réactiver la colère et le sentiment d’injustice qui ronge ses électeurs qui, eux-mêmes, se considèrent comme les martyrs des élites politiques, médiatiques ou financières », détaille Alexis Pichard.

« Détricoter l’héritage » de Barack Obama

Mais Donald Trump ne se limite pas à la défense de ses intérêts. Twitter lui offre aussi la possibilité de pilonner sans cesse ses adversaires politiques, et particulièrement Barack Obama. Depuis son élection, son nom est revenu plus de 630 fois dans les Tweet du président républicain, selon le site Trump Twitter Archive, qui recense tous les Tweet de Donald Trump depuis 2009.

L’animosité du président à l’encontre de son prédécesseur n’est pas nouvelle. « Trump n’a jamais digéré [d’avoir été ridiculisé par Barack Obama, en 2011, lors du dîner annuel de l’association des correspondants à la Maison Blanche], et nombre de commentateurs pensent que cet événement l’a convaincu de se présenter en 2016. Il avait une revanche personnelle à prendre sur les médias et sur le président Obama, dont il n’a d’ailleurs cessé de détricoter l’héritage avec plus ou moins de succès depuis son élection », estime ainsi Alexis Pichard.

Si la première rencontre officielle entre le président sortant et le président élu s’est déroulée sans anicroche quelques jours après l’élection de 2016, chez Donald Trump, le naturel a vite repris le dessus : il n’a cessé de critiquer l’héritage du démocrate, qu’il s’agisse de l’accord de Paris, du traité sur le nucléaire iranien ou de l’Obamacare. En mai, lorsque le président Trump vante son action contre le coronavirus, il parvient même à dresser un parallèle avec son prédécesseur, l’accusant de n’avoir rien fait lors de l’épidémie de H1N1. Or, si cette dernière a fait 12 469 morts aux Etats-Unis, son bilan reste pourtant bien inférieur à celui de l’épidémie de Covid-19, qui frôle actuellement les 230 000.

Dernièrement, Barack et Michelle Obama sont reparus dans les Tweet de Trump, leurs discours à la convention démocrate ranimant la haine du président, qui multiplie les attaques contre les « ObamaBiden ».

Noyer les démocrates sous les insultes

Dans le même esprit vindicatif, et malgré le fait qu’elle ne représente plus aucun danger politique pour lui, le président n’a pu s’empêcher de continuer ses attaques envers son ancienne rivale de 2016, Hillary Clinton, qui a été mentionnée dans quelque 310 Tweet et retweet. Au fil des ans, il continue de la qualifier de « tricheuse » ou de « malhonnête », comme si son adversaire n’avait pas reconnu sa défaite.

Mais son attention s’est graduellement focalisée sur une nouvelle cible : Joe Biden. Jusqu’en 2018 l’ancien vice-président a été relativement préservé. Mais depuis que sa candidature s’est précisée et a été validée par les primaires du Parti démocrate, Donald Trump a retiré les gants. Les Tweet péjoratifs visent la condition physique et mentale de l’ancien vice-président, présenté comme « fou », « corrompu », « endormi », « trop faible » voire « dopé ». Quand il n’agite pas le spectre d’une supposée « allégeance à Pékin » ou à la « gauche radicale » de la part de son rival, le président candidat se vante d’avoir « fait plus en 47 mois que Joe Biden en 47 ans ».

« LES FEMMES SONT LA CIBLE D’INSULTES SPÉCIALES DE LA PART DE TRUMP, SOUVENT PLUS DURES QU’ENVERS LES HOMMES »

Au-delà de Joe Biden, c’est tout le Parti démocrate qui est présenté comme l’ennemi de l’Amérique de Trump. Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, est qualifié de « pleurnichard », tandis que son homologue à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, est traitée de « folle » à longueur de Tweet.

« Les femmes sont la cible d’insultes spéciales de la part de Trump, souvent plus dures qu’envers les hommes », note Marie-Cécile Naves. On en veut pour exemple les figures montantes de la gauche américaine, Rashida Tlaib et Ilhan Omar, deux élues musulmanes du Michigan et du Minnesota, ainsi qu’Ayanna Pressley, élue noire de Boston, et Alexandria Ocasio-Cortez, représentante du 14e district de New York, d’origine portoricaine. Toutes personnifient tout ce que Trump et son électorat détestent. Ces femmes, soutenues par l’aile gauche du Parti démocrate et surnommées « The Squad » (la brigade), reflètent la diversité, réclament des mesures progressistes et ne craignent pas de riposter vertement aux attaques des républicains.

Court-circuiter la diplomatie

Donald Trump a choisi d’incarner la diplomatie américaine. Avant même son entrée à la Maison Blanche, il évoquait la construction d’un « mur à la frontière avec le Mexique », que le « Mexique paierait ». Promettant l’ordre et la sécurité lors de son discours d’investiture, il n’a eu de cesse de qualifier son voisin du sud de « deuxième pays le plus meurtrier au monde, après la Syrie ».

Une fois devenu commandant en chef des armées, Donald Trump se met à faire du « teasing » pour annoncer les victoires du Pentagone, comme l’élimination d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’organisation Etat islamique. Sa communication ne s’embarrasse alors d’aucune précaution. « Il se met en scène en chef de guerre, en leader de la plus grande puissance du monde. Il a brisé la frontière entre la réalité et la fiction », relève Marie-Cécile Naves.

Ses interactions avec la Corée du Nord de Kim Jong-un illustrent bien les dérives de cette diplomatie du Tweet. En quelques mois, le président américain est passé de l’insulte à la « bromance » avec le dirigeant nord-coréen. Après avoir accusé Pyongyang de « jouer », de chercher les « ennuis » et menacé de régler la situation « tout seul », Donald Trump s’est ensuite emballé, qualifiant Kim Jong-un de « Rocket Man », en allusion aux tirs de missiles prisés du dictateur, de « fou », de « petit gros », avant d’en venir à comparer la taille de leurs « boutons nucléaires » respectifs. Après la détente amorcée au printemps 2018, Donald Trump a entamé une relation beaucoup plus apaisée avec son homologue nord-coréen. Alexis Pichard résume :

« C’est une diplomatie autoritaire où le rapport de force masculinisé à outrance a remplacé le dialogue, que Trump assimile à de l’attentisme, par nature inefficace. »

L’analyse des Tweet de Trump montre que le cas de la Chine est un peu différent. Pendant sa campagne de 2015-2016, Donald Trump l’avait régulièrement désignée comme adversaire économique des Etats-Unis. Mais depuis son élection, il cherche à faire intervenir Pékin sur le dossier nord-coréen et s’efforce de tisser une relation avec Xi Jinping afin de signer un accord censé rééquilibrer les échanges commerciaux entre les deux pays. « Il continue d’être agressif dans ses discours sur la Chine, mais pas sur Twitter. En n’attaquant pas directement le président Xi, il se garde une marge de manœuvre, une porte de sortie », commente Antoine Bondaz.

Menace et intimidation, en revanche, sont le lot quotidien de ses alliés européens, avec qui la rupture est consommée depuis le retrait des Etats-Unis de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) et les débats sur l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Emmanuel Macron, par exemple, n’est pas épargné lorsque le président des Etats-Unis évoque le projet d’une armée européenne, cher au président français, ou quand il commente les manifestations de « gilets jaunes », estimant que l’accord de Paris en est la cause. L’ex-première ministre britannique, Theresa May, est elle aussi égratignée, pour avoir refusé de suivre la voie que lui conseillait Donald Trump sur le Brexit.

Angela Merkel s’en tire à peine mieux. Sans la citer nommément, Donald Trump n’a de cesse de critiquer la chancelière allemande pour son peu d’entrain à financer la défense européenne, mais aussi pour son laxisme supposé en matière d’immigration ou ses accords commerciaux avec la Russie. Ces saillies diplomatiques semblent cependant s’être faites plus rares ces derniers temps, selon Antoine Bondaz :

« On observe que depuis un petit moment il parle moins de sujets liés aux relations internationales, parce qu’on a dû lui faire comprendre que c’est très risqué. Et que sur Twitter il y a beaucoup moins de risques à faire de la politique intérieure que de la politique étrangère. »

Préparer le terrain en cas de défaite électorale

A mesure que l’échéance du 3 novembre approche, rien n’illustre mieux l’anxiété qui gagne le président que ses Tweet de plus en plus erratiques, destinés à mobiliser ses partisans. « Il ne cherche pas à élargir sa base électorale. En revanche, il a besoin qu’elle se mobilise en masse pour l’emporter le 3 novembre, car elle est minoritaire dans le pays », estime Marie-Cécile Naves.

C’est sans doute la raison pour laquelle Donald Trump cherche à minimiser la menace du Covid-19, en qualifiant de « catastrophe » le docteur Anthony Fauci, membre de la cellule de crise mise en place pour lutter contre l’épidémie, ou en prétendant qu’il est « immunisé », message que Twitter a assorti d’un avertissement.

La journée du 5 octobre offre un bel exemple de cette fébrilité à l’approche du scrutin. Alors qu’il est encore hospitalisé pour des symptômes du Covid-19 à l’hôpital Walter-Reed, à Washington, le candidat républicain lance une salve de quinze Tweet écrits en capitales dans lesquels il appelle à voter, martelant pêle-mêle des thèmes liés à la conquête spatiale, aux impôts, aux médias ou à la sécurité.

Jusqu’au bout, sur son fil Twitter, Donald Trump n’aura eu de cesse de décrédibiliser le processus électoral, dénonçant le « vote par correspondance », accusant les démocrates de « truquer l’élection » ou demandant à ses partisans de s’inscrire comme observateurs dans les bureaux de vote. « Cette petite musique sert d’ores et déjà à disqualifier la victoire probable de son rival, commente Alexis Pichard. Elle jette un discrédit sans précédent sur les institutions américaines et le processus démocratique fondamental qu’est l’élection présidentielle. »

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31 octobre 2020

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31 octobre 2020

Fnac, Carrefour… Le gouvernement cède face à la polémique des librairies fermées

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Par Véronique Chocron, Aline Leclerc, Juliette Garnier - Le Monde

A la demande des libraires, les rayons livres des hypermarchés et autres grandes surfaces ferment temporairement. Les distributeurs de jouets saisissent le Conseil d’Etat.

C’est une première brèche dans le dispositif prévu jeudi par le gouvernement pour maintenir la vente de produits dits essentiels dans le pays. A peine publiée, la liste des activités commerciales autorisées pendant le reconfinement va déjà être amendée.

A l’issue d’une conférence téléphonique de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et de Roselyne Bachelot, ministre de la culture, avec les représentants de la filière du livre et ceux de la grande distribution, le gouvernement a annoncé vendredi que « les rayons livres et culture des grandes surfaces », dont la Fnac, « seraient momentanément fermés ». La mesure, que Bercy excluait pourtant jeudi, entrera en vigueur, samedi 31 octobre.

« Un boulevard à Amazon »

Le Syndicat de la librairie française, qui réclamait cette restriction depuis l’annonce de la fermeture administrative des magasins de livres, jugés non-essentiels, concède qu’elle ne « résout qu’une partie du problème », offrant « un boulevard à Amazon ». Seule la réouverture des librairies contribuera au « rétablissement d’une concurrence véritablement équitable » selon lui. Bercy et le ministère de la rue de Valois promettent précisément une réunion « la semaine prochaine » avec « les acteurs de la filière du livre pour étudier (…) les modalités d’une éventuelle réouverture des librairies ».

Le gouvernement tente ainsi d’étouffer la polémique issue de la distorsion de concurrence qu’entraîne l’exploitation d’un rayon de produits « non-essentiels » par Carrefour, la Fnac et autres distributeurs de « produits essentiels ». Plusieurs voix avaient pointé l’aberration de la fermeture des libraires alors que la Fnac, ouverte parce que pourvoyeuse d’ordinateurs, de téléphones et de ramettes de papier dits essentiels au télétravail, pourrait vendre ses livres. C’est « dans un souci de responsabilité » que l’enseigne fermera l’accès à « ses rayons culture », a finalement fait valoir son directeur général, Enrique Martinez, vendredi soir.

La Fnac – qui réalise 17 % de son chiffre d’affaires sur les produits éditoriaux (livres, CD, DVD) – n’est pas la seule à faire cette concession au monde du livre, pour – sur le papier – une durée de deux semaines ; les Carrefour, Auchan et autres Leclerc devront faire de même. L’ensemble représente près de la moitié des ventes de livres en France. « Les premières victimes de cette décision sont les auteurs et les éditeurs », observe Jacques Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution. Le représentant des intérêts des grandes surfaces en France en parle à dessein pour éluder le risque de propagation de cette revendication à d’autres secteurs.

« Gilets jaunes du commerce »

En répondant favorablement à la requête des libraires, le gouvernement risque d’être confronté aux « gilets jaunes du commerce », formule le dirigeant d’une enseigne. Car, partout en France, des commerçants de jouets et de mode sont désespérés de devoir garder le rideau tiré, alors que les Carrefour, Leclerc et autres Fnac pourront continuer de vendre consoles, collants et pyjamas, à la veille du coup d’envoi des ventes de Noël. D’autant que la vente par Internet, en plein boom, promet de leur faire beaucoup de tort.

La Fédération des commerces spécialistes de jouets (FCJPE) ne décolère pas. Depuis plusieurs jours, Philippe Gueydon, directeur général de King Jouet, exige de Matignon qu’il ferme l’accès de la clientèle des hypers aux rayons de jouets, comme « ils doivent y procéder lors de matchs de foot régionaux, en interdisant l’accès aux rayons des alcools ». C’est « impossible », compte tenu de « l’imbrication des rayons non-alimentaires et alimentaires », prétend M. Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Dès lors, faute d’avoir été entendus, les dirigeants d’enseignes de jouets, dont 60 % des ventes se réalisent en novembre et décembre, ont décidé d’entamer une procédure contre l’Etat, vendredi, « au regard des conséquences désastreuses » du décret de reconfinement. La FCJPE saisit en « référé le Conseil d’Etat pour violation manifeste du principe d’égale concurrence ».

D’autres secteurs pourraient s’engouffrer dans la brèche ouverte par les libraires. Le précédent Fnac « doit faire jurisprudence », explique Johann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce. Car « Pourquoi accorder cela au livre ? Et pas au vêtement ? Et au bijou ? ». L’Alliance du commerce suggère de sortir de cette « situation criante d’injustice » en « fermant tous les magasins et les rayons de produits non-essentiels » ou en « ouvrant tous les magasins avec de nouvelles mesures sanitaires renforcées ». La Fédération des entreprises de produits de beauté exige aussi le droit d’ouvrir tous les instituts de beauté, salons de coiffure et autres parfumeries en plaidant pour « ces commerces de proximité ».

La fronde des organisations du commerce est telle qu’elle attriste Laurent Milchior. Le gérant du groupe familial Etam, spécialiste de la mode féminine, appelle, lui, à « un confinement beaucoup plus strict sans se balader pour acheter autre chose que l’ultra-necessité » afin de « casser les courbes ascendantes » de propagation du virus. C’est, à ses yeux, le « seul moyen de tenir le calendrier de Noël ». Or, dans les rues, déplore-t-il, « le jour 1 du reconfinement n’a ressemblé en rien au 17 mars 2020 ».

 

31 octobre 2020

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31 octobre 2020

Présidentielle américaine : la campagne sans faute de Kamala Harris

Par Corine Lesnes, San Francisco, correspondante - Le Monde

Depuis sa désignation sur le « ticket » démocrate, la candidate à la vice-présidence s’est pliée à la discipline de l’équipe Biden, tout en cultivant une image de femme jeune et branchée.

Si Joe Biden mène une campagne résolument axée sur les électeurs blancs, Kamala Harris est la préposée aux minorités. Le tandem s’est réparti la carte électorale. A lui, les Etats de la vieille industrie et des cols-bleus. A elle, les régions où la mobilisation des jeunes et des minorités – Noirs, Latinos – peut faire la différence.

Nevada, Arizona, Texas. Dans ses étapes, la candidate à la vice-présidence aime à se faire précéder d’une fanfare, sur le modèle de celles des sociétés étudiantes dans les universités noires − comme Howard University, où elle a étudié à Washington. Percussions, cuivres : l’occasion d’esquisser quelques mouvements en rythme. Message : Kamala est jeune. Elle a 56 ans depuis le 20 octobre, soit vingt et un de moins que Joe Biden, dix-huit de moins que Donald Trump et cinq ans de moins que Mike Pence, l’actuel vice-président.

Se plier à la discipline Biden

Depuis sa désignation sur le « ticket » démocrate, mi-août, la sénatrice de Californie a effectué ce qui ressemble à un parcours sans faute. Si elle a fait parler de ses tenues, ça n’a pas été à propos de « pant suits », les tailleurs-pantalons de Hillary Clinton dont la presse a analysé la symbolique pendant des années, mais de chaussures de sport. Des Converse All-Star qui lui permettent de dévaler avec décontraction les marches de l’avion. Les clips sont relayés sur Instagram par sa sœur, la juriste Maya Harris, ancienne conseillère de Hillary Clinton, et épouse du directeur juridique d’Uber, Tony West, et par sa nièce Meena Harris, juriste elle aussi, fondatrice de l’association Phenomenal Woman et ancienne cadre de haut rang chez Facebook. Huit millions de vues le 9 septembre pour la première descente d’avion de la « candidate-aux-Converse » à Milwaukee (Wisconsin). Message : Kamala est cool.

Un sans-faute, surtout, côté politique. Ceux qui craignaient de la voir rattrapée par son ambition, et empiéter sur les prérogatives du candidat à la Maison Blanche, ont été rassurés. En montant à bord de la campagne Biden, elle a laissé de côté une partie de son entourage – famille et conseillers californiens qui n’avaient pas fait des miracles pendant les primaires − pour se plier à la discipline de l’équipe Biden, en vertu du rôle de « deuxième violon », dévolu au vice-président, a fortiori au candidat au poste.

Pendant son débat du 7 octobre à Salt Lake City contre Mike Pence, Kamala Harris n’a pas cherché à faire d’étincelles. Elle s’est contentée de marquer le point dès qu’elle pouvait auprès de la catégorie de l’électorat qui semble avoir déserté Donald Trump : les femmes. « M. le vice-président : j’ai la parole », a-t-elle répété à chaque fois − il y en eut seize − que l’intéressé l’interrompait. Le débat était à peine terminé que l’équipe Biden mettait en vente un tee-shirt « I’m speaking ».

Insinuations et rumeurs

Même profil bas, lors de la confirmation de la juge Amy Coney Barrett, nommée pour la Cour suprême à quelques semaines du scrutin du 3 novembre. L’ancienne procureure n’est pas venue en personne au Sénat pour l’audition, et elle a retenu ses flèches, à la déception de la base qui espérait la voir tailler en pièces la juriste catholique fondamentaliste. Kamala Harris reste dans les annales progressistes pour avoir demandé au prétendant à la Cour suprême Brett Kavanaugh s’il pouvait citer une législation réglementant le corps masculin. Il s’agissait du droit des femmes à disposer de leur corps. Il a bafouillé.

De fanfare « black » en Caroline du Nord en table ronde avec les petits commerçants latinos de l’Arizona, la candidate a soigneusement évité de tirer la couverture à elle. Elle serait passée pratiquement inaperçue si les républicains n’en avaient fait leur cible privilégiée. Kamala Harris est la première femme noire candidate à la vice-présidence (Noire, par son père, originaire de la Jamaïque) ; elle est aussi la première candidate d’origine indienne (par sa mère, une chercheuse venue faire ses études à Berkeley). Elle a essuyé son lot d’insinuations et de rumeurs, comparables à celles qui mettaient en cause la citoyenneté de Barack Obama. Elle répond rarement directement mais cite souvent le nom de l’hôpital où elle est née : le Kaiser Hospital à Oakland, dans la baie de San Francisco. Avant d’évoquer les manifestations pour la liberté d’expression à Berkeley, qu’elle a suivies « dans sa poussette ».

Kamala Harris est diplômée de relations internationales, de sciences économiques et de droit. Elle a été la première femme procureure de San Francisco, la première femme à occuper le poste d’attorney général en Californie. De 2011 à 2017, elle a dirigé le plus important département de la justice des Etats-Unis, derrière le ministère fédéral à Washington. Elle y a engagé des poursuites contre les plus grandes banques, refusé leur offre d’indemnisation pour obtenir plus (« J’espère que vous savez ce que vous faites », s’inquiéta le gouverneur Jerry Brown).

« Danger » gauchiste

En campagne, elle se trouve obligée d’endurer les quolibets sur son prénom. L’élu de Géorgie David Perdue, pourtant l’un ses collèges au Sénat, a fait mine de buter sur la prononciation en introduisant Donald Trump. Bien mal lui en a pris : les démocrates ont envoyé 2 millions de dollars (1,7 million d’euros) à son rival Jon Ossoff. La candidate a répondu avec patience : « Kamala se prononce comme “Comma” [virgule en anglais], plus “la”. Compliqué ? »

La Californienne arbore systématiquement un visage jubilatoire, qui tranche avec la lourdeur du moment − et lui sert aussi à adoucir l’image de « Top Cop » [flic en chef] héritée de son passé de procureure. Pis, elle a l’air de prendre plaisir à faire campagne. La chroniqueuse Peggy Noonan, du Wall Street Journal, arbitre, à droite, des élégances éditoriales, s’est offusquée de ses pas de danse « embarrassants », notamment le 19 octobre en Floride, un jour de pluie. Sur l’estrade, Kamala s’est permis de swinguer − sous son parapluie − sur le morceau Work That, de Mary J. Blige. Un signe de « légèreté », a réprouvé la journaliste. De « frivolité ». La twittosphère lui a rapidement fait comprendre à quel point sa chronique trahissait son âge (70 ans) et la monoculture d’un milieu qui se raidit au spectacle de la « joie noire ». Le clip, vite baptisé Singing in the Rain, a été vu par plus de 2 millions de personnes.

Donald Trump, bien sûr, n’a pas été le dernier à alimenter le tir. Après avoir moqué son nom, il s’en est pris à son rire : « Vous avez vu cette interview ? Elle n’arrêtait pas de rire. Je me suis dit : “Elle aussi elle a un problème” », a-t-il lancé lors d’un meeting à Allentown, en Pennsylvanie. Ce qui faisait rire ce jour-là Kamala Harris, c’était la question d’une journaliste de l’émission vedette du dimanche soir, 60 Minutes, qui l’invitait en quelque sorte à évaluer elle-même le « danger » gauchiste qu’elle représente : « Une perspective socialiste » ou « une perspective progressiste » ? « C’est la perspective d’une femme qui a grandi comme une enfant noire en Amérique, qui a été procureure, dont la mère est arrivée d’Inde à l’âge de 19 ans, et qui aime le hip-hop. »

Prudente

Le président candidat essaie d’imprimer dans les esprits l’image d’une Kamala Harris installée dans le bureau Ovale. Sous-entendu : Joe Biden ne tiendra pas quatre ans. Une femme − et une femme de couleur − pourrait lui succéder. « Il ne faut pas laisser passer ça. » Mardi 27 octobre, dans le Michigan, il est allé jusqu’à évoquer l’hypothèse d’une disparition violente de Joe Biden, à peine l’investiture terminée. « Trois semaines et Joe est abattu. Kamala, tu es prête ? », a-t-il dépeint, avant d’assurer : « Kamala ne sera pas votre première présidente. On ne va pas avoir un président socialiste. Encore moins une femme présidente socialiste. » L’intéressée s’est gardée de monter sur le ring, et même de polémiquer. « Se traiter de tous les noms n’a rien de nouveau pour quiconque s’est trouvé, enfant, dans une cour de récréation », a-t-elle balayé.

Si la campagne a confirmé son sens politique, elle n’a pas pour l’instant permis de répondre à la question : « Qui est la vraie Kamala Harris ? », selon le titre de la série de podcasts que le San Francisco Chronicle vient de lui consacrer. Progressiste ? Centriste ? Pragmatique ? Carriériste ? Selon le quotidien, il faut remonter aux débuts de sa carrière, en avril 2004, quand la jeune procureure, tout juste élue à San Francisco avec l’appui des syndicats de police qui avaient apprécié sa campagne musclée, a buté sur un événement qui a bouleversé la ville. L’assassinat d’un jeune policier de 29 ans par un gangster. Opposée à la peine capitale, elle n’a pas réclamé l’exécution du criminel. Les policiers ne lui ont jamais pardonné bien qu’elle ait mis ensuite beaucoup d’eau dans son vin : procureure de l’Etat, elle a refusé de se saisir de la bavure ayant coûté la vie au jeune Mario Woods, 26 ans, abattu de vingt et une balles, dont dix-neuf dans le dos, en 2015, à San Francisco, au motif qu’elle ne voulait pas empiéter sur les prérogatives des procureurs locaux choisis par les électeurs. Elle ne s’est prononcée que très tard, en 2018, en faveur de la légalisation de la marijuana.

Prudente comme on l’est quand on est aux avant-postes du « plafond de verre ». Kamala Harris a été élue au Sénat le soir de la victoire de Donald Trump, en 2016. Elle a modifié son discours et appelé à la lutte. C’est là, souligne le quotidien, qu’elle a « pris un grand virage à gauche » et s’est rangée au premier rang de la « résistance ».

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31 octobre 2020

Confinement

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31 octobre 2020

Opinion - Pourquoi Trump doit être réélu

LAS VEGAS REVIEW-JOURNAL (LAS VEGAS)

PRÉSIDENTIELLE AMÉRICAINE J-3 – Comme de nombreux médias américains, le Las Vegas Review-Journal a publié un endorsement, soutien officiel à un candidat. Mais, contrairement à une grande partie de la presse,le quotidien du Nevada a pris parti pour le président sortant : il explique dans un éditorial que, contrairement aux apparences, Trump a mené une politique “traditionnelle” et “couronnée de succès”.

On oublie vite, en ces temps tumultueux, que les Américains dans leur écrasante majorité vaquent à leurs occupations – travail, famille, amis et autres difficultés quotidiennes – sans se soucier de l’ambiance de plus en plus apocalyptique qui submerge le discours politique.

Ils comprennent bien que ce grand pays a une marge d’amélioration – et qu’il a même le devoir de s’améliorer – mais ils n’appellent pas à la révolution, pas plus qu’ils ne répudient les fondements de la république ou ne veulent démanteler les institutions politiques, sociales et culturelles qui ont permis d’en faire l’État le plus prospère de l’histoire mondiale.

Les sympathisants de l’un et l’autre grand parti voteront, certes. Mais cette élection reposera sur les électeurs discrets et pragmatiques du centre : ils sont nombreux à bondir en entendant les discours impulsifs et souvent rebutants de Donald Trump, mais ils s’inquiètent aussi du violent virage à gauche du Parti démocrate et se demandent si Joe Biden a le courage, l’énergie et la volonté de tenir tête à ce vent progressiste ou s’il sera terrassé comme une vieille porte moustiquaire.

Le président s’est révélé un modèle de vitalité et de vigueur durant son premier mandat, et il lui faudra le même enthousiasme pour aborder les défis à venir.

Donald Trump est entré à la Maison-Blanche en janvier 2017 en promettant d’être une force perturbatrice et de bousculer le petit monde de Washington. Mission accomplie. De son côté, il a été confronté à une élite médiatique extrêmement hostile, qui s’efforce de renier toute objectivité en se mettant au service des âneries sur les réseaux sociaux et de l’info en continu sur les chaînes câblées.

Mais en dépit de ses fanfaronnades et vantardises, Trump a mené une politique intérieure plutôt traditionnelle – qui plus est couronnée de succès. Les électeurs qui aiment le concret devraient y prêter attention.

Priorité à la relance économique

Le sujet le plus pressant pour le Nevada et la nation ces prochains mois, et même prochaines années, sera la résurrection de l’économie, ravagée par la pandémie. En matière de création d’emplois et de croissance économique, le bilan de Trump parle de lui-même. Joe Biden a la malhonnêteté de reprocher au gouvernement actuel la récession économique, comme si Trump avait le pouvoir de mettre un terme à une pandémie mondiale. Ce sont les propos absurdes d’un candidat acculé. Avant les mesures de confinement, la croissance économique des États-Unis était plus stable et plus dynamique qu’elle ne l’était depuis des années, et les salaires étaient en hausse également.

Le mérite revient à Trump d’avoir engagé d’ambitieuses réformes fiscales et réglementaires afin de libérer les forces entrepreneuriales du pays. Et en dépit du tapage de la gauche sur les “inégalités économiques”, un rapport de la Réserve fédérale publié fin septembre révèle que, pendant le mandat de Trump, “les ménages ayant les salaires et le patrimoine les plus modestes ont dans l’ensemble vu une nette progression de leur situation” entre 2016 et 2019.

Sous la houlette de Trump, le taux de chômage n’a jamais été si bas, notamment chez les Africains-Américains et les Latinos. Améliorer l’égalité des chances, et non imposer une redistribution des richesses selon des principes de gauche, reste le principal moyen de remédier aux inégalités. Et la politique de Trump en la matière a été efficace.

Il faut aussi noter que si les principaux critiques du président n’aiment rien tant que le qualifier d’intolérant, c’est bien Trump qui, en 2018, a signé le First Step Act, une grande réforme transpartisane de la justice pénale qui a raccourci les peines de prison pour des milliers de détenus non violents du système fédéral et qui a commué la peine de milliers d’autres détenus, souvent issus de minorités.

Succès diplomatiques

Les résultats de Trump en matière de politique étrangère ne sont pas moins impressionnants. En 2017, il a tenu un engagement de campagne en reconnaissant Jérusalem comme la capitale israélienne. Un an plus tard, il y a déplacé l’ambassade des États-Unis, privilégiant l’action là où les présidents précédents s’étaient contentés de vaines promesses. Et à l’automne 2020, la Maison-Blanche a finalisé un accord historique de normalisation des relations entre Israël et Bahreïn, et entre Israël et les Émirats arabes unis – une entente sans précédent depuis des décennies avec un grand pays arabe.

La diplomatie non conventionnelle de Trump a contredit les prévisions de ses détracteurs. Le président a fait pression sur l’Otan, poussant ainsi l’organisation à engager un dialogue indispensable sur les obligations financières de ses États membres – dialogue qui a porté ses fruits. Le président refuse de minimiser l’ingérence agressive de la Chine et a désamorcé des tensions avec la Corée du Nord. Ses politiques commerciales restent attentives à la valeur du libre-échange entre les nations, et dans le même temps il défend avec détermination les intérêts des États-Unis dans le monde entier. Daech a quasiment disparu et l’Iran est de plus en plus acculé et contraint de se conformer à des normes civilisées.

Une influence sur la justice

En matière de politique intérieure, le plus grand accomplissement de Trump sera aussi le plus durable. Il a nommé [trois] juges exceptionnels à la Cour suprême. Le Sénat a par ailleurs entériné la nomination de près de 200 candidats présentés par le président à des postes de juge – des juges très attachés aux préceptes de la Constitution et du Bill of Rights [les dix premiers amendements à la Constitution américaine], et qui pourraient être le dernier rempart contre l’extrémisme progressiste. Élire Trump pour un second mandat pourrait garantir l’intronisation de nombreux autres juges fidèles à ces mêmes valeurs.

De son côté, Biden cherche à prendre l’avantage en faisant valoir qu’il a une personnalité plus “présidentielle”, quoiqu’il ait rapidement abandonné la voie de la sagesse lors du débat du 30 septembre.

Cet argument plaît aux électeurs indépendants qui sont lassés par Trump et qui veulent croire que Biden mettra en œuvre des politiques modérées, offrant ainsi un antidote au cinéma qui règne à la Maison-Blanche. Mais Trump n’a pas créé cette atmosphère d’opposition féroce entre les partis, il en est le produit. Biden a déjà désavoué toute une série d’opinions qu’il défendait il y a moins de vingt ans et il était incapable de condamner la destruction de biens matériels, la violence et le pillage jusque très récemment.

Biden sous la pression de la gauche

Les électeurs indécis doivent en conclure qu’il risque de plier sous la pression soutenue de l’extrême gauche au sein du Parti démocrate, qui cherche à détruire et non à construire ; qui prêche la tolérance mais pratique l’intimidation et l’ostracisme ; qui prône la diversité mais exige la conformité et l’obéissance ; et qui appelle à l’introspection tout en exsudant la certitude moralisatrice.

Malgré tous ses défauts, Donald Trump tient bon face aux coups incessants des progressistes contre cette nation – des attaques qui nient et minimisent les progrès accomplis depuis plusieurs décennies pour mieux incarner et honorer nos idéaux fondateurs. Nous devons maintenir le cap, c’est indéniable. Mais nous devons le faire en épousant et non en détruisant les principes de liberté qui ont fait des États-Unis un modèle pour le reste du monde. Donald Trump en a conscience et il a par ailleurs un projet économique qui permettra au pays de rebondir après la pandémie. Il mérite un second mandat.

Traductions, revues de presse, vidéos. Courrier international vous accompagne jusqu’au 3 novembre pour comprendre les enjeux de l’élection présidentielle américaine.

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Las Vegas Review-Journal

LAS VEGAS https://www.reviewjournal.com/

31 octobre 2020

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31 octobre 2020

Internet à l’assaut de l’espace

Article de Sophy Caulier

Porté par les échanges de données et dopé par les innovations technologiques qui ont fait baisser les coûts, le marché des satellites fascine les entreprises privées, telles SpaceX ou Amazon. Les projets de constellations se multiplient, menaçant l’espace de saturation

DOSSIER

Le 22 septembre, la Station spatiale internationale (ISS) a rallumé ses propulseurs et s’est élevée de quatorze kilomètres. Il ne s’agissait pas de changer d’itinéraire ou de point de vue, mais d’éviter une éventuelle collision avec un morceau d’un lanceur japonais en orbite depuis 2018. Le choc aurait pu causer des dommages importants à l’ISS, qui se déplace à la vitesse de… 27 500 km/h, dix fois la vitesse d’une balle de fusil. C’était la troisième manœuvre d’évitement opérée par l’ISS depuis le début de l’année. Pour sa part, l’Agence spatiale européenne (ESA) lance en moyenne deux alertes de risque de collision par jour. En septembre 2019, elle a dû dérouter son satellite Aeolus (conçu pour mesurer les vents) afin d’éviter une collision avec un satellite de la constellation Starlink de l’entreprise californienne SpaceX. Sur les 5 500 satellites actuellement répartis sur les trois orbites (basse, moins de 2 000 km, moyenne entre 2 000 et 36 000 km, haute à 36 000 km), la moitié seulement sont opérationnels. Autrement dit, quelque 2 700 satellites, entiers ou en morceaux, et les débris des lanceurs qui les ont mis en orbite, continuent de tournoyer dans l’espace. Au vu des projets de lancement inscrits à l’agenda des prochaines années, les risques de collision vont se multiplier.

L’orbite basse pourrait, en effet, ressembler bientôt à une autoroute les jours de grands départs, car les projets de nouvelles constellations se sont multipliés au cours des dernières années, menaçant l’espace de saturation. Il vous est peut-être arrivé, par nuit claire et loin des sources de lumière, de voir plusieurs points lumineux se déplacer en caravane dans le ciel. Il s’agissait probablement d’un chapelet des satellites Starlink que SpaceX lance par dizaines deux fois par mois ! Selon le cabinet Euroconsult, spécialisé dans le secteur de l’espace, le nombre de petits satellites (moins de 500 kg) lancés en moyenne chaque année passerait de 181 entre 2010 et 2019 à 1 011 d’ici à 2029.

Depuis les années 2010, le spatial a changé d’ère. Il n’est plus la seule affaire des gouvernements, des agences spatiales, des organisations internationales, ni des industriels qui fabriquent pour le compte des précédents. La miniaturisation et les innovations technologiques, la baisse du coût, tant de la fabrication des satellites que de leur lancement, ont permis à des entreprises privées – SpaceX et Amazon en tête – de lancer de gigantesques projets de constellations de petits satellites pour offrir un accès à Internet à haut débit aux zones les plus reculées de la planète. Ces projets sont portés par la transformation numérique de toutes les activités professionnelles et par la demande du grand public de disposer de débits toujours plus importants pour être connecté partout et tout le temps.

Mégaconstellations

Fin 2020, le projet Starlink de SpaceX aura déjà placé un millier de satellites sur orbite. La société doit en lancer 12 000 dans les prochaines années, et envisage d’en envoyer 30 000 de plus dans un second temps. Fin juillet, Kuiper, projet d’Amazon, a obtenu le feu vert des autorités américaines pour lancer 3 200 satellites. Quant à OneWeb, récemment repris par le gouvernement britannique et l’opérateur de télécoms indien Bharti Global, il a déjà lancé 74 satellites et prévoit d’en lancer 600 d’ici à 2022. « Ces acteurs ont changé la donne du spatial, mais en volume uniquement. Leurs projets représentent 70 % des satellites à lancer, mais, en valeur, les projets gouvernementaux restent largement majoritaires et représentent 75 % du marché ! », précise Steve Bochinger, directeur général d’Euroconsult.

Les projets de réseaux satellitaires de télécommunications ne datent pas d’aujourd’hui. Dans les années 1990, plusieurs projets de constellations visaient à proposer des services destinés aux activités dans des zones mal couvertes (bateaux, avions, mines, exploitation forestière…). Mais la norme GSM, arrivée en même temps, s’est imposée pour la communication mobile. Peu de grands projets « privés » de télécoms satellitaires ont survécu. En orbite basse, il reste les opérateurs Globalstar et Iridium, ce dernier ayant été sauvé après avoir fait faillite en 1999. Leurs principaux clients sont les acteurs du transport aérien et maritime, les secteurs pétrolier et minier, les navigateurs et, pour Iridium, la défense américaine, qui dispose ainsi d’un signal accessible à ses troupes partout dans le monde.

Le marché visé par les nouvelles mégaconstellations est celui des télécoms et de l’Internet à haut débit. Qu’il s’agisse de consulter la météo, de suivre un itinéraire ou de visionner le dernier clip de son groupe préféré, « un utilisateur de smartphone a recours, chaque jour, aux services fournis par 40 satellites en moyenne », constate Jean-Luc Fugit, député et rapporteur des travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les satellites et leurs applications. Les nouveaux opérateurs veulent se différencier des services existants en proposant des tarifs plus accessibles, un débit plus élevé et un temps de latence réduit. Autrement dit, un accès plus rapide et de meilleure qualité autorisant le streaming, la visioconférence, le jeu en ligne…

Starlink, le plus avancé des projets en cours, proposerait un accès à ses satellites pour environ 80 dollars (68 euros) par mois impliquant de se munir d’une « box » et d’une antenne coûtant entre 100 et 300 dollars, selon les indications fournies par SpaceX.

Intégration verticale

La société affirme avoir déjà enregistré 700 000 demandes d’information aux Etats-Unis. Le principal atout de Starlink – comme celui de Kuiper – est l’intégration verticale. SpaceX et Amazon maîtrisent toute la chaîne de valeur. Ils fabriquent les lanceurs et les satellites, et les envoient eux-mêmes dans l’espace. De plus, sous contrat avec la NASA et d’autres opérateurs, SpaceX peut profiter des lancements qui lui sont commandés pour embarquer ses propres « grappes » de satellites. Et, grâce à ses lanceurs réutilisables Falcon, l’entreprise d’Elon Musk a réduit le coût moyen de lancement au kilogramme de 8 000 dollars, au début des années 2000, à moins de 4 000 dollars en 2018. Reste à voir si les services d’Internet à haut débit offerts par la 5G ne vont pas s’imposer sur le marché avant que les constellations ne soient pleinement opérationnelles, rejouant le scénario du GSM et du téléphone satellite des années 1990.

S’il ne trouve pas son salut auprès des particuliers adeptes des séries vidéo ou des gameurs frénétiques, le marché se développera certainement du côté des applications professionnelles telles que l’Internet des objets, l’automatisation et l’interconnexion des usines, les liaisons entre véhicules quels qu’ils soient, y compris autonomes, les smart cities, l’e-santé et autres projets s’appuyant sur de l’Internet à haut débit en temps réel. L’annonce de Microsoft, mardi 20 octobre, préfigure peut-être ce marché de l’« industrie spatiale » version XXIe siècle alliant l’amont et l’aval, soit les infrastructures, les données qu’elles transmettent et les applications faites grâce à ces données. Le géant de Redmond a révélé la signature de partenariats avec les opérateurs SpaceX et le luxembourgeois SES afin d’assurer à ses clients des connexions sécurisées par satellites à sa plate-forme cloud Azure. Microsoft lance également un data center clés en main, c’est-à-dire un conteneur autonome capable de fonctionner dans des conditions climatiques et d’approvisionnement en énergie critiques, et connecté aux utilisateurs via des satellites. L’alliance du spatial et du cloud au service de l’économie numérique.

Enjeux stratégiques

A cet engouement pour les communications satellites et la multiplication des projets commerciaux s’ajoute l’arrivée sur la scène du spatial de nouvelles puissances. « Au début des années 2000, une trentaine de pays investissaient dans le spatial, ils sont 85 aujourd’hui ! Il y a beaucoup de nouveaux entrants institutionnels sur ce marché, car les capacités d’analyse de données élargissent le champ des applications à la gestion des ressources naturelles, à l’agriculture, mais aussi à la sécurité, à la surveillance du territoire, etc. », affirme Steve Bochinger.

Si les enjeux économiques du spatial prennent une nouvelle importance, ce n’est toutefois pas au détriment des enjeux stratégiques et de souveraineté. L’arrivée dans le secteur de la Chine et celles, plus récentes, de l’Inde, des Etats du Golfe et même de l’Afrique, qui s’est dotée d’une agence spatiale en 2019, ne sont pas dues seulement à des préoccupations sociétales. Certes, ces pays visent à développer des applications civiles pour leurs populations, mais également à protéger leurs frontières et leurs armées en dehors de leurs territoires, à lutter contre le terrorisme, à espionner d’autres puissances à l’aide des technologies les plus avancées. Et, pour cela, ils lancent, eux aussi, de nouveaux satellites plus performants et plus nombreux.

Conséquence de cette nouvelle ère du spatial, l’espace commence à être passablement encombré, surtout en orbite basse, et la situation ne peut qu’empirer. On dénombre aujourd’hui environ 20 000 débris de plus de 10 cm, pour la plupart identifiés, dont la collision d’origine est connue et qui peuvent être suivis au télescope. S’y ajoutent les débris plus petits : au total, il y aurait 130 millions de débris de plus de 1 mm. « Cela représente environ 8 000 tonnes, c’est la masse de la tour Eiffel, ce n’est pas énorme, mais, à la vitesse de 7 km/seconde, le moindre débris peut causer d’importants dommages. Et ; s’il est possible de dérouter la Station spatiale ou un satellite opérationnel depuis le sol, on ne peut pas agir sur les débris pour modifier leur trajectoire », explique Pierre Omaly, expert débris spatiaux au Centre national d’études spatiales (CNES). La loi française de juin 2008 relative aux opérations spatiales comporte un chapitre sur la protection de l’espace. Concrètement, les satellites doivent intégrer dès leur conception leur neutralisation au terme de leur durée de vie. « En moyenne, au bout de quinze ans, soit ils entrent dans l’atmosphère et se décomposent pour ceux en orbite basse, soit, pour les satellites géostationnaires à 36 000 km, ils sont désorbités, c’est-à-dire orientés vers un “cimetière” », explique Sabrina Andiappane, responsable des services en orbite pour le groupe d’électronique, d’aéronautique et de défense Thales. Ces services consistent à prolonger la durée de vie des satellites en les ravitaillant en carburant ou en les réparant directement sur leur orbite pour les maintenir en fonctionnement.

D’autres projets en cours visent à la récupération des satellites « morts » ou des gros débris, afin de les dérouter. « Dans le futur, de tels services pourraient être fournis par des satellites spécifiques qui se ravitailleraient à des stations d’accueil elles-mêmes en orbite », anticipe Sabrina Andiappane. En février, le remorqueur spatial MEV-1 (Mission Extension Vehicle 1) de l’Américain Northrop Grumman a ainsi « capturé » un satellite de télécommunications à court de carburant et l’a remis en orbite géostationnaire pour une durée de cinq ans. L’ESA a pour sa part confié le projet Adrios à un consortium mené par la start-up suisse ClearSpace. Doté de 100 millions d’euros, ce projet doit concevoir un démonstrateur qui ira récupérer un étage du lanceur Vega, laissé en orbite basse en 2013. Adrios devrait être opérationnel en 2025. D’ici là, Starlink, Kuiper et OneWeb auront ajouté quelque 5 000 nouveaux satellites dans cette orbite. De quoi corser encore les choses pour Adrios.

31 octobre 2020

Opinion - En montrant les muscles, la Chine fait aveu de son échec avec Taïwan

chine tawain

THE DIPLOMAT (SYDNEY)

Une récente démonstration de force de Pékin contre Taipei semble indiquer une attaque militaire imminente. Mais ces mouvements sont davantage une part de faiblesse de la part du gouvernement chinois, estime ce spécialiste de la région.

Les bruits de bottes se font de plus en plus insistants dans le détroit de Taïwan. Le mois dernier, au moins cinquante appareils de l’Armée populaire de libération ont violé l’espace aérien taïwanais. Les propos menaçants envers Taipei, tenus par des sources chinoises, officielles ou non, vont crescendo, et les gros titres dans la presse deviennent plus alarmants de mois en mois.

Aux États-Unis, des experts en politique étrangère qui n’ont rien d’extrémistes s’interrogent désormais publiquement sur la nécessité pour Washington de sortir de son ambivalence stratégique pour s’engager ouvertement à défendre Taïwan en cas d’attaque – une idée que n’avançait encore, il n’y a pas si longtemps, qu’une minorité radicale.

Pour autant, ce tableau inquiétant est trompeur : Pékin ne prépare pas d’attaque contre Taïwan. La Chine n’a pas la capacité de lancer une invasion de grande envergure qui puisse réussir, pas plus qu’elle n’a intérêt à risquer un conflit avec les États-Unis.

Sa rhétorique de plus en plus belliqueuse, loin d’être un signe de puissance, trahit sa faiblesse et l’échec de sa politique à l’égard de Taipei. Maintenant qu’il a gaspillé l’essentiel de ses leviers non militaires en tentant, en vain, de forcer la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, à se rallier à son principe d’“une seule Chine”, Pékin en est réduit à des manœuvres d’intimidation contre-productives pour dire son mécontentement face aux ventes d’armes et aux visites de hauts diplomates américains.

Pendant ce temps, Taïwan s’active à renforcer ses défenses et à réorienter son économie de façon à la rendre moins dépendante du continent. Pour le dire simplement, la méthode Xi sur la “question taïwanaise” se révèle un fiasco stratégique retentissant, dont Pékin mettra certainement des années à se remettre.

Prudence et modération taïwanaise

Les observateurs étrangers, y compris à Pékin, ne mesurent pas la prudence et la modération dont Tsai fait preuve depuis son arrivée au pouvoir sur les questions d’identité nationale et sur la relation de son pays avec la Chine.

Au lendemain de sa victoire, en 2016, elle a été confrontée à d’énormes pressions pour concrétiser les vieilles ambitions chères à la mouvance indépendantiste de son parti : rebaptiser le pays, adopter une nouvelle Constitution, en finir avec ce qu’il reste de liens historiques entre la République de Chine et son grand voisin continental, et détricoter les accords bilatéraux signés sous la présidence de son prédécesseur, Ma Ying-jeou.

Autant d’injonctions auxquelles Tsai Ing-wen résiste, au profit de positions centristes pragmatiques. Ainsi dans son discours d’investiture, la présidente n’a pas eu un mot pour l’indépendance de Taïwan, promettant au contraire de protéger l’ordre constitutionnel de la “République de Chine” (et non de “Taïwan”), de “chérir et entretenir” les accords bilatéraux de son prédécesseur et d’œuvrer à la stabilité et à la paix dans ses relations avec la Chine.

Des concessions rhétoriques auxquelles Pékin a répondu en substance : “peut mieux faire”. Et quand Tsai n’a pas voulu reprendre à son compte le principe d’une seule Chine, Pékin a décidé de les punir, elle et son Parti démocratique progressiste (PDP), en brisant unilatéralement et brutalement le statu quo entre les deux pays.

Pression croissante de la Chine

Depuis l’époque de Hu Jintao, la Chine a toujours adopté une stratégie “à deux voies” vis-à-vis de Taiwan. D’un côté, elle s’efforce de dissuader toute velléité indépendantiste en menaçant de lancer une opération militaire “dure”, de l’autre, elle tente de séduire les cœurs et les esprits des Taïwanais en renforçant les échanges économiques et culturels et par le biais d’une “coopération sélective” avec les élites taïwanaises ouvertes à Pékin.

Mais depuis la prise de fonction de Tsai, la Chine a surenchéri sur le volet militaire de cette stratégie au détriment de la négociation. Elle a interrompu la ligne directe avec Taipei et refusé de s’engager dans des discussions intergouvernementales. Elle a relancé à la course à la reconnaissance diplomatique et réussi à retourner sept des vingt-deux alliés officiels de Taïwan, contraignant en outre des organisations internationales à expulser les observateurs taïwanais.

Elle a accru sa pression sur les entreprises étrangères, y compris américaines, afin qu’elles inscrivent Taïwan comme faisant partie intégrante de son territoire sur leurs sites Internet. Elle a établi une liste noire des membres du PDP et d’autres personnalités politiques indépendantistes et leur a interdit l’accès au continent. Elle a mis en place de nouvelles formules destinées à attirer les meilleurs ingénieurs de l’île.

Et, provocation ultime, elle a redoublé d’efforts pour interférer secrètement dans le système politique de Taïwan et ses campagnes électorales dans l’espoir d’aider les adversaires de Tsai, favorables à Pékin, à l’emporter.

Au bout du compte, cette campagne de pression n’a pas empêché le PDP de l’emporter et Tsai d’être réélue en janvier 2020. Et maintenant qu’elle est de retour au pouvoir pour quatre ans de plus, les échecs de la stratégie taïwanaise de Pékin paraissent flagrants.

Une identité taïwanaise qui progresse

Tout d’abord, la Chine avait déjà déployé une grande partie de son arsenal “dur” au début du premier mandat de Tsai, en misant sur le fait que cela porterait un coup fatal à sa popularité. Un temps, on a pu croire que ce coup de poker allait aboutir. Mais Tsai a su reconquérir le soutien populaire, essentiellement grâce à la brutalité de la tactique employée par la Chine à Hong Kong et grâce à sa campagne clandestine visant à saper l’intégrité des institutions démocratiques de Taïwan.

Quand Tsai a été réélue avec une avance encore plus confortable en 2020 qu’en 2016, il est devenu clair que cette stratégie anti-PDP n’avait pas fonctionné.

Ensuite, la diplomatie coercitive de Pékin à l’encontre de Taipei l’a de plus en plus fait entrer en conflit avec les États-Unis. Mais l’époque est de toute façon à l’intensification de la confrontation avec Washington, aussi était-il vain de croire que la Maison-Blanche agirait pour freiner l’indépendance de Taïwan. Cela a eu l’effet contraire : le gouvernement Trump a adopté la politique la plus ouvertement favorable à l’île que l’on ait vue depuis des décennies. Quant à Tsai, elle a sagement su maintenir un cap qui aligne son discours à propos de ses relations avec la Chine sur la position des États-Unis.

Enfin, Pékin est en train de perdre l’opinion publique taïwanaise. En multipliant les changements politiques dès le début de l’ère Tsai, la tactique de coercition “dure” de la Chine a supplanté les intérêts culturels et économiques susceptibles de faire basculer l’opinion publique à son profit.

Par deux fois, Tsai a été élue avec une avance considérable, en dépit des menaces de Pékin. La notion d’identité taïwanaise exclusive a nettement progressé au cours des deux dernières années, de même que le soutien à l’idée d’indépendance.

Jamais les électeurs taïwanais n’ont autant pris leurs distances vis-à-vis du KMT [Kuomintang, parti historique, dans l’opposition], longtemps le partenaire de prédilection de la Chine, et l’on peut sérieusement se demander où en sera le parti en 2024. De plus, rien ne prouve que le prochain dirigeant du PDP sera aussi prompt que l’a été Tsai à s’opposer aux éléments indépendantistes de sa formation.

Un conflit qui n’apporterait rien à Pékin

Pékin se retrouve à présent à mener une stratégie perdante. Le pouvoir chinois a dilapidé l’essentiel de ses moyens de pression non militaires à essayer de contraindre Tsai Ing-wen à faire quelque chose qu’elle ne pouvait pas faire : approuver le principe d’une seule Chine tel que le conçoit Pékin. Il a également gaspillé l’essentiel de l’influence qu’il pouvait avoir sur Washington dans le dossier taïwanais, laissant les États-Unis libres de maintenir les restrictions qu’ils s’imposent volontairement dans leurs relations avec la Chine.

L’hostilité persistante de Pékin à l’encontre de la présidente Tsai n’a fait que renforcer ceux qui, au Congrès américain et au sein de l’administration Trump, prônent la levée des restrictions sur les visites de hauts responsables à Taipei. Cette attitude disqualifie également les objections de Pékin aux dernières ventes d’armes américaines à destination de Taïwan. En résumé, concernant Taïwan, la Chine se retrouve dans une position bien plus défavorable qu’il y a quatre ans.

On ne peut exclure la possibilité d’un conflit armé, notamment à la suite d’un accident, maintenant que les avions militaires chinois, taïwanais (et américains) opèrent de nouveau régulièrement à proximité les uns des autres. En dépit de nombreuses assertions, le président chinois n’a guère intérêt à mettre le feu aux poudres.

Un conflit ouvert avec Taïwan affaiblirait la position de Pékin dans la région à un moment où le pays essuie une série de revers en politique extérieure. Cela provoquerait également l’intervention des États-Unis – et par extension du Japon. En outre, même si les dirigeants chinois le souhaitaient, il est peu probable que l’Armée populaire de libération ait les capacités de lancer une vaste invasion à travers le détroit de Taïwan. Il s’agirait d’une opération incroyablement risquée avec un risque d’échec considérable et un coût exorbitant.

Retrouver un cadre plus traditionnel et coopératif

Le plus sage pour Xi Jinping est d’attendre que Trump et Tsai ne soient plus au pouvoir. Pékin pourrait en effet espérer d’un président américain démocrate qu’il fasse preuve d’un peu plus de considération pour la position chinoise et cherche à ramener la relation entre les deux pays dans un cadre plus traditionnel et coopératif.

Les dirigeants chinois pourraient également attendre l’élection à Taïwan d’un chef de gouvernement non issu du PDP en 2024. Ce n’est pas impossible. Mais il n’est pas impossible non plus que Tsai passe la main à un autre membre de son parti. Et vu la tendance dans l’opinion publique, il est peu probable que cet éventuel successeur se montre aussi prudent, pragmatique et arrangeant qu’elle dans les relations avec la Chine continentale.

Si Xi Jinping espère inverser la tendance actuelle avec Taïwan et éviter d’être acculé à une confrontation désastreuse avec des Taïwanais de plus en plus réticents aux négociations et soutenus par la première puissance militaire du Pacifique, il doit impérativement repenser sa stratégie.

Kharis Templeman

Source

The Diplomat

SYDNEY http://www.the-diplomat.com

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