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Jours tranquilles à Paris

4 janvier 2018

« Le lion est mort ce soir » : fantaisies enfantines autour du temps qui passe

Par Jean-François Rauger - Le Monde

Jean-Pierre Léaud est parfait dans ce conte fantastique subtil, plein de moments cocasses et de mélancolie.

L’AVIS DU « MONDE » - A NE PAS MANQUER

Parce que le tournage du film auquel il participait, dans le sud de la France, est interrompu quelques jours, un acteur vieillissant décide de retrouver, dit-il, une amie qu’il n’a pas vue depuis longtemps. L’objet de sa quête est en fait le souvenir d’un amour de jeunesse, mort il y a des années. C’est donc à la rencontre d’un fantôme que se rend l’homme, un fantôme qui resurgit et avec qui il va dialoguer dans la maison abandonnée où il s’est installé.

L’acteur, c’est Jean-Pierre Léaud qui l’incarne, introduisant immédiatement dans le plan la mémoire de ce dont il a été lui-même l’emblème, celui d’un cinéma moderne dont le souvenir est désormais un peu lointain.

Une aventure peuplée d’événements imprévus

Au cours d’une brève séquence, il retrouve ainsi une femme interprétée par Isabelle Weingarten : réminiscence et clin d’œil, résurrection brève d’un couple renvoyant subliminalement à La Maman et la Putain, soit une des plus grandes œuvres du cinéma français moderne… Mais Léaud est surtout un comédien qui déjoue tous les naturalismes, et qui va engendrer immédiatement une sensation d’irréalité parfaite pour ce qui s’avère une sorte de conte fantastique très inattendu.

Le vieux comédien est dérangé dans sa retraite par un groupe de gamins et de gamines qui ont en tête de tourner un film dans le cadre de ce que l’on devine être un programme scolaire. Découvrant sa profession, ils parviennent à le convaincre de participer à leur projet et lui demandent d’accepter un rôle. Ils écoutent ses conseils et iront de surprise en surprise grâce à sa capacité, parfois burlesque, d’improvisation.

Dès lors, le récit semble suivre les détours d’une aventure peuplée d’événements imprévus. Le ciel méditerranéen, les rues lumineuses du Midi de la France, les couloirs frais et obscurs d’une demeure antique constituent le théâtre et le décor de saynètes réjouissantes, d’une spontanéité trompeuse. Le vieil acteur surprend les enfants eux-mêmes à la fois par sa juvénilité clownesque et par sa capacité à les interroger sur le fondement même de leur désir de filmer une histoire de maison hantée. Cette rencontre va ainsi se transformer, très subtilement, en un récit d’initiation collective.

Des moments cocasses

Ce qui pourrait ne constituer qu’une allégorie facile se révèle une redoutable machine où s’imbriquent, avec virtuosité, spontanéité et maîtrise, vision documentaire et construction mentale. Tout cela n’est guère étonnant lorsque l’on se souvient que l’on avait découvert le cinéaste Nobuhiro Suwa avec son deuxième long-métrage, en 1999, M/Other, chronique d’une vie familiale tout autant qu’approche conceptuelle de la notion de vie quotidienne.

La rencontre des enfants et du vieux comédien ne repose que superficiellement sur celle d’une confrontation entre une vitalité prétendument représentée par ceux-ci et une sérénité qui serait celle de l’homme âgé.

UNE REDOUTABLE MACHINE OÙ S’IMBRIQUENT, AVEC VIRTUOSITÉ, SPONTANÉITÉ ET MAÎTRISE, VISION DOCUMENTAIRE ET CONSTRUCTION MENTALE

D’abord parce que Léaud, devenu une véritable figura, est bien loin de tout ça, possédé lui-même par un esprit enfantin qui déjoue toutes les attentes. Ensuite parce que les enfants, derrière l’amusement et le jeu qu’induit le tournage de leur petit film, tournage donnant lieu à des moments cocasses, incarnent moins la négation de l’obsession morbide de l’homme confit dans le souvenir d’un amour défunt qu’ils n’en proposent, dans leur candide projet, une variation, une sublimation paradoxale.

Car c’est de la mort que parle le film de Nobuhiro Suwa, la mort acceptée comme une péripétie inévitable mais également comme un moment de la vie elle-même. Et l’histoire de fantômes que les gamins ambitionnent de tourner dans les couloirs de cette maison en ruines, histoire issue d’imaginations emplies à la fois de contes de terreur tout autant que de films hollywoodiens à effets spéciaux, serait ainsi la conscience infantile du néant.

Là réside sans doute la subtilité de Le lion est mort ce soir, dans le refus de ce clivage trop facile. Le deuil et la mélancolie, la vision stoïcienne de la fin de toutes choses sont délicatement soumis au crible d’une fantaisie enfantine. C’est le nouveau tour de force d’un cinéaste qui poursuit une œuvre rare, intransigeante et unique.

« Le lion est mort ce soir », film français de Nobuhiro Suwa. Avec Jean-Pierre Léaud, Isabelle Weingarten, Pauline Etienne (1 h 43). Sur le Web : Shellac-altern.org , Facebook.com/toma.shellac

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4 janvier 2018

Pierre et Gilles

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4 janvier 2018

Vu sur internet - j'aime beaucoup

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4 janvier 2018

Brigitte Macron creuse son sillon à l’Elysée

Par Solenn de Royer - Le Monde

Très populaire, l’épouse du chef de l’Etat veut, à l’instar de Claude Pompidou, faire entrer art et design au palais présidentiel.

C’est devenu un rituel. Tous les soirs, ou presque, Brigitte Macron passe la tête dans le bureau de ses deux collaborateurs, Pierre-Olivier Costa et Tristan Bromet : « Allez hop, on y va ? » Et les voilà partis tous les trois pour un tour à pied dans Paris, pour « débriefer ».

La petite troupe élyséenne, parfois accompagnée de Némo, le labrador du président, marche à vive allure – pour éviter de se faire trop souvent alpaguer – et change souvent d’itinéraire, pour des raisons de sécurité. « Brigitte a un besoin vital de ne pas rester enfermée au palais, elle veut rester connectée au réel », explique le conseiller spécial à l’Elysée qui dirige son cabinet, Pierre-Olivier Costa.

Une méthode de travail que la première dame, dont les activités sont régies par une « charte de transparence » publiée le 21 août 2017 sur le site de l’Elysée, a imposée à ses équipes. Lors de ses premières échappées, ses conseillers la suivaient au pas de course, les bras chargés de dossiers. Ils n’ont finalement pris que leurs téléphones portables. « Une fois dans la rue, les sujets qui paraissaient très importants au bureau deviennent souvent futiles, s’amuse M. Costa. Ces promenades nous permettent de hiérarchiser, tout en s’oxygénant la tête. »

Depuis sept mois, Brigitte Macron a ouvert discrètement plusieurs chantiers. Le premier, qu’elle partage avec son mari, est culturel. Dans le sillage des Pompidou, les Macron souhaitent transformer l’Elysée en y faisant entrer art moderne et design. Ils recevront en janvier plusieurs directeurs de grands musées (Orsay, Louvre, Beaubourg, Picasso, etc.) pour étudier avec eux la possibilité de faire venir – de manière temporaire – des œuvres au palais. « Venez jeter un œil, on trouvera peut-être ensemble un moyen de valoriser vos collections et nos murs », leur a lancé la première dame. « Les Macron veulent faire de l’Elysée un petit Louvre d’Abou Dhabi », explique un proche du couple.

Refaire la décoration

Brigitte Macron a déjà dépoussiéré et aéré la salle des fêtes du palais, fait retirer de lourdes tentures. Elle a fait appel au Mobilier national, mais aussi au Centre national d’art plastique et au Fonds national d’art contemporain, pour refaire la décoration de plusieurs salons. De son côté, le président a renvoyé au Mobilier national – pour rénovation – trois portraits (Charles de Gaulle, Georges Pompidou et François Mitterrand) qui ornaient les deux antichambres du premier étage.

UNE FOIS PAR MOIS, M. ET MME MACRON ORGANISENT UN « JEUDI DE L’ELYSÉE » AUTOUR D’UN MUSICIEN

Des « présidents morts », a-t-il candidement argué en jurant qu’il ne s’agissait nullement de faire tabula rasa, mais qu’il consacrerait bientôt une pièce entière du palais à ceux qui l’ont précédé. « Le président et son épouse ne veulent pas figer la décoration du palais, explique un proche. Lui veut que ce qui se passe à l’extérieur se voie à l’intérieur, qu’on tente d’échapper aux pesanteurs de la forteresse militaire. »

Cette appétence du couple pour l’art contemporain et le design se double d’une « fascination pour les artistes », selon leurs proches. Une fois par mois, M. et Mme Macron organisent un « jeudi de l’Elysée » autour d’un musicien. Début octobre 2017, le violoniste Renaud Capuçon a ainsi joué avec l’orchestre de la garde républicaine, devant quelque 200 invités (pupilles de la nation, élèves de ZEP, personnels hospitaliers et personnels de l’Elysée). « Depuis le général de Gaulle, il y a eu peu de concerts à l’Elysée, a introduit le chef de l’Etat. Nous voulions, avec Brigitte, renouer avec cette tradition. »

Des soirées « jamais people »

Au palais, où l’on veut éviter de prêter le flanc à la critique qui fut jadis adressée à Giscard, moqué pour son incarnation monarchique de la fonction, on s’empresse de préciser que ces soirées ne sont « jamais people », sans le « gratin parisien ». Le prochain « jeudi de l’Elysée » doit être bientôt organisé. « Le couple est très pompidolien, explique un proche. L’art n’est pas vécu comme un divertissement mais comme projet de transformation de la société. »

Dès qu’ils le peuvent, les Macron s’échappent au théâtre ou au cinéma, même si les contraintes de sécurité rendent délicates de telles sorties. Peu avant Noël, ils sont allés voir Le Sens de la fête, avec Jean-Pierre Bacri. Le cinéma de l’Elysée, étriqué et à la décoration désuète, leur sert peu. Le président préfère organiser des soirées avec 200 convives dans la salle des fêtes plutôt qu’un « entre-soi à vingt personnes », dixit un conseiller.

Par ailleurs, la première dame s’emploie à répondre à un abondant courrier (environ 150 lettres par jour), qui l’aide à détecter les sujets dont elle pourrait s’emparer. « Elle est attentive aux signaux faibles, aux petits dysfonctionnements qui peuvent paraître anecdotiques mais en disent long sur la société », expliquent ses proches.

Eviter les tapis rouges

Depuis sept mois, Brigitte Macron a multiplié les déplacements, la plupart du temps sans la presse. En marge de sa visite très médiatisée au panda du zoo de Beauval (Loir-et-Cher), en décembre 2017, elle s’est ainsi rendue plus discrètement dans un institut médico-éducatif à proximité. Elle a également visité le service de soins palliatifs pour enfants de l’hôpital Necker. Et une autre fois, a fait une halte dans un restaurant nantais dont la cuisine est assurée par des adultes trisomiques.

A la rentrée, la première dame s’emparera de la question du harcèlement à l’école. Elle souhaite aussi militer pour la construction d’aires de jeu accessibles aux handicapés ou de « maisons de répit », afin de soulager les parents ayant en charge un enfant atteint d’une pathologie lourde. « Le fil conducteur, c’est le handicap et les accidents de la vie, et la difficile intégration à la société qui en résulte », résume son chef de cabinet, Tristan Bromet.

Après Valérie Trierweiler, qui s’était cherchée au début du mandat de François Hollande, et Julie Gayet, qui n’a jamais eu d’existence officielle, Brigitte Macron semble avoir trouvé sa place. Paradoxalement, la discrétion est l’une des armes de cette ancienne professeure de français et de théâtre : alors qu’elle aime la compagnie des « people », Brigitte Macron prend soin d’éviter les tapis rouges, à Cannes ou pour les fashion weeks, consciente des dégâts que cela pourrait causer dans l’opinion. « Elle évite le show off », confirme un proche.

Communication ultra-maîtrisée

« Elle fait un sans-faute, elle a une présence juste », loue un fidèle du couple, qui rappelle qu’à Bercy, le rôle de « Brigitte » avait suscité un débat parmi les conseillers du ministre. « Aujourd’hui, tout le monde est convaincu que c’est un atout pour Emmanuel, se félicite le même. Elle lui apporte un regard sans filtre, une liberté de ton totale. Elle participe de son équilibre mais aussi de sa réussite. Surtout, les Français l’ont très vite adoptée. »

Ils ne sont pas les seuls. A l’étranger, Brigitte Macron jouit d’une vraie popularité. « Vous êtes l’une des rares femmes connues dans le monde entier à pouvoir délivrer un message, nous allons avoir besoin de vous », l’a ainsi flattée le patron de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, lors d’un déjeuner en marge du sommet climat organisé par Paris début décembre 2017. A l’international, la première dame s’est emparée de la cause de l’éducation des filles.

Après la Grèce, l’Europe de l’Est, l’Arabie saoudite et New York, elle se rendra en Chine début janvier, au Sénégal début février, en Inde en mars, et probablement au Japon au printemps. Très sollicitée par les médias étrangers, elle choisit avec parcimonie ses supports, souvent sur papier glacé. Sa communication reste ultra-maîtrisée. Et c’est l’agence Bestimage, tenue par son amie « Mimi » Marchand, qui a la primeur des photos.

A l’Elysée, Brigitte Macron a fait le tour des services du palais, des fleuristes aux lingères, en passant par les cuisiniers et les chauffeurs du « pool auto ». Elle a également fait signe aux anciennes premières dames. Elle a croisé Valérie Trierweiler à l’occasion d’une remise de décoration au président du Secours populaire, Julien Lauprêtre. Carla Bruni-Sarkozy, avec laquelle elle s’entretient régulièrement au téléphone, a été reçue à dîner avec son mari. Mme Macron a aussi téléphoné à Anne-Aymone Giscard d’Estaing et elle a invité Bernadette Chirac pour le thé. Cette dernière a été si touchée qu’elle est revenue le lendemain déposer un bouquet à l’Elysée. Un proche de la première dame soupire d’aise : « C’est simple, tout le monde adore Brigitte… ! »

4 janvier 2018

Annie Genevard: "Françoise Nyssen n'incarne pas la fonction"

Annie Genevard était l'invitée de Jean-Pierre Elkabbach dans La Matinale sur CNEWS. Pour la nouvelle secrétaire générale de Les Républicains, la ministre de la Culture n'a pas pris sa place dans ce ministère.

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3 janvier 2018

Julie Christie

julie66

julie258

3 janvier 2018

Ellen von Unwerth - photographe

ellen235

3 janvier 2018

Iran : Dieu sur la sellette

Il est une leçon éclatante de la crise iranienne qu’on ne tire guère, mais qui se voit pourtant comme le turban sur la tête d’un mollah : les ravages qu’exerce la religion dès qu’on la mélange avec la politique. On parle souvent de l’Iran en enfilant les perles : «un grand pays», «héritier d’une civilisation plusieurs fois millénaire», «acteur incontournable de la région», etc., toutes choses vraies qui ne nous apprennent rien sur la situation du pays. L’Iran d’aujourd’hui est d’abord une théocratie. Ce pays de culture et de créativité vit sous la férule de religieux obscurantistes qui maintiennent la société dans les rets d’une dictature minutieuse. Les mollahs contrôlent non seulement l’Etat, les finances, l’armée, mais aussi la presse, les écrans, la vie quotidienne et même les tenues vestimentaires. Le jeu politique se limite à l’affrontement des factions chiites, dont certaines sont plus ouvertes que d’autres, mais qui se rejoignent pour conserver les bases du régime existant.

Les protestations en cours, d’apparence économique ou sociale, visent en fait le cœur du système. On conteste les dépenses occasionnées par une politique étrangère fondée sur le soutien permanent aux alliés religieusement proches, le Hezbollah, ou bien le pouvoir alaouite en Syrie. On met en cause les subventions massives accordées aux associations religieuses. On s’indigne de la gestion désastreuse des «banques islamiques». On dénonce la corruption de l’establishment religieux qui détourne à grands seaux l’argent public au profit d’une mince couche de dignitaires. Au sommet de l’appareil répressif, les «gardiens de la révolution», troupe d’élite héritière du khomeinisme pur et dur, restent les principaux garants de la dictature, soucieux avant tout de réprimer toute aspiration populaire à un peu plus de liberté.

Cet impérialisme du spirituel est un mal du siècle qui commence. On le retrouve évidemment dans les monarchies du golfe, tout aussi totalitaires, ou dans la folle entreprise terroriste des minorités islamistes. Mais aussi, sous une forme heureusement plus bénigne, dans certaines démocraties. L’alliance de Trump avec la faction évangélique aggrave sa politique. L’influence politique des religieux en Israël bloque tout espoir de paix avec les Palestiniens. Le pouvoir de l’orthodoxie en Grèce ralentit les réformes sociales et conforte en Russie la démocrature poutinienne. Bref, Dieu, personne privée, se mêle de plus en plus de ce qui ne le regarde pas, à savoir l’organisation de la cité. La sécularisme dans les régimes de droit, ou la laïcité en France, reste l’un des biens les plus précieux pour tous ceux qui sont attachés à la liberté. Laurent Joffrin - Libération

3 janvier 2018

Petter Hegre - photographe

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3 janvier 2018

« En Iran, une révolution menace le régime »

Par Frédéric Lemaître

Stéphane Dudoignon, chercheur au CNRS, est actuellement à Téhéran. Il analyse pour « Le Monde » ce qu’il qualifie de « révolution ».

En Iran, Treize personnes ont été tuées en cinq jours de manifestations. Le pouvoir judiciaire, les leaders conservateurs et quelques réformateurs, alliés du président Hassan Rohani, ont exigé une répression implacable. Mais l’Etat traite encore avec une certaine prudence ce mouvement inédit, le plus important qu’ait connu le pays depuis celui qui avait suivi la réélection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence, en 2009. Actuellement à Téhéran, Stéphane Dudoignon, chercheur au CNRS, analyse une situation qu’il qualifie de « révolution ».

Comment définir les actuelles manifestations en Iran ?

Comme une révolution ! C’est comme cela que les manifestants ont baptisé leur mouvement l’appelant, grâce à un jeu de mots, à la fois « révolution des œufs » et « révolution à la con ».

On n’a pas assez souligné que depuis des années, notamment depuis deux à trois ans, l’Iran vit sous un régime de manifestations quasi-permanentes motivées par des difficultés économiques ou des catastrophes écologiques, liées au manque d’eau. Le phénomène a même donné lieu à de très intéressants documentaires. Mais souvent ces mouvements sont locaux et se produisent dans des villes en bordure du désert.

Cette fois-ci, cela n’a rien à voir. Il y a une quarantaine de villes touchées et l’on y entend des slogans radicaux contre le régime, avec des insultes y compris à caractère pornographique contre des dignitaires du régime. Et comme ces manifestations ont été provoquées par des mesures réduisant les aides sociales à certains retraités mais aussi par des annonces d’augmentation du prix de l’essence et des œufs, les manifestants parlent, depuis dimanche, de « révolution des œufs ».

Quels sont les slogans les plus marquants ?

Par exemple, on a entendu à Qom, cette ville qui fut le berceau de la Révolution islamique il y a près de quarante ans, des slogans en faveur de la monarchie et notamment en faveur de Reza Shah Pahlavi, qui dirigea le pays entre 1925 et 1941. Or celui-ci était une sorte d’Atatürk iranien, profondément antireligieux. C’est lui qui avait interdit le port du voile.

De tels slogans constituent une nouveauté absolue. Ils montrent non seulement un rejet de la République islamique mais aussi de la religion islamique voire de l’islam en général. De même, les manifestants osent s’en prendre à des bâtiments officiels. Une sous-préfecture a ainsi été occupée pendant plusieurs heures. Cela aussi, c’est nouveau.

Peut-on comparer le mouvement actuel aux manifestations de 2009 contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad ?

En partie seulement. Les rassemblements actuels, car il s’agit le plus souvent de rassemblements et non de manifestations, sont davantage hostiles au régime qu’en 2009. De plus, à l’époque, les manifestants étaient surtout les étudiants et la bourgeoisie urbaine. Cette année, ce sont les quartiers populaires de Téhéran, les jeunes enragés comme disent certains, qui sont descendus dans la rue. C’est-à-dire la base sociale du régime. On peut donc parler d’effritement idéologique et sociologique de la République islamique.

La République islamique est-elle en danger ?

Sans aucun doute. Certaines déclarations de responsables du régime semblent d’ailleurs indiquer que la peur est peut-être en train de changer de camp. En 2009, les manifestations se sont surtout déroulées à Téhéran. Elles étaient relativement faciles à réprimer. Ici, vu la simultanéité des rassemblements dans quarante villes et la rapidité avec laquelle circule l’information sur les réseaux sociaux, la répression est beaucoup plus difficile.

Comment réagissent les dirigeants ?

On sent une réelle perplexité. Il y a évidemment d’importantes divisions entre eux. Les conservateurs profitent de la situation pour remettre le président Hassan Rohani en cause mais ils ne parviennent manifestement pas à contrôler un mouvement qui les dépasse.

Y a-t-il une force qui structure le mouvement ?

Non. C’est une révolution sans leader. Depuis samedi, l’ensemble du régime incrimine une cinquième colonne. Certains dirigeants ont même accusé les deux premières victimes du mouvement d’être des agents de l’étranger. Mais cela montre surtout que le pouvoir est complètement dépassé. Sa capacité d’écoute et de réaction semble très faible.

Certes, les augmentations de prix annoncées ont été annulées mais le président Rohani, tout en faisant semblant de comprendre les manifestants, a malgré tout suggéré qu’ils étaient peut-être manipulés de l’extérieur. Seuls une partie de la presse et quelques députés élus des régions touchées par ce mouvement se sont prononcés en faveur de la liberté de manifester. En revanche, les responsables des services de sécurité et les dirigeants du Parlement ont tenu des discours anti-occidentaux.

Personnellement, ce qui m’a frappé, c’est le rôle qu’a joué le tremblement de terre de Kermanshah, qui a fait environ 500 morts à la mi-novembre 2017. Celui-ci a mobilisé l’ensemble des Kurdes d’Iran et même au-delà. Il y a eu une prise de conscience contre les autorités accusées d’incurie mais aussi de vols. Le séisme a donné à la population le sentiment d’un destin commun et il a aggravé l’hostilité à l’égard du pouvoir.

Les sanctions occidentales, partiellement levées, ont-elles joué un rôle dans ce mouvement ?

Manifestement, l’abolition partielle des sanctions occidentales après l’accord sur le nucléaire en 2015 n’a pas permis à l’économie de redémarrer. Le président Rohani, qui misait beaucoup là-dessus, a perdu une bonne partie de sa crédibilité car il n’est plus en mesure de mener une politique en faveur des plus modestes et il n’a plus grand-chose à proposer. Il y a quelques jours, la télévision iranienne a mis en valeur la livraison par la France de deux avions régionaux, des ATR. Je doute que cela suffise à calmer les manifestants.

De plus, le président Rohani devait une partie de sa popularité au fait qu’il avait réussi à ramener la hausse des prix sous les 10 % alors qu’elle avait atteint 40 %, or l’inflation est aujourd’hui de retour.

Mais j’insiste : le rejet actuel dépasse la personne du président et concerne l’ensemble de la République islamique.

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