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Jours tranquilles à Paris

27 octobre 2020

D’animatrice populaire à comédienne branchée

virginie21

L’actrice franco-belge Virginie Efira est actuellement à l’affiche du dernier film d’Albert Dupontel, « Adieu les cons », en salles depuis mercredi. Photo archives EPA

Article de Claire Steinlen

Il a fallu dix ans à Virginie Efira pour décoller l’étiquette d’animatrice télé populaire à celle, plus pointue, d’actrice « bankable ». Elle est à l’affiche du dernier film d’Albert Dupontel, « Adieu les cons ». Du cinéma d’auteur à la comédie populaire, le 7e art tout entier lui fait les yeux doux et le public en redemande.

Dans le dernier film d’Albert Dupontel, elle est Suze Trappet, une coiffeuse quadragénaire qui a inhalé trop de laque, et qui apprend qu’elle est malade et qu’il lui reste peu de temps à vivre. Elle décide d’utiliser toutes ses forces pour retrouver un enfant qu’elle a eu adolescente et qu’elle a donné à l’adoption. Au seuil de la mort, elle commence enfin à vivre et à aimer…

Au même âge que Suze, Virginie Efira a déjà eu 1 000 vies, depuis sa naissance en 1977, à Schaerbeek, dans la banlieue de Bruxelles.

Après des débuts à la télévision belge pour animer « Megamix », un programme musical pour ados survoltés, elle est propulsée à la tête de « Nouvelle Star », sur M6. Le public français tombe sous le charme de cette blonde pleine de courbes, de charme et de spontanéité. Connue, certes, reconnue, aussi, elle développe pourtant le « complexe belge », que décrit aussi Cécile de France. Virginie Efira n’est pas complètement dans les codes de la Parisienne, qu’elle imagine cultivée, élancée et snob. Un mélange de Charlotte Gainsbourg et de Léa Seydoux. Elle est tout le contraire, avec sa voix grave, son franc-parler et sa gouaille, qui la rendent immédiatement sympathique et populaire. Mais aussi, son maquillage et ses talons de douze centimètres. Heureusement, l’autodérision qu’elle pratique avec entrain, la fait se traiter sans honte de « blonde à grosses joues »…

Justine Triet et Paul Verhoeven

Une carrière à la Karine Le Marchand semble toute tracée. Sauf que la jeune femme n’a aucune envie de rester animatrice. Son rêve, c’est le cinéma. Mais personne n’y croit. Même si son statut de célébrité du petit écran lui offre un strapontin dans les comédies grand public. « Invariablement, je courais sous la pluie et je roulais des pelles juste avant le générique », confiait récemment la comédienne dans Marie-Claire. Dans « L’Amour, c’est mieux à deux », « La chance de ma vie », ou « 20 ans d’écart », elle est tête d’affiche… de bluettes.

Mais à force d’obstination, petit à petit, Virginie Efira force les portes, jusqu’au cinéma d’auteur, comme un petit rôle avec Anne Fontaine, en 2011. Avec laquelle elle resigne pour le tout récent « Police », avec Omar Sy. Mais le basculement se fait en 2016, avec « Victoria », de Justine Triet, où elle interprète une jeune avocate dans la tourmente, professionnellement et sentimentalement. Nommé cinq fois aux César, le film la propulse dans une autre dimension. Depuis, les scénarios s’accumulent. Elle retrouve Justine Triet, dans « Sibyl », film à nouveau sélectionné à Cannes, en 2019. Est embauchée par Paul Verhoeven, dans « Elle », où elle donne la réplique à Isabelle Huppert, puis à Charlotte Rampling dans « Benedetta », du même réalisateur, qui doit sortir en 2021.

Consciencieuse et engagée

Tourner pour Albert Dupontel aussi, c’est une forme de reconnaissance. Le réalisateur est connu pour son amour du cinéma, pour son exigence envers ses comédiens, lui qui se plaignait du côté trop « cool » de Sandrine Kiberlain qu’il avait fait tourner dans « 9 Mois ferme ». Sous ses dehors débonnaires, Virginie Efira n’est pas cool, en tout cas, pas sur ses rôles. Elle est consciencieuse et engagée. « Dans le cinéma de Dupontel, il y a du Ken Loach et du Tex Avery », dit la jeune femme, qui loue le sujet d’« Adieu les cons ». « C’est une critique du pouvoir mais il y a des renversements possibles. Jouer au con, c’est aussi sortir du rang. »

Mère d’Ali, une petite fille de 7 ans qu’elle a eue avec le comédien Mabrouk El Mechri, elle forme aujourd’hui un couple discret avec Niels Schneider, un jeune acteur de 33 ans rencontré sur le tournage d’un film de Catherine Corsini, en 2017. Issu d’une lignée d’acteurs, le franco-canadien lui offre le glamour et aussi le reste de légitimité nécessaire pour devenir une comédienne incontournable. La « blonde à grosses joues » a décidément fait du chemin…

« Adieu les Cons », d’Albert Dupontel. 

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27 octobre 2020

Maïwenn

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"L'Algérie, c'est ma madeleine de Proust" : la réalisatrice Maïwenn évoque le pays de son aïeul dans son nouveau film "ADN"

La réalisatrice de "Polisse" est de retour en salles mercredi 28 octobre avec "ADN", un drame intimiste où l'Algérie, le pays de son grand-père, est en filigrane tout du long. Que représente ce pays pour elle ?

"Pour moi, l'Algérie c'est plein de choses: c'est une source d'amour inépuisable, c'est mon enfance... C'est ma madeleine de Proust", explique la réalisatrice dont le nouveau film, ADN, en salles le 28 octobre, est un récit intimiste sur le deuil et la quête identitaire.

"ADN n'est pas un film sur l'Algérie", insiste-t-elle. Pourtant, ce pays, qui fut celui de son grand-père, est présent en filigrane tout du long de ce long-métrage. Comme lorsqu'il reprend une phrase d'une chanson d'Idir, décédé en mai dernier. Ou lorsqu'il évoque, à travers le personnage de Neige (jouée par Maïwenn), le livre Nedjma, chef d'oeuvre du romancier Kateb Yacine (1929-1989). L'Algérie est présente jusque dans l'affiche du film, qui représente Maïwenn dans une manifestation du mouvement Hirak de contestation populaire - mais c'est le seul aspect politique du film.

L'Algérie "malade de sa dictature"

Si elle devait faire un film dédié à l'Algérie, projet auquel elle pense depuis des années, "il développerait les rapports entre nos deux pays. C'est ce film-là que j'aimerais faire", affirme la réalisatrice de 44 ans. En attendant, elle juge que ce pays "malade politiquement est tenu par la dictature même si officiellement c'est la démocratie".

Dans ADN, un drame non dénué d'humour, Maïwenn incarne Neige, très proche de son grand-père algérien qui, en l'élevant, l'a sauvée de sa mère toxique et de son père castrateur. Mais à la mort du patriarche, la famille se déchire. Choix du cercueil, des rites funéraires... Tout tourne au conflit. Neige, bouleversée par cette mort, va se lancer dans une quête identitaire qui la poussera à faire un test ADN et à demander la nationalité algérienne.

Ce film, Maïwenn l'a voulu aussi contre le racisme "sans l'évoquer directement", et pour les immigrés. "Quelqu'un m'a dit : en sortant de ton film, je me suis senti citoyen du monde. C'est le plus beau compliment qu'on puisse me faire".

Solidaire avec les exploitants de salles face au Covid

Alors que de nombreux films ont été reportés à cause de la crise sanitaire, elle a tenu à maintenir la sortie d'ADN par "solidarité" avec les exploitants. "C'est très important de montrer que les artistes sont toujours là. Et puis surtout, il faut accepter l'idée que le Covid sera parmi nous encore un moment".

Estimant que le gouvernement a "puni" la culture, en n'autorisant pas les professionnels du secteur à bénéficier d'un assouplissement du couvre-feu, elle veut oeuvrer à sa pérennité. "On ne fera peut être pas les même chiffres qu'avant mais il faut l'accepter pour ne pas devenir un pays fantôme".

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27 octobre 2020

Présidentielle 2020 - Unanime, la presse saoudienne loue les “mérites” de Donald Trump

trump arabie

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

PRÉSIDENTIELLE AMÉRICAINE J-7 – Pour Riyad, Donald Trump est le meilleur allié de l’Arabie Saoudite face à l’Iran. Joe Biden en revanche est perçu comme le produit du “politiquement correct”, dans la continuité d’un Barack Obama qui aurait versé dans un “complot pour détruire les États arabes”.

La grande chaîne d’information saoudienne Al-Arabiya ne laisse guère de place au doute sur ses préférences quant à l’élection présidentielle américaine. Les images qu’elle publie de Donald Trump sont généralement flatteuses, alors que Joe Biden est régulièrement présenté comme “naâsane”, c’est-à-dire “endormi”, reprenant ainsi l’invective préférée de Donald Trump, qui le surnomme “Sleepy Joe”.

La page d’accueil de son site Internet met quotidiennement en scène cette aversion pour le candidat démocrate. Dans la journée du 19 octobre, le site titrait par exemple : “La compétition se corse dans les états cruciaux”, en citant le sulfureux site d’extrême droite Breitbart pour dire que Trump gardait toutes ses chances de l’emporter.

Pas moins de trois grands titres à la une du site sont consacrés à Hunter Biden, le fils du candidat démocrate, pour expliquer “pourquoi les républicains l’ont dans le viseur”, pour s’émouvoir que “Twitter et Facebook censurent des articles critiques à son égard” et pour dire que “le scandale qui l’entoure n’est en rien une campagne de désinformation russe”.

La presse papier saoudienne n’est pas en reste. “Les médias moralisateurs passent sous silence […] l’implication de Joe Biden dans le trafic d’influence de son fils. Imaginez ce que ces mêmes médias auraient dit si cela avait concerné un fils de Trump”, déplore Asharq Al-Awsat.

Principal titre de la presse saoudienne, il s’en prend à l’héritage de l’ancien président Barack Obama, dont Joe Biden a été le vice-président :

Le politiquement correct de ces élites politiques et culturelles américaines était à l’origine de la complaisance de Barack Obama vis-à-vis de l’extrémisme islamiste. […] Trump aura eu un grand mérite : démasquer l’hypocrisie de ceux qui tiennent de beaux discours mais qui sont prêts à tout, à fermer les yeux sur tout, à laisser leur pays courir tous les dangers si cela permet d’engranger des voix.”

Les méfaits de Clinton et d’Obama

Mais le principal reproche que la monarchie saoudienne fait à Obama est d’avoir conclu un accord sur le nucléaire avec l’Iran.

“Trump a eu le mérite de faire table rase de la politique d’Obama. Il a déchiré l’accord nucléaire et a de nouveau considéré l’Iran pour ce qu’il est : un régime terroriste et néfaste”, écrit un des éditorialistes vedette d’Asharq Al-Awsat.

Outre la politique de détente vis-à-vis de Téhéran, les Saoudiens ont gardé en travers de la gorge “le grand projet calamiteux” d’Hillary Clinton, ministre des Affaires étrangères sous Obama : “Provoquer l’effondrement des États arabes et de leurs sociétés. Obama et son administration ont pour ainsi dire déclenché le ‘printemps arabe’, pour semer le chaos”, affirme un éditorial sur le site de la chaîne Al-Arabiya.

À en croire le journal, ce vaste “complot ourdi par les démocrates, les Frères musulmans et le Qatar pour détruire le monde arabe” sera définitivement percé grâce à “la publication des e-mails d’Hillary Clinton que Trump a ordonnée”.

En effet, “les tirades de Trump contre Hillary prospèrent en Arabie Saoudite”, explique le Washington Post. Elles sont également reprises, sans filtre et sans recul, dans la presse égyptienne. Dans le journal Al-Youm Al-Sabe par exemple, avec ce titre racoleur et à rallonge :

Les démocrates tremblent à l’idée que les méfaits de l’ancienne secrétaire d’État soient dévoilés : le triangle du Mal entre Obama, les Frères musulmans et le Qatar. Un complot américain, du financement qatari et un soutien pour les médias terroristes.”

27 octobre 2020

La Laïcité...

dessin laicité

27 octobre 2020

Entretien - Etat d’urgence sanitaire : « La banalisation de mesures restrictives des libertés n’est pas admissible »

Par Jean-Baptiste Jacquin - Le Monde

Jean-Marie Burguburu, président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, estime que « l’état d’urgence distille une forme de poison démocratique »

Emmanuel Macron avait annoncé, le 14 octobre, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Les députés s’apprêtent ce week-end à examiner, pour la cinquième fois en sept mois, un projet de loi leur demandant de voter des mesures exceptionnelles pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Nommé en février à la présidence de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), l’avocat Jean-Marie Burguburu regrette que le gouvernement ne consulte pas cette autorité indépendante, créée en 1947. Selon lui, il n’avait pas besoin de décréter l’état d’urgence sanitaire pour faire face à la crise sanitaire

Que pensez-vous de la décision de décréter un nouvel état d’urgence sanitaire ?

Elle n’est pas surprenante, la CNCDH l’avait un peu prévu. Le problème des états d’urgence, antiterroristes ou sanitaires, est qu’ils ont tendance à se renouveler.

Quelles libertés fondamentales sont menacées par ce renouvellement ?

J’en vois trois. Je pense d’abord à la liberté d’aller et de venir. Elle est tellement fondamentale et naturelle que les gens oublient que c’en est une. Ensuite, la liberté de réunion est entravée, et celle qui en découle, la liberté de manifestation. Ces libertés sont touchées comme elles l’étaient pendant le confinement.

Bien sûr, je ne vais pas prêcher pour la désobéissance civile. Ce n’est pas agréable, mais il faut respecter ces mesures. L’enjeu sanitaire est grave. Le gouvernement n’a pas la tâche facile. Beaucoup le critiquent, mais peu proposent d’autres solutions. La vraie question est de savoir si cela va être efficace. Je ne le sais pas. Le gouvernement l’espère.

Face à l’aggravation de la crise sanitaire, le gouvernement avait-il le choix ?

Juridiquement, oui, le gouvernement aurait pu faire face différemment. Il pouvait se référer à l’article 3131-1 du code de santé publique qui permet de prendre des mesures très fortes. Il prévoit que, « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence », c’est bien la situation, « notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ». Cela donnait un pouvoir très fort au ministre de la santé. Et si cela ne suffisait pas, alors on pouvait envisager de franchir une autre étape.

« JE PENSE QUE LE CHOIX A ÉTÉ FAIT D’UNE CONCENTRATION DU POUVOIR ENTRE LES MAINS DE L’EXÉCUTIF »

Pourquoi alors ne pas avoir eu recours à la loi existante ?

Je pense que le choix a été fait d’une concentration du pouvoir entre les mains de l’exécutif. En temps de paix, la République n’a jamais connu une telle restriction des libertés. Je ne vois pas l’intérêt électoral pour le président de la République de faire cela.

Avec la Constitution de la Ve République, il est déjà l’un des chefs d’Etat les plus puissants du monde démocratique. Il n’a pas besoin de pouvoirs supplémentaires, mais il croit que si. Je lui laisse le bénéfice de la bonne foi, mais il aurait pu consulter la CNCDH avant.

Justement, à quoi sert la CNCDH, créée pour conseiller le gouvernement et le Parlement sur les questions touchant aux droits de l’homme ?

Cela me fait de la peine, mais je dois vous dire que nous n’avons pas été consultés pour le premier état d’urgence sanitaire. Et pas davantage pour le second.

Pour la fameuse application StopCovid, le gouvernement a consulté la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] et le Conseil national du numérique, mais pas la CNCDH qui aurait examiné ce projet avec le prisme des droits de l’homme. L’une des raisons pour lesquelles le gouvernement ne nous sollicite pas est qu’il redoute que nous donnions des avis négatifs.

Nous nous sommes donc autosaisis et avons conclu que StopCovid est attentatoire aux droits de l’homme. Je rappelle qu’une restriction des libertés ne peut être conforme à la Constitution qu’à la triple condition que la mesure soit nécessaire, adaptée et proportionnée. Malgré le caractère volontaire du téléchargement de l’application, on met le doigt dans l’engrenage de la surveillance numérique des individus.

Comment comptez-vous peser sur ces sujets ?

Notre rôle n’est pas d’être contre ! La CNCDH est une sorte de lanceur d’alerte institutionnel. Je voudrais que nous puissions être plus réactifs, en rendant par exemple des avis moins longs. L’objectif est de pouvoir dire au gouvernement, non pas de ne pas faire un projet mais de prendre telle ou telle précaution avant de le réaliser.

Que dit de notre société le fait d’avoir vécu sous un état d’urgence plus de la moitié du temps au cours de ces cinq dernières années ?

Cela dit deux choses : que les Français, peuple frondeur pourtant, s’y habituent, et que les gouvernements s’y habituent. L’état d’urgence distille une forme de poison démocratique, dangereux pour ceux qui le reçoivent comme pour ceux qui le donnent. Il laisse des traces. On n’en sort jamais comme on y est entré.

La situation juridique et administrative est modifiée par l’état d’urgence, même quand il y est mis fin. La CNCDH met en garde contre la banalisation de l’état d’urgence. La banalisation de mesures restrictives des libertés n’est pas admissible. L’urgence ne peut pas être un état permanent.

Sur un tout autre sujet, l’assassinat d’un professeur par le terrorisme islamiste, après une campagne sur les réseaux sociaux, doit-il amener à déplacer certains curseurs entre liberté et sécurité ?

Face à la barbarie qui a frappé Samuel Paty, assassiné pour avoir fait vivre la liberté d’expression, conformément à son engagement d’enseignant, la CNCDH rappelle que la liberté d’expression est l’un des droits les plus précieux de l’homme. Le terrorisme islamiste ne doit en aucun cas conduire à la censure, individuelle ou collective.

En 1789, lorsque la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été écrite, et en 1881, au moment de la grande loi sur la presse, les réseaux sociaux n’existaient pas. Faut-il pour autant instaurer pour les réseaux sociaux un régime différent en matière de liberté d’opinion du régime général ? Je ne le pense pas.

La surveillance, en revanche, est nécessaire. Mais on ne peut pas laisser aux plates-formes la responsabilité de la censure. Si celle-ci devait s’exercer, c’est à la justice d’en décider, c’est une prérogative régalienne. Comme beaucoup de libertés, la liberté d’expression est encadrée par la loi pour éviter les abus.

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27 octobre 2020

Diplomatie - Le président brésilien Jair Bolsonaro serait-il trop fidèle à Trump ?

trump bresil

EL PAÍS BRASIL (SÃO PAULO )

Pro-Trump affiché, le président Jair Bolsonaro ne sera guère enclin à accepter avec pragmatisme une victoire éventuelle du candidat démocrate Joe Biden. Au risque d’envenimer les relations entre les deux pays et d’isoler le Brésil.

À quelques semaines du scrutin présidentiel aux États-Unis, la réélection du président sortant Donald Trump est de moins en moins évidente. La surprise de 2016, qui avait vu Trump passer devant Hillary Clinton au dernier moment, invite certes à la plus grande prudence, mais l’avance de Biden dans la plupart des États décisifs conforte le scénario d’une victoire du candidat démocrate. Or le Brésil, dont le président a tout misé sur son rapprochement avec Trump, serait parmi les plus désavantagés par une élection de Joe Biden. Certes, le partenariat entre Bolsonaro et Trump peut ne rien apporter de tangible à Brasilia, mais dans l’hypothèse d’un changement à la Maison-Blanche, le chef de l’État brésilien perdrait celui autour duquel il a articulé toute sa politique extérieure.

Plusieurs spécialistes s’accordent à penser que la victoire de Biden ne signerait pas nécessairement une rupture des relations entre les États-Unis et le Brésil. Comme l’a écrit dernièrement Roberto Simon, éditorialiste au quotidien Folha de São Paulo, “un antagonisme profond semble peu plausible”, dans la mesure où Biden est “un pragmatique conscient de l’importance de la relation [des États-Unis] avec le Brésil”. Il ne serait effectivement pas dans l’intérêt du démocrate d’isoler le Brésil et de le pousser ainsi dans les bras de la Chine – car on s’attend à ce que Biden maintienne la stratégie adoptée par Trump avec Pékin.

Pour autant, cette théorie optimiste nécessiterait une forte dose de pragmatisme de la part de Bolsonaro, une qualité pour laquelle il n’a témoigné jusqu’à présent que peu d’intérêt, ou de talent. La défaite [du président sortant] Mauricio Macri en Argentine fin 2019 constitue en la matière un précédent préoccupant. La majorité des observateurs s’attendait à voir un Bolsonaro plus pragmatique quand il est devenu évident qu’Alberto Fernández, allié de Cristina Kirchner, ennemie jurée du bolsonarisme, allait accéder à la présidence à Buenos Aires. C’est tout l’inverse qui s’est produit : le président brésilien a dénoncé le retour au pouvoir des “bandits de gauche” et prédit un afflux de réfugiés argentins au Brésil, dans l’État frontalier du Rio Grande do Sul. À ce jour, Jair Bolsonaro ne s’est toujours pas entretenu une seule fois avec Alberto Fernández. La relation bilatérale entre les deux plus grands pays d’Amérique du Sud connaît sa pire crise depuis les années 1980.

Avec les États-Unis, rien ne porte à croire que le gouvernement Bolsonaro agira autrement. C’est que la politique étrangère est pour Bolsonaro un instrument clé de mobilisation de sa base la plus radicale, et il l’utilise pour s’ériger en grand protecteur du Brésil contre les innombrables menaces venues de l’étranger. Malgré la longueur d’avance qu’affiche actuellement Biden, [le député et fils du président] Eduardo Bolsonaro n’a pas hésité à partager sur les réseaux sociaux une vidéo de soutien à Trump, poussant le président de la commission des affaires étrangères du Congrès étasunien, à majorité démocrate, à s’élever contre cette prise de position.

Le Brésil n’est pas une priorité pour Washington

Comme le soulignait récemment Brian Winter, spécialiste américain du Brésil, pour que la relation bilatérale reste constructive sous un tandem Bolsonaro/Biden, il faudrait d’abord que le président brésilien se tienne à l’écart du débat public étasunien. Ce qui à première vue n’a rien d’impossible, car le Brésil n’a jamais été une priorité de la politique étrangère de Washington. Pourtant, trois facteurs laissent penser qu’il ne sera pas si facile pour Bolsonaro de rester loin des projecteurs américains.

D’abord, pour imaginer la réaction de Bolsonaro à une éventuelle victoire de Biden, il faut d’abord se rappeler que Trump lui-même aura du mal à accepter ce résultat. Souvenons-nous qu’en 2016, alors même qu’il l’avait emporté, il assurait sans la moindre preuve à l’appui que des milliers d’“immigrés clandestins” avaient voté pour les démocrates. Aujourd’hui encore, sans fondement, il affirme que les élections de 2020 seront “les plus corrompues de l’histoire”. Un grand nombre d’électeurs optant pour le vote par courrier, il faudra des jours, sinon des semaines, pour mener à bien le décompte des voix.

Or selon une récente enquête conduite par NBC News et le Wall Street Journal, près de la moitié des Américains favorables à Biden voteront par courrier, contre 10 % seulement des électeurs de Trump. Un scénario qui accroît la probabilité de voir Trump sortir favori des premières évaluations à la sortie des urnes, alors même que de nombreux démocrates auront déjà voté. De là à imaginer Trump exploitant la situation pour crier victoire avant même que le décompte du vote postal n’ait pu commencer, il n’y a qu’un pas que l’on franchit sans peine.

Pendant ces semaines ou ces mois d’incertitude tout au long desquels Trump refusera de céder et se répandra en accusations de fraude infondées, comment réagiront Bolsonaro et son entourage ? Les antimondialistes favorables à Trump tels [le gourou intellectuel] Olavo de Carvalho et [le ministre des Affaires étrangères] Ernesto Araújo auront certainement du mal à résister à cette théorie du complot qui voudrait que mondialistes et communistes, Biden, le président vénézuélien Maduro, le Parti des travailleurs brésilien, le milliardaire philanthrope George Soros, les athées et les Chinois conspirent tous pour voler à Trump sa victoire. Et si Bolsonaro et ses proches défendent publiquement Trump pendant la période d’incertitude, il restera peu de place pour le pragmatisme une fois Biden à la présidence.

Des divergences annoncées

Deuxième point sensible, la déforestation et le changement climatique inquiètent non seulement le monde politique traditionnel partout en Occident, mais aussi les forces armées du monde entier, qui y voient désormais une menace pour la sécurité. À supposer que Bolsonaro n’infléchisse pas sa position sur les questions environnementales, il serait naïf de croire que Biden restera les bras croisés – et la crise diplomatique qu’avaient suscitée les incendies en Amazonie en 2019 nous a donné un aperçu de la réponse que fait le président brésilien aux critiques venues de l’étranger.

Troisième et dernier point, on aurait tort de penser que le trumpisme disparaîtra avec une défaite de Trump. Même chassé de la Maison-Blanche, Trump conservera sa domination sur le Parti républicain et poussera sa fille Ivanka à l’investiture pour la présidentielle de 2024. Divers stratèges, à l’image de [l’ancien conseiller de Trump, arrêté en août dernier] Steve Bannon, se mobiliseront en vue des législatives de mi-mandat, en 2022. Il ne fait aucun doute qu’Eduardo Bolsonaro entretiendra ses liens au sein des réseaux d’extrême droite aux États-Unis. Rester pragmatique dans un tel contexte relèverait de l’exploit pour Biden.

Si la vie politique brésilienne des dernières années a bien montré une chose, c’est qu’il ne faut jamais sous-estimer le président de la République. Il faudra se féliciter si, en cas de victoire de Biden, Bolsonaro parvient à choisir la voie du pragmatisme. Mais si l’on se fie à ce qu’il a montré en politique étrangère jusqu’à présent, c’est à une crise de la relation entre le Brésil et les États-Unis qu’il faut s’attendre – et à un Brésil de plus en plus isolé.

Oliver Stuenkel

Source

El País Brasil

SÃO PAULO http://brasil.elpais.com/

27 octobre 2020

Helmut Newton: The Bad and the Beautiful

newton bad be

Critiques, Films

Equipe: Charlotte Rampling, Gero von Boehm, Grace Jones, Isabella Rossellini

Durée: 93‘

Genre: Film documentaire

Date de sortie: 21/10/2020

Cotation: ** (cotations de « ooo » -restez chez vous- à « **** » -rdv de toute urgence au cinéma)

Si vous avez manqué le début:

‘Helmut Newton: The Bad and the Beautiful’ raconte l’histoire sans pareille d’un des photographes les plus iconiques du 20e siècle, depuis son enfance dans une Berlin où tout était permis, jusqu’au faîte de son art en France.

Notre critique:

Seize ans après sa mort dans un accident de voiture, voici qu’un documentaire consacré à Helmut Newton débarque dans nos salles. Le célèbre photographe de charme australien d’origine allemande a certainement été l’un des plus marquants de son époque, s’intéresser à sa riche carrière n’est donc pas surprenant.

Le réalisateur s’est intéressé à l’œuvre de Newton principalement au travers de témoignages de mannequins l’ayant fréquenté. Certaines lui doivent d’ailleurs leurs clichés les plus connus, tel est le cas par exemple de Grace Jones. Toutes expliquent leur relation avec Newton, sa façon de voir les choses, ses mises en scène, la confiance souvent aveugle qu’elles lui faisaient,… Outre Grace Jones, défilent Charlotte Rampling, Isabelle Rossellini, Claudia Schiffer ou encore la papesse de la mode Anna Wintour.

Mais Helmut Newton, ce n’étaient pas que des clichés érotiques ou sensuels. Il avait une certaine fascination pour la figure du pouvoir. C’est ainsi qu’il a un jour signé un cliché de Jean-Marie Le Pen avec son chien qui n’est pas sans rappeler de célèbres photos d’Hitler prises par Leni Riefenstahl.

Le documentaire se plonge évidemment dans la personnalité de ce polyglotte. Ce ne fut pas le plus controversé mais son art lui a tout de même valu quelques remous. Ses collaboratrices mannequins lui rendent hommage dans ce portrait évidemment à décharge.

Pour ceux qui ne sont pas forcément familiers avec l’œuvre de Newton, HELMUT NEWTON – THE BAD AND THE BEAUTIFUL est certainement une bonne porte d’accès. Les témoignages sont riches, le tout est abondamment illustré (encore heureux) et la qualité des intervenants fait le reste. C’est un bon moyen de découvrir cet homme excentrique à la vie pas si facile qui a marqué indéniablement le monde de la photographie.

27 octobre 2020

Vu sur internet - j'aime bien

jaime36

27 octobre 2020

Entretien - Jean-Marie Périer : « Ma vie s’est arrêtée en 1956. Depuis, j’improvise »

Par Denis Cosnard - Le Monde

Chaque dimanche, « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. Cette semaine, le photographe revient sur l’année de ses 16 ans, lorsque la découverte du secret de sa naissance a tout bouleversé, et l’a fait abandonner la carrière musicale à laquelle il se destinait.

A 80 ans, le photographe emblématique des années yéyé et de Salut les copains, publie, le 28 octobre, Déjà hier (Calmann-Lévy, 288 pages, 19 euros). Il y commente des images de son père adoptif François Périer (1919-2002), de sa famille, et surtout des nombreux artistes devenus ses amis, à commencer par Françoise Hardy, Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, ou encore Patrick Modiano.

Je ne serais pas arrivé là si…

… si ma vie ne s’était pas arrêtée net en 1956. J’avais 16 ans. Ma mère avait quitté la maison depuis 1947, et j’allais parfois la voir au club Saint-Germain, à Paris, où elle dansait tous les soirs, ou chez elle, avenue de Wagram. J’y croisais des hommes. Toujours dans la même robe de chambre, mais avec une tête souvent différente. Ce soir-là, c’était un type que je connaissais déjà. Il me dit : « Ta mère ne va pas tarder, tu n’as qu’à l’attendre. » Je rentre donc dans l’appartement, et on s’assoit dans le salon. Lui en robe de chambre, moi habillé. Situation gênante. Il ne sait pas quoi me dire. A un moment donné, il prend sous la table une pochette de disque, et me la montre en lâchant : « Ton père n’est pas ton père. Ton père, c’est lui. » Sur la pochette, je vois un musicien noir, entouré de guitares… Imaginez le choc !

Ce musicien, c’est Henri Salvador. Vous ne vous doutiez de rien ?

Non. J’ignorais même son existence. Quand on partait en vacances, avec mon frère ou ma sœur, je bronzais en trois heures, et eux en trois semaines. Donc je voyais bien que j’étais différent. J’étais aussi le seul musicien de la maisonnée. Je n’avais pas le moindre soupçon pour autant. A l’époque, on gardait le secret sur ces affaires de famille.

Le choc est donc total ?

Je suis sonné. Un autre père… Je sors dans la rue, je marche, je marche, et je tombe sur une affiche de mon géniteur, annonçant un spectacle à l’Alhambra deux jours plus tard. J’y vais, en payant ma place. Pendant deux heures, je me prends le spectacle dans la tête. Un jazzman génial, trente musiciens derrière lui. Tout ce dont j’avais rêvé était là… Depuis l’âge de 5 ans, j’apprenais la musique, je composais, j’adorais le jazz, j’étais sûr que ce serait ma vie. Je me voyais déjà engager Frank Sinatra pour chanter mes morceaux. Michel Legrand n’avait qu’à bien se tenir… Et soudain, voici que c’est déjà fait, fini, il n’y a plus rien à ajouter. Fou de curiosité, je me glisse tout de même jusqu’aux coulisses, et j’aperçois la vedette, de profil, dans son costume blanc. Là, un fort des Halles m’attrape et dit : « Toi, maintenant, tu te casses. » C’est cette nuit-là que j’ai pris la décision la plus importante de ma vie, pas forcément la plus intelligente : j’ai définitivement fermé le piano, abandonné la musique, écarté tout ce qui ressemblait à l’homme que je venais de voir, et décidé d’adopter mon père…

C’est-à-dire François Périer, le comédien qui vous a élevé ?

Puisqu’il m’avait adopté, je l’ai choisi à mon tour. J’ai voulu être lui. Marcher les pieds à 10 heures 10 comme lui, me mettre en colère comme lui… C’était un homme prodigieux. Il ne m’a pas vraiment éduqué, car il était sans cesse au théâtre ou en tournage, mais il m’a donné un exemple et des souvenirs extraordinaires. Après les spectacles, tout ce qui comptait dans le théâtre et le cinéma de l’époque venait souper à la maison, à Neuilly. Orson Welles, Louis Jouvet et bien d’autres. Au bout du jardin, j’allais jouer sur la péniche de Jean Marais et Jean Cocteau. Oui, mon père était tout pour moi.

Comment a-t-il réagi ?

Après l’Alhambra, je suis rentré à la maison, et à deux heures du matin, je lui ai déclaré : « Pour mon père, je sais. » Il s’est assis, s’est mis à pleurer… et nous n’en avons plus parlé jusqu’en 1983 ! Moi, j’étais dévasté. Je ne fichais plus rien en classe. Mon père m’a alors retiré de l’école et embarqué sur un tournage de Fellini, à Rome. Il se demandait que faire de moi. Un photographe lui a répondu : « Quand on ne sait pas quoi faire de son fils, on le met à Paris Match », et s’est tourné vers moi : « Est-ce que tu veux être photographe ? » Il aurait pu me proposer de devenir plombier ou maçon, j’aurais dit oui de la même façon. Peu m’importait, puisque ma vie s’était arrêtée deux mois plus tôt. Depuis, j’improvise. Tous les dix ans, j’ai changé de vie, de métier, de pays, de femme… Comme mon grand-père maternel, Jacques Porel, le fils de la comédienne Réjane, je suis un dilettante, désespéré, mais assez apte au bonheur.

Quel souvenir gardez-vous de votre mère, l’actrice Jacqueline Porel ?

Le choc de 1956 a balayé tout le reste, si bien que je me demande parfois si je l’ai vraiment connue. C’était une femme très libre, avec sa propre morale. Elle est tout de même partie en 1947 en laissant trois enfants, dont une fille de 3 ans ! Sa mère l’a d’ailleurs déshéritée, parce qu’elle avait divorcé. Je me souviens qu’elle a un temps travaillé au Carroll’s, chez Frede, la célèbre lesbienne patronne de cette boîte de nuit. J’allais la retrouver là-bas. Elle me serrait dans ses bras en me présentant à tout le monde. Mais les enfants, elle n’y comprenait pas grand-chose.

A 16 ans, vous voici donc photographe…

La vie a un humour incroyable. Au moment même où je décide d’arrêter la musique, je deviens l’assistant d’un fan de jazz qui me met un Leica entre les mains, et m’envoie photographier pour Jazz Magazine les plus grands musiciens du monde, à commencer par Ella Fitzgerald et Miles Davis. Et quelques années plus tard, à mon retour de l’armée, il lance un petit journal pour les jeunes, Salut les copains, et me colle à nouveau à dix centimètres de gens qui font de la musique et marchent dans le monde entier : les Beatles, les Stones, etc.

Cet homme, c’est Daniel Filipacchi. Un autre père ?

Quelle chance j’ai eue de rencontrer ce type intelligent, plein d’humour, qui était allé en Amérique avant tout le monde, cet homme de presse et de radio, ce photographe qui organisait des concerts… Il m’a adopté en cinq minutes et m’a fait une confiance incroyable. Il avait 26 ans, moi 16. Tous les soirs, il me ramenait en voiture à la maison, et me parlait pendant une heure. Je suis tombé fou de lui. Il a évacué mon histoire familiale et m’a fait entrer dans un autre univers.

Celui de la photo ?

La photo, je m’en fiche. Je faisais ça pour lui plaire, comme j’aurais fait n’importe quoi. Je ne me suis jamais pris pour un artiste. Il s’agissait juste de créer des posters pour faire rêver les gamins de Montélimar. Ce que j’aimais, c’était rencontrer des mômes de 17 à 20 ans partis de rien, comme Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Françoise Hardy, les Beatles, et les mettre en valeur. Regardez Françoise. Je la découvre à 18 ans, alors qu’elle a passé toute sa vie dans un 45 mètres carrés avec sa mère et sa sœur, qu’elle se croit laide, qu’elle ne sait rien d’elle. Ces mômes, la musique était toute leur vie, leur façon de s’en sortir. Alors que moi, je suis passé de Neuilly au 6e arrondissement via Los Angeles, c’est tout !

Les années 1960 ont aussi leur face sombre : la guerre d’Algérie.

J’ai connu Oran en 1961, pendant mon service militaire. La ville se délitait à grande vitesse. Je me souviens de manifestations effrayantes. J’ai vu des dames, entraînées par la folie de la foule, assassiner des ouvriers algériens à coup de pavés et de barres de fer. J’ai vu des pieds-noirs brûlés vifs. L’OAS [Organisation de l’armée secrète, pour le maintien de la France en Algérie] a voulu me tuer, alors que je n’avais rien fait. Puis j’ai été exfiltré en Allemagne, dans un camp disciplinaire pour des militaires de carrière pro-OAS. Ils me détestaient. J’ai eu encore plus peur qu’en Algérie ! Avec le recul, je suis content d’avoir connu tout ça. Sinon, j’aurais été un enfant gâté à la vie trop facile.

Après avoir été le grand photographe de « Salut les copains », vous passez brutalement au cinéma. Pourquoi ?

A cause de Jacques Dutronc ! J’étais amoureux de lui.

Amoureux ?

Oui. J’ai aimé cinq femmes, dont Françoise. Mais à vrai dire, je ne pensais qu’aux photos que je voulais faire avec elle, et je suis passé un peu à côté de l’histoire d’amour que j’aurais pu vivre avec elle. Quand, après notre séparation, elle m’a dit qu’elle avait rencontré quelqu’un, j’ai voulu voir cet homme. C’était Jacques. Il m’a plu énormément, avec son costard-cravate et les insolences qu’il proférait. Un vrai amour, assez peu raisonnable, mais sans le sexe. J’ai pensé qu’il devait faire du cinéma. Le jour où j’ai trouvé l’argent, j’ai quitté le groupe Filipacchi, où j’avais la plus belle situation au monde, et je n’ai plus touché un appareil photo pendant vingt ans. J’ai fait deux films avec lui et je ne le regrette pas.

Puis vous êtes parti pour les Etats-Unis. Pourquoi ?

A Paris, ma femme de l’époque m’avait quitté pour un autre. Alors, je suis parti du jour au lendemain, un peu comme ma mère. Une productrice américaine avait vu quelques films publicitaires que j’avais réalisés et m’avait dit : « Vous devriez venir aux Etats-Unis, ça peut marcher pour vous. » Sur cette seule base, je me suis envolé pour Los Angeles. J’y ai passé dix ans et tourné des centaines de publicités. Un travail alimentaire mais intéressant, car il faut faire court, raconter la vie d’une personne en quarante-cinq secondes. Les premières années étaient merveilleuses. Ensuite… l’Amérique n’est pas un pays, c’est un business, comme on dit. J’y ai gagné des fortunes, mais je me suis jamais senti aussi seul.

C’est aux Etats-Unis que vous avez fini par rencontrer votre géniteur…

En 1983, alors que je suis à Los Angeles, Eddy Barclay m’appelle, m’invite à dîner avec Henri, et nous laisse en tête-à-tête. On ne sait pas quoi se dire. Il me propose finalement d’aller voir Deep Throat, le fameux film porno. Hallucinant ! On s’est retrouvé comme deux militaires dans un cinéma vide. Cette initiative a néanmoins brisé la glace et après, il m’a parlé. Il m’a expliqué qu’il avait connu ma mère, puis qu’il était parti au service militaire. Ma mère a alors rencontré François Périer, sans savoir qu’elle était enceinte. Henri lui-même n’a appris mon existence qu’en 1947, par une indiscrétion. Il a alors appelé mon père et lui a demandé : « Qu’est-ce qu’on fait avec mon fils ? » Oui, « mon fils », lui qui ne m’avait jamais vu ! C’était surréaliste. Mon père lui a répondu : « Si tu t’approches de lui, je te tue. »

Après notre rencontre américaine, je l’ai revu pendant dix ans, en cachette de mon père. Mais il s’est très mal comporté avec mes enfants, les rejetant. Cela m’a ravagé. Et c’est avec un psy que j’ai écrit Enfant gâté (XO, 2001), le livre racontant cette histoire.

Après les Etats-Unis, vous êtes revenu en France, travailler… avec votre sœur !

Puisque je m’ennuyais, et qu’elle dirigeait Elle, elle m’a incité à reprendre la photographie, pour son magazine. Avec des mises en scène comme celles que j’imaginais pour Salut les copains, mais autour de la mode, cette fois-ci. Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent et Jean-Paul Gaultier ont pris la place des Rolling Stones. C’était un bonheur de travailler avec ma sœur, le premier amour de ma vie. A une mère près, j’aurais pu l’épouser !

Le dernier virage vous mène en Aveyron…

J’en avais assez qu’on m’ait collé une étiquette, celle du photographe des yéyé. Assez de l’intelligentsia parisienne, qui a toujours méprisé ce qu’on a fait dans les années 1960, mes photos, mes films, simplement parce que c’était populaire. Alors j’ai choisi d’aller loin de Paris, dans un village inaccessible en TGV. C’est la France d’avant, celle qui se lève tôt et ne râle pas. Cela fait vingt-cinq ans que j’y vis seul, avec une chienne et deux ânesses. En faisant gaffe, il me reste quinze printemps opérationnels. J’ai trois romans à y écrire, dont l’un est bien avancé.

Vous jouez aussi sur scène. Comme François Périer, donc ?

Oui, un spectacle où je raconte ma vie en présentant des photos. Depuis cinq ans, je le donne un peu partout, cela m’oblige à prendre la voiture, à traverser la France avec ma chienne, et m’évite de me scléroser. J’ai un contrat de trois ans pour continuer. Me voici donc sur les planches, moi qui ai tant détesté le théâtre. Enfant, j’avais l’impression qu’il me prenait mon père. Ce qui est cocasse, c’est que la première a eu lieu à La Michodière, à Paris, le théâtre qu’il a longtemps dirigé. Dommage qu’il ne soit plus là, la coïncidence l’aurait fait rire…

Vous prenez encore des photos ?

Très peu. A cause du fameux poster de 1966 pour lequel j’avais réuni plus de quarante artistes dont Johnny, Françoise, Sylvie Vartan, Eddy Mitchell, Michel Berger et Serge Gainsbourg, on me demande souvent des photos de groupe. Je sens que je vais finir photographe de mariage, allant de village en village, avec ma petite échelle !

« Déjà hier », de Jean-Marie Périer (Calmann-Levy, 288 pages, 19 euros), sortie en librairie le 28 octobre.

27 octobre 2020

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