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Jours tranquilles à Paris

7 juillet 2020

Enquête - Après la crise du Covid-19, un tourisme plus stable que durable

Par Clément Guillou

Après la pause brutale imposée par la pandémie, les intérêts et les habitudes des acteurs de cette industrie de masse (10 % du PIB mondial) devraient jouer en faveur d’un retour à la croissance. Et ce malgré les appels à une mutation verte du secteur et des tentatives concrètes de régulation.

Pour les vulnérables varans de Komodo, la pandémie de Covid-19 a résolu l’équation sur laquelle les hommes butaient : comment conserver la manne touristique tout en protégeant les lézards géants qui la génèrent ? En faisant une pause, avaient suggéré les autorités locales l’an dernier, et en fermant le parc national toute l’année 2020. Hors de question, avaient répondu les petites entreprises touristiques locales, soutenues par le gouvernement de Djakarta. Avec le Covid-19, les dragons de Komodo ont finalement eu droit à leurs trois mois de tranquillité absolue ; et l’écosystème garantissant leur survie a prospéré.

Cette fable indonésienne rappelle que la manifestation la plus voyante de la pandémie fut, en de nombreux endroits, la disparition du tourisme. C’est, pour ce secteur économique qui représente 10 % du produit intérieur brut et des emplois dans le monde, une double source d’inquiétudes : d’abord parce que de nombreuses affaires, dans cette économie largement composée de micro-entreprises, ne survivront pas à cette perte sèche ; ensuite, parce que les effets néfastes de la sainte trinité du tourisme de masse – croisières, vols low cost et resorts balnéaires – ont été d’autant plus visibles qu’ils n’étaient plus là.

Ces dernières années, ce tourisme industriel, notamment dans les villes, avait fait émerger les notions de « tourismophobie » et « surtourisme ». « Le nombre croissant de touristes urbains accroît l’exploitation des ressources naturelles, a des conséquences socio-culturelles, exerce une pression sur les infrastructures, les modes de transport et d’autres installations », s’inquiétait en 2019 le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), Zurab Pololikashvili.

Au diable la critique !

Aucune industrie ne menait, avant la crise, une croissance aussi échevelée que le tourisme mondial. La plupart des acteurs s’accordent à dire que le retour au niveau d’antan prendra plusieurs années en raison de l’ampleur inégalée de la crise, de la faiblesse des compagnies aériennes et du temps nécessaire pour trouver un vaccin. Mais les plus optimistes soulignent que les précédentes crises, souvent liées à des attentats, ont montré la capacité du tourisme à rebondir très rapidement : après les attentats du 11 septembre 2001, la pandémie de SRAS en 2003 et la crise économique mondiale en 2009, l’industrie n’a mis que de onze à dix-neuf mois pour revenir au même palier.

LA DISPARITION DES TOURISTES VAUT TOUTES LES ÉTUDES D’IMPACT : CERTAINS TERRITOIRES RÉALISENT QU’ILS NE PEUVENT SE PASSER DURABLEMENT DE CETTE SOURCE DE DEVISES

« Quand un vaccin sera trouvé, tout reviendra à la normale, et même davantage, car les gens réalisent que le voyage leur manque, assure Dimitrios Buhalis, directeur du Centre international de recherche sur le tourisme et l’hôtellerie de l’université de Bournemouth (Royaume-Uni). Il va y avoir un besoin de décompresser et, pour les citadins, de prendre l’air. Les habitants des pays riches qui voyagent ont déjà tous les produits qu’ils veulent : ce qu’ils recherchent, désormais, ce sont des expériences – sportives, gastronomiques, culturelles – dont le prérequis commun est le voyage. »

Du côté des professionnels et des Etats et collectivités qui en vivent, la demande est également pressante en faveur d’un retour au monde d’avant. La disparition des touristes vaut toutes les études d’impact : certains territoires, y compris une métropole comme Paris, réalisent qu’ils ne peuvent se passer durablement de cette source de devises. Au diable donc la critique sociale du tourisme de masse, vieille comme sa naissance, à la fin des années 1950 !

« On a l’impression que c’est un gros mot ; mais le droit au voyage, c’est une conquête sociale !, s’insurge Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du voyage, le syndicat des voyagistes et tour-opérateurs. Refaire du voyage quelque chose d’élitiste, ce serait revenir au XIXe siècle. La fin de la massification, je n’y crois pas. Mais j’espère que l’on va aller vers des voyages dans lesquels on s’investit un peu plus, à la fois plus longs et moins fréquents. »

Décalage entre aspirations et choix

Si chaque crise – sociale, sanitaire ou économique – est l’occasion d’une pause et d’une réflexion sur l’industrie touristique, elle ne débouche jamais sur une transformation radicale, expliquent les historiens Johan Vincent et Yves-Marie Evanno, directeurs de l’ouvrage Tourisme et Grande Guerre. Voyage(s) sur un front historique méconnu (1914-2019) (Editions Codex, 2019) : « Il y a des mutations discrètes mais surtout des désillusions. Les besoins pragmatiques des Etats font qu’ils relancent toujours l’économie sur des bases que l’on connaît déjà, pour aller le plus vite possible. »

Trois acteurs seraient en capacité d’orienter la façon dont on voyage : les consommateurs, les industriels et les décideurs politiques. Le comportement des premiers est mystérieux. Les classes moyennes chinoise et indienne, premières contributrices à la massification du tourisme, auront-elles le souci de voyager différemment ? Et faut-il les priver d’une frénésie dont ont usé et abusé les riches Occidentaux depuis trente ans ?

TROIS ACTEURS SERAIENT EN CAPACITÉ D’ORIENTER LA FAÇON DONT ON VOYAGE : LES CONSOMMATEURS, LES INDUSTRIELS ET LES DÉCIDEURS POLITIQUES

En Europe, certains anticipent un retour à davantage de tourisme domestique et à des voyages moins fréquents mais plus longs. Mais en la matière, le décalage est patent entre les aspirations vertueuses exprimées dans les enquêtes d’opinion et le choix réellement effectué. Jan Van der Borg, économiste du tourisme à l’université de Louvain (Belgique), revendique de faire partie des optimistes – après avoir joué, dit-il, les Cassandre dans les années 1990 en prévenant de la montée du « surtourisme » en Europe.

« Il y a des signes qui montrent que les consommateurs vont ouvrir la voie vers un tourisme plus sain, affirme-t-il. Au lieu de partir six fois par an en week-end, ils économiseront pour s’offrir un voyage de qualité une fois par an dans un endroit spécifique ; le reste de l’année ils passeront les vacances dans leur pays. Je serais très déçu si l’industrie n’utilisait pas ce momentum pour refuser certaines pratiques. »

« Etre acteur du changement plutôt que subir »

Du côté des industriels, pressés de pouvoir travailler de nouveau, le discours en faveur d’un tourisme moins frénétique est pourtant peu audible. « Mes entreprises ont une culture conservatrice, souffle Jean-Pierre Mas. Or, ou l’on change, ou l’on va passer à côté de la demande. »

LA CRISE A ÉTÉ « TROP COURTE » POUR CHANGER LES COMPORTEMENTS, REGRETTE JEAN-FRANÇOIS RIAL, PATRON DE VOYAGEURS DU MONDE

Lors d’un récent séminaire en ligne, le sociologue Jean Viard mettait en garde des centaines de professionnels convoqués pour une réflexion sur l’avenir du voyage : « Le monde du tourisme va-t-il avoir un discours sur la façon de polluer moins en voyageant plus ? Je n’entends pas ce discours. Or, il faut que ce monde devienne un acteur de la régulation écologique du tourisme plutôt qu’il la subisse. »

Jean-François Rial, patron du groupe Voyageurs du monde, est bien seul à réclamer de nouvelles habitudes et un plus grand respect de l’industrie vis-à-vis des écosystèmes qui la font vivre. La crise a été « trop courte », regrette-t-il, pour changer les comportements des consommateurs comme des industriels. Seule issue, selon lui ? L’accession au pouvoir des écologistes, qui imposeraient une fiscalité plus lourde aux compagnies aériennes comme aux hôtels qui dénaturent les sols.

Les Etats et les destinations touristiques apparaissent comme les plus susceptibles de bouleverser une industrie dont les dégâts pour la planète et le cadre de vie sont connus. « A court terme et dans un endroit géographiquement limité, certains Etats ou territoires ont un intérêt au tourisme de masse. Mais c’est un discours comptable, pas économique, juge Danièle Küss, experte auprès de l’OMT. Prenez l’Aquitaine, dont la côte est concernée par ce phénomène : son défi est de répartir les visiteurs dans le temps et dans l’espace, en investissant par exemple dans le tourisme rural. »

Gestion des flux

Certains pays revendiquent désormais un modèle touristique plus soutenable, qu’il s’agisse de l’Espagne ou d’Etats d’Amérique centrale : Costa Rica, Mexique, Guatemala… Dans plusieurs régions du monde, la crise du Covid-19 est l’occasion pour les gouvernements de se rendre compte de l’importance du secteur dans leur économie et de la nécessité de le soutenir, voire de l’organiser.

« COMME POUR LE CORONAVIRUS, IL FAUT APLATIR LA COURBE DU TOURISME » JAN VAN DER BORG, ÉCONOMISTE DU TOURISME

Elle met aussi le doigt sur la dépendance absolue de régions entières à cette économie, et de la nécessité de se diversifier. Un premier pas indispensable vers une réforme du tourisme de masse, sans laquelle l’industrie entière ira à sa perte, selon Jan van der Borg : « Comme pour le coronavirus, il faut aplatir la courbe du tourisme. Si on parvient à freiner cette croissance, on peut rendre en même temps un grand service à l’industrie, aux locaux et aux touristes. »

Les destinations les plus sujettes au « surtourisme » ont profité de la pause pour avancer des réflexions déjà entamées. A Dubrovnik, en Croatie, l’on jure de diversifier enfin l’économie locale et de redoubler d’efforts pour limiter la fréquentation de la ville médiévale ; à Venise, les eaux à nouveau bleues de la lagune renforcent la tentation de restreindre l’arrivée des bateaux de croisière.

A Amsterdam, le temps des enterrements de vie de garçon semble compté. Pour Geerte Udo, responsable de la promotion de la capitale néerlandaise, « nous devons nous assurer de retrouver l’équilibre entre la vie, le travail et le tourisme, à commencer par une offre locale pour locaux, afin qu’ils puissent à nouveau jouir » du « quartier rouge », haut lieu de la prostitution et des coffee shops.

La gestion des flux était déjà, avant la crise, la priorité des lieux les plus touristiques du monde – quelques villes européennes et des sites culturels majeurs comme le Machu Picchu, Angkor Vat ou le Taj-Mahal. Selon Sandra Carvao, directrice des études de l’OMT, « la recherche de l’équilibre entre les habitants et les touristes va connaître une accélération. Mais ces destinations très touristiques ont encore un potentiel si elles parviennent à segmenter leurs offres et à diriger les visiteurs vers d’autres endroits que les quelques rues encombrées ».

Réservation obligatoire

Le sentiment de « surtourisme » vient le plus souvent d’une piètre gestion des flux, plaide le secteur. Il suffirait donc de davantage étaler les visites, avec des incitations financières par exemple, pour rendre les visiteurs plus supportables. Car il est vain d’espérer que les populations du monde entier se détournent, une fois la crise passée, de ces lieux au hit-parade des destinations.

« Si les gens veulent tous aller aux mêmes endroits, c’est qu’ils le méritent et que des images produites par la littérature, la publicité ou la culture populaire les rendent incontournables, dit Stéphane Durand, cofondateur du cabinet de conseil Horwarth. L’ensemble des pays émergents produisent chaque année des dizaines de millions de primo-visiteurs : des gens qui n’ont jamais voyagé et jouissent d’une faible culture touristique. Ils vont à l’essentiel, dans les lieux connus, surtout quand, comme les Américains ou les Chinois, ils n’ont pas suffisamment de congés pour aller hors des sentiers battus. »

« LES PAYS ÉMERGENTS PRODUISENT CHAQUE ANNÉE DES DIZAINES DE MILLIONS DE PRIMO-VISITEURS QUI VONT À L’ESSENTIEL, DANS LES LIEUX CONNUS » STÉPHANE DURAND, DU CABINET DE CONSEIL HORWARTH

Les spécialistes du secteur anticipent déjà, à l’issue de la crise, une généralisation de la réservation obligatoire pour les lieux les plus visités du monde, voire pour certains quartiers ou des plages. Cette nécessité d’annoncer sa venue, déjà en vigueur dans certains des grands musées ou un lieu comme la Cité interdite de Pékin, s’accélérera d’autant plus que l’utilisation des applications sur mobile est devenue plus naturelle durant la crise.

L’acceptation de ces dispositifs par les visiteurs pourrait en être facilitée. Mais cette mutation numérique s’apparente à un cautère sur une jambe de bois : une façon peu coûteuse de dissimuler les excès du tourisme de masse si néfastes aux varans de Komodo.

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7 juillet 2020

BALMAIN - Olivier Rousteing

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7 juillet 2020

AVIGNON - En 2005, le festival connaît une bataille d’Hernani des années 2.0

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« L’Histoire des larmes », de Jan Fabre, le 7 juillet 2005, dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, à Avignon. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP

Fabienne Darge

Spectacles hués, public qui déserte, violentes critiques dans la presse… La 59e édition est éruptive

Cette année-là, il a fallu jeter son corps dans la bataille. 2005, année explosive, éruptive, inflammable : le Festival d’Avignon y connaît une de ces batailles d’Hernani dont le théâtre, régulièrement, a besoin pour s’interroger sur lui-même, se régénérer et se prouver qu’il est bien vivant. L’était-il encore, vivant, dans ces années 2.0 dopées aux industries culturelles et au virtuel ? Il lui fallait une bonne bagarre pour trancher dans le vif : ce fut le festival de 2005, et ce que l’on a désormais coutume d’appeler la « querelle d’Avignon ».

L’année précédente, pourtant, le festival avait pris un nouveau départ. Avignon revivait, après l’annulation traumatique de la manifestation en 2003, due au conflit des intermittents du spectacle. Les deux jeunes directeurs fraîchement nommés pour succéder à Bernard Faivre d’Arcier, Vincent Baudriller (37 ans) et Hortense Archambault (34 ans), avaient, de l’avis général, bien réussi leur coup, en compagnie de leur « artiste associé », le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier. Il y avait bien eu quelques grincheux pour contester le regard très politique proposé par ce festival 2004, mais sans que cela tire à conséquence.

Pour 2005, Archambault et Baudriller choisissent comme artiste associé, concept au cœur de leur projet, le chorégraphe, metteur en scène, auteur et plasticien flamand Jan Fabre. Avec lui, c’est toute l’effervescence de la scène flamande depuis les années 1980 qu’ils veulent présenter au public d’Avignon, une mouvance qui a mis le théâtre cul par-dessus tête, en l’hybridant avec la danse, la performance, le rock et les arts plastiques.

La mèche est allumée bien avant le début du festival, dès la présentation du programme, le 4 mars. Le Figaro et Le Nouvel Observateur, notamment, dénoncent les choix des deux codirecteurs, et un parti pris jugé « hermétique » ou « élitiste ». Ce qui choque une bonne partie de la presse, de la profession et du public, c’est notamment qu’aucun spectacle de théâtre au sens strict ne soit prévu dans la Cour d’honneur du Palais des papes : dans le saint des saints du festival sont programmés une création et une reprise de Jan Fabre, L’Histoire des larmes et Je suis sang, et une création de la chorégraphe française Mathilde Monnier, Frère et Soeur.

A la veille de l’ouverture, la presse locale prend le relais. « Une édition à risques, radicale, qui créera sans doute la polémique. Ce “in” s’ouvre sur du soufre », annonce La Provence dès le 8 juillet. Le soir de la première dans la Cour, ce même 8 juillet, la création de l’artiste flamand déçoit. « Le corps selon Jan Fabre laisse Avignon perplexe », titre Le Monde.

Dans les jours qui suivent, les spectacles improbables, inaboutis ou inutilement prétentieux s’accumulent. Et beaucoup d’entre eux dégagent une violence sans recours, incapables d’offrir une forme artistique ouvrant sur une médiation par rapport à la dureté, à la perte de sens du monde contemporain. Les corps souffrants se ramassent à la pelle, en cette édition 2005, et laissent sur le flanc nombre de spectateurs.

Ajoutez à cela que la modestie n’est pas la qualité première du personnage Jan Fabre, et il n’en fallait pas plus pour que la mèche s’enflamme, au risque de tout faire exploser, et notamment la direction du festival. Artistes, directeurs de théâtre, universitaires, journalistes, spectateurs, tout le monde se jette dans la bataille, dans ce grand forum qu’est Avignon.

Les soirées dans la Cour sont régulièrement huées, les spectateurs désertent certains spectacles par grappes. Lors d’une représentation d’After/Before, spectacle de Pascal Rambert, une femme se lève et explose : « Mais qu’est-ce qu’on vous a fait pour mériter ça ? Pourquoi vous nous faites souffrir comme ça depuis une heure et demie ? » On sait maintenant que cette femme n’était pas tout à fait une spectatrice ordinaire, puisqu’elle était la compagne de Jacques Livchine, directeur du Théâtre de l’Unité. Mais elle devient l’emblème de la bronca contre les choix de la jeune direction d’Avignon, chez ceux qui ont intérêt à l’entretenir.

Au bar du « in », le rendez-vous des professionnels, les discussions, âpres, douloureuses, durent jusqu’à l’aube. « Ça n’arrêtait plus, racontait, dans nos colonnes, Jacques Blanc, alors directeur du Quartz, scène nationale de Brest. Il faut comprendre : nous vivons une vraie crise. Une crise douloureuse mais j’espère salutaire, car elle pose toutes les questions. Et, comme toujours, Avignon, c’est la brûlure. »

Un texte qui a fait date

Les esprits raisonnables ont beau rappeler que la danse était présente à Avignon dès l’année 1966, avec Maurice Béjart qui fut une sorte d’artiste associé avant l’heure, ainsi que le cinéma, avec la projection de La Chinoise, de Godard, dans la Cour d’honneur en 1967. Qu’en cette année 2005 il y a aussi du théâtre « de texte », et des spectacles formidables – Kroum, par Krzysztof Warlikowski, La Mort de Danton et La Vie de Galilée, par Jean-François Sivadier, Les Vainqueurs, d’Olivier Py… Rien n’y fait : Avignon sera en surchauffe jusqu’au bout, cet été-là, laissant le monde du théâtre bouleversé par la violence de la polémique.

De quoi Avignon 2005 a-t-il été le symptôme ? Querelle des anciens et des modernes ? Du théâtre de texte face au théâtre visuel et corporel ? Opposition entre la médiation et la sublimation offertes par l’art et des formes plus littérales, qui se veulent plus efficaces pour parler du monde contemporain ? Conflit de générations, bataille pour le pouvoir ? Tout cela à la fois, sans doute.

Au-delà, ce festival 2.0 a synthétisé une inquiétude majeure, celle du lien entre l’appauvrissement du langage et la recrudescence de la violence. Olivier Py, qui prendra la succession de Vincent Baudriller et d’Hortense Archambault à la tête du festival en 2013, l’a exprimé dans un texte qui a fait date, Avignon se débat entre les images et les mots, publié dans Le Monde le 29 juillet 2005.

Il s’y interroge sur cette question anthropologique d’importance : traditionnellement, le langage, au théâtre comme dans la vie, est ce qui permet de surmonter la violence inhérente à la vie humaine. Qu’en est-il quand le langage traditionnel – celui des mots – est supplanté par d’autres formes d’expression, à savoir les images ?

Dans cette dernière bataille d’Hernani qu’ait connu l’art théâtral, Avignon a joué, plus que jamais, son rôle de miroir de la société de son temps. Le théâtre, qui en 1947 s’était refondé dans la nuit, dans les pierres, s’est ici repensé dans les cris, les larmes et les invectives, mais il s’est repensé. Il y a gagné à la fois une nouvelle reconnaissance de la place du texte, et un formidable élargissement de ses moyens, à l’œuvre depuis quinze ans.

C’est comme s’il s’était augmenté de toutes parts, prouvant qu’il est bien un art total, capable d’accueillir tous les autres en son sein, selon une conception d’ailleurs ancienne et largement partagée, notamment en Orient.

Vincent Baudriller et Hortense Archambault, lors de ce festival 2005 qu’ils avaient placé sous le patronage d’Antonin Artaud, ne manquaient jamais de rappeler que ce terme de « radical », dont on avait qualifié leur festival, est de la même famille que « racine », et qu’il désigne « ce qui tient à l’essence, au principe d’un être ou d’une chose ».

7 juillet 2020

Willy Rizzo : Sunlight

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Le Studio Willy Rizzo présente sa nouvelle exposition Sunlight, une vingtaine de tirages argentiques noir et blanc et couleur signés par Willy Rizzo, dont certains n’ont jamais été exposés.

Cette exposition riche et lumineuse invite à découvrir l’univers de Willy Rizzo, chacune de ses photographies a une histoire et fait ressortir l’émotion et les affinités entre le photographe et son modèle.

La sélection Sunlight rend hommage à des personnalités célèbres telles que Jack Nicholson, Marlène Dietrich, Sean Penn, Brigitte Bardot et tant d’autres prises en photos sous les rayons du soleil, dans des villes en bord de mer comme Beverly Hills, Cannes, Deauville, Venise, Rio de Janeiro et Saint-Tropez.

Le travail de Willy se caractérise par un mélange d’élégance, de spontanéité et une rigueur de la prise de vue au tirage.

Ces images originales privilégient la dimension personnelle qui se révèle dans le regard de la personnalité face à l’artiste.

Une vingtaine de photographies originales, en noir et blanc ou couleur, seront exposées et seront à la vente en édition signée et numérotée à 8 exemplaires par Willy Rizzo.

Willy Rizzo : Sunlight jusqu'au 31 juillet 2020

Studio Willy Rizzo

12 rue de Verneuil

75007 Paris

www.willyrizzo.com

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6 juillet 2020

Le compositeur italien Ennio Morricone est mort à l'âge de 91 ans

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Lauréat d'un Oscar en 2016, le musicien est mort dans la nuit de dimanche à lundi dans une clinique de Rome, où il était hospitalisé à la suite d'une chute ayant provoqué une fracture du fémur, d'après plusieurs médias italiens citant sa famille.

Le compositeur italien Ennio Morricone, réputé dans le monde entier pour ses musiques de films tels que Le Bon, la brute et le truand, est mort dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 juillet à l'âge de 91 ans, indiquent l'Agence de presse italienne Ansa (lien en italien) et plusieurs médias italiens, citant la famille du musicien.

Lauréat d'un Oscar en 2016, le musicien est mort dans une clinique de Rome où il était hospitalisé, à la suite d'une chute ayant provoqué une fracture du fémur. Il s'est éteint "à l'aube du 6 juillet, à Rome", annonce l'avocat de la famille, Giorgio Assumma, dans un communiqué. Ses obsèques auront lieu de manière privée, "dans le respect du sentiment d'humilité qui a toujours inspiré les actes de son existence", précise l'Ansa.

Né à Rome en 1928, Ennio Morricone a écrit des partitions pour quelque 400 films. Son nom était le plus étroitement lié au réalisateur Sergio Leone, avec lequel il a travaillé sur les désormais classiques "westerns spaghettis" ainsi que Il était une fois en Amérique. Le compositeur a travaillé sur des films de genres très différents, de l'horreur à la comédie.

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6 juillet 2020

Extrait d'un shooting - photos : Jacques Snap

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6 juillet 2020

Vannes - Balade dans les jardins éphémères

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Laurent Guenneugues

Pour la sixième année consécutive, la ville s’est teintée de vert avec l’installation de jardins éphémères. Ils sont moins nombreux que d’habitude, le coronavirus étant venu à bout de certains projets. Mais il y en a tout de même une dizaine, à découvrir en se baladant en ville.

Une promenade des Anglais à la sauce vannetaise, une forêt urbaine sous la fenêtre de David Robo, un trône pour asseoir saint Émilion, des fois qu’il aurait trop bu… La cuvée 2020 des Jardins éphémères est sortie de terre. Principalement concentrés au port de Vannes, certains se déploient aussi au centre-ville. Et pour la première fois, une association d’habitants, Fleurs de Pavé, en a aussi réalisé un, de toute beauté, au pied de leurs logements, pour embellir leur quartier Nord-Gare et créer des liens entre voisins jardiniers !

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6 juillet 2020

À La Gacilly, l’Amérique latine à l’honneur du festival photo

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Le coup d’envoi du festival photo de La Gacilly (56) a été donné vendredi. Intitulé « Viva latina ! », il met à l’honneur l’Amérique du Sud.

« On s’est battu pour que le festival ne soit pas annulé… La programmation est réduite, il a été décalé d’un mois, mais il a bien lieu », savoure Jacques Rocher, le maire de La Gacilly. Il rappelle que les retombées de l’événement ont été calculées à 7 millions d’euros pour les commerçants, restaurants et artisans d’art de la cité morbihannaise.

De la forêt amazonienne aux profondeurs sous-marines

Derrière lui, place de la Ferronnerie, ce sont des portraits géants de femmes indigènes boliviennes, les Cholitas, réalisés par Luisa Dörr, qui accueillent les visiteurs. Longtemps mal vues dans leur pays, elles se sont battues pour l’émancipation des femmes. Un peu plus loin, d’autres portraits de femmes réalisés par la jeune Brésilienne montrent des Fallejas de Valence ou encore des habitantes des favelas à Rio. « Elles sont toujours présentées dans la dignité et la beauté », note Cyril Drouhet, le commissaire d’exposition.

Cette année, 19 expositions, toutes en extérieur, sont à découvrir dans les jolies ruelles, contre 26 initialement prévues. Une belle invitation au voyage. Avec Tomas Munita, on enfourche les chevaux des bagualeros, ces cow-boys de Patagonie, dans des décors de rêve. Avec Sebastião Salgado, on plonge dans une mine brésilienne avec des centaines de chercheurs d’or, en 1986, ni plus ni moins que « l’un des plus beaux reportages de photojournalisme jamais réalisés », selon Cyril Drouhet. Tout autre style avec l’Argentin Marcos Lopez, qui rejoue la Cène à sa façon, flashy et déjantée, autour d’un bon barbecue. Avec Carolina Arantes, on s’enfonce dans la forêt amazonienne, découvrant sur certaines images les ravages des incendies de l’été 2019.

Pour la première fois, un partenariat a aussi été noué avec l’Agence France Presse (AFP). Trois photographes installés en Amérique latine partagent leurs plus beaux clichés. On y voit notamment la photo d’un enfant passant clandestinement la frontière entre le Mexique et les États-Unis, qui valut à son auteur, Pedro Pardo, un prestigieux World Press en 2019. Si le thème de la biodiversité, également prévu pour cette 17e édition, a finalement été reporté à l’an prochain, il en reste tout de même quelques traces. Tortues, requins, mais aussi plancton… Greg Lecœur présente des photos marines de toute beauté.

Des collégiens bluffants !

Encadrées par des photographes professionnels, des classes de collégiens morbihannais réalisent aussi une exposition, présentée près des halles. Cette année, ils ont planché sur le thème « Diversité(s) », et le résultat est une nouvelle fois bluffant !

Enfin, le festival n’est pas qu’un passeport pour voyager. Il offre aussi un autre regard sur notre environnement. Ainsi, Emmanuel Berthier a posé son objectif dans les cinq réserves naturelles du Morbihan, de l’île de Groix aux Marais de Séné. Un travail au long cours, réalisé sur plusieurs mois, qui s’est poursuivi pendant le confinement : « Avec le Covid-19, j’étais complètement seul dans ces espaces. J’avais l’impression d’être dans un film post-apocalyptique ! »

Expositions gratuites, à découvrir jusqu’au 31 octobre 2020.

6 juillet 2020

Passeur Le Magouer

passeur le magueur

6 juillet 2020

La 5G trop gourmande en énergie ?

Article de Quentin Raillard

Le déploiement massif de la 5G, qui débutera en fin d’année en France, risque d’augmenter fortement la consommation d’énergie. Le chercheur Gauthier Roussilhe nous explique pourquoi.

1 La technologie digitale, un gouffre énergétique

En 2019, l’utilisation de la technologie digitale représentait 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Un chiffre qui pourrait passer à 6,7 % en 2040. Car cette technologie, gourmande en électricité, est produite à 10 % par des centrales thermiques (à 40 % dans le monde). La production d’appareils connectés est également consommatrice d’énergies primaires (gaz - charbon - pétrole). « Chaque année, 1,4 milliard de smartphones sont produits dans le monde, et leur durée de vie moyenne n’est que de 24 mois », rappelle Gauthier Roussilhe, designer et chercheur. Ce qu’il craint, c’est que le déploiement massif de la 5G entraîne de nouveaux usages toujours plus énergivores : streaming, réalité virtuelle, internet des objets…

2 Avec la 5G, plus de données… et donc plus d’énergie

Les défenseurs de la 5G insistent sur le fait qu’à usage constant, pour transférer le même volume de données, elle consomme moins d’énergie que la 4G. De plus, le progrès devrait permettre, à données égales, de diviser par dix la quantité d’énergie consommée en dix ans. « Ce qui est vrai, reconnaît Gauthier Roussilhe. Mais, avec la 5G, le trafic sera multiplié au minimum par 100. » Le chercheur n’hésite pas à faire un parallèle avec le plan Messmer, qui a orienté la France vers le tout-nucléaire : « À partir des années 1970, la France produisait trop d’électricité. L’État a alors promu de nouveaux usages, comme le chauffage électrique. On pourrait voir le même cas de figure avec la 5G, où de nouveaux usages vont être inventés pour légitimer son déploiement massif ».

3 D’autres habitudes plus économes

« Ce n’est pas parce qu’on émet des réserves sur la 5G que l’on veut s’éclairer à la bougie », s’amuse Gauthier Roussilhe. Lui-même n’y est pas fermement opposé : « Cette technologie aura forcément des usages utiles, dans un cadre précis. Mais je suis contre son déploiement massif. Il ne faut pas habituer le public à l’hyperconnectivité, en développant des usages dont on aura du mal à se défaire ensuite. » Il prend l’exemple des utilisateurs qui consultent des vidéos en streaming sur leur smartphone lors des trajets en transport en commun. « Le streaming consomme énormément d’énergie. On aurait dû habituer les utilisateurs à télécharger des vidéos depuis le réseau wifi domestique, pour les regarder ensuite ». En effet, il est plus économe de faire circuler des données via la fibre ou sa box internet qu’entre une antenne relais et un smartphone.

4 Vers un usage raisonné

Le 24 juin, la mission d’information du Sénat sur l’empreinte environnementale du numérique a publié un rapport qui préconise plusieurs recommandations (lire ci-dessous). Notamment encourager l’achat de matériel numérique reconditionné, ou interdire les forfaits illimités pour limiter la consommation de données, et donc d’énergie. Une bonne chose pour le chercheur : « Les sénateurs ont bien compris les enjeux. D’une manière générale, la France est l’un des pays qui débat le plus autour de la 5G, puisque les politiques, les opérateurs et la société civile s’emparent de ce sujet. »

Gauthier Roussilhe est l’auteur de « La controverse de la 5G », téléchargeable sur www.gauthierroussilhe.com

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