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Jours tranquilles à Paris

1 juillet 2020

Le Covid-19 creuse l’écart de niveau de vie entre actifs et retraités

Par Anne-Françoise Hivert, Malmö (Suède), correspondante régionale, Eric Albert, Londres, correspondance, Béatrice Madeline

La crise sanitaire a entraîné des baisses de revenus alors que les pensions n’ont pas été affectées.

La crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19 a déjà coûté, selon les estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiées vendredi 26 juin, 165 milliards d’euros à l’économie française, dont 14 milliards d’euros globalement supportés par les ménages.

Mais tous n’ont pas été touchés de la même manière : ce sont, pour l’essentiel, les actifs du secteur privé – perte d’emploi, chômage partiel – et les indépendants qui ont connu une perte de revenus. Conséquence, l’écart de niveau de vie avec les retraités devrait se creuser, les pensions n’ayant pas été affectées, selon une note publiée par le Conseil d’orientation des retraites (COR), le 11 juin. « Alors que leur niveau de vie relatif était égal à 105 % de celui de l’ensemble de la population avant l’épidémie, il grimperait à 110 % en 2020 », indiquent les experts dans ce document. En effet, la pension moyenne nette augmenterait de 1,2 % cette année, alors que la rémunération moyenne nette baisserait de 5,3 % par rapport à 2019.

« Cette situation résulte de la construction de notre système de retraite, dans lequel les pensions sont indexées sur l’inflation, explique un expert du COR. Lorsque, en période de crise, les salaires baissent, les retraités voient leur pouvoir d’achat protégé, mais, à l’inverse, en période de prospérité, quand les salaires augmentent, ils sont pénalisés. » Une situation comparable était survenue à l’issue de la crise de 2008-2009, lorsque les revenus du travail avaient baissé, favorisant de fait les pensions.

Les pertes de revenus ont concerné « environ 20 % des adultes »

« En période de récession, il est normal que les revenus des retraités soient protégés, réagit Denis Ferrand, directeur général de l’institut Rexecode. Mais cela pose tout de même la question du partage du coût de cette crise, notamment pour les plus précaires, qui en ont été les premières victimes. » « On impose à tous les citoyens de se confiner pour répondre à l’intérêt général – et pour protéger les plus âgés –, mais ce principe de précaution absolu n’a pas été accompagné d’un partage économique des coûts, renchérit Vincent Touzé, économiste à l’OFCE et spécialiste des questions de vieillissement. Peut-on accepter qu’il y ait un reste à charge de la crise pour certaines catégories de salariés, et qu’à l’inverse d’autres ne supportent aucun coût ? »

L’Observatoire des inégalités a fait les comptes : dans une note sur le bilan de la crise liée au Covid-19 publiée le 26 mai, l’organisme estime que les pertes de revenus ont concerné « environ 20 % des adultes : un peu plus de 10 millions de salariés au chômage partiel et 1 million d’indépendants, soit un total d’environ 11 millions de personnes dont le niveau de vie est affecté à des degrés très divers. (…) Les 80 % restants, c’est-à-dire la grande majorité de la population, ne doivent pas l’oublier. » Et l’Observatoire de souligner : « Le Covid-19 n’a pas frappé les revenus de tout le monde : l’immense majorité a été épargnée et a même épargné en se confinant. Elle a donc les moyens de faire un effort. »

La question de la participation des plus anciens

Alors que le projet de réforme des retraites, remisé le temps du confinement, resurgit en France, la question de la participation des plus anciens au financement de la crise pourrait venir sur le devant de la scène. D’autant que la crise du coronavirus aura aussi une incidence sur la future retraite des actifs d’aujourd’hui. La dégradation du marché du travail, la baisse des revenus et la hausse du chômage vont affecter le montant des pensions à venir. « Nous allons vers un affaiblissement du niveau moyen des retraites », confirme-t-on au COR.

Cette problématique n’est pas propre à la France. Dans deux pays, la participation des retraités au coût de la crise est déjà une réalité. Au Royaume-Uni, le gouvernement de David Cameron leur avait promis que les pensions d’Etat augmenteraient au moins autant que l’inflation, ou que la hausse moyenne des rémunérations, ou de 2,5 % – le plus élevé des trois chiffres étant retenu. Aujourd’hui, le débat porte sur la mise en place d’un dispositif moins favorable. En Suède, les pensions sont indexées sur les salaires. Trois fois déjà, en 2010, 2011 et 2014, ce mécanisme d’ajustement a conduit à une baisse. Et, en 2021, les retraites devraient reculer de 1,5 %, selon les prévisions de l’Agence nationale des pensions.

Quel serait le mécanisme possible en France ? « Est-ce qu’il faut utiliser l’outil de la CSG [contribution sociale généralisée], ou créer une surcotisation maladie pour les retraités, quitte à diriger ces recettes vers les hôpitaux ou le système de santé spécifiquement », s’interroge M. Touzé. L’idée de taxer les patrimoines, par le biais, par exemple, des droits de succession, pourrait également être creusée, selon lui, d’autant qu’ils contribuent largement à la transmission des inégalités.

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30 juin 2020

Presse ce 30 juin

presse 30 juin bis

presse 30 juin

30 juin 2020

Le président turc Erdogan à la reconquête de Sainte-Sophie

Par Marie Jégo, Istanbul, correspondante

Transformer l’ex-basilique byzantine d’Istanbul en mosquée s’inscrit dans la révolution culturelle qu’impose à la société turque le dirigeant islamo-conservateur.

LETTRE D’ISTANBUL

L’ex-basilique Sainte-Sophie d’Istanbul va-t-elle être transformée en mosquée ? La vieille tocade du président turc, Recep Tayyip Erdogan, est sur le point de devenir réalité. Il est vrai qu’ajouter une mosquée supplémentaire aux 84 684 déjà existantes en Turquie ne saurait attendre.

Taraudé par ce projet, le numéro un turc a demandé au Conseil d’Etat, la juridiction administrative suprême, de se prononcer sur l’opportunité d’annuler le décret ministériel du 24 novembre 1934 qui a permis la transformation de ce joyau de l’art byzantin en musée.

La décision sera annoncée le 2 juillet. Elle devrait aller dans le sens voulu par le chef d’Etat. « Si Dieu le veut, nous dirons la prière à Sainte-Sophie », a-t-il fait savoir, le 16 juin, lors d’une réunion de son parti de la Justice et du développement (AKP).

« Une grosse erreur »

Construite au VIe siècle à l’entrée du détroit du Bosphore, la basilique où furent couronnés les empereurs byzantins a été convertie en mosquée au XVe siècle, après la prise de Constantinople par le sultan Mehmet II. Sa transformation en musée, à l’époque de Mustafa Kemal Atatürk, est, selon une affirmation du président turc en 2019, « une grosse erreur » qu’il convient de réparer.

L’idée de rendre Sainte-Sophie au culte islamique n’est pas nouvelle. En 2017, M. Erdogan l’avait évoquée en réponse à la reconnaissance par le président américain, Donald Trump, de Jérusalem en tant que capitale de l’Etat hébreu. En 2019, alors que l’AKP apparaissait en mauvaise posture pour les municipales, il avait de nouveau caressé cette idée, espérant sans doute redorer son blason auprès de la frange la plus conservatrice de son électorat.

Les islamistes rigoristes militent depuis longtemps pour que la basilique et aussi l’église de Saint-Sauveur-in-Chora (« Kariye », en turc), une autre merveille du patrimoine byzantin à Istanbul, redeviennent des mosquées. Le statut de musée dont elles jouissent actuellement est selon eux un véritable affront aux décrets du calife qui interdisait de les utiliser autrement que pour le culte.

Manque à gagner touristique

Lentement, l’idée fait son chemin. Depuis 2016, un appel à la prière est d’ailleurs lancé deux fois par jour depuis les quatre minarets qui flanquent Sainte-Sophie dont la silhouette massive domine la péninsule historique d’Istanbul.

Convertir le site en mosquée pourrait avoir des conséquences sur son classement au Patrimoine mondial par l’Unesco. Il pourrait aussi affecter les recettes du ministère du tourisme qui engrange des sommes non négligeables grâce aux visites, la « grande église » étant le monument le plus prisé d’Istanbul, avec près de 4 millions de billets vendus chaque année.

Pour éviter ce manque à gagner, le monument pourrait servir à la prière le vendredi et conserver son statut de musée le reste de la semaine. Preuve que le changement voulu relève davantage de l’affichage populiste que de la prise en compte d’un « souhait ardent » de la population, comme l’assure l’AKP, enquête d’opinion à l’appui.

Selon un récent sondage commandé par le parti présidentiel, « 90 % de l’électorat AKP-MHP », soit la coalition islamo-nationaliste qui gouverne la Turquie, est favorable à la transformation de Sainte-Sophie. L’opposition parlementaire est pour. D’après ce même sondage, les partisans du Bon parti (nationaliste) y sont favorables à 70 % tandis que 40 % des kémalistes du Parti républicain du peuple (CHP) l’approuvent.

Ceux qui ne sont pas d’accord sont invités à se taire. Pour avoir rappelé que l’ex-basilique faisait partie du « patrimoine commun à toute l’humanité », Ibrahim Kaboglu, député du CHP, s’est attiré les foudres du porte-parole de l’AKP, Ömer Çelik, excédé par ce qu’il a décrit comme « un manque de respect envers les valeurs et la culture turques ».

« Briser les chaînes de Sainte-Sophie en l’ouvrant à la prière est notre souhait commun. Cela répond à la volonté du sultan conquérant Mehmet II », a expliqué Abdulhamit Gül, le ministre de la justice.

Réinterprétation de l’histoire

Féru d’histoire, le président Erdogan n’a aucun mal à s’identifier aux sultans ottomans, surtout au « Conquérant » dont il est prêt à enfourcher le cheval pour renforcer sa popularité déclinante dans les sondages. « Briser les chaînes », « se débarrasser de la laisse » que l’Occident a passée au cou des Turcs lors de la fondation de la République, en 1923, sont les références cultes des islamo-conservateurs.

Une vaste réinterprétation de l’histoire est à l’œuvre. Selon le nouveau roman national, les partenaires occidentaux de la Turquie, aidés par ces ennemis internes que sont les Kurdes séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les « fethullahci », les partisans de l’imam Fethullah Gülen, n’aspirent qu’à sa perte.

Une fois la décision actée par le Conseil d’Etat, une grande prière collective sera organisée à Sainte-Sophie le 15 juillet, le jour des commémorations de l’échec de la tentative de coup d’Etat de 2016 dont la paternité est attribuée au prédicateur Gülen par Ankara.

Célébré chaque année, le putsch raté sert de marqueur à la révolution culturelle que M. Erdogan veut imposer à sa population. Le 15 juillet 2019, l’accent avait été mis sur l’acquisition des missiles antiaériens russes S-400, devenus le symbole d’une Turquie désireuse de prendre ses distances avec l’Occident.

Cette année, la religion sera brandie comme un trophée. « Sainte-Sophie est une propriété de la République de Turquie, elle a été conquise ! », a cru bon de rappeler Mevlüt Çavuşoğlu, le chef de la diplomatie turque, en réponse aux protestations de la Grèce. Ressassé à l’envi ces jours-ci, le thème de la « conquête » est décidément d’actualité, s’appliquant aussi bien aux monuments d’Istanbul qu’aux visées expansionnistes turques en Méditerranée.

30 juin 2020

Save the date...

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30 juin 2020

Iris Brosch

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30 juin 2020

Le Cirque du Soleil

Le cirque du Soleil déclare faillite. L’une des « marques du Québec les plus reconnaissables à l’étranger », note la chaîne CBC, est en danger en raison du coronavirus. La pandémie a obligé la troupe à annuler des dizaines de spectacles à travers le monde et à licencier quasiment l’intégralité de ses 3 500 employés.  “Avec zéro revenu depuis l’arrêt forcé de tous nos shows, la direction a dû agir pour protéger l’avenir de l’entreprise”, a commenté le président Daniel Lamarre dans un communiqué publié lundi. CBC précise que le Cirque du Soleil était endetté à hauteur de 900 millions de dollars américains avant le début de l’épidémie.

30 juin 2020

Fanny Müller

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30 juin 2020

LIBERATION - Emplois fictifs : les Fillon prennent cher au tribunal

Par Renaud Lecadre, Photo Marc Chaumeil 

Malgré les polémiques de ces derniers jours sur le Parquet national financier, les juges ont tranché lundi sur le fond de l’affaire qui a pollué la dernière présidentielle : l’ex-candidat et son épouse ont été condamnés. Il a écopé de cinq ans de prison, dont deux ferme, pour détournement de fonds publics. Le couple a fait appel.

Humiliation pour François Fillon, crucifié en place publique, condamné lundi après-midi pour détournement de fonds publics à cinq ans de prison dont trois avec sursis, et dix ans d’inéligibilité. Le tribunal correctionnel lui aura infligé une rude leçon de morale publique : «François Fillon, élu de la nation, a manqué à son devoir d’exemplarité et de probité, contribuant à éroder la confiance des citoyens.»

Il est évidemment question des emplois plus ou moins fictifs de la famille Fillon. Non seulement ceux de sa désormais célèbre épouse, Penelope, mais aussi ceux de ses deux enfants, tous rémunérés sur fonds publics, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour des tâches parfois très accessoires. Le jugement insiste sur ce point : «Leur rémunération absorbait l’essentiel de son enveloppe de rémunération de collaborateurs parlementaires.» Et de quantifier le phénomène : 5 588 euros par mois dans la poche de la famille Fillon - sa fille, accessoirement collaboratrice parlementaire, rétrocédant à son paternel ses émoluments pour financer les travaux de rénovation de son manoir dans la Sarthe.

Au plan plus procédural, cette constatation : dans les attendus du tribunal correctionnel, pas le moindre mot ou phrase sur les vices de procédure soulevés dans la dernière ligne droite par les avocats de la défense, sous couvert de polémique, aussi récente que lancinante, sur la conduite de l’affaire par le Parquet national financier (PNF).

Un malheur n’arrive jamais seul

C’est pourtant peu dire que le microcosme médiatico-politico-judiciaire en faisait des tonnes depuis quelques jours, prophétisant un report du jugement Fillon… Que nenni : à lire ou entendre les juges correctionnels, cette polémique n’existerait tout simplement pas. Ils ont osé juger au fond, au risque de reporter (en appel, en cassation, voire devant la Cour européenne des droits de l’homme) l’examen d’éventuels vices de forme. Fluctuat nec mergitur, bien que les avocats de la défense aient dénoncé une procédure pénale «plus politique que juridique», en pleine campagne présidentielle de 2017, ayant flingué la candidature Fillon - une candidature qu’on lui aurait «volée», selon ses thuriféraires. Et peu importe qu’Emmanuel Macron ait récemment saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en vue de vérifier que «le PNF a bien mené son enquête en toute sérénité, sans pression».

Place donc au(x) fond(s) de l’affaire. Outre les peines de prison, deux ans ferme pour François, donc, trois ans avec sursis pour Penelope, trois ans avec sursis pour l’ex-suppléant local Marc Joulaud (défait dimanche en son fief électoral de Sablé-sur-Sarthe, un malheur n’arrivant jamais seul), la véritable sanction est donc financière. Soit 375 000 euros d’amende pour chacun des époux Fillon. Ils y pourvoiront aisément, François, dans son actuel job à la banque d’affaires Tikehau Capital, émargeant à quelque 350 000 euros par an selon France 2, plus 100 000 euros de retraite parlementaire. En sus, le tribunal correctionnel a condamné les trois prévenus à verser solidairement plus d’un million d’euros de dommages et intérêts à l’Assemblée nationale. On notera juste que celle-ci, actuellement sous direction macroniste, s’était volontiers constituée partie civile, quand bien même la défense de Fillon, soucieuse d’élargir la problématique, voire le spectre pénal, avait déposé une demande d’acte pour recenser le nombre de parlementaires employant des membres de leur famille. Demande refusée, mais un administrateur du Sénat avait tout de même indiqué qu’en 2006, 91 des 330 sénateurs en employaient un.

«Conforté par un sentiment d’impunité»

Il n’empêche. Tous n’ont pas poussé le bouchon aussi loin que Fillon, jusqu’au million sur quinze ans. Le jugement correctionnel insiste sur ce point : «François Fillon a sciemment employé sa femme et ses enfants, dans l’incapacité de travailler à temps plein à son profit.» Comme on pouvait s’en douter, certains attendus sont sévères pour Penelope : ses prestations d’assistante parlementaire ont été jugées «fictives ou surévaluées» et «rien ne vient démontrer une quelconque réalité» de son job de conseillère littéraire à la Revue des deux mondes. L’accusation avait tout juste pointé, au fil des années, quelques interventions ponctuelles relevant de ses dadas : la botanique, le hippisme ou les chants grégoriens - mais aussi les pistons locaux, puisqu’elle recevait les doléances en son manoir de Solesmes.

Le PNF, très accusatoire, admet avoir «bousculé les habitudes judiciaires», fût-ce en pleine campagne présidentielle. Dénonçant un responsable politique «conforté par un sentiment d’impunité, enfermé dans ses dénégations, persistant dans un comportement lucratif». Le jugement correctionnel rendu lundi ne dit pas autre chose, quoiqu’en des termes moins polémiques : «François Fillon a élaboré et mis en place […] une organisation lui permettant de détourner à son profit personnel la quasi-totalité du crédit collaborateur mis à sa disposition par l’une ou l’autre des assemblées», à des fins personnelles ou familiales, «contribuant à éroder la confiance des citoyens». D’appel en cassation, François Fillon étant de nouveau présumé innocent, l’affaire n’a pas fini d’empoisonner le microcosme politico-juridico-financier. Pour le meilleur ou pour le pire.

30 juin 2020

Albert Watson

albert watson33

30 juin 2020

Détournement de fonds publics : deux ans de prison ferme pour François Fillon

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Par Henri Seckel

Penelope Fillon, l’épouse de l’ancien premier ministre, a été jugée lundi complice et condamnée à trois ans de prison avec sursis. Le couple a fait appel.

Les contrats de Penelope Fillon n’avaient « aucune consistance ». En tant qu’assistante parlementaire auprès de son mari, François Fillon (1998-2002 puis 2012-2013), et du suppléant de celui-ci, Marc Joulaud (2002-2007), lorsqu’ils étaient députés, « elle n’a jamais effectué de réelles prestations de travail, en tout cas rien qui aurait pu justifier la rémunération perçue ». Son emploi au sein de la Revue des deux mondes en 2012-2013 ? « Une embauche de complaisance destinée à apporter un complément de revenus au couple Fillon » au moment où l’ancien premier ministre quittait Matignon, et les émoluments qui allaient avec.

La 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris a répondu clairement, lundi 29 juin, à la question qui se trouvait au cœur du procès Fillon : non, Penelope Fillon n’a pas mérité les 612 592 euros net qu’elle a perçus en tant qu’assistante parlementaire, pas plus que les 78 885 euros net en tant que conseillère littéraire. Les 46 235 euros net touchés en 2006 et 2007 et reversés en partie à leurs parents par Marie et Charles Fillon – qui n’étaient pas renvoyés devant le tribunal – au titre de leur contrat d’assistant parlementaire de leur père, alors sénateur de Paris, sont apparus tout aussi injustifiés.

Instigateur de ces lucratifs délits, François Fillon, 66 ans, a été condamné à cinq ans de prison, dont trois avec sursis, pour détournement de fonds publics (1998-2002, 2006-2007, 2012-2013) complicité de ce délit (2002-2007), et complicité d’abus de bien sociaux (2012-2013). Une amende de 375 000 euros et dix ans d’inéligibilité ont par ailleurs été prononcés à l’encontre de l’ancien patron de l’UMP, retiré de la vie politique depuis trois ans.

Cinq premiers ministres de la Ve République avaient déjà comparu devant un tribunal, aucun n’avait subi pareille sanction judiciaire – qui correspond aux réquisitions du Parquet national financier (PNF).

Penelope Fillon, 64 ans, a été condamnée pour complicité ou recel des mêmes délits à trois ans de prison avec sursis, 375 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité – alors qu’elle vient d’être réélue conseillère municipale à Solesmes (Sarthe).

Marc Joulaud, 52 ans, a été condamné pour détournement de fonds publics à deux ans de prison avec sursis, 20 000 euros d’amende avec sursis, et cinq ans d’inéligibilité – il vient de perdre la mairie de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe) mais a été élu au conseil municipal.

Un million d’euros d’indemnisation pour l’Assemblée nationale

Les salaires indûment perçus par le couple, tous délits confondus, s’élèvent à 737 713 euros net sur une période de onze ans, soit 5 588 euros par mois. Le total du détournement de fonds publics – salaires et charges versés par l’Assemblée nationale et le Sénat – s’élève à 1 155 701 euros, dont 1 054 000 au préjudice de la première, qui s’était constituée partie civile et a obtenu gain de cause : François Fillon, Penelope Fillon et Marc Joulaud ont été condamnés à lui rembourser solidairement cette somme.

Moins d’une semaine avant ce jugement prononcé au pas de charge, les propos de l’ancienne patronne du PNF Eliane Houlette au sujet de « pressions » qu’elle aurait subies en 2017 dans le cadre du dossier Fillon avaient amené la défense de l’ancien premier ministre à réclamer « la réouverture des débats ».

Lundi, cette demande et l’agitation médiatique qu’elle a suscitée ont été balayées en deux phrases par la présidente du tribunal Nathalie Gavarino, à peine installée sur son siège : « Le tribunal a été destinataire de deux notes en délibéré de la part de la défense des prévenus. Le tribunal va rendre son jugement. » Aucun commentaire. Débats refermés avant même d’avoir été rouverts.

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Il faudra pourtant les reprendre à zéro : les trois prévenus ont interjeté appel. Si la peine de deux ans ferme à l’encontre de François Fillon est confirmée, il effectuera forcément un passage en prison, le seuil d’aménagement ayant été abaissé de deux à un an par la réforme entrée en vigueur le 24 mars. En attendant, les condamnations sont suspendues. Aucun mandat de dépôt n’ayant été prononcé contre l’ancien premier ministre, il restera libre jusqu’au second procès.

Explications laborieuses

Penelope Fillon devra s’y montrer plus convaincante. Ses explications laborieuses en février et mars à la barre, où elle avait évoqué mollement des tâches insignifiantes auprès de son époux dont elle était censée être « les yeux et les oreilles » dans la Sarthe lorsqu’il était retenu à Paris, ont laissé le tribunal insensible : « La contribution de Mme Fillon ne dépassait pas la transmission physique du courrier, quelques anecdotes personnelles, et la présence à des manifestations locales, c’est-à-dire un soutien qu’elle avait décidé d’apporter à la carrière politique de son mari. Il n’est pas contesté qu’elle s’intéressait à la circonscription (…) mais rien ne démontre qu’elle ait eu un rôle dans le traitement des dossiers. »

Quant à celui tenu entre 2002 et 2007 auprès du fidèle bras droit de son époux, Marc Joulaud, rôle présenté par ce dernier comme « indispensable » pour lui permettre de s’implanter dans la 4e circonscription de la Sarthe où il venait d’être élu député, « ni le dossier ni l’audience n’ont permis de mettre au jour les tâches que Penelope Fillon aurait effectuées dans le cadre de ce contrat ».

Si le jugement égratigne Penelope Fillon et Marc Joulaud, qui ont commis des délits « en toute connaissance de cause », il rappelle qu’aucun d’eux n’est à l’initiative des contrats signés, et accable François Fillon. C’est lui seul qui « a élaboré et mis en place, au travers de l’emploi de son épouse et de ses enfants, soit par lui-même, soit par son suppléant, une organisation lui permettant de détourner à son profit personnel la quasi-totalité du crédit collaborateur mis à sa disposition par l’une ou l’autre des assemblées ». C’est lui seul qui « a obtenu un emploi pour son épouse grâce à sa relation amicale avec Marc Ladreit de Lacharrière », propriétaire milliardaire de la Revue des deux mondes condamné en 2018 pour abus de biens sociaux.

« Devoir de probité »

Le jugement du tribunal appuie là où ça fait mal en rappelant « le devoir de probité » auquel le candidat malheureux à la présidentielle 2017 a manqué, lui qui détournait de l’argent « tout en prenant une part active à la vie publique à un très haut niveau de responsabilité, et en prônant un comportement exemplaire (…). En faisant prévaloir son intérêt personnel sur l’intérêt commun, il a contribué à éroder la confiance que les citoyens placent en ceux qu’ils élisent pour agir en leur nom et en ceux qui les gouvernent. »

François Fillon a quitté le tribunal sans un mot derrière son masque chirurgical. Son avocat, Antonin Levy, a dénoncé une décision « qui n’est pas juste » : « Il y aura un nouveau procès. C’est d’autant plus nécessaire que, depuis quelques jours, on commence enfin à comprendre ce que nous pressentons depuis 2017 : les conditions ubuesques dans lesquelles cette enquête s’est déclenchée, les conditions scandaleuses dans lesquelles cette instruction a été ouverte, les conditions surprenantes dans lesquelles les investigations se sont ensuite conduites. » C’est face au parquet général de Paris, celui-là même dont Eliane Houlette a dénoncé les « pressions », que le second procès Fillon aura lieu.

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