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Jours tranquilles à Paris

1 juin 2020

Douglas Kennedy : « Tous les scénarios hypothétiques ne font qu’alimenter l’incertitude du moment »

Tribune

Par Douglas Kennedy, Ecrivain

Comment écrire sur quelque chose dont on ignore encore les répercussions à long terme ? s’interroge le romancier américain. Dans ce grand inconnu, le sentiment de perte prédomine, estime-t-il dans une tribune au « Monde ».

C’est le début de la dixième semaine de confinement… et j’écris ces lignes à précisément 4 h 46 du matin. Mes insomnies s’aggravent. En période pré-Covid, j’avais en général une ou deux mauvaises nuits par semaine. Désormais, après soixante-trois jours de ce marathon confiné, je me réveille presque toutes les nuits au bout de trois ou quatre heures d’un sommeil agité, incapable de sombrer à nouveau dans ses profondeurs inconscientes. Alors, je me lève, je me fais une tisane, et je monte dans mon bureau pour écrire quelques heures. Ce matin, une idée m’a frappé : je suis en train de devenir un témoin expert de ce moment où la nuit s’ébroue et où une nouvelle aube s’étend sur ce coin de la Nouvelle-Angleterre que je considère comme chez moi.

Les écrivains sont bien sûr de notoires insomniaques. Charles Dickens arpentait la suie ténébreuse des nuits du Londres victorien avec une régularité quotidienne. Franz Kafka passait fréquemment plusieurs jours d’affilée sans dormir. Francis Scott Fitzgerald a écrit un essai (publié après sa mort) dans lequel il décrit la souffrance que lui procurait chaque jour la crainte que son esprit ne succombe pas au sommeil. Parmi mes camarades romanciers, le « syndrome de la nuit blanche » est presque un titre de fierté. Comme l’a dit ce barde de la mélancolie moderne, Leonard Cohen, « le dernier refuge de l’insomniaque est son sentiment de supériorité sur le monde endormi ».

Mais en ce moment, à peu près tous les gens que je connais ont des problèmes de sommeil. Des amis avocats. Des amis médecins. Des amis professeurs d’université. Des amis anciens golden boys à Wall Street. La femme qui m’a coupé les cheveux l’autre jour, ici, dans le Maine (où les coiffeurs ont été déclarés « services essentiels » et ont pu rouvrir… avec masques obligatoires pour tout le monde). Tous m’ont parlé de leurs insomnies. Même Rob, le fumeur de joints du dispensaire d’Etat local où j’achète légalement de la marijuana (et qui possède vraiment tous les outils à base de plantes pour assommer sa clientèle la nuit), m’a confié : « Mec, rien de ce que je fume n’arrive à mettre mon cerveau en veille très longtemps ces jours-ci. C’est comme si, avec ce virus, on était tous surcaféinés. »

Peur et dépression

J’ai approuvé la métaphore, et l’ai même répétée à une amie australienne à l’autre bout du monde tard ce soir-là durant notre coup de fil hebdomadaire. Comme nous sommes tous largement isolés les uns des autres en ce moment (et empêchés de nous déplacer à part sur de courtes distances), le téléphone ou les appels sur Skype sont devenus les canaux indispensables du lien humain. Je passe une bonne partie de l’année en voyage. Ou, du moins, c’est ainsi que je vivais jusque-là. A présent, les frontières étant fermées, je suis au téléphone une heure par jour avec un ami dans un endroit de la planète qui n’était autrefois qu’à un saut de puce en avion, mais qui est devenu une contrée reculée.

Ma copine australienne – une cinéaste avec qui je suis ami depuis plus de trente ans – est parmi les gens les plus robustes psychologiquement que je connaisse. Pourtant, même elle confie devoir lutter contre des moments d’abattement croissants. Quant aux gens autour de moi qui sont dans des relations de couple bancales ou dans des familles à problèmes, le confinement s’apparente pour eux à cette vision de l’intimité quotidienne digne d’August Strindberg [le dramaturge suédois, 1849-1912] : un supplice en forme d’impasse sans issue possible… car il n’y a en effet nulle part d’autre où trouver refuge.

Dans cette intelligente revue culturelle et politique en ligne qu’est The Daily Beast, j’ai lu un article sur les raisons pour lesquelles les gens souffrant d’anxiété ou d’attaques de panique s’en sortaient souvent mieux sur le plan psychologique pendant cette pandémie. Un psychologue interviewé pour l’occasion expliquait : « Une grande partie de l’anxiété tient à l’appréhension de l’inconnu, l’inquiétude qu’une chose grave se produira inévitablement. » Mais depuis le Covid-19, « beaucoup de gens disent : “Cette chose terrible est arrivée”, donc, à bien des égards, vous n’êtes plus dans un état d’appréhension. »

La « chose terrible » est en fait en train de se produire en ce moment. Pas étonnant (comme le faisait remarquer un autre psychologue cité dans le même article) que ceux qui ont passé une bonne partie de leur vie à négocier ce sombre labyrinthe qu’on appelle la dépression se disent : maintenant, tous les gens du monde non déprimé ont un aperçu de ce à quoi ressemble mon monde intérieur.

L’anxiété est, bien sûr, un des attributs de la condition humaine. De même que la peur ; la crainte que nous avons tous d’un effondrement individuel et collectif, telle que l’exprima magnifiquement le poète irlandais William Butler Yeats [1865-1939] dans un de ces plus célèbres poèmes, The Second Coming [Traduction d’Yves Bonnefoy] :

Tout se disloque. Le centre ne peut tenir.

L’anarchie se déchaîne sur le monde

Comme une mer noircie de sang : partout

On noie les saints élans de l’innocence.

Un moment révélateur

Une crise est toujours, d’une manière ou d’une autre, un moment révélateur. Tout drame, depuis la Grèce antique, est d’une certaine façon ancré dans la notion aristotélicienne de « catharsis ». Comme l’écrivait le philosophe : « La fonction de la tragédie est de provoquer une clarification (ou illumination) par une catharsis de la pitié et de la peur. » La catharsis est aussi devenue une composante essentielle de la psychanalyse freudienne : l’idée d’une révélation émergeant de toutes les choses refoulées ou escamotées dans nos psychés individuelles. Mais cette pandémie est un événement mondial, qui soulève donc une question romanesque intéressante : que devient la catharsis que nous associons d’ordinaire avec le récit de fiction quand nous traversons une période d’incertitude aussi absolue ?

L’ambiguïté est le terrain de jeu favori des écrivains. Quand, par exemple, je construis un personnage et/ou un dilemme moral dans un de mes romans, j’essaie toujours d’éviter les certitudes. Car en littérature (comme dans la vraie vie) on ne peut pas adopter la mentalité d’un western de série B : les méchants en chapeaux noirs, les gentils en chapeaux blancs. Aussi tous les écrivains naviguent-ils dans cette zone grise opaque entre ces extrémités manichéennes, et ils perçoivent donc les nuances subtiles et les ressorts psychologiques complexes derrière chaque interaction humaine.

Et si, au bout du compte, le plus grand mystère de la vie est soi-même, alors toute la dynamique de la catharsis dans n’importe quel récit de fiction est liée à l’idée d’une sorte de prise de conscience issue d’un dénouement aux effets purificateurs ou révélateurs. Othello se trouve confronté à sa monstrueuse jalousie meurtrière – et à sa manipulation par Iago – avant de mourir. La dépression finale d’Emma Bovary s’exprime dans une folle frénésie d’achats, et cette accumulation de dettes, ajoutée à une nouvelle déception amoureuse, l’informe en sous-texte qu’elle ne pourra que continuer à vivre sa petite vie étriquée dans son petit village étriqué, aux côtés de son barbant médecin de mari. C’est cette catharsis qui la pousse à se procurer de l’arsenic…

Etrange nouvelle réalité

Or, malgré quelques timides signes de déconfinement, la vérité est que nous sommes tous encore aux prises avec le grand inconnu. L’économie mondiale a été totalement déstabilisée. Cette dépression laissera dans son sillage d’immenses dégâts personnels, notamment dans les pays (comme les Etats-Unis) où il n’existe pas de vrai filet de sécurité social. La montagne de dettes pour les particuliers sera colossale.

Ce qui pose des questions à nombre d’entre nous : vais-je perdre ma maison ? A cause du carnage économique et commercial, vais-je perdre ma source de revenus ? Pourrons-nous jamais revoyager tranquillement ? Retrouverons-nous un jour le mode de vie que nous prenions tous autrefois pour notre normalité quotidienne ? Comme l’écrivait le romancier anglais L. P. Hartley [1895-1972] au début de son chef-d’œuvre Le Messager (adapté à l’écran par Joseph Losey) : « Le passé est un pays étranger : on y fait les choses autrement qu’ici. » Le monde dans lequel nous existions jusqu’à la semaine du 9 mars 2020 – quand la planète a commencé à se mettre à l’arrêt – est-il désormais ce pays étranger ?

Je ne suis ni grand clerc, ni savant, ni futurologue. Et l’un des grands truismes de cette épidémie est que nous entendons tous les jours des voix disparates nous brosser différents portraits de la vie après le Covid-19… ou du moins de la vie avec le Covid-19, si, par hasard, il ne s’évaporait pas de lui-même dans la nature. Tous ces scénarios hypothétiques ne font qu’alimenter l’incertitude du moment.

De même que les nombreuses consignes divergentes sur les choses à faire ou ne pas faire quand, par exemple, on se ravitaille au supermarché. J’ai des amis qui laissent une nuit entière dans leur garage toutes les denrées qu’ils ont achetées avant de leur faire franchir le seuil de la cuisine afin d’éliminer toute toxicité potentielle. Un de mes amis, photographe de jazz à New York, n’est pas sorti de son petit appartement depuis le 12 mars car il est germophobe. On m’a dit que le port du masque était une précaution indispensable. On m’a aussi dit que les masques n’étaient pas d’une grande utilité contre le virus. Et la dernière fois que j’ai serré la main de quelqu’un… ?

« EN ATTENDANT, NOUS SOMMES PLONGÉS DANS UN CURIEUX ÉTAT DE CHUTE LIBRE »

La vérité est que nous n’avons pas la moindre idée de la façon dont va évoluer cette étrange nouvelle réalité que nous partageons tous. En attendant, nous sommes plongés dans un curieux état de chute libre. Plusieurs lecteurs m’ont demandé si je songeais à écrire un roman sur ce moment de confinement. Ma réponse : comment quiconque pourrait écrire sur quelque chose dont il ignore encore les répercussions à long terme ?

Kierkegaard avait raison en disant : « La vie doit être vécue en regardant vers l’avenir, mais elle ne peut être comprise qu’en se retournant vers le passé. » Sauf que cette compréhension ne peut advenir qu’avec un certain recul par rapport aux événements eux-mêmes. Par conséquent, nous ne saurons pas avant un bon bout de temps de quelle manière tout ça nous aura changés.

Peurs intimes

Et pendant ce temps, c’est un sentiment de perte qui prédomine. Nous ruminons tous sur les choses qui, jusqu’à très récemment, nous procuraient un centre d’intérêt, du plaisir et un sentiment d’appartenance. Je suis un fana de jazz et de musique classique. J’ai entendu des rumeurs disant que nombre de mes clubs de jazz new-yorkais préférés ne survivraient pas financièrement à l’épidémie. Manhattan sans le Village Vanguard (peut-être le meilleur club de jazz au monde) ? Impensable. Pourtant, ça pourrait arriver. J’espère que les salles de jazz que je fréquente quand je suis à Paris – le Sunset-Sunside, le Duc des Lombards, le Baiser salé, le New Morning – rouvriront bientôt leurs portes. On verra bien…

Je me demande aussi quand je pourrai de nouveau écouter un concert au Théâtre des Champs-Elysées ou à la Philharmonie [à Paris]. Ou un récital de musique de chambre Salle Gaveau. Mes chers cinémas d’art et d’essai de la rue Champollion vont-ils tous s’en sortir ? Et même si beaucoup de mes lieux culturels favoris rouvrent, le paysage social de la vie quotidienne aura-t-il changé au point de dissuader les gens de passer une soirée au cinéma ? Ou de s’asseoir avec 1 500 autres spectateurs dans une salle de concert ou de théâtre ?

Encore une fois, je n’ai pas de réponse à ces inquiétudes. Je sais aussi qu’elles sont très personnelles, enracinées dans les passions intimes qui m’aident à contrebalancer les aspects plus durs de la vie. J’ai un ami qui est un fervent supporteur du Liverpool Football Club et qui avait des trémolos dans la voix en se demandant tout haut s’il reverrait jamais un match dans un stade bondé… ou si son club remporterait la Premier League, qu’il était clairement sur le point de rafler pour la première fois depuis trois décennies quand le championnat a été suspendu. N’avons-nous pas tous peur de perdre ces plaisirs qui contribuaient à donner du sens à nos vies particulières ?

« SI UNE PETITE PART DE NOTRE CONDITION HUMAINE APPRÉCIE LE FRISSON DE L’INSTABILITÉ, LA GRANDE MAJORITÉ D’ENTRE NOUS A BESOIN D’UNE CERTAINE ASSURANCE POUR AVANCER JOUR APRÈS JOUR »

Pendant ce temps, on sent bien que la catharsis post-Covid n’est pas pour demain ; que nous traversons tous une terra incognita dans laquelle le dénouement demeure incertain. Lors de brefs moments d’optimisme, je me dis que, dans le monde de l’après-pandémie, les villes redeviendront plus abordables, qu’il y aura une fantastique explosion de créativité et que l’intense capitalisme monoculturel qui a tant asséché la vie ces dernières décennies vacillera. Mais, dans des moments de pessimisme avant l’aube, je me demande aussi si nous ne fonçons pas tout droit vers le totalitarisme.

Le romancier en moi pourrait imaginer bien des troisièmes actes possibles en conclusion du drame que nous partageons tous. Mais ce serait un exercice de pure spéculation. Et même si une petite part de notre condition humaine apprécie le frisson de l’instabilité, la grande majorité d’entre nous a besoin d’une certaine assurance pour avancer jour après jour. Or, pour l’instant, c’est l’incertitude qui définit l’horizon immédiat. Pas étonnant que l’insomnie – la mienne, la vôtre – gagne du terrain.

(Traduction de Julie Sibony.)

Douglas Kennedy est écrivain. Son nouveau roman, Isabelle, l’après-midi (312 pages, 22,90 euros), paraîtra aux éditions Belfond le 4 juin.

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1 juin 2020

Nicolas Guérin - photographe

guerin22

1 juin 2020

"J’ai eu peur que la culture soit sacrifiée"

Julie Gayet ne manque pas de projets. Si certains ont été repoussés en raison de la crise sanitaire, aucun n’a été définitivement arrêté.

Entretien

Comment avez-vous vécu ces semaines de confinement ?

Comme tout le monde, ça a d’abord été un choc, une sidération. Mais je ne suis pas d’une nature profondément angoissée. J’étais juste fataliste devant les longues semaines qui nous attendaient et dans l’incapacité totale de me projeter au-delà du lendemain. Sauf que comme chef de ma petite entreprise qui connaissait la crise, j’ai dû très rapidement me confronter à des questions très concrètes : gérer le chômage partiel des différents salariés, les relations avec notre banque, la possibilité de décaler les paiements des loyers…

Est-ce que le confinement a mis en danger voire arrêté définitivement certains de vos projets ?

Ça a figé des choses. Mais rien n’a été abandonné. Comme beaucoup, les réunions en visioconférences sont de nouveau mon quotidien. Et ce confinement m’a fait pleinement prendre conscience combien producteur est un métier d’échanges permanents.

C’est-à-dire ?

On coordonne, on intervient à tous les niveaux, on met en contact les uns et les autres. Seul, on n’est rien ! Parler et se voir est notre quotidien et cette période a enlevé de la fluidité à tout cela. Mais il faut aussi se jouer des contraintes. Donc à Rouge International, ma société de production, on a pris le parti de développer le plus possible de scénarios grâce à des échanges permanents avec les auteurs.

Est-ce que certains de vos tournages ont dû être repoussés ?

Oui, celui du Grand marin, le premier long-métrage de Dinara Droukarova, adapté du roman multiprimé de Catherine Poulain. Ce récit, qui se déroule en pleine mer, devait se tourner dans le Grand Nord du Québec. Or, non seulement la pêche a été arrêtée mais tout le territoire a évidemment été confiné, donc ils ne sont pas prêts à voir des étrangers débarquer chez eux.

Quel est le coût du temps perdu ?

Il se chiffre à 10 % du budget, une somme importante pour une petite structure comme la nôtre. On aurait pu donc se poser la question de tout arrêter. Mais on a choisi de continuer. Même si tout est encore en suspens, car le Québec ne donnera les règles pour la reprise des tournages que la semaine prochaine. En fait, ce confinement a été un exercice de réinvention permanente. Pour chaque projet, on faisait des plans A, B, C, D… Et on s’adaptait et se réadaptait jour après jour.

Avez-vous eu le temps pour des loisirs, en parallèle ?

Pas vraiment. Sauf regarder des films, parce qu’aller en voir en salle me manquait tellement. Je me suis fait une cure de classiques : Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil, Les Grandes gueules de Robert Enrico avec Bourvil et Lino Ventura. Et comme je suis en train de travailler à la création des Sœurs Jumelles, les premières Rencontres Internationales de la musique à l’image de Rochefort, qui se dérouleront en ligne via une plateforme numérique du 25 au 27 juin, j’ai aussi vu ou revu énormément de films dont les BO sont composées par le merveilleux François de Roubaix (Les Aventuriers…)

Est-ce que revenir faire votre métier d’actrice sur un plateau avec les nouvelles normes sanitaires et la distanciation que cela implique vous inquiète ?

Je devais tourner en mars une série pour TF1 et Netflix, Une mère parfaite, de Fred Garson, avec Tomer Sisley. Là encore, tout a évidemment été repoussé et on semble parti pour le 15 septembre. Juste avant, je devrais jouer début août dans C’est quoi ce papi ? !, la suite de C’est quoi cette famille ? ! et de C’est quoi cette mamie ? !, avec évidemment Chantal Ladesou. Et l’idée de revenir sur un plateau ne me fait absolument pas peur mais au contraire mourir d’envie. Je viens de faire une séance photo pour un magazine avec des maquilleurs et des coiffeurs, dont le travail n’est évidemment pas facilité par le port de masques et la distanciation. Mais eux comme moi étions tellement heureux de refaire nos métiers que cela balaie tout le reste.

La peur de la crise économique et sociale est en passe de supplanter celle liée à la crise sanitaire. Le monde du cinéma va-t-il pâtir de cet arrêt forcé ?

Je suis persuadé que le public reviendra en salles : les films leur redonneront cette envie. Mais, plus largement, pour rebondir, on doit enfin s’attaquer au fameux chantier de la chronologie des médias et ouvrir réellement les discussions avec les plates-formes comme Netflix et Amazon. Et ce, afin que tout le monde puisse participer à la vie de notre cinéma, avec les mêmes règles du jeu, concernant notamment la question des droits des auteurs. Ce mouvement peut faire partie des aspects positifs nés de ce moment singulier. Plein de choses se sont accélérées en deux mois. Parfois bonnes, parfois mauvaises.

Avez-vous des exemples ?

Le télétravail, qui a ses avantages mais dont il faut aussi se méfier des dérives. Qui dit par exemple que certaines entreprises ne finiront pas par expliquer à leurs salariés qu’elles vont les payer un peu moins car ils ont pu s’installer loin des grandes villes, dans un endroit où les loyers sont moins chers ? Il faut être vigilant à tous les étages. Et c’est la même chose dans le milieu du cinéma, où il faut que tout le monde joue avec les mêmes règles.

Est-ce que vous avez craint que la culture soit le parent pauvre de ce confinement ?

Oui et c’est pour cela que j’avais signé la pétition « Culture oubliée ». Tout a commencé quand j’ai appris qu’on fermait les librairies alors que les tabacs pouvaient rester ouverts. Cela reste une décision incompréhensible à mes yeux. Mais plus largement, cela me rend folle qu’on ne comprenne pas que le cinéma et plus largement la culture sont aussi une industrie qui peut aider à la relance économique. Qu’on doive à chaque fois le dire et le répéter.

Que faut-il faire ?

Il faut, par exemple, continuer à soutenir les festivals, dont les partenaires privés peuvent avoir tendance à se retirer. Je pense à Annecy, manifestation de référence internationalement reconnue de l’animation, qui va fêter en juin ses 60 ans. Il faut chérir ces pépites. Il faut chérir la culture et joindre les actes à la parole.

1 juin 2020

NAKID Magazine

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1 juin 2020

La course folle du vélo pour gagner les villes

Depuis un mois, en prévision du déconfinement, des pistes cyclables sont tracées dans l’urgence le long des grands axes

Une bataille d’un nouveau genre se déroule depuis peu, au ras du bitume, à coups de peinture, de blocs de béton et de plots en plastique. Lundi 25 mai, il était un peu plus de 20 heures, lorsque des équipes des services techniques de la métropole Aix-Marseille ont commencé à recouvrir de noir les vélos jaunes dessinés, à peine deux semaines plus tôt, sur le sol de l’avenue du Prado. La piste cyclable temporaire qui longeait cet axe urbain de 60 mètres de large est supprimée. « L’expérimentation n’a pas trouvé son public », justifie la métropole, dans un communiqué.

L’itinéraire n’a pas eu le temps de faire ses preuves, ont répondu, furieux, des cyclistes et membres du collectif Vélos en ville qui ont tenté de s’opposer physiquement au démontage. Jeudi 28 mai, des centaines de personnes se donnaient rendez-vous pour pédaler au même endroit. Aux klaxons des automobilistes répondaient les sonnettes des manifestants. Ceux-ci soupçonnent les élus d’avoir cédé à la pression de la Confédération des comités d’intérêt de quartier. Le 11 mai, cette institution marseillaise jugeait « difficile » de chasser les voitures de certaines voies « pour les affecter spécifiquement aux vélos ».

Quelques jours plus tôt, mi-mai, c’est au cœur de Paris, face à l’Hôtel-Dieu, que des blocs de béton installés la veille ont dû être illico retirés dans la nuit, sur ordre de la Préfecture de police. Pourtant, « un accord technique avait été conclu », assure Ariel Weil, le maire (PS) du 4e arrondissement. D’autres épisodes du même type se sont déroulés en grande banlieue. Ces derniers jours, des itinéraires aménagés dans les Yvelines, entre Le Pecq et Chatou, et à Montigny-lès-Cormeilles, dans le Val-d’Oise, ont été effacés.

« Une nation du vélo »,

Mais, dans le même temps, pour la première fois, des cyclistes roulaient tranquillement, à Paris, sur l’axe Bastille-Concorde dégagé, ou presque, de toute voiture. Et de l’autre côté du périphérique, à Montreuil, une quatre-voies infranchissable est devenue, en quelques jours, une avenue à 30 km/h sur laquelle les cyclistes se croisent à droite, sur deux files, cantonnant les voitures sur l’autre moitié de la chaussée.

A Montpellier, Grenoble, mais aussi à Besançon, au pied de La Défense ou à Villeurbanne, les scènes se ressemblent. Depuis un peu plus d’un mois, en prévision du déconfinement, des pistes cyclables sont tracées dans l’urgence le long des routes, le plus souvent en retirant une voie au trafic motorisé. Cette course à l’occupation de l’espace public par le vélo a lieu également en Allemagne, en Italie ou aux Etats-Unis. La transformation ne se fait pas sans heurt, mais, si elle se confirmait, pourrait modifier le visage des villes.

Le temps est venu de faire de la France « une nation du vélo », a répété Elisabeth Borne, le 29 mai. La ministre de la transition écologique et solidaire, qui annonçait de nouveaux financements allant dans ce sens, insiste « pour qu’on laisse toute sa place au vélo ». C’est mi-avril, juste après l’annonce du déconfinement, que la nécessité d’aménager des pistes cyclables à la hâte s’est imposée. Les impératifs sanitaires allaient limiter drastiquement le nombre de places dans les transports en commun. Mais le report sur la voiture était impensable. Pour des raisons écologiques évidentes, et aussi parce que l’espace manque. En Ile-de-France, on décompte, d’ordinaire, 400 km à 500 km d’embouteillages aux heures de pointe.

Pour les associations au sein de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), qui réclament depuis des années des réseaux dignes de ceux de Fribourg en Allemagne ou d’Utrecht aux Pays-Bas, le moment est inespéré. D’ordinaire, la matérialisation d’une piste cyclable nécessite « un diagnostic, une étude préalable, une étude de faisabilité, un avant-projet, un appel d’offres, un marché et, quand tout va bien, le projet est réalisé, au mieux, en deux-trois ans », reconnaît Emmanuelle Gay, directrice de la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Ile-de-France, lors d’un webinaire, le 19 mai. Là, les pistes voient le jour en une ou deux semaines.

Cette méthode, « l’urbanisme tactique », est née outre-Atlantique, où, dès les années 1970, des militants transforment des parkings en jardins éphémères, ou des rues en terrains de jeu, pour dénoncer la trop grande place accordée à l’automobile. A force de parcourir la ville et de fréquenter les réunions publiques, les pro-vélos d’aujourd’hui maîtrisent par cœur les codes de l’urbanisme et de la cartographie. Sur les logiciels Streetmix ou Neore, ils tracent les pistes cyclables de leurs rêves, les partagent en open source. Depuis un mois, ils ont toute l’attention des administrations.

Les mises en pratique varient. Certaines villes avancent doucement, et sans trop dépenser, avec des plots en plastique et du marquage au sol jaune, la couleur associée aux travaux. D’autres y vont plus franco. « Partout où j’ai voulu faire de petits morceaux de pistes, j’ai été confronté aux riverains ou aux commerçants. Alors j’ai commencé à y aller d’un coup », explique, à Nice-Matin, Christian Estrosi, le maire (LR) de Nice, qui promet 60 km supplémentaires.

A Montreuil, en Seine-Saint-Denis, on parie sur l’irréversible en assumant le marquage blanc et l’achat d’élégantes balisettes noires, quitte à consacrer 100 000 euros par km, contre 20 000 à 50 000 euros ailleurs. Grenoble inverse même la logique au moment de penser la largeur des aménagements. Sur les quais de l’Isère, « on s’est fixé 3,20 mètres pour les voitures, et tout le reste est alloué aux vélos et aux piétons », dit Marine Peter, chef de projets à Grenoble-Alpes Métropole.

Ça coince à certains endroits

L’élan n’épargne pas les villes habituellement les plus mal notées par les usagers, comme l’agglomération de Cergy-Pontoise ou Argenteuil (Val-d’Oise). Après la pression de l’association Vélo utile, Saint-Brieuc a aussi accepté de « réserver une voie, sur un axe entre le centre-ville et l’hôpital, aux vélos et aux bus », explique Louise-Anne Gautier, adjointe à l’environnement.

Evidemment, à certains endroits, ça coince sérieusement. Sur les anciennes nationales qui strient la banlieue parisienne, à Pantin ou à Saint-Mandé, les nouvelles pistes se transforment en parkings temporaires. Avec la reprise progressive du trafic, des automobilistes s’agacent de patienter sur leur file quand la piste cyclable voisine semble déserte. « Vous allez vous faire des ennemis », avait averti Medy Sejai, le directeur de l’espace public de Montreuil, lors du webinaire du 19 mai. « Dictature », « gauchistes totalitaires », « escrolo », voilà pour les fleurs glanées sur les réseaux. Rien de bien terrifiant, aux yeux de Frédéric Héran, économiste, spécialiste des déplacements urbains. « Les pratiques nouvelles sont d’abord ignorées, puis contestées, et enfin banalisées. Là, on est dans la phase de confrontation. » Cet universitaire appelle à repenser la hiérarchie des modes de déplacement, en privilégiant la marche, puis le vélo, les transports publics et, en dernier lieu, la voiture.

En attendant, certains élus, à un mois du second tour, sont tentés de céder à la pression. Même à Paris, la bataille n’est pas gagnée. Christophe Najdovski, adjoint à la maire socialiste, constate que la Préfecture de police se montre moins arrangeante, ces derniers jours. « Le préfet réclame des instructions, des délais d’un mois, au prétexte que les aménagements pourraient devenir pérennes. » Or, pour l’élu, rien ne sert de démonter ce qui vient d’être installé. « Il faut laisser le temps aux nouveaux comportements de s’installer, aux cyclistes de découvrir le réseau. »

Encore faudrait-il rendre les nouveaux itinéraires visibles. Rares sont les pistes jalonnées de panneaux avec la direction et le temps de parcours, comme l’a fait, par exemple, la métropole de Rennes. Malgré tout, les cyclistes sont de sortie. Les comptages, à Paris ou à Lyon, montrent une forte hausse de la pratique.

L’association Vélo & Territoires, qui rassemble une centaine de collectivités, note, pour la première semaine du déconfinement, une fréquentation moyenne des axes cyclables en hausse de 11 % par rapport à 2019, alors que le télétravail était toujours recommandé. La progression s’observe y compris en périphérie et dans les campagnes, même si les nouvelles pistes y sont encore très rares.

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1 juin 2020

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1 juin 2020

« On commence à douter de soi-même » : après plusieurs semaines de Covid-19, des malades épuisés par des symptômes qui durent

Témoignages

Par Elisabeth Pineau, Pascale Santi - Le Monde

Fatigue extrême, douleurs articulaires, gêne respiratoire… Des dizaines de jours après l’apparition de la maladie, de nombreux convalescents continuent d’en ressentir les effets. Et se sentent parfois délaissés par le corps médical.

« Un jour, j’ai mon âge, et le lendemain, j’ai la sensation d’avoir 90 ans. » Stéphane Gilles résume ainsi son quotidien depuis qu’il a ressenti les premiers symptômes du Covid-19, aux alentours du 18 mars. Plus de soixante-dix jours au cours desquels ce chef d’entreprise lyonnais de 57 ans, sportif et sans antécédents médicaux, a appris à vivre avec des hauts et des bas. Le test sérologique – destiné à repérer la présence d’anticorps spécifiques au SARS-CoV-2 – effectué il y a trois semaines lui est revenu positif. « Je suis toujours fatigué, j’ai encore du mal à respirer. Hier, j’ai monté deux escaliers, j’ai cru que j’allais tomber dans les pommes, explique-t-il d’une voix posée. Un sac de courses que je dépose sur une table, il me faut une heure pour m’en remettre. »

Au bout de cinq semaines, il se croyait pourtant guéri de la maladie, qui s’est déclarée comme « une sorte de petite pharyngite ». Comme lui, combien sont-ils à ressentir des symptômes plusieurs semaines, voire plusieurs mois après avoir été contaminés ? Difficile à évaluer car il n’existe pas encore à ce jour de statistiques. Gêne respiratoire persistante, oppression thoracique, tachycardie, vertiges, névralgies de type sciatique, douleurs articulaires, crampes, fourmillements dans les jambes et les mains, migraines, pertes de mémoire, éruptions cutanées… le spectre des manifestations décrites est très large.

Patricia (certains malades préfèrent témoigner sous le couvert de l’anonymat), elle, a eu les premiers symptômes du Covid-19 le 16 mars : fortes courbatures, maux de tête, grande fatigue, un peu plus de 38 °C de température, une pesanteur sur la poitrine et une toux plutôt faible. Près de onze semaines plus tard, cette femme de 55 ans, habituée des sports d’endurance, souffre toujours de cette inflammation thoracique, des sensations de brûlure comme de l’air glacé à l’intérieur des poumons, et une toux sèche que la chaleur aggrave, ce qui gêne sa respiration, notamment la nuit.

Un suivi effectué en milieu hospitalier a montré des examens médicaux (scanner, bilan sanguin, exploration fonctionnelle respiratoire) normaux. Elle doit prendre un traitement utilisé habituellement contre l’asthme pour apaiser la gêne respiratoire. « J’ai repris le travail le 4 mai à plein temps, malgré la réticence du médecin du travail, en pensant qu’avec le télétravail ça passerait, mais il a fallu se rendre à l’évidence au bout de deux semaines et demie, et passer à mi-temps en raison d’un épuisement dès la mi-journée et de problèmes de concentration. »

L’impression de ne pas être pris en compte

Nombreux sont ces patients présentant une forme longue de la maladie – malgré l’absence supposée de facteurs de risque – à n’avoir pu se faire prescrire de test virologique (dit « PCR ») au début de l’épidémie, tests réservés alors aux cas graves et au personnel soignant.

Quand elle s’est rendue aux urgences le 25 avril en raison d’un seuil de D-dimères (marqueurs biologiques d’une activation de la coagulation) trop élevé, Virginie, 42 ans, s’est vu répondre qu’elle n’avait peut-être jamais contracté le virus dans la mesure où elle n’avait pas été testée : « On m’a dit : “Ne vous inquiétez pas, le scanner thoracique et l’angioscanner sont bons” », raconte, entre deux toussotements, cette mère de famille de Seine-et-Marne, dont les premiers symptômes remontent au 18 mars. « Notre corps nous dit quelque chose et les résultats sanguins autre chose, c’est très perturbant, on commence à douter de soi-même. J’ai même pensé à aller voir un psy en me disant : c’est dans ma tête. »

Pour ces malades dont l’état n’a pas nécessité une hospitalisation d’office, la médecine a encore trop peu de réponses à fournir. A l’épuisement de la maladie s’ajoutent un sentiment de désarroi et parfois l’impression de ne pas être pris en compte par le corps médical. Quand on n’invoque pas ouvertement devant eux le syndrome du malade imaginaire… « Le réflexe est de tout mettre sur l’anxiété. La dernière fois que j’ai appelé le SAMU, début mai, à cause de grosses céphalées et vertiges, on m’a envoyé balader », témoigne Nicolas, 42 ans, éducateur sportif à Yerres (Essonne), symptomatique depuis le 12 mars.

Quant aux entourages personnel et professionnel, eux non plus ne se montrent pas toujours empathiques : « Certains nous disent : est-ce que tu n’en fais pas un peu trop ?, raconte Arnaud Fillion, commercial de 57 ans résidant à Vaucresson (Hauts-de-Seine), qui vient de franchir le seuil des quatre-vingts jours de maladie. Dans l’esprit collectif, le Covid, soit c’est une grosse grippe, soit on est gravement malade et hospitalisé, mais si votre état est entre les deux, ça déstabilise les gens. »

Une « courbe parfaite »

Estimant que ces patients représentent en quelque sorte l’« angle mort » de l’épidémie, une psychologue de la région parisienne, connue sur Twitter sous le pseudonyme @lapsyrévoltée, a décidé le 12 avril de lancer le mot-dièse #apresJ20. Depuis, sous ce mot-clé – et désormais #apresJ60 –, ils sont des centaines d’internautes à partager leurs expériences et décrire, jour après jour, l’évolution de leur propre tableau clinique.

En compilant depuis deux mois et demi leurs témoignages, la psychologue observe une « courbe parfaite » : après une première phase virale entre dix et quinze jours souvent peu intense, parfois sans fièvre, puis une accalmie entre cinq et dix jours, survient une rechute brutale entre J20 et J30. « La tachycardie et l’essoufflement sont alors systématiques, puis des symptômes périphériques s’installent comme des problèmes rénaux ou neurologiques. Plus on avance dans le temps, plus ce sont des symptômes d’allure inflammatoire », résume-t-elle.

Sur Facebook, des groupes ont également vu le jour, comme « Soutien Covid19 de J1 à #apresJ60 », dont le millier de membres sont invités chaque jour à faire part de leur « météo intérieure ». Les médecins font, eux aussi, état de patients ayant du mal à remonter la pente.

Prises de sang, électrocardiogramme, scanner thoracique, tests PCR et sérologique négatifs… malgré la batterie de tests effectués, les maux de Nicolas restent à ce jour inexpliqués. Certains malades ont pu voir poser un diagnostic sur une partie de leurs symptômes.

C’est le cas d’Anaïs Enet-Andrade, malade depuis près de quatre-vingts jours, dont le cardiologue a décelé une péricardite (inflammation de la membrane autour du cœur) à J35. Depuis, cette Parisienne sportive de 35 ans suit un traitement et observe que la tachycardie qui s’était déclarée « s’est arrêtée depuis quelques semaines ». Son compagnon, en revanche, dont la maladie s’est manifestée vingt-cinq jours après elle, « n’a rien cliniquement donc il n’a pas de traitement, pourtant il a parfois les poumons en feu. C’est déroutant et désespérant ».

La jeune femme, chargée de projet dans une association, déplore aussi le manque d’accompagnement de ces personnes qui font le « yo-yo » par Covidom, la plate-forme permettant un suivi à distance quotidien et automatisé des malades ne nécessitant pas d’hospitalisation. Elle-même a été accompagnée jusqu’au 30e jour « et du jour au lendemain, plus rien. Quand j’ai eu une rechute à J35, j’ai essayé plusieurs fois de les recontacter, en vain ». Pour ces patients, des consultations post-Covid commencent à être mises en place, comme à la Pitié-Salpétrière, à Paris, ou à l’hôpital Nord de Marseille.

Une forme d’impuissance

Le 24 mai, Virginie a dû être hospitalisée pour de très fortes douleurs aux jambes. Le verdict est tombé deux jours plus tard : « syndrome de type fibromyalgie associé à un syndrome antiphospholipidique post-Covid-19 sans thrombose ». Elle n’a pas de traitement spécifique car la fibromyalgie reste mal connue, mais s’est vu prescrire un antalgique pour atténuer la douleur. « Je suis soulagée de savoir pourquoi j’avais ces coups de poignard dans les jambes », murmure la jeune quadragénaire, dont la sérologie s’est révélée positive.

Face à des symptômes si polymorphes, les médecins avouent une forme d’impuissance, tâtonnant avec les traitements. Certains patients ont accès à des corticoïdes ou à des antihistaminiques, d’autres ressortent de la consultation uniquement avec du paracétamol et des vitamines. « Certains médecins ont la main leste sur les psychotropes : ils prescrivent des anxiolytiques avec un fort pouvoir addictif ou des somnifères, y compris à des personnes dans des états de fragilité terrible », s’alarme @lapsyrévoltée.

L’incertitude génère, sinon du stress post-traumatique, au minimum des épisodes de déprime et de la souffrance personnelle. Quand il aura retrouvé un peu d’énergie, Arnaud Fillion a prévu de se faire accompagner : « Aujourd’hui, on est un peu en mode survie, on priorise », dit ce cycliste accompli.

Surtout, devant une maladie dont ils peinent à voir la fin, beaucoup s’inquiètent des éventuelles séquelles à terme. « Est-ce que ça attaque le système immunitaire ? Est-ce que c’est lui qui se retourne contre-moi ?, s’interroge Nicolas. Mon inquiétude porte surtout sur les symptômes neurologiques. Mais j’ai conscience qu’à l’heure actuelle, je n’aurai pas de réponse. » C’est, pour tous, la seule certitude du moment.

1 juin 2020

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jaime33

1 juin 2020

Chätelet

chatelet

1 juin 2020

Les dirigeants et leurs masques : plus qu’un objet, un message politique

Donald Trump refuse d’en porter, Emmanuel Macron a ajouté au sien un liseré tricolore et la présidente slovaque soigne sa couleur. Les dirigeants du monde entier n’ont pas tous adopté le masque protecteur face au Covid-19 mais, à chaque fois, leur attitude est lourde de signification politique.

Alors, masque ou pas masque ? « La décision dépend du message que le dirigeant entend faire passer », estime Jacqueline Gollan, une scientifique comportementaliste de la Northwestern University dans l’Illinois (États-Unis). « Il est susceptible de le porter s’il veut promouvoir la santé publique. Il y renonce s’il veut signifier que le risque de transmission est faible et que les choses se normalisent ».

Quelle que soit sa motivation première, son attitude « constitue un exemple que beaucoup de gens vont suivre, confirme Claudia Pagliari, chercheur à l’Université d’Edimbourg. Mais les stocks ne sont pas toujours suffisants et vont d’abord aux soignants et professions à risque.

« De la simple physique »

Or, un certain nombre d’opinions publiques - plus des trois-quarts des Français, selon un sondage - soupçonnent leur gouvernement d’avoir menti sur l’efficacité du masque pour dissimuler la pénurie.

« Les responsables ont le tort de penser que le public est stupide et incapable de comprendre un message complexe », regrette Matthew Lesh, expert en politique publique à l’Institut Adam Smith, de Londres. « Alors ils simplifient le message. Et au lieu d’évoquer le besoin de garder les masques pour les gens à risque (…), ils privilégient un message simple selon lequel le masque ne marche pas vraiment ».

KK Cheng, directeur de l’Institut pour la recherche appliquée de l’université de Birmingham, ne comprend guère la réticence des dirigeants occidentaux. « C’est de la simple physique », martèle-t-il. « Si cela ne marchait pas, pourquoi diable demanderions-nous aux gens de se couvrir la bouche quand ils toussent ? ».

masque macron tricolore

Tricolore, fuschia, bleu…

Désormais, le masque fait presque l’unanimité. Emmanuel Macron en porte un, relevé d’un liseré tricolore. La présidente slovaque Zuzana Caputova a, pour sa part, montré son sens du détail en portant, lors d’une photo officielle de son nouveau gouvernement en mars, un masque fuchsia, parfaitement assorti à sa robe, puis en cette fin mai, lors de la visite d’une galerie d’art, un masque bleu… reflet de sa robe.

Mais d’autres ne peuvent s’y résoudre, comme le Brésilien Jair Bolsonaro ou l’Américain Donald Trump.

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