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Jours tranquilles à Paris

21 octobre 2020

Vu sur internet

jaime3236

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21 octobre 2020

Noël en automne : les commerces anticipent cette période cruciale

Par Cécile Prudhomme - Le Monde

Redoutant une fin d’année particulièrement compliquée en raison de la crise liée au Covid-19, les magasins remplissent déjà leurs rayons de produits de fêtes.

Des grandes boîtes remplies de boules rouges, or ou argent scintillent à côté des guirlandes lumineuses et des rouleaux de papier cadeau… Dans les rayons de ce magasin Hema du 9e arrondissement de Paris, c’est déjà Noël, en ces premiers jours d’octobre. Comme dans les autres boutiques de la chaîne néerlandaise spécialisée dans les articles pour la maison, les décorations de sapin sont arrivées avec trois semaines d’avance.

Ne pas manquer les ventes liées à la période des fêtes est, cette année, encore plus crucial pour des commerçants touchés par la morosité de la consommation et déjà fragilisés, les années précédentes, par les mouvements sociaux. Et ce, alors qu’ils ne peuvent plus compter sur les touristes étrangers. « Depuis mars, les 15 % du chiffre d’affaires de la clientèle internationale ont disparu », a calculé Amandine De Souza, directrice du BHV Marais.

Les magasins de jouets – plus de la moitié des ventes annuelles sont réalisées entre octobre et décembre – ont donc pris les devants. « Nous avons renforcé nos équipes dès octobre et fait entrer les produits de bonne heure cette année », souligne Jacques Baudoz, président de JouéClub. Habituellement, la chaîne est approvisionnée en plusieurs cadences, en octobre, novembre et décembre. « Tout a été avancé d’un mois », ajoute-t-il.

« Rassurer les clients »

Que ce soit chez Little Extra, l’enseigne de petits objets tendance, ou à Du Bruit dans la cuisine, la chaîne d’articles de cuisine, les coffrets cadeaux sont déjà là. « Dans quelques jours, tous les produits de Noël seront en magasin, avec trois semaines d’avance sur une année normale », précise André Tordjman, président des deux circuits. Il a fait l’impasse sur l’opération promotionnelle du Black Friday et réduit au strict minimum les articles d’Halloween. « On s’est dit que, cette année, les gens n’allaient pas vouloir faire du repérage, comme ils le font d’habitude entre mi-octobre et début novembre, et qu’ils allaient beaucoup anticiper leurs achats de Noël pour éviter la cohue », explique M. Tordjman.

D’ailleurs, selon une étude d’Integral Ad Science, parue le 12 octobre, 59 % des consommateurs européens disent qu’ils commenceront leurs emplettes avant novembre. Philippe Gueydon, directeur général de King Jouet, le constate déjà avec « une hausse de 25 % du chiffre d’affaires sur les douze premiers jours d’octobre. On estime que la moitié vient des achats de Noël, car ce sont des gros paniers qui correspondent moins à des cadeaux d’anniversaire ». Même constat chez le discounter néerlandais Action, où les ventes des articles de Noël – mis en rayon fin août pour répondre à la demande des professionnels préparant la décoration de leur commerce – sont « en hausse par rapport à l’an passé ».

FACE À LA CRAINTE QUE CERTAINS CONSOMMATEURS AIENT PEUR DE FAIRE LA QUEUE, LE CHOCOLATIER JEFF DE BRUGES A ACCÉLÉRÉ LA MISE EN PLACE DES VENTES SUR INTERNET

Toutefois, certains achats de fête comme les denrées alimentaires ne peuvent être anticipés. « Nous réalisons plus de 35 % de notre chiffre d’affaires en décembre, et plus particulièrement les dix jours précédant le réveillon, note Philippe Jambon, président fondateur du chocolatier Jeff de Bruges. Dans nos petits magasins, il y a des files d’attente tous les ans. Mais cette année, nous craignons que certains consommateurs aient peur de faire la queue. »

La chaîne a donc accéléré la mise en place des ventes sur Internet. Résultat : les 480 magasins, dont 320 sont franchisés, proposeront le « click & collect » (les internautes viennent récupérer leurs achats dans le magasin) et la livraison à domicile pour « rassurer les clients alors que, dans le chocolat, on n’avait jusqu’à présent pas besoin de tous ces services », précise M. Jambon. « Le confinement nous est tombé dessus, trois semaines avant Pâques. On avait déjà la marchandise et aucune possibilité de s’en sortir ; 23 % du chiffre d’affaires de l’année étaient partis en fumée en quinze jours », se souvient-il.

Test en mode accéléré du « click and collect »

D’autres craignent que des mesures plus draconiennes empêchent les Français de se rendre dans leurs boutiques. Les 543 magasins d’Action dans l’Hexagone avaient été contraints de fermer leurs portes pendant le confinement, car ils n’étaient pas considérés comme des commerces essentiels, « alors que l’on vend de la nourriture pour animaux, des produits d’hygiène… », regrette Wouter de Backer, directeur général de l’enseigne en France.

Jusque-là réticente à se convertir à la vente en ligne non rentable, selon elle, pour des produits à 2 euros en moyenne, la marque teste en mode accéléré le « click & collect ». Après Nancy en juin, Bordeaux et Lyon (fin octobre), mais aussi Paris (en novembre) expérimenteront le dispositif, qui sera bien utile « en cas de reconfinement local ou de forte affluence », souligne M. de Backer. Dans l’hypothèse d’une aggravation de la situation sanitaire, Philippe Gueydon, lui, a déjà prévu d’utiliser ponctuellement ses 240 magasins pour livrer les clients dans un rayon de 15 à 20 kilomètres.

Emblématique des fins d’année, le calendrier de La Poste est également perturbé. Christophe Rault, PDG d’Oberthur, qui détient près de 40 % de ce marché, constate « une forte chute de nos commandes de calendriers de la part des postiers ». Eux aussi redoutent « un reconfinement local ou que les gens ne leur ouvrent pas leur porte ».

21 octobre 2020

Fraternité

dessin fraternite

21 octobre 2020

GAFA, la ruée vers l’Inde

Guillaume Delacroix Et Alexandre Piquard (À Paris)

Les patrons des géants du Net américains, Google, Apple, Facebook et Amazon, investissent des sommes colossales dans les entreprises high-tech indiennes, le plus gros marché du monde hors de Chine. Mais cette conquête ne va pas toujours de soi

DOSSIER

BOMBAY - correspondance

La plus grande communauté d’utilisateurs de Facebook et de WhatsApp est en Inde. » Quand on lui demande pourquoi son entreprise investit dans le sous-continent, Ajit Mohan, le vice-président et directeur général de Facebook Inde, pose ce simple constat. Avec 328 millions d’utilisateurs actifs par mois pour Facebook et plus de 400 millions pour WhatsApp, l’Inde dépasse les Etats-Unis. Pour sa filiale Instagram, le pays se classe deuxième, avec 100 millions d’utilisateurs environ. Il y a « un autre signe de l’importance de l’Inde pour Facebook », ajoute M. Mohan  : « C’est le seul pays dont la direction est rattachée directement au siège de Menlo Park, en Californie », explique cet ancien PDG d’un grand réseau de chaînes câblées indien, qui a fait ses études à Singapour et aux Etats-Unis.

En Inde, Facebook veut jouer les premiers rôles dans la vidéo, dans la numérisation des PME, dans les paiements… Et le pays est parfois à l’avant-garde, comme un laboratoire, s’enorgueillit M. Mohan : Reels, le nouveau format de vidéo lancé par Instagram pour contrer son rival, TikTok, y a été déployé très tôt et un vaste test de paiement en ligne est en cours dans WhatsApp.

Surtout, l’entreprise de Mark Zuckerberg vient d’annonçer la deuxième plus grosse acquisition de son histoire : en avril, Facebook a acheté, pour 5,7 milliards d’euros, 9,9 % de Jio Platforms, le portail créé par l’opérateur téléphonique Jio, qui a conquis 400 millions d’abonnés en quatre ans. Cette filiale du conglomérat Reliance Industries Limited, leader du commerce physique, est partie à l’assaut de la vente en ligne avec sa plate-forme JioMart. Facebook veut l’aider à y associer les millions de commerces de quartier indiens, appelés kiranas. « A leur entrée, vous voyez parfois un panneau vert avec un numéro pour les joindre sur WhatsApp. Nous voulons les aider à être plus visibles en ligne, à numériser leur catalogue et même à recevoir des paiements », explique M. Mohan.

Un eldorado, l’Inde ? Facebook n’est pas seul à le penser. Dès juillet, Google a investi 4,5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) dans… Jio Platforms. Le but : « Développer un smartphone d’entrée de gamme », avec un univers Google adapté aux capacités limitées des appareils et des réseaux. Présent depuis 2004, Google a des arguments : avec 90 % de part de marché, son système d’exploitation mobile Android a plus d’utilisateurs en Inde qu’aux Etats-Unis. Le groupe est leader des moteurs de recherche, des navigateurs avec Chrome, de la cartographie avec Maps, de la vidéo avec YouTube et même du paiement en ligne. Son PDG, Sundar Pichai, d’origine indienne, voit grand : il a annoncé, en juillet, vouloir investir 10 milliards de dollars.

Le regain d’agressivité de Facebook et de Google bouscule un autre grand de la tech : Amazon. Avec 650 000 vendeurs et cinquante entrepôts, l’entreprise de Jeff Bezos revendique en Inde la « plus grande » place de marché d’e-commerce. Et se vante de livrer jusque dans le Ladakh. Elle capte environ 30 % du marché, comme Flipkart, un acteur local racheté, en 2018, par l’américain Walmart. Et compte aussi accélérer : en 2019, Amazon a ouvert, à Hyderabad, son deuxième plus gros campus dans le monde. En janvier 2020, lors d’un voyage, Jeff Bezos a promis d’injecter en Inde 1 milliard de dollars, en plus des 5,5 milliards déjà investis. Vêtu d’une chemise traditionnelle, il a même prédit : « Le XXIe siècle sera indien. »

Amazon mise, comme JioMart, sur les kiranas. Le groupe a enrôlé dans son programme Amazon Easy « plusieurs dizaines de milliers » de ces échoppes familiales, pour aider les clients à commander, puis à réceptionner leurs colis. Les deux champions de l’e-commerce semblent même proches de la collision : Amazon a pris, fin 2019, une participation dans une filiale d’un groupe de commerces physiques, Future Retail, mais ce dernier a été racheté en août par… Reliance Industries, maison mère de JioMart. En riposte, la firme américaine a envoyé une lettre de rupture de contrat à son ex-partenaire, accusé d’avoir ignoré son droit de premier regard avant l’entrée de nouveaux investisseurs. Ambiance.

En comparaison, Apple est loin de ce choc des titans. iOS, l’environnement qui équipe ses smartphones haut de gamme, n’aurait que 3 % de part de marché. Mais la firme multiplie aussi les annonces : le magasin en ligne Apple Store a ouvert en Inde fin septembre. Et deux premières boutiques physiques devraient voir le jour en 2021. Deux nouveautés rendues possibles par un assouplissement des règles sur les investissements étrangers. Le gouvernement a aussi voté une loi allégeant les taxes sur les appareils fabriqués dans le pays. Pour en bénéficier, les sous-traitants d’Apple, comme Foxconn ou Pegatron, viennent d’annoncer qu’ils construiraient beaucoup plus d’iPhone sur le sol indien.

Il faut dire que, malgré l’épidémie de Covid-19 et plus 60 millions de personnes contaminées, l’Inde et son 1,38 milliard d’habitants conservent un gigantesque potentiel d’attraction. Avec la démocratisation de la 4G, le pays a gagné plus de 400 millions d’abonnés à Internet depuis 2017. « Le rythme du changement est plus spectaculaire que celui qu’a vécu la Chine », résume M. Mohan.

Économie plus ouverte qu’en Chine

Favorisé par le long confinement, l’e-commerce pourrait surpasser le marché américain en 2024, d’après la fondation Indian Brand Equity. « D’ici cinq ans, 500 millions d’Indiens supplémentaires vont se connecter à Internet. Une telle possibilité n’existe dans aucun autre pays », observe Tarun Pathak, analyste au cabinet Counterpoint Research. De plus, les deux tiers de la population ont entre 18 et 35 ans. Et l’économie indienne apparaît plus ouverte que sa voisine chinoise. « Comme les GAFA [Google, Apple, Facebook et Amazon] se voient fermer les portes de la Chine, ils n’ont pas d’autre choix que de travailler avec l’Inde ! », résume Sumeet Anand, du cabinet de conseil en stratégie IndSight Growth Partners. Bien implanté en Chine, Apple est pour sa part poussé à réduire sa dépendance, en raison des tensions commerciales entre Pékin et Washington.

Par ailleurs, le premier ministre nationaliste, Narendra Modi, a récemment bloqué en Inde 177 applications chinoises, dont les très populaires TikTok et WeChat. Le but affiché est de bâtir un pays « autosuffisant ». Mais la décision arrange les concurrents américains.

La conquête de l’Inde par les GAFA ne va toutefois pas de soi. Comment va-t-elle évoluer après le Covid-19, alors que son produit intérieur brut (PIB) va chuter de 10 % en 2020 ? Le sous-continent présente aussi des défis structurels. Et forme en fait plusieurs marchés. « New Delhi a 25 millions d’habitants, Bombay 21 millions… Chaque métropole représente l’équivalent d’un pays d’Asie du Sud-Est ou d’Afrique », souligne M. Pathak. S’y ajoute la question des langues : vingt-deux officielles, mais, en réalité, environ deux cent soixante-dix. « L’anglais ne permet l’accès qu’à 25 % des Indiens », calcule M. Anand. A ce jour, iOS d’Apple intègre vingt-deux langues d’Inde, Google.com douze, Facebook, WhatsApp et Instagram dix, Amazon six… Comme l’entreprise de Jeff Bezos avec Alexa, Google a investi sur la voix, son assistant vocal a appris dix langues locales. Mais il reste du travail. Il faut aussi compter avec les faiblesses des réseaux routier et électrique. Et les lourdeurs du droit de la propriété foncière ou de la fiscalité, malgré l’uniformisation de la TVA en 2017.

Protectionnisme indien

Enfin, et surtout, le pouvoir indien a une longue tradition protectionniste. Elu en 2014, le gouvernement nationaliste de M. Modi la perpétue, malgré son inspiration libérale en matière économique. Facebook l’a constaté en 2016, puis en 2018. Les autorités ont barré la route à Free Basics, son offre d’accès à Internet gratuit mais limité, puis à Aquila, son projet de connecter les campagnes avec des drones à énergie solaire.

Récemment, l’exécutif a connu un élan de souverainisme. Fin 2018, une loi sur l’e-commerce a renforcé les règles pour les plates-formes étrangères comme Amazon ou Flipkart, leur interdisant de vendre des produits de sociétés dont elles détiennent plus de 25 %. Depuis, Jeff Bezos a vu son groupe visé par une enquête antitrust. Et il a été accueilli en janvier par une manifestation d’une fédération de petits commerçants l’accusant de casser les prix. Malgré cela, Amazon refuse de se dire victime d’un traitement de défaveur et assure que le gouvernement juge son rôle positif pour l’emploi, les PME et les exportations.

De son côté, Facebook a vu, en 2019, une loi indienne interdire les cryptomonnaies, comme son projet de monnaie numérique libra. Et l’entreprise attend toujours l’autorisation pour généraliser le paiement en test sur WhatsApp. Une loi a, de plus, imposé la localisation des données de paiement en Inde. Facebook l’a appliquée, tout en s’opposant, au nom de la vie privée, aux projets de réformes qui accorderaient aux autorités un accès aux contenus des messages chiffrés sur WhatsApp.

L’entreprise de Mark Zuckerberg est par ailleurs taxée de laxisme envers les discours de haine et les infox. En 2018, à la suite de lynchages encouragés par la circulation sur WhatsApp de rumeurs d’enlèvements d’enfants, Facebook a limité le transfert des messages à cinq personnes par utilisateur. Mais, en 2020, le groupe a été accusé d’être trop proche du gouvernement Modi et d’agir trop lentement contre les appels à la haine antimusulmans, notamment de membres du parti au pouvoir. En réponse, M. Mohan martèle qu’il n’y a « pas de place pour les discours de haine » sur Facebook et WhatsApp, qui se veulent « neutres ». Cela ne l’a pas empêché d’être convoqué devant le Parlement, le 2 septembre.

Dans un autre domaine, cent cinquante entreprises indiennes se sont plaintes de Google auprès du gouvernement. Leur cible : la généralisation de la commission de 30 % sur les transactions générées via le magasin d’applications Google Play.

Alliances tactiques

Dans cet environnement politique complexe, les GAFA s’adaptent. Les partenariats de Facebook et Google avec Jio Platforms ne sont-ils pas une façon de bénéficier de la proximité de son fondateur, Mukesh Ambani, avec le gouvernement ? « En Inde, aucun média ne se demande si on peut réussir ici sans s’allier à Reliance Industries. C’est pourtant une excellente question !, dit ironiquement M. Patakh. Les Américains ont compris qu’il valait mieux avancer avec un partenaire local qu’en solo. » En réponse, Facebook défend un « choix industriel » logique, vu le succès de l’opérateur Jio dans lequel il a investi trois mois avant Google. Il est rare de trouver les deux rivaux présents ainsi dans une même entreprise.

Autre particularité locale, l’inclusion des petits commerces est un moyen de résoudre le défi logistique de la livraison dans l’Inde rurale, mais aussi de s’associer à une corporation vue comme un vivier électoral du parti au pouvoir.

Malgré ces alliances tactiques, Facebook, comme Google, assure que ces investissements seront suivis d’autres partenariats. Tous deux continuent aussi à développer leur propre activité d’e-commerce. Qui sortira gagnant de ces chassés-croisés ? Pour M. Anand, « il est prématuré » de savoir si JioMart va s’arroger le marché de l’e-commerce, encore jeune – le conglomérat Tata vient d’ailleurs d’y faire son entrée. Pour M. Pathak, « M. Modi est en train de comprendre que les entreprises indiennes ne pourront pas atteindre des tailles critiques sur le marché mondial sans l’aide des grandes enseignes internationales ». On pourrait, à l’inverse, arguer que les mastodontes du Web américains, fascinés par le marché indien, vont peut-être y favoriser l’essor de grands champions nationaux. A l’instar des géants chinois Tencent ou Alibaba, qui jettent une ombre sur leur suprématie mondiale.

21 octobre 2020

Libération de ce jour

libé du 21 octobre

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21 octobre 2020

Election présidentielle américaine : Donald Trump affiche sa confiance malgré les sondages

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Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Le président sortant mise comme en 2016 sur les meetings de campagne, un exercice dans lequel il excelle. Mais il est menacé dans de nombreux Etats, et peine à garder un message positif.

La campagne de Donald Trump a affiché sa confiance, lundi 19 octobre, au cours d’une conférence téléphonique avec des journalistes. Son directeur de campagne, Bill Stepien, la plus haute responsable du Parti républicain, Ronna McDaniel, et l’un de ses stratèges, Jason Miller, ont multiplié les propos optimistes. Ils ont assuré « que la course est plus serrée » que l’image donnée par les sondages qui mesurent les intentions de vote. Ils ont noté « un élan » favorable selon eux au président sortant notamment en termes d’inscriptions sur les listes électorales, et vanté l’organisation mise en place depuis des mois qui devrait selon eux favoriser une participation des électeurs républicains meilleure que celle des démocrates.

Un peu plus tôt dans la journée, Donald Trump s’était déjà efforcé de remobiliser ses troupes dans un appel à l’ensemble de ses équipes de campagne qui lui a donné l’occasion d’afficher son optimisme. « Nous allons gagner. Je ne vous aurais peut-être pas dit la même chose il y a deux ou trois semaines », a-t-il assuré pour lutter contre l’impact de sondages dans lesquels il est régulièrement distancé par son principal adversaire, Joe Biden. « Bougez-vous le cul », a conclu le président.

Les déplacements du locataire de la Maison Blanche illustrent une équation électorale qui repose sur beaucoup d’inconnues. Il lui est impératif, pour espérer obtenir un nombre suffisant de grands électeurs synonyme de second mandat, de conserver les Etats stratégiques de Floride, de l’Ohio et de Géorgie, où il est au coude-à-coude avec le démocrate. Mais il lui faut également remporter les Etats dans lesquels il est distancé par Joe Biden comme l’Arizona, l’Iowa, la Caroline du Nord et la Pennsylvanie. Auquel cas Donald Trump pourrait battre Joe Biden sur le fil au sein du collège électoral.

Energie impressionnante et attaques virulentes

Dans cette entreprise, le président sortant mise comme en 2016 sur les meetings de campagne, un exercice dans lequel il excelle et qui lui donne l’occasion d’afficher une impressionnante énergie pour un septuagénaire. Depuis la fin de sa convalescence éclair, à la suite de sa contamination par le coronavirus, Donald Trump enchaîne souvent deux réunions publiques par jour et envisage même de passer à trois dans la dernière semaine de la campagne.

Cet exercice souligne cependant le problème central auquel se heurte le président depuis le début de l’épidémie de coronavirus : celui de son message. L’effondrement de l’économie américaine l’a privé du bilan qu’il comptait placer au cœur de sa campagne de réélection. Le président sortant continue pourtant d’assurer qu’il est le seul candidat capable de remettre l’économie américaine sur les rails.

Ce message optimiste est cependant parasité par les attaques virulentes portées contre son adversaire démocrate, tour à tour accusé d’être sénile, réduit à l’état de marionnette d’une « gauche radicale », ou encore à celui de chef d’une « famille mafieuse ». Cette dernière attaque a été alimentée par la parution dans un tabloïd, le New York Post, de documents présentés comme compromettants liés aux activités du fils du candidat, Hunter Biden, fournis par l’avocat du président, Rudy Giuliani.

Ce dernier était déjà à la manœuvre lors de l’affaire ukrainienne qui avait entraîné la mise en accusation du président. Donald Trump avait été accusé d’avoir marchandé une aide militaire à Kiev en échange d’enquêtes sur une compagnie gazière au sein de laquelle avait travaillé le fils Biden. La menace de sa destitution a été écartée par son acquittement par les républicains du Sénat, en février.

Dérapages

Les meetings dans lesquels Donald Trump communie avec les plus déterminés de ses fidèles sont aussi propices à des dérapages. En meeting le 17 octobre dans le Michigan, un Etat remporté par surprise en 2016 dans lequel il est à la peine, il a tonné contre la gouverneure Gretchen Whitmer, cible d’une tentative d’enlèvement de sympathisants d’extrême droite hostiles à sa gestion rigoureuse de l’épidémie. Il a laissé ses supporteurs scander « enfermez-la », avant d’ajouter « enfermez-les tous », manifestement dans une allusion aux démocrates. Le même jour, il a assuré dans le Wisconsin que cet Etat devait « rouvrir » alors qu’il connaît un pic d’épidémie.

Cette ambivalence est d’autant plus préjudiciable que l’avance dont bénéficie actuellement Joe Biden dans les intentions de vote s’explique principalement par le rejet que suscite le président au sein de deux électorats, les femmes et les plus de 65 ans. Les unes comme les autres sont particulièrement sévères sur sa gestion de l’épidémie.

Donald Trump a donné une autre illustration de ce manque de discipline au cours de son appel téléphonique de lundi au cours duquel il s’est emporté avec violence contre le directeur de l’Institut national des maladies infectieuses, Anthony Fauci. Il a qualifié ce dernier, membre de la cellule de crise de la Maison Blanche pour l’épidémie, de « désastre » alors qu’il jouit d’un crédit bien supérieur au sien auprès des Américains.

« Les gens disent : laissez-nous tranquilles. Ils en ont marre. Marre d’entendre Fauci et tous ces idiots », a-t-il dit. « Il est là depuis environ 500 ans. Il est comme ce merveilleux sage qui nous dit comment [faire]. Si nous l’avions écouté, nous aurions eu 700 000 ou 800 000 morts », a-t-il encore ajouté alors que l’épidémie repart en force aux Etats-Unis, principalement dans des Etats républicains.

21 octobre 2020

Le café est servi...

jaime32

21 octobre 2020

Technologie - Les Etats-Unis accusent six agents russes de piratage informatique

espions russes

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Les agents inculpés ont participé, selon le ministre américain de la justice, à “la série d’attaques informatiques la plus perturbatrice et destructrice de l’histoire”. Une campagne de plusieurs années qui a notamment frappé la France lors de l’élection présidentielle 2017. Les chances de voir ces agents un jour jugés sont toutefois presqu’inexistantes.

Ils sont accusés par le département américain de la justice (DOJ) d’avoir mené “la série d’attaques informatiques la plus perturbatrice et destructrice de l’histoire”. Six agents russes ont été inculpés pour leur lien avec des cyberattaques ayant frappé ces cinq dernières années l’Ukraine, la Corée du Sud, les Etats-Unis et la France, rapporte CBS News lundi 19 octobre.

La variété des inculpations reflète la détermination de Moscou “à atteindre ses objectifs géopolitiques et ses tentatives de déstablisation de ses rivaux”, peut-on lire dans le Wall Street Journal. Dans “l’un des cas les plus sévères”, souligne Business Insider, les pirates ont coupé brièvement une partie du réseau électrique ukrainien. Plus de 200 000 personnes ont été affectées au mois de décembre 2015.

Autres accusations sur la liste du ministère de la justice américain : le piratage des emails du parti En Marche ! d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017 en recourant au spear fishing (envoi de mails personnalisés), l’attaque du réseau informatique de l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2018 ou encore le défacement de 15 000 sites Internet en Géorgie à l’automne 2019. Sans oublier l’attaque NotPetya en juin 2017 qui aurait causé 1 milliard de dollars de dommages aux Etats-Unis en infectant notamment les ordinateurs d’une assurance de santé et d’une filiale de FedEx.

“Aucun pays n’a militarisé ses cybercapacités avec autant de malveillance et d’irresponsabilité que la Russie”, dénonce le responsable de la sécurité nationale au DOJ, cité par le site Engadget. Un responsable aux mots particulièrement durs avec Vladimir Poutine. La proposition récente du président russe de remettre à plat les relations entre les deux pays concernant les questions de cybersécurité “n’est rien d’autre que de la rhétorique malhonnête, de la propagande cynique et bon marché”.

A ce titre, remarque Politico, l’annonce de lundi relève surtout du symbolisme, à savoir “une réprimande énergique de l’agression russe de la part d’une administration dirigée par le président Donald Trump, qui la minimise régulièrement”. Car les experts connaissaient déjà le rôle de “l’armée digitale de Moscou” dans toutes les campagnes mentionnées par le DOJ.

Les six hommes inculpés sont tous membres du GRU, la direction générale des renseignements des forces armées russes, et d’une équipe surnommée Sandworm. “Bien qu’ils aient franchi toutes les lignes rouges que le monde de la cybersécurité a tenté de tracer pour protéger les infrastructures civiles de piratages catastrophiques, les membres de Sandworm n’ont jamais été inculpés ou même officiellement liés à ces attaques. Jusqu’à maintenant”, peut-on lire sur le site Wired.

La dimension symbolique de ces inculpations vient aussi du fait que les agents en question se trouvent sans doute en Russie. La possibilité de les voir arrêtés ou extradés est très faible, signale Techcrunch pour qui l’annonce de lundi sert avant tout de “name and shame”, nommer et faire honte. Une technique employée “fréquemment par le ministère de la justice américain ces dernières années”, dans des situations comparables. 

Vladimir Poutine, “perturbateur mondial”

Selon la BBC, les services de renseignement occidentaux, pas uniquement américains, espèrent “forcer les hackers à s’adapter” en exposant publiquement les pratiques de Moscou. Mais rien ne montre que ces campagnes de dénigrement les poussent à renoncer à ce type d’activités, ajoute le média britannique. 

L’unité du GRU en cause aujourd’hui avait aussi participé à la tentative de déstabilisation de l’élection présidentielle américaine en 2016, rappelle le Washington Post. Elle avait alors travaillé avec une autre équipe des services russes pour pirater des emails du parti démocrate. Toutefois, aucun chef d’accusation présenté lundi n’évoque une possible ingérence dans l’élection de 2020. Le timing de l’annonce du jour est indépendant du contexte politique du moment, assure le DOJ.

Le quotidien de la capitale rapporte par ailleurs les propos des autorités russes qui parlent d’”allégations cherchant encore une fois discréditer Moscou” et réfutent toute implication.

Après l’élection de 2016, raconte le Guardian, les experts s’attendaient à des sanctions de Vladimir Poutine à l’encontre du GRU, “pris la main dans le sac”. Cela n’a pas du tout été le cas, soutient le quotidien britannique. Furieux des accusations contre son pays après les révélations sur un programme de dopage généralisé, il a “déchaîné” le GRU. “Au lieu de nettoyer le sport russe, Poutine semble déterminer à conserver un rôle qu’il a parfait ces dernières années : celui d’un perturbateur mondial”, résume le Guardian.

21 octobre 2020

Pauline Moulettes

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21 octobre 2020

Exilée en France, une Ouïgoure hantée par le souvenir des camps chinois

Article de Brice Pedroletti - Le Monde

Gulbahar Jalilova a été soumise à quinze mois d’endoctrinement forcé au Xinjiang. Après avoir quitté Istanbul par crainte d’agents à la solde de Pékin, elle demande l’asile à Paris

Quand elle s’est retrouvée avec son fils adolescent dans une salle fermée à clé avec une dizaine d’autres étrangers dimanche 11 octobre à l’aéroport de Roissy, Gulbahar Jalilova a paniqué. Elle s’est mise à pleurer, à demander de l’aide. On la rassura : cela ne durerait que deux heures, et elle pourrait expliquer son cas par le biais d’un interprète.

Transférée ensuite dans une zone d’attente disposant d’hébergement, elle a depuis été admise sur le territoire français et a enclenché une procédure de demande d’asile en France.

C’est que cette citoyenne du Kazakhstan d’origine ouïgoure, partie quinze jours auparavant de Turquie à travers l’Albanie puis la Biélorussie avec le projet de demander l’asile lors d’une escale à Paris, a cru revoir la cellule chinoise de 25 m2 où elle a passé un an et trois mois avec une trentaine d’autres détenues, à Urumqi, la capitale de la région du Xinjiang, entre mai 2017 et septembre 2018. « Dès que je vois une porte verrouillée, des policiers, le cauchemar recommence », explique-t-elle, dimanche 18 octobre, au domicile d’une famille ouïgoure qui l’a accueillie à Paris.

Gulbahar Jalilova, 56 ans, fait partie des premières victimes à avoir témoigné à l’automne 2018 de la politique d’internement massif mise en œuvre au Xinjiang chinois à l’encontre des minorités musulmanes, principalement les Ouïgours mais aussi des Kazakhs. Il s’agit d’éradiquer le « virus » de l’islamisme au moyen d’une campagne, tenue secrète, de détention tous azimuts lancée en 2017 : les autorités raflent à tour de bras, remplissent les prisons, puis de tout nouveaux « centres de formation professionnelle » où les « étudiants » sont astreints à des mois d’endoctrinement dans des conditions carcérales, avant d’être soit envoyés en prison, soit relâchés sous surveillance, soit assignés à du travail en usine.

Plusieurs ONG et chercheurs estiment à plus d’un million le nombre de personnes internées dans cette région du Grand Ouest chinois aux confins de l’Asie centrale, sous prétexte d’un programme de « déradicalisation » à grande échelle.

La Turquie jugée peu sûre

Ces témoins de la première heure ont presque tous un lien avec le Kazakhstan, dont ils avaient la nationalité, ou un permis de séjour, ou de la famille. Ils ont pu regagner ce pays grâce à la pression de leurs proches et des autorités kazakhes. Plusieurs d’entre eux l’ont ensuite quitté, d’abord pour la Turquie puis des pays occidentaux – par crainte du bras long de Pékin. Gulbahar Jalilova, qui en Turquie a souvent témoigné dans les médias, est nommément vilipendée dans la presse chinoise : le Global Times fait d’elle une « actrice qui joue les victimes dans les médias occidentaux », aux côtés d’autres témoins capitaux comme Sayragul Sawutbay, aujourd’hui installée en Suède, ou Tursunay Ziavdun, réfugiée aux Etats-Unis.

Terre d’exil traditionnelle pour les Ouïgours, la Turquie est jugée peu sûre par les militants ouïgours, en raison de l’ambiguïté du président Recep Tayyip Erdogan vis-à-vis de la Chine et du renvoi en Chine, en catimini et via des pays tiers, d’Ouïgours recherchés par Pékin. Des agents ouïgours de Pékin y prolifèrent. « Après que j’ai pris la parole lors d’une manifestation en 2019 à Istanbul, trois Ouïgours ont débarqué dans un restaurant où j’étais. Ils avaient un comportement bizarre. J’ai été prévenue au téléphone qu’il y avait un problème, et suis sortie par une porte de derrière avec une amie. On a porté plainte, mais les caméras dans le restaurant comme par hasard ne marchaient plus ce jour-là » explique-t-elle.

Au printemps 2017, Gulbahar reçoit à Almaty un appel de la fille de sa partenaire en affaires à Urumqi, une Chinoise d’origine kazakhe : celle-ci affirme que sa mère est malade, demande à Gulbahar de venir pour un problème en douane concernant ses marchandises, des bijoux et des vêtements pour enfants. Depuis plusieurs années, elle achète en gros en Chine et revend au Kazakshtan. A l’arrivée à Urumqi, elle est emmenée au centre de détention n° 3. Les enquêteurs lui reprochent d’avoir viré l’équivalent de 2 000 euros à un nommé « Nurmemet », qu’elle ne connaît pas. Avec le recul, elle suppose que sa partenaire kazakhe a donné son nom pour se défausser en pensant qu’elle ne risquait rien en tant qu’étrangère.

Les interrogatoires se succèdent – sur ce prétendu virement, mais aussi sur ses pratiques religieuses. Elle s’évertue à expliquer qu’elle est née au Kazakhstan et a la nationalité kazakhe. Mais la prison lui a attribué un numéro d’identité chinoise – pour introduire son cas dans les fichiers informatiques. Une codétenue est accusée d’avoir enseigné le Coran à ses enfants, une autre d’avoir deux tapis de prière à la maison. Les sévices et humiliations sont constants. Il est interdit de parler autre chose que le mandarin. Le vendredi après midi, jour de la prière musulmane, les détenues doivent visionner un film de vingt-cinq minutes qui vante les prouesses de la Chine – puis écrire sur un papier leur reconnaissance envers le Parti communiste.

Requinquée de force

Au Kazakhstan, sa famille a alerté le gouvernement, mais aussi la Russie, de sa disparition. En septembre 2018, elle est transférée dans un hôpital et requinquée de force pendant quinze jours. Les policiers chinois lui font comprendre qu’elle doit s’estimer heureuse de sortir – et qu’elle ne doit rien dire.

« Pourquoi ils m’ont fait ça ! Je suis humaine quand même, ils m’ont cassée », dit-elle aujourd’hui. « Gulbahar Jalilova est sortie de détention depuis deux ans, mais elle n’est toujours pas dans un état tout à fait normal. Elle pense jour et nuit à ses codétenues, pleure très facilement », constate Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut ouïgour d’Europe. Selon elle, il est « urgent d’aider les rescapés des camps de concentration chinois par des soins psychologiques adaptés ».

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