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Jours tranquilles à Paris

10 mai 2020

Guy Bourdin

Guy Bourdin, né le 2 décembre 1928 à Paris et mort le 29 mars 1991 à Paris, est un photographe français de mode et de publicité.

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10 mai 2020

Bretagne

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10 mai 2020

Nantes, premier port négrier français

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Article de Anna Quéré

Le 10 mai, la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions est un moment fort à Nantes. Le port ligérien fut, en effet, le premier port négrier français au XVIIIe siècle.

À Nantes, sur les quais de Loire, se succèdent 2 000 plaques de verre. Elles rappellent le nom des navires et les dates de départ des expéditions négrières nantaises ainsi que les comptoirs, les ports d’escale et les ports de vente du commerce d’êtres humains. La ville porte, en effet, un lourd passé lié à la traite des esclaves.

« Rentabiliser » les expéditions

Dès la découverte du Nouveau Monde, la traite négrière atlantique se développe. La France prend une part active à ce commerce entre le XVIIe et le XIXe siècle, en déportant 1,3 million d’Africains, principalement vers ses colonies américaines, des Grandes Antilles, de la Guyane et celles de l’océan Indien. Parmi les principaux ports d’armement négrier, Nantes occupe incontestablement la première place : « Le port ligérien est bien la « capitale » française de la traite des Noirs », précise l’historien Bernard Michon. Durant deux siècles, les Nantais participent très activement au commerce triangulaire : au XVIIIe siècle, 450 000 à 600 000 esclaves sont amenés dans les colonies du Nouveau Monde par les navires négriers nantais. Sur 4 220 expéditions négrières françaises recensées entre le XVIIe et le XIXe siècle, 42 % partent du port de Nantes.

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Arrivés d’Europe avec des marchandises manufacturées, les bateaux échangent les biens sur les côtes d’Afrique contre des captifs fournis par des négriers africains. Ces navires transportent ensuite leur marchandise humaine à travers l’Atlantique avant de rejoindre l’Europe, les cales pleines de coton, sucre, cacao ou café. Les voyages durent en moyenne quinze mois. Le 12 mars 1741, La Reine des anges quitte le port de Nantes pour la côte de Guinée. Les armateurs, les frères de Beauvais-Razeau, adressent des recommandations précises au capitaine afin de « rentabiliser » l’expédition : il faut des esclaves « jeunes, bons et sains », de l’or, mais « de qualité » et des dents d’éléphants. Sitôt atteint le nombre de « quatre cents beaux et bons esclaves », le capitaine a pour ordre de mettre le cap sur Saint-Domingue, pour éviter les pertes. La traversée de l’Atlantique est périlleuse avec des risques de tempêtes ou d’avaries. Les équipages craignent également une mutinerie des prisonniers. C’est ce qui se produit en septembre 1738. En pleine mer, des captifs de L’Africain tentent de s’emparer du navire. La répression est cruelle. Dans cette prison en mer, les déportés succombent souvent dans d’extrêmes souffrances. En 1732, sur Le Dauphin, l’eau de piètre qualité « a donné aux Noirs le flux de sang, cour de ventre et scorbut, desquelles maladies ils sont tous morts ». À l’arrivée à Fort-de-France (Martinique), le procès-verbal de déclaration atteste « avoir vu jeté à la mer cent trente-sept Noirs depuis le commencement de la traite ».

Des profits considérables

Malgré les difficultés, le commerce est florissant. Nantes est une plaque tournante en France pour la distribution du sucre en Europe. Gens de mer, constructeurs de navires, manufacturiers ou ouvriers : l’ensemble de la population portuaire participe, à un degré plus ou moins important, au commerce colonial. 4 000 hommes embarquent chaque année sur ces navires. « L’esclave est un capital, donc précieux, et le matelot un simple outil, remplaçable, un prolétaire pris entre le marteau et l’enclume », précise l’historien américain Markus Rediker. Mais ce sont avant tout les négociants et les armateurs qui s’enrichissent. « C’est dans cette couche de la société, où se confondent nobles et bourgeois, que se constituent les fortunes dont la partie visible apparaît dans les constructions qu’ils édifient, hôtels urbains et maisons de campagne », écrivent les auteurs de l’ouvrage « Commerce atlantique, traite et esclavage ».

L’abolition de la traite des Noirs est définitive en 1831. Mais les négociants nantais traînent des pieds et poursuivent illégalement le commerce d’esclaves. Le décret du 27 avril 1848 abolit l’esclavage et met un coup d’arrêt immédiat à l’activité de la traite des Noirs à Nantes .

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Pour en savoir plus

« Commerce atlantique, traite et esclavage (1700-1848) ». Recueil de documents des Archives départementales de Loire-Atlantique, Philippe Charon (dir.), Samuel Boche, Jean-François Caraës et Morgan Le Leuch, PUR, 2018.Site du Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes : memorial.nantes.fr« Histoire populaire de la Bretagne », Alain Croix, Thierry Guidet, Gwenaël Guillaume, Didier Guyvarc’h, PUR, 2019.

Musée d’Histoire de Nantes ; www.chateaunantes.fr

10 mai 2020

Black and White

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10 mai 2020

Le retour prudent à Paris des « exilés » du confinement

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Après deux mois de confinement, des Franciliens, partis mi-mars à plusieurs centaines de kilomètres, retrouvent une capitale transformée, entre prudence et inquiétude.

Le train s’arrête dans un long crissement, déversant une petite foule de passagers dans la gare Montparnasse quasi-déserte. Après deux mois de confinement dans sa famille en Bretagne, Jean-Baptiste doit être présent pour son travail et s’apprête à retrouver ses 24 m² parisiens. « Au final, j’ai comme un sentiment que ce déconfinement, ça va être le confinement que je n’ai pas eu », résume cet attaché de presse de 26 ans. « C’était en zone verte. Dans le village, il y a dû y avoir quelques cas mais très peu… et là on sait que c’est le foyer, l’épicentre », confie-t-il derrière son masque.

Gaëlle rentre pour des raisons familiales depuis les Pyrénées-Atlantiques, où elle était confinée avec sa mère et sa fille. « Je suis contente de retrouver ma maison, mes repères » mais « j’appréhende un peu, parce que ça sera une nouvelle vie, ce déconfinement ».

Mi-mars, Paris intra-muros s’est vidé de 11 % à 12 % de ses habitants, soit environ 189 000 personnes, selon l’Insee. À l’aube du déconfinement, ces « exilés » ont « la possibilité de rentrer à leur domicile principal pour reprendre une activité professionnelle ou scolariser les enfants », selon le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner.

Avant de décider de « remonter » vers la capitale, dimanche, depuis Biarritz, Pierre-Alain a « pesé le pour et le contre ». Depuis deux mois, il vit avec sa femme et leur bébé dans la résidence secondaire de ses beaux-parents, où il était en vacances à l’annonce du confinement. « On n’est pas très inquiets, explique ce haut fonctionnaire, on a déjà des masques pour prendre le train » et « à Paris, soit on prendra un taxi, soit, s’il fait beau, on rentrera à pied ».

« Repartir en rouge »

« On appréhende, avec pas mal de points d’interrogation », confie, au contraire, Fabrice, journaliste confiné à Saint-Hymer (Calvados). Il compte « rentrer seul » pour « une tentative de reprise professionnelle », mais estime que ses enfants de 14 et 18 ans « ne reprendront pas l’école avant septembre ». « Je pense que je vais passer trois-quatre jours à Paris et, après, revenir. Est-ce que ça va être pour ramener la famille, la semaine du 18 ou pas ? On n’en sait strictement rien. »

Jeanne, étudiante à Sciences Po Paris, a aussi fait face à un « dilemme » avant de quitter, mardi, sa famille à Toulouse pour un entretien d’embauche. « J’ai fait le choix de repartir en (zone) rouge », résume cette jeune femme de 19 ans. Retrouver son appartement, ses amis, « ça me fait plaisir » mais « j’ai quelques réserves, faut pas non plus penser que ça va être le retour à la vie d’avant ».

« J’appréhende »

Madeleine, 29 ans, a prévu de revenir, samedi, pour le travail : elle va retrouver ses 20 m² après deux mois chez une amie, à Lille. « J’appréhende un peu les changements induits par cette crise » et le fait « de devoir adapter mon espace déjà petit pour travailler certains jours de chez moi ».

Nadia, elle, pense « laisser la vague des Parisiens remonter » avant de rentrer à Clichy (Hauts-de-Seine). Confinée au Cap Ferret (Gironde) avec son compagnon et son fils de quatre ans, cette responsable de ressources humaines de 37 ans est enceinte et doit passer des examens médicaux. « Si on remonte à Paris, c’est pour se confiner plus qu’aujourd’hui, parce que je suis à risque », explique-t-elle. « Retourner dans un endroit très urbain, avec une densité de population… ça va me tendre un petit peu », conclut-elle.

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10 mai 2020

David Bellemere

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10 mai 2020

La réouverture des plages attendra

Ces dernières heures, les élus et les préfectures ont planché sur les protocoles de réouverture des plages en mode dynamique. Les choses avancent mais il faudra attendre quelques jours pour poser à nouveau les pieds sur l’estran.

En Bretagne, on guette avec impatience la signature du décret ministériel qui permettra de mettre en musique, d’une manière réglementaire, cette reconquête du littoral. « Il devrait tomber dans les heures à venir », confiait, samedi, Dominique Cap, maire de Plougastel-Daoulas (29) et président finistérien de l’Association des maires de France (AMF). « Vendredi, j’étais très optimiste. Je pensais qu’on allait pouvoir rouvrir notre littoral lundi. Aujourd’hui, je sais qu’il faudra faire preuve de patience et attendre plusieurs jours. »

Dans le Finistère, 114 communes littorales pourraient être concernées. À présent, le préfet souhaite que l’ouverture des plages soit traitée à l’échelle de l’intercommunalité. « Apparemment, poursuit Dominique Cap, on ne va pas assister à une ouverture massive de notre côte, mais à certains sites. À mon avis, ce n’est pas la bonne solution. On va se retrouver avec beaucoup de monde en certains endroits. Et des difficultés à gérer cette promiscuité. » On sait déjà que des mesures restrictives ont été retenues : fermeture des plages la nuit, interdiction d’y consommer de l’alcool, limitation des groupes aux personnes vivant dans un même foyer (dans la limite de dix) et autorisation des pratiques sportives individuelles uniquement.

Nouvelle réunion lundi dans le Morbihan...

Dans le Morbihan, une soixantaine de communes sont concernées par cette réouverture du littoral. « Une réunion téléphonique est prévue, lundi, entre les maires et le préfet qui joue un rôle moteur dans ce qu’on essaye d’imaginer, explique Yves Bleunven, président de l’AMF 56 et maire de Grand-Champ. On a des plages très grandes, comme à Erdeven ou Plouhinec, où organiser un usage dynamique sera facile et permettra aux adeptes des sports nautiques ou aux randonneurs de s’adonner à leur passion. On a aussi de plus petites plages, comme Conleau, à Vannes, ou à Arzon, où les choses seront différentes. Mais toujours pas question de s’agglutiner sur des serviettes. Ça sera interdit jusqu’à nouvel ordre. » Yves Bleunven pense que, d’ici à cet été, et suivant la situation sanitaire, les choses évolueront dans le bon sens. « On va aussi traiter la problématique de l’accès à l’eau dans l’intérieur des terres : les lacs, les étangs, mais aussi la Laïta et le Scorff et les autres cours d’eau », conclut-il.

... et dans les Côtes-d’Armor

Dans les Côtes-d’Armor, on compte également une soixantaine de communes littorales. « Le préfet a déjà pris contact avec certains élus, annonce Armelle Bothorel, présidente de l’AMF 22 et maire de La Méaugon. Les choses avancent. Une réunion est prévue, lundi, entre le préfet et le président des huit intercommunalités du département. On attend avec impatience le décret qui nous permettra d’avancer dans un cadre légal. Je pense qu’il faudra attendre le milieu de semaine pour retrouver la côte. Les dérogations, une par commune, en fonction de leurs problématiques spécifiques, devraient être accordées dans les jours à venir. » Pas de précipitation donc. « En revanche, on peut envisager, dès lundi, l’ouverture de nos sentiers côtiers et ceux qui bordent nos plans d’eau intérieurs », poursuit la présidente de l’AMF 22, qui en appelle à l’esprit de responsabilité des Bretons.

Des appels à manifester ce lundi sur les plages

Ces derniers jours, de plus en plus de banderoles « Rendez-nous la mer » ont fleuri sur le littoral breton. Et des appels à manifester illégalement, ce lundi, sur les plages ont été lancés par plusieurs associations pour faire avancer les choses. Les instigateurs de ce mouvement de désobéissance civique demandent aux personnes qui se joindront à eux de respecter les consignes de sécurité sanitaire : distance entre citoyens, port du masque…

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10 mai 2020

Déconfinement.... êtes-vous prêt ?

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10 mai 2020

La collapsologie fait des adeptes

Angela Bolis et Audrey Garric - Le Monde

NOS VIES CONFINÉES

Entre utopie et envie de nouvelles solidarités sociales, les partisans de cette théorie de l’effondrement imaginent un avenir fait de résilience et d’autonomie pour faire face à la crise sanitaire

TÉMOIGNAGES

Emmanuel Cappellin s’est surpris à vivre la crise due au Covid-19 dans « une forme de normalité ». « Pas dans le sens “on vous l’avait bien dit”, mais juste parce que ça fait partie des soubresauts qu’il va y avoir de plus en plus, symptômes d’un système à bout de souffle », estime le documentariste drômois, qui navigue depuis plusieurs années dans les théories de la collapsologie.

Popularisée en France par Pablo Servigne, la collapsologie explore la vulnérabilité de nos sociétés face à divers risques systémiques (crise financière, épuisement des ressources, changement climatique, etc.), qui les menaceraient d’un effondrement dans un avenir proche. Pour ses partisans, la crise liée au coronavirus a fortement fait écho aux scénarios lus et entendus dans la sphère « collapso ». Ils y ont reconnu la même vision, celle d’un monde fragile, car interconnecté, et les mêmes ingrédients : pénuries, crise pétrolière ou économique, affaiblissement des services publics…

Si les plus convaincus y ont vu la confirmation d’un monde qui s’abîme, d’autres, moins familiers, ont plongé dans les théories de la collapsologie à la faveur de cette crise. L’un des principaux groupes Facebook sur ce thème, La collapso heureuse, a gagné 4 000 nouveaux membres depuis le début du confinement, atteignant ainsi plus de 27 000 abonnés.

C’est le cas de Robin Masson, étudiant en école de commerce à Toulouse, qui s’est inscrit début avril. Sensibilisé à l’écologie, mais « sans grande conviction » jusqu’alors, le jeune homme de 22 ans a profité du temps confiné pour se renseigner sur Internet. « Le fait de découvrir ces vidéos et ces lectures en plein coronavirus, ça fait très peur, je n’avais plus confiance en l’avenir… », relate l’étudiant, qui a ressenti le besoin de « prendre du recul » pour se préserver de l’anxiété.

La collapsologie décrit communément cet état de choc initial comme la première étape d’une « courbe du deuil » – un processus qui aboutirait, après des phases de déni, de colère ou de peur, à une forme d’acceptation sereine de la fin de notre monde. De fait, pour certains collapsologues, la crise engendrée par le coronavirus a été vécue de manière plus apaisée.

Grégoire Quartier, musicien et cofondateur de La collapso heureuse, a apprécié le calme et le temps retrouvés pendant le confinement, qu’il a employé à jardiner et à préparer un festival itinérant dans son canton de Suisse romande. « La collapso apprend à naviguer à vue. On sait qu’il y a des risques systémiques, mais on ne sait pas où ça va craquer : une sécheresse, une crise financière, un virus… Donc ce qui compte, c’est surtout notre capacité d’improvisation, de créativité et savoir gérer nos émotions pour ne pas paniquer. »

« moins stressés »

Selon le psychologue Pierre-Eric Sutter, les collapsologues seraient, en effet, mieux préparés à faire face aux angoisses suscitées par le Covid-19. L’Observatoire des vécus du collapse, qu’il codirige, cherche à savoir comment collapsologues et non-collapsologues gérent cette crise. La découverte de la théorie de l’effondrement leur aurait, selon lui, servi de « répétition générale » : « Nos premières observations montrent que les collapsologues sont moins stressés, qu’ils subissent moins la situation et qu’ils mobilisent plus positivement leurs ressources pour s’adapter. » Néanmoins, est-on jamais prêt à l’irruption du pire ? Le documentariste Emmanuel Cappellin avait pensé à tout pour que son projet d’habitat collectif, à Saillans (Drôme), soit résilient : cuves de récupération d’eau, jardins partagés, diversification des sources d’énergie, etc. Las, le projet n’a pas eu le temps d’aboutir avant la crise sanitaire. « On a un an de retard, déplore-t-il. Aujourd’hui, c’est le calme avant la tempête, donc je travaille deux fois plus dessus pour le finaliser au plus vite ! »

Grégory Derville, enseignant en sciences politiques et collapsologue depuis une dizaine d’années, a, lui aussi, été pris de court. Il avait décidé de changer de vie, de quitter son appartement du centre-ville de Beauvais (Oise), pour s’installer dans sa résidence secondaire, non loin de Limoges (Haute-Vienne). « Je me suis retrouvé piégé chez moi en raison du confinement. Cela a été dur, j’étais très inquiet que la situation dérape socialement, qu’il n’y ait plus de maintien de l’ordre ou d’approvisionnement alimentaire des villes », confie-t-il.

Plus que jamais, il a désormais la « conviction » de faire le bon choix en migrant vers la campagne. Sur son terrain de 10 hectares géré en permaculture, Grégory Derville compte planter des arbres et construire des logements pour une douzaine de personnes. Sans oublier de s’investir dans le tissu local. « L’autonomie ne signifie pas savoir tout faire soi-même, mais partager les ressources et les compétences à l’échelle d’un petit territoire, afin de satisfaire l’essentiel des besoins fondamentaux », note le maître de conférences, qui estime qu’il y a « urgence à développer massivement la résilience des territoires locaux ».

En collapsologie, résilience et autonomie apparaissent comme l’horizon à suivre, d’autant plus depuis l’émergence du coronavirus. Dans sa ferme du Calvados, Antoine Desjonquères cultive, avec deux amis, assez de légumes pour leur consommation et la vente au marché. Ils produisent aussi des fruits, des céréales, du tournesol, et leur propre énergie à partir de bois et de panneaux photovoltaïques. « La crise du Covid a accéléré nos réflexions pour être autosuffisants, afin de vivre de manière durable et ne pas participer à la société de consommation », explique l’agriculteur âgé de 25 ans. Depuis le début du confinement, les trois amis ont acheté un moulin et un pressoir pour fabriquer leur farine et leur huile.

« des solidarités de quartier »

Dans la Drôme, Hélène Fléchet, mère célibataire de trois enfants, ancienne assistante sociale, n’a « pas les moyens de s’acheter une maison avec jardin ou de monter un éco-hameau ». « J’ai donc profité du confinement pour me former à l’herboristerie : j’apprends à reconnaître les plantes sauvages qui soignent et celles qui nourrissent, relate-t-elle. C’est rassurant car même si, un jour, les magasins sont vides, on peut compléter quelques stocks de farine ou de féculents avec des plantes sauvages, qui sont très riches. » Cloîtrée dans son appartement de centre-ville, Hélène Fléchet projette de s’acheter un camping-car, « pour avoir accès aux ressources de la nature au cas où un nouveau confinement, plus strict, aurait lieu ».

Si la ville apparaît, pour nombre de collapsologues, comme inadaptée – trop peuplée et impossible à approvisionner en cas de chocs –, tous ne rêvent pas pour autant de la fuir. Ingrid (qui souhaite rester anonyme), iconographe, vit à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Elle préfère y rester et « travailler à développer la résilience urbaine », réfléchissant à des solutions pour « ne pas se retrouver à court de légumes, ou développer des solidarités de quartier ». Cette membre du mouvement de désobéissance civile Extinction Rebellion veut surtout consacrer son énergie à militer encore davantage « pour empêcher qu’après la crise sanitaire on retourne dans des systèmes encore plus productivistes et destructeurs de l’environnement ».

Sur le terrain de la mobilisation, la collapsologie louvoie : si elle a perdu tout espoir de salut pour un monde qui se précipite vers son effondrement, elle tente pourtant de lutter, encore, pour amoindrir le choc. Dans cette perspective, la crise actuelle apparaît comme une fenêtre d’opportunité à ne pas rater. « C’est maintenant que ça se joue, lance Grégoire Quartier. Ceux qui veulent la transition, il faut qu’ils se montrent et qu’ils s’organisent localement, sans plus attendre d’en haut. »

« Il n’y aura pas de retour à la situation d’avant, ce qui est une bonne nouvelle en soi, juge Barbara Chastanier, auteure de théâtre, installée dans une ferme en permaculture dans l’Ain. Cette crise a conforté la nécessité d’une réinvention de cette civilisation. » Une réinvention concentrée dans les éco-lieux alternatifs ou les communautés locales résilientes, chères à la collapsologie ? « En même temps, il ne faut surtout pas lâcher sur des formes de solidarités sociales plus larges, qui dépassent le seul voisinage et l’entre-soi, estime l’artiste. Car, finalement, on a beau construire sa petite utopie, c’est vain si, collectivement, on fonce droit dans le mur. »

10 mai 2020

Rouge ou vert ?

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