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Jours tranquilles à Paris

1 avril 2020

Poutine

poutine542Du coup Poutine se protège... (en scaphandre jaune ci-dessous)

macron 2 protégé poutine

 Tandis que notre Macron (en gaulois intrépide) visite une usine de fabrication de masques, avec un simple masque chirurgical

macron prtégé

 

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1 avril 2020

PQR (Presse Quotidienne Régionale)

pqr aril01

1 avril 2020

Reportage - Face au coronavirus, New York retient son souffle

empire

Par Arnaud Leparmentier, New York, correspondant

En quelques semaines, la ville et ses environs sont devenus un foyer majeur de l’épidémie aux Etats-Unis. Hôpitaux et musées, pauvres et riches, toutes les composantes de la cité s’organisent tant bien que mal, dans la crainte d’un désastre sanitaire.

Chance Landesman a décampé dans les montagnes boisées du Maine, à 650 kilomètres au nord de New York. L’étudiant de Brooklyn, 21 ans, s’est réfugié, avec cinq amis, dans une maison cossue pour fuir le coronavirus. Là, il s’est lancé dans la construction d’une serre, et il a nourri les poulets, tout en gardant l’œil rivé sur son smartphone et sur son portefeuille boursier. Wall Street plonge, l’Amérique compte 3,3 millions de chômeurs supplémentaires en une semaine, New York est une ville fermée, cernée par le coronavirus, mais le gamin a fait une petite fortune en Bourse en pariant sur l’effondrement des marchés financiers.

C’était il y a cinq semaines, une fraction de temps, mais une éternité. Ce lundi 24 février, on est encore dans l’ancien monde. La Bourse a atteint des plus hauts historiques. Aucun cas de coronavirus n’a encore été détecté à New York. Il faudra attendre le dimanche 1er mars pour que soit annoncé le premier malade, une auxiliaire médicale revenue d’Iran. Chance Landesman, qui a appris à boursicoter sur l’application Robinhood, voit arriver la catastrophe économique et sanitaire, qui a déjà frappé l’Asie, puis l’Europe. « Je pensais qu’on allait avoir une récession. L’épidémie due au coronavirus allait en être le déclencheur, et j’ai vendu à découvert. » Il parie toutes ses économies, ainsi qu’un don fait par un de ses oncles pour ses 18 ans. Quatre semaines plus tard, il a multiplié sa mise par 25 (chiffre retombé à 16 entre-temps) et prend l’avion pour le Maine. « J’adore New York, mais il n’y avait plus rien de ce qui la rend sympa », confie-t-il au Monde par téléphone.

Curieuse impression. Chance Landesman est hors du temps, mais dans le monde. Il a suspendu ses études de philosophie et de religion, et se passionne pour la finance. « Cela fait longtemps que j’attends un changement majeur, poursuit-il. Beaucoup de jeunes ont une vision plus apocalyptique, avec le changement climatique, les perspectives économiques. On s’est très vite inquiétés, tandis que les vieux avaient un train de retard. »

Atmosphère irréelle

Les « vieux », comme il dit, sont confinés à New York. Sa mère, par exemple : Shanny Peer, directrice de la Maison française de l’université Columbia, restée dans sa maison de Brooklyn. « Je fais du yoga. Mon club donne des cours par Internet », nous dit-elle. Tout est allé si vite… Brutalement, l’université a décidé de fermer, comme d’autres institutions new-yorkaises. « Je travaille plus ou moins à la maison, même si je ne peux pas organiser d’événements. Je suis payée. Tout le monde est payé pour l’instant, on ne parle pas de licenciements. » Tout est annulé, y compris la cérémonie de remise des diplômes, à laquelle assistent d’ordinaire des dizaines de milliers d’étudiants. Et l’on espère une reprise en septembre, sans en être vraiment sûr. La priorité ? Eviter la maladie. « Je crois que j’ai le virus, poursuit Shanny Peer. Il y a dix jours, j’ai eu un peu de fièvre et des courbatures. Et puis, j’ai perdu le goût et l’odorat. Mais, comme le gouvernement fédéral est incompétent, les tests sont très rares, et on ne peut pas en faire. En tout cas, je fais comme si j’avais la maladie. »

A la date du mardi 31 mars, celle-ci avait touché 76 000 personnes et fait 1 550 morts dans l’Etat de New York (20 millions d’habitants) ; 8 500 personnes y étaient hospitalisées, dont plus de 2 000 en soins intensifs avec respirateurs artificiels. New York et sa région sont bien devenues le cœur américain de l’épidémie. « Le virus est peut-être né à Wuhan, mais New York va être Ground Zero », prévient Jimmy Van Bramer, conseiller municipal de la ville, élu démocrate du Queens, en référence au no man’s land laissé à l’emplacement des tours jumelles du World Trade Center, après les attentats du 11 septembre 2001.

A New York, l’atmosphère est irréelle. La ville est désertée, contaminée, mais pas encore submergée par l’afflux des malades. La comparaison la plus pertinente est sans doute celle avec ce moment si particulier qui précède les cyclones de Floride, lorsque l’orage est là qui arrache les toitures des maisons, mais que le pire est à venir avec la montée des eaux.

Depuis deux semaines, nulle âme qui vive devant l’embarcadère de la statue de la Liberté. Le Mémorial du 11-Septembre s’est tari : l’eau a cessé de couler dans les deux gouffres installés à l’emplacement des tours. Times Square s’est vidé de ses touristes, les music-halls de Broadway ont baissé le rideau. Les personnes croisées dans les avenues, désormais silencieuses et sans voitures, sont souvent afro-américaines ou latinas, manifestement pauvres, comme si les Blancs de la finance et des beaux quartiers avaient disparu. La criminalité est en chute libre. Les livreurs en tout genre apportent leurs paquets, gantés et masqués, mais qu’on ne compte pas sur Whole Foods, la filiale alimentaire d’Amazon, pour remplacer le supermarché : la première fois, les articles livrés n’étaient pas ceux sélectionnés ; la seconde, il n’y avait plus de créneau de livraison. De nombreux magasins de bouche ont fermé. Chez ceux qui restent ouverts, le choix s’est raréfié, et les clients s’invectivent dès que l’un approche à moins de 2 mètres. La maladie progresse, l’appréhension aussi.

Un patient passé sous les radars

Le gouverneur de l’Etat, Andrew Cuomo, a sonné le tocsin, mardi 24 mars : « Le taux d’infection double tous les trois jours, a-t-il prévenu. Nous ne ralentissons pas l’épidémie, et elle accélère d’elle-même. » La situation est telle que Donald Trump a envisagé de confiner l’Etat de New York, tandis que la police du Rhode Island voisin faisait la chasse aux visiteurs indésirables, propagateurs potentiels du virus. Un compromis a finalement été trouvé : les New-Yorkais sont invités à se mettre en quatorzaine lorsqu’ils quittent leur territoire.

La ville a réalisé l’ampleur du désastre à venir il y a une dizaine de jours, en voyant l’interminable file de patients désireux de se faire dépister à l’hôpital d’Elmhurst, dans le Queens. Depuis, un camion frigorifique a été installé devant cet établissement pour stocker les cadavres, et le nombre d’admissions quotidiennes aux urgences a doublé, pour atteindre quatre cents. « L’angoisse est accablante », a confié l’urgentiste Colleen Smith au New York Times. « La situation est mauvaise, les gens meurent, et nous n’avons pas le matériel dont nous avons besoin », a-t-elle précisé, déplorant le manque de masques et s’inquiétant du nombre de malades jeunes sans antécédents médicaux. Les médecins réquisitionnés décrivent leur quotidien sur Twitter, telle la pneumologue Anna Podolanczuk : « Aujourd’hui, j’ai dit à un homme de 28 ans qu’il devait être intubé. Il était terrorisé et ne pouvait respirer ; j’ai annoncé sur FaceTime à l’épouse d’un homme de 47 ans qu’il était en train de mourir ; j’ai fait une bronchoscopie à un patient atteint du Covid-19. J’ai sauvé sa vie, risqué la mienne », écrit-elle. Et d’ajouter : « C’est notre nouvelle normalité. New York va s’en sortir. 

etats unis

Des semaines durant, la ville a vécu dans une curieuse insouciance. Une fois isolé, le « patient zéro » (l’auxiliaire médicale revenue d’Iran) n’a pas inquiété grand monde. En revanche, chacun a tiqué lorsque a été connue l’histoire du second malade. Le 27 février, Lawrence Garbuz, un avocat résident de New Rochelle, banlieue résidentielle située au nord de New York, est conduit à l’hôpital par un ami. Les médecins diagnostiquent d’abord une pneumonie, puis il est transféré dans un hôpital de Manhattan. Enfin, les autorités annoncent, le mardi 3 mars, que le test révèle qu’il est positif au coronavirus. Sauf que, ce jour-là, nul n’y prête vraiment attention : c’est le Super Tuesday, jour décisif de la primaire démocrate américaine qui voit le centriste Joe Biden devancer le socialiste Bernie Sanders. « Nous avons réalisé que cela allait changer la vie de notre communauté, mais sans saisir que c’était l’avant-garde d’une lame de fond nationale », nous explique Noam Bramson, le maire de New Rochelle, ville fondée par des huguenots français au XVIIe siècle.

Cauchemar en cuisines

En ce début du mois de mars, les autorités peinent à trouver l’origine de la contamination. Lawrence Garbuz a voyagé en Floride en février, mais il n’existe aucun lien avec un foyer infectieux manifeste. En revanche, ces mêmes autorités s’inquiètent vite de l’itinéraire du malade : il fait chaque jour l’aller-retour en train entre New Rochelle et ses bureaux de Manhattan. On apprend aussi que sa famille est contaminée : sa fille de 14 ans étudie dans le Bronx, son fils âgé de 20 ans du côté d’Harlem. Surtout, M. Garbuz s’est rendu à trois reprises, alors qu’il était déjà malade, dans sa synagogue, pour assister à des funérailles, à une bar-mitsva et à un office religieux. « Nous avons confiné plusieurs centaines de familles, soit environ un millier d’individus », précise M. Bramson. Un périmètre sanitaire de 1 mile (1,6 kilomètre) est alors établi autour de la synagogue. La garde nationale intervient pour assainir les bâtiments publics et les écoles, et distribuer des repas aux habitants. A la date du 11 mars, New Rochelle est l’épicentre, dans l’Etat de New York, de l’épidémie, avec 121 cas sur 212.

A cette époque encore, beaucoup croient qu’il sera possible de la contenir. Début mars, M. Cuomo annonce le rapatriement de quelque trois cents étudiants partis en échange universitaire à l’étranger (Chine, Italie, Iran, Corée du Sud). Bien sûr, ils seront confinés. Les premières recommandations du maire de New York, Bill de Blasio, sont bien peu strictes : ceux qui craignent d’être malades ne doivent pas appeler les pompiers, mais sont priés de se rendre chez le médecin. Au risque de propager l’épidémie…

Arrive le week-end des 7 et 8 mars. Au cœur de Manhattan, le chef français Daniel Boulud organise son dîner de gala annuel, destiné à financer Citymeals, une association de livraison de repas chauds aux personnes âgées. La famille Troisgros, de Roanne, a fait le voyage, de même que Julien Royer (Odette), de Singapour, ou Alexandre Gauthier (La Grenouillère) de la baie de Somme, en Picardie. On se salue déjà du coude, par précaution, avant de déguster de la saint-jacques aux rutabagas ou des crêpes à la truffe. Le gala permet de lever 1 million de dollars.

Le mercredi suivant, Daniel Boulud reçoit une lettre du département de la santé new-yorkais : un des clients de son restaurant, Rick Cotton, patron de l’autorité portuaire locale, a été testé positif au Covid-19. A en croire la missive, il n’y a pas lieu de s’inquiéter : l’homme n’est pas contagieux. M. Boulud s’inquiète quand même. Le vendredi 13 mars, il décide de fermer ses sept restaurants new-yorkais. Plus de 750 salariés sans travail, du jour au lendemain. « Et dire qu’on était tous autour de la table, il y a trois semaines », soupire M. Boulud, retiré dans sa maison de campagne, au nord de la ville.

Le système de bienfaisance se met en marche

L’entrepreneur se bat pour faire activer son assurance perte d’exploitation, qui, sans surprise, avait inclus en bas de page une clause d’exclusion pour les pandémies. Pour aider ses salariés, il leur paiera une assurance-maladie au moins jusqu’en avril. Il a également trouvé un moyen ingénieux de leur donner un coup de pouce. « Nous avons lancé une fondation, Main dans la main, dans laquelle il y a mon PDG, mon directeur financier et trois représentants du personnel pour voir quels salariés ont le plus besoin de soutien. On ne veut pas qu’ils perdent leur appartement, même s’il a été demandé aux bailleurs d’être patients. » En dix jours, Main dans la main a récolté 147 000 dollars auprès de 395 donateurs ayant versé entre 5 dollars et 10 000 dollars.

En ces temps troublés, le système de bienfaisance new-yorkais se met en branle. L’association Citymeals s’est reconvertie et apporte désormais aux personnes âgées des vivres empaquetés. En plus du million de dollars levé lors du gala, elle a reçu deux autres dons de 1 million de dollars de la part d’institutions financières. Mais tout n’est pas facile : certaines des quarante cuisines réparties dans les cinq districts de la ville de New York ont dû cesser leurs activités.

Si M. Boulud a fermé ses restaurants avant que les autorités ne lui en donnent l’ordre, c’est aussi parce que deux d’entre eux avaient déjà perdu leur clientèle, l’un sur Broadway, près de Times Square, l’autre à côté du Lincoln Center, temple de la vie musicale. Depuis, la vie sociale s’est totalement arrêtée, et New York n’est plus vraiment New York.

L’une des grandes attractions mondaines de Manhattan est le gala du Metropolitan Museum (Met Museum), organisé chaque début mai par Anna Wintour, rédactrice en chef du magazine Vogue et star de la mode. Cette année, l’épouse du prince Harry, Meghan Markle, devait être de la fête, mais la cérémonie a été reportée sine die. Le musée, aux abords de Central Park, sonne désormais le creux. Seuls restent quelques gardes de sécurité et le conservateur, l’Autrichien Max Hollein, qui arpente les galeries. « Je me rends au bureau chaque jour. Ce sont des temps très occupés », assure M. Hollein, qui multiplie les vidéoconférences avec son conseil d’administration et prévoit une perte de 100 millions de dollars.

Avec l’effondrement de Wall Street, les donateurs vont se montrer moins généreux. Le trésor de guerre (endowment) de 3,6 milliards de dollars sur lequel est assise l’institution fluctue avec la Bourse. Mais M. Hollein prépare déjà l’après. « Notre public va devenir plus local à cause de la baisse prévisible du nombre de touristes. Et il va vouloir le célébrer, ce qui nous offre une opportunité pour créer du lien émotionnel. De plus, les prêts d’œuvres vont se réduire et les musées vont compter sur leurs propres collections. C’est une chance. » Le musée, qui devait inaugurer début mars l’exposition célébrant le 150e anniversaire de sa création, espère retrouver ses racines, celles d’un musée communautaire.

La contagion à tous les secteurs

De l’autre côté du parc, le directeur général du Metropolitan Opera (Met Opera), Peter Gelb, a décidé de diffuser chaque jour, gratuitement, une œuvre sur son site Web. « Ce soir, c’est le dernier opéra du Ring, de Wagner. C’est un moyen pour le Met de rester relié à son public local et international. On apporte un peu de réconfort culturel aux populations confinées », assure M. Gelb, qui estime toucher entre 200 000 et 300 000 spectateurs par jour. En réalité, le premier opéra du monde est durement frappé. Il a annulé la fin de saison, n’encaisse pas les abonnements pour 2020-2021 et ne dispose pas de matelas financier. « A la différence du Met Museum, nous n’avons pas été conçus comme une organisation philanthropique en 1883 : c’était une aventure lucrative. Résultat, nous n’avons que 300 millions en réserve. » L’opéra, où 3 000 personnes sont employées, a mis au chômage son personnel technique, réduit les salaires des administratifs indispensables au redémarrage de l’institution. « J’ai renoncé à mon traitement », ajoute l’administrateur, qui a lancé une campagne de souscription de 80 millions de dollars et déjà trouvé 20 millions. Ici aussi, la reprise est espérée fin septembre, avec une nouvelle création, l’Aida de Verdi. « Le Met va revenir, prévient M. Gelb. Je ne sais pas quand, mais il va revenir. »

La planète finance, elle, tourne. Grâce au télétravail, certes, mais elle tourne. Et même si l’ancienne criée du New York Stock Exchange, contaminée, a été suspendue le 20 mars, il est hors de question de fermer Wall Street, thermomètre de l’Amérique pour Trump. Selon le Wall Street Journal, la première banque américaine, JPMorgan, a indiqué à ses tradeurs qu’ils ne pouvaient pas fermer boutique dans des domaines où la banque assure 20 % des échanges. La Fed de New York inonde le marché de liquidités, protégeant les institutions de Wall Street. La Bourse a même rebondi de 20 % par rapport au plus bas du 23 mars.

Ainsi va New York la contagieuse… Pendant que les (toujours) bien portants préparent déjà l’avenir, l’autre partie de la population est en mode survie. Toute la ville est contaminée, y compris la sinistre prison de Rikers Island (5 300 détenus). La crise y a pris un tour « people » lorsqu’on a appris que l’ancien magnat d’Hollywood Harvey Weinstein était positif – sans symptômes – au Covid-19, quelques jours après avoir été condamné à vingt-trois ans de prison pour crimes sexuels. L’affaire a attiré l’attention sur les détenus new-yorkais. « C’est une bombe à retardement », a mis en garde Justine Olderman, représentante des avocats du Bronx. Un détenu, Juan Giron, transféré à Rikers Island, en a fait un récit édifiant à l’agence Associated Press : le jeune homme s’ennuie dans son dortoir, quand arrive un nouveau détenu, vers 18 heures. « Quelques heures plus tard, deux policiers reviennent avec des masques et des gants, et essayent de donner un masque au type. Ils avaient l’air terrifiés, ne voulaient pas le toucher. » Le détenu est finalement exfiltré du dortoir : « C’est la procédure désormais pour les gars porteurs du virus », explique un des deux policiers à Juan Giron. Rien n’aurait été fait pour ceux qui ont été en contact avec le malade.

« Nous sommes à l’épicentre de l’épidémie »

Les tests se sont révélés positifs pour au moins trente-huit personnes dans les prisons de New York. Malgré tout, les libérations se font au compte-gouttes (cinquante-six libérations au 22 mars). Alors que Bill de Blasio voudrait relâcher trois cents détenus de plus de 70 ans en mauvaise santé, les avocats demandent un chiffre plus ambitieux de 1 500 détenus peu dangereux. Les délinquants en col blanc en profitent pour tenter leur chance, à l’image de Michael Cohen : l’ancien avocat de Donald Trump, incarcéré pour trois ans dans la prison d’Otisville, un centre pour VIP dans le nord de l’Etat, a demandé à être assigné à résidence. Refus sec du juge de Manhattan William Pauley, qui lui a reproché de « vouloir se glisser dans le cycle de l’actualité », mais a estimé qu’il était « manifestement inéligible » à une libération compassionnelle. « Au bout de dix mois d’internement, il est temps que Michael Cohen accepte les conséquences de sa condamnation pénale », écrit le juge.

Les plus pauvres, eux, sont confinés à domicile, comme Lamia Rahman, 22 ans. Cette étudiante en médecine de Columbia a été priée de quitter sa résidence universitaire et de retourner vivre chez ses parents, des immigrés du Bangladesh, dans un deux-pièces en rez-de-chaussée du quartier de Queens, à deux pas du fameux hôpital d’Elmhurst. « On lit que beaucoup d’étudiants ont fui à la campagne, confie Lamia Rahman. Mais ce n’est pas la réalité de tout le monde. Nous sommes à l’épicentre de l’épidémie. Je suis inquiète pour mes parents. Mon père a arrêté de conduire son taxi depuis deux semaines. Il a 64 ans, et sa santé n’est pas des meilleures. »

La jeune femme suit ses cours par Internet. Les notes sont supprimées pour éviter les discriminations. Son stage dans un centre de recherche du Maryland a été annulé, et elle espère trouver un stage d’été dans un hôpital. Boursière, elle n’a pas ce souci, mais des étudiants ont lancé une pétition pour obtenir le remboursement de leurs frais de scolarité. En attendant, la famille Rahman vit sur ses économies. Le Congrès a voté une assurance- chômage pour les travailleurs indépendants, les loyers publics sont censés être suspendus, mais ces décisions ne soulagent pas encore la famille, qui habite dans le parc privé. « Pour l’instant, il semble qu’on devra payer le loyer d’avril », s’inquiète Lamia Rahman.

Obtenir l’annulation des loyers pendant trois mois : tel est l’objectif du conseiller démocrate Jimmy Van Bramer, dont la permanence croule sous les appels d’électeurs au chômage. « L’Etat a suspendu les expulsions pendant trois mois, mais, au bout de cette période, les gens seront incapables de payer. C’est pourquoi je soutiens la suspension des loyers pendant trois mois », dit-il au Monde par vidéoconférence.

Le pire du choc économique n’a pas encore eu lieu : les inscriptions au chômage n’ont atteint « que » 80 333 pour la semaine close le 21 mars, une proportion deux fois et demie moindre que dans le reste des Etats-Unis. Certains employeurs ont manifestement maintenu les contrats jusqu’à fin mars, tandis que l’allocation-chômage n’est pas négligeable : 504 dollars par semaine à New York, plus 600 dollars octroyés par l’Etat fédéral, ce qui fait environ 4 500 dollars maximum par mois avant impôts.

Les trois figures de la crise

L’autre problème était la prise en charge des malades. De nouveau, les employeurs, comme Daniel Boulud et le Met Opera, paieront l’assurance-santé, au moins jusqu’en avril. L’Etat de New York a permis à ceux qui perdraient leur assurance privée de s’inscrire à l’assurance subventionnée Obamacare. A l’évidence, la ville démocrate n’est pas la caricature que certains croient. « A New York, personne ne peut être renvoyé des urgences sous prétexte qu’il n’a pas d’assurance. On a dit aux gens qu’ils ne seraient pas facturés pour le traitement du coronavirus », assure Jimmy Van Bramer. Les médecins consultent par téléconférence, et la promotion de médecine de la New York University a été diplômée par anticipation, afin de pouvoir soigner les patients, tandis que les New-Yorkais confinés applaudissent désormais le personnel médical à 19 heures.

Sur le plan politique, la crise sanitaire est gérée par trois figures, qui se disputent les créneaux horaires pour leurs conférences de presse quotidiennes. Ces trois personnages, le conseiller municipal démocrate Van Bramer les croque volontiers, en reflétant un avis général. Donald Trump ? « Le président est un désastre, son incompétence aggrave la crise pour des Américains qui attendent désespérément du leadership. » Le maire de New York, Bill de Blasio, qui a tardé à fermer les écoles, car il se souciait du repas des enfants pauvres ? « Il fait de son mieux face à une crise qu’il n’a jamais imaginée. » Le gouverneur Andrew Cuomo ? « Il est fantastique. Il est très rassurant et fait preuve d’un leadership déterminé. » De fait, c’est lui, Andrew Cuomo, qui a mené la danse, ferraillant avec Trump pour obtenir le droit de développer ses propres tests. C’est lui, encore, qui a appelé à l’aide l’Etat fédéral, exigé des hôpitaux l’augmentation de leurs capacités et mis en garde contre la submersion du système sanitaire.

Les cris d’alarme vont-ils permettre d’éviter l’explosion du système ou les hôpitaux new-yorkais vont-ils réellement être dépassés par la vague de contaminations ? L’hôpital d’Elmhurst, déjà mentionné, a dû être réapprovisionné à trois reprises en respirateurs, mais son autorité de tutelle dément qu’il ait été proche de la pénurie.

Il n’empêche que la course contre la montre est engagée et que l’armada américaine se met en marche. « La courbe [des infections] suggère que nous pourrions avoir besoin de (…) 37 000 places en soins intensifs avec respirateurs, contre une capacité actuelle de 3 000. C’est notre problème principal », a déclaré, le 25 mars, M. Cuomo, qui veut aussi doubler le nombre de lits disponibles dans l’Etat, pour atteindre 110 000. Un hôpital de campagne doit ouvrir sous peu dans un centre de congrès de Manhattan. De son côté, l’hôpital Mont Sinaï installe des tentes dans Central Park pour s’étendre, tandis qu’un bateau hôpital militaire, le USNS Comfort, doté de 750 lits et de douze salles d’opération, est arrivé, lundi, dans le port de New York. Il soulagera les hôpitaux en traitant les cas hors Covid-19. « L’arrivée du USNS Comfort devait prendre deux semaines. Cela a pris huit jours », a dit satisfait M. de Blasio, qui a même remercié le président Trump.

En attendant la suite de l’épreuve, les Américains refusent de baisser les bras. On bricole des respirateurs pour qu’ils puissent alimenter en oxygène plusieurs patients à la fois. Le patron de Tesla, Elon Musk, a proposé, sur Twitter, le 19 mars, de fabriquer des respirateurs. « J’ai parlé hier soir avec Elon Musk. Il donne des centaines de respirateurs à la ville et à l’Etat de New York, y compris à nos hôpitaux publics. Nous l’en remercions profondément », a tweeté le maire, vendredi.

La quarantaine de New Rochelle a été levée samedi 28 mars. Le premier malade de la petite ville, M. Garbuz, semble tiré d’affaire. « C’est avec une immense gratitude envers Dieu et envers vous tous, dans le monde entier, de toutes les religions, cultures et foi, qui avez prié pour mon mari, que je partage des nouvelles très joyeuses : Lawrence est éveillé, alerte et semble être sur le chemin d’une récupération complète », a écrit sa femme sur Facebook. Les optimistes veulent espérer, mais Andrew Cuomo a prévenu les New-Yorkais, lundi 30 mars : « Ce virus est devant nous depuis le premier jour. Si on n’arrive pas à passer devant lui, il y aura beaucoup de victimes. »

1 avril 2020

Szymon Brodziak

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1 avril 2020

Avec le confinement, l’Ile-de-France passe en mode silencieux

paris silence

Par Stéphane Mandard

Une étude relève une chute historique du bruit en région parisienne, où 90 % de la population est habituellement soumise à des niveaux sonores dépassant les recommandations sanitaires.

Les aboiements d’un chien, le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles dans les arbres : ces derniers jours, les citadins redécouvrent des mélodies habituellement étouffées par le vacarme des grandes villes. Si ce n’était le froid, ils en seraient presque à dormir fenêtres grandes ouvertes. Confinement oblige, la ville est passée en mode silencieux.

Moins de voitures, camions, motos, scooters dans les rues. Moins d’avions dans le ciel. Moins de trains ou de métros. Moins de marteaux-piqueurs ou d’engins de chantier. Le bruit a déserté les agglomérations. Et tous les soirs, à 20 heures, peut se propager de fenêtre en balcon la claque donnée en l’honneur des soignants engagés dans le combat contre le coronavirus.

Jusqu’à 90 % de baisse près de certaines voies

Bruitparif, l’organisme chargé de surveiller la pollution sonore en Ile-de-France, a mesuré l’impact des mesures de confinement et du ralentissement de l’activité qui en découle. Les 150 capteurs disséminés dans la région sont formels : le niveau de bruit a chuté. Jusqu’à près de 90 % la nuit aux abords de certaines voies dans Paris intra-muros.

Selon le bilan des deux premières semaines de confinement publié mardi 31 mars par Bruitparif, le niveau sonore a baissé entre 5 et 10 décibels le long des axes routiers. « Du jamais vu, réagit Aurélie Solans, conseillère déléguée à l’environnement à la Mairie de Paris. Nous vivons une expérience grandeur nature inédite ». La même tendance historique avait été mise en évidence par Airparif avec la réduction drastique de la pollution de l’air liée au trafic routier.

Un impact sur la qualité de vie

Cette chute sans précédent du niveau de bruit s’est encore amplifiée au cours de la deuxième semaine, précise Bruitparif. Elle bénéficie également aux personnes vivant à proximité des aéroports de Roissy et Orly – où le trafic est désormais quasiment nul – ou sous des couloirs aériens. Les stations de mesure de l’organisme notent aussi une baisse le long des voies ferrées qui accompagne la réduction du trafic ferroviaire.

Cette réduction de la pollution sonore ne se limite pas aux transports, elle est aussi perceptible pour les riverains des chantiers (ceux du Grand Paris Express sont à l’arrêt) ou dans les quartiers festifs de la capitale. « Les nuisances sonores ont disparu des quartiers animés de la capitale, qui comptent de nombreux bars et restaurants ou établissements habituellement fortement fréquentés en soirée et en début de nuit », relève Bruitparif. Les baisses peuvent atteindre jusqu’à 20 décibels.

« On ne peut évidemment pas souhaiter que le pays reste paralysé mais peut-être que ce répit, lorsque le confinement prendra fin, aura au moins le mérite de faire prendre conscience aux gens que le bruit peut avoir un impact sur leur qualité de vie, commente Fanny Mietlicki, la directrice d’Airparif. Car beaucoup de Français, et en particulier de Franciliens, vivent en permanence dans un univers sonore bruyant. »

Un enjeu de santé publique

De par la densité de sa population et de son maillage (routes, voies ferrées, aéroports), l’Ile-de-France est la région de France la plus touchée par le bruit lié aux transports. 90 % de la population est exposée à des niveaux supérieurs aux valeurs recommandées par l’Organisation mondiale de la santé : 53 décibels (dB) pour le trafic routier (et 45 dB la nuit), et de respectivement 45 dB et 40 dB pour les avions.

« L’exposition au bruit des transports constitue un enjeu de santé publique, rappelle Aurélie Solans. La chute de l’exposition à cette pollution transforme notre paysage sonore avec des bénéfices en termes de santé. » Le bruit est en effet considéré comme « la seconde cause de morbidité derrière la pollution atmosphérique » parmi les facteurs de risque environnemental en milieu urbain. Troubles du sommeil, infarctus du myocarde, acouphènes, gênes… dans une étude publiée en février 2019, Bruitparif estimait que le bruit des transports était responsable, en moyenne, d’une perte de 11 mois de vie en bonne santé par habitant et jusqu’à trois ans pour les plus exposés, vivant souvent à proximité d’un aéroport.

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1 avril 2020

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1 avril 2020

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1 avril 2020

Vu du Japon.La Chine veut s’attribuer tous les mérites dans la gestion de l’épidémie du Covid-19

drapeau chinois

NIKKEI ASIAN REVIEW - TOKYO

Cet article est issu du Réveil Courrier. Chaque matin à 6h, notre sélection des meilleurs articles de la presse étrangère.

Pékin aimerait démontrer la supériorité de son système autoritaire face à l’épidémie de coronavirus. C’est oublier que ce même système a empêché des mesures précoces pour stopper la diffusion de la maladie, écrit cet ancien correspondant japonais en Chine.

Le quotidien chinois Huanqiu Shibao (Global Times) a récemment publié un éditorial très critique vis-à-vis des États-Unis et de l’Europe, incapables, selon lui, de contenir le nouveau coronavirus et de mettre en œuvre des mesures adéquates contre celui-ci. Cet éditorial du 13 mars a été publié avec la bénédiction du Renmin Ribao (“Le Quotidien du peuple”), organe du Parti communiste chinois (PCC) [dont le Huanqiu Shibao dépend].

Auparavant, la Chine s’était targuée à plusieurs reprises d’avoir eu une réaction exemplaire face au virus, exigeant pratiquement la reconnaissance du monde entier pour ses efforts visant à ralentir la contagion. C’est absurde.

Le nouveau coronavirus, à l’origine de tant de souffrances pour un si grand nombre de personnes, est quand même apparu en Chine. S’attendre à des éloges pour avoir ralenti sa propagation – sans reconnaître sa responsabilité – c’est un peu comme allumer un feu puis vouloir être applaudi parce qu’on apporte de l’eau.

La thèse du complot américain ne tient pas debout

Récemment, cependant, Pékin a montré une étrange volonté de s’exonérer de toute responsabilité dans la pandémie. Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a tweeté [le 12 mars] que l’armée américaine était responsable de la contamination de la Chine par le Covid-19. Cette théorie du complot a naturellement provoqué les protestations des États-Unis.

La Chine a l’habitude de déclencher sa machine de propagande pour déformer les faits afin de se présenter sous un jour favorable sur la scène internationale. Par exemple, alors que les États-Unis adoptent le protectionnisme, la Chine prétend être le champion du libre-échange. Mais qu’est-ce qui peut pousser la Chine à utiliser une pandémie mondiale pour une propagande aussi tirée par les cheveux ? À en juger par les déclarations des porte-parole officiels, le PCC veut réécrire l’histoire en disant :

Premièrement, que la Chine a retardé la diffusion des contaminations en limitant les libertés individuelles, ce qui a offert au reste du monde une avance de temps précieuse pour se préparer à l’assaut de la maladie.

Deuxièmement, que les États-Unis et l’Europe n’ont pas réussi à mettre en place des mesures aussi fortes que celles de la Chine, ce qui a permis au virus de se propager.

Et troisièmement, que la différence entre les réactions montre clairement que le gouvernement autoritaire de la Chine est bien supérieur aux systèmes démocratiques des États-Unis et de l’Europe.

Certaines ambassades chinoises relaient l’argumentation de Pékin, selon des sources diplomatiques. Une attitude qui a éveillé les soupçons à Tokyo et à Washington, qui sont maintenant sur leurs gardes pour éviter que la Chine ne réussisse à redorer l’image de son pays en diffusant davantage de propagande.

Une réponse énergique, mais après un retard inavouable

Certes, la Chine mérite d’être applaudie pour sa réponse énergique visant à contenir l’épidémie. Mais cela ne veut pas dire qu’elle doit être considérée comme un exemple pour le reste du monde en matière de lutte contre la pandémie, ni qu’elle a sauvé le monde. Au contraire, le monde se serait mieux porté si les dirigeants communistes avaient réagi rapidement lorsque la nouvelle du virus a été annoncée pour la première fois l’année dernière à Wuhan [le 31 décembre], au lieu de chercher à la dissimuler.

Alors même que la crise s’aggravait, en février, la Chine critiquait les États-Unis et d’autres pays pour avoir imposé des restrictions d’entrée aux voyageurs chinois, qualifiant ces mesures de “réaction excessive”. C’est ce genre de réaction belliqueuse qui a poussé les autres pays à temporiser plutôt que de passer à l’action.

Cette imprudence ne peut être imputée qu’à une seule chose : la peur. La crainte de perdre le contrôle des événements et donc l’emprise sur le pays.

Dans une démocratie, les dirigeants ont une légitimité parce qu’ils sont élus, au lieu d’être désignés par un parti unique et tout-puissant qui ne fait que coopter les siens.

La “survie de la nation chinoise” en question

Pour gagner l’approbation des Chinois, un dirigeant doit marquer l’histoire. Comme Mao Zedong, qui a fondé la République populaire de Chine [en 1949]. Ou Deng Xiaoping, qui a largement amélioré la vie du peuple [en lançant la politique de réforme économique en 1979]. Mais les dirigeants qui ont suivi n’ont pas réussi à suivre leurs traces et ne peuvent se targuer de grandes réalisations historiques.

Au contraire, les dirigeants actuels pâtissent de l’aggravation des problèmes intérieurs, comme l’écart grandissant entre les riches et les pauvres, la pénurie d’eau, le vieillissement de la population et un système de santé surchargé. Le ralentissement de la croissance économique sera encore aggravé par le déclin démographique qui devrait s’amorcer d’ici à 2030.

L’accès à l’eau potable est extrêmement problématique, notamment en raison de la pollution et des sécheresses. Par rapport aux années 1940, le fleuve Jaune, deuxième voie navigable intérieure de la Chine, ne représente plus qu’un dixième de son volume. Selon les Nations unies, les ressources annuelles en eau par habitant sont très limitées dans huit provinces chinoises.

Il y a vingt ans déjà, Wen Jiabao, qui allait plus tard être Premier ministre [entre 2003 et 2013], avait averti que la pénurie d’eau menacerait “la survie même de la nation chinoise”.

Toujours raison, jamais tort

Si les Chinois, dont la plupart ont passé toute leur vie sans réelle liberté politique, estimaient que les communistes n’ont pas su les protéger, le gouvernement pourrait voir sa popularité fortement érodée. Il est donc impératif que les dirigeants puissent continuer à faire croire qu’ils ont “toujours raison et jamais tort” et refuser d’admettre qu’ils ont mal géré le début de l’épidémie de Covid-19, qui a fait plus de 3 000 morts dans le pays.

Avant la pandémie, un haut responsable du Parti communiste avait dit à une de ses connaissances étrangères que certains membres du Parti enviaient les hommes politiques occidentaux. Il avait déclaré :

En Occident, lorsque les dirigeants politiques perdent le soutien de la population, il leur suffit de se retirer après avoir perdu les élections. Mais nous n’avons pas de système de ce genre. Et nous ne pouvons pas échouer. Nous sommes donc constamment sous pression.”

Si c’est exact, et à la lumière de sa réaction initiale face aux premiers cas, alors le PCC devrait faire preuve d’humilité et changer sa façon de diriger le pays.

Les mauvaises nouvelles doivent être transmises

Tout d’abord, il faudrait diminuer le pouvoir excessif du président Xi Jinping et de ses proches collaborateurs, qui empêche les subordonnés de transmettre les mauvaises nouvelles par crainte des représailles et conduit les dirigeants à ne pas prendre les bonnes décisions [comme les autorités du Hubei l’ont fait].

En outre, le PCC devrait se montrer moins sensible aux critiques, notamment celles exprimées sur Internet, afin que les idées et les informations constructives ne soient pas étouffées avant de pouvoir atteindre les dirigeants [la censure et la répression ont été très actives depuis janvier].

Après avoir déclaré le 12 mars que le nombre de cas en Chine avait atteint un pic, la Chine a commencé à coopérer avec les autorités sanitaires en Irak, en Iran et en Italie. Certes ce soutien est précieux, mais le gouvernement chinois devrait également tirer les leçons de l’épidémie afin de mettre en place une gestion du pays plus efficace et ainsi prévenir une autre crise d’origine chinoise.

C’est ce que la Chine peut faire de mieux pour le reste du monde.

Hiroyuki Akita

1 avril 2020

La Croix

afrique

1 avril 2020

Pandémie . “Si le virus débarque ici, c’est ‘game over’” : plongée dans un township d'Afrique du Sud

DAILY MAVERICK

coronavirus

Dessin de Glez, Ouagadougou, paru dans Courrier International.

Avec près de 1 300 cas déclarés de malades du Covid-19 au 30 mars, l’Afrique du Sud est à ce jour le pays le plus touché d’Afrique. Juste avant qu’un confinement strict ne soit mise en oeuvre, jeudi 26 mars, ce journaliste s’est rendu dans un township de la banlieue du Cap, où l’on craint une catastrophe.

Quand j’arrive à Kayamandi, la vie ne semble pas avoir beaucoup changé. Les gens continuent de jaillir des taxis pour rentrer chez eux tandis que les enfants jouent dans la rue. Alors que les classes moyennes paniquées se bousculent pour acheter du papier toilette, la vie en dehors de ces cercles privilégiés paraît continuer comme si de rien n’était. Un instant, cela me semble réconfortant. Un sentiment bien vite éclipsé par l’inquiétude quand je me suis mis à imaginer à quoi ressembleraient Kayamandi et les autres townships d’Afrique du Sud dans quelques jours.

Je m’arrête devant la maison de mon ami Vusi Mokoena. Elle ne comporte qu’une pièce, mais Vusi est l’un des rares habitants de Kayamandi à avoir la “chance” de posséder une maison en brique. Il a accepté de me faire visiter la township pour interviewer les passants à propos du Covid-19. Je lui ai apporté un gâteau. Il me remercie, puis va toquer à la porte de son voisin, à qui il en offre la moitié.

Les familles s’entassent dans des taudis bondés

“À Kayamandi, les gens partagent tout”, m’explique-t-il, avant de m’avouer qu’il craint que cette communauté, où tout le monde vit sur un pied d’égalité, ne soit incroyablement vulnérable face au coronavirus. Il est clair que l’on n’y pratique pas la distanciation sociale, et qu’elle ne saurait y être appliquée. Alors que nous déambulons dans les rues, je vois des gens se toucher les coudes en plaisantant, et j’entends parfois le mot “corona”. La nouvelle circule, mais la vie ne change pas. “C’est une maladie de Blanc”, m’affirme un habitant.

Comme me le dit Vusi, “si le virus débarque ici, ou dans n’importe quelle township, c’est game over”. Dans ces zones urbaines, le système de santé est déjà saturé et les dispensaires sont pleins à craquer. À moins que les cliniques et les hôpitaux publics ne reçoivent une aide immédiate et substantielle, il est peu probable qu’ils puissent faire face à l’épidémie.

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Manifestement, la vie dans les townships n’est pas faite pour se préparer à une maladie aussi contagieuse. Les toilettes et les éviers publics sont partagés par des centaines de résidents. Des familles s’entassent dans des taudis bondés, et l’eau courante est rare. Je redoute les effets à long terme. Le Covid-19 va inévitablement se transformer en “maladie des pauvres”, et quand la vie reprendra ses droits dans les cercles privilégiés, dans les townships et les campagnes, le combat contre le virus continuera.

Un moment qui pourrait être révolutionnaire

Mais en dépit de leurs inquiétudes, rares sont les habitants qui sont capables de reconnaître qu’ils ont peur. Certains croient que les Africains ont développé une immunité, compte tenu de toutes les autres épidémies auxquelles ils ont “survécu”. Peut-être la peur est-elle un luxe que ne peuvent s’offrir ces Sud-Africains dont le principal souci est de savoir ce qu’ils vont pouvoir trouver pour leur prochain repas.

C’est dans les townships et les zones rurales que le virus aura l’impact le plus désastreux et le plus durable. Les gens vont perdre leur emploi et leur foyer. Nous sommes à l’aube d’un moment de l’histoire qui pourrait s’avérer révolutionnaire. Ce qu’il adviendra après dépend de nos actes, dès maintenant.

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