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Jours tranquilles à Paris

14 octobre 2020

Coronavirus

coronavirus49

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14 octobre 2020

Vannes Photos Festival

« L’an 2000 a 20 ans… » est le thème de la vingtième édition du festival photo qui se déroule dans la cité morbihannaise, jusqu’au 1er novembre en six lieux d’exposition : Le kiosque et l’Esplanade du port, le Bastion de Gréguennic + halle aux poissons, le Château de l’Hermine, rue Porte-Poterne, l’Hôtel de Limur.

Samedi et dimanche de 10 h 30 à 13 h 30 et de 14 h 30 à 18 h, du lundi au vendredi de 13 h à 18 h. Le Kiosque : tous les jours de 10 h à 12 h et de 13 h à 18 h. Gratuit.

14 octobre 2020

Oeufs

oeufs

14 octobre 2020

Bourse de commerce : visite guidée avec les frères Bouroullec du musée de François Pinault

François Pinault a fait appel au duo iconique du design français pour imaginer le mobilier de la Bourse de commerce qui ouvrira finalement ses portes le 23 janvier 2021. Les frères Bouroullec dévoilent en exclusivité à Numéro art leur projet : des monumentaux luminaires intérieurs aux surprenantes créations en extérieur.

Interview par Thibaut Wychowanok .

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Numéro art : Votre intervention à la Bourse de commerce commence en réalité à l’extérieur, autour du bâtiment parisien. En quoi consiste ce dispositif ?

Ronan Bouroullec : C’est le point de départ de la collaboration, c’est-à-dire faire de la rue autour de la Bourse une “place”, pour les visiteurs et les passants, et imaginer en même temps un signal. Signaler la Bourse, au-delà du bâtiment lui-même.

Le lieu avait sombré dans l’oubli...

C’est vrai. Son caractère circulaire est pourtant très singulier. Mais le chantier des Halles l’a dissimulé pendant de nombreuses années. La question du signal était donc un enjeu. Les abords de la Bourse ne pouvaient pas s’imaginer en continuité du jardin des Halles. Singer ce lieu à l’esthétique très... hétéroclite n’avait pas de sens. Le sol de la rue encerclant le bâtiment s’en distingue de toute façon par ses pavés classiques. Nous avons travaillé à l’origine sur plusieurs projets de gradins que nous avons abandonnés au profit de bancs en cupro-aluminium, de 12 mètres de long, légèrement cintrés. L’alliage de bronze et d’aluminium offre une grande résistance et une belle patine, très claire et un peu éteinte au départ mais qui évoluera vers le brun avec le temps. Cette solution nous permettait de résoudre d’importantes questions de sécurité : le premier banc est un dispositif anti-bélier, bloquant toute possibilité d’attaque terroriste avec un camion. Nous avons également imaginé des drapeaux qui s’élèvent dans les airs, à la manière de mobiles. Le drapeau, par sa matière particulière, donne l’impression d’un métal en fusion, entre l’eau et le métal, l’or et l’argent. Son mât, qui sera probablement doré à la feuille d’or, reposera sur une imposante base inspirée d’un rocher. Ce mobile est de l’ordre de la sculpture, créant quelque chose d’immatériel et reflétant les alentours, Paris, le ciel.

Déploiement temporaire de la chaise "Rope" dans la rotonde de la Bourse de commerce

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La feuille d’or, un drapeau doré et argenté... Ce projet paraît bien plus show-off que ce à quoi vous nous avez habitués.

Lors de l’installation, ce sera peut-être un peu rutilant, brillant, luxueux. C’est le problème d’un jean neuf ! Mais ce que je retiens de l’extérieur est son côté très direct, et le vide que le projet laisse exister sur la place. Notre réflexion s’est concentrée sur le rapport à la ville, à la couleur de la pierre, et sur la question de l’absence et de la présence. L’or est un matériau très présent à Paris. Et la pierre y est elle-même légèrement jaune. C’est ce qui nous avait déjà poussés à utiliser le cupro-aluminium pour nos fontaines installées en 2019 sur les Champs-Élysées. Le drapeau est encore un autre sujet. Pendant très longtemps, nous avons cherché une manière d’écrire “Collection Pinault” à la façon des typographes des années 30. Et nous avons fini par nous dire que ce serait plus intéressant d’imaginer une solution qui étonne et crée l’émerveillement. Le drapeau, avec son dégradé reflétant le soleil et le ciel, apporte une charge de lumière à un environnement certes beau, mais très gris. Nous réalisons des tests sur des textiles issus de l’industrie de la mode avec deux possibilités techniques : soit utiliser un matériau existant, soit réaliser un vrai tissage en jacquard avec des fils de Lurex.

L'un des deux luminaires vertical, d'une vingtaine de mètres de long, descendant au milieu d'une des cages d'escalier de la Bourse de commerce.

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Pourquoi donner une forme de rocher à la base du mobile ?

C’est la récurrence d’un premier projet, beaucoup plus naturel, réalisé à partir d’un tronc d’arbre [la base des mâts de la Bourse du commerce ressemble à la tranche coupée d’un tronc]. Ici, le contexte très minéral du lieu et de la ville suggérait l’emploi d’un bout de rocher. Cet objet massif évoque aussi un plaisir d’enfant : grimper et glisser dessus, escalader...

Cet aspect ludique était déjà présent dans "Rêveries urbaines", votre exposition à Rennes en 2018 consacrée à l’aménagement de l’espace public...

La commande de François Pinault est intervenue juste après Rêveries urbaines. Il avait passé une journée à Rennes à étudier les différentes expositions. Nous voulions proposer une réponse pragmatique à des situations et des sujets assez basiques, une réponse qui soit aussi l’occasion de proposer des surprises, et une sensualité que l’on retrouve avec le rocher. Dans les villes, ce qui est construit entre les bâtiments, parfois issus d’une commande artistique, est souvent trop fonctionnaliste, basique, lourd, assez peu délicat. Les Rêveries urbaines font le lien entre contemplation et usage, entre prise en compte de l’aspect global de l’architecture et délicatesse. Nous cherchons à créer une atmosphère, une harmonie.

Parmi les objets que vous créez pour la Bourse, les vases et les gigantesques luminaires en verre retiennent justement l’attention par leur caractère à la fois rustre, imparfait et sensuel.

La technique du verre coulé produit des éléments d’une simplicité extrême : de simples cylindres, parfois, mais où la lumière se reflète de manière exceptionnelle. Le verre en fusion est versé sur des grandes tables dans des châssis en acier qui délimitent sa coulée – et c’est le rapport de cette chaleur à la table froide qui crée les bosselages dont vous parlez : l’air et l’oxygène y sont emprisonnés. Un travail sur l’équilibre. Je me suis rendu en Italie, juste avant le confinement, pour étudier la fabrication du luminaire horizontal qui sera installé dans l’entrée de la Bourse. Des éléments de verre coulé sont montés en grappe afin de créer de grands tubes vibrants. On est dans l’ordre de l’écriture d’un luminaire technique, mais le verre coulé apporte ici une dimension organique. J’aime la précision offerte par le cadre du travail artisanal, et la possibilité que ce périmètre devienne imparfait. Le verre des vases, du miroir ou des luminaires ne forme pas une ligne précise mais parle d’une tension, d’un mouvement. La forme du drapeau, elle aussi, est difficilement cernable à la lumière. Je suis à la fois très intéressé par les nouvelles technologies et par les techniques anciennes. La possibilité de faire des choses nouvelles avec des savoir-faire millénaires est un défi très intéressant, bien plus que de créer quelque chose de nouveau avec un nouveau procédé.

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Les banquettes, tables et tapis imaginés pour l'aménagement de la Bourse du commerce Bourse de Commerce – Pinault Collection © Tadao Ando Architect & Associates, NeM/Niney & Marca Architectes, Agence Pierre-Antoine Gatier, Setec Bâtiment / Studio Bouroullec

Deux autres luminaires, tout aussi impressionnants mais verticaux cette fois-ci, descendent au milieu des cages des deux escaliers historiques.

Leur chaîne en aluminium d’une vingtaine de mètres forme une colonne vertébrale. Nous avons réalisé au cours de notre carrière plusieurs luminaires qui suivaient cette direction, notamment celui de Versailles, plus massif. Les deux modèles de la Bourse trouvent leur origine dans un projet pour la Galerie kreo, il y a quelques années. Nous l’avions redessiné pour François Pinault dans son hôtel particulier à Paris et sa maison en Bretagne : une succession de pièces en plâtre qui reflètent le garde-corps de l’escalier, comme des chaînes. Le projet rappelle ces vieilles lampes qui créent autour d’elles un exosquelette protecteur.

Peut-on rapprocher votre manière d’appréhender l’espace public ou l’objet, en termes de vide et de plein, d’une approche architecturale comme celle de Tadao Ando ?

Depuis vingt ans, une grande partie de notre travail est liée à la structuration de l’espace. Je ne me considère pas comme un architecte, même si certains de nos principes rejoignent l’architecture : par exemple, l’idée de claustra [paroi ajourée] ou de séparation, comme nous l’avions développée au sein de l’exposition 17 Screens/17 Écrans en 2016 [à Rennes], en nous intéressant à la qualité “transgenre”, qui mêle la question de la fonction avec la singularité et la délicatesse. Deux termes peu utilisés en urbanisme. Aujourd’hui, les architectes ne pensent plus qu’un bâtiment réussi l’est aussi par la qualité de ses rideaux. Ils n’ont plus le temps, ou les enjeux sont ailleurs. Nous venons pourtant d’un XXe siècle qui a vu des architectes s’intéresser à la globalité d’un bâtiment, du général au singulier. Je pense aux tapisseries de Le Corbusier, ou à l’attention apportée par Alvar Aalto aux robinets et aux poignées de portes.

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Vous avez imaginé, pour la Bourse de commerce, du mobilier : des chaises, des banquettes...

Les chaises sont grises dans les espaces, noires lorsqu’elles sont en relation avec les vitrines historiques qui ornent les murs de la rotonde. Une corde, la même que pour les barrières délimitant les espaces, remplace les repose-bras, de telle manière que la chaise disparaît.

Vous avez également créé des tapis à destination du grand salon qui accueille les visiteurs.

L’une des questions permanentes de notre travail est celle de la qualité de l’atmosphère. Le visiteur doit se sentir important lorsqu’il entre dans la Bourse. Comment l’accueille-t-on ? Que peut-on faire pour que cette atmosphère soit moins artificielle, plus minérale ? Nous voulons créer un environnement absorbant, en jouant sur l’acoustique notamment. Nous travaillons depuis deux ans sur la confection de tapis. Ces choses très simples doivent supporter un usage intense. La robustesse est essentielle.

La chaise "Rope", un échantillon de tapis et un prototype de miroir dans l'atelier de Ronan et Erwan Bouroullec à Paris Photo pour Numéo art : Maurits Sillem

En quoi consiste la technique originale de ces tapis ?

Je me suis trompé pendant un an et demi et personne n’a osé me le dire ! Tout le monde a été rassuré quand j’ai changé mon fusil d’épaule. J’aime beaucoup les tapis, ceux que l’on porte à dos de chameau, je suis fasciné par les techniques anciennes du kilim utilisées dans le désert. J’aime le côté nomade du mobilier : rien n’est fixe. Ce n’est pas un mobilier intégré. Au sein du salon, ces objets seront posés à la façon d’un stand de marché aux puces. Pendant un an, nous avons ainsi développé des kilims pour la Bourse mais nous ne nous en sortions pas. Nous butions sur une question très basique : ça dérapait ! Puis, un peu par hasard, nous avons découvert une usine du nord de la France qui possédait une machine unique en son genre : une Wilton, une machine jacquard utilisée depuis un siècle pour fabriquer les tapis et les moquettes fixés dans les immeubles parisiens. Une résistance qui avait fait ses preuves sur des escaliers pendant des décennies. Partant de là, nous avons cherché à renouveler la technique. J’ai toujours été intéressé par l’envers des tissus, que je trouve en général plus beau que l’endroit. Et puis, pendant la période de réglage de la tension des fils pour qu’ils soient tous au même niveau, des irrégularités sont apparues. C’était exactement ce que je recherchais. Je voulais que l’on sente avant tout le mouvement du tissage sur ces grandes pièces. Ce tissu se retrouvera également sur le sol de l’entrée, du restaurant et sur les banquettes.

Quel était l’enjeu pour le restaurant, situé au dernier étage de la Bourse et surplombant Paris ?

Qu’est-ce qui fait un restaurant contemporain aujourd’hui ? Comment, sans faire trop bourgeois, être aussi sec et rigoureux que délicat, à la manière des broderies de la haute couture ? Le sujet est récurrent dans notre travail : aller chercher ailleurs des techniques, des précisions qui alimentent les projets de manière nouvelle et différente.

Vous me montriez tout à l’heure une table du restaurant...

Les tables et les chaises sont réalisées en fer forgé puis galvanisé. Le travail du marteau se ressent lorsque vous les regardez en détail. Cela établit un lien avec la manière de cuisiner du chef Michel Bras, très ciselée, brute. Mais tous les éléments ne sont pas encore finalisés : il y aura des rideaux qui formeront un drapé presque mécanique, comme un grillage, des tapis, des vases coulés et des alcôves – l’une d’entre elles sera réservée à François Pinault pour ses déjeuners. C’est un poème encore incomplet aujourd’hui.

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Des éléments en verre coulé du vase "Alcova" et du luminaire en verre qui sera installé dans le vestibule de la Bourse de commerce.

Bourse de Commerce-Pinault Collection, ouverture le samedi 23 janvier 2021, Paris 2e.

14 octobre 2020

«Penser qu’un bébé est nazi, ça ne tient pas la route»

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Par Frédérique Fanchette 

Entretien avec Oscar Lalo sur les enfants Lebensborn (photo ci-dessus)

«J’utilise beaucoup d’images à défaut de mots», dit Hildegarde Müller, dans son journal fictif, sans date, matière du second roman d’Oscar Lalo. Hildegarde ne sait pas grand-chose de ses origines. Pas de traces de père ni de mère : «Ma vie est un nœud qu’on ne voit pas». Elle est née en 1943 dans un Lebensborn, ces pouponnières nazies mises en place dès 1935 par Himmler pour fabriquer des Aryens à pedigree. Des femmes de la «race supérieure», en particulier des Norvégiennes, s’accouplaient de gré ou de force avec des SS. Six semaines après l’accouchement, les enfants étaient arrachés à leur génitrice et confiés à l’organisation pour être adoptés par des familles allemandes. Ce projet très secret des nazis cachait également un vaste système d’enlèvements d’enfants blonds dans les pays occupés. «Graines de SS», «enfants de la honte», «orphelins du mal»… ils connurent généralement un sort très difficile dans l’après-guerre. «L’absence est le personnage central de ce livre» explique Oscar Lalo, un thème déjà exploré dans son premier roman, les Contes défaits. Rencontre avec l’auteur suisse romand à Paris.

Pourquoi ce titre, la Race des orphelins ?

Les Lebensborn sont à mon sens le pendant des camps d’extermination. Hitler a voulu anéantir des pans entiers de la population et en même temps produire dans ces pouponnières des Allemands de race dite «supérieure», mais la seule race qu’il a créée, c’est une race d’orphelins. C’est inouï, ces enfants des Lebensborn dont la marque de fabrique principale est qu’ils sont sans parents. Mais là, c’est l’interprétation au premier degré. Finalement, la «race des orphelins», on la retrouve autant du côté des victimes que des bourreaux. Ce sont tous ces gens qui, vivant dans un régime totalitaire, ont été orphelins de leur propre humanité. Au départ, j’avais titré «le journal de Hildegarde Müller», je voulais le mettre en balance avec le Journal d’Anne Frank.

N’était-ce pas périlleux de faire un parallèle avec Anne Frank ?

Tout le livre est périlleux. Pour moi, le parallèle est évident, au sens où Anne Frank et Hildegarde Müller sont toutes deux victimes du IIIe Reich. Si on met en question le statut de victime de Hildegarde Müller, qui avait 2 ans à la fin de la guerre, le débat ne peut pas continuer. Considérer qu’un bébé est nazi, ça ne tient pas la route.

D’où vient votre Hildegarde ?

C’est un personnage de fiction, elle m’est tombée dessus un jour. C’est un peu ésotérique, j’étais là et j’entends cette phrase, qui est au début du roman : «Je m’appelle Hildegarde Müller. Ceci est mon journal. J’ai engagé un écrivain, un scribe ; un traducteur en quelque sorte.» Je me suis demandé ce que j’allais faire de cette femme de 76 ans, puis je me suis rappelé que j’avais vu un jour un documentaire où l’on expliquait que les Norvégiens avaient négocié avec Canberra pour envoyer en Australie tous les enfants Lebensborn nés dans leur pays. En fait, la Race des orphelins est une fiction dans laquelle tout est validé historiquement. J’ai énormément lu pendant la rédaction de ce livre, je cherchais dans toutes les directions. Et plus je m’éloignais apparemment des Lebensborn, plus je trouvais des éléments. Je fonctionne à l’intuition, je ne sais pas par exemple ce qui m’a mené vers Histoire(s) du cinéma de Godard. Je prends ce gros volume, je l’ouvre et je lis : «L’oubli de l’extermination fait partie de l’extermination.» Je me suis dit : «C’est incroyable, c’est la même chose que pour les Lebensborn, dont les nazis ont brûlé en 1945 toutes les archives.»

Vous semblez très proche de Hildegarde…

Il y a eu une espèce de fusion. Je vivais, quand j’écrivais, tellement avec elle qu’un jour il m’est arrivé une chose étonnante. Je devais sortir d’un train, les marches étaient très hautes, et je me suis dit «je ne sais pas comment je vais descendre avec ma robe». Et là j’ai pensé qu’il était vraiment temps de finir ce livre. J’étais engagé physiquement dans l’écriture, c’était une chorégraphie, comme si je devais porter ma protagoniste en permanence. Il fallait que je fasse attention qu’elle ne tombe pas de mes épaules, mais qu’en même temps on se promène un peu.

Vous la présentez comme une personne un peu simple…

J’imagine que si elle touche les gens, ça tient à ça, une certaine fraîcheur, il y a en elle quelque chose de cette ignorance qu’il y a en chacun de nous finalement. C’est assez effrayant quand quelqu’un sait tout, et là au contraire, de voir quelqu’un qui ne sait pas, qui cherche, ça devenait du coup très intéressant. Cette ignorance est fondamentale dans l’écriture de ce livre, elle me permettait de découvrir au fur et à mesure tout le spectre des Lebensborn. j’ai compris qu’à partir du moment où elle ne savait rien, je pouvais aller visiter tout le système, les enfants kidnappés ou l’histoire de Lucy Bozic, cette mère retrouvée par sa fille. C’est un roman où tout est vrai, où les morceaux de Lebensborn se concrétisent en se rassemblant dans une Hildegarde Müller.

Elle est même quasi analphabète…

L’analphabétisme des enfants des Lebenborn, c’est vrai. Notamment en Norvège où, pour se dédouaner de leur passé de collaboration, les autorités ont eu après guerre recours à un psychiatre qui a déclaré que c’étaient des enfants abâtardis, idiots, qui devaient être mis dans des institutions pour handicapés mentaux. On plaçait aussi ces enfants dans des familles où on s’en servait comme domestiques, ils ont été très peu éduqués.

Pourquoi avoir utilisé la forme du fragment ?

Ce n’est pas une démarche conceptuelle. Cette forme s’est imposée à moi parce que j’étais dans les pas de mon personnage, que je découvrais les choses en même temps qu’elle. Ces fragments, c’est ce que Hildegarde peut encaisser. Le scribe se rend compte qu’il peut lui lire le Journal d’Anne Frank, puis Kafka, mais pas Hannah Arendt : elle décroche. Il lui montre alors le film sur la philosophe et elle est prise par celui-ci. Elle y voit une femme innocente, qui se défend de quelque chose dont on l’accuse, et elle se sent elle-même innocentée. Dans le cas de Hildegarde, faire entendre la voix de quelqu’un qui n’est doué ni de parole ni de mémoire, c’est comme défendre une cause perdue, et il y a des avocats losers qui aiment ce genre de cas. Moi, sachant que mon personnage n’allait pas retrouver ses parents, j’avais l’espoir de lui donner la possibilité de faire un bras d’honneur au IIIe Reich : penser enfin par elle-même.

Oscar Lalo

La race des orphelins Belfond, 288 pp., 18 € (ebook : 10,99 €).

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14 octobre 2020

Société - Pourquoi pleurons-nous ?

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DE STANDAARD (BRUXELLES)

Pourquoi certains sont-ils plus sujets aux larmes que d’autres, et pourquoi jugeons-nous différemment ces pleurs selon la personne, l’époque ou la région ? Ce journal belge s’est penché sur ces questions et en brosse un délicat tableau.

Je le reconnais sans hésitation : je suis une vraie madeleine. C’est sans doute pour ça que la scène de la “mare de larmes” dans Alice au pays des merveilles a toujours parlé à mon imaginaire. Après être tombée dans le terrier du lapin, Alice se retrouve dans une longue salle avec une minuscule porte derrière laquelle se trouve un magnifique jardin. Pour y entrer, elle boit un peu de potion qui la fait rapetisser et un petit gâteau qui la fait devenir gigantesque, mais le jardin reste inaccessible. Par pure frustration, elle éclate dans ce qui doit être la plus humide crise de larmes de toute la littérature.

Se forme alors une mare de larmes où – après avoir de nouveau rétréci – elle tombe aussitôt. (En réalité, le débit de nos larmes est un chouïa plus modeste. Des étudiants de l’université de Leicester ont calculé que si toute la population mondiale se mettait à pleurer en même temps, à raison de 55 larmes par personne, on pourrait peut-être remplir une piscine olympique, mais une personne seule ne fera certainement pas une mare.)

Ce qui fait fondre Alice en larmes, c’est un mélange de colère et d’impuissance. Cela constitue plus souvent une raison de pleurer chez les femmes que chez les hommes, selon l’expert ès larmes Ad Vingerhoets. De façon générale, les femmes pleurent davantage : trois ou quatre fois par mois, contre une fois tous les deux mois pour les hommes. Il existe d’autres raisons à cette différence : par exemple, l’éducation et la pression venant des amis et des pairs – qui diffèrent chez les garçons et les filles –, le fait que les femmes ont en moyenne plus d’empathie et sont plus souvent confrontées à des situations émotionnelles, de par leur métier ou parce qu’elles regardent d’autres films et lisent d’autres livres que les hommes. Enfin, cela tient aussi aux hormones : la testostérone bride les larmes, alors que la prolactine abaisse le seuil à partir duquel l’on s’épanche.

Des larmes comme armes

L’impossibilité d’exprimer sa frustration : c’est aussi ce qui est arrivé à Yi-Fei Chen, une jeune Taïwanaise qui a suivi des études à la Design Academy, à Eindhoven [Pays-Bas]. Sous la pression de son tuteur, elle a présenté un projet qu’elle n’avait pas eu le temps de mener correctement à son terme – elle ne lui a pas dit qu’elle manquait de temps, parce que, à Taïwan, on ne contredit pas un professeur. Et il l’a publiquement couverte de reproches. Résultat : une irrépressible crise de larmes dont elle a eu énormément honte.

Cet incident l’a poussée à s’interroger : comment transformer ses émotions en force ? En 2017, elle en a fait son projet de fin d’études : le Tear Gun, le “pistolet à larmes”, est une sorte de pistolet en cuivre relié à un petit entonnoir en silicone qui recueille ses larmes. Celles-ci sont immédiatement congelées pour servir de munitions – elles font aussi mal qu’un grêlon. Ainsi, en utilisant ses larmes, cette étudiante timide, en pleurs, s’est métamorphosée en femme puissante.

Les sanglots des hommes

Les différences entre hommes et femmes ont aussi des origines culturelles. L’image que l’on se fait d’un homme qui pleure est sujette à des fluctuations, écrit Ad Vingerhoets. Achille et Ulysse aimaient verser une petite larme de temps à autre ; de ce point de vue, Homère fait peu de différence entre hommes et femmes. Il ne considère pas du tout le fait de pleurer comme quelque chose de féminin ou de faible. Les héros du Moyen-Âge également – comme Lancelot et le roi Arthur, ou encore Roland –, bien que ces fictions ne reflètent pas nécessairement la vie réelle. Mais Jules César aussi et, plus proche de nous, Winston Churchill avaient de temps en temps leur crise de larmes, sans que cela n’écorne en rien leur réputation d’hommes puissants.

Jamais les hommes n’ont tant reniflé qu’au XVIIIe siècle. Autour de 1750, les philosophes des Lumières se mirent en quête d’autres valeurs que la religion comme socle d’une société morale et paisible. Ils choisirent la philanthropie et la compassion. Et comme la compassion faisait bien sur un CV, on pouvait de temps en temps laisser libre cours à ses larmes pour prouver que l’on était une personne bonne et droite. Les hommes et les femmes pleuraient comme des madeleines dans les livres ; les prêtres et les avocats s’y mirent aussi pour émouvoir leur public aux larmes. Mais la tendance est allée trop loin et, à la fin du siècle, on considérait les personnes faisant preuve d’une sensibilité exagérée comme ridicules et trompeuses. On pouvait encore pleurer, certes, mais de préférence chez soi, écrit l’historien de la culture Elwin Hofman.

La force et les pleurs

Ces dernières années, les hommes qui pleurent en public semblent de nouveau mieux acceptés. Une impression que partage la psychologue sociale Colette van Laar. “On voit davantage de personnalités qui ont une image d’homme fort et qui laissent tout de même paraître leurs émotions. Certains sportifs, par exemple, pleurent de joie ou de tristesse.” Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, l’a fait. Donald Trump non – “Je ne suis pas un pleurnicheur” –, mais Barack Obama oui. Sept fois au cours de sa présidence, selon une liste établie par la BBC.

Notamment après la fusillade dans l’école primaire Sandy Hook. “Cela suscite des réactions plus positives qu’il y a quelques années”, commente Colette van Laar. “En voyant ses larmes, les gens n’ont pas mis en doute sa capacité à diriger les États-Unis. Au contraire, ils lui ont découvert une nouvelle dimension : c’était aussi une personne empathique.”

L’impression que donnent les dirigeants masculins lorsqu’ils pleurent dépend fortement de leur image. Obama s’en est bien tiré, mais s’il s’agit de quelqu’un dont on doute de la force, de la capacité à diriger et de la masculinité, ça ne marche pas.”

La manière dont un homme pleure a aussi son importance, ajoute Ad Vingerhoets. Les débordements lacrymaux sont à proscrire. Un peu d’humidité dans les yeux suffit. Cela donne l’image d’un homme sensible, mais qui se contrôle.

Périlleuse sensibilité féminine

Imaginons qu’Angela Merkel ou Ursula von der Leyen éclate en sanglots, cela serait-il perçu de manière pareillement positive ? “Difficile à dire”, estime Colette van Laar. “Quand Margaret Thatcher a pleuré parce que son fils Mark s’était perdu [pendant six jours dans le désert] lors du Paris-Dakar de 1982, on lui en a voulu.” Mais c’était il y a longtemps.

Aujourd’hui, les choses ont quelque peu évolué. “Je pense que si Merkel, qui est réputée comme une personne forte, laissait couler une larmichette, ce ne serait pas perçu comme quelque chose de négatif”, avance la psychologue.

Pour les femmes dirigeantes, la difficulté réside en ce qu’elles occupent un rôle traditionnellement masculin et qu’elles doivent répondre à beaucoup d’attentes. Elles ne doivent pas paraître trop féminines, pour ne pas être considérées comme faibles, mais pas non plus trop assertives, car elles ne seraient plus assez féminines. Si elles pleurent, elles risquent vite de donner l’impression de ne pas mettre de côté leurs émotions et donc de ne pas être capables de prendre des décisions rationnelles.”

Là encore, tout cela dépend aussi de l’image de la personne en question.

Perdre le contrôle

L’étude d’Ad Vingerhoets montre par ailleurs que – contrairement à ce à quoi on s’attendrait –, on pleure davantage dans les pays riches, occidentaux, où les gens sont relativement heureux. Les différences entre hommes et femmes sont en outre plus fortes dans ces pays, où l’émancipation est plus avancée. Peut-être cela tient-il au fait que la population de ces pays a une plus grande liberté d’expression et que pleurer y est perçu comme une forme d’expression, pense M. Vingerhoets.

Mais pourquoi alors ai-je honte quand je sors du cinéma les yeux bouffis ? Et pourquoi Yi-Fei Chen s’est-elle retournée quand elle a éclaté en sanglots devant sa classe ? “Peut-être parce que nous avons peur de paraître faibles”, hasarde Colette van Laar.

Parce que se mettre à pleurer reste malgré tout vu comme une perte de contrôle, une preuve que l’on ne contrôle pas ses émotions et que l’on s’écarte de la raison.”

Comment faire dès lors pour ne pas laisser la gêne m’envahir quand je lutte contre les larmes ? Peut-être devrais-je essayer ce que l’on conseilla un jour à l’écrivaine américaine Joan Didion : me mettre un sac en papier sur la tête pour garder les yeux secs. “Il y a une explication rationnelle à cela, écrit-elle. Cette explication a à voir avec l’oxygène. Mais rien que l’effet psychologique est indéniable : il est extrêmement difficile de continuer de se prendre pour Cathy dans Les Hauts de Hurlevent quand on a la tête dans un sac en papier.” Ce n’est pas faux. On en perd la face.

Veerle Vanden Bosch

Source

De Standaard

BRUXELLES http://www.standaard.be

14 octobre 2020

Erwin Rommel

rommel

Photo du Général

Feldmarschall Erwin Rommel. Rommel est probablement l'un des plus célèbres Général de la Seconde Guerre mondiale, il a toujours respecté la Convention de Genève et n'a jamais commis de crimes II s'est suicidé parce qu'il a été accusé d'avoir participé à l'attaque contre Hitler.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Erwin_Rommel

mort le 14 octobre 1944.... Erwin Rommel est un Generalfeldmarschall allemand de la Seconde Guerre mondiale, né le 15 novembre 1891 à Heidenheim et mort le 14 octobre 1944 à Herrlingen.

13 octobre 2020

L'éléphant pour le parti républicain et l'âne pour les démocrates

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Aux États-Unis, les deux plus grands partis sont représentés par des animaux: l'éléphant pour le parti républicain et l'âne pour les démocrates.

L'éléphant fait sa première apparition en tant que symbole républicain durant l'élection de 1860, dans un journal soutenant la campagne du républicain Abraham Lincoln, The Rail Splitter. L'image de l'animal apparaît en 1864 dans un autre journal défendant la campagne de Lincoln, «Father Abraham». Mais le pachyderme semble avoir été réellement associé au parti en 1874 avec un autre dessin de Thomas Nast. Dans «La panique du troisième mandat», l'artiste caractérisait le parti démocrate par un âne déguisé en lion, faisant peur à tous les animaux sauf à l'éléphant portant l'inscription «le vote républicain».

Si les républicains ont adopté l'éléphant comme symbole officiel depuis ces années-là, les démocrates semblent s'être moins appropriés l'âne. Cependant, chacun des partis reste lié à son symbole. Selon certains sites internet de démocrates, ces derniers assimilent l'âne à l'humilité, la modestie, la ruse, le courage et la sympathie, alors que les républicains voient l'animal comme têtu et ridicule. À l'inverse, les républicains pensent à l'éléphant comme un animal digne, fort et intelligent, alors que les démocrates les perçoivent comme incompétent et prétentieux.

L'âne a été utilisé pour la toute première fois par le candidat à la présidentielle de 1828, Andrew Jackson. Durant la campagne, ses adversaires républicain sont déformé son nom de famille en «jackass» à cause de ses opinions populistes et son slogan: «Que le peuple règne». Insulte signifiant idiot ou imbécile, «jackass» peut aussi se traduire en âne. Jackson a décidé de détourner cette attaque à son propre avantage sur ses posters de campagne. Alors que les républicains le comparaient à un âne têtu et bête, il s'est qualifié dans ses discours de persévérant, loyal et capable de porter de lourdes charges. Cette image humble et simpliste lui a permis de se différencier de l'aristocrate Adams, et de devenir le premier président démocrate des États-Unis.

C'est toutefois le dessinateur Thomas Nast qui a fait de l'âne un symbole distinctif du parti démocrate. Le 15 janvier 1870, il publie dans Harper's Weekly «A live Jackass Kicking a Dead Lion» (Un âne bien vivant frappant un lion mort). L'artiste dessine ainsi Edwin Stanton, ancien secrétaire à la Guerre du président Lincoln récemment décédé, sous les traits d'un lion mort, auquel un âne - représentant les démocrates du Nord opposés à la guerre de Sécession - donne un coup de sabot.

13 octobre 2020

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13 octobre 2020

Chronique - « La “Philippe mania” est en passe de devenir le phénomène politique de l’automne »

Par Françoise Fressoz - Le Monde

Un peu plus de trois mois après son départ de Matignon, Edouard Philippe est l’une des personnalités politiques préférées des Français. Dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde », analyse les ressorts de cette popularité et les perspectives qu’elle offre à l’ancien premier ministre.

Jean Castex vient de franchir l’étape des cent jours à Matignon et c’est son prédécesseur, Edouard Philippe, que l’opinion encense. La cote de popularité du maire du Havre ne cesse de grimper depuis qu’Emmanuel Macron l’a remercié, vendredi 3 juillet. Dans le dernier baromètre IFOP-Paris Match, il talonne Nicolas Hulot au palmarès des personnalités politiques préférées des Français en recueillant 66 % de bonnes opinions, contre 67 % pour le premier. La « Philippe mania » est en passe de devenir le phénomène politique de l’automne, ce qui peut paraître paradoxal au moment où deux anciens présidents de la République, François Hollande et Nicolas Sarkozy, prônent peu ou prou la suppression du poste de premier ministre en plaidant que la fonction a beaucoup perdu de son utilité sous le quinquennat.

Populaire au moment de son départ, le juppéiste a encore renforcé son avantage depuis qu’il n’est plus qu’un élu local parmi d’autres. Sa communication depuis l’été, sans être inexistante, reste sobre. Les Français ne le plébiscitent donc pas pour ses faits d’arme d’aujourd’hui mais pour ce qu’ils perçoivent de son bilan au regard de l’action de son successeur.

Dans la gestion de la crise liée à l’épidémie de Covid-19, marquée par un confinement de deux mois, Edouard Philippe avait adopté une communication carrée et didactique qui avait plu aux Français, malgré des polémiques récurrentes sur la pénurie de masques ou l’organisation du scrutin municipal. Dans le couple exécutif, le premier ministre avait fini par devenir la figure la plus protectrice, au risque de marginaliser le personnage du chef de l’Etat, qui tentait, lui, de projeter le pays dans d’hypothétiques jours meilleurs.

Le message contrarié de Castex

Le choix de Jean Castex pour remplacer le maire du Havre était judicieux : élu local comme lui, issu de la droite comme lui, mais avec un prisme plus sarkozyste que juppéiste, le maire de Prades (Pyrénées-Orientales) avait su gérer avec succès le déconfinement en y introduisant un principe nouveau : « la différenciation ». Pour les barons locaux, c’était la promesse d’un dialogue plus fructueux qu’avec son prédécesseur. A tort ou à raison, le changement de premier ministre est apparu comme le symbole d’une nouvelle étape plus légère, parce que le plan de relance était là pour préparer l’avenir et que la gestion de l’épidémie était désormais placée sous le signe de la décrispation.

Jean Castex a passé son été à tourner dans le pays pour montrer à quel point il se voulait proche des élus et des Français. Mais, dès septembre, la reprise de l’épidémie a contrarié le message de confiance qu’il tentait d’envoyer. Elle a bouché les perspectives d’avenir, boosté l’inquiétude de la population et fait douter de la capacité du gouvernement à combiner reprise économique et protection sanitaire.

Le bras de fer entre Paris et Marseille lors de la fermeture des bars et des restaurants a montré à quel point le dialogue avec les maires restait difficile. Quant aux propos du premier ministre, lundi 12 octobre, sur Franceinfo, constatant que « les Français ont considéré un peu trop vite que le virus avait disparu », ils sonnaient comme un aveu d’échec : le triptyque « tester, tracer, isoler », sur lequel le gouvernement avait fondé sa stratégie depuis juin pour contenir la « deuxième vague », s’est révélé inopérant. C’est à l’aulne de leur déception que les Français jugent le bilan d’Edouard Philippe et s’interrogent : pourquoi diable avoir changé de premier ministre si le nouveau rassure moins que l’ancien ?

Publicité garantie

Par-delà ce contraste, la « Philippe mania » bénéficie de sa propre dynamique. Elle relance en effet le récit d’une de ces compétitions récurrentes dont les journalistes raffolent : le match qui oppose les présidents de la République à certains de leurs premiers ministres, pendant ou après leur travail en commun. L’histoire, à dimension humaine et politique, passionne, car elle met en scène de grands fauves qui, à l’épreuve du pouvoir, apprennent à jauger leurs qualités et défauts respectifs.

Du couple Pompidou/Chaban-Delmas au duo Hollande/Valls, la Ve République est jalonnée de ces compétitions larvées qui peuvent prendre des formes plus ou moins agressives, mais débouchent très rarement sur un succès du premier ministre. A ce jour, Jacques Chirac reste le seul qui ait réussi à se faire élire président de la République, mais il aura dû patienter dix-neuf ans après sa spectaculaire démission de Matignon, le 25 août 1976.

Edouard Philippe n’affiche, pour le moment, aucune ambition de devenir calife à la place du calife. Il fait, au contraire, preuve de la plus parfaite loyauté, comme Raymond Barre à l’égard de Valéry Giscard d’Estaing. Il ne peut en revanche empêcher que la presse spécule à sa place, si bien que la moindre de ses phrases, scrutées à la lettre, bénéficie d’une publicité garantie. Celle du 16 septembre notamment où, jouant les Cassandre, il a prédit que nous allions « affronter une tempête – une tempête économique, une tempête sanitaire, une tempête à tous égards – et peut-être une tempête sociale, peut-être une tempête politique ».

Le mot, répété à six reprises, a frappé non seulement parce qu’il était fait pour marquer la gravité du moment, mais aussi parce que c’est celui que Nicolas Sarkozy a employé dans son livre Le Temps des tempêtes (L’Observatoire, 528 pages, 23 euros). Emmanuel Macron est prévenu : pour espérer séduire la droite, lors de la prochaine présidentielle, il devra composer avec ces deux fortes personnalités. Pour le moment, Edouard Philippe n’en demande pas plus, sans doute parce qu’il est vacciné à vie par la mésaventure de son mentor. Alain Juppé disposait, en 2016, de la même structure de popularité que lui, aussi forte à droite qu’à gauche. Il n’est pas parvenu à se faire élire président de la République.

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