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Jours tranquilles à Paris

8 mars 2020

Milo Moiré

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8 mars 2020

“Time Magazine” met à l'honneur 100 femmes qui ont marqué les 100 dernières années

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TIME (NEW YORK)

Le projet interactif en ligne “100 Women of the Year”, lancé par l’hebdomaire américain Time, entend mettre en avant des femmes influentes des XXe et XXIe siècles, trop longtemps invisibilisées.

Quels sont les points communs entre la mathématicienne Emmy Noether, la militante trans Marsha P. Johnson et la chanteuse Beyoncé Knowles ? Il y en a peu si ce n’est qu’aucune de ces femmes, influentes à leur époque, n’a fait la une du Time Magazine en tant que “personnalité de l’année”… jusqu’à aujourd’hui.

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, l’hebdomadaire américain a lancé “100 Women of the Year”, un projet éditorial interactif qui met à l’honneur des personnalités féminines ayant marqué le siècle écoulé à travers cent couvertures de l’hebdomadaire Time – une par année, de 1920 à 2020. Ces unes, disposées par ordre chronologique, sont chacune accompagnée d’un texte racontant pourquoi la ou les personnalités distinguées ont une importance historique.

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Les suffragettes, en une d’une édition revisitée du Time de 1920.Les suffragettes, en une d’une édition revisitée du Time de 1920.

Le nombre très réduit – seulement 11 – de femmes nommées “personnalité de l’année” depuis la création de la distinction en 1927 (le titre s’appelait encore “l’homme de l’année” jusqu’en 1999) a motivé le projet. “Pendant soixante-douze ans, le Time a nommé un ‘homme de l’année’. À quelques exceptions près, celui-ci a presque toujours été un homme, souvent un président ou un Premier ministre, voire parfois un géant de l’industrie, reconnaît l’hebdomadaire en préambule de son projet. En effet, tout au long de l’histoire, ce sont ce genre d’hommes qui ont exercé une influence sur le monde.” Mais c’était oublier l’importance de personnalités féminines, souvent détentrices d’une autre forme d’influence : le “soft power”.

Avec ce projet des ‘100 femmes de l’année’, nous souhaitons mettre en lumière des femmes influentes souvent restées dans l’ombre. Il s’agit notamment de femmes ayant occupé des postes habituellement dévolus à des hommes, comme les dirigeantes d’envergure mondiale Golda Meir [qui fut Première ministre israélienne] ou Corazon Aquino [1ère femme présidente des Philippines], mais aussi de beaucoup d’autres qui ont pesé par leur militantisme ou leur action culturelle.”

Les suffragettes, la juge de la Cour suprême américaine Ruth Bader Ginsburg, la philosophe française Simone de Beauvoir… Les femmes choisies par le Time Magazine ont été sélectionnées parmi plus de 600 candidates. Quatre-vingt-neuf unes ont été créées spécialement pour le projet, les 11 déjà existantes ayant également été intégrées. C’est le cas de la dernière en date, où pose la militante écologiste Greta Thunberg, personnalité de l’année 2019.

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La jeune Greta Thunberg, nommée “personnalité de l’année” 2019 par le Time.La jeune Greta Thunberg, nommée “personnalité de l’année” 2019 par le Time.

“Ce genre de démarche suscite autant de questions que de réponses, assure néanmoins le magazine. Que signifie être une femme ? En quoi la société a-t-elle échoué à reconnaître les contributions des femmes ?” Autant de problèmes auxquels il a tenté de répondre, offrant une “occasion rare” de réfléchir à cent ans de changements sociétaux.

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Source

Time

NEW YORK http://www.time.com/

Fondé en 1923, l'hebdomadaire américain au plus fort tirage est devenu l'un des monuments de la presse mondiale. Ses reportages, ses images chocs - ou encore le numéro toujours très attendu dans lequel est désigné l'homme de l'année -, ont contribué à construire sa légende.

En choisissant pour "homme de l'année" Hitler en 1938, Staline en 1939 et Churchill en 1940, le magazine a montré il y a longtemps déjà qu'il ne passe pas à côté de l'histoire en train de se faire. Distribué dans plus de 190 pays, Time publie - outre l'édition américaine – Time Europe, Time Asia, Time Pacific ainsi que Time for Kids, qui présente l'actualité aux plus jeunes.

A la différence de nombreux sites de presse qui proposent des services d'information en continu à partir de dépêches d'agence, celui du Time permet de suivre l'actualité au jour le jour mais dans l'esprit du magazine, à savoir par des reportages courts et des photos. Les archives sont gratuites si les articles ont moins de deux semaines.

8 mars 2020

Crazy Horse

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8 mars 2020

Chronique - L’artiste, son œuvre et le sexe, une histoire de contexte

Par Maïa Mazaurette

Une semaine après l’attribution du César de la meilleure réalisation à Roman Polanski, Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale », réfute cette idée qu’il faudrait séparer l’art de son auteur et ignorer tout contexte.

LE SEXE SELON MAÏA

Six jours après la condamnation d’Harvey Weinstein pour agressions sexuelles à New York, une semaine avant la Journée internationale des droits des femmes, l’académie des Césars a décerné le prix de la meilleure réalisation à Roman Polanski, qui a violé en 1977 une jeune fille de 13 ans (chefs d’accusation : viol sur mineur, sodomie, fourniture d’une substance prohibée à une mineure, actes licencieux et débauche, relations sexuelles illicites et perversion). Quel sens du timing !

Nous voici sommés de « passer à autre chose ». D’ailleurs les faits sont vieux de quarante-trois ans, et la victime elle-même a pardonné – pourquoi un tel acharnement ? Malheureusement, demander au public de « passer à autre chose » revient à lui demander d’ignorer le contexte. Voire d’ignorer son propre quotidien.

Car non seulement le nom de Roman Polanski fait écho à d’autres ayant récemment émaillé l’actualité (Gabriel Matzneff, Christophe Ruggia, Louis C.K., Kevin Spacey…), mais il vient en miroir des résultats de l’enquête NousToutes publiée cette semaine : parmi près de 100 000 femmes répondantes (non représentatives de la population française), neuf sur dix disent avoir subi des pressions sexuelles. Un quart ont subi des pénétrations non consenties, et 15 % des rapports pendant leur sommeil.

Dans ces conditions, difficile d’ignorer les violences. Impossible de « passer à autre chose ». Surtout dans le cadre du cinéma, dont on sait qu’il a une influence sur notre idée de la rencontre amoureuse, de la normalité sexuelle, et même de la beauté.

Nécessaire réinvention des codes

Si tant de femmes sont ulcérées par le choix de l’Académie, c’est parce qu’elles ont conscience du formidable rôle que le septième art pourrait jouer dans les questionnements qui nous traversent : en explorant la possibilité de rapports sexuels moins scriptés, en érotisant des corps différents, en subvertissant le male gaze que décrit si bien la penseuse Iris Brey (pour rappel, le male gaze objectifie le corps des acteurs et actrices, tandis que le female gaze nous fait partager leur expérience intime).

A l’orée de cette nécessaire réinvention des codes, les réalisateurs et réalisatrices se tiennent en première ligne, puisqu’ils et elles sont chargés de la direction des corps et des émotions. Il y a du boulot, mais quel programme enthousiasmant ! Le cinéma pourrait panser nos plaies (comme dans le Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma), plutôt que d’y retourner des couteaux (en récompensant Polanski). Le contexte n’est pas l’ennemi, mais la solution. Ou au moins, l’une des solutions.

Alors justement, parlons de contexte. Car les artistes, quand ils se retrouvent sous le feu des projecteurs de #metoo, bénéficient de différents niveaux de décontextualisation : il faudrait non seulement séparer l’art de son auteur, mais aussi séparer la sexualité privée de la vie publique, sans jamais proposer de parallèles. Un peu comme si nous devions nous couper en trois entités parfaitement étanches, elles-mêmes complètement imperméables au monde extérieur : l’homme, l’artiste, son pénis. Ou la femme, l’artiste, son clitoris.

Je ne voudrais pas enfoncer des portes ouvertes, mais quand on veut nous découper en morceaux, c’est toujours une mauvaise nouvelle. Et surtout, ça ne fonctionne pas : la sociologie démontre depuis des décennies à quel point nos chambres à coucher sont perméables. Nos fantasmes, habitudes et pratiques dépendent de notre éducation, de nos lectures, de notre consommation de pornographie, de notre santé mentale et physique, de nos ressources financières, de notre poids, de notre religion, de notre âge, de notre orientation…

Impunité

Notre sexualité est une éponge. Exactement comme l’art : elle éponge le contexte, et le contexte l’éponge en retour. Vous pouvez fermer votre chambre à coucher à triple tour, elle demeurera ouverte à tous les vents. Vous pouvez éteindre la lumière, vous serez rattrapé(e) par les écrans noirs et les salles obscures. A ce titre, nous ne pouvons pas, ou pas complètement, décorréler nos pratiques privées de notre personne publique, ni de nos préférences artistiques.

Tout n’est pas toujours parfaitement cohérent, mais tout est continu. L’académie des Césars démontre d’ailleurs cette continuité, puisque en 2018, comme le rapportait Le Monde, « 73 % des personnes mises en cause dans des affaires de violences sexuelles (viols, agressions sexuelles, harcèlement) bénéficient d’un classement sans suite ». Symboliquement, ce César de la réalisation souligne une impunité qui dépasse de loin le monde des paillettes. En essayant de s’abstraire du contexte par la porte, l’Académie y est rentrée par la fenêtre.

Et ça se comprend (enfin, un peu) : en sexualité comme en art, la contextualisation effraie. Elle mobilise un imaginaire de la transparence totale, où nous devrions constamment rendre des comptes ou justifier nos fantasmes devant un tribunal des bonnes mœurs.

Seulement, les faits sont bien loin des caricatures. C’est parce que le contexte a changé, au niveau collectif, que les victimes de viols, d’agressions et de harcèlement commencent à être écoutées, au niveau individuel. C’est au nom de la continuité de l’intime, du privé et du public que les femmes refusent de choisir entre les rôles de mère et de putain – or personne ne pourra nier que le décloisonnement de ces deux persona constitue une libération, certainement pas une censure.

Codes hiérarchiques désuets

Et même artistiquement, c’est parce que le contexte est pris en compte que nous pouvons encore lire des textes antisémites (Céline), contempler des peintures érotisant de très jeunes filles (Thérèse rêvant, de Balthus, menacée en 2017 par une pétition), ou conserver des statues de Thomas Jefferson (que plusieurs universités américaines ont voulu déboulonner, en raison des opinions racistes du troisième président des Etats-Unis).

Non seulement la reconnaissance de notre continuité sexuelle, artistique et mondaine nous permet de nous protéger, de nous rassembler, de nous connecter à nous-mêmes et aux autres, mais elle nous libère de codes hiérarchiques désuets voulant que l’art rayonne au-dessus du quotidien (la part des anges), tandis que la sexualité serait reléguée dans les souterrains et l’obscène (la part des bêtes).

A ce titre, la prochaine fois qu’une académie, un grand-oncle ou une voisine de palier sortiront leur chatoyante tronçonneuse (« Veuillez déposer votre sexualité au vestiaire, votre quotidien sur la troisième étagère à gauche, et enfiler votre veste de cinéphile »), n’hésitons pas à demander qui a intérêt à découper en morceaux les différentes facettes de notre personne. Qui a intérêt à ce que nous perdions notre cohérence. Et spécifiquement, qui a intérêt à faire de la sexualité une zone de non-droit.

8 mars 2020

Marilyn Monroe - femme de l'année 1954

marilyn 1954

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8 mars 2020

Coronavirus : l’Italie place en quarantaine des millions d’habitants du nord du pays

corona italie

Le président du Conseil italien a signé, dans la nuit de samedi à dimanche, un décret limitant fortement les déplacements dans une vaste zone. Les cinémas, théâtres et musées sont fermés sur tout le territoire.

L’Italie, pays le plus touché d’Europe par le coronavirus, va rapidement augmenter son niveau d’alerte. Le gouvernement a décidé de placer en quarantaine « dans les prochaines heures » toute la Lombardie, dont la capitale économique du pays, Milan, ainsi que la région de Venise, le nord de l’Emilie-Romagne et l’est du Piémont, a confirmé, dimanche 8 mars, le président du Conseil Giuseppe Conte. Milan compte un peu moins de 1,4 million d’habitants, et la Lombardie totalise 10 millions de personnes.

Samedi soir, les médias transalpins avaient dévoilé le contenu d’une première version de ce décret, largement confirmé par M. Conte. « [Il] a été rédigé dans sa version définitive : les commentaires des régions ont été reçus et dans quelques heures il sera publié au Journal officiel et sera en vigueur », a-t-il expliqué lors d’une allocution télévisée tenue en pleine nuit.

Selon le texte publié sur le site du gouvernement, les déplacements dans cette vaste zone qui s’étend de Milan à Venise devront être limités à « des impératifs professionnels dûment vérifiés et à des situations d’urgence, pour des raisons de santé ».

Le gouvernement a également ordonné la fermeture des cinémas, théâtres, musées, pubs, salles de jeux, écoles de danse, discothèques et autres lieux similaires, sur l’ensemble du territoire national. Il sera en revanche toujours possible de faire ses courses, les jours de semaine, ou d’aller dans un bar ou un restaurant, à condition toutefois de respecter la distance de sécurité d’au moins un mètre entre les clients.

Les compétitions sportives sont suspendues mais certaines pourront néanmoins se dérouler, à guichets fermés, précise le texte. Toute personne dont la contamination au coronavirus aura été confirmée sera obligatoirement assignée à résidence, selon ce texte.

233 morts

Avec près de 6 000 cas et 233 morts, l’Italie est le troisième pays le plus touché au niveau mondial. Les vingt et une régions sont toutes concernées, mais l’essentiel des cas est concentré dans le Nord, en Lombardie, en Emilie-Romagne et en Vénétie. Le pays a enregistré 36 nouveaux morts liés au coronavirus en vingt-quatre heures, tandis que le nombre de cas est monté à 5 883 (+ 1 247), selon le bilan officiel publié samedi.

Un homme politique de premier plan, Nicola Zingaretti, chef du Parti démocrate, qui participe à la coalition au pouvoir, a annoncé samedi sur Facebook qu’il avait été testé positif : « Je vais bien mais je vais devoir rester chez moi dans les prochains jours. »

Dans la cité du Vatican, qui a déclaré son premier cas vendredi, le pape François a annulé ses principales apparitions publiques et annoncé qu’il ferait sa prière dominicale par vidéo pour « éviter les risques de diffusion » du coronavirus.

Le gouvernement italien a décidé, samedi, d’envoyer 20 000 renforts dans ses hôpitaux pour affronter l’épidémie qui frappe la péninsule. Cette mesure devrait permettre de porter de 5 000 à 7 500 le nombre de lits en soins intensifs, soit une hausse de 50 %, et de doubler le nombre de places dans les services de pneumologie et de maladies infectieuses.

Face à l’urgence de la situation, le décret du gouvernement prévoit aussi la possibilité de recruter des médecins à la retraite. Le taux de létalité du virus en Italie s’élève à 4,25 %, contre 3,8 % en Chine et 0,68 % en Corée du Sud.

Des réquisitions d’hôtels sont envisagées

Toutes ces mesures représentent un budget de 1 milliard d’euros à prélever sur les 7,5 milliards débloqués « pour faire face aux exigences extraordinaires et urgentes dues à la diffusion du Covid-19 (…) », selon le communiqué du gouvernement. Les préfets se voient en outre attribuer la possibilité de réquisitionner des hôtels pour loger les personnes en quarantaine.

Cette quarantaine géante pourra-t-elle être respectée, alors que les mesures de confinement déjà prises ont manifestement échoué ?

Samedi soir, plusieurs journaux italiens racontaient l’histoire d’un couple de résidents de Codogno (Lombardie), habitant donc en plein cœur de la zone confinée, qui était partis quelques jours plus tôt de leur domicile, malgré l’interdiction, pour rejoindre le Trentin, où ils ont une résidence secondaire. Se sentant mal, les deux retraités se sont rendus aux urgences les plus proches, où ils ont été diagnostiqués positifs au test du coronavirus. Le président de la province, Maurizio Fugatti, a qualifié leur attitude de « comportement irresponsable ».

8 mars 2020

Vu sur internet - j'aime beaucoup

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8 mars 2020

Kiki, reine des Montparnos

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Man Ray, Kiki, Noire et blanche, 1920, photographie. Photo ©Flickr/Tim Evanson / Man Ray

Née dans une famille bourguignonne modeste, Alice Prin, rebaptisée « Kiki », devint à 20 ans la muse de Man Ray, le modèle de Foujita, de Kisling et de bien d'autres artistes de Montparnasse. Portrait d'une légende des Années Folles.

Alice Prin était née pauvre. Avec un père préférant ignorer son existence et une mère « montée » à Paris exercer, pour survivre, le métier de linotypiste, elle est élevée par sa grand-mère, à Châtillon-sur-Seine. De la Bourgogne à Paris, la route est longue en 1913, lorsqu’il s’agit, pour la petite fille de 12 ans, d’aller à la capitale pour apprendre à lire. Après une infructueuse année passée à l’école, elle est successivement apprentie brocheuse, fleuriste, laveuse de bouteilles chez Félix Potin et visseuse d’ailes d’avions. Bonne à tout faire chez une méchante boulangère, elle part un beau jour, en quête d’un meilleur travail.

La seule personne qu’elle connaisse à Paris, à part une « payse » un peu délurée, est un sculpteur, dont l’atelier se trouve impasse Ronsin. La boulangerie étant située place Saint-Georges, c’est avec un itinéraire prémonitoire traversant Montparnasse, qu’Alice marche vers un avenir incertain… Le sculpteur n’est pas mauvais bougre, il trouve que la petite est bien gentille et égarée trop tôt dans un univers trop rude. Il va la prendre comme modèle. Chez lui, elle s’est déshabillée pour la première fois, a montré « toute sa boutique » et, si elle n’est pas sûre que le métier de modèle lui plaise, elle est éblouie par les cinq francs qu’elle a gagnés durant sa première journée de pose. Elle a à peine 15 ans, n’est pas encore entrée dans le monde des artistes. Mais elle est sur la bonne voie, bien que sa camarade Eva essaie de l’entraîner sur le chemin de la galanterie : Alice, rebaptisée Kiki, n’est pas vénale, elle ne le sera d’ailleurs jamais. De petits boulots en petits boulots, d’ateliers ou hangars prêtés pour y dormir sur des sacs de sable, la jeune fille survit. Quelques peintres inconnus la font un peu travailler contre quelques sous et une tasse de thé. Et puis, il y a la mémorable nuit d’hiver 1917 où Soutine, voyant Kiki grelotter de froid, la recueille chez lui et la réchauffe par un feu alimenté avec son pauvre mobilier…

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Le café de La Rotonde à Paris. ©Wikimedia Commons/Yves Lorson

L’arrivée à La Rotonde

Les artistes qu’elle commence à fréquenter l’emmènent à La Rotonde, café mythique de Montparnasse depuis 1911. Pour avoir le droit de s’asseoir aux tables de la grande salle avec les « dames », il faut porter un chapeau. Kiki n’a droit qu’au bar. Mais bientôt, elle se fabrique un galurin et peut côtoyer les célébrités qui font le Montparnasse de l’époque et deviendront ses inséparables amies : Aïcha, Pâquerette, Mado et Thérèse Treize… La gentillesse de « Papa Libion », comme on appelle le patron de La Rotonde, est légendaire, et bien des artistes seraient morts de faim sans sa générosité. Mais il sait aussi que cette faune particulière, bruyante et chamarrée, attire les touristes étrangers en mal de « bohème » qui, ceux-là, mangent, boivent … et payent !

Après quelques tentatives amoureuses platoniques, Kiki se met en ménage avec un peintre en 1918. Il s’appelle Maurice Mendjizld, il est juif polonais, il a 28 ans, Kiki en a 17. « Ça n’est pas la richesse, mais quelquefois on mange ! », confie-t-elle à son Journal. Kiki est non seulement courageuse, mais maline. Elle est devenue une habituée de La Rotonde, où on la retrouve à la table de Kisling ou de Modigliani pour qui elle pose. Mais c’est aussi ici que viennent les soldats anglais et américains. Pour dix sous, elle fait leur portrait et ne se débrouille pas si mal. Elle se met à peindre plus sérieusement et fera, en 1927, une exposition qui fut, selon le « Herald Tribune », « le vernissage le plus réussi de l’année ».

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Julian Mandel, Nu au miroir : Alice Prin (Kiki De Montparnasse), entre 1910 et 1930, photographie. ©Wikimedia Commons

L’âge d’or de Montparnasse

L’après-guerre marque le début de l’âge d’or de ce Montparnasse où se côtoient collectionneurs en herbe, marchands d’art en quête de nouveaux talents, poètes révolutionnaires, couturiers extravagants, architectes avant-gardistes et hommes politiques. On chante, on danse beaucoup, on fait la fête avec trois fois rien. Kisling a fait un contrat à Kiki, ce qui est rarissime, et elle pose aussi pour Foujita : le Nu couché à la toile de jouy sera un des événements du Salon d’automne de 1922.

Elle s’est trouvé un style : avec sa coiffure au bol, ses yeux abondamment soulignés de khôl, son merveilleux sourire et ses lèvres peintes de rouge vif, elle ne passe pas inaperçue ! Son exubérance, sa joie de vivre et son culot la font immédiatement aimer de tout le monde. Man Ray se souvient dans ses Mémoires de cette journée de 1921 où Marie Vassiliev lui présente Kiki, « le modèle favori des peintres ». Elle deviendra le sien, et sa maîtresse de surcroît, durant une huitaine d’années mémorables. Peut-on dire que la qualité plastique du modèle a fortement contribué à la notoriété du photographe ? Avec Man, Kiki fréquente des personnalités telles que Tristan Tzara, Francis Picabia, André Breton, Philippe Soupault, Louis Aragon, Max Ernst ou Paul Éluard… Durant l’été 1923, une nouvelle boîte de nuit ouvre à Montparnasse : The Jockey. C’est un drôle d’endroit dont Kiki sera, une fois de plus, la reine. Le décor, conçu par le peintre américain Hilaire Hiler, qui tient aussi le piano, est sommaire mais astucieux : quelques tables à touche-touche, une piste de danse si minuscule que les corps ne peuvent que s’y coller, des murs recouverts d’affiches 1900 et de photos, c’est tout. « Pendant quelque temps, nous nous réunissons entre gens du quartier, mais ça ne dure pas ! », commente encore Kiki dans son journal. Si les habitués sont Van Dongen, Kisling, Per Krogh, Foujita, Derain ou Ivan Mosjoukine, la vedette russe du cinéma muet, tous les arrondissements de Paris veulent s’entasser dans cet endroit où le spectacle est dans la salle : « Vous voyez un joli soulier d’argent flirter avec une espadrille, un luxueux manteau d’hermine voisine avec le veston râpé de l’artiste… Chaque client peut faire son numéro ; il y a là un gros Russe, très gros, court sur pattes, qui veut absolument faire des danses nationales. Il ne peut que s’accroupir : on le tient sous les bras pour le remonter… » Il y a aussi Floriane et ses danses orientales, la toute petite Chiffon et sa voix de fausset que tout le monde adore, Bouboule, sa grande rivale, Marie Vassiliev qui vient faire des danses paysannes russes.kiki23

Pablo Gargallo, Kiki de Montparnasse, 1928, bronze doré. ©Wikimedia Commons/Archives P. Gargallo

La galerie des monstres

Il y a surtout Kiki, qui chante des chansons de corps de garde — Robert Desnos a réécrit pour elle les paroles des Filles de Camaret. Elle danse aussi et soulève volontiers ses jupons sous lesquels elle ne porte rien… L’acteur Jacques Catelain décide de monter un film dont les stars de Montparnasse seront les vedettes : ce sera La Galerie des Monstres, où Kiki joue son propre rôle. On peut aussi la voir dans L’Étoile de mer de Man Ray, Le Ballet Mécanique de Fernand Léger et, en 1930, dans Le Capitaine jaune, du Danois Anders Wilhelm Sandberg.

De 1929 à 1931, ce sont, pour Kiki, des années noires : elle est dorénavant la maîtresse d’un jeune journaliste et caricaturiste bourré de talent. Il s’appelle Henri Broca et il monte un magazine, baptisé « Paris-Montparnasse ». Dans son numéro d’avril 1929, paraissent les premiers chapitres du livre de souvenirs que Kiki termine d’écrire et que Broca va publier. Kisling orne la couverture de l’un des portraits qu’il a faits d’elle et Hemingway en écrit la préface. Edward Titus, le mari d’Helena Rubinstein, veut publier le livre aux États-Unis, mais l’ouvrage est saisi par la douane à cause de ses propos jugés trop scabreux. Tandis que Kiki est élue « reine de Montparnasse », petit à petit, sa mère sombre dans la folie, tout comme Henri Broca. Dans la journée, avec un dévouement magnifique, elle s’occupe de l’un et de l’autre, jusqu’à leur disparition simultanée. La nuit, afin d’assumer docteurs, hôpitaux et infirmières, elle court les cachets dans les boîtes de nuit, dansant et chantant, donnant l’illusion d’être radieuse… Un voyage en Amérique en direction des studios de la Paramount est totalement infructueux. Montparnasse lui manque et Kiki, cafardeuse, ne se présente même pas à son rendez-vous de bout d’essai…

Fin d’une légende

Elle a 33 ans. La vie a fait d’elle un être différent. Elle boit trop, se nourrit mal. Elle réalise subitement qu’elle pèse quatre-vingts kilos. Néanmoins, elle continue à poser pour Per Grogh : « Il me réconforte : il trouve ma croupe très belle et dit que ça le fait penser à un trois-mâts, toutes voiles dehors »… En 1936, après avoir chanté et dansé un peu partout, elle ouvre son propre cabaret, d’abord dénommé L’Oasis, puis Chez Kiki. Tous les habitués du Jockey s’y retrouvent. Il y a là un pianiste un peu foldingue et alcoolique, qui devient le dernier amour de Kiki : André Laroque. Agent des Contributions indirectes le jour, il est, la nuit, l’accordéoniste qui l’accompagne dans son tour de chant. Il sera plus que cela : un sauveur, car Kiki est tombée dans la drogue. Cocaïne. Illusion de bien-être … Elle est malheureuse, malade. Laroque la sauve de la chute en la faisant désintoxiquer. « Mon amant m’a donné à choisir, la drogue ou lui. » Cela ne se fera pas sans peine et Kiki aura encore quelques années de bonheur, durant lesquelles il l’aidera à se remémorer les souvenirs de cette vie incroyable, qu’il tapera sur la machine à écrire de son bureau aux Contributions. Ils resteront soixante-cinq ans dans un coffre avant d’être publiés. Une modeste étiquette indique seulement « infiniment précieux »… Et puis, le 23 mars 1953, épuisée, Kiki s’éteint. Et, avec elle, disparaît la légende d’une irremplaçable égérie.

Dominique Paulvé

8 mars 2020

Le baiser

baiser corona

8 mars 2020

Herb Ritts

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