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Jours tranquilles à Paris

7 octobre 2020

La Cour d’appel de Paris entre en rébellion contre le garde des Sceaux

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L’Union syndicale des magistrats exige parallèlement d’Éric Dupond-Moretti qu’il se désiste de ses pouvoirs en faveur du premier ministre.

Par Paule Gonzalès

«Le 5 octobre, le cabinet du garde des Sceaux (Éric Dupont-Moretti, ci-dessus) a contacté le bureau national de l’USM pour fixer une réunion de travail avec le ministre», annonce sa présidente Céline Parisot.

«Le 5 octobre, le cabinet du garde des Sceaux (Éric Dupont-Moretti, ci-dessus) a contacté le bureau national de l’USM pour fixer une réunion de travail avec le ministre», annonce sa présidente Céline Parisot. Jean-Christophe Marmara/JC MARMARA / LE FIGARO

À l’unanimité. La Cour d’appel de Paris et ses chefs de cour, son premier président, Jean-Michel Hayat et son procureur général, Catherine Champrenault, ont voté une motion clouant au pilori le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Cette motion dénonce notamment le «conflit d’intérêts majeur dans lequel se place le garde des Sceaux qui a mis en cause le parquet national financier», «s’alarme d’un détournement pur et simple de procédure», accuse le ministre de la Justice de «piétiner le principe démocratique de la séparation des pouvoirs au profit d’intérêts strictement privés» et appelle le président de la République à agir. Cette motion particulièrement virulente s’ajoute aux 90 et bientôt 100 motions votées par les juridictions françaises.

Dans ce contexte, l’Union syndicale des magistrats n’entend pas non plus lâcher le garde des Sceaux. «Le 5 octobre, le cabinet du garde des Sceaux a contacté le bureau national de l’USM pour fixer une réunion de travail avec le ministre», annonce sa présidente Céline Parisot, mais qui prévient: «Préalablement à toute rencontre, la note du 29 septembre relative à la limitation des remontées d’informations ne saurait suffire à mettre fin à la polémique». «Nous demandons donc au garde des Sceaux de mettre en œuvre l’article 2-1 du décret n°59-178 du 22 janvier 1959 modifié relatif aux attributions des ministres», exige-t-elle et de citer le texte: «Le ministre, qui estime se trouver en situation de conflit d’intérêts en informe par écrit le premier ministre, en précisant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses attributions. Un décret détermine, en conséquence, les attributions que le Premier ministre exerce à la place du ministre intéressé. Ce dernier s’abstient de donner des instructions aux administrations placées sous son autorité ou do

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7 octobre 2020

MAC VAL

mac val

7 octobre 2020

Entretien - Robert Boyer : « Le capitalisme sort considérablement renforcé par cette pandémie »

Par Antoine Reverchon

Loin de l’avènement d’un « jour d’après » écologiquement et socialement plus juste, l’économiste, un des fondateurs, dans les années 1970, de « l’école de la régulation », prévoit, dans un entretien au « Monde », un affrontement entre le capitalisme numérique et financier des GAFA et les capitalismes d’Etat.

L’économiste Robert Boyer, analyste des évolutions historiques divergentes des capitalismes – il préfère d’ailleurs utiliser ce terme au pluriel – publie, le 1er octobre aux éditions La Découverte, un ouvrage qui fera date, Les Capitalismes à l’épreuve de la pandémie (200 pages, 19 €), où il livre son diagnostic du choc qui ébranle aujourd’hui l’économie mondiale, et de ses devenirs possibles.

Pour qualifier la crise que nous traversons, les économistes oscillent entre « crise sans précédent », « récession la plus grave depuis 1929 », ou encore « troisième crise du siècle » – après celles des subprimes de 2008 et de l’euro en 2010. Qu’en pensez-vous ?

On ne peut pas appliquer des mots hérités des crises précédentes à une réalité nouvelle. Plus qu’une erreur, c’est une faute car cela indique que l’on espère appliquer des remèdes connus, qui seront donc inefficaces.

Le terme de « récession » s’applique au moment où un cycle économique, arrivé à une certaine étape, se retourne pour des raisons endogènes – ce qui suppose que l’étape suivante sera mécaniquement la reprise, également pour des raisons endogènes, avec un retour à l’état antérieur. Or il ne s’agit pas ici d’une récession, mais d’une décision prise par les instances politiques de suspendre toute activité économique qui ne soit pas indispensable à la lutte contre la pandémie et à la vie quotidienne.

La persistance d’un vocabulaire économique pour désigner une réalité politique est étonnante. On a parlé de « soutien » à l’activité, alors qu’il s’agit plutôt d’une congélation de l’économie. Le plan de « relance » est en fait un programme d’indemnisation des entreprises pour les pertes subies, mené grâce à l’explosion des dépenses budgétaires et au relâchement de la contrainte de leur refinancement par les banques centrales. C’est un « soin palliatif » qui n’aura de sens que si épidémiologistes, médecins et biologistes trouvent la solution à la crise sanitaire – mais cela ne dépend ni des modèles ni des politiques économiques.

« UN TIERS DE LA CAPACITÉ DE PRODUCTION S’EST BRUTALEMENT RÉVÉLÉ N’AVOIR PAS D’UTILITÉ SOCIALE “INDISPENSABLE” »

Cet arrêt brutal et assumé de la production provoque de tels changements – d’autant plus qu’il durera longtemps – économiques, mais aussi – ce que négligent les économistes – institutionnels, politiques, sociologiques, psychologiques, de sorte qu’il est impossible que tout « reprenne » comme avant. Un tiers de la capacité de production s’est ainsi brutalement révélé n’avoir pas d’utilité sociale « indispensable ». Certains secteurs sont bouleversés par une modification structurelle des modes de consommation (le tourisme, le transport, l’aéronautique, la publicité, l’industrie culturelle…), et par la rupture des réseaux de sous-traitance et la disparition de firmes en différents points de la chaîne de valeur.

La destruction de capital et de revenus est d’ores et déjà colossale – il faut donc s’attendre à une baisse durable du niveau de vie moyen. Et on ne peut guère compter sur la libération soudaine de l’épargne bloquée pendant le confinement parce que, étant donné la transformation du chômage partiel en chômage tout court du fait de l’accumulation des pertes. Cette épargne devrait se muer en épargne de précaution, qui ne sera libérée qu’une fois la confiance revenue.

L’arrêt de l’économie a mis à mal les arrangements institutionnels, les règles qui, sans qu’on en ait conscience, assurent la coordination entre les acteurs : la sécurité sanitaire, la confiance dans les autorités publiques, la prévisibilité des marchés, la complémentarité des activités économiques, la synchronisation des temps sociaux – école, transport, travail, loisir –, la définition des responsabilités juridiques…

La stratégie économique guidée par l’idée qu’il s’agit d’une récession – et qu’il suffit donc de maintenir ce qui reste de l’économie en l’état, puis de relancer l’activité pour revenir à la situation antérieure (la fameuse reprise en « V ») – est de ce fait vouée à l’échec. L’année 2020 pourrait rester dans l’histoire non pas seulement comme celle d’un choc économique du fait des pertes, colossales, de PIB et de la paupérisation de fractions importantes de la société, mais encore comme le moment où des régimes socio-économiques, incapables d’assurer les conditions de leur reproduction, ont atteint leurs limites. Il n’y aura de « sortie de crise » que lorsque la transformation structurelle de l’économie qui est en train de se dérouler sous nos yeux sera suffisamment avancée.

Une transformation vers une économie plus respectueuse de l’environnement, moins inégalitaire ?

Pas du tout, hélas ! Je n’entends pas participer au jeu concours du « jour d’après », où chaque spécialiste qui pointe tel ou tel défaut du système propose de le corriger : moins d’inégalités par la hausse de la fiscalité et de la dépense publique, plus d’écologie par une stratégie affirmée et cohérente de protection du climat et de la biodiversité, plus d’innovation grâce à la « destruction créatrice » des activités obsolètes, plus de compétitivité en abaissant les impôts de production, etc. Contrairement au mythe d’une table rase qui serait créée par une situation « sans précédent », cette recomposition est déjà à l’œuvre. La pandémie n’a fait que la renforcer.

Alors de quelle transformation s’agit-il ?

La « congélation » de l’économie a accéléré le déversement de valeur entre des industries en déclin et une économie de plates-formes en pleine croissance – pour faire image, le passage de l’ingénieur de l’aéronautique au livreur d’Amazon. Or cette économie offre une très faible valeur ajoutée, un médiocre niveau de qualification à la majorité de ceux qui y travaillent, et génère de très faibles gains de productivité. J’ai longtemps pensé que ces caractéristiques allaient déboucher sur une crise structurelle du capitalisme, mais je reconnais aujourd’hui que je me suis trompé.

« PENDANT QUE LES ÉCOLOGISTES INTERDISENT LES SAPINS DE NOËL, LES GAFA INVESTISSENT DANS L’AVENIR »

Les acteurs de cette économie de plate-forme, les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon], bien plus que l’investissement « vert », captent les rentes du capitalisme financier, le sauvant ainsi de ses errements antérieurs, qui l’avaient conduit du krach des start-up du numérique, en 2000, au krach de l’immobilier, en 2008. Pendant que les écologistes interdisent les sapins de Noël, les GAFA investissent dans l’avenir. Bref, le capitalisme n’est pas du tout en crise, il sort même considérablement renforcé par cette pandémie.

Mais l’économie de plates-formes renforce les inégalités économiques. Les start-up innovantes, les industries et les services traditionnels vont souffrir considérablement. Les plates-formes n’offrent que des rémunérations médiocres à ceux qui – à part leurs salariés, peu nombreux, et bien sûr leurs actionnaires – travaillent pour elles. Les GAFA ne se préoccupent ni de la production ni de l’amélioration des qualifications – ils agissent en prédateurs sur le marché des compétences, à l’échelle transnationale. La pandémie, le confinement et les mesures de « soutien » à l’économie n’ont fait que renforcer ces phénomènes : hausse du sous-emploi, perte de revenus des moins qualifiés, élargissement du fossé numérique tant entre les entreprises qu’entre les individus, inégalité d’accès à l’école.

Les « perdants » de cette économie, et ils sont nombreux, sont ainsi poussés à se tourner vers les Etats, seuls capables de les protéger de la misère et du déclassement face à la toute-puissance des firmes transnationales du numérique et de la finance – mais aussi réhabilités dans leurs fonctions régaliennes et régulatrices par la « magie » de la pandémie. La puissance des GAFA produit donc sa contrepartie dialectique : la poussée de différents capitalismes d’Etat prêts à défendre leurs prérogatives – et leurs propres entreprises – derrière leurs frontières, dont le modèle le plus achevé est la Chine.

La concurrence croissante entre ces deux formes de capitalisme est un facteur de déstabilisation des relations internationales, comme le montre la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, encore exacerbée par la crise du Covid-19 et dont il est impossible, à ce stade, de prévoir l’issue.

La consolidation de pouvoirs économiques en pouvoirs politiques – impériaux ou nationaux – pourrait faire voler en éclats les tentatives de gestion multilatérale des relations internationales – alors que la pandémie a démontré une fois de plus la nécessité d’une gestion mondiale des questions sanitaires, par exemple. Cette montée de ce qu’on appelle les « populismes » peut aussi faire avorter les projets de coordination régionale comme l’Union européenne au profit d’un éclatement d’Etats souverains avides de « reprendre le contrôle », comme le proclame Boris Johnson, aidé en cela par toute la panoplie des outils numériques. On aurait ainsi le « choix », si j’ose dire, entre un pouvoir numérique exercé par des multinationales, et un pouvoir numérique exercé par des Etats souverains rivaux.

Mais là encore, comme le montre l’incertitude sur l’élection américaine du 3 novembre, l’histoire n’est pas écrite. Il se peut aussi que des coalitions politiques obtiennent le démantèlement du monopole des GAFA, comme ce fut le cas pour celui des chemins de fer et du pétrole à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis, ou encore que le régime chinois soit contesté par une soudaine révolte sociale.

La contingence des événements devrait d’ailleurs inciter économistes et politistes à se méfier des prédictions issues des modèles théoriques auxquels la réalité historique devrait avoir le bon goût de se plier… car c’est rarement le cas. Cinquante ans de pratique de la théorie de la régulation m’ont appris qu’il faut toujours réinjecter dans l’analyse le surgissement des nouvelles combinaisons institutionnelles et politiques que crée de façon contingente la marche de l’histoire. Comme le disait Keynes [1883-1946] : « Les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière.

Vous êtes d’ailleurs, dans votre livre, extrêmement critique à l’égard de votre profession et des élites politiques et technocratiques en général, en particulier sur leur gestion de cette crise.

Ce n’est pas faux… Je prendrais un seul exemple, pas tout à fait au hasard : l’économie de la santé. Pour les macroéconomistes, le système de santé représente un coût qui pèse sur la « richesse nationale », et il faut donc le réduire – et les politiques les ont suivis sur cette voie. Depuis vingt ans, les ministres de l’économie ont l’œil rivé sur le « spread », l’écart de taux entre les emprunts d’Etat des différents pays. Leur objectif est que l’économie nationale attire suffisamment le capital pour que celui-ci vienne s’investir ici plutôt qu’ailleurs. Ce n’est pas idiot en soi, mais la conséquence qui en a été tirée a été de limiter la dépense publique de santé, d’éducation, d’équipement…

Les mots comptent : les économistes, et les politiques, appellent le financement de ces « charges » des « prélèvements obligatoires » – alors qu’elles sont la contrepartie des services rendus à la collectivité ». Ce cadre de pensée fait que les administrations et les politiques ne disposent pas des bons outils d’évaluation. Il a conduit à la mise en place, dans les hôpitaux, de la gestion par activité, qui a engendré un incroyable gaspillage, alors qu’un bon indicateur d’une politique sanitaire devrait être le nombre d’années de vie en bonne santé, et la bonne gestion celle qui permet de coordonner efficacement le travail des équipes médicales.

On a ainsi assisté, à l’occasion de la pandémie, à un bel exemple de la façon dont une contingence, l’irruption d’un virus, renverse un cadre de pensée. Alors que la finance définissait le cadre de l’action publique, y compris en santé, c’est aujourd’hui l’état sanitaire du pays qui détermine le niveau d’activité économique, et la finance qui attend comme le messie un vaccin ou un traitement pour savoir enfin où investir ses milliers de milliards de liquidités. La décision de donner la priorité à la vie humaine a inversé la hiérarchie traditionnelle des temporalités instituée par les programmes de libéralisation aux dépens du système de santé, et a généré une série d’ajustements dans la sphère économique : panique boursière, effondrement du prix du pétrole, arrêt du crédit bancaire et de l’investissement, abandon de l’orthodoxie budgétaire, etc.

Cette crise a donc dévoilé, comme le ferait une radiographie, le rôle véritable d’une institution, la santé publique, dont le fonctionnement était sous-estimé par l’idéologie implicite à la théorie économique de référence. Celle-ci en effet prédit que, comme pour une firme, le secteur de la santé peut obtenir des gains de productivité grâce à des innovations techniques. Or la santé est le seul secteur où le progrès technique fait monter les coûts, parce que même si le prix unitaire d’un soin diminue, le coût global augmente, car il faut donner accès à ce soin innovant à tout le monde, et qu’il y a toujours de nouvelles maladies à combattre. C’est donc une erreur fondamentale de vouloir « faire baisser le coût de la santé ». D’ailleurs, ni l’opinion ni les professionnels ne le souhaitent, seuls les économistes, relayés jusqu’alors par les politiciens, le veulent.

Cette pandémie a aussi eu raison d’un dogme fondamental de la théorie économique : le marché aurait, mieux que la puissance publique, la capacité de revenir à l’équilibre des coûts de façon « naturelle », car il aurait la capacité de diffuser et de synthétiser les informations disséminées dans la société, et d’organiser ainsi les anticipations des acteurs économiques pour allouer efficacement le capital.

Or, avec la pandémie, nous sommes passés d’une économie du risque à une économie de l’incertitude radicale, sur le modèle même de l’épidémiologie. Car la gestion de l’épidémie consiste à gérer l’incertitude au gré de l’apparition de nouvelles informations aussitôt traitées par des modèles probabilistes… eux-mêmes remis en question par l’apparition de nouvelles données.

Au départ, les gouvernements ont eu à affronter un dilemme – choisir entre la vie humaine et l’activité économique. Face au risque de subir des millions de morts, sur le modèle de certaines épidémies passées, le choix a été rapide : on sauve les vies et on oublie tout le reste. Un simple calcul semblait pouvoir permettre d’arbitrer le moment du déconfinement, c’est-à-dire le moment où le coût économique, en hausse, allait devenir supérieur au prix de la vie humaine sauvée.

Les gouvernements ont cru pouvoir s’appuyer sur les scientifiques pour asséner de telles certitudes. Mais la gestion des pandémies pose à chaque fois, dans l’histoire, des problèmes qui dépassent les connaissances scientifiques du moment : chaque virus est nouveau, présente des caractéristiques inédites qu’il faut découvrir en même temps qu’il se diffuse, et qui mettent à bas les modèles hérités du passé. Dès lors, comment décider aujourd’hui, alors que l’on sait que l’on ne sait pas encore ce que l’on saura demain ? Il en résulte un mimétisme général : il vaut mieux se tromper tous ensemble qu’avoir raison tout seul.

S’appuyer sur les « certitudes » de la science, c’est confondre l’état des connaissances des manuels avec la science en train de se faire. C’est ainsi que l’incertitude, intrinsèque, de la science épidémiologique a fait perdre aux politiques la confiance du public. Osciller entre des injonctions contradictoires, par exemple sur les masques puis l’accès aux tests, ne peut que déstabiliser la capacité des agents à anticiper sur ce qui va advenir. Les gouvernements sont donc maintenant confrontés à un trilemme : à la préservation de la santé et au soutien de l’économie s’est ajouté le risque d’atteinte à la liberté, redouté par une opinion défiante.

L’Etat, comme le marché, est capable de gérer les risques, mais il est mis au défi de l’incertitude radicale. Les financiers aussi détestent ces « cygnes noirs », ces événements extrêmes qui s’écartent des distributions statistiques, base de la valorisation de leurs instruments, et qui paralysent toute anticipation et donc les décisions d’investissement. Et épidémiologistes comme climatologues promettent justement la multiplication de tels événements…

Vous ne proposez pas que des scénarios aussi noirs dans votre livre. La pandémie, vous l’avez dit, a fait émerger des institutions et des besoins « cachés » jusqu’ici par les idéologies économico-technocratiques, comme la santé…

Je voyage beaucoup au Japon, dont l’absence de croissance depuis plus de vingt ans, malgré la répétition des « plans de relance », est considérée par les macro-économistes comme une anomalie. Et si, au contraire, le Japon explorait un modèle économique pour le XXIe siècle, où les dividendes de l’innovation technologique ne sont pas mis au service de la croissance, mais du bien-être d’une population vieillissante ? Car après tout, quels sont les besoins essentiels pour les pays développés : l’accès de tous les enfants à une éducation de qualité, la vie en bonne santé pour tous les autres, y compris les plus âgés, et enfin la culture, car c’est la condition de la vie en société – nous ne sommes pas seulement des êtres biologiques qui doivent uniquement se nourrir, se vêtir et se loger. Il nous faut donc être capables de créer un modèle de production de l’humanité par l’humain. C’est ce que j’appelle dans le livre une économie « anthropogénétique ».

« POURQUOI TROUVER “NATUREL” DE RENOUVELER EN PERMANENCE NOS VOITURES ET NOS SMARTPHONES, ET PAS NOTRE ACCÈS À L’ÉDUCATION, AUX SOINS DE SANTÉ, AUX LOISIRS ET LA CULTURE ? »

Or ce modèle est déjà à l’œuvre, mais il n’est pas reconnu. il n’y a eu aucune baisse des dépenses de santé aux Etats-Unis depuis 1930, la santé y est le premier secteur de l’économie loin devant l’industrie automobile, le numérique, etc. L’éducation, la santé et les loisirs sont depuis 1990 aux Etats-Unis le premier employeur et sont en progression constante, alors que l’emploi continue de baisser dans l’industrie et, depuis la fin de cette décennie, dans la finance. Pourquoi devrions-nous trouver « naturel » de renouveler en permanence nos voitures et nos smartphones, et pas notre accès à l’éducation, aux soins de santé, aux loisirs et la culture ? Les innovations dans ces secteurs sont, plus que les technologies numériques, au cœur de la vie sociale et de son amélioration.

La crise du Covid-19, en nous faisant prendre conscience de la fragilité de la vie humaine, pourrait changer les priorités que nous nous donnons : pourquoi accumuler du capital ? Pourquoi consommer de plus en plus d’objets à renouveler sans cesse ? A quoi sert un « progrès technique » qui épuise les ressources de la planète ? Comme le proposait Keynes dans sa Lettre à nos petits-enfants (1930), pourquoi une société où, la pauvreté ayant été vaincue, une vie en bonne santé ouverte sur la culture et la formation des talents ne serait-elle pas attirante et réalisable ? Puisque nous commençons à peine à prendre conscience que « les dépenses de production de l’humain » sont devenues la part majeure des économies développées ; le Covid-19 a donné pour priorité à l’Etat la protection du vivant et l’a contraint à investir pour cela, engageant de fait une « biopolitique », d’abord contrainte mais demain choisie.

Mais il faudrait une coalition politique puis des institutions nouvelles pour faire de ce constat un projet. Il est malheureusement possible que d’autres coalitions – au service d’une société de surveillance, incarnée dans un capitalisme de plate-forme ou dans des capitalismes d’Etat souverains – l’emportent. L’histoire le dira.

7 octobre 2020

Clara Morgane

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7 octobre 2020

Réseaux sociaux - Instagram, dix ans pour le meilleur et pour le pire

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Le réseau social au milliard d’utilisateurs dans le monde a changé notre façon de voir, de consommer, d’échanger. Une nouvelle donne décryptée en dix points.

Dix ans déjà qu’Instagram est né. C’est l’occasion pour la presse internationale d’une célébration “pour le meilleur et pour le pire”, comme l’écrivent de concert le Guardian et le Wall Street Journal. Car l’opinion publique oscille entre fascination et répulsion face à ce réseau social qui a changé la donne et s’est assuré un succès foudroyant : 25 000 personnes avaient téléchargé l’application au premier jour, 10 millions à la fin 2010, un milliard d’utilisateurs y sont quotidiennement actifs aujourd’hui.

L’application a “bousculé notre façon de manger, de voyager et même de consommer”, résume sous le titre “Je selfie donc je suis : la déferlante Instagram fête ses 10 ans” l’AFP, reprise partout autour du monde, de la presse malaisienne au Journal de Québec en passant par le Bangkok Post, le Matin en Suisse ou encore le Philippine Star. Instagram a “changé notre apparence, ce que nous mangeons, notre façon de voter, où nous allons en vacances et comment nous dépensons notre argent”, énumère le Guardian.

Pour des intellectuels, “Instagram est devenu l’un des prismes majeurs à travers lequel nous voyons le monde, personnellement et politiquement”, écrivent Tama Leaver, Crystal Abidin et Tim Highfield, trois universitaires spécialistes de culture Internet dans The Conversation. Le Daily Mail, un quotidien populaire anglais, titre son article “Dix ans à (trop) partager” et raconte comment “Instagram a déclenché cette envie irrésistible de partager quelque chose avec le monde entier”. Et si l’on peut ne pas utiliser Instagram, “on ne peut pas échapper à son impact” puisque “ce qui se passe sur le ‘gram‘ fait la une des journaux, façonne les conversations mondiales et change la culture”.

Dix points pour tenter de comprendre ce qui fait qu’Instagram “a changé le monde et comment nous le voyons”, comme l’écrit The Telegraph.

1. Aux débuts de l’histoire, Instagram était une appli photo et c’est tout

Curieusement, ce qui a fait le succès d’Instagram n’a pas grand-chose à voir avec ce que l’application est devenue. Le 6 octobre 2010, deux Américains, Kevin Systrom et Mike Krieger, lancent un réseau social dévolu au partage de photos pour l’iPhone qui évoque, grâce à ses filtres vintage, une sorte de Polaroïd d’antan. Les filtres, simples d’utilisation, et un cadrage instantané ont immédiatement attiré un public “qui aimait la façon dont le bon filtre faisait ressortir un imperméable jaune dans la rue d’une ville”, rappelle le Guardian. Une appli “d’art et d’essai fantaisiste” qui a presque rien à voir avec les hordes de célébrités et d’instagrameurs et autres influenceuses qui sont au cœur des échanges sur l’appli aujourd’hui.

Il est “facile d’oublier aujourd’hui à quel point l’utilisation d’Instagram était généralement peu sophistiquée à l’époque, selon le média public australien ABC News. C’était de fait toute l’idée.” Sur leur iPhone, les utilisateurs postaient des clichés à l’esthétique” brute” et “authentique” qui témoignaient d’instants de la vie quotidienne. D’ailleurs, il a fallu attendre 2012 pour que l’application soit disponible sur Android.

2. Instagram a pris la place des plateformes de blogs

Qui se souvient des blogueurs ? En 2010, on parlait de blogosphère,                et les blogueurs représentaient quelque chose d’énorme à l’échelle de l’Internet, note ABC. Il n’a fallu qu’une poignée d’années pour que ce “trésor de longs posts” soit supplanté par Instagram qui avait l’énorme avantage d’être une plateforme centralisée. “Les selfies des influenceurs ont remplacé les longues critiques écrites.”

3. Et Justin Bieber vint (et les célébrités avec)

En 2011, l’arrivée de Justin Bieber sur Instagram sonne le début de ce que le Guardian qualifie de “course aux armements”, la transformation d’Instagram en plateforme des stars. Il est le premier à atteindre le million d’abonnés. Son premier post est pourtant dans la ligne des images partagées alors : une photo, prise depuis sa voiture, du trafic routier de Los Angeles, dans une “ambiance roadtrip des années 1970”, sous-titrée “le trafic à LA craint”.

Instagram a changé le monde pour les stars, autorisant tout un chacun à “accéder à leurs pensées”, leur intimité, rappelle le Daily Mail. Beyoncé (154 millions d’abonnés) a annoncé sa grossesse gémellaire sur Instagram en 2017 “avec une photo semi-nue stylée”. Le duc et la duchesse de Sussex ont utilisé l’appli pour annoncer qu’ils prenaient le large de la famille royale (prenant même de vitesse Buckingham Palace). The Mirror précise d’ailleurs que la reine a elle aussi posté sur Instagram pour la première fois en 2019 à l’occasion d’une visite au Science Museum, reproduisant la lettre adressée à son arrière-arrière-grand-père le prince Albert par le pionnier de l’informatique Charles Babbage.

Et si les stars et les people partagent leur intimité sur Instagram, certaines ont carrément gagné en célébrité grâce à la plateforme, souligne The Economic Times, le principal journal économique indien. Ainsi de Kylie Jenner (196 millions d’abonnés) du clan Kardashian, qui truste la moitié des 20 images les plus aimées sur Instagram, ou encore de Chiara Ferragni (21 millions d’abonnés) qui n’était qu’une icône de Lancôme avant de devenir elle aussi une “Instagirl” (une célébrité d’Instagram).

4. Et Instagram inventa les influenceurs

“Instagram n’est pas seulement le royaume des célébrités, la plateforme a également donné naissance aux ‘influenceurs‘ qui pratiquent le placement de produits”, explique le Mirror. Le terme est en effet apparu avec Instagram, et décrit ces “jeunes qui innovent sur la plateforme et créent un nouveau type de personnalité en ligne” ; celui qui influence ses abonnés, explique ABC News. Ceux-là usent de leur prestige et de leur notoriété en ligne pour donner des conseils d’achat de mode ou de maquillage, proposent de tester des hôtels ou des jeux vidéo, déballent des cartons de produits devant leurs abonnés… et en font un nouveau métier.

Les influenceurs auraient dû rapporter 9,7 milliards de dollars à l’industrie en 2020 (avant que la crise du Covid-19 ne les touche également), selon The Conversation.

5. Une pluie de dollars

En dix ans, Instagram a aussi fait beaucoup, beaucoup d’argent. Racheté par Facebook en 2012 pour un milliard de dollars, quand elle ne comptait que 13 salariés, la société “en vaut aujourd’hui cent fois plus”, soit environ 88 milliards d’euros, affirme le Mirror. Ce qui représente un cinquième de la capitalisation boursière de Facebook.

À l’époque, Instagram n’avait pas de modèle économique et “aucun moyen de gagner de l’argent” malgré ses millions d’utilisateurs, dit ABC News. “Les influenceurs faisaient de l’argent, mais l’application non.”

“À mesure que les influenceurs faisaient commerce de leurs légendes et photos Instagram, ceux qui détenaient des boutiques en ligne ont transformé les flux de hashtags en campagnes publicitaires”, explique The Conversation.

En huit ans, les choses ont changé. L’indépendance d’Instagram vis-à-vis de Facebook a été largement rognée, au point que les deux fondateurs ont démissionné en signe de protestation en 2018. Ils sont toutefois à l’abri du besoin : Kevin Systrom, 36 ans, et Mike Krieger, 34 ans, ont respectivement une “fortune d’environ 1,65 milliard et 85 millions d’euros”, selon le Mirror.

Conséquence : Instagram est devenu “une vitrine, comme eBay ou Amazon”, souligne The Conversation, en introduisant en 2019 le paiement intégré à l’application, pour permettre aux utilisateurs d’acheter un produit sans la quitter. “Avec la pandémie, ce passage au commerce électronique s’est accéléré.”

6. Une place pour l’activisme

Instagram est désormais le miroir de son époque. Si elle ne s’est pas fait connaître pour l’activisme forcené de ses utilisateurs fondus de selfies, photos de plats exotiques et autres destinations de rêve, l’application n’en est pas moins devenue un lieu de revendications et d’actions politiques et sociales.

En avril 2019, une marque de vêtements a fait campagne pour obtenir des “arbres pour des like” : 500 000 arbres ont été plantés en échange de 15,5 millions de like, rappelle le Mirror. Plus politique encore, cet été, la campagne #BlackoutTuesday lancée après la mort de George Floyd a poussé 28 millions d’utilisateurs à poster un carré noir sur leur fil en soutien au mouvement Black Lives Matter.

7. Copier, la recette de la durée

Instagram n’a toutefois pas tout inventé. C’est aussi l’“histoire de l’entreprise Instagram engloutissant ses rivaux en copiant ce qui les avait rendus populaires”, explique ABC News. Les “stories ajoutées en 2016 piquaient l’idée du média éphémère à Snapchat, IGTV (2018) empruntait l’idée à YouTube, et ‘Reels’ (2020) à TikTok”.

8. Quelques controverses

La décennie d’Instagram a vu son lot de controverses : “une menace pour la santé mentale des jeunes” qui, sous la pression de la perfection que renvoient les photos lissées et remaniées, ont des pensées suicidaires, raconte le Telegraph. Le Daily Mail rappelle que, selon une étude auprès des 14-24 ans menée en 2017, Instagram est le réseau social qui met le plus à mal leur santé mentale.

On peut aussi citer la montée en puissance des standards de beauté totalement trafiquée (au point que certains se font opérer pour avoir les grands yeux en amande de certains portraits d’Instagram). Les accidents de selfie. L’invasion de faux comptes (ceux qui achètent leur notoriété)…

9 . Instagram vieillit et son audience avec

Avec la montée en puissance de la plateforme, son public a changé. Alors que l’audience des premières années attirait principalement les 18-34 ans, en 2015, seuls 13 % des utilisateurs avaient entre 35 et 44 ans, contre 20 % au premier trimestre 2018.

La semaine dernière, raconte le Telegraph, David Attenborough a cassé le record de vitesse de Jennifer Aniston pour atteindre un million d’abonnés. Le naturaliste n’est pourtant pas de la première jeunesse, il a 94 ans.

10. Et demain ?

En une décennie, Instagram a fait naître sa propre culture, son vocabulaire venu de nulle part (“hashtag”, “selfie”, “sans filtre”, “instagrammable”…). Pourtant des plateformes comme TikTok lui volent la vedette, littéralement, auprès des très jeunes, relève The Economic Times. N’empêche, un signe ne trompe pas sur sa longévité à venir : alors que le show de télé-réalité des Kardashian est fini sur le vieux média télé, il n’est pas question pour la famille people d’abandonner sa “présence sur Instagram”, signale le Daily Mail. Nous voilà rassurés.

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7 octobre 2020

Brigitte Bardot

bardot56

7 octobre 2020

Climat - Comment rester au frais sans griller la planète ?

frais

GRIST (SEATTLE)

Paradoxalement, les climatiseurs, hypersollicités durant les vagues de chaleur, contribuent au réchauffement de la planète. Des solutions existent pourtant pour limiter ce phénomène.

Au mois d’août, tandis qu’une vague de chaleur record faisait rôtir la Californie, la consommation d’énergie dans tout l’État a atteint des sommets, obligeant les compagnies d’électricité à imposer des coupures alternées pour la première fois depuis près de vingt ans. Pourquoi de telles perturbations sur le réseau électrique ? Parce que des millions de climatiseurs tournaient à plein régime. Cela en dit long sur les difficultés que nous allons avoir à rester au frais à l’avenir.

Le problème est à double tranchant : le changement climatique accroît la demande d’air conditionné, de réfrigération et d’autres technologies qui nous rafraîchissent et conservent nos aliments, mais ce même rafraîchissement contribue de façon importante à la crise du climat.

En 2018, selon un rapport de l’ONU, les équipements de refroidissement représentaient 17 % de la demande d’électricité mondiale. L’essentiel de l’électricité qui alimente ces appareils était produite en brûlant des énergies fossiles, ce qui contribue au réchauffement de la planète. Pis encore, la plupart des réfrigérateurs et des climatiseurs actuels utilisent une classe de fluides réfrigérants nommés hydrofluorocarbones (HFC), des gaz à effet de serre qui sont des milliers de fois plus puissants que le CO2.

Or, le problème ne fait que s’aggraver. À l’échelle mondiale, l’usage de la climatisation devrait être multiplié par trois d’ici au milieu du siècle. En effet, le réchauffement va stimuler la demande dans les pays riches, tandis que dans les pays en développement des milliards d’individus vont accéder pour la première fois à cette technologie. “Les climatiseurs vont nous griller si nous ne prenons pas les choses en main”, souligne Durwood Zaelke, président de l’Institut de gouvernance & de développement durable (IGSD) et coprésident du comité directeur du nouveau rapport de l’ONU.

La bonne nouvelle est que beaucoup des solutions pour rendre le rafraîchissement plus respectueux du climat existent d’ores et déjà. Nous devons débarrasser nos réfrigérateurs et nos climatiseurs des HFC, rendre la technologie de réfrigération moins gourmande en énergie, recycler correctement les vieux appareils qui fuient au lieu de les envoyer en décharge, et enfin concevoir nos bâtiments et nos villes pour qu’ils restent frais. Si nous faisons tout cela, notre course à la fraîcheur ne risque pas de nous faire bouillir vivants.

Un traité qui a sauvé la couche d’ozone

D’après les spécialistes, les deux premières solutions – éliminer les HFC et améliorer le rendement des climatiseurs et des réfrigérateurs – peuvent être réalisées par la mise en œuvre de l’amendement de Kigali. Celui-ci oblige les pays signataires à remplacer les HFC par des fluides réfrigérants plus respectueux du climat, tout en se laissant la possibilité d’autres améliorations en matière d’efficience à travers la réglementation.

Cet amendement est venu compléter récemment le protocole de Montréal, un traité décisif des années 1980 qui a sauvé la couche d’ozone en éliminant progressivement les chlorofluorocarbones (CFC), jusqu’alors largement utilisés aussi bien pour le refroidissement que dans du matériel d’emballage et des bombes aérosols pour les cheveux. Les HFC qui ont fini par remplacer les CFC ne détruisent pas l’ozone, en revanche ils détruisent notre climat. D’où la nécessité de mettre à jour le traité pour arrêter l’utilisation des HFC.

Des produits de substitution aux HFC existent, au premier rang desquels les hydrofluoroléfines (HFO), déjà utilisées dans plus de 70 millions de systèmes d’air conditionné de véhicules, et dont les répercussions sur le climat sont comparables à celles du dioxyde de carbone. Parallèlement, le CO2 lui-même, utilisé dans la réfrigération il y a plus d’un siècle, devrait faire son retour sur le marché.

Si elle est pleinement appliquée, la suppression progressive des HFC prévue par l’amendement de Kigali permettrait d’éviter jusqu’à 0,4 °C de réchauffement au XXIe siècle, ce qui en ferait “le mécanisme de réduction du réchauffement climatique le plus important dont l’humanité se soit jamais dotée”, souligne Durwood Zaelke. Mais si le traité est entré en vigueur en 2019, il est encore loin d’avoir été adopté par tous les États.

Aux États-Unis, alors même qu’il est soutenu par les deux grands partis et les industriels, ce qui est assez rare pour être souligné (les sociétés américaines sont bien placées pour devenir d’importants producteurs de HFO), le président Trump ne l’a pas envoyé au Sénat pour ratification, inexplicablement. S’il est élu, Joe Biden s’est déjà engagé à soutenir ce projet.

“Les ingénieurs doivent retourner à leur planche à dessein”

Les retombées de l’amendement de Kigali pourraient être bien plus importantes, notamment si les industriels, en remplaçant les HFC par des solutions plus écologiques, modifiaient la conception des appareils afin d’accroître leur efficacité – ce qui a été fait par le passé lorsqu’on a abandonné les CFC. Dans leur récent rapport, Zaelke et ses confrères estiment que les effets cumulés de l’abandon des HFC et des améliorations d’efficience pourraient représenter 460 milliards de tonnes d’émission de CO2 en moins sur les quarante prochaines années, soit huit ans d’émissions de gaz à effets serre planétaires aux seuils actuels. Doubler le rendement énergétique des climatiseurs à l’échelle mondiale pourrait aussi faire économiser 3 000 milliards de dollars en électricité, selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA).

“On peut encore faire beaucoup d’économies d’énergie sur les climatiseurs et les systèmes de réfrigération”, assure Kristen Taddonio, conseillère climat et énergie à l’IGSD. La transition des HFC vers des réfrigérants plus propres offre une belle occasion aux industriels d’en accroître l’efficience, si l’on en croit Kristen Taddonio, “car pour cela il va falloir que les ingénieurs retournent à leur planche à dessin”.

Des normes de performance énergétique minimale, des campagnes d’étiquetage volontaires comme le programme Energy Star de l’Environmental Protection Agency [EPA, Agence de protection de l’environnement], et des programmes d’achat fédéraux d’appareils à bon rendement énergétique peuvent favoriser ce processus, encourageant le secteur de la réfrigération à mettre plus de produits efficients sur le marché lors de la mise en œuvre de l’amendement de Kigali.

Les gouvernements doivent aussi gérer le problème de tous les réfrigérateurs et climatiseurs encore dans la nature, qui devraient émettre l’équivalent de 64 milliards de tonnes de CO2 d’ici à 2050. L’amendement de Kigali met fin progressivement à la production de nouveaux HFC, mais il ne tient pas compte des émissions de HFC dues à des fuites ou lors de la mise en décharge des appareils.

Par ailleurs, faire appliquer la réglementation relative à l’air conditionné et aux fuites de réfrigérateurs n’a jamais été une priorité aux États-Unis : selon un rapport de 2019 publié par l’ONG Environmental Investigation Agency (EIA), la plupart des systèmes de réfrigération des supermarchés perdent jusqu’à 25 % de leur fluide réfrigérant chaque année. Et en l’absence d’une réglementation fédérale imposant une collecte sérieuse des réfrigérateurs et des climatiseurs en fin de vie, le fluide réfrigérant qui circule à l’intérieur ainsi que les bombes de rechange utilisées pour les réparations et les produits chimiques servant de mousses d’isolation “finissent souvent dans ces décharges avant de finalement répandre leurs émanations dans l’atmosphère”, rappelle Kristen Taddonio.

Réduire l’effet des îlots de chaleur

En attendant des décisions gouvernementales sur les HFC, nous pouvons réduire la demande d’air conditionné en concevant des bâtiments et des villes qui restent naturellement frais. De simples mesures comme le fait de planter davantage d’arbres ou de peindre les toits peuvent largement contribuer à réduire l’effet dit des “îlots de chaleur urbains”, un phénomène par lequel l’asphalte des rues et les toits, ainsi que la chaleur dissipée (paradoxalement) par les systèmes d’air conditionné, font augmenter les températures des villes de plusieurs degrés par rapport à celles de la campagne environnante. “Si vous avez un toit frais sur n’importe quel bâtiment dont l’air est conditionné, vous réduisez le gain de chaleur solaire pour ce bâtiment, fait valoir George Ban-Weiss, professeur à l’université de Californie du Sud, qui étudie l’effet des îlots de chaleur urbains. Et vous utilisez donc moins d’air conditionné.”

Mettre aux normes les bâtiments et en concevoir de nouveaux qui restent frais, par exemple en optimisant le placement des fenêtres pour réduire l’entrée de chaleur, peut aussi s’avérer utile. Autre piste, de nouveaux systèmes de refroidissement, comme le “Cold Tube” expérimental que des chercheurs ont récemment testé en extérieur à Singapour, ville chaude et humide : ce système utilise de l’eau fraîche pour absorber le rayonnement thermique des gens qui se trouvent à proximité, les aidant à se rafraîchir [l’énergie est utilisée pour refroidir l’eau dans le mur et non l’air].

Régler le problème du rafraîchissement n’est pas seulement un impératif climatique, c’est aussi une affaire de justice sociale. Pendant la récente vague de chaleur californienne qui a obligé les compagnies d’électricité à imposer des coupures, les appareils de refroidissement ont représenté une demande de près de 20 gigawatts, le double de leur charge normale de 9 gigawatts, selon des chiffres de la Commission californienne de l’énergie, fournis par Kristen Taddonio.

Même si ces appareils étaient présents sur tout le territoire de l’État, ce sont souvent les communautés à faibles revenus ou abritant des minorités de couleur qui ont été le plus pénalisées par ces coupures d’électricité programmées. “Chaque fois qu’il y a une vague de chaleur, la demande augmente, et pour éviter de grandes coupures d’électricité, les compagnies imposent des réductions, et ce sont généralement ces populations défavorisées qui en subissent les plus lourdes conséquences”, assure Roshanak Nateghi, professeure d’ingénierie industrielle à l’université Purdue.

Or, ces mêmes populations sont particulièrement menacées par les vagues de chaleur, car leurs quartiers ont tendance à avoir moins d’arbres, à connaître un effet d’îlot de chaleur plus accentué et à abriter des bâtiments plus vieux, plus énergivores. “Bien souvent, ce sont les quartiers les plus riches qui ont des rues bordées d’arbres et profitent de nombreux espaces verts, note George Ban-Weiss. Et cela se traduit par des disparités de confort.”

Faire en sorte que tous aient accès à un rafraîchissement propre, efficient, devrait largement contribuer à ce que la planète résiste mieux au réchauffement. Par ailleurs, faire baisser la température des rues en créant des espaces verts et en mettant les bâtiments aux normes, cela permettra que, lors de la prochaine vague de chaleur, les populations les plus vulnérables soient mieux équipées pour supporter une brève coupure d’électricité.

“J’ajouterais que les stratégies passives de refroidissement, d’une manière générale, réduisent l’utilisation de l’air conditionné, conclut George Ban-Weiss. Dans les faits, elles pourraient donc prévenir les coupures d’électricité.”

Maddie Stone

Source Grist

SEATTLE http://www.gristmagazine.com

7 octobre 2020

Vu sur internet

jaime78

7 octobre 2020

Grand nettoyage - En Chine, bientôt la fin des “cimetières à vélo”

cimetiere vélos

SOUTH CHINA MORNING POST (HONG KONG)

La Chine va faire disparaître 25 millions d’anciens vélos partagés, raconte le South China Morning Post. 

La Chine s’apprête à faire disparaître quelque 25 millions d’anciens vélos partagés, actuellement entassés dans d’immenses “cimetières”, rapporte le South China Morning Post.

Le quotidien hong-kongais explique :

Trois ans après le déclin de l’économie chinoise du vélo en libre-service, les autorités locales sont sur le point d’envoyer les derniers 25 millions de vélos abandonnés dans des usines de recyclage, ce qui permettra d’éliminer le reste du fléau qui affecte les paysages urbains, laissé par des dizaines d’entreprises qui ont fait faillite.”

Le journal raconte que jusqu’à récemment, presque toutes les grandes villes de Chine avaient un ”cimetière à vélos”, “où des centaines de milliers” de ces bicyclettes colorées hors d’usage “étaient empilées après la faillite de leurs exploitants”. En cause : l’explosion de la bulle des systèmes de vélos en libre-service, passée “de zéro” à “un pic” avant de connaître “une déflation rapide”, “le tout en quatre ans.”

“L’un de ces dépotoirs”, dans la ville de Xiamen, dans la province du Fujian, était “autrefois le plus grand en son genre avec plus de 200 000 véhicules rouillés.”

Mais selon Wu Guoyong, un photographe de Shenzhen qui s’est fait connaître en utilisant des drones aériens pour prendre des photos spectaculaires de ces piles de vélos – si grandes que le South China Morning Post les qualifie de “petites montagnes” –, “la plupart des cimetières à vélos ont déjà disparu”.

Un “nettoyage massif” payé par les contribuables, relève l’article.

Source

South China Morning Post

HONG KONG http://www.scmp.com/

7 octobre 2020

Un million de nouveaux pauvres fin 2020 en raison de la crise due au Covid-19

Par Isabelle Rey-Lefebvre, Philippe Gagnebet, Toulouse, correspondance, Gilles Rof, Marseille, correspondant, Richard Schittly, Lyon, correspondant, Benjamin Keltz, Jordan Pouille - Le Monde

Aide alimentaire, RSA, impayés de loyers… Les recours en forte hausse à certaines aides inquiètent de nombreux acteurs, qui voient arriver de nouveaux publics touchés par la crise économique

Etudiants, intérimaires, chômeurs, mais aussi autoentrepreneurs et artisans. Selon les associations caritatives, la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté un million de Français, qui s’ajoutent ainsi aux 9,3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté monétaire – à 1 063 euros par mois et par unité de consommation, il concernait 14,8 % des ménages en 2018, selon l’Insee.

Dix représentants d’associations (Fondation Abbé Pierre, Médecins du monde, Secours catholique, ATD Quart Monde, Emmaüs…) ont été reçus pour la première fois, vendredi 2 octobre, par Jean Castex, pour demander une hausse des principaux minima sociaux, ainsi que l’ouverture du RSA dès 18 ans. « Nous avons eu une écoute attentive de la part du premier ministre, qui est sensible au sujet de la précarité. Mais nous restons déçus, impatients, faute de réponses immédiates, a résumé Christophe Devys, président du collectif Alerte. Nous avons repris rendez-vous pour le 17 octobre. » Cette date symbolique, celle de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, verra, espère-t-il, l’annonce de nouvelles mesures.

« Ce chiffre d’un million supplémentaire de pauvres est malheureusement une estimation basse, compte tenu des 800 000 pertes d’emploi attendues fin 2020 », redoute Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). La Banque de France confirme en anticipant un taux de chômage au-dessus des 10 % en 2020, puis de 11 % dès le premier semestre 2021. Partout en France, les indicateurs virent au rouge.

Le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire bondit d’environ 30 %

L’un des signes les plus spectaculaires de cette crise est l’explosion de l’aide alimentaire : la Fédération française des banques alimentaires, qui approvisionne 5 400 structures, a augmenté ses distributions de 25 %, « et la demande ne faiblit pas, en août, en septembre, à tel point que nous avons dû piocher dans nos stocks de longue durée », confie Laurence Champier, sa directrice générale. Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, avançait, le 8 septembre, le chiffre de 8 millions de personnes ayant besoin de cette aide, alors qu’elles n’étaient que 5,5 millions en 2019.

A Lyon, sous les capuches dégoulinantes de pluie, ce 1er octobre, les nouveaux visages de la pauvreté s’alignent dans la file d’attente des Restos du cœur du centre Henry-Vallée. Renata, 34 ans, prend des provisions pour la semaine. Œufs, lait, riz, pâtes… « juste ce qu’il me faut, je peux encore acheter le complément », s’excuse l’étudiante en master de droit social, venue en France pour valider son diplôme brésilien et qui travaille, le soir, comme assistante de vie. Mais sans aide sociale ni bourse, une fois le loyer et les charges payés, ses revenus ne suffisent pas pour assurer son alimentation. C’est aussi le cas de Juan, 46 ans, qui vient chaque semaine, depuis six mois, s’approvisionner en légumes et conserves : « J’ai été licencié sans aucun droit, j’attends une décision du tribunal », explique ce père de deux enfants.

Installé dans le 7e arrondissement de Lyon, ce Resto du cœur a, en septembre, aidé 428 familles, contre 330 en mars. Dans le même temps, la fréquentation individuelle est passée de 391 à 1 106 personnes. Les courbes ascendantes sont affichées sur un mur, près de la remise, tel un indicateur de la paupérisation. « Depuis le confinement, nous voyons de plus en plus de jeunes et d’étudiants qui ne faisaient pas partie de nos bénéficiaires auparavant, des apprentis qui n’ont pas trouvé de stage », confirme Josiane Chevauchet, 77 ans, bénévole au centre de distribution des Restos du cœur, à Perrache (2e arrondissement).

De son côté, le Secours populaire a, depuis mars, enregistré une hausse de 45 % des demandes d’aide alimentaire dans le département du Rhône, la même qu’au niveau national. « Nous voyons des publics nouveaux, des autoentrepreneurs, des artisans, observe Sébastien Thollot, responsable départemental. Des événements inattendus, des frais d’obsèques, par exemple, les font basculer dans la précarité. »

La banque alimentaire des Bouches-du-Rhône, qui distribuait 50 tonnes de nourriture chaque semaine avant le confinement, a doublé son flux, soit l’équivalent de 200 000 repas fournis. Dans les quartiers nord de Marseille, le McDonald’s de Sainte-Marthe est devenu une plate-forme de distribution essentielle. « Une machine de guerre qui, par semaine, distribue 700 colis alimentaires et en livre près de 170 chez ceux qui ne peuvent pas se déplacer, explique Kamel Guemari, leader syndical et figure de ce restaurant occupé depuis plusieurs mois par ses employés. Entre nous, on l’appelle le Ubersolidaire », déclare-t-il en souriant, avant de redevenir sérieux : « Dans les files d’attente, je vois des gens que je connais, qui avaient un job, une situation stable et qui, aujourd’hui, sont obligés de venir ici. »

10 % de demandeurs du revenu de solidarité active en plus

Autre signe de paupérisation, les départements voient arriver de nouveaux demandeurs du revenu de solidarité active (RSA), en moyenne + 10 % sur l’ensemble du pays. Tous les types de territoires sont touchés, ruraux ou urbains, des grandes ou des petites villes… D’après l’Assemblée des départements de France (ADF), sur un échantillon de quinze départements, les dépenses consacrées au RSA ont bondi de 9,2 % en août par rapport à la même période en 2019.

En Seine-Saint-Denis, par exemple, le nombre d’allocataires a augmenté de 4,7 % entre juin 2019 et juin 2020, la hausse la plus forte observée depuis 2014. A ce rythme, ils devraient être 90 000 fin 2020, contre 85 000 en mars, et représenter un surcoût qui met les finances du département en tension. Le territoire consacre déjà 532 millions d’euros à cette prestation sociale, dont 207 millions à sa charge car non compensés par l’Etat.

Dans le Loir-et-Cher, la hausse est plus forte encore : + 14 % d’allocataires entre août 2019 et août 2020, soit 7 217 contre 6 318, et une rallonge de 4 millions d’euros à la charge du conseil départemental. Dans le département voisin du Cher, la hausse atteint 7,5 %, et les nouveaux allocataires sont souvent de jeunes couples qui n’ont pas vu leur contrat à durée déterminée ou leur mission d’intérim renouvelés.

Dans les Bouches-du-Rhône, le nombre d’allocataires du RSA a fait un bond de 11 % depuis janvier, à désormais 78 713, pour la plupart marseillais. En Haute-Garonne, l’évolution atteint + 6,7 %. La métropole de Lyon reçoit, chaque mois, 2 500 nouvelles demandes, contre 2 000 par mois courant 2019, entraînant une hausse de leur nombre de 10 % depuis janvier. Elle est plus forte encore dans le Maine-et-Loire, de 11 % depuis le début de la crise sanitaire.

Le département du Val-de-Marne est également durement touché par le chômage, avec, en particulier, l’arrêt des activités de l’aéroport d’Orly, ses commerces, sa sécurité, et le ralentissement du marché de Rungis où les achats par les restaurateurs s’effondrent. « Nous comptons 10 % de chômeurs de plus et une demande grandissante de RSA, avec 5 000 nouveaux dossiers entre février et juin, un flux qui ne se tarit pas en septembre, détaille Christophe Blesbois, directeur de l’action sociale du département. C’est simple, en fin d’année nous aurons dépensé 20 millions d’euros de plus qu’en 2019, alors que les recettes, par exemple les droits de mutation des transactions immobilières, diminuent. Cet effet de ciseau entre recettes et dépenses nous inquiète pour 2021. »

En Ille-et-Vilaine, les services sociaux ont reçu 1 200 demandes de RSA au deuxième trimestre, une hausse « brutale » et « inédite » de la précarité (19 000 bénéficiaires au 1er juillet), selon Jean-Luc Chenut, président (PS) du conseil départemental, et qui coûtera au moins 10 millions d’euros. « Notre seule variable d’ajustement pour assumer cette charge ? L’épargne. Si la situation se poursuit en 2021, nous n’aurons plus de capacité d’investissement », avertit l’élu, qui appelle l’Etat à participer au financement des nouvelles demandes de RSA.

Entre février et septembre, le département du Nord est passé de 100 000 à 107 000 allocataires. Cette forte augmentation est-elle liée à l’arrêt, durant le confinement, des contrôles auprès des bénéficiaires que le département avait intensifiés ces trois dernières années, se félicitant d’ailleurs d’avoir ainsi économisé 12 millions d’euros entre 2017 et 2020 ?

Les associations de lutte contre la pauvreté réclament depuis longtemps la création d’un revenu minimal garanti accordé dès l’âge de 18 ans, contre 25 ans aujourd’hui. La crise sociale et sanitaire donne un écho renforcé à cette revendication. « Autant le gouvernement a, dans la crise, été réactif sur les aides d’urgence, alimentaires et d’hébergement, et attentif aux demandes des associations, autant il semble réfractaire à l’idée même de, par exemple, revaloriser le RSA et l’ouvrir aux jeunes », observe Florent Guéguen.

« Il faut faire confiance aux jeunes, cesser de demander des contreparties à la moindre aide, comme attester d’une recherche active d’emploi, plaide Véronique Fayet, présidente du Secours catholique. C’est une maltraitance institutionnelle qui sanctionne et insécurise en coupant les vivres. »

Les impayés de loyers touchent surtout le secteur HLM

La pandémie et le confinement ont provoqué un pic d’impayés de loyers qui s’est atténué après le 11 mai et a principalement touché le parc social à qui il manque, en septembre, 100 millions d’euros de loyers (sur plus de 20 milliards d’euros). Ainsi, l’office HLM Seine-Saint-Denis Habitat a constaté 18 % d’impayés en avril, mais ils sont redescendus à 11,8 % en septembre – leur niveau habituel – soit 2 500 ménages ayant une dette moyenne de 500 euros. Le département a débloqué une aide exceptionnelle, grâce à son fonds de solidarité logement, qui aura donc, au 31 octobre, bénéficié à quelque 1 000 ménages à hauteur de 480 euros chacun.

Le bailleur social de la capitale, Paris Habitat (125 000 logements), a, lui, enregistré, durant le confinement, un taux d’impayés de 7,6 %, un peu supérieur à l’ordinaire. « Nous avons entre 5 000 et 6 000 locataires primo-débiteurs qui ne connaissent pas tous les mécanismes de prévention et d’étalement des dettes, explique Stéphane Dauphin, son directeur. Les services publics qui pourraient leur venir en aide ne sont accessibles que sur rendez-vous et les dossiers traînent en longueur pour obtenir le RSA, renouveler son titre de séjour, toucher une indemnité ou sa retraite… Ces obstacles fragilisent les ressources de nos locataires. » Ainsi, sur une recette annuelle de loyers de 620 millions d’euros, il manque 47 millions d’euros à Paris Habitat.

Le conseil départemental de Maine-et-Loire a, lui aussi, dû abonder son fonds de solidarité logement de 500 000 euros, en plus des 3 millions d’euros prévus, et relever l’aide maximale accordée à chaque ménage de 988 euros à 1 739 euros.

Le parc locatif privé, lui, est un peu l’angle mort des politiques sociales. « Nous avons beaucoup de mal à communiquer avec les locataires et les bailleurs, qui sont loin des institutions, remarque Christophe Blesbois, du département du Val-de-Marne, mais nous n’en sommes pas moins inquiets puisque nous recevons de plus en plus de demandes d’aide financière de la part des locataires. Leur nombre est passé de 2 000 par mois, en février, à 3 600 en juillet, avant de retomber à 3 300 en septembre. Le risque, c’est que ces locataires nous sollicitent trop tard, juste avant l’expulsion. »

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