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Jours tranquilles à Paris

16 décembre 2019

Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, démissionne

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Mis en cause après la révélation de plusieurs omissions dans sa déclaration d’intérêts, M. Delevoye a décidé de partir « de sa propre initiative », selon l’Elysée.

Par Cédric Pietralunga et Raphaëlle Besse Desmoulières  Publié aujourd’hui à 12h38, mis à jour à 14h50

La situation était devenue intenable. Mis sous pression après la révélation de nouvelles omissions dans sa déclaration d’intérêts, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a finalement décidé de jeter l’éponge. Selon nos informations, l’ancien médiateur de la République a présenté sa démission, lundi 16 décembre, a-t-on appris auprès de différentes sources au sein de l’exécutif.

L’ex-chiraquien était, depuis un peu plus d’une semaine, au cœur d’une controverse qu’il a lui-même provoquée en omettant de mentionner plusieurs mandats dans sa déclaration d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et, surtout, en continuant d’occuper des fonctions rémunérées après son entrée au gouvernement. Un cumul interdit par l’article 23 de la Constitution.

Dans un communiqué, Jean-Paul Delevoye explique les raisons de son départ. Saluant « la richesse du dialogue social noué avec les partenaires sociaux » et la « confiance réciproque » entre les participants au débat sur la « construction du régime universel de retraite », il regrette que cette confiance soit aujourd’hui « fragilisée sous les coups d’attaques violentes et d’amalgames mensongers » :

« En instrumentalisant mon procès, en réalité, on veut porter atteinte au projet. Ce projet est essentiel pour la France. En me maintenant, je le fragilise, poursuit-il. Mon erreur est d’une légèreté coupable. Je la paye. C’est la dure loi de la responsabilité, de l’exemplarité et de la transparence qui doit s’appliquer à tous et à moi en particulier. »

J'ai présenté, ce jour, ma démission au Président de la République et au Premier Ministre. https://t.co/ssIrfWaHAh

« Il ne voulait pas gêner le gouvernement »

Ces derniers jours, l’opposition comme les syndicats s’étaient montrés très critiques vis-à-vis de Jean-Paul Delevoye. Il est « disqualifi[é] totalement », a lancé, dimanche 15 décembre, Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national. « Quand on a autant d’implication dans les assurances (…), quand on touche beaucoup d’argent dans une série d’activités, je pense qu’il n’est plus crédible », avait abondé le même jour Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, sur BFM-TV.

Selon l’Elysée, c’est « de sa propre initiative » que Jean-Paul Delevoye a décidé de partir. « Il a estimé qu’il n’était plus à même de poursuivre sa tâche. Il ne voulait pas gêner le gouvernement au moment où se déploie la réforme pour laquelle il a travaillé avec acharnement depuis deux ans », explique un proche du chef de l’Etat. Emmanuel Macron et Edouard Philippe devaient se réunir, lundi en fin de matinée à l’Elysée, pour prendre acte de cette démission et organiser la suite des événements, notamment les prochaines rencontres avec les syndicats.

Au sommet de l’Etat, on souligne avant tout « la qualité et l’ampleur de la tâche » menée par Jean-Paul Delevoye, qui a préparé la réforme des retraites depuis septembre 2017, avant de rejoindre le gouvernement deux ans plus tard. L’ex-chiraquien avait rallié très tôt Emmanuel Macron lors de la campagne électorale de l’élection présidentielle et était l’un des rares poids lourds d’expérience dans son entourage. « C’est cruel et tragique pour lui de devoir s’effacer au moment où ses efforts arrivent à terme », estime un conseiller.

Le casse-tête de son remplacement

Selon nos informations, M. Delevoye sera remplacé au poste de haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, pour défendre le projet de loi devant le Parlement mais surtout continuer les négociations avec les syndicats. « La semaine est décisive, on ne peut pas attendre », concède une source au sein de l’exécutif. La nomination du nouveau responsable de la réforme doit être avalisée en conseil des ministres et le dernier de l’année se tient dans deux jours, le 18 décembre.

Le remplacement de M. Delevoye – l’un des rares à connaître la réforme dans le détail – n’a, néanmoins, rien d’évident. « Au gouvernement, il n’y en a pas un qui maîtrise le sujet », estime le dirigeant d’une centrale syndicale. Agnès Buzyn, la ministre des solidarités et de la santé, dont dépendait M. Delevoye, pourrait-elle le remplacer au pied levé ? « Elle a déjà beaucoup à faire sur l’hôpital, estime-t-on de source syndicale. Et puis la retraite, c’est pas son truc. »

Avant même cette annonce, Frédéric Sève, le « Monsieur Retraites » de la CFDT, anticipait les difficultés à venir si le départ de M. Delevoye venait à se concrétiser. « Ce que je craindrais s’il partait, c’est la dispersion de son équipe, ce serait une perte énorme », soulignait-il.

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16 décembre 2019

Extrait d'un shooting. Photos : Jacques Snap

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16 décembre 2019

Crazy Horse de Paris

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16 décembre 2019

Doux ou demi-sel, quel beurre êtes-vous ?

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Par Michel Dalloni, Stéphanie Noblet

Pour accompagner les fruits de mer pendant les fêtes, ou tremper sa mouillette, quel beurre choisir ? Nos experts répondent.

Pour accompagner les fruits de mer pendant les fêtes, ou tremper sa mouillette, quel beurre choisir ? Nos experts répondent.

Le doudou

Le beurre doux. Ah, le beurre doux… Rien que le nom, déjà… Une promesse en forme de souvenir. Entre le nounours à la guimauve et le sourire de Barbamama. Comme une invite à la régression dans un monde en marche vers la catastrophe. La possibilité d’un petit déjeuner éternel, d’une vie en pyjama. Le beurre doudou, en quelque sorte.

Faut-il pour autant réduire ce délicieux corps gras à sa dimension psychanalytique ou à sa fonction politique ? Non, évidemment. Ce serait oublier ce qu’il est vraiment : un ingrédient gastronomique de première bourre.

On se souvient avec émotion de la purée de pommes de terre du regretté Joël Robuchon (1 kilo de rattes du Touquet, 250 gr de beurre doux).

Du beurre monté qui accompagnait les courgettes farcies et rôties à la Vençoise de Jacques Maximin. De la crème au beurre pralinée du Paris-Brest classique de Pierre Hermé. Sans oublier, merci mon dieu, l’inventif beurre de petit-lait de Michel Bras. De ce point de vue, le beurre salé est au beurre ce que le rosé pamplemousse est au rosé. Ou au pamplemousse.

Sinon, c’est fait comment ? Et bien, c’est très simple : séparer le lait de la crème par la force centrifuge. Laisser maturer la crème sous l’effet des ferments lactiques. Battre avec amour pendant deux heures dans un tonneau rotatif (la baratte) pour former de petits grains qui finiront par s’agglomérer. Laver à l’eau pure pour enlever toute trace de petit-lait. Existe en version crue ou pasteurisée. Conserver au frais (4 °C tout au plus, soixante jours maximum). S’armer d’un petit couteau galbé à bout rond. Tartiner. Bon appétit, bien sûr !

LE BEURRE DOUX, LUI, NE MENT PAS. IL EXHALE LE TERROIR. MÊME SI, SURPRISE, IL NE SENT RIEN.

Paradoxe, ce produit populaire est un produit d’élite. Par nature. « Un kilo de beurre, c’est deux litres de crème eux-mêmes extraits de trente litres de lait », précise Daniel Arlot, directeur de la laiterie coopérative de Pamplie (Deux-Sèvres).

Pour en garantir l’authenticité, la France a créé trois appellations d’origine protégée (AOP) strictement contrôlées – charentes-poitou, la plus ancienne, créée en 1979, à laquelle Pamplie appartient ; isigny, en Normandie (1986) ; bresse (2014). Aucune en Bretagne. A part ça, la France importe 40 % de son beurre. Le plus souvent, il provient des Pays-Bas, de Pologne ou d’Allemagne. Le sel sert aussi à dissimuler cette cruelle vérité comme il servait aux Egyptiens à sécher leurs macchabées avant momification.

Le beurre doux, lui, ne ment pas. Il exhale le terroir. Même si, surprise, il ne sent rien. Et donc pas plus la plaine camarguaise que le marais guérandais. Sans parler de l’air du large, dont on préfère laisser l’exclusivité aux ressources halieutiques. « En revanche, nous apprend Daniel Arlot, il arrive qu’un fugace parfum de betterave ou de chou couronne la motte. » La résilience a encore frappé. « L’alimentation de la vache fait la différence », confirme notre expert pamplien.

Côté couleur, on passe du jaune paille au jaune mimosa, suivant la qualité de l’herbage. Le jaune canari révèle un ajout du bêtacarotène (E160a), ce qui est autorisé par les textes en vigueur mais proscrit à la fois par les AOP et le bon goût. A ce sujet, on n’échappe pas aux sempiternelles « notes de noisette ». O.K. Mais bâillonnons quelques secondes l’écureuil qui sommeille en nous pour admettre, une fois pour toutes, que le beurre a d’abord et surtout la saveur incomparable de la crème, élégamment acidulée, gentiment florale, suave à souhait. C’est déjà beaucoup. Et ça ne manque pas de sel. Michel Dalloni

Le sel de la vie

Quitter le monde du doux ne condamne pas à rallier le camp du brut. Bien au contraire. En barattant les diktats de la diététique avec autant de mauvaise foi que de bon gras, on peut prétendre, algèbre à l’appui, que - x - = + (moins par moins égale plus).

Traduction gourmande : du beurre, conjugué à du sel, donne un produit hautement recommandable et supérieurement savoureux. Baratin ? Non, adhésion, pour ne pas dire franche addiction, à cette équation qui place le beurre salé (demi-sel, pour être exact, même si le terme désigne souvent les deux) au sommet du bon goût.

La crème de la crème, donc, avec juste ce qu’il faut d’adjonction saline : 0,5 % à 3 % pour le demi-sel, un taux supérieur pour le beurre salé, pouvant atteindre 7 %. « A ce niveau-là, autant aller nager dans l’Atlantique ! », commente François Robin, MOF (Meilleur ouvrier de France) fromager d’origine vendéenne – « là-bas, on considère que le beurre doux, c’est pour les gens malades… », plaisante-t-il à demi (comme le beurre qu’il affectionne).

Si le beurre salé fait figure d’emblématique totem breton, la ligue des bien portants qui s’en font des tartines dépasse largement les frontières armoricaines. Sans jouir ailleurs d’une pareille hégémonie, il est très apprécié dans tout l’ouest de la France, les régions côtières, les Hauts-de-France (autre bastion historique) et l’Ile-de-France. Longtemps considéré avant tout comme un agent de conservation, le sel fut en effet utilisé sans restriction dans les régions (Bretagne, Boulonnais…) exemptées de la gabelle, avant la suppression de cet impôt royal sur l’or blanc. Depuis la généralisation de la réfrigération domestique, la tradition du beurre salé s’est maintenue dans ses fiefs, désormais pour des raisons organoleptiques – un grain de sel, ça donne toujours du relief.

POUR LA DÉGUSTATION, À CRU OU TOUT JUSTE FONDU, L’AFFAIRE EST ENTENDUE : LE DEMI-SEL L’EMPORTE DANS TOUTES LES CATÉGORIES (TARTINES, CRÊPES ET GALETTES, EN FINITION D’UN LÉGUME…).

La Normandie, terre de tradition laitière et d’irrésolution atavique, a le cœur (pas seulement de Neufchâtel) qui balance, fidèle à son doux autochtone mais réceptive aux avances séductrices du demi-sel…

Chez le producteur fermier Arthur Laisné, à Portbail (Manche), les deux types de beurre de crème crue séduisent autant sur les marchés, par leurs arômes frais, leur sapidité exceptionnelle et leur jaune d’or – une couleur plus franche encore pour le demi-sel, que l’on reconnaît aussi à sa surface perlée : ce beurre-là est un grand sensible, qui pleure sans honte (le sel chasse l’eau et concentre les saveurs) et non par crainte d’être dévoré.

Pour la dégustation, à cru ou tout juste fondu, l’affaire est entendue : le demi-sel l’emporte dans toutes les catégories (tartines, crêpes et galettes, en finition d’un légume…). Celui à gros cristaux, apparu dans les années 1990, débarque parfois avec ses gros sabots, pour croustiller sous la dent. Appréciable quand le beurre est de qualité, moins quand la manœuvre vise à anoblir un produit industriel.

« Chaque producteur est libre de choisir son sel, sa granulométrie et son dosage », explique Jean-Yves Bordier, le célèbre maître beurrier breton, dont les beurres de baratte composés (aux algues, au sarrasin…) ont séduit chefs et gastronomes par leur raffinement et leur équilibre parfait. Lui ne jure que par le sel fin. « Il doit rester discret, pas trop ostentatoire, pour apporter un supplément de noblesse tout en laissant le beurre remplir son rôle majeur, celui de buvard de la nature. » Le beurre, comme la poésie, c’est le sel de la vie. Stéphanie Noblet

16 décembre 2019

Entretien - Pierre Richard : « J’étais sans doute anar sans le savoir »

pierre-richard

Par Sandrine Blanchard

Je ne serais pas arrivé là si… « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. Cette semaine, l’acteur et réalisateur explique en quoi ses origines, mi-immigrées mi-aristocratiques, l’ont amené à composer son personnage de poète burlesque.

Avec son personnage lunaire, Pierre Richard a longtemps incarné le cinéma burlesque populaire. Aux côtés de ses amis Jean Carmet ou Gérard Depardieu, cet acteur et réalisateur a attiré des millions de spectateurs dans les salles.

A 85 ans, il n’a quitté ni le grand écran ni le théâtre. Il revient, jusqu’au 8 mars 2020, dans Monsieur X, la nouvelle création de Mathilda May au Théâtre de l’Atelier à Paris. Un spectacle sans paroles mais tout en mouvement, dans lequel Pierre Richard est seul en scène.

Je ne serais pas arrivé là si…

… Si mon grand-père maternel, qui était mon idole, mon dieu, n’avait pas dit à ma mère, juste avant de mourir : « Pierre sera le seul de mes petits-fils qui y arrivera. » J’avais 11 ans, c’était comme une sorte de message. J’ai galéré pendant plusieurs années, mais sans impatience, sans stress, sans angoisse, parce que j’étais porté par cette phrase.

En disant cela, mon grand-père ne pensait pas que je ferais du théâtre ou du cinéma. « Y arriver », c’était au sens large. Mais cette prédiction m’a aidé dans les moments où j’aurais pu désespérer. Elle m’a rendu confiant, patient.

Pourquoi ce grand-père était-il votre « dieu » ?

C’était aussi le dieu de ma mère. J’admirais son parcours d’Italien immigré. Onzième d’une famille issue d’un petit village près d’Ancône, il a, à l’âge de 20 ans, traversé l’Italie à pied, en faisant tous les métiers : bûcheron, tailleur, etc., pour finalement arriver à Valenciennes (Nord) – où je suis né.

Intelligent, il a fini par monter une petite entreprise, puis une moyenne, puis une grosse. Il avait la même prestance, le même physique de colosse, les mêmes colères homériques que Raimu, acteur dont j’étais fou. Il pouvait monter très haut, puis ne plus très bien savoir pourquoi il était en colère, ça en devenait touchant !

Est-ce ce grand-père qui vous a envoyé en pension ?

Non, c’est l’autre. Mais je ne lui en veux pas. Ce n’était tellement pas le même monde, la même philosophie de la vie. Mon grand-père paternel était un polytechnicien, rigide, directeur d’une aciérie du Nord. J’étais, à ses yeux, un petit couillon qui ne foutait pas grand-chose. J’ai vécu une enfance en étant des deux bords : d’un côté, un château avec un aristocrate et, de l’autre, un immigré italien. Cela m’a fait faire des grands écarts constants, m’a donné une grande souplesse avec, parfois, des choses qui me stupéfiaient.

« J’ÉTAIS, À SES YEUX, UN PETIT COUILLON QUI NE FOUTAIT PAS GRAND-CHOSE. »

Mon grand-père paternel était profondément catholique, profondément croyant, mais il pouvait dire à sa femme : « Ce Lumumba [une des figures de l’indépendance du Congo belge], il n’y aurait personne pour l’assassiner ? » Tout ça parce qu’il avait des intérêts industriels au Congo belge ! Ce type pouvait à la fois aller à l’église et balancer des choses pareilles. Cela pose des questions fondamentales sur la complexité humaine.

Votre père, lui, était totalement absent…

Mon père a quitté ma mère avant que je naisse. C’est pour cela que mon grand-père maternel a été si important. C’était ma figure masculine. Il avait une énorme affection pour moi. Mon père a été banni de la famille par mon grand-père paternel. Pendant quinze ans, il n’a jamais voulu le voir. Il a fallu les fausses langueurs de ma grand-mère pour qu’il accepte que mon père revienne dans le giron.

Pourquoi vous ne « foutiez pas grand-chose » ? Vous n’aimiez pas l’école ?

Non seulement je n’aimais pas l’école, mais en plus j’avais une bonne raison : j’étais en pension ! Ça n’aide pas à l’aimer ! Je suis le contraire des 45 millions de Français de l’époque : pendant la guerre, je vivais une vie de petit sauvageon, à la Huckleberry Finn. Une grande liberté. Et quand Paris a été libéré, moi j’ai été enfermé ! Sept années de pension religieuse, de dortoir glacé, de nourriture infecte. Face à cette réalité, je foutais le camp dans ma tête, le rêve éveillé était la seule façon de m’en sortir.

Mais, au fond, cet univers a peut-être contribué, de manière inconsciente, à ce que je devienne acteur. En pension, il n’y avait pas trente-six manières de survivre : c’était soit être très fort physiquement, soit très fort intellectuellement, soit être très drôle. Faire rire ses camarades était très important. Il y en avait toujours qui disaient : « Ne touche pas à Pierre parce qu’il me fait rire ». J’étais le bouffon du roi, le roi étant celui qui était le plus costaud de la classe. Le dimanche, je rentrais chez moi : j’étais le seul qui mangeait de la merde pendant six jours et du caviar le septième ! Mais je m’emmerdais les dimanches dans ce château, sans frère et sœur et sans copain. Je me promenais dans le parc, je lisais Racine, Camus.

Pourquoi vous sentiez-vous « inadapté » à ce milieu familial aristocratique ?

Ah, ça, c’est sûr que je me sentais inadapté ! C’est un sentiment que j’éprouvais mais que je n’analysais pas. J’avais le don de faire exactement le contraire de ce qu’on attendait de moi.

Je me souviens qu’un jour où des invités devaient arriver, j’avais, avec un bâton, écrit « merde » en énorme sur le terre-plein en graviers rouges devant l’entrée du château familial. Je ne vous dis pas le scandale dans la famille ! Pourquoi ai-je fait ça ? J’étais sans doute anar sans le savoir. J’avais d’ailleurs lu beaucoup de choses sur les anarchistes, notamment Marius Jacob [1879-1954]. J’aurais bien aimé faire un film sur lui.

L’année du bac, vous découvrez au cinéma Danny Kaye, dans « Un fou s’en va-t-en guerre ». Et ce film vous bouleverse. Pourquoi ?

Je ne serais pas arrivé là si je n’étais pas allé, un après-midi, au cinéma Novéac, à Valenciennes, au lieu d’aller au lycée. Avant cette séance, je ne savais absolument pas ce que je voulais faire après le bac. Et là, j’ai eu un coup de foudre. J’ai vu un acteur – que je ne connaissais pas car je n’allais pas souvent au cinéma – grand, blond, qui chantait, dansait, qui était drôle et émouvant. J’ai été pris d’une extase, ce fut presque mystique ! J’avais compris : voilà ce que je veux faire ! C’était une révélation. Evidemment, je n’ai rien dit à ma famille car je n’étais pas censé sécher les cours pour aller au cinéma.

« ON NE VOUS DEMANDAIT PAS D’ÊTRE CONNU MAIS D’ÊTRE BON. ET SURTOUT DRÔLE. »

Dès que j’ai eu mon bac, j’ai quitté Valenciennes pour retrouver ma mère à Paris et m’inscrire au cours Charles-Dullin. Elle ne m’a jamais freiné dans mon souhait de devenir comédien. C’est un des rares privilèges d’avoir des parents divorcés. D’un côté, on m’a dit « non », de l’autre, « oui bien sûr », rien que pour emmerder l’autre moitié ! J’ai divisé pour mieux régner. Mais j’ai enlevé mon nom – Defays – et je n’ai gardé que mon prénom – Pierre-Richard – pour ne pas gêner la famille.

Comment s’est fait le passage au music-hall ?

Grâce aux conseils d’un ami, j’ai rencontré Victor Lanoux et on s’est mis à travailler ensemble. Comme tous les jeunes acteurs, on avait besoin de gagner de l’argent. A l’époque, il y avait les cabarets de la rive gauche. On ne vous demandait pas d’être connu mais d’être bon. Et surtout drôle. On s’est produit à L’Ecluse, où Barbara faisait ses débuts, et à la Galerie 55, où démarraient des artistes comme Jean Yanne, Jacques Dufilho, Guy Bedos… Notre duo a eu la chance d’être pris pour les premières parties de Brassens, une des personnes les plus attachantes que j’ai connues dans le métier.

Mais si j’en suis là, c’est parce qu’en 1962, j’ai décroché un tout petit rôle dans une pièce de Bertolt Brecht – Dans la jungle des villes – mise en scène par Antoine Bourseiller. Trois ans après, Bourseiller m’appelle : « Je vais te faire passer une audition pour une pièce de Slawomir Mrozek, mais je te préviens, ce n’est pas moi qui choisis, ce sera l’acteur principal, quelqu’un de très connu ». Trois jours après l’audition, j’apprends qu’Yves Robert m’a choisi. Encore un « je ne serais pas arrivé là si… » !

Et deux ans plus tard, Yves Robert vous offre un rôle dans « Alexandre le bienheureux ». Pendant le tournage, il vous dit : « Tu n’es pas un acteur, tu es un personnage. Fais ton cinéma ». Vous avez toujours dit que c’est le meilleur conseil qu’on vous ait donné. Pourtant, cela aurait aussi pu vous déstabiliser ?

N’oubliez jamais la phrase de mon grand-père ! En réalité, je n’avais conscience de rien. Mais ce conseil d’Yves Robert n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

« BURLESQUE, POÉTIQUE ET CONTESTATAIRE : TELS ÉTAIENT LES FONDEMENTS DE MON CINÉMA. »

Quand j’ai raconté tout cela à mes copains, André Ruellan m’a dit : « Tu devrais lire Les Caractères de La Bruyère ». Le lendemain j’ai acheté le livre et lu le portrait de Ménalque le distrait. Il avait raison, c’était pour moi. Ruellan et moi, nous nous sommes mis à écrire Le Distrait. Un an plus tard, je suis allé voir Yves Robert : « Tu te souviens de ce que tu m’avais dit ? Eh bien, voilà un film. » Il a lu le scénario et m’a annoncé : « Tu vas le faire toi-même. »

Vous dites souvent que votre cinéma est « burlesque et poétique, dénonciateur et dévastateur »…

Cela a été le cas des trois premiers films que j’ai réalisés : Le Distrait était une satire de la pollution de la publicité. Je n’ai pas réussi mon coup, le problème s’est aggravé ! Les Malheurs d’Alfred dénonçait l’imbécillité des jeux télés. Ça ne s’est pas arrangé non plus. Et Je sais rien, mais je dirai tout – le plus personnel car j’étais le fils d’un gros industriel et me préoccupais de social – était contre la vente d’armes. Là encore, ça ne s’est pas arrangé !

Burlesque, poétique et contestataire : tels étaient les fondements de mon cinéma. Par la suite, je me suis prêté à d’autres metteurs en scène en étant moins attentif à ce triangle. J’ai fait beaucoup de burlesque, quelquefois poétique, mais j’ai oublié la contestation. Je le regrette parfois.

Le public va rapidement apprécier votre personnage inadapté au monde. Comment expliquez-vous cet attachement ?

Quand Le Distrait est sorti, en 1970, je n’étais pas connu. J’ai eu la chance d’avoir Bernard Blier à mes côtés. A sa sortie, le film a bien marché. Yves Robert m’a dit : « Tu as de la chance, le public adore ton personnage parce que la distraction est un défaut poétique. Les gens qui sont comme toi s’identifient et les autres, ça les fait rire. »

Par contre, cela a été plus compliqué avec la critique…

J’étais parfois critiqué assez méchamment. Dans Combat, lors de la sortie du Grand blond avec une chaussure noire (1972), le critique Henry Chapier s’étonnait de mon succès et trouvait cela désolant. Sinon, j’étais toujours considéré avec une certaine condescendance.

« POUR RECEVOIR LE CÉSAR D’HONNEUR, J’AI MIS UN SMOKING MAIS DES BASKETS BLANCHES. C’ÉTAIT UNE MANIÈRE DE DIRE : JE NE SUIS PAS CONTRE VOUS, MAIS JE NE SUIS PAS NON PLUS AVEC VOUS. »

Il a fallu que j’attende quarante années pour que Les Inrocks sortent un long papier. J’étais stupéfait qu’on reconnaisse pour la première fois mon style de cinéma. Quinze jours après, c’était Télérama, puis Les Cahiers du cinéma : je me demandais ce qui se passait ! Et puis, en 2006, j’ai même eu droit aux honneurs de la Cinémathèque française.

D’où, aussi, mon énorme étonnement, ma stupéfaction même, quand j’ai reçu, cette année-là, le César d’honneur. Je ne voulais pas y aller mais, autour de moi, tout le monde m’y a incité. J’ai mis un smoking, parce que c’était obligatoire, mais des baskets blanches. C’était une manière de dire : je ne suis pas contre vous, mais je ne suis pas non plus avec vous.

Pourquoi dites-vous souvent que votre film préféré, c’est « Le Jouet » ?

Pour plusieurs raisons. D’abord – et c’est une chose très étonnante de la part du réalisateur Francis Veber qui est vraiment tout sauf un homme de gauche – ce film dénonce la puissance de l’argent, avec une charge virulente contre Marcel Dassault, et décrit des relations père-fils nulles, comme celles que j’ai eues avec le mien. Ensuite, le talent de Veber a été de parvenir à faire une satire sociale tout en étant drôle. Enfin, il y a une raison plus personnelle : l’admiration et l’affection que j’ai pour Michel Bouquet. L’idée de jouer avec lui me terrorisait, mais on a tout de suite eu des rapports formidables.

Votre père est-il toujours resté un inconnu pour vous ?

Oui. Mon père était une espèce de seigneur des temps modernes, toujours avec de belles voitures et de belles femmes. Un jour où je tournais une séquence au casino de Deauville pour Je suis timide mais je me soigne, j’avais demandé à un salarié du casino si mon père y était déjà venu jouer. Il est allé consulter un gros livre : « Ah oui, il est venu et on lui autorisait des découverts énormes ! » Mon père a passé son temps dans les casinos, aux courses de chevaux et à la chasse. Il a fini fauché car il a tout perdu. Un jour, il m’a attendu à la sortie de la Galerie 55 où je jouais avec Victor Lanoux pour m’inviter à boire un verre. En fait, c’était pour me demander de l’argent, alors qu’à l’époque je gagnais 50 francs par soir ! C’est pour vous dire dans quel état il s’était mis !

A 85 ans, vous remontez seul sur scène dans un spectacle sans paroles. Qu’est-ce qui vous a séduit dans le projet ?

L’idée de Mathilda May m’a séduit. Au fond, je fais dans cette pièce ce que je faisais à une époque au cinéma. Je dis toujours non aux scénarios qui annoncent : « Il est dans une chambre d’hôpital avec un déambulateur. »

« JE N’AI JAMAIS PRIS MON MÉTIER POUR UN TRAVAIL. »

Avec ce spectacle, je retrouve tout ce que j’aime : la musique, le rythme, le muet. Tout passe par le corps, c’est complètement fou. C’est un défi, mais ça m’amuse beaucoup.

Finalement vous êtes heureux de votre parcours ?

Je n’ai jamais pris mon métier pour un travail. J’ai fait 70 films, je me suis amusé 70 fois, à deux ou trois exceptions près. J’ai eu du bol.

Je n’ai pas de mérite à aimer la vie. En revanche, je suis très pessimiste sur le monde. La déforestation massive, la fonte des glaces, la pollution des océans, les animaux qui disparaissent… c’est atterrant. Le communisme a raté son coup et le capitalisme est en train de nous foutre en l’air. Nicolas Hulot a eu raison de dire que capitalisme et écologie sont fondamentalement antinomiques. Tant qu’on voudra gagner un maximum d’argent dans un minimum de temps, on bousillera la planète. Et je ne vois pas le capitalisme disparaître…

« Monsieur X », écrit et mis en scène par Mathilda May, jusqu’au 8 mars 2020 au Théâtre de l’Atelier, à Paris

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16 décembre 2019

Monica Bellucci

monica33

16 décembre 2019

Contestation de novembre en Iran : Amnesty alourdit son bilan à « au moins 304 morts »

Un précédent bilan de l’ONG faisait état d’au moins 208 personnes tuées dans la répression de la contestation ayant touché le pays entre le 15 et le 18 novembre.

iran repression

Manifestation contre l’augmentation du prix de l’essence à Téhéran, le 16 novembre. - / AFP

Le bilan de la répression en Iran revu à la hausse : au moins 304 personnes ont été tuées dans la contestation ayant touché le pays entre le 15 et le 18 novembre, selon un nouveau décompte publié lundi 16 décembre par Amnesty International.

« Les autorités iraniennes poursuivent leur répression féroce après les manifestations à l’échelle nationale survenue le 15 novembre, en arrêtant des milliers de contestataires ainsi que des journalistes, des défenseurs des droits humains et des étudiants pour les empêcher de dire ce qu’ils pensent de cette répression impitoyable », accuse l’ONG de défense des droits humains dans un communiqué.

Amnesty indique avoir alourdi son dernier bilan des troubles publié le 2 décembre (au moins 208 morts) à « au moins 304 personnes (...) tuées » par « le recours à la force meurtrière » dans la répression de la contestation, dont au moins deux adolescents, âgés de 15 et 17 ans.

Seuls cinq décès confirmés par les autorités

L’ONG dit avoir recueilli « les témoignages éprouvants de témoins » laissant penser que « les autorités iraniennes, presque immédiatement après avoir massacré des centaines de personnes (...) ont mis en oeuvre une répression à grande échelle conçue pour inspirer à tous la peur de parler ouvertement de ce qui s’est passé ».

La contestation avait éclaté le 15 novembre dès l’annonce d’une forte hausse du prix de l’essence, en pleine crise économique, et avait touché une centaine de villes. Les autorités ont dit avoir ramené l’ordre en quelques jours. Ceci au prix d’une « horrible tuerie », avait dénoncé Amnesty début décembre.

Jusqu’à présent, les autorités n’ont confirmé que cinq décès : quatre membres des forces de l’ordre tués par des « émeutiers » et un civil. Annoncée début décembre par le gouvernement, la publication d’un bilan officiel sur la base des chiffres de l’institut médico-légal national se fait toujours attendre.

« Disparitions forcées » et « détentions au secret »

Amnesty dit avoir des informations de plusieurs sources indépendantes selon lesquelles, un mois après le déclenchement du mécontentement populaire, « les forces de sécurité continuent de mener des rafles à travers le pays pour arrêter des personnes à leur domicile ou sur leur lieu de travail ».

Son communiqué évoque le sort d’adolescents de 15 ans « détenus avec des adultes » et des centres de détention « gravement surpeuplés », des « disparitions forcées » et des dizaines de « détentions au secret ».

L’ONG appelle Téhéran « à relâcher immédiatement et sans condition tous ceux qui sont détenus arbitrairement » et exhorte la communauté internationale à faire pression « sans tarder » sur l’Iran, faute de quoi « des milliers [de détenus] resteront menacés de torture ou de mauvais traitements ».

16 décembre 2019

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16 décembre 2019

Hommage à Anna Karina - vu sur internet

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16 décembre 2019

La majorité jugée trop lente dans sa lutte contre le plastique

Par Rémi Barroux, Manon Rescan

Les députés de La République en marche ont été contraints de défendre leur choix d’attendre 2040 pour interdire les plastiques à usage unique.

Quand les députés de La République en marche (LRM) ont terminé leur première séance d’examen du projet de loi sur l’économie circulaire lundi 9 décembre, beaucoup étaient convaincus d’avoir fait un grand pas en avant. « L’interdiction des plastiques à usage unique d’ici 2040 vient d’être votée par l’Assemblée nationale : c’est un signal très fort et concret que la France envoie ce soir à ses partenaires européens et au reste du monde », s’est aussitôt félicitée sur Twitter Brune Poirson, secrétaire d’Etat à la transition écologique et solidaire. Les députés LRM en étaient particulièrement fiers : l’initiative leur revenait, avec pour objectif de juguler la pollution endémique de la nature par les déchets plastiques.

Las. Comme bien souvent en matière de protection de l’environnement, la célébration n’a été que de courte durée. « 2040…. Qu’est-ce qui vous échappe dans le terme URGENCE climatique ? Qu’est-ce qui justifie un délai si long ? ! », a répondu le comédien Pierre Niney à Mme Poirson sur Twitter dès mardi matin. « Pif Paf Pouf la pétrochimie sait qu’elle a encore de beaux jours devant elle », ont écrit sur le même réseau social les eurodéputés écologistes français. « Merci Brune Poirson ! Grâce à vous nous avons encore vingt belles années de pollution des mers, des rivières et des océans », a renchéri la députée de La France insoumise (LFI) Mathilde Panot.

« Soit il s’agit d’une opposition systématique quoi que l’on fasse, soit ils ne comprennent rien à l’enjeu », tempête Laurence Maillard-Méhaignerie, responsable du texte pour LRM, qui défend « une révolution ». « Tubes de dentifrice, bidons de lessive, pots de yaourts ou encore bouteilles de shampoing en plastique jetable ne feront par exemple plus partie de notre quotidien », précise-t-on au ministère.

Mais pour transformer le système, les macronistes revendiquent de prendre le temps. La mesure adoptée propose de fixer, tous les cinq ans, par voie réglementaire, des objectifs de réduction, réemploi et recyclage des plastiques à usage unique en vue de leur disparition totale en 2040. « On ne peut pas sortir du plastique jetable du jour au lendemain », a défendu Brune Poirson dans l’Hémicycle.

« On ne sait pas faire aujourd’hui sans plastique jetable »

« Aujourd’hui, interdire par exemple les bidons de lessive jetables revient à distribuer la lessive en vrac, consignée, en verre, solide ou à la faire chez soi. Cela nécessite de changer totalement nos habitudes, les chaînes de production et de distribution », précise la secrétaire d’Etat auprès du Monde. « Dans le secteur de la santé on ne sait pas faire aujourd’hui sans contenant plastique jetable », rappelle encore Mme Maillard-Méhaignerie.

En arrière-plan, la majorité et l’exécutif privilégient de ne pas bouleverser brutalement l’économie du plastique. « On parle de 130 000 à 150 000 emplois concernés », rappelle la députée d’Ille-et-Vilaine. « Sur ces sujets, on a l’impression que ce n’est jamais assez, mais il ne faut jamais oublier l’accompagnement des acteurs, c’est comme pour le glyphosate », soutient Claire Pitollat, élue LRM des Bouches-du-Rhône. En mai 2018, le refus de la majorité d’inscrire dans la loi l’interdiction sous trois ans du glyphosate avait provoqué un tollé similaire.

Les députés avaient préféré laisser la main aux agriculteurs et aux industriels dans la transition plutôt que d’imposer une norme comme un couperet. « On va une fois de plus vers zéro contrainte parce que c’est mauvais pour le business et que notre compétitivité en souffrirait, fustige le député LFI Loïc Prud’homme. Au nom de la liberté de commerce on préfère sacrifier des générations entières. » Mme Pitollat reconnaît d’ailleurs : « On aurait pu être plus ambitieux, en plaçant l’objectif [sur le plastique] à 2030. »

« 2040 n’est pas la ligne de départ, 2040, c’est le point d’arrivée !, rappelle Brune Poirson. De très nombreux produits superflus en plastiques vont être interdits dans les douze prochains mois. » En catastrophe, voyant la polémique monter, les députés LRM ont diffusé sur les réseaux sociaux un visuel pour illustrer leur volontarisme. Gobelets, verres et assiettes jetables en plastique seront interdits dès l’année prochaine ; les pailles, confettis, couvercles en plastique pour les gobelets disparaîtront dès 2021. La majorité met encore en avant deux mesures votées à son initiative concernant la restauration rapide : l’interdiction en 2022 des jouets en plastique pour les menus enfants et celle de fournir des emballages à usage unique pour les repas consommés sur place en 2023.

Mais, là encore, les plus écologistes bondissent. François-Michel Lambert, ex-député LRM passé au groupe Liberté et territoires, fustige le report d’un an de l’interdiction des pailles ou des touillettes en plastique. « On avait voté en 2018 leur interdiction en 2020, on va repousser l’objectif à dix jours de l’échéance ! », s’indigne-t-il. Un exemple selon lui d’une ambition qui ne serait que de « l’affichage » de ses anciens collègues qui « utilisent des slogans très forts mais dès qu’on passe à l’opérationnel, ils reculent ».

2040 c’est beaucoup trop tard

Surtout, pour Delphine Batho, « non seulement 2040 c’est beaucoup trop tard, mais en plus la disposition adoptée n’est pas normative, et juridiquement, c’est plus mou », rappelle la députée, ancienne ministre de l’écologie. Pour l’élue des Deux-Sèvres, « cela traduit une forme de déni ou de relativisation du calendrier de ce que dit la science aujourd’hui sur la destruction du climat et des écosystèmes ». « C’est du registre de l’annonce, très général, on ne connaît pas les mécanismes pour mettre en place cette stratégie », abonde Margarita Verboud, coordinatrice du réseau prévention et gestion des déchets à France nature environnement (FNE).

Le secteur du plastique juge, lui, « irréaliste » l’objectif fixé par la loi. « C’est contraire aux travaux engagés depuis deux ans dans le cadre de la feuille de route économie circulaire avec le gouvernement, explique Emmanuel Guichard, le délégué général d’Elipso, qui représente 90 % des 300 entreprises du secteur de l’emballage plastique. Nous travaillons à l’objectif présenté par Emmanuel Macron, de 100 % de plastique recyclé en 2025. Ce qui signifie de lourds investissements. Pourquoi, si on interdit le plastique à terme ? »

« On est en train de développer une écologie ambitieuse et responsable qui avance », veut croire le député MoDem Jean-Noël Barrot. « On essuie les plâtres, avant il n’y avait ni intention politique ni une opinion publique très portée sur ces sujets, rappelle-t-il. On n’est peut être pas encore totalement arrivé où on veut, mais on est en bonne voie pour le faire. » Delphine Batho est persuadée du contraire : « Que La République en marche n’ait pas anticipé les réactions légitimes que cela provoque montre qu’il y a un décalage. » L’alarme sur l’état de la planète ne sonne pas aussi fort dans la tête des uns ou des autres.

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