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Jours tranquilles à Paris

3 décembre 2019

Alcool : les associations s’emparent du défi du « janvier sec »

Par Pascale Santi

Les associations de promotion de la santé font valoir les bienfaits d’initiatives similaires au Royaume-Uni et en Belgique. L’opération n’a pas obtenu le soutien des pouvoirs publics.

Les associations d’addictologie et de promotion de la santé, dont notamment la Fédération Addiction, Aides, la Ligue contre le cancer… ne baissent pas les bras, loin de là. Elles ont annoncé dans un communiqué commun, mardi 3 décembre, qu’« il y aura bien » une campagne de « Dry January » en France, « malgré les efforts du lobby alcoolier, malgré l’annulation, sous pression de l’Elysée, de l’opération “Mois sans alcool” initialement prévue par Santé publique France ».

France Assos Santé, qui regroupe 85 associations de patients et usagers, veut encore y croire. Dans un communiqué, lundi 2 décembre, intitulé « Monsieur le Président, clarifiez votre position », elle appelle Emmanuel Macron à dissiper cet « affreux malentendu » et demande que « ce soit bien à l’agenda de janvier 2020 ». En attendant, France Assos Santé soutient le Dry January à la française.

A l’instar du concept britannique, lancé en 2013 par l’association Alcohol Change UK, ces associations invitent à relever « le défi de janvier », et à faire une pause d’un mois sans alcool, afin d’en « ressentir les bienfaits » et de se questionner sur sa propre consommation. Une sorte de bonne résolution pour bien démarrer l’année, de détox après la période de fin d’année.

Teint plus frais, meilleur sommeil, économies...

Les associations s’appuient sur des expériences qui fonctionnent depuis plusieurs années dans le monde. Quatre millions de personnes ont relevé le défi du Dry January britannique en 2019, ils n’étaient que 4 000 la première année. En Belgique, en février 2020, ce sera la quatrième édition de la Tournée minérale, qui avait compté plus de 120 000 participants un an auparavant.

Les bénéfices sont nombreux. Ainsi, « neuf participants sur dix ont ressenti au moins un de ces effets après un mois : reprise d’énergie, perte de poids, teint plus frais, meilleur sommeil, économies… », explique Sophie Adam, de la Fondation belge contre le cancer, qui a créé l’opération et en finance la moitié. « Réticents au départ, certains restaurants et même des marques de bière participent à l’opération en proposant plus de boissons sans alcool. »

Même constat des bienfaits au Royaume-Uni : ne pas boire d‘alcool pendant un mois améliore certains paramètres, comme la tension artérielle, la résistance à l’insuline, la glycémie, le cholestérol sanguin, les niveaux de protéines liées au cancer dans le sang, etc., selon une étude menée en 2018 par le Royal Free Hospital, publiée dans le British Medical Journal, qui a porté sur 141 buveurs, de modérés à lourds.

Une autre évaluation montre que les participants n’ayant pas bu d’alcool en janvier remarquent une meilleure concentration, un sommeil de meilleure qualité (pour 71 % d’entre eux), plus d’énergie. Autre effet, 88 % ont économisé de l’argent ; 71 % ont réalisé qu’ils n’ont pas besoin d’un verre pour s’amuser, note Richard de Visser, de l’Ecole de psychologie de l’université du Sussex, qui a conduit ces travaux auprès de 2 821 personnes à partir de sondages en ligne. Autant d’éléments qui incitent selon lui à participer.

A l’instar de la Tournée minérale belge, l’effet le plus important du Dry January britannique est la baisse significative de la consommation, qui se mesure encore six mois après l’événement : un verre de moins par jour et un jour de plus sans consommer par semaine, selon les études, et un meilleur autocontrôle sur le refus de consommer.

« Les lobbys ont eu raison de ce défi »

En France, l’opération lancée par le monde associatif et la société civile « est un challenge motivant, positif, non moralisateur et en aucun cas une injonction médicale », rappelle Mickaël Naassila, président de la Société française d’alcoologie (SFA). « On a du mal à parler d’alcool en France, c’est aussitôt manichéen », regrette-t-il.

« Ce type de campagne ne vise pas les malades alcooliques, mais plutôt des personnes qui peuvent surconsommer de temps à autre, notamment sous la pression sociale », précise l’addictologue Jean-Pierre Couteron. Sont plutôt concernées les personnes qui boivent généralement en dépassant les repères sanitaires – soit maximum 2 verres par jour, pas plus de 10 par semaine, et au moins deux jours dans la semaine sans consommation. Rappelons que 23,6 % des personnes dépassaient ces recommandations en 2017.

Alors pour quelles raisons les pouvoirs publics n’ont-ils pas soutenu cette campagne dont les effets sont prouvés en Belgique et au Royaume-Uni ? Cette opération suscitait depuis plusieurs semaines l’opposition des lobbys de l’alcool. « C’est une réalité, les lobbys ont eu raison de ce défi, puis les arbitrages politiques les ont suivis », dénoncent la plupart des addictologues. Cette opération devait en fait être lancée par Santé publique France (SpF) le 14 novembre, tout était prêt, comme l’indique un document révélé par Europe 1 et que nous avons consulté. Le dossier de presse était en effet bouclé, signé par le ministère de la santé.

Hasard du calendrier ou pas, Emmanuel Macron a déjeuné ce même jour avec les coprésidents du comité Champagne et leur aurait dit, comme l’a rapporté le site spécialisé Vitisphère, « il n’y aura pas de Janvier sec ». Si l’Elysée n’a pas confirmé cette version, l’opération n’a en tout cas pas obtenu le soutien des pouvoirs publics. Guylaine Benech, consultante en santé publique et auteure du livre Les Ados et l’alcool (Presses de l’EHESP, 204 pages, 22 euros), ne mâche pas ses mots : « L’absence de soutien des pouvoirs publics à cette campagne est un scandale de santé publique. C’est aussi un grand révélateur de la puissance des lobbys alcooliers sur le gouvernement. »

« Une société sans plaisir »

Pour toute réponse, Agnès Buzyn avait indiqué sur Franceinfo, le 21 novembre : « Ce format n’est pas aujourd’hui validé par mon ministère. » Pourtant, SpF y travaillait depuis des mois. Revenons en arrière. « J’espère que nous aurons, dès 2020, une première année d’un Dry January à la française », avait déclaré Nicolas Prisse, président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), en juin, lors du congrès de la Fédération Addiction. La ministre de la santé elle-même avait signé le 6 août un arrêté fléchant les montants alloués par le Fonds Addictions – un fonds public qui sert à financer des actions de prévention – dont 8,9 millions d’euros pour la prévention de l’alcool par SpF.

« Courant septembre, les équipes de SpF partent sur l’idée du “Janvier zéro degré”, épaulées par un comité d’appui technique, composé d’une quinzaine d’acteurs du monde associatif et de l’addictologie », nous relate un des participants. Dans un autre document que nous avons pu consulter, SpF anticipe même l’amalgame avec le Mois sans tabac en novembre et les actions des alcooliers pour décrédibiliser l’initiative en accusant les pouvoirs publics d’être « dans une position hygiéniste, une société sans plaisir »…

Surprise, quelques semaines plus tard, l’appellation Mois sans alcool est préférée, au motif qu’un sondage mentionnait que les gens comprenaient mieux ce message. Certains y voient la victoire des partisans d’une ligne sanitaire dure. « Stratégiquement, il aurait été plus avisé de ne pas évoquer le “mois sans” ; les alcooliers s’en sont emparés », déplore un participant.

Pour preuve, les nombreux courriers émanant des industriels du vin adressés à des députés, dès début novembre, demandant au gouvernement de renoncer à l’opération. « Le fait est que l’Etat n’arrive pas à trouver les bonnes réponses à la prévention de l’alcool, à équilibrer les enjeux économiques, de santé et sociaux d’usage d’alcool », insiste Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction. Les promoteurs du Dry January en France se défendent d’être des hygiénistes forcenés : pour eux, l’idée n’est pas et n’a jamais été d’interdire de consommer de l’alcool, mais de responsabiliser les Français.

Une autre opération intitulée « janvier sobre »

Côté belge, pour le directeur de la Fondation contre le cancer, Didier Vander Steichel, « la décision du gouvernement français est surprenante, nous y voyons l’influence plus que probable des lobbys vinicoles et la déplorons. D’autant qu’il ne s’agit pas d’exclure définitivement la consommation d’alcool, mais plutôt d’amener les consommateurs à réfléchir à son impact et à mieux la contrôler. Je suis surpris de voir un chef d’Etat se prononcer contre une initiative de promotion de la santé publique ! ».

L’alcool est un grave problème de santé publique, martèle Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie, qui rappelle les 41 000 décès liés à l’alcool, la banalisation des « bitures express » chez les jeunes. Sans compter le fardeau sanitaire et social associé : accidents, violences, suicides, passages aux urgences. Bien que le volume d’alcool pur diminue depuis les années 1960 (il est de 11,5 litres par habitant en 2018), la France reste parmi les pays les plus consommateurs du monde, au 6e rang des 34 pays de l’OCDE.

Autre opération qui peut semer la confusion, Janvier sobre a été lancée en septembre par Laurence Cottet, patiente experte en addictologie. « L’objectif est de se questionner sur sa consommation, chacun adaptant ce défi à sa manière, en respectant les repères », souligne-t-elle. Quasiment le même argument que le Dry January à la française.

« Ce n’est pas la même chose, explique Michel Reynaud, président du collectif Fonds Actions Addictions, cette opération est dangereuse, car, en incitant à respecter les repères de consommation, cela laisse entendre que c’est la norme. » « Ce sujet est bien trop grave pour qu’il ne soit pas clivant », insiste Laurence Cottet, rappelant qu’elle n’a aucun lien avec l’industrie. Pour Guylaine Benech, « ces deux opérations n’ont rien à voir. Le message de Janvier sobre est grosso modo celui des acteurs de la filière économique, consistant à promouvoir une consommation d’alcool dite “responsable” ». Pourtant, le risque de développer certaines pathologies existe dès le premier verre, souligne l’Organisation mondiale de la santé.

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3 décembre 2019

Aux Invalides, Macron salue le « sacrifice ultime » des soldats français

militaures

Nathalie Guibert

Officiels, militaires et anonymes ont rendu hommage aux treize membres de la mission antidjihadiste « Barkhane » tués au Mali

Les copains de l’école des sous-officiers, les compagnies du régiment, ceux de l’opération « Sentinelle »… Ils arrivent en groupes rapides, on leur avait dit qu’il y aurait 600 places, ils sont venus bien plus nombreux, vous vous doutez bien que les chefs n’ont pu dire non. Des képis de toutes couleurs se serrent sous les arcades autour de la grande cour des Invalides. Ce lundi 2 décembre, assez froid pour vider les visages de leur sang et faire claquer les dents, l’armée de terre fait bloc pour l’hommage national rendu aux treize soldats de la force « Barkhane » morts lors d’un combat au Mali le 25 novembre. « On en connaissait tous un parmi eux. » Pilotes d’hélicoptère ou soldats des troupes de montagne, « c’étaient des premiers de promo ». Ou simplement « des amis ».

La foule des anonymes reste dehors tandis que les premiers officiels gagnent leur place dans l’enceinte, l’ancien premier ministre Alain Juppé, le nouveau commissaire européen Thierry Breton, le député Jean-Luc Mélenchon qui a le premier critiqué l’intervention française au Sahel et se poste au devant, sur la ligne du carré parlementaire. Un des huissiers en cape noire a conduit Rachida Dati sur les pavés. La maire du 7e arrondissement de Paris a serré la main de Marine Le Pen, discrètement positionnée à l’arrière, puis s’est effacée.

Vague de gants blancs

En costume civil, les anciens chefs d’états-majors des armées, Pierre de Villiers, Edouard Guillaud, Jean-Louis Georgelin s’avancent successivement en familiers des lieux. A droite des marches de la cathédrale Saint-Louis des Invalides d’où vont bientôt émerger lentement treize cercueils, la haute silhouette du patron des opérations de l’armée française, Grégoire de Saint-Quentin, domine le groupe des généraux.

C’est le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui a accompagné le président malien, Ibrahim Boubacar Keita, invité pour la cérémonie. Les soldats de son pays tombent aussi (150 au cours des seuls deux derniers mois) sous les coups des groupes armés djihadistes. « Il n’y a aucune raison de mordre la main de ceux qui nous tendent la leur aujourd’hui », a répondu le président Keïta quand il a été critiqué, chez lui, pour ne pas avoir assisté à pareille cérémonie.

Rejoignant ce triste rituel républicain qu’il n’a pas aimé conduire durant les opérations meurtrières d’Afghanistan, le président Nicolas Sarkozy retrouve François Hollande. Puis Emmanuel Macron prend place devant le carré des familles. Tout peut commencer et finir à la fois.

Le tambour roule, les premiers cercueils pénètrent dans la cour, portés par six militaires chacun, tandis qu’une vague de gants blancs se lève sans un bruissement, semblant parcourir les coursives, pour le salut. Ils sont treize, et ce roulement interminable. Le brigadier-chef Romain Salles de Saint-Paul. Les maréchaux des logis Antoine Serre et Valentin Duval. Le sergent-chef Andreï Jouk, légionnaire biélorusse devenu français par le sang versé. Les maréchaux des logis chef Jérémy Leusie et Alexandre Protin. Les lieutenants Pierre Bockel et Alex Morisse. L’adjudant-chef Julien Carette. Les capitaines Nicolas Mégard, Benjamin Gireud, Romain Chomel de Jarnieu, Clément Frisonroche.

« La liberté a souvent, hélas, le goût du sang versé, déclare le chef de l’Etat. Ils sont morts en opération, pour la France, pour la protection des peuples du Sahel, pour la sécurité de leurs compatriotes et pour la liberté du monde, pour nous tous qui sommes là. » Aux premières paroles, un bébé blotti dans une combinaison bleu ciel s’est mis à pleurer parmi les parents des tués. Il passe délicatement de bras en bras tandis que le président rend hommage au sacrifice des pères, des fils, des frères. « Leur engagement profond, modeste et discret n’est rendu public que par le sacrifice ultime, loin du fracas des mots inutiles. » Leurs treize noms seront « dès demain » inscrits au monument des morts pour la France en opérations extérieures, tout juste inauguré pour le 11-Novembre.

Le président n’a pas oublié les élus de la République, sur lesquels il compte fort pour tenir l’unité de la nation dans une période de grandes tensions sociales. Ce sont les maires des communes endeuillées, François Bayrou (Pau), Roger Didier (Gap), Jean-Luc Corbet (Varces) et Henri Bonnefoy (Saint-Christol d’Albion) qui ont accueilli le gouvernement en début de cérémonie. Eux que les ministres Jean-Yves Le Drian et Florence Parly (armées) ont embrassés.

« Pivot ! »,« Portez ! » Puis presque doucement, un : « En avant, marche ! » Les derniers ordres ont retenti, sans hargne. Le président du Mali a salué un à un les cercueils quand ils ont quitté la cour. Dans les coursives, les vivants ont repris leur conversation en se disant heureux de la qualité des honneurs rendus aux disparus.

3 décembre 2019

Modèle : Anna Johansson. Gifs animés : Jacques Snap. Extrait d'un shooting.

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3 décembre 2019

A Paris, la saleté des rues au cœur de la campagne

Par Denis Cosnard

Plus de monde dehors, plus de déchets à ramasser : la capitale est confrontée à un défi que la maire Anne Hidalgo n’a pas su résoudre complètement.

A l’Hôtel de Ville, c’est l’angoisse du moment : comment faire en sorte que Paris reste propre, si la mobilisation contre la réforme des retraites bloque durablement les transports ? Les éboueurs habitent en grande partie en banlieue. S’ils ne peuvent venir nettoyer les rues, la capitale risque de prendre vite des allures de dépotoir. « Nous préparons un plan pour assurer la continuité de ce service public, et des autres, en cas de grève durable », indique-t-on à la Mairie. Objectif : tout faire pour éviter une nouvelle polémique sur la saleté de Paris, à trois mois des élections municipales.

Certains aimeraient parler de culture, d’intelligence artificielle, de la ville de demain, mais à Paris, l’élection du maire en mars 2020 pourrait bien se jouer au ras du bitume, sur la question des poubelles, et de ces rues que la Mairie n’arrive pas à rendre longtemps propres. Un thème ultra-classique à droite. Rachida Dati en a fait le premier sujet de sa campagne pour Les Républicains. « La lutte contre la saleté des rues de Paris représente une urgence absolue », martèle le parti. Le macroniste Benjamin Griveaux ne dit guère autre chose. Serge Federbusch, le candidat soutenu par le Rassemblement national, fustige, lui, « une ville sale où la délinquance explose »..

La gauche aussi a compris qu’elle ne pouvait faire l’impasse sur le sujet. Malgré plusieurs plans d’action consécutifs, « la situation n’est pas encore satisfaisante », a admis Anne Hidalgo dans Le Journal du dimanche en septembre. Et la maire socialiste de reprendre une piste avancée de longue date par l’opposition : « Il faut maintenant décentraliser l’organisation de la propreté de Paris vers les mairies d’arrondissement. »

Même les écologistes se sont emparés du dossier. Eux analysent le problème sous un angle social. « La situation s’est améliorée dans certains quartiers, dégradée dans d’autres, plus populaires, si bien que les inégalités se sont creusées, juge David Belliard, la tête de liste d’Europe Ecologie-Les Verts. Regardez porte de la Chapelle ! » Un quartier, en lisière du périphérique, où se concentrent toutes les difficultés : des camps de migrants qui resurgissent sitôt démantelés, des poubelles éventrées, des rats, sans oublier la « colline du crack » où se retrouvent des drogués…

De plus en plus de monde

Paris, ville sale ? « Oui, Paris est plus sale », tranche Mao Péninou, ancien adjoint à la propreté d’Anne Hidalgo, qui soutient désormais le macroniste dissident Cédric Villani. « La ville est beaucoup plus salie… et de plus en plus nettoyée », nuance son successeur, le socialiste Paul Simondon. La ville qui, au XIXe siècle, a remporté une bataille de l’hygiène en inventant les poubelles, est aujourd’hui confrontée à un nouveau défi, celui d’un espace public hypersollicité. Dans cette petite capitale d’une densité extrême, il y a de plus en plus de monde dehors, et de déchets à ramasser.

La population parisienne, pourtant, n’a pas augmenté. Mais Paris accueille chaque année plus de touristes : pas moins de 24,5 millions d’arrivées ont été enregistrées dans les hôtels à Paris et de la petite couronne en 2018, un record absolu, à l’issue d’une hausse de 11 % en huit ans. Ces dernières années ont aussi été marquées par d’importantes vagues de migrants dans le nord-est de la ville, et par l’accroissement du nombre de sans-abri : 3 600 selon le comptage effectué en février 2019.

Surtout, les comportements changent. Depuis 2008, l’interdiction de fumer dans les lieux collectifs, notamment les bars, a incité jeunes et moins jeunes à se retrouver ailleurs, devant les cafés, dans les squares, au bord du canal de l’Ourcq, etc. Et la Mairie elle-même donne chaque année plus de place aux piétons. Quelque 220 rues ont été piétonnisées. Les trottoirs de 150 autres ont été élargis. Le réaménagement des grandes places fait aussi la part belle aux piétons.

C’est désormais dans ces espaces anciens ou nouveaux qu’on fait la fête, qu’on fume, qu’on pique-nique, qu’on boit… mais aussi qu’on laisse des mégots, des restes de sandwichs, et que les hommes urinent dans le moindre renfoncement. A cela s’ajoutent les milliers de chantiers à travers la ville. Un reflet de la transformation de Paris, et de son embourgeoisement. « A Belleville, ça se boboïse, les gens cassent tout, changent le mobilier, et mettent les gravats dans la rue, constate un éboueur du 11e arrondissement. Ce matin, dans une impasse, on a récupéré 5 mètres cubes. » En quatre ans, les volumes de déchets occasionnels collectés, dont les encombrants, ont bondi de 38 % pour atteindre leur plus haut niveau historique. Une fois sur trois, les vieilles armoires et les pots de peinture en cause sont déposés de façon sauvage.

Autre effet des travaux, les vibrations du sol dérangent les rats et les poussent à sortir de leurs terriers. Si bien qu’on les voit davantage. « L’année 2019 est la première où l’hiver a été tellement chaud qu’il a permis aux colonies de rats d’avoir une portée supplémentaire », soulignent en outre les soutiens d’Anne Hidalgo.

Poubelles anti-rats

Face à cet accroissement de l’espace public à nettoyer et à cet afflux de déchets, la Mairie a-t-elle mis les moyens suffisants ? C’est toute la question. Accusée d’avoir taillé dans ce budget, l’équipe de la maire sortante assure qu’elle l’a au contraire accru, qu’elle a recruté 240 agents supplémentaires et investi dans de nouvelles bennes et autres engins. Un renouvellement effectué non sans heurts. « On a voulu sortir du diesel alors que les fabricants n’étaient pas prêts, reconnaît l’adjoint Paul Simondon. Si bien qu’on a dû pousser les derniers appareils jusqu’au bout, et qu’ils tombaient souvent en panne. C’est derrière nous. »

Depuis qu’en décembre 2017, un rapport des élus de tous bords a montré les faiblesses du dispositif municipal, la Mairie a lancé quelques initiatives supplémentaires. Environ 4 000 poubelles « anti-rats » coffrées de métal ont été installées, ce qui représente 10 % des corbeilles de rues. Des poubelles qui compactent les déchets sont en test. Quelques « uritrottoirs » – des pissotières écolos – ont aussi vu le jour, une expérimentation sans grand succès ni lendemain. A la place, il est prévu d’accrocher des urinoirs extérieurs à une cinquantaine de sanisettes, notamment dans les zones festives. Enfin, la Mairie a créé des équipes « urgence propreté », chargées dans chaque arrondissement de nettoyer les lieux qui posent particulièrement problème.

Des efforts jugés insuffisants par beaucoup. « Le problème clé, c’est le management des services de la propreté, où les syndicats sont puissants et l’absentéisme important, juge un élu de La République en marche. Mais Anne Hidalgo n’a jamais voulu s’attaquer à la CGT. » Une version contestée à la Mairie. « De 13,1 % en 2016, le taux d’absentéisme des éboueurs est retombé à 12,1 %, plaide Paul Simondon. Nous avons inversé la tendance depuis trois ans, grâce à des mesures de management, et à l’achat d’équipements qui rendent le travail moins pénible. »

Pour la suite, l’idée de transférer en partie la gestion de la propreté aux maires d’arrondissement est évoquée à droite comme à gauche. « On pourrait aussi confier la collecte des ordures ménagères au privé ou à la métropole, pour que les équipes de la ville se consacrent au nettoyage des rues », avancent plusieurs élus de centre droit. Autres pistes : l’achat de poubelles high-tech supplémentaires, et l’organisation de campagnes de sensibilisation, afin que les Parisiens arrêtent de salir les rues.

Mais si cela ne suffit pas, Anne Hidalgo est prête à manier le bâton. Uriner dans la rue ou y laisser de vieux meubles est aujourd’hui puni d’amendes de 68 euros. « Un montant sévèrement revu à la hausse les rendrait plus dissuasives », glisse son entourage.

3 décembre 2019

Isabelle Huppert

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3 décembre 2019

Les entreprises de travaux publics hésitent à lever le blocage des dépôts pétroliers

Par Benjamin Keltz, Frédéric Zabalza, La Rochelle, correspondant, Grégoire Allix

A l’issue de cinq heures de réunion à Bercy lundi, le gouvernement a mis sur la table une série de mesures pour répondre à certaines revendications.

Stop ou encore ? Alors qu’une partie de l’ouest de la France est menacée de panne sèche, les représentants d’entreprises de travaux publics devaient se réunir à Paris et au Mans, dans la soirée de lundi 2 décembre, pour décider de poursuivre ou de lever les blocages des dépôts pétroliers menés depuis jeudi 28 novembre. Un mouvement déclenché pour protester contre la suppression progressive de l’avantage fiscal dont bénéficie le secteur sur le gazole non routier (GNR), à partir du 1er juillet 2020.

Lundi, à l’issue de cinq heures de réunion à Bercy, où une dizaine d’entrepreneurs ont été reçus par le ministre des finances Bruno Le Maire, le gouvernement a mis sur la table une série de mesures pour répondre à certaines revendications. Mais sans revenir sur le cœur de la réforme : l’alignement des entreprises de travaux publics sur la fiscalité normale du gazole d’ici au 1er janvier 2022, en trois paliers. La perte d’un avantage qui renchérira les coûts des sociétés de 10 %, estime le secteur, dont les marges oscillent souvent entre 2 % et 4 %.

« Nous avons obtenu des avancées significatives, mais ne sommes pas satisfaits à 100 %. Nous ne levons donc pas le blocage », commentait François Calvez, patron d’une PME de terrassement et représentant finistérien de la Chambre nationale de l’artisanat des travaux publics et des paysagistes (CNATP), à la sortie du rendez-vous ministériel. Devant les dépôts de Brest, Lorient, Vern-sur-Seiche, La Rochelle et Le Mans, le blocage est donc maintenu jusqu’à nouvel ordre.

« Faut-il céder sur ce délai, accepter ces propositions et libérer les dépôts pétroliers, ou maintenir une pression et obtenir un délai de cinq ans exigé par de nombreuses entreprises ? », s’interrogeait la CNATP lundi soir. Le gouvernement a cédé à une revendication symbolique du secteur : celle de conserver un colorant dans le carburant, pour décourager les vols sur les chantiers. Mais les propositions visent surtout à limiter les risques de concurrence déloyale de la part d’entreprises agricoles, qui exécutent fréquemment des travaux publics dans les petites communes.

Ces sociétés continueront à bénéficier d’une fiscalité très avantageuse sur le gazole et pourront répondre aux appels d’offres avec des tarifs plus avantageux, moyennant une discrète entorse à la loi. A Brest, l’un des patrons prévient : « Il faut s’attendre à des règlements de compte à coups de fusil entre professionnels. » L’arsenal suggéré par le gouvernement pour renforcer les contrôles paraît assez difficile à mettre en œuvre aux professionnels.

Situation très tendue

Sans compromis sur la date d’entrée en vigueur de la réforme, la tentation va être forte pour les protestataires de poursuivre le mouvement. Sur le terrain, la situation est déjà très tendue. Dans l’ex-région Poitou-Charentes, les pompes ont été assaillies par les automobilistes tout le week-end ; certaines étaient déjà à sec. Des professionnels venus de toute la Charente-Maritime, mais aussi des départements voisins des Deux-Sèvres et de la Vendée, bloquent les dépôts pétroliers à Laleu-la Pallice, à La Rochelle.

A Brest, selon Jérôme Cussonneau, le directeur du dépôt pétrolier, le blocage du site empêche, chaque jour, quelque 150 camions de sortir pour livrer 4,5 millions de litres d’hydrocarbures dans les stations-service de la région. Devant les grilles, les manifestants savouraient la pagaille : « L’annonce d’un blocage provoque l’hystérie. Les gens se ruent à la pompe. Cette panique sert notre mouvement. Une pénurie fait davantage parler de notre action qu’une opération escargot. »

Spectaculaire, le mouvement n’en est pas moins minoritaire. La Fédération nationale des travaux publics (FNTP), qui représente l’essentiel du secteur, ne s’associe pas à ces blocages. Au mois de septembre, la fédération estimait avoir « évité le pire » en obtenant, outre quelques compensations, que la suppression de l’avantage fiscal entre en vigueur de manière échelonnée et puisse être entièrement répercutée sur les donneurs d’ordre, même pour les contrats en cours. Autrement dit, ce sont les collectivités locales qui payeront la facture, estimée par la FNTP à 700 millions d’euros par an pour les travaux publics.

3 décembre 2019

Extrait d'un shooting. Photos : Jacques Snap

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3 décembre 2019

A Londres, l’heure des questions stratégiques pour une OTAN septuagénaire

Par Nathalie Guibert, Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles, bureau européen

Les turbulences internes sont fortes, en raison du désintérêt des Etats-Unis, de l’attitude de la Turquie et des déclarations de Macron sur la « mort cérébrale » de l’Alliance.

Une seule matinée de « réunion » entre les chefs d’Etat et de gouvernement qui auront chacun trois minutes pour exprimer leur position avant d’échanger : à Watford, dans la banlieue de Londres, mercredi 4 décembre, les dirigeants de l’Alliance atlantique ne se réuniront pas en « sommet ». Une manière de limiter le risque de nouvelles tensions et, peut-être, d’une nouvelle saillie agressive de Donald Trump, semblable à celle, mémorable, du sommet de Bruxelles à l’été 2018. On tentera donc de commémorer en vitesse, et dans le calme, les 70 ans de l’alliance « la plus réussie de l’histoire », selon le propos inlassablement répété du secrétaire général, Jens Stoltenberg.

Optimiste et opiniâtre, celui-ci veut saisir l’occasion d’affirmer l’unité retrouvée d’une organisation rudoyée par son principal garant : le président américain a certes cessé de la dire « obsolète », mais il reste convaincu qu’une partie de ses alliés n’en fait pas assez pour le « partage du fardeau » de la sécurité collective. Après le Brexit, 80 % des forces de l’OTAN viendront de pays non-membres de l’Union européenne.

C’est donc bien ce « partage du fardeau » qui promettait d’être, une nouvelle fois, le sujet dominant des discussions de Londres, jusqu’à ce que, le 7 novembre, un autre président, Emmanuel Macron, inflige un électrochoc à l’OTAN : sa description, dans l’hebdomadaire britannique The Economist, d’une Europe « au bord du précipice », et « junior partner des Américains », alors même que ceux-ci ont « pour la première fois un président qui ne partage pas l’idée du projet européen », ne pouvait évidemment que secouer. Moins, toutefois, que l’avis de « mort cérébrale » d’une OTAN incapable de se coordonner sur les décisions stratégiques prises par les Etats-Unis et la Turquie en Syrie.

Minimiser la crise interne

« La Turquie doit fournir la clarification sur le fond que tous les alliés attendent », souligne la présidence française, qui a convoqué l’ambassadeur turc après des déclarations, jugées insultantes, du président Recep Tayyip Erdogan, sur l’ « état de mort cérébrale » de M. Macron. « Elle ne peut, par exemple, pas prendre en otage les plans de défense de la Pologne et des pays baltes, parce que les alliés ne déclarent pas le YPG [Unités de protection du peuple, miliciens kurdes] comme groupe terroriste, ou refuser que l’OTAN intervienne en mer Noire. » Une réunion à quatre, Allemagne, France, Royaume-Uni, Turquie, est prévue mardi 3 décembre.

M. Stoltenberg aura tout fait pour minimiser la crise interne, au cours de rencontres bilatérales à Washington, Berlin et Paris. L’Alliance serait renforcée, selon des chiffres tombés opportunément : après avoir baissé jusqu’en 2014, les dépenses militaires des Européens et des Canadiens, 987 milliards de dollars (892 milliards d’euros) au total, augmenteront de 130 milliards de dollars en 2020 et, si le rythme reste constant, de 400 milliards de plus en 2024. Neuf pays sur vingt-neuf atteignent l’effort fixé de 2 % de leur PIB pour leur défense. La France s’en approche (1,84 %), l’Allemagne n’en est qu’à 1,38 %.

Une autre décision, à faible impact financier mais forte charge symbolique, a été confirmée fin novembre : la part des Etats-Unis dans le budget de fonctionnement commun de la structure OTAN (quelque 100 millions d’euros) devrait être ramenée de 22 % à 16 %. La France, qui fut surprise et agacée de cette initiative venue de l’Allemagne, a obtenu un plafonnement de sa contribution.

Le « défi stratégique » posé par la Russie

M. Stoltenberg veut aussi orienter l’attention vers d’autres questions plus fédératrices : il insiste sur l’effort accompli en matière de déploiement des forces otaniennes sur le flanc Est, la lutte contre le terrorisme que les alliés vont renforcer, les décisions pour sécuriser la 5G, les menaces à affronter dans le domaine cyber et l’espace – devenu le cinquième domaine opérationnel – ou encore les relations à réévaluer avec la Chine et la Russie.

L’évocation par M. Macron d’un nouveau dialogue avec Moscou suscite des inquiétudes. M. Stoltenberg indique, lui, que cette relation doit être conforme à la ligne fixée (« fermeté et dialogue ») pour répondre au « défi stratégique » que pose le président russe Vladimir Poutine à l’Alliance, et que celle-ci doit parler « d’une seule voix ». Après la mort, cet été, du traité russo-américain sur les armes nucléaires intermédiaires en Europe (FNI), le contrôle des armements mobilise les experts de l’organisation depuis des mois. La Russie a proposé un moratoire sur les missiles intermédiaires, que rejette l’OTAN. Le Conseil de l’Atlantique Nord doit fixer une feuille de route en la matière, même si, a indiqué M. Stoltenberg au Monde, « il est trop tôt pour décider d’une négociation avec la Russie ».

« Sortir de cette situation de gel »

Mais Paris juge l’instrument collectif du dialogue, le conseil OTAN-Russie, « anesthésié ». « Il faut sortir de cette situation de gel. La fin du FNI crée un vide qui doit être comblé. Il ne s’agit pas de faire un pari sur la Russie, mais il faut que nous soyons capables de produire ensemble un effort stratégique. Il faut bien démarrer quelque part », explique l’entourage du président français, qui évoque l’urgence de « paramétrer » ce débat.

« Une conversation stratégique s’ouvre à Londres », admet le secrétariat général. Même critiquée ou niée par certains membres, la charge d’Emmanuel Macron a, de fait, relancé une question cruciale : les Européens pourront-ils faire de l’Union un véritable acteur stratégique, capable d’éviter des divergences croissantes avec Washington ? « Cette consolidation est un prérequis pour une véritable architecture transatlantique de sécurité, relève Sven Biscop, directeur à l’Institut Egmont de Bruxelles. Il n’y a, hélas, aucune garantie que l’Europe réussira à créer une politique étrangère plus souple. » D’où la question de cet expert : « L’OTAN, qui devrait encore durer quelques décennies, survivra-t-elle par conviction ou par inertie ? » Pour l’Europe, le choix est clair, souligne-t-il. Ou bien « elle acquiert effectivement le rang d’acteur stratégique et d’allié efficace des Américains, ou bien elle finira par être un simple supplétif de ceux-ci ».

« Risque de rupture »

Ce qu’a traduit, le 9 novembre, sur Twitter l’ambassadrice française à l’OTAN, Muriel Domenach : « Il n’y a pas d’alternative à un effort accru des Européens pour leur sécurité. Pas dans le but de remplacer l’OTAN, simplement parce que cela est obligatoire. Sauf si nous nous préparons à être l’enjeu d’autres rivalités stratégiques ».

Chercheur principal au centre d’études Carnegie Europe, Tomas Valasek évoque, dans un récent document, le « risque de rupture » de la relation Europe-Etats-Unis, comme la principale menace pesant sur l’organisation transatlantique, née, rappelle-t-il, d’un choix très réaliste des Etats-Unis : soutenir les Européens et assurer leur sécurité relevait aussi de leur propre intérêt.

Depuis, les sujets sécuritaires se sont multipliés pour une organisation qui, pendant quatre décennies, s’était concentrée uniquement sur la menace de l’Est. Le troisième défi, relève M. Valasek, est bien politique : tous les pays membres auront-ils la volonté de s’adapter collectivement au « monde instable » décrit par M. Stoltenberg ?

3 décembre 2019

Fanny Müller

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