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Jours tranquilles à Paris

20 novembre 2019

Les seniors, un eldorado économique à conquérir

Par Juliette Garnier, avec le service économie

Planète grise 2/6. Le vieillissement de la population contraint tous les secteurs à revoir leur copie pour s’adresser à cette cible. Une manne devenue stratégique.

Plus aucun chef d’entreprise ne peut ignorer les mutations démographiques à l’œuvre en France. A l’horizon 2040, le pays comptera 10,6 millions de personnes âgées de plus de 75 ans, contre 6 millions aujourd’hui, d’après les projections établies par l’Insee. Financement des systèmes de retraite et de santé, défi de la grande dépendance…, les craintes sont nombreuses. Mais que peut-on espérer en matière d’emploi ou de produit intérieur brut ?

La « silver économie », c’est-à-dire l’ensemble des marchés, activités de services et ventes de produits liés aux personnes de plus de 60 ans, représente aujourd’hui environ 8 900 milliards de dollars (8 040 milliards d’euros) par an en agrégeant l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie. Ce qui, virtuellement, en fait l’équivalent de la troisième puissance économique de la planète, derrière les Etats-Unis et la Chine, selon Natixis. Ce mastodonte pourrait atteindre 24 500 milliards de dollars d’ici à 2050.

« Tous les secteurs économiques sont concernés par le vieillissement de la population », prévient Sophie Schmitt, consultante chez Seniosphère, un cabinet spécialisé dans le marketing auprès des personnes âgées. En vue de l’adoption d’une loi sur la perte d’autonomie, le gouvernement va organiser en fin d’année une grande conférence sociale autour des métiers du grand âge. Il y a urgence. En effet, la France doit pourvoir 92 300 emplois d’aides auprès des personnes âgées dans les cinq ans. Le secteur privé est aussi mobilisé. Beaucoup d’entreprises travaillent à l’élaboration de produits et de services adaptés aux retraités, jugés actifs jusqu’à l’âge d’environ 75 ans.

Pour nombre de secteurs, cette population constitue d’ores et déjà une manne. Car, en France, ces consommateurs sont plus aisés que d’autres : le niveau de vie médian des personnes de 65 à 74 ans atteint 22 620 euros par an, soit près de 9 % de plus que pour l’ensemble des Français, à en croire les statistiques de l’Insee datées de 2017.

Les seniors font par exemple la fortune de l’industrie de la croisière. En 2018, ils ont représenté « 20 % des 29 millions de croisiéristes dans le monde », signale Erminio Eschena, président pour la France de l’Association internationale des compagnies de croisières. Si leur panier moyen est identique à celui d’autres clients, ils présentent le grand avantage de réserver des voyages plus longs. D’où l’offre du britannique Cruise & Maritime Voyages (CMV), qui propose des tours du monde en cent vingt-trois jours.

Autre chiffre éloquent : en Europe, les plus de 60 ans comptent pour 40 % dans les dépenses de santé. C’est bel et bien « grâce aux papy-boomers », convient Michaël Tonnard, directeur général d’Audika, que les ventes de prothèses auditives progressent « de 5 % à 8 % par an ». L’enseigne aux 600 points de vente dans l’Hexagone a ouvert « en 2019 un magasin par semaine », assure le dirigeant.

Sa stratégie en dit long. Audika évite soigneusement les centres-villes, qui ne sont « pas assez accessibles en voiture », prétend M. Tonnard. Car les seniors sont férus d’automobile. Ce sont eux qui poussent les portes des concessions. De fait, 54 % des voitures neuves sont achetées par des personnes de plus de 55 ans, d’après les données d’AAA Data. Les seniors préfèrent les Renault, Peugeot et Citroën aux Dacia.

L’autonomie, maître mot de la « silver économie »

Cette passion pourrait faire le bonheur des constructeurs de voitures autonomes. Aux Etats-Unis, en septembre, la start-up Voyage a levé 31 millions de dollars auprès de Chevron et Jaguar afin de développer des robots taxis circulant à petite allure dans des résidences pour seniors de Californie et de Floride. Au Japon, où 20 % de la population a plus de 70 ans, la voiture sans chauffeur est perçue comme un moyen de lutter contre la mortalité sur la route (56 % des accidents mortels impliquent des conducteurs de plus de 65 ans).

L’autonomie est le maître mot de plusieurs piliers de la « silver économie ». Beaucoup d’entreprises s’adressent ainsi aux personnes âgées et à leur famille pour maintenir leur présence à domicile le plus longtemps possible et, ce faisant, éviter ou retarder l’entrée en maison de retraite, jugée traumatisante. Encore faut-il équiper les logements de rampes, de sols antidérapants et d’autres dispositifs idoines.

LE POTENTIEL QUE REPRÉSENTE LE MARCHÉ DE LA PERTE D’AUTONOMIE N’A PAS ÉCHAPPÉ AUX COMPAGNIES D’ASSURANCES, QUI VENDENT AUX PERSONNES ÂGÉES DES PRODUITS SPÉCIFIQUES LIÉS À LA DÉPENDANCE

L’aménagement de 2 millions à 2,5 millions de logements français est en jeu. Pour accélérer un tel chantier, le Conseil national de la « silver économie » a présenté seize propositions, le 19 septembre. Les auteurs préconisent notamment la création d’un label permettant d’identifier les artisans spécialisés et de créer une commission annuelle au sein des bailleurs sociaux.

Le potentiel que représente le marché de la perte d’autonomie n’a pas non plus échappé aux compagnies d’assurances, qui vendent aux personnes âgées des produits spécifiques liés à la dépendance. Ces contrats sont censés couvrir une partie des frais d’une maison de retraite ou d’une aide à domicile. Toutefois, ce marché reste balbutiant. Seulement 7,1 millions de personnes bénéficiaient d’une « couverture dépendance » en 2017, selon la Fédération française de l’assurance. Il faut dire que ces contrats proposent des garanties très hétérogènes et imposent délais de carence et de franchise.

Les seniors incarnent aussi une cible de choix pour les opérateurs télécoms. Orange choie cette clientèle. Preuve en est, 282 de ses 600 boutiques en France sont déjà labellisées « autonomie ». Des conseillers y ont été formés pour accueillir ceux que la technologie rebute. Le PDG de La Poste, Philippe Wahl, considère cette population comme un relais de croissance, alors que les revenus afférents à l’acheminement du courrier s’écroulent (en 2018, il ne pesait plus que 28 % de son chiffre d’affaires).

Le groupe a notamment lancé l’offre « Veiller sur mes parents ». Moyennant 19,90 euros par mois, le facteur rend régulièrement visite à une personne âgée et en fait le compte rendu à ses proches. Pour le même prix, La Poste propose en outre de la téléassistance. Elle a aussi racheté des sociétés de services, pour des prestations à domicile. Les revenus issus de ce nouveau métier restent encore très modestes, mais « les besoins sont là, portés par le vieillissement de la population », insiste M. Wahl.

Ce constat est partagé par les investisseurs. Pierre Kosciusko-Morizet et Pierre Krings, qui ont fait fortune avec PriceMinister – revendu au japonais Rakuten en 2011 pour 200 millions d’euros –, ont investi dans Ouihelp. Ce réseau d’agences d’auxiliaires de vie a levé 3 millions en 2018. La même année, son concurrent, Petits-fils, réseau au service des grands-parents fondé par deux jeunes entrepreneurs Pierre Gauthey et Damien Tixier, a, lui, été repris par Korian, gérant de maisons de retraite né de la fusion de trois opérateurs en 2014.

Conversion à Internet

De fait, les opérations de fusion-acquisition se multiplient. En 2015, le danois Demant, numéro un mondial de la prothèse auditive, a repris le français Audika, à la barbe de l’italien Amplifon. Les fonds d’investissement sont aussi sur les rangs pour mettre la main sur les Damart, Daxon et autres marques pour seniors.

En juin 2019, Activa Capital a ainsi cédé le site d’e-commerce Atlas for Men à un autre fonds, Latour Capital, lors d’un LBO (opération de rachat par effet de levier). Car, avec ses vêtements « taillés pour l’aventure », Atlas for Men, ancienne filiale des Editions Atlas, fait un tabac auprès des plus de 60 ans. Au grand dam de Decathlon, il est le deuxième vendeur de polaires, péché mignon des retraités aux cheveux blancs. Marc Delamarre, son PDG, vise « 250 millions d’euros de ventes en 2020 ».

Atlas for Men n’est pas le seul à bénéficier de la conversion des personnes âgées à Internet. Damart en tire 20 % de son activité. Désormais, 60 % des plus de 60 ans se rendent sur les sites marchands, selon Médiamétrie. « C’est quatre fois plus qu’il y a dix ans », rappelle Bertrand Krug, directeur du département Internet chez Médiamétrie. En 2019, 58 % des plus de 65 ans ont acheté en ligne du bricolage chez ManoMano ou des robes chez Un Jour Ailleurs ou autres Newchic. Ils n’étaient que 40 % il y a cinq ans.

Faut-il y voir une menace pour le commerce physique ? Les seniors sont encore de grands clients des agences de voyage, contrairement aux jeunes, qui ne jurent que par le Web, et continuent d’arpenter les rayons des hypermarchés. Car les grandes surfaces se sont adaptées. « Regardez comme les boîtes de conserve sont toujours à hauteur des yeux », fait observer Emily Mayer, directrice d’études dans la grande distribution chez Iri, en évoquant la persistance de ce mode de consommation chez les seniors.

A Flers, dans l’Orne, Intermarché a installé des bancs pour qu’ils soufflent un peu entre deux rayons… mais a renoncé à développer Bien Chez Moi, une enseigne lancée fin 2018, qui vendait des produits pour le maintien à domicile et le confort des personnes âgées. « C’était probablement trop tôt », juge Clotilde His, chargée des innovations au sein du groupement des Mousquetaires.

Ce n’est pas la seule entreprise à avoir eu une « fausse bonne idée » en tentant de s’adresser aux plus dépendants des seniors. En 2015, à La Rochelle, Transdev s’est associé à la start-up Automobilité pour mettre à la disposition de deux établissements pour seniors des véhicules électriques en libre accès et en autopartage. Avant d’y renoncer. Le fabricant de moquette Tarkett a abandonné FloorInMotion, un sol équipé de capteurs censés détecter les chutes, lancé en grande pompe en 2016 pour équiper les résidences pour seniors. Et, contrairement aux projections initiales, Nao, le robot humanoïde de SoftBank Robotics, ne s’est pas imposé chez les personnes âgées. Trop compliqué ? « Trop cher. Et les seniors refusent les technologies qui pourraient exonérer leurs enfants de venir les voir », souligne le consultant Hervé Sauzay.

A l’en croire, le succès reviendra aux « entrepreneurs qui aiment les personnes âgées ». A l’instar de Famileo ou de Tribu ? Ces start-up transforment en journal les photos échangées sur un groupe familial WhatsApp. Une version PDF est envoyée aux membres du groupe ; une autre est imprimée et envoyée par voie postale à leur aïeul. Cela fonctionne. « Ce n’est que le début. Au total, 1 100 personnes sont abonnées à Tribu », note Arnaud de Cartier, son cofondateur, rappelant « l’isolement des personnes âgées ». En France, selon l’institut CSA, 27 % des plus de 60 ans disent souffrir de la solitude.

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19 novembre 2019

Place Vendôme

vendome noel

19 novembre 2019

Hongkong : l’exécutif appelle les manifestants encore dans l’université à se rendre

Des protestataires ont réussi à s’enfuir du campus assiégé, lundi soir, en descendant en rappel d’une passerelle. La police menace d’utiliser des « balles réelles » contre les manifestants prodémocratie.

Quelques dizaines de manifestants hongkongais, retranchés dans l’Université polytechnique (PolyU) assiégée par la police, ont réussi à s’enfuir, lundi 18 novembre au soir, avant que les forces de l’ordre s’en aperçoivent et barrent la route aux suivants, ont rapporté plusieurs journalistes présents sur place.

Les protestataires sont descendus en rappel d’une passerelle, puis ont été récupérés sur une route en contrebas par des personnes à moto. Cette fuite spectaculaire intervient alors que la police menace désormais d’utiliser des « balles réelles » face aux cocktails Molotov des manifestants prodémocratie. « Il s’agit probablement de la chose la plus surréaliste à laquelle j’ai assisté depuis le début des manifestations à Hongkong », a tweeté un journaliste indépendant sur place :

La cheffe de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam, a estimé mardi matin que les manifestants encore retranchés dans le campus n’avaient d’autre option que de se rendre, s’ils souhaitaient une solution pacifique à ce face-à-face tendu avec les policiers. « Ce but ne peut être atteint qu’avec la pleine coopération des manifestants, et notamment bien sûr des émeutiers qui doivent cesser les violences, rendre les armes et sortir pacifiquement en écoutant les instructions de la police », a déclaré Mme Lam lors d’une conférence de presse, sa première depuis le début du siège de la PolyU dimanche.

Siège total

L’occupation avait commencé dans les meilleures dispositions : excellente organisation, nourriture et eau en abondance, tapis de yoga pour dormir, personnel médical bénévole, et motivation au zénith. Mais la confiance est en chute libre à cause du siège désormais total, qui empêche tout ravitaillement, la peur d’être arrêté et les menaces d’assaut croissantes de la police antiémeute.

A l’intérieur de l’université, des dizaines de protestataires étaient affalés sur des chaises, épuisés par deux jours de bataille. Certains pleuraient, consolés par des amis. D’autres manifestants passaient des coups de téléphone à leur famille, à des amis ou à des avocats grâce au peu de batterie qu’il leur restait. Un jeune homme assis seul dans une cantine de l’établissement éclatait en sanglots devant son repas, selon le récit d’un journaliste de l’Agence France-presse.

Inquiètes face à cette situation de tension extrême, des familles d’étudiants assiégés se sont réunies lundi soir sur une passerelle piétonne proche de la PolyU, pour une veillée. Certaines personnes tenaient des affiches avec le message « Sauvez les enfants », à distance d’un cordon serré de policiers antiémeutes.

Dans la soirée, des manifestants mineurs ont d’ailleurs été autorisés à partir sous encadrement policier, selon un journaliste de l’agence Reuters qui précise qu’ils pourraient tout de même être poursuivis plus tard.

Cinq mois de mobilisation

La mobilisation en cours dans l’ex-colonie britannique depuis plus de cinq mois a basculé la semaine dernière dans une phase beaucoup plus radicale et violente, qui a entraîné notamment la fermeture des écoles. L’exécutif hongkongais, qui est aligné sur Pékin, s’est refusé à accéder aux revendications des manifestants. Ceux-ci demandent notamment l’avènement du suffrage universel dans la mégapole de 7,5 millions d’habitants, et une enquête sur les violences policières.

La Chine a maintes fois averti qu’elle ne tolérerait pas la dissidence, et l’inquiétude monte face à l’éventualité d’une intervention visant à mettre fin à la crise. Des soldats de l’armée chinoise, présents à Hongkong depuis la rétrocession de l’ex-colonie en 1997, sont sortis ce week-end de leur caserne pour déblayer certaines rues de leurs barricades. Une apparition rarissime, qui a encore alimenté l’hypothèse d’une opération militaire.

L’ambassadeur de Chine au Royaume-Uni a donné lundi du crédit supplémentaire à cette option. « Le gouvernement de Hongkong fait tout son possible pour reprendre le contrôle de la situation, a déclaré Liu Xiaoming lors d’une conférence de presse. Mais si elle devenait incontrôlable, le gouvernement central ne restera certainement pas les bras croisés. Nous avons la résolution et le pouvoir suffisants pour mettre fin aux troubles. »

Lundi soir, l’Union européenne (UE) a appelé les forces de l’ordre à une réaction « strictement proportionnée ». « Toute violence est inacceptable. (…) Et les libertés fondamentales, y compris le droit de réunion pacifique des Hongkongais, doivent être respectées », a ajouté la cheffe de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, au nom des 28 Etats membres.

Jugeant la violence « inacceptable d’où qu’elle vienne », le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a estimé lundi qu’il incombait au gouvernement de Hongkong de « rétablir le calme » dans le territoire, en prenant notamment « des mesures claires pour répondre aux demandes de l’opinion ».

Aggravation de la violence

La contestation était montée d’un cran lundi dernier avec une nouvelle stratégie, baptisée « Eclore partout » (« Blossom Everywhere »), qui consiste à multiplier les actions – blocages, affrontements, vandalisme – pour éprouver au maximum les capacités de la police. Conséquence : l’immobilisation quasi générale des transports en commun la semaine dernière pendant cinq jours. Lundi, les écoles n’ont pas rouvert.

Cette stratégie a eu pour effet d’ancrer la contestation dans plusieurs lieux, comme les campus, alors que les manifestants préconisaient au cours des mois précédents d’être insaisissables et fluides « comme l’eau ».

Cette nouvelle phase a été marquée par une aggravation de la violence dans les deux camps, comme l’ont montré les images d’un policier blessé à la jambe dimanche par une flèche tirée par un manifestant près de la PolyU. La police dit avoir tiré lundi trois balles près du campus, en précisant que personne n’avait été blessé. Les forces de l’ordre se sont servies de leur arme de service lors d’incidents isolés, sans faire de mort. Lundi, Wu Qian, un porte-parole du ministre chinois de la défense, a estimé que « mettre fin aux violences et restaurer l’ordre est la tâche la plus urgente à Hongkong ».

19 novembre 2019

Extrait d'un shooting. Photos : Jacques Snap

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19 novembre 2019

Accusé de viol, Roman Polanski visé par de premières sanctions de ses pairs

La Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs a voté lundi « la mise en place de nouvelles procédures de suspension pour tout membre mis en examen par la justice ».

Le cinéma français commence à bouger. Confrontée à la polémique autour de Roman Polanski, une importante organisation de cinéastes a proposé de nouvelles règles pour ses membres condamnés ou poursuivis pour des violences sexuelles, qui conduiront à suspendre le réalisateur.

« Quarante ans se sont passés entre la première affaire qui concerne Roman Polanski et aujourd’hui. Je pense que le monde a beaucoup changé en quarante ans. Les crimes sont les mêmes mais la façon dont ils sont perçus a énormément changé », a déclaré, lundi 18 novembre dans la soirée, le président de la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP), Pierre Jolivet, à l’issue d’une réunion du conseil d’administration de cette association, qui regroupe près de 200 cinéastes. « On peut se mettre la tête dans le trou et se dire le monde n’a pas changé. Il a changé, on le prend en compte et c’est le résultat de cette décision », a-t-il ajouté.

« Cette suspension concernerait Roman Polanski »

Le conseil d’administration de l’ARP a voté lundi soir « la mise en place de nouvelles procédures de suspension pour tout membre mis en examen par la justice, et d’exclusion pour tout membre condamné, notamment pour des infractions de nature sexuelle », a indiqué Pierre Jolivet en lisant une courte déclaration.

« Cette suspension concernerait Roman Polanski, dont l’information judiciaire est toujours ouverte aux Etats-Unis et pour laquelle il a fait l’objet d’une mise en examen », a-t-il poursuivi, alors que le réalisateur, qui a fui les Etats-Unis en 1978, est sous le coup de poursuites dans ce pays pour relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977. Le milieu du cinéma français est régulièrement soupçonné de protéger Roman Polanski, alors qu’aux Etats-Unis, l’Académie des Oscars a décidé de l’exclure.

Ce changement de statut « sera proposé aux membres et définitivement voté lors de la prochaine assemblée générale », a expliqué Pierre Jolivet. L’assemblée générale de l’association « aura lieu au printemps », mais une assemblée extraordinaire devra être « convoquée pour pouvoir changer les statuts », a-t-il ajouté. La date de celle-ci « n’est pas arrêtée » à ce stade, a précisé l’organisation.

Dans un témoignage publié par le quotidien Le Parisien, la photographe Valentine Monnier a accusé Roman Polanski de l’avoir frappée et violée en 1975 en Suisse alors qu’elle avait 18 ans, ravivant la colère des féministes à l’égard du réalisateur.

Cette accusation de viol, que le réalisateur franco-polonais de 86 ans conteste, est intervenue à quelques jours de la sortie mercredi dernier en France du dernier film de Polanski J’accuse sur l’affaire Dreyfus. Elle s’ajoute à celles formulées par d’autres femmes ces dernières années, pour des faits prescrits. Cette décision de l’ARP intervient alors que le 7e Art hexagonal a été également secoué ces dernières semaines par les accusations d’« attouchements » et de « harcèlement sexuel » de l’actrice Adèle Haenel à l’encontre du réalisateur Christophe Ruggia, concernant des faits survenus alors qu’elle avait entre 12 et 15 ans.

Sortie mouvementée de « J’accuse » en France

A la suite de sa prise de parole, la Société des réalisateurs de films (SRF), autre organisation importante de cinéastes, avait annoncé le 4 novembre avoir lancé une « procédure de radiation » à l’encontre de Christophe Ruggia.

Le ministre français de la culture, Franck Riester, a annoncé la semaine dernière des mesures pour lutter contre le harcèlement sexuel dans le cinéma français, pour que les prises de parole « ne soient pas vaines ». Sans jamais nommer Polanski, il a estimé que « le génie [n’est] pas une garantie d’impunité ».

J’accuse a connu une sortie mouvementée en France, avec des séances annulées à Paris et à Rennes suite à des blocages par des féministes. Cela n’a cependant pas empêché le film d’arriver en tête du box-office hexagonal sur cinq jours, à l’issue du week-end. Il a réalisé le septième meilleur démarrage de l’année pour un film français, avec 386 720 entrées dans 545 salles.

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19 novembre 2019

Anna Johansson

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19 novembre 2019

L’Association des maires, tremplin politique pour un François Baroin encore discret sur ses ambitions

Par Julie Carriat, Patrick Roger

Le président de l’AMF ouvre lundi le dernier congrès avant les municipales de 2020. Son mandat lui a permis de se tenir à l’écart des turbulences partisanes des Républicains.

François Baroin tient à le préciser : le congrès qui s’ouvre lundi 18 novembre à Paris ne sera pas son dernier à la tête de l’Association des maires de France (AMF). « Statutairement, le mandat du président sortant se termine à la fin du prochain congrès », qui aura lieu en novembre 2020, après les élections municipales et le renouvellement des équipes locales, rappelle le maire (Les Républicains) de Troyes, lors d’une rencontre avec Le Monde. Aussi ne donnera-t-il aucune indication sur son intention, ou non, de passer la main à la présidence de l’AMF, ne sachant que trop comment cette décision serait immédiatement interprétée. « Une haie après l’autre », lâche-t-il dans un sourire, reprenant la célèbre formule de Guy Drut popularisée par Jacques Chirac.

Car nombreux sont, à droite, ceux qui voient en lui un potentiel « sauveur » de l’opposition de droite lors de l’élection présidentielle de 2022 et rêvent de le voir se lancer dans la course. Un sujet sur lequel il prévient que « personne ne peut parler à [sa] place ». La présentation de l’organigramme du nouveau président de LR, Christian Jacob, le 23 octobre, s’est pourtant transformée en « happening » Baroin, tant son retour dans le parti politique, après deux années de retrait, a suscité de curiosité.

« Christian Jacob ne voulait pas y aller si je n’acceptais pas de jouer un rôle de conseil à ses côtés, relativise l’intéressé. Je lui ai donné mon engagement, pas plus. » Il n’empêche qu’avec Christian Jacob – « quelqu’un qui m’est très proche, c’est vrai » – à la tête du parti et Gérard Larcher à la présidence du Sénat, qui le couve comme la prunelle de ses yeux, il ne manque pas de bonnes fées. Reste à savoir s’il en a vraiment l’envie.

La présidence de l’AMF, à laquelle il a accédé en novembre 2014, lui aura permis d’échapper aux turbulences de la vie politique partisane – même s’il a joué un rôle majeur dans les campagnes présidentielle et législative de 2017 qui ont vu la défaite de son camp –, tout en se forgeant une stature d’opposant au nouveau pouvoir qui a balayé, en 2017, les vieux partis de gouvernement. Il a habilement su jouer de la corde de l’ancrage territorial face à un exécutif rapidement catalogué de « technocratique » et « hors sol ».

« Recoudre le lien entre la République et nos territoires »

En constituant Territoires unis, avec l’Assemblée des départements de France et Régions de France, sous le patronage du président du Sénat, l’AMF s’est ainsi transformée pour M. Baroin en une sorte de tribune permanente face au pouvoir macronien. « Il faut recoudre le lien entre la République et nos territoires », professe le maire de Troyes dans son récent ouvrage, Une histoire sentimentale (Albin Michel, 272 pages, 19,90 euros).

M. Baroin l’assure, il n’entend pas ressasser le passé et revivre, à l’occasion du congrès qui s’ouvre, le climat de confrontation « paroxystique » qui avait prévalu lors du précédent, même s’il se dit « convaincu que la manière dont le pouvoir s’est comporté à l’égard des maires a été une faute ». Il a encore en mémoire la « réunion crépusculaire » que le bureau de l’AMF avait eue, avant le congrès, avec le président de la République et le premier ministre. « Ça s’est vraiment mal passé. Macron n’est pas venu au congrès, Edouard Philippe n’a pas fait un bon discours. Cela a laissé un goût amer pour tout le monde », déplore-t-il.

Depuis, il y a eu la crise des « gilets jaunes » et les maires se sont retrouvés en première ligne. « J’étais très dubitatif sur l’idée du grand débat, je trouvais que c’était un risque élevé, reconnaît-il. Ensuite, on a joué le jeu. Enfin, moi, j’ai joué le jeu », sous-entendant que ce n’était pas la position de départ de l’AMF qui, sous l’impulsion, notamment, d’André Laignel (maire PS d’Issoudun, Indre), son premier vice-président, campait sur une ligne d’opposition frontale au président de la République et préférait le laisser se débrouiller seul.

« Quand on a été en responsabilité au niveau de l’Etat et quand on a traversé des périodes très compliquées, on essaye d’un peu mieux comprendre telle ou telle décision. On a probablement un peu plus de tolérance, admet M. Baroin. Je pense qu’[Emmanuel Macron] a eu réellement très peur. Et il a eu raison d’avoir réellement très peur. Comme toute personne qui retrouve un chemin à la sortie d’un brouillard épais, il s’est dit qu’il allait devoir être plus attentif. On peut dire que c’est le début de l’immobilisme. On peut aussi dire que c’est un peu plus de responsabilité. C’est un équilibre qui n’est pas facile à trouver alors que le pays reste extrêmement abrasif. En fait, les “gilets jaunes” ont fait du bien à Macron. »

Aussi entend-il, tout en maintenant sur le fond ses positions, jouer plutôt, lors de ce congrès, une partition, sinon de réconciliation, mais de responsabilités partagées. « C’est une fierté pour les maires de le recevoir, rappelle-t-il. Les maires, c’est la garde nationale du président de la République, on fait corps avec lui, quel qu’il soit. Nous, on est en fin de mandat. Lui, il poursuit le sien. Donc, d’une certaine manière, c’est la transmission d’un témoin de débat et d’enjeux dont il sera l’exécuteur. Il a aussi le devoir de porter ce que nous portons. On a un destin lié. » Une manière de se mettre à hauteur de son interlocuteur.

19 novembre 2019

Monica Bellucci et Sophie Marceau

marceau bellucci

19 novembre 2019

Comment le vieillissement de la population va bouleverser nos sociétés

Par Marie Charrel

Planète grise 1/6. Si la population mondiale continue de croître, elle vieillit à toute allure, en particulier en Europe et au Japon. Emploi, santé, inégalités… Une mutation sur le point de transformer nos sociétés en profondeur.

Tourniquets, machines multicolores, échelles : de loin, ce parc de Nanchang, à l’est de la Chine, a tout d’une aire de jeux classique, prisée des jeunes parents et enfants en bas âge. En fin d’après-midi, pourtant, nulle trace de poussette ou de bambin. A la place, une joyeuse cohorte de têtes grisonnantes, équipées de baskets et de joggings, s’installent tranquillement sur les appareils permettant de travailler les articulations en douceur. « Cette gymnastique quotidienne est très utile pour vieillir en bonne forme, nous gagnerions à nous en inspirer », s’enthousiasme Jason Maddock, spécialiste de la santé à l’université A & M du Texas, aux Etats-Unis. Depuis qu’il a découvert l’endroit, il y a cinq ans, il ne cesse d’en vanter les vertus.

Des terrains de sport pour seniors à la place des parcs pour enfants ? L’expérience pourrait faire sourire si elle ne présageait pas le futur visage de nos capitales. Car, depuis quelques années, elle fait des émules. Soucieuses de la santé de ses aînés, plusieurs villes d’Espagne, d’Allemagne, du Royaume-Uni ou encore du Canada la testent elles aussi. Et ses promoteurs sont convaincus que d’autres métropoles vont leur emboîter le pas.

Un coup d’œil aux projections démographiques des Nations unies permet de comprendre pourquoi : si, dans l’ensemble, la population mondiale va continuer de croître ces prochaines décennies, elle va également vieillir à toute allure, sous l’effet de l’allongement généralisé de l’espérance de vie et de la baisse de la natalité. D’ici à 2050, la part des plus de 65 ans dans le monde devrait passer de 9,3 % à 15,9 % de la population, selon le scénario central de l’institution. Aucune région n’échappera au phénomène, qui sera particulièrement marqué dans certaines nations d’Asie et dans les pays à hauts revenus, où le poids des plus de 65 ans pourrait grimper de 18,4 % à 26,9 % d’ici trente ans, contre 8,2 % à 16,1 % dans les pays à revenus intermédiaires.

« Suicide démographique »

Et cela va bouleverser l’équilibre des forces économiques entre les continents. La population d’Afrique devrait presque doubler (de 1,3 milliard à 2,5 milliards d’habitants) d’ici à 2050, tandis que celle de l’Inde (de 1,38 milliard à 1,64 milliard) dépassera celle de la Chine (de 1,44 milliard à 1,40 milliard), qui vieillit plus rapidement. Les Etats-Unis croîtront encore (de 331 millions à 379 millions), mais le Japon perdra de 15 à 20 millions d’âmes, comme la Russie.

L’Union européenne, elle, devrait stagner autour de 500 millions d’habitants, mais sa population en âge de travailler – les 15-64 ans sont 223 millions aujourd’hui – fondra de 49 millions d’individus d’ici à 2050, notamment en Allemagne (11 millions), selon la Fondation Robert-Schuman. « Outre les bouleversements liés aux nouvelles technologiques et au changement climatique, nos sociétés seront également transformées par le vieillissement », résume Gregory Thwaites, de l’Ecole d’économie de Londres (LSE). Comment financer la hausse des dépenses liées à l’âge ? Comment préparer l’avenir des plus jeunes lorsque les seniors domineront ? De quelle façon les relations entre les générations se réécriront-elles ? M. Thwaites ajoute : « Beaucoup de gouvernements n’ont pas encore pris la mesure de ce que ces mutations impliquent ».

Il faut dire que, lorsqu’il n’est pas occulté par le culte omniprésent du corps jeune, ou par la quête obsessive de technologies repoussant la mort dans la Silicon Valley, le sujet fait peur. En 2004, déjà, l’hebdomadaire Der Spiegel frappait les esprits outre-Rhin avec sa « une » anxiogène consacrée au « dernier Allemand » : un bébé portant à lui seul une ribambelle de vieillards. Des rapports catastrophistes s’alarment régulièrement du « suicide démographique » de l’Europe et de la bombe à venir pour les finances publiques.

Angoisse et malentendu

Parfois, aussi, le vieillissement est glorifié comme un nouvel eldorado économique, où le pouvoir d’achat des seniors serait le Graal à conquérir. « Nous balançons entre les visions positives ou négatives de l’âge, mais, ces derniers temps, le récit négatif tend à l’emporter, constate Andrew Scott, économiste à la London Business School, coauteur d’un ouvrage sur la longévité (The 100 Years Life, Ed. Bloomsbury, 2017, non traduit). Vivre plus longtemps en bonne santé est pourtant une excellente nouvelle à tout point de vue : pourquoi est-ce si dur de s’en réjouir ? »

Probablement parce que plus d’une angoisse et d’un malentendu entourent le sujet. A commencer par celui-ci : le « vieux » de 2019 n’a pas grand-chose à voir avec celui de l’après-guerre ! A l’époque, l’espérance de vie en France frôlait à peine 60 ans. Elle est aujourd’hui de 79,5 ans pour les hommes (dont 63,4 ans en bonne santé), et de 85,4 ans pour les femmes (64,5 ans). « Chose inenvisageable il y a un demi-siècle, on peut aujourd’hui refaire sa vie de couple ou changer de métier après 50 ans », résume le sociologue Serge Guérin, spécialiste du sujet. Lui parle même d’une nouvelle classe d’âge : celle des « quincados », de 45 à 65 ans, encore en pleine forme, précédant celle des retraités (65-80 ans), puis des aînés, au-delà de 80 ans. De son côté, le professeur de gérontologie japonais Takao Suzuki qualifie de « jeunes-vieux » les 60-75 ans. Dans son pays, beaucoup d’entre eux occupent encore un emploi…

« NOUS N’AURONS PAS LE CHOIX, MAIS CELA PEUT SE FAIRE INTELLIGEMMENT MAIS CELA PEUT SE FAIRE INTELLIGEMMENT » AXEL BÖRSCH-SUPAN, DIRECTEUR DU CENTRE DE MUNICH SUR L’ÉCONOMIE DU VIEILLISSEMENT

« Nous n’aurons pas le choix, mais cela peut se faire intelligemment, en modulant l’âge de départ selon la pénibilité des emplois », souligne Axel Börsch-Supan, directeur du centre de Munich sur l’économie du vieillissement. Un équilibre loin d’être facile à trouver – en témoignent les inquiétudes soulevées par la réforme des retraites en France. D’autant que cela ne fonctionnera que si les entreprises, dans lesquelles les clichés ont la vie dure, cessent de chasser les seniors trop vite et modifient leurs pratiques. Notamment en adaptant postes et temps de travail pour leur permettre de rester plus longtemps.

Les gouvernements et partenaires sociaux, eux, devront muscler la formation tout au long de la vie, afin que les salariés tiennent leurs compétences à jour – sans parler des mesures à mettre en œuvre pour contenir les dépenses de santé. Sous l’effet du vieillissement, celles-ci progresseront plus vite que la croissance ces quinze prochaines années dans les économies industrialisées, prévient l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Si l’on ajoute à cela l’envolée des dépenses de retraite et du financement de la dépendance, la dette publique moyenne y gonflera de 110 à 240 % du PIB d’ici à 2050 si l’on ne fait rien. « Mais on peut limiter ces coûts en repensant nos politiques de santé », assure Martin McKee, professeur de santé publique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine.

Par exemple, en développant la prévention dès le plus jeune âge, pour favoriser le vieillissement en bonne santé. Et en déployant une approche de la médecine gériatrique plus raisonnée, souligne Alain Franco, président de l’Université inter-âges du Dauphiné. « Les très âgés cumulent parfois quatre ou cinq maladies liées à la vieillesse : multiplier les traitements pour chacune d’entre elles est souvent moins efficace que s’attacher à améliorer l’état de santé général », explique-t-il. Un changement de paradigme moins simple qu’il n’y paraît pour la médecine occidentale hyperspécialisée.

Un poids sur la croissance

Financer ces besoins croissants sera d’autant plus délicat que le vieillissement va mécaniquement peser sur la croissance future, du fait de la baisse de la population active. Là encore, les rapports alarmistes ne manquent pas. Citant l’exemple du Japon, dont l’économie est au point mort depuis deux décennies, nombre d’économistes désignent le basculement démographique comme l’un des grands coupables de la « stagnation séculaire » dont souffre l’Europe, ce cocktail de taux bas, croissance molle et gains de productivité anémiques. « Mais cette vision très négative sous-estime le fait que la population est de plus en plus diplômée, et cela peut contribuer à regonfler la productivité », nuance Nicholas Gailey, coauteur d’un rapport sur le sujet pour la Commission européenne.

Ses travaux, comme ceux d’Axel Börsch-Supan, soulignent qu’en augmentant un peu le taux d’emploi des femmes et des seniors, il sera possible de maintenir un niveau de croissance correct. A condition de renforcer dans le même temps la lutte contre les inégalités… Car le vieillissement a aussi pour effet de les accentuer. Au sein des générations, d’abord : un jeune européen diplômé de l’enseignement supérieur vivra en moyenne 7,5 ans de plus qu’un ouvrier du même âge, et leurs écarts de revenus seront exacerbés à la retraite.

« Conflit intergénérationnel »

Les inégalités entre générations ont également tendance à se creuser : dans l’OCDE, les revenus des 60-64 ans ont augmenté de 13 % de plus que ceux des 30-34 ans depuis 1980, tandis que les moins de 30 ans, arrivant aujourd’hui sur un marché du travail plus précaire, toucheront des retraites moindres que celles de leurs aînés.

« En France, le patrimoine est de plus en plus concentré dans les mains des seniors, qui transmettent leur héritage à leurs enfants de plus en plus tard, lorsque ces derniers approchent les 60 ans », ajoute Vincent Touzé, de l’Office français des conjonctures économiques (OFCE).

Ce n’est pas sans conséquences politiques. Plus l’électeur moyen vieillit, plus il privilégie les mesures conservatrices, soulignent plusieurs études. « Cela risque d’alimenter un conflit intergénérationnel sur l’utilisation des ressources publiques, à l’heure où les plus jeunes réclament que celles-ci soient plus largement consacrées à la lutte contre le réchauffement climatique », conclut Hannes Zacher, spécialiste de l’âge à l’université de Leipzig. Avant de souligner que certains responsables politiques sont déjà tentés d’instrumentaliser ce conflit pour des raisons électorales. Ce n’est pas un hasard si les attaques les plus virulentes contre la jeune écologiste suédoise, Greta Thunberg, émanent d’une partie de la vieille garde politique…

19 novembre 2019

Carole Bellaïche : Isabelle Huppert

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Fan d’Isabelle Huppert et des images de Carole Bellaïche ?

Oui : complètement ! C’est pour cela qu’à l’occasion de son exposition à la Galerie XII , nous vous présentons 12 nouvelles photos accompagnées d’extraits du texte par Alain Bergala

par Alain Bergala

La Grande Actrice joue dans un film. Pendant des semaines, elle va être sous le regard de son metteur en scène, mais aussi sous celui du chef-opérateur, qui n’est pas tout à fait un technicien comme les autres. Même s’il travaille à faire l’image que le réalisateur attend de lui, quelque chose se trame souvent entre l’actrice et lui, une connivence très spéciale entre celle qui donne son image et celui qui lui donne forme, lumière et matière. Cette connivence est un peu secrète, presque sans paroles. Le chef-opérateur protège ce qu’il a deviné comme points de fragilité chez elle, réels ou imaginaires, mais dont le cinéaste a parfois besoin pour donner de la force à son film. Le spectateur n’y verra que du feu. Chez la Grande Actrice, les forces et les fragilités ne sont pas contradictoires, elle a besoin des deux pour tenir sa place dans la création du film. Ses rôles se tiennent souvent dans cet écart entre le dur et le fragile.

Quand le tournage s’arrête – et comme disait Bergman « la caméra finit toujours par s’arrêter » – l’intensité de ce qui s’est passé dans ce triangle s’éteint tout à coup. Chacun repart vers un autre film. Pour la Grande Actrice un nouveau film va bientôt commencer, car elle ne s’arrête pratiquement jamais de tourner. Le triangle va se reconstituer ailleurs, avec d’autres partenaires d’image. À chaque film, l’intensité de ce qui se joue dans ce triangle est à recommencer.

Dans les interstices de sa vie de tournages, la grande Actrice se retrouve souvent devant un autre objectif, celui des photographes qui obtiennent d’elle des séances de pose.

Ils ont toujours été très nombreux. Ce n’est pas à son corps défendant car c’est une collectionneuse, voire une croqueuse de regards. Une exposition et un livre – La femme aux portraits – ont rassemblé en 2005 une centaine de photos, parmi les dizaines de milliers où elle a posé pour les meilleurs photographes du monde[1]. Tout ce qui compte comme auteurs dans la photographie, depuis les années 70, a voulu attraper d’elle une image où il l’apprivoiserait à son propre style. Un auteur, en photographie comme en cinéma, est quelqu’un qui intègre son modèle dans des images qui portent le sceau de son style, de son imaginaire esthétique, celui d’une vision qui n’appartient qu’à lui. L’opération n’est pas si facile avec elle. Elle a une capacité de résistance photographique à toute « épreuve ».

Avec l’Amie Photographe, le temps de l’échange n’est plus délimité en tranches étanches, en séquences figées, closes sur elles-mêmes. Ce que la Grande Actrice aime dans cette relation c’est que même après de longs moments de pause, parfois des mois, elle sait qu’elles vont se retrouver un jour ou l’autre, ici ou ailleurs, que la séance va reprendre, que rien ne s’arrête ni ne se fige jamais entre elles. Leurs retrouvailles photographiques sont des moments parmi d’autres, dans leurs propres vies, où l’alibi événementiel (un festival, une séance d’essayage de costumes, un voyage, etc.) compte finalement moins que cette continuité de leurs échanges. Cette longue séance n’est jamais interrompue, seulement suspendue de temps en temps.

Dans cette permanence en pointillés de leur relation photographique, chacune est devenue libre de son rôle. Aucun surmoi ne régit le jeu qu’elle vont improviser ensemble à chaque nouvelle retrouvaille, avec la légèreté de ces moments où personne n’a plus peur de l’autre, où personne ne sent plus le besoin de prouver quoi que ce soit à l’autre, où les deux sont justes visiblement heureuse de retrouver et de conforter un lien d’amitié photographique. Entre elles, les problèmes de style ou de pouvoir ne se posent plus depuis longtemps. L’Amie Photographe n’a plus besoin de marquer de son autorité ces images qui sont réellement partagées, où la frontière entre la pose et l’improvisation est souvent indécelable. La connivence, qui est un mot usé, reprend ici son sens original de « laisser faire » : laisser entre elles les image se faire, sans forçage d’aucune sorte.

Dans la vraie vie, elles n’ont pas pu être amies d’enfance, mais quand elles se retrouvent, elles se rejoignent pourtant dans cette nostalgie que deux femmes peuvent avoir d’une enfance parallèle, sinon commune. La Grande Actrice, un jour, emmène l’Amie Photographe dans la maison qui a été celle de son enfance. C’est une exception, car elle veille soigneusement à séparer de façon étanche la femme privée et la femme publique. Sait-elle à ce moment-là que Carole C. a été une photographe de 14 ans ? Pas une adolescente qui fait des photos mais une vraie photographe, avec un projet précis, rigoureux, où est déjà constitué son rapport photographique aux autres et au monde. Elle a commencé en Seconde à photographier ses amies de lycée – les plus belles précise-t-elle-, dans des coins de la grande maison familiale. Pas dans l’espace commun de la famille mais dans des cachettes à elles, des cabanes imaginaires, des espaces dérobés au collectif de la vie familiale.

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Il reste quelque chose de ce jeu d’adolescentes dans leur plaisir à trouver, où qu’elles soient, des petits espaces dérobés dans les grands espaces collectifs des lieux de travail : les loges, les chambres d’hôtel, les couloirs. Elles partagent aussi la nostalgie des maisons perdues  de l’enfance, dont la photographe a fait un de ses sujets obsédants.

L’Amie Photographe accompagne parfois la Grande actrice en voyage. Photographier quelqu’un en voyage, c’est souvent en saisir une image exotique, comme si quelque chose de l’identité de la personne avait forcément changé dans cet autre pays, dans ce nouveau décor. L’Amie Photographe continue à la regarder comme elle l’a toujours fait, comme si rien de leur relation n’était différent dans ce nouveau contexte. Au contraire, tout se passe comme si le fait d’être hors de leurs territoires habituels les rendait plus proches. Dans ces photos d’ailleurs, rien de pittoresque : des sites ordinaires où l’atmosphère d’un pays est plus palpable que dans les points touristiques ou symboliques. Elles préfèrent les lieux aux noms communs : la rizière, la rue, etc.

En Chine, au Brésil, le dépaysement affecte peu l’image de la Grande Actrice. Elle habite les rues de la Chine comme elle habite Paris. C’est aussi que la relation entre elle et sa photographe est solidement tissée, et sa continuité plus forte que la rupture que pourrait constituer un déplacement de quelques milliers de kilomètres. Il doit y avoir quelque chose de rassurant, pour la Grande Actrice, d’être sous la permanence de ce regard qui continue à la regarder partout dans le monde avec le même calme, la même disponibilité, la même attention douce.  Les seules photos de ce livre avec un contrechamp sur les admirateurs ont été faites en Chine où étrangement les silhouettes des jeunes filles sont très proches de celle de l’actrice, comme des doubles multiples et anonymes. L’une d’elle porte même fortuitement un tee-shirt à rayures et des lunettes.

Dans un des milliers de feuillets qui ont été retrouvés dans les malles de son appartement, Pessoa écrit  :

« L’immense série de personnes et de choses qui constitue le monde est pour moi une galerie de tableaux sans fin, dont l’intérieur ne m’intéresse pas. Il ne m’intéresse pas, parce que l’âme est monotone, et toujours la même chez tout le monde; seules en diffèrent les manifestations individuelles, et la meilleure part en est ce qui déborde vers le songe, dans l’allure, les gestes, et pénètre ainsi dans le tableau qui me séduit… »

Il est de grands photographes qui se sont donné le projet, ambitieux, de réussir une image où serait visible « l’âme » du photographié, pour parler comme Pessoa. Certains y sont parfois parvenu, mais l’âme étant monotone ne s’attrape pas deux fois. Il leur faut donc changer sans cesse de modèle. La grande Actrice et l’Amie Photographe ont fait le choix opposé, celui de jouer à deux, le plus souvent possible, sans le moindre surmoi, avec ce qui «déborde » de la fameuse « âme », ce par quoi elle se manifeste sous mille formes labiles et chatoyantes, sans peser, sans jamais s’enkister, sans intimidation de la profondeur  : la rêverie, les gestes, les déguisements, les regards, les doubles, la malice, les métamorphoses. Elles ont tissé ainsi, tranquillement, au fil du temps, ce qui est sans doute le portrait le plus juste et le plus vrai de l’Actrice multiple qui a nom Isabelle Huppert. Alain Bergala

Carole Bellaïche : Isabelle Huppert du 15 Novembre au 17 janvier

Galerie XII

14 rue des Jardins Saint Paul

75004 Paris

https://www.galerie-photo12.com/

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