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Jours tranquilles à Paris

30 septembre 2019

L'ÉDITO de Henri Vernet - La confrérie des «ex» - Le Parisien

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À quoi songeaient-ils sous la nef de Saint-Sulpice, ces trois anciens présidents de la République, en contemplant le cercueil de leur pair, Jacques Chirac ? Au-delà du recueillement de circonstances, les « ex » n’auront-ils pas, dans le secret de leur âme, replongé, le temps de l’homélie monocorde de Mgr Aupetit, dans leur longue histoire intime avec le défunt chef de l’Etat ? François Hollande, qui avait avec Chirac la Corrèze en partage, lui aura peut-être adressé un ultime merci pour tout ce qu’il a fait pour la gauche : en aidant Mitterrand à battre Giscard, en 1981, puis en appelant à voter Hollande contre Sarkozy, en 2012, sans oublier la dissolution qui mena Jospin à Matignon en 1997. Nicolas Sarkozy, qu’un lien quasi filial unit jadis à Chirac et qui n’aurait sans doute jamais décroché le Graal élyséen s’il n’avait pas tué le père, a-t-il éprouvé, en ce moment où se mêlaient - selon la volonté de l’Elysée - spiritualité et République, la vanité des conquêtes politiques ? Mais c’est sous le crâne de Valéry Giscard d’Estaing, embringué depuis toujours avec Chirac dans une guerre fratricide sans répit, que la tempête devait être la plus forte. À moins que VGE, qui fut le seul politique, ce lundi à Saint-Sulpice, à communier, ait cette fois, devant le corps de son frère ennemi, jeté pour de bon la rancune à la rivière.

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30 septembre 2019

Anna Johansson

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30 septembre 2019

Claude Martin : « Jacques Chirac a été, en politique étrangère, un président gaulliste, sans doute le dernier »

chirac president

Par Claude Martin, ancien diplomate

Souveraineté des Etats, refus des affrontements de bloc à bloc, construction d’une Europe forte et solidaire… telles furent les grandes lignes de l’action de l’ancien chef de l’Etat qui contribua au rayonnement de la France, estime l’ex-diplomate dans une tribune au « Monde ».

Sur la scène internationale, Jacques Chirac n’était pas seulement connu, apprécié, admiré. Il était aimé. Et il faisait aimer la France. Peu de Français mesurent à quel point ses prises de position, ses déplacements, ses initiatives, ont contribué au rayonnement de notre pays. A quel point, pendant douze années, la France a eu une grande politique étrangère.

Certes, on a gardé en mémoire le refus courageux de faire participer notre pays à l’aventure irakienne. Mais la plupart des choix et des hauts faits d’une diplomatie qui n’a cessé d’être, tout au long de ces douze ans, inspirée, déterminée, et brillante, restent dans l’ombre ou sont traités avec une distance et une rapidité qui n’aident pas à les apprécier à leur juste valeur.

Jacques Chirac a été, en politique étrangère, un président gaulliste, sans doute le dernier. Inspiré par les principes du fondateur de la Ve République, il a suivi sur la scène internationale la ligne qui a fait, pendant un demi-siècle, la force du message français : respect de la souveraineté des Etats, de l’identité des nations, de la dignité des peuples. Refus des affrontements de bloc à bloc. Construction d’une Europe forte et solidaire, faisant entendre une voix qui soit vraiment la sienne, dans un monde multipolaire et équilibré.

Dialogue avec la Chine et la Russie

Nulle part, mieux qu’en Chine, où j’ai eu l’occasion de le voir à l’œuvre, Jacques Chirac n’a illustré son attachement à cette sage politique. Il a su défendre à Pékin, avec force mais sans tapage, les valeurs de la France, dit ce qu’il fallait dire, mais su tendre la main.

Qui se souvient qu’il avait reçu, à l’Hôtel de Ville, le dalaï-lama, pour s’entretenir avec lui, de l’avenir de la culture tibétaine ? L’ambassadeur de Pékin était venu lui reprocher une « grave erreur » qui pourrait « compromettre sa carrière politique ». Il lui avait rétorqué : « Laissez-moi apprécier moi-même, Monsieur l’Ambassadeur, la façon dont je conduis ma carrière politique, et permettez-moi de m’informer comme je l’entends de l’état d’esprit des Tibétains, dont je ne conteste nullement l’appartenance à votre pays. »

Chirac avait, dans le dialogue avec la Chine, une longueur d’avance. Dès 1975, Il avait noué avec celui qui en deviendrait le nouveau timonier, Deng Xiaoping, une relation personnelle forte qui permit à la France de prendre toute sa place dans le mouvement de réformes de l’empire du Milieu.

Après la tragédie de Tiananmen, en 1989, Jacques Chirac lutta pour que ce lien privilégié ne fût pas rompu. Il avait compris que les sanctions renforceraient le pouvoir et le conduirait à riposter par une attitude de défi à l’égard de l’Occident. « La Chine, disait-il, sera un jour une grande démocratie, mais elle le sera à sa façon, par son propre combat, et non en se laissant persuader par nos discours où perce trop souvent l’arrogance ou le mépris. »

IL A TOUJOURS ESTIMÉ QUE LA RUSSIE AVAIT TOUTE SA PLACE DANS LA MAISON EUROPÉENNE
Gaulliste, Jacques Chirac l’était tout autant à l’égard de la Russie. Il a toujours estimé que celle-ci avait toute sa place dans la maison européenne, et qu’elle finirait par rejoindre le cercle de famille. En attendant nous devions, pensait-il, offrir à Moscou un partenariat étroit, et surtout éviter, au moment où les anciens pays du bloc soviétique allaient rejoindre l’Europe, de reconstruire un mur qui continuerait à couper, plus à l’est, le continent européen.

Il s’est employé parallèlement à renforcer nos liens avec elle, et n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir qu’elle soit reconnue dans le concert des grandes nations. C’est à son initiative qu’à Denver (Colorado), la Russie fut admise enfin au G7, devenu G8. Elle en sera chassée quelques années plus tard, pour mauvaise conduite. A nouveau cette politique des sanctions inefficace, la seule que l’Europe sache apparemment pratiquer à l’égard d’un pays qui a dérivé sans doute mais par notre faute. Parce que nous l’avons isolé, exclu du continent européen, et finalement poussé à renouer avec Pékin.

Profondément européen

C’est à l’Europe, à sa conception, à son organisation, à son avenir, que tout cela nous ramène. A rebours de certains jugements portés ces jours-ci sur son action, je suis convaincu que Jacques Chirac était profondément européen.

Mais il voulait une Europe solidaire, cohérente, agissante, à l’image de celle qu’il avait pratiquée en défendant la PAC [politique agricole commune]. Il avait approuvé sans enthousiasme le traité de 1992, convaincu que tout le système institutionnel européen était à revoir, et que l’élargissement de l’UE à dix nouveaux membres imposait sa réforme, profonde et urgente.

JACQUES CHIRAC A DÉFENDU LE PROJET « CONSTITUTION EUROPÉENNE » DU BOUT DES LÈVRES. CE N’ÉTAIT PAS SON ŒUVRE
A la direction des services européens du Quai d’Orsay, j’ai, sous sa direction et celle du premier ministre Alain Juppé, conduit une réflexion qui allait dans le sens d’une vraie refonte du système européen, avec la création d’un mécanisme de « pilotage » de l’UE par un petit groupe de pays décidés à s’unir pour permettre à l’Europe d’avancer. Ces réflexions rejoignaient celles formulées en Allemagne. Elles n’ont pas abouti, par une conjonction des résistances des pays et des institutions.

Quelques mois plus tard, le projet de « Constitution européenne », qui aurait permis de rebondir après cet échec, l’a plutôt aggravé, rendant la mécanique plus complexe, moins capable d’agir, alors que l’UE allait s’alourdir, avec l’entrée de douze nouveaux membres. Jacques Chirac a défendu le projet du bout des lèvres. Ce n’était pas son œuvre. Il a finalement, et à juste titre, laissé le peuple français décider.

Un nouveau « couple » franco-allemand

En réalité, il conduisait au même moment une autre politique européenne adaptée aux défis du moment. Il avait reconstitué avec Gerhard Schröder un nouveau « couple » franco-allemand, aussi fort et solide que celui formé en leur temps par Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, puis Helmut Kohl et François Mitterrand.

Les deux partenaires avaient constaté leur accord sur de nombreux sujets : le refus de la guerre d’Irak, la nécessité de réformer le pacte budgétaire, l’urgence d’une politique industrielle commune dans le domaine naval, aéronautique, nucléaire, chimique, l’intérêt de parler ensemble à la Russie, à l’Inde, au Japon, à la Chine.

Les premiers ministres du Royaume-Uni, d’Italie, d’Espagne demandaient à les rejoindre. Le « directoire » dont le général de Gaulle avait souhaité l’émergence pour piloter l’Europe était, peut-être, sur le point de naître. Mais Gerhard Schröder perdit les élections, et Angela Merkel lui succéda, ramenant l’Allemagne sur des voies plus orthodoxes. Jacques Chirac quitta le pouvoir. Et Nicolas Sarkozy fit approuver par la voie parlementaire le traité constitutionnel rejeté par les Français. L’Europe retomba dans ses ornières.

LE DIALOGUE AVEC LA RUSSIE EST DEVENU EMPREINT DE MÉFIANCE, LE PARTENARIAT STRATÉGIQUE AVEC LA CHINE BAT DE L’AILE
Que reste-t-il de cette politique étrangère, volontariste et réaliste à la fois, que Jacques Chirac s’est efforcé de mener, à l’égard de la Chine, de la Russie, de l’Allemagne, de l’Europe ?

Peu de choses, en vérité. Au cours de ces douze dernières années, la France s’est éloignée des grands principes de la démarche gaulliste. Elle a rejoint les structures intégrées de l’OTAN. Elle s’est engagée dans des opérations militaires contre des Etats souverains, sur des bases juridiques très douteuses. Elle s’est laissée entraîner en Afrique dans des interventions prolongées, sans issue visible. Elle prend en Europe des initiatives brillantes, mais souffre de ne pas trouver de vrai soutien. La relation avec l’Allemagne est devenue fragile, le dialogue avec la Russie empreint de méfiance, le partenariat stratégique avec la Chine bat de l’aile.

La France a certes continué à prendre, depuis douze ans, de belles initiatives sur la scène internationale. Hier sur le climat. Aujourd’hui sur l’Iran. Mais sur les grands dossiers, elle a perdu une part de son influence. Une grande diplomatie, c’est un pays fort, une vision claire, et à long terme, un homme enfin, écouté et respecté, pour la mettre en œuvre. Jacques Chirac a incarné tout cela. C’est la raison pour laquelle il fut estimé et respecté. C’est la raison pour laquelle il sera regretté.

Claude Martin a été ambassadeur en Chine (1990-1993), puis en Allemagne (1999-2007) Ancien directeur général des Affaires européennes au Quai d’Orsay (1994 à 1999), il est l’auteur de « La Diplomatie n’est pas un dîner de gala » (Editions de l’Aube, 2018).

30 septembre 2019

Pauline Moulettes

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30 septembre 2019

Ce qu’il faut savoir sur la journée de deuil national en l’honneur de Jacques Chirac

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Le cercueil de l’ex-chef de l’Etat doit quitter les Invalides pour un service solennel à l’église Saint-Sulpice, en présence de 80 personnalités étrangères.

Après l’hommage populaire qui a vu défiler des milliers de personnes aux Invalides, la mémoire de l’ancien président de la République Jacques Chirac, mort jeudi à l’âge de 86 ans, va être honorée de manière plus solennelle et officielle, lundi 30 septembre. Une journée de deuil national a été décrétée, pour la huitième fois seulement depuis le début de la Ve République en 1958, comme après les décès de Charles de Gaulle en 1970, Georges Pompidou en 1974 et François Mitterrand en 1996.

9 h 30 : cérémonie réservée à la famille
La journée commence là où elle s’est terminée la veille, aux Invalides, par une cérémonie familiale privée à 9 h 30, célébrée notamment par Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque de Basse-Terre (Guadeloupe) et ami du couple Chirac. Elle sera suivie d’honneurs funèbres militaires, dans la cour des Invalides, en présence d’Emmanuel Macron.

11 heures : convoi funéraire ouvert au public
Le cercueil de l’ancien président de la Ve République quittera les Invalides à 11 heures, en convoi funéraire et encadré par une grande escorte, pour rejoindre l’église Saint-Sulpice (6e). Les Français pourront lui rendre un dernier hommage au cours de ce trajet.

12 heures : service solennel en présence de personnalités
Un service solennel, présidé par Emmanuel Macron, sera célébré à midi par Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, en l’église Saint-Sulpice à Paris. L’assistance sera à la mesure de l’afflux de messages parvenus du monde entier depuis jeudi : environ quatre-vingts personnalités étrangères – chefs d’Etat et de gouvernement, anciens dirigeants et membres de famille royales –, seront présentes.

Sont attendus, les présidents russe Vladimir Poutine, italien Sergio Mattarella et congolais Denis Sassou-Nguesso, la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, les premiers ministres libanais Saad Hariri et hongrois Viktor Orban. Aussi, le roi de Jordanie Abdallah, et l’émir du Qatar Tamim Bin Hamad Al-Thani. L’Elysée a également annoncé, dimanche soir, la venue des anciens présidents américain Bill Clinton (1993-2001) et afghan Hamid Karzai (2001-2014). Autres anciens dirigeants du temps de Jacques Chirac, l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, l’ancien premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero et l’ancien président sénégalais Abdou Diouf feront également le déplacement.

Ils retrouveront les anciens présidents français François Hollande, Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d’Estaing, ainsi qu’une grande partie de la classe politique nationale. La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a renoncé à s’y rendre, après les réserves de la famille Chirac sur sa présence.

Après-midi : inhumation en privé de Jacques Chirac
L’ancien président de la République sera inhumé dans l’après-midi dans un cadre strictement privé au cimetière du Montparnasse. Selon le souhait de son épouse Bernadette, il reposera dans le caveau de leur fille aînée Laurence, décédée en 2016.

15 heures : une minute de silence
Une minute de silence sera observée à 15 heures dans les administrations et les écoles de France.

Un hommage en Corrèze les 5 et 6 octobre

Un hommage particulier sera également rendu à Jacques Chirac le week-end des 5 et 6 octobre en Corrèze, sa terre d’élection, à « la demande de la famille », avait annoncé Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement. Il sera organisé « compte tenu évidemment de l’attachement particulier que le président Chirac avait à l’égard de ce territoire qu’il chérissait particulièrement ».

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30 septembre 2019

Street Art

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30 septembre 2019

Greta Thunberg

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30 septembre 2019

Trois Jours et une vie”, et un peu d’ennui

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Un thriller psychologique à tiroirs sans grand relief malgré une Sandrine Bonnaire remarquable.

Après le succès d'Au revoir là-haut, et sa razzia aux César 2018, c'est un autre roman de Pierre Lemaitre qui fait l'objet d'une adaptation. Coscénarisé par le romancier lui-même et réalisé par Nicolas Boukhrief, Trois Jours et une vie suit la trajectoire tumultueuse d'Antoine, un gamin de 12 ans vivant dans un petit bled des Ardennes belges, qui tue accidentellement Rémy, son jeune voisin, lors d'une escapade en forêt.

La disparition de l'enfant, dont Antoine tait les circonstances, met le village en ébullition. Une battue est organisée, mais la tempête de 1999 vient tout balayer sur son passage. Tout balayer ? Non, les vieux démons s'enracinent et lorsque Antoine, devenu un jeune médecin (du type gendre idéal un peu chiant), revient quinze ans plus tard dans son village natal, le passé ressurgit et, avec lui, un sentiment de culpabilité abrasif.

Malgré une mise en scène soignée – où l’on identifie le tropisme de Boukhrief pour le cinéma hollywoodien, notamment dans la scène de la tempête, filmée à la manière d'un film catastrophe – et quelques partitions remarquables (Sandrine Bonnaire dans le rôle de la mère d'Antoine), Trois Jours et une vie manque cruellement de vertige et ne dépasse jamais sa condition de polar filmé. La faute à un personnage principal insipide (Pablo Pauly, unidimensionnel) et une volonté de psychologiser le récit trop lourdement appuyée

“Trois Jours et une vie” de Nicolas Boukhrief avec Sandrine Bonnaire, Pablo Pauly, Charles Berling (Fr., 2019, 2 h)

30 septembre 2019

Lutte contre le SIDA

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30 septembre 2019

« Passe-moi ta mère » : des attentions personnelles aux manœuvres électorales, le monde politique raconte « son » Jacques Chirac

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Par Lucie Soullier, Raphaëlle Besse Desmoulières, Cédric Pietralunga, Bastien Bonnefous, Olivier Faye, Abel Mestre, Alexandre Lemarié, Sylvia Zappi, Benoît Floc'h, Julie Carriat

De Renaud Muselier à Julien Dray, anciens proches ou adversaires, ils se souviennent d’un ancien président attentif aux autres, passionné par les civilisations lointaines et plongé dans le combat politique.

Il était, selon ses biographes, « L’inconnu de l’Elysée » ou « L’homme qui ne s’aimait pas ». Jacques Chirac, mort jeudi 26 septembre à 86 ans, a toujours rechigné à se raconter en dehors des quelques figures imposées par la vie politique. L’ancien président de la République s’est bien sûr plié, comme les autres, au jeu d’acteur que supposent les campagnes électorales, et à leur part d’impudeur. Mais il a porté tant de masques différents en quarante ans de vie politique que l’on ne sait pas toujours lequel regarder.

« Un responsable politique, et à plus forte raison un chef d’Etat, doit avoir son jardin secret. S’il n’en a aucun, c’est qu’il n’est rien du tout, en vérité », a-t-il confié, au seuil de la mort, à l’éditeur Jean-Luc Barré, qui l’a aidé à rédiger ses mémoires.

Ce sont donc les autres qui racontent le mieux Jacques Chirac. Ces centaines, ces milliers de personnes croisées, le temps d’une vie, et qui apportent par leurs témoignages une petite touche au portrait pointilliste de l’ancien président. Des alliés et des adversaires qui attrapent le fil d’une existence par le truchement d’un souvenir.

Leur Chirac, c’est avant tout l’histoire d’un homme attentif aux autres. Aux mères, en particulier. Le 1er juin 1997, le RPR perd sa majorité à l’Assemblée nationale. Malgré la débâcle, le jeune Renaud Muselier est élu député des Bouches-du-Rhône. Le président de la République l’appelle pour le féliciter. « Passe-moi ta mère », lui dit-il. « Elle n’est pas arrivée, je lui transmettrai votre attention », répond Muselier, qui ne veut pas faire perdre son temps au chef de l’Etat. Chirac ne veut rien savoir ; il attendra dix minutes au bout du fil. Il tenait à ce que Mme Muselier sache à quel point elle peut être fière de son fils. « Invraisemblable, s’étonne encore l’intéressé. Il est président de la République, vient de perdre sa majorité, et prend pourtant le temps de parler à ma famille. »

Tel un roi thaumaturge

Ce genre d’attentions, le madré politique les a répétées cent fois, dans les moments heureux comme aux heures tristes. On peut se dire que c’est une mécanique bien huilée. On peut aussi penser que c’est simplement humain. Quand le socialiste Julien Dray perd sa mère, en janvier 2011, l’ancien président lui passe un coup de téléphone, du fond de sa retraite. « Vous savez, Julien, elle sera toujours là pour vous et elle sera fière », lui dit-il. « C’était simple mais si gentil », sourit le fondateur de SOS Racisme.

En 2001, apprenant que l’épouse de Xavier Darcos, alors maire de Périgueux, souffre d’un cancer, Jacques Chirac rend visite à cette dernière en marge d’un sommet franco-italien organisé dans la préfecture de Dordogne. Il la voit en tête-à-tête pendant une demi-heure, puis retourne s’entretenir avec Xavier Darcos, lui confiant, tel un roi thaumaturge : « Tu sais, quand je serre la main de quelqu’un, je sais s’il est en bonne santé. Ta femme est sauvée, c’est sûr. » La chimiothérapie, en effet, sera un succès, et Laure Darcos siège aujourd’hui sur les bancs du Sénat. « Je suis sans illusion sur Chirac, mais je pense que cela, ce n’était pas affecté », veut croire son mari.

Ces marques d’attention, l’ancien président les réservait aussi à ses chers électeurs de Corrèze. Un jour de 1997, Martin Hirsch, alors directeur de cabinet du ministre de la santé, le socialiste Bernard Kouchner, reçoit un appel de l’Elysée. « Allô ? C’est Chirac. Il n’est pas là Bernard ?

– Non, monsieur le président, il est en déplacement, répond Hirsch, tétanisé.

– Bon, vous allez me résoudre ce problème. »

« Et là, raconte l’actuel directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), j’entends le président de la République m’expliquer avec moult détails que Madame Machin avait été à tort classée avec un handicap de 20 % par la commission départementale de Corrèze. Alors que, me dit-il, il la connaît bien, et qu’avec ses deux jambes blessées, c’est sûr, c’est au moins 40 % ! » Une intervention simple et franche comme un plaçou, ces services ou emplois que le Corrézien a distribué à la pelle aux habitants de son département tout au long de sa carrière.

Des VHS de tournois de sumo

Mais Chirac, c’est aussi une attention portée au lointain. Une fois devenu ministre de la coopération, en 1995, Jacques Godfrain a pu mesurer l’étendue de l’intérêt que son vieil ami portait aux anciennes civilisations d’Afrique et d’Asie.

« Avant d’étudier les dossiers du pays, tu vas d’abord au musée, et tu leur parles de leur histoire, de leur culture », lui conseille-t-il ainsi. A la veille d’un voyage au Mali, Chirac s’enquiert de l’itinéraire que va suivre son ministre. « Tu vas à Kayes ?, remarque-t-il. N’oublie pas, c’était la capitale d’un très grand empire il y a six siècles. Ne leur parle pas comme à Bamako. Tu ne parles pas à Paris comme à Marseille. »

Dans un registre plus léger, Jean-François Lamour, son conseiller sport à l’Elysée entre 1995 et 2002, se souvient de toutes ces fois où il a dû se rendre à la cellule diplomatique du palais pour rapporter au président des cassettes VHS de tournois de sumo, les honbashos. L’ambassadeur de France au Japon lui faisait spécialement envoyer.

« Il les regardait plutôt le soir, en compagnie, un peu contrainte, de Mme Chirac, qui n’était pas vraiment passionnée, raconte celui qui fut ensuite son ministre des sports. La particularité, contrairement au résumé fourni à l’époque par Eurosport, était que Jacques Chirac regardait tout le long cérémonial qui précédait chaque combat. D’où le nombre important de VHS pour chaque honbasho, sept ou huit ! Il a souvent été brocardé pour cette passion, mais je crois que, par-dessus tout, il respectait les autres cultures, qu’elles soient en décalage ou non avec celles de l’Occident. »

Son ancien conseiller Hugues Renson, qui l’a accompagné quelque temps après l’Elysée, rapporte ainsi une conversation que l’ex-président a eue, un soir de 2010, avec un couple russe dans un bar du 7e arrondissement de Paris. « Ils avaient reconnu Chirac, mais ne parlaient pas un mot de français, et manifestement très mal l’anglais, sourit celui qui est aujourd’hui député La République en marche. A ma grande stupéfaction – et à la leur aussi ! – il se mit à leur parler dans leur langue. Pas seulement pour leur dire bonjour, une vraie conversation. J’étais bien incapable de savoir de quoi ils parlaient… »

Grandes et petites manœuvres politiques

Résumer Jacques Chirac, c’est aussi se plonger dans une vie faite de manœuvres politiques. Des grandes et des petites. Au moment de l’élection présidentielle de 2002, Thierry Coste, alors directeur de campagne de Jean Saint-Josse, le candidat des chasseurs, faisait clandestinement le lien avec la Chiraquie. « A sa demande, et avec l’accord de Saint-Josse, on avait mis en place une stratégie : faire une campagne très à gauche pour piquer le maximum de voix à Lionel Jospin, et ainsi favoriser Chirac », assure Thierry Coste, aujourd’hui lobbyiste pour le compte du monde de la chasse.

Une chiquenaude comparée à la présidentielle de 1995. François Mitterrand n’apporte alors qu’un soutien du bout des lèvres à Lionel Jospin. En marge d’un congrès de l’association des maires de France (AMF), quelques mois avant le scrutin, Jean-Paul Delevoye, alors président de l’AMF, attrape au vol une phrase lancée par le président socialiste à Jacques Chirac : « Vous qui aspirez à de grandes destinées pour la France, laissez-moi vous conseiller… » Le haut-commissaire à la réforme des retraites, qui soutenait le maire de Paris, voit alors Charles Pasqua, qui était dans le clan d’Edouard Balladur, un rien inquiété par cette scène. « Il s’est mis à parler en corse avec le préfet Philippe Massoni ! »

Une fois parvenu au pouvoir, Jacques Chirac s’est illustré par une prudence digne du père Henri Queuille, un Corrézien, comme lui, et ancien président du Conseil sous la IVe République, qui disait : « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. »

Seulement, avec un premier ministre aussi fougueux que Dominique de Villepin, cette inclination passait mal. Un soir de 2006, apprenant que le président de la République songe à reculer sur le contrat première embauche (CPE) sous la pression des manifestants, Villepin se rue à l’Elysée en compagnie de son directeur de cabinet, Bruno Le Maire. Il tempête dans tous les sens et enjoint Chirac à tenir bon, faisant grimper la tension dans la pièce. Le chef de l’Etat désamorce la bombe Villepin d’un coup de patte malicieux, rapporté par Bruno Le Maire : « J’aime, Dominique, quand vous me regardez avec ces yeux de braise… »

« J’ai perdu un vieux copain »

Nicolas Sarkozy moquait ce caractère de « roi fainéant ». Certes. Mais le roi était aussi conscient de l’importance de son rôle dans la petite histoire des hommes. Au soir du 21 avril 2002, alors que ses conseillers se réjouissent de la victoire certaine qui se dessine à la faveur du second tour face à Jean-Marie Le Pen, Chirac coupe net tout triomphalisme : « Le Pen au second tour, c’est extrêmement grave pour notre pays. » « Sa gravité contrastait avec l’exaltation de son équipe, relève son directeur de campagne d’alors, Patrick Stefanini. On était dans une satisfaction politicienne. Lui, dans une gravité présidentielle. »

Le même Chirac, pourtant, ne trouvait rien à redire à l’alliance d’un candidat de son RPR avec le Front national, à Dreux (Eure-et-Loir), lors d’une élection municipale, en 1983. Incartade de jeunesse, qui précéda des décennies de combat contre l’extrême droite. A cette époque, Jean-Marie Le Pen lui proposa dans une lettre, ainsi qu’au centriste Jean Lecanuet, une alliance nationale contre « la gauche socialo-communiste ». « Je leur adressai la chose le 30 juin et j’attendis la réponse. J’attends toujours », écrit Le Pen dans ses Mémoires.

Il manque tant de choses dans ces souvenirs sur l’ancien président. Tant de moments lumineux et de cadavres dans le placard que la mort, peut-être, ressuscitera. Il reste, surtout, la mémoire d’un « frère » que nous raconte Pierre Mazeaud, 90 ans, depuis son deux-pièces de jeune homme, sous les combles d’un immeuble situé sur la rive droite de Paris, à deux pas de la Seine. « Ma carrière, je la lui dois, soupire d’une voix tremblante l’ancien président du Conseil constitutionnel. C’est un homme de cœur. Il était malade de voir les fractures graves de notre société. »

Mazeaud se souvient de ce « serment de Solignac » qu’ils firent ensemble dans un bistrot près de l’abbaye du même nom, au sud de Limoges, avec huit autres jeunes candidats gaullistes, en 1967. Celui de « battre la gauche » aux législatives dans ce Sud-Ouest tenu par les radicaux, les socialistes et les communistes. « On a tous été mis au tapis. » Tous sauf Bernard Pons, élu dans le Lot, et Chirac, élu en Corrèze, bien entendu. Un monde s’est éteint depuis. « J’ai perdu un vieux copain, lâche Pierre Mazeaud. Je ne sais pas si je m’en remettrai facilement… »

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