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Jours tranquilles à Paris

23 août 2019

« Retrouver la sève des G7 », le défi d’Emmanuel Macron

g7 photo

Par Marc Semo

Le sommet, qui doit se dérouler à Biarritz du 24 au 26 août, s’annonce délicat sur fond de menaces de récession économique, tensions internationales croissantes et dissensions internes.

Signe des temps, un communiqué commun aussi générique que généreux pour énumérer les grands défis du monde ne devrait pas conclure les trois jours du G7 de Biarritz du 24 au 26 août. Laborieusement négocié entre sherpas, un tel texte marquait comme la traditionnelle photo de famille ces réunions entre les dirigeants des principales puissances économiques démocratiques (Etats-Unis, France, Royaume-uni, Allemagne, Japon, Italie, Canada).

Mais rarement un tel sommet se sera annoncé comme aussi difficile sur fond de menaces de récession économique, de tensions internationales croissantes mais surtout de dissensions internes toujours plus vives entre membres. Club informel, cette instance, inventée en 1975 par le président français, Valéry Giscard d’Estaing, pour faire face au premier choc pétrolier et à la crise du dollar, se veut avant tout un lieu de concertation. Celle-ci risque de tourner court alors même que les chefs d’Etat ou de gouvernements présents sont tous fragilisés ou focalisés sur leurs enjeux politiques intérieurs.

« Retrouver la sève des G7 »

« Il faut retrouver la sève des G7, celle des échanges et du dialogue où l’on se dit les choses », a expliqué le président français, Emmanuel Macron, ironisant sur « ces communiqués que personne ne lit qui sont le résultat d’interminables chicayas bureaucratiques entre Etats profonds des pays membres ». Et de rappeler avec humour que lui-même, en tant que sherpa, participa à de telles interminables discussions.

Parlant le 21 août devant l’Association de la presse présidentielle, à trois jours du début du sommet et avant l’ouverture la semaine prochaine de la conférence annuelle des ambassadeurs et des ambassadrices, le chef de l’Etat qui, selon la Constitution, détermine les grandes options de la politique étrangère française a voulu en rappeler les enjeux. « Nous vivons une période historique de l’ordre international qui est le nôtre marquée par une crise très profonde des démocraties, à la fois de représentativité et d’efficacité », a-t-il insisté, soulignant leurs difficultés « à répondre aux peurs contemporaines, la peur climatique, la peur technologique, la peur des migrations ».

Risque d’une diplomatie de la posture

« La lutte contre les inégalités », le thème central choisi pour ce premier G7 organisé par la France depuis huit ans, est essentiel mais il risque d’être un peu occulté par les dossiers les plus chauds, tels l’escalade dans le golfe Persique entre Washington et Téhéran, la guerre commerciale des Etats-unis avec la Chine ou l’urgence climatique. Grand perturbateur du précédent G7 à la Malbaie, au Québec, Donald Trump avait retiré sa signature du communiqué final traitant son hôte, le premier ministre canadien Justin Trudeau, de « malhonnête ».

Désormais en campagne pour sa réélection en 2020, il ne peut surenchérir dans son cavalier seul après s’être déjà retiré de l’accord de Paris sur le climat et de l’accord sur le nucléaire iranien. Empêtré dans le Brexit, le nouveau premier ministre britannique, Boris Johnson, est tenté de se rapprocher du locataire de la Maison Blanche. La chancelière allemande, Angela Merkel, est en fin de règne et Justin Trudeau est encore plus affaibli politiquement. Le président du conseil italien, Giuseppe Conte, est démissionnaire.

« Un tel contexte ne peut que favoriser chez les participants une diplomatie de la posture et donc paralyser toute concertation », relève Bertrand Badie, professeur émérite à Science Po Paris, qui de longue date pourfend la « diplomatie de connivence » dont le G7 est l’archétype. Cette instance est en outre toujours plus en décalage avec les réalités de la globalisation. Ses membres ne pèsent plus que 40 % du PIB du monde et 12 % de sa population. « Avant même que Donald Trump n’entre en scène, il était déjà évident que le G7 devait évoluer pour retrouver toute son attractivité », explique Pierre Vimont, ancien haut diplomate français et ex-numéro deux de la diplomatie de l’Union européenne, aujourd’hui chercheur au Carnegie Europe.

Le président français est conscient du défi. « L’ordre international reposait sur l’hégémonie occidentale depuis le XVIIIe siècle, alors la France, puis au XIXe, la Grande-Bretagne, et au XXe, les Etats-Unis. Mais cette hégémonie est aujourd’hui remise en cause », a expliqué Emmanuel Macron, insistant sur la nécessité « de défendre, en le renouvelant, un multilatéralisme contemporain en ne cédant à l’ensauvagement du monde ».

La question du retour de la Russie

Le président français veut faire évoluer le G7, qu’il critiquait à l’issue du sommet de Québec comme « un théâtre d’ombres et de divisions ». Il s’agit d’en alléger le fonctionnement et surtout de l’ouvrir toujours plus largement aux dirigeants de pays non-membres – mais aussi aux représentants de la société civile comme les ONG et les entreprises – afin de favoriser l’émergence de « coalitions de pays acteurs désireux de proposer des solutions concrètes ». Le premier ministre indien, Narendra Modi, le président chilien, Sebastian Pinera, et des dirigeants africains dont le Rwandais, Paul Kagame, mais aussi ceux des pays du G5 Sahel.

L’une des questions centrales du sommet sera celle d’un retour de la Russie, qui avait été exclue de cette instance en 2014, après l’annexion par la force de la Crimée et la déstabilisation de l’est de l’Ukraine. Le président français en a discuté, lors d’un entretien de plus d’une heure au téléphone dans la nuit du 20 au 21 août, avec son homologue américain Donald Trump, qui présidera le G7 l’année prochaine et se dit favorable à la réintégration de Moscou sans évoquer de préalables particuliers. « Il est pertinent qu’à terme la Russie revienne », a reconnu Emmanuel Macron, tout en rappelant que l’on ne peut oublier les raisons pour lesquelles elle en a été exclue et donc la nécessité de gestes significatifs du Kremlin sur l’Ukraine. « Dire “la Russie sans conditions doit demain revenir à la table”, c’est en quelque sorte acter la faiblesse du G7 », a-t-il explicité.

C’était l’une des raisons de la rencontre au fort de Brégançon cinq jours avant le G7 avec Vladimir Poutine. Le président aurait montré sa disponibilité à discuter sérieusement avec Kiev pour la mise en œuvre des accords de Minsk de février 2015 qui avaient mis fin aux combats les plus intenses mais restés jusqu’ici lettre morte. Une réunion d’un sommet à quatre de format Normandie – France, Allemagne, Russie, Ukraine – pourrait se tenir dans quelques semaines à Paris.

Les débats avec Trump s’annoncent houleux

« Il est essentiel d’arrimer la Russie à l’Europe car elle est européenne par son histoire, comme par sa géographie, et plus nous dirons qu’elle est européenne, plus elle le sera », a expliqué Emmanuel Macron qui, par cette ouverture à Moscou sans pour autant cacher les divergences, veut affirmer la France comme une « puissance d’équilibre ». « Même si nous avons des amis et des alliés, nous devons parler à tout le monde. Les ennemis de nos alliés ne sont pas nécessairement les nôtres », a-t-il insisté, reprenant des accents gaulliens et marquant sa différence vis-à-vis de Donald Trump. Les débats avec le locataire de la Maison Blanche s’annoncent pour le moins houleux. Ils vont commencer dès vendredi soir au dîner quand seront discutés les grands dossiers politiques. A commencer par la crise du Golfe.

« On doit avoir une discussion au sommet sur comment on gère le dossier iranien, on a des vrais désaccords au sein du G7 : trois puissances européennes et le Japon qui ont une position assez claire, un rapport avec l’Iran totalement assumé, et les Américains (…) qui ont décidé de changer totalement de ligne et ont dénoncé l’accord de 2015 sur le nucléaire », a expliqué le président français qui tente de se poser en médiateur entre Téhéran et Washington.

Le chef de l’Etat a précisé qu’il aurait, « avant le G7, une réunion avec les Iraniens pour essayer de proposer des choses » et il devrait rencontrer le 23 août, selon l’agence officielle iranienne Irna, le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. L’Elysée espère arriver à obtenir un allégement des sanctions rétablies par Washignton en échange d’un retour de Téhéran au respect de ses engagements. Mais Donald Trump reste intransigeant rappelant dans un tweet la semaine dernière visant clairement Emmanuel Macron que « personne ne parle pour les Etats-Unis à part les Etats-Unis eux-mêmes ».

L’hôte de la Maison Blanche se montre tout aussi inflexible à propos de la taxe française sur les géants américains du numérique pourfendant dans un tweet « la stupidité de Macron ». Le président français compte bien néanmoins défendre à Biarritz son projet dénonçant un système « fou » où « les acteurs mondiaux du numérique ne contribuent pas fiscalement au financement du bien commun, ce qui n’est pas soutenable ».

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23 août 2019

G7 - Biarritz

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23 août 2019

Boris Johnson

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23 août 2019

Amazonie : le compte Twitter d'Emmanuel Macron poste une fausse image des incendies

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macron anglais

macron français

Un message Twitter du président français appelant à la mobilisation des dirigeants internationaux contre les incendies est illustré par une photo... prise par un photographe décédé il y a seize ans.

«Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. C’est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence. #ActForTheAmazon»

Voici le contenu du tweet d’Emmanuel Macron, publié à 21h14 jeudi soir (en français et en anglais), appelant à la mobilisation des dirigeants internationaux du G7 contre les feux qui sévissent en Amazonie.

 Problème, la photographie qui illustre le tweet fait partie des innombrables fausses photos qui circulent. Ainsi, l’image – comme nous l’expliquions dans un article ce jour —, dont on trouve trace ici sur Internet en 2012, a bien été prise en Amazonie, mais par Loren McIntyre, un photographe décédé en 2003. Elle date donc d’au moins 16 ans.

Comme nous l’expliquions dans notre article sur le sujet, les vraies images des incendies actuels étaient jusqu’à récemment peu nombreuses. Expliquant que de nombreux internautes tombent dans le piège. Jusqu’à l’Elysée, donc.

Cédric Mathiot

23 août 2019

ANALYSE - Boris Johnson tourne à vide vers le «hard Brexit»

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Lors de la rencontre avec le Premier ministre, Boris Johnson, jeudi à Paris, le président Macron est resté ferme concernant les négociations sur le Brexit. Photo Albert Facelly 

Le Premier ministre britannique, reçu jeudi à Paris par Macron, enchaîne les fins de non-recevoir plus ou moins polies de la part des dirigeants politiques européens. Malgré les négociations, chacun semble se préparer à la perspective du «no deal».

  Boris Johnson tourne à vide vers le «hard Brexit»

Les chances d’un «hard Brexit», une sortie de l’Union européenne sans accord, «sont de l’ordre d’un pour un million», prophétisait le 29 juin un Boris Johnson alors encore candidat à la direction du Parti conservateur. Le «no deal» semble pourtant de plus en plus proche. «Tous les éléments objectifs sont là, note Aurélien Antoine, professeur de droit public à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne et directeur de l’Observatoire du Brexit. Les reports de la date de sortie, l’arrivée au pouvoir de Boris Johnson, le recrutement de douaniers en France, le rappel des fonctionnaires britanniques de Bruxelles : d’un côté comme de l’autre, on s’y est préparé.»

A deux jours du G7 auquel il doit participer, le Premier ministre britannique a rencontré jeudi le président français à Paris. La veille, il s’était entretenu avec Angela Merkel, laquelle avait laissé entrevoir une possible négociation d’un nouvel accord «dans les trente prochains jours». Face à Emmanuel Macron, le nouveau locataire du 10, Downing Street a une nouvelle fois tenté d’imposer sa vision du Royaume-Uni et du Brexit, martelée à outrance sur Twitter : «Nous allons quitter l’UE le 31 octobre et faire de ce pays le meilleur au monde pour y vivre», assénait-il encore mercredi sur le réseau social.

«Marge de manœuvre»

«Je veux un accord. Je pense que nous pouvons avoir un accord et un bon accord», a répété Boris Johnson jeudi en s’adressant à Emmanuel Macron. Lequel, malgré un ton plus conciliant, est resté droit dans ses bottes. S’il affirme croire à la possibilité «de trouver quelque chose d’intelligent», le président français s’était la veille montré très clair : «La renégociation dans les termes proposés par les Britanniques n’est pas une option qui existe. Et cela a toujours été affirmé très clairement par [le négociateur de l’UE, Michel Barnier].» Dans les faits, Johnson ne dispose «d’aucune marge de manœuvre par rapport à la ligne qu’il s’est fixée», dit Aurélien Antoine. A dix semaines de la date butoir, chacun est campé sur ses positions, loin des grands «compromis» qu’espérait Boris Johnson.

Les discussions entre Bruxelles et Londres semblent actuellement dans l’impasse, tant les deux conceptions du Brexit s’opposent. La principale pierre d’achoppement demeure le backstop : ce filet de sécurité défendu par la Commission européenne prévoit que le Royaume-Uni tout entier reste dans un «territoire douanier unique» avec l’UE. Objectif : éviter le retour d’une frontière physique entre l’Eire et l’Irlande du Nord, afin de préserver les accords de paix de 1998. Le mécanisme est prévu dans l’accord conclu en novembre 2018 avec l’UE par la prédécesseure de Johnson, Theresa May. Or ce fameux accord a déjà essuyé trois rejets par le Parlement britannique.

«L’Union européenne a longuement négocié avec le Royaume-Uni pour obtenir un accord de retrait, a martelé jeudi Emmanuel Macron aux côtés du Premier ministre britannique. Les éléments clés de celui-ci, comme le backstop, sont des garanties indispensables à la préservation de la stabilité en Irlande et l’intégrité du marché unique.»

«Fausse offre»

Farouchement opposé au backstop, Johnson a affirmé qu’il y avait «des solutions techniques aisément disponibles» pour résoudre l’épineuse question irlandaise, sans en démontrer la faisabilité. «Depuis qu’il est arrivé au pouvoir en juillet, Boris Johnson prétend être prêt à négocier, explique Pauline Schnapper, coauteure d’Où va le Royaume-Uni ? Le Brexit et après et professeure de civilisation britannique à l’université Sorbonne-Nouvelle. Mais en pratique, ce n’est qu’une fausse offre de négociation. Il souhaite que l’idée du backstop soit abandonnée, ce qui est inconcevable pour les Européens : il n’y a tout simplement pas de solution pour le remplacer. C’est un véritable dialogue de sourds.»

Dans une missive publique adressée mardi au président du Conseil européen, Donald Tusk, le Premier ministre britannique jugeait le backstop «antidémocratique». Défenseur depuis toujours d’un Brexit à tout prix, Boris Johnson y voit une potentielle perte de souveraineté du Royaume-Uni qui obligerait le pays, une fois le divorce prononcé, à se plier aux règles commerciales européennes. «Ceux qui sont contre le backstop sans proposer d’alternative réaliste soutiennent en réalité le rétablissement d’une frontière. Même s’ils ne l’admettent pas», lui a rétorqué Tusk.

Les deux hommes doivent d’ailleurs évoquer le sujet dimanche à Biarritz, à l’issue du G7. Un sommet où Boris Johnson est aussi vivement attendu par le président américain, avec qui il doit négocier un futur accord de libre-échange. Et ce à l’aune d’un hard Brexit qui se profile et dont Donald Trump est un fervent partisan, mais qui plongerait le Royaume-Uni dans une situation économique difficile pendant des mois, voire des années. Valentin Cebron

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23 août 2019

A Biarritz, avant le G7 : « On a le sentiment de vivre au cœur de l’été avec une fréquentation d’automne »

G7

Par Michel Garicoïx, Bayonne, correspondant, Raphaëlle Bacqué, Biarritz, Pyrénées-Atlantiques, envoyée spéciale

La ville a été divisée en trois zones, selon les niveaux de sécurité. Les commerçants oscillent entre l’irritation devant la perte de chiffre d’affaires et l’espoir d’une promotion de leur ville dans le monde.

Un peu avant minuit, jeudi 22 août, des dizaines de policiers ont tiré des barrières métalliques à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques). Un drôle de ballet sonore pendant que, dans la pénombre, les riverains retiraient leurs voitures et que les derniers touristes quittaient le bord de mer. En moins d’une heure, la grande plage, le casino et l’hôtel du Palais voulu par Napoléon III pour Eugénie, le long de l’océan, ont été séparés du reste du monde. Et la ville s’est réveillée ainsi divisée, à la veille du G7 qui doit accueillir ce week-end sur la côte basque les dirigeants des pays les plus riches.

« Désormais, il existe deux Biarritz et même trois », explique patiemment un hôtelier à des Anglais qui ne savent plus très bien s’il est excitant d’être au cœur d’un événement mondial ou rageant de voir ses vacances compliquées par les mesures exceptionnelles de sécurité. Trois Biarritz sur quelques kilomètres carrés.

Une sorte de Fort Knox

D’abord, la ville habituelle, délestée toutefois d’une bonne part de ses vacanciers et dont une partie des voies d’accès sont désormais bloquées par des camions de CRS. Ensuite, ce bout de cité en « deuxième ligne », comme disent les agents immobiliers, où seuls peuvent entrer les résidents et les clients des hôtels. Dans cette zone au centre de Biarritz où le moindre passant doit être muni d’un badge, « on a le sentiment de vivre au cœur de l’été mais avec une fréquentation d’automne », murmure un commerçant. Les terrasses sont à moitié pleines. Les restaurants, où d’habitude on se bouscule, sont tranquilles comme lors d’une semaine de Toussaint. Les rues ne connaissent plus la plaie des embouteillages, d’ailleurs les voitures ont quasi disparu. C’est délicieux pour celui qui flâne sans devoir ni travailler ni se déplacer.

Et puis, à mesure qu’on approche de l’Atlantique, se dessine la « zone 1 », cette langue bouclée par des policiers et des militaires et hachurée de rouge sur les plans de la ville distribués depuis dix jours par la mairie. Là, se croisent devant le casino et le Palace où logeront les chefs d’Etat – Donald Trump excepté –, les délégations des pays du G7 et celles venues d’Inde, d’Australie ou d’Afrique, dont les dirigeants n’entreront en piste que dimanche, conviés en deuxième partie de sommet par le club des pays riches qu’accueille la France.

C’est évidemment le lieu le plus spectaculaire du moment. Une sorte de Fort Knox léché par les vagues scintillantes de l’océan. Dès jeudi après-midi, alors que le front de mer était encore ouvert au public, on y a vu arriver des files de monospaces noires. En sont descendus des centaines de diplomates et technocrates en costumes/cravates sombres, troupeau saugrenu croisant celui des surfeurs – peau bronzée et musculature impeccable – qui remontaient de la grande plage de Biarritz en tenant sous le bras leur planche.

Les boutiques font grise mine

Maintenant que les surfeurs ont été priés d’aller surfer ailleurs, il n’y aura plus jusqu’à lundi, devant le magnifique océan, que ces hommes en noir, et aussi quelque 2 000 journalistes venus du monde entier, dont beaucoup traînent d’énormes appareils photo avec zoom ou de grosses caméras. Les bateaux n’ont plus le droit de mouiller au large de la zone jusqu’à mardi. Sur les toits des immeubles, des soldats équipés de mitraillettes veillent, comme les hélicoptères et les drones qui passent dans le ciel.

Evidemment, la transformation en bunker de cette charmante cité balnéaire de 25 000 habitants, dont un sur deux est retraité, ne va pas sans tiraillement. Les boutiques de luxe sur l’avenue de l’Impératrice, séparées de la route où passeront les chefs d’Etat par une palissade noire, ont été engagées par la mairie à rester ouvertes mais font grise mine.

En voyant ces milliers de policiers, venus souvent de toute la France, déployés dans la ville, la plupart des habitants et des commerçants ont certes cessé d’avoir peur des manifestants et des éventuels casseurs dont chacun parle depuis des mois. Mais rue Gambetta, une partie des commerçants, constatant la fuite des touristes, ont choisi de tirer le rideau pendant quatre jours. « D’habitude, je fais soixante couverts, là j’en ai fait à peine quinze », constatait dès jeudi soir le patron du Bistrot de Biarritz, Jérôme Mathelié-Quintet. Portée par son enthousiasme, la mairie avait projeté un moment de distribuer aux commerces un autocollant « J’aime mon G7 ». Des âmes lucides ont glissé « point trop n’en faut » et l’hôtel de ville a fini par renoncer à l’opération.

« Une aubaine pour la marque Biarritz-Pays basque »

« Bien sûr, nous avons des parkings fermés, des contrôles, moins de bus. Mais ce sommet est une aubaine pour cette destination internationale, pour la marque Biarritz-Pays basque, et donc pour tout notre territoire, juge cependant Serge Istèque, président de l’Office de commerce et de l’artisanat. Aux Espagnols, Allemands ou Anglais habitués, peuvent s’ajouter des Américains ou des Canadiens jusqu’alors peu présents. Notre renommée va ainsi les toucher, maintenant et à l’avenir. »

Le tourisme représente 15 000 emplois directs dans la cité, et même si la fin du mois d’août est « gâchée » par le G7, la publicité qui en résultera, espère la mairie, est un atout : « J’ai mes opinions sur Trump ou le respect des droits de l’homme, mais ne nous privons pas de cette résonance et de ces journalistes qui vont être nos ambassadeurs », rappelle ce commerçant du quartier des Halles.

Et puis, le G7 a ses avantages. C’est en prévision de l’évènement que les travaux de rénovation de l’aéroport comme ceux de l’hôtel du Palais ont été accélérés. Le 22 août, alors que la ville se hérissait peu à peu de barrières, la ministre des transports et de la transition écologique, Elisabeth Borne, est venue essayer le Tram’Bus de l’agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz.

En face de la mairie et en plein soleil, elle a pu profiter d’un « essai » de ce véhicule articulé à traction totalement électrique. Fabriqué par le constructeur basque Irizar, il équipera dès le 2 septembre une première ligne nord-sud de Tarnos à Biarritz, ce qui devrait alléger la circulation dans une région où la voiture est reine (à Biarritz, les transports en commun ne réalisent que 4 % des déplacements).

Une toute jeune entreprise, Pragma Industries, a elle aussi profité du G7 pour fournir les quelque deux cents vélos électriques avec piles à hydrogène qu’Engie a loué pour les journalistes accrédités pour le sommet.

Le maire de Biarritz, Michel Veunac (MoDem), 73 ans, ancien psychosociologue spécialisé dans la communication, qui se vante d’être un ami du chef de l’Etat et de François Bayrou, entend bien, en tout cas, faire du G7 un tremplin. Depuis un an qu’il travaille avec services de renseignement, policiers, diplomates et le préfet des Pyrénées-Atlantiques pour préparer l’évènement, il ne veut pas que les mécontentements et, pire encore, les manifestants gâchent ce G7 imaginé à Biarritz lors d’un dîner à l’Elysée en février 2018.

Prudent, il a reporté sa décision de se représenter ou pas à la mairie à la fin septembre, « après le sommet ». Menacé par l’éventuelle candidature du ministre de l’agriculture d’Emmanuel Macron, Didier Guillaume, il s’imagine déjà porté si le G7 est bien le succès qu’il espère. Il ne pourra cependant vraiment souffler qu’après dimanche, où des manifestations sont attendues à Bayonne et autour de sa ville.

Michel Garicoïx (Bayonne, correspondant) et Raphaëlle Bacqué (Biarritz, envoyée spéciale)

23 août 2019

Marisa Papen

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23 août 2019

Tribune - Jean-Philippe Béja : « Le sort de Hongkong concerne tous les pays du monde »

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Par Jean-Philippe Béja, Directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de la vie politique en Chine et à Hongkong

Dans une tribune au « Monde », le sinologue appelle les dirigeants réunis au G7 à faire preuve de courage en soutenant le mouvement de contestation dans l’ancienne colonie britannique.

Du 24 au 26 août, les chefs d’Etat et de gouvernement du G7 se réuniront à Biarritz. Ils discuteront des grands problèmes économiques, militaires et politiques du moment. Mais auront-ils une minute pour parler du combat que mène depuis deux mois la population de Hongkong pour défendre son identité ? A en juger par le silence assourdissant, notamment de l’Europe, qui accueille ces événements, cela n’est guère probable. Pourtant, le combat mené par la population de la Région administrative spéciale est un combat pour la liberté et la démocratie que les Sept sont censés défendre.

Hongkong est, de plus, l’une des principales places financières de la planète. Abritant le siège de milliers de compagnies occidentales et multinationales, elle est reconnue comme territoire douanier autonome et dispose d’une représentation autonome dans de nombreuses organisations de l’ONU. Depuis son retour dans le giron de la République populaire de Chine, en 1997, son gouvernement n’a cessé d’affirmer qu’elle est la « ville-monde d’Asie », classée chaque année comme l’une des économies les plus libres, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes puisqu’elle appartient à un pays dirigé par un parti communiste.

Son statut d’autonomie est garanti par la déclaration conjointe sino-britannique signée en 1984 et déposée aux Nations-unies. En un mot, son sort concerne tous les pays du globe. Et pourtant, aucune voix ne s’est élevée pour soutenir la lutte des Hongkongais : le 9 juin, un million de manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer pacifiquement le retrait d’une proposition de loi visant à extrader vers la Chine les « criminels » qu’elle réclame. Etant donné que les tribunaux chinois sont aux ordres du pouvoir de Pékin, ce projet a été considéré comme signifiant la fin de l’autonomie de Hongkong.

« Germes de terrorisme »

L’indépendance du pouvoir judiciaire, promise par la déclaration conjointe, est en effet le fondement des libertés qui y règnent. Malgré cette mobilisation extraordinaire, la chef de l’exécutif nommée par Pékin n’a pas retiré son projet. Ce n’est qu’à la suite de l’occupation du Legco, le parlement local, par des manifestants, qu’elle a décidé de le suspendre. Une nouvelle manifestation a rassemblé 2 millions de personnes (sur une population de 7,5 millions) qui ont réaffirmé leur demande de retrait du projet ainsi que la création d’une commission d’enquête indépendante sur les violences policières.

Depuis, des manifestations regroupant plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont déroulées tous les week-ends, émaillées de violences surtout commises par la police. Aucune vitrine n’a été brisée, aucun pillage n’est à déplorer. Aujourd’hui, outre les deux revendications ci-dessus, les manifestants réclament les élections au suffrage universel du chef de l’exécutif et du parlement local, qui avaient été promises par la Chine.

Les autorités ont dénoncé les « violences des éléments radicalisés », le gouvernement chinois, par la voix de son responsable du bureau des affaires de Hongkong et Macao a, dans une conférence de presse sans précédent depuis 1997, dénoncé des « germes de terrorisme », et a demandé à la police et aux tribunaux hongkongais d’arrêter et de condamner sévèrement les « auteurs de violence ». Mais, surtout, le gouvernement de Pékin et à sa suite celui de Hongkong refusent catégoriquement d’entamer des discussions avec les protestataires.

Sauvegarder les libertés fondamentales

Le pouvoir chinois a diffusé des images de la police armée populaire réprimant des manifestations violentes à la fois pour intimider les protestataires et pour tester les réactions de la communauté internationale. Les seules ont été celles de Donald Trump qui, après avoir tweeté qu’il s’agissait d’une affaire intérieure chinoise et que la Chine viendrait à bout des émeutiers sans violence, a réaffirmé sa confiance en Xi Jinping, « un homme qu’[il] aime beaucoup ». Quant à la France, elle a fait savoir que le président Macron suivait la situation. C’est un peu court…

OÙ, DANS LE MONDE ACTUEL, VOIT-ON UNE POPULATION ENTIÈRE DESCENDRE DANS LA RUE POUR RÉCLAMER LA DÉMOCRATIE SANS CRAINDRE L’ARMÉE DE LA DEUXIÈME PUISSANCE MONDIALE ?

Dimanche 18 août, plus de deux mois après la première manifestation, 1,7 million de personnes sont descendues dans la rue malgré des pluies torrentielles. Les habitants de la ville-monde se battent pour sauvegarder les libertés fondamentales que le parti communiste s’était engagé à respecter pendant au moins cinquante ans. Sans violence, sans pillage, mais sans que leur gouvernement leur réponde.

Leur détermination pourrait faire reculer un pouvoir de plus en plus arrogant qui cherche à changer les règles du jeu international. Ils demandent le soutien des démocraties du monde développé. Laissera-t-on la Chine de Xi Jinping, qui a enfermé des centaines de milliers de Ouïgours et de Kazakhs dans des camps de rééducation, qui interdit aux dissidents de choisir leur avocat, qui réprime la société civile naissante en Chine, écraser cette révolte pacifique ?

Où, dans le monde actuel, voit-on une population entière descendre dans la rue pour réclamer la démocratie sans craindre l’armée de la deuxième puissance mondiale ? Si les dirigeants du G7 se taisent devant les menaces proférées par les dirigeants de Pékin, qui osera encore se battre pour les valeurs fondamentales établies par les Lumières ? Il y a deux ans, les dirigeants du G20 se sont tus alors que le Prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiaobo, agonisait dans un hôpital-prison à Shenyang. Ceux du G7 réuni à Biarritz, au pays de la Déclaration des droits de l’homme, réitéreront-ils cette lâcheté ?

Jean-Philippe Béja est spécialiste de la vie politique en Chine et à Hongkong et directeur de recherche émérite au CNRS

23 août 2019

Le Street Artiste Obey fait le mur à Paris

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À quelques pas du Centre Pompidou, l'artiste a réalisé une nouvelle fresque monumentale dans la capitale pour fêter ses 30 ans de carrière. Il s'agit de sa 100e oeuvre.

Shepard Fairey, alias Obey, était à Paris au début de l’été pour son exposition rétrospective à la galerie Itinerrance intitulée « Facing the Giant : Three Decades of Dissent ». Le Street Artiste en a profité pour laisser une trace dans le paysage urbain du IVe arrondissement. Inaugurée au début de l’été, la fresque Knowledge + Action a été réalisée en 48 heures, place Stravinsky, sur le mur de l’Institut de recherche en acoustique musicale (Ircam), à côté du pochoir autoportrait Chuuuttt !!! de Jef Aérosol (2011). Avec sa composition et son style directement inspirés de l’Art Nouveau, cette centième œuvre de l’artiste évoque également l’église Saint-Merri attenante en intégrant un motif en frise directement emprunté aux balustrades de pierre qui animent la façade du monument. Deux phrases, aux accents de devises républicaines, viennent également enrichir la signification de cette allégorie : « The future is unwritten » (« le futur n’est pas écrit ») et « Knowledge + Action = Power » (« le savoir et l’action font le pouvoir »). L’artiste a expliqué ces mots sur Instagram : « L’apathie et l’ignorance promeuvent un déclin du civisme, donnant de l’ampleur aux forces qui promeuvent la peur, la division et le nationalisme. Nous devons toutes et tous comprendre l’importance de nous éduquer et d’agir pour le futur ».

Obey vit et travaille à Los Angeles. Il est connu pour avoir fait le portrait Hope lors de la première campagne présidentielle de Barack Obama en 2008. En France, son œuvre la plus populaire est sa Marianne offerte à Emmanuel Macron après les attentats du Bataclan et que les Français ont pu découvrir dans le bureau présidentiel lors des traditionnels vœux le 31 décembre 2018. Son travail est exposé dans de nombreux musées internationaux, comme le Museum of Modern Art de San Francisco, l’Institute of Contemporary Art de Boston ou encore le Victoria & Albert Museum de Londres. Agathe Hakoun

23 août 2019

Je suis contre la corrida

corrida

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