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Jours tranquilles à Paris

24 septembre 2020

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24 septembre 2020

« Antoinette dans les Cévennes » : Laure Calamy en duo comique avec un âne

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La réalisatrice Caroline Vignal signe un récit d’émancipation hilarant, dissimulé sous un vaudeville en milieu rural.

Par Clarisse Fabre – Le Monde

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

C’est le grand bol d’air de la rentrée, la surprise d’une comédie populaire et décalée, à l’humour dérangeant, dont les rebondissements emmènent le spectateur bien au-delà du vaudeville annoncé. Antoinette dans les Cévennes, de Caroline Vignal, nous conte l’épopée comique et pathétique d’une femme qui part à la recherche de son amoureux dans les Cévennes, parcourant le chemin des randonneurs aux côtés d’un âne qui n’en fait qu’à sa tête.

L’homme en question est marié : Vladimir, interprété par Benjamin Lavernhe, de la Comédie-Française, tout en demi-teinte, a une liaison avec Antoinette (Laure Calamy), la maîtresse d’école de sa fille, pleine de fantaisie et prête à tout pour déclarer sa flamme. Le film s’ouvre sur la fête de fin d’année, pour laquelle l’enseignante a concocté une surprise. Sur scène, dans sa robe lamée argent, la voici qui entonne avec ses élèves un tube de Véronique Sanson, Amoureuse (1972) – « Une nuit je m’endors avec lui/Mais je sais qu’on nous l’interdit… » – les yeux plantés dans ceux de son amant, lequel ne sait plus où se mettre. Les autres parents sont sidérés, partagés entre le sourire amusé et le malaise…

Puis c’est la douche froide pour Antoinette, qui guettait le début des grandes vacances pour passer du temps avec son homme : au dernier moment, celui-ci lui annonce qu’il doit partir dans les Cévennes avec femme (Olivia Côte) et enfant. N’écoutant que son cœur, Antoinette prend un billet de train. Elle se lance sur les traces de Vladimir, à corps perdu, sur le GR70 qui relie Le Monastier-sur-Gazeille (Haute-Loire) à Saint-Jean-du-Gard, comme le fit en 1878 l’auteur écossais Robert Louis Stevenson, lui aussi à cette époque en plein chagrin d’amour – il en tira l’ouvrage devenu culte, Voyage avec un âne dans les Cévennes, publié en 1879. Avec son âne prénommé Patrick, Antoinette va former un « couple » explosif et hilarant. La réalisatrice et scénariste Caroline Vignal, qui signe avec Antoinette… son deuxième long-métrage, ne pouvait rêver meilleure actrice que Laure Calamy pour incarner une clown au charme irrésistible.

Le film tire sur les ressorts comiques jusqu’au point de rupture, envoyant son héroïne en zone périlleuse avant de la récupérer sur le terrain plus connu du burlesque, où Laure Calamy n’a plus à prouver qu’elle excelle. A 45 ans, la comédienne tient enfin son premier grand rôle au cinéma, la subtilité du récit lui permettant de travailler le registre tragi-comique à la manière de Michel Serrault dans La Cage aux folles (1978) – un acteur que Laure Calamy aime citer.

Parcours intérieur

L’arrivée au gîte dans les Cévennes donne le ton. A la grande table où les marcheurs partagent leurs repas et font connaissance sans chichis, Antoinette se retrouve assez vite « obligée » de déballer sa vie. Que vient-elle faire ici, est-elle seule, rejoint-elle un ami ?, cherche à savoir la douce et curieuse Claire, incarnée par Marie Rivière – l’héroïne du Rayon vert (1986), d’Eric Rohmer, film fétiche de Caroline Vignal. Savoureux, le petit jeu de questions-réponses installe Antoinette comme un personnage à part. La Parisienne rigolote et sexy devient l’attraction : les uns la regardent avec sévérité ou commisération, d’autres l’envient et admirent son courage. Car elle est bien la seule à s’aventurer avec un âne, et d’ailleurs elle ne sait pas ce qui l’attend.

La réalisatrice elle-même a fait le « chemin de Stevenson », s’inspirant de ses rencontres pour nourrir le scénario

Cette attention à la psychologie n’est pas un détail pour la cinéaste, qui s’intéresse davantage au parcours intérieur de son personnage qu’à sa passion dévorante – la réalisatrice elle-même a fait le « chemin de Stevenson », s’inspirant de ses rencontres pour nourrir le scénario. Démarrant son périple avec Patrick, cherchant Vladimir comme une aiguille dans une botte de foin, Antoinette met ses nerfs à rude épreuve et se trouve démunie face à cet animal qui lui résiste. C’est une mine de gags, à jet continu, jusqu’à ce qu’Antoinette apprivoise l’âne. Pour qu’il consente à avancer, elle doit lui parler, tout le temps, sans s’arrêter.

L’âne Patrick devient l’alter ego d’Antoinette (Laure Calamy), elle finit par lui parler.

Deux ânes ont été utilisés pour le tournage, l’un nerveux pour les scènes de pétage de plomb, l’autre plus doux, faisant office de confident, voire de « psych-âne-alyste ». Il faut voir Laure Calamy raconter à Patrick ses déboires amoureux, ses désirs, ou laisser exploser devant lui sa colère. A force de déambuler dans ses pensées, Antoinette finit par se perdre et passe la nuit à la belle étoile. Deviendrait-elle une femme des forêts, autosuffisante ? Ou bien est-elle Blanche-Neige se réveillant entourée de gentils animaux, un lapin, une biche, etc. ?

Citadins en mal de nature

Le film amorce plusieurs pistes, et surtout évacue celle du prince charmant. Le sort des amants est scellé au milieu du film. Car ils finissent bien sûr par se croiser. Alors que se profile un suspense de théâtre de boulevard, le gîte rural en guise d’appartement bourgeois, Caroline Vignal bascule sur un autre registre, plus féroce, lors d’un plan-séquence décisif durant lequel Eléonore, la femme trompée, vient marcher au côté d’Antoinette. Sans rien dévoiler, disons simplement qu’Eléonore trouve les mots pour éloigner cette maîtresse encombrante de son mari. Le tout avec le sourire et la bonne humeur, sans jamais paraître pour une victime – Olivia Côte est magistrale.

Avec ses montagnes un peu trop colorisées, « Antoinette dans les Cévennes » est une peinture grinçante de la néo-ruralité, nouvel eldorado avec son côté attrape-touristes

Dès lors, dans sa deuxième partie, le film s’installe plus profondément dans le territoire, dans sa beauté farouche et sauvage, confrontant son héroïne à des personnages dits secondaires et néanmoins déterminants : le couple de patrons de l’auberge qui jamais ne jugera Antoinette, une femme médecin à cheval qui viendra à son secours, une grappe de motards qui fera une escale dans sa vie… Avec ses montagnes un peu trop colorisées, Antoinette dans les Cévennes est aussi une peinture grinçante de la néo-ruralité, nouvel eldorado avec son côté attrape-touristes, ses tarifs pour citadins en mal de nature, dont certains sont capables de traiter un âne comme une voiture de location. On l’utilise pour une semaine et, quand on a fini avec lui – et qu’on l’a copieusement engueulé, voire gratifié de quelques coups de bâton –, on le laisse attaché à sa corde, dans l’attente de son prochain client.

Antoinette est différente, elle est un trésor d’humanité. Patrick devient son alter ego, elle finit par lui parler avec autant de douceur que le personnage de Marie (Anne Wiazemsky) s’adressant à un autre âne illustre de l’histoire du cinéma, Balthazar, dans Au hasard Balthazar (1966), de Robert Bresson. Quand arrive la fin du parcours, le moment où elle récupère sa valise à roulettes pour reprendre le train, Antoinette fait une pirouette, un non-choix, laissant ouverte l’issue du film, que l’on peut imaginer conventionnelle ou joyeusement sauvage.

24 septembre 2020

«ANOTHER SUNSET» UNE NOUVELLE HISTOIRE VISUELLE DE «MICHAL KOLACZKOWSKI» {NSFW / ÉDITORIAL EXCLUSIF}

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Le photographe Michal Kolaczkowski  et le mannequin Zuzia se sont associés pour l' éditorial exclusif du NAKID d' aujourd'hui intitulé « Another Sunset ».

«Juste un autre coucher de soleil. Les derniers rayons du soleil, entrant dans la pièce à travers les arbres, dansaient sur son beau corps nu. Il lui manquait tellement… »- Michal KOLACZKOWSKI

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24 septembre 2020

Nécrologie - La chanteuse Juliette Gréco est morte

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Par Véronique Mortaigne - Le Monde

Chanteuse et actrice, Juliette Gréco est morte le 23 septembre, à Ramatuelle (Var), à 93 ans. Elle fut la muse du Saint-Germain-des-Prés de l’après-guerre et l’interprète inoubliable de Brel, Gainsbourg, Vian, Roda-Gil, Miossec ou Biolay…

Qu’avons-nous donc tant aimé chez Gréco pour que sa disparition nous atteigne autant ? Sa voix, son élégance, sa force et ses mains, sûrement, qui volaient, virevoltaient ! Juliette enfant s’était-elle peut-être ainsi rêvée, longue et forte dans un fourreau noir, les mains aériennes, habillant J’arrive (Jacques Brel/Gérard Jouannest) d’une aura de peines lumineuses et de déclarations d’injustice – la mort, suprême incompréhension. S’était-elle vue badinant sur un texte hallucinatoire d’Etienne Roda-Gil mis en musique par le Brésilien Caetano Veloso, Mickey travaille, ou sur Jolie môme, de Léo Ferré ? Avait-elle imaginé incarner à ce point, dans le monde entier, une France résistante et cultivée ?

Nous aimions Gréco avec tous ses « défauts », ses trous de mémoire, son trac et son art : « Cette femme est faillible, et faillible par courage, alors qu’il serait si simple de figer pour toujours son interprétation de Paris Canaille et de repasser chaque soir sur ses marques », a écrit le critique Bertrand Dicale dans une biographie très justement intitulée Juliette Gréco, Les Vies d’une chanteuse (éd. Jean-Claude Lattès, 2001).

Les intenses appétits et la curiosité insondable de cette interprète identifiée à la liberté française lui ont à jamais laissé sa place de muse de Saint-Germain-des-Prés, mythe de la modernité, de la liberté de l’après-guerre toujours planétairement vivace. « Gréco rose noire des préaux. De l’école des enfants pas sages », selon le poète Raymond Queneau.

« La Gréco », est morte le 23 septembre, à Ramatuelle (Var). Elle était âgée de 93 ans. Juliette Gréco disait, en 2008 : « Pour résister à l’approche de la fin, il faut aimer ce qu’on fait, à la folie, aimer son métier comme je l’aime moi, c’est-à-dire de façon démesurée, hors normes, en allant chanter aussi dans des petites salles de banlieue en matinée et savourer qu’un jeune homme ait dit à la fin du tour de chant : “Elle est bonne, hein, Gréco !” »

Rapports chaotiques avec sa mère

Les vies de Juliette Gréco avaient commencé le 7 février 1927 à Montpellier (Hérault). Enfant solitaire et taciturne, elle vit des rapports chaotiques avec sa mère. Le père, Corse et commissaire de police, est parti. Leur première fille s’appelle Charlotte, comme la grand-mère maternelle, la seconde, Juliette, comme sa mère. « Quelle imagination ! », commente Juliette (la fille) à propos de Juliette (la mère). Femme de gauche, anticonformiste viscérale, elle est l’« amie de cœur » du critique d’art Elie Faure, puis la compagne d’Antoinette Soulas, elle-même mère de deux enfants.

Un temps installées rue de Seine à Paris avec leur mère, les deux enfants sont ensuite confiées à leur grand-père. « J’ai un vieux fond révolutionnaire solide, constant, confiait la chanteuse. Mon grand-père Jules était compagnon, donc sans doute franc-maçon. Il portait des bottines, et j’adorais les lui délacer le soir. Il mettait sa main sur ma tête, comme cela [elle fait le geste], légèrement. C’était un homme de bien, architecte à Bordeaux. Il pensait encore qu’un ouvrier était une personne d’importance, ce que l’on apprend dans la magnifique école du compagnonnage… J’ai toujours entendu des propos républicains dans mon enfance. Mais, à l’âge de 3 ans, j’ai assisté à une scène terrible, ahurissante : ma grand-mère a mis à la porte une domestique, et avant qu’elle quitte son service, déjà avec sa robe de voyage, sa valise, elle lui a fait laver les marches du perron, et j’ai été complètement révoltée. »

Revenues dans la capitale à la mort de Jules, les deux filles sont placées dans une pension catholique rigoureuse. Juliette voudrait devenir danseuse. Elle est petit rat à l’Opéra de Paris quand éclate la seconde guerre mondiale. La famille Gréco se réfugie en Dordogne, où la mère entre en résistance. Elle est arrêtée en 1943, ses deux filles s’enfuient avant d’être reprises par la police française à Paris. La mère et Charlotte sont déportées. Juliette est emmenée à la prison de Fresnes où elle passe trois semaines avant d’être relâchée, sauvée par son jeune âge (16 ans).

« Ma mère et ma sœur étaient en route vers Ravensbrück. Je suis sortie de prison et je me suis retrouvée à Saint-Germain-des-Prés, sur la petite place, à côté de la pension de famille où j’étais installée – il y avait l’actrice Hélène Duc, Pierre Riche, un comédien masqué, une dame spécialiste de la lèpre, un monsieur toujours en costume et cravate qui habitait dans un réduit sous l’escalier. Alors je me suis mise à chanter Over the Rainbow, parce que la musique américaine était alors interdite », confiait-elle au Monde lors de la parution de son album de reprises, enregistré à New York après la mort de l’un de ses principaux arrangeurs, François Rauber en 2003.

La jeune Juliette veut devenir actrice. Béatrix Dussane, puis Solange Sicard, lui enseigne les rudiments de l’art dramatique. Elle joue pour la première fois au Théâtre français, un rôle de figuration dans Le Soulier de satin, de Paul Claudel. Sans le sou, elle commence son exploration de la vie de bohème du quartier Rive gauche de Saint-Germain-des-Prés, flirte un moment avec les jeunesses communistes. En mai 1945, Juliette retrouve sa mère et sa sœur rescapées de Ravensbrück, puis du camp de Holleischen, près de la frontière tchécoslovaque. « Sans paraître la voir, sa mère lui demande : “Où est Antoinette ?” », se souvient Juliette Gréco dans Jujube (Stock), son autobiographie écrite à la troisième personne en 1982 : « Elle ne veut que la personne qu’elle aime. Elle ne pense qu’à elle. Pas un mot pour la petite idiote. Jujube [son surnom] commence à mourir. » La mère de Juliette Gréco s’engage illico dans la marine, part pour l’Indochine, laissant ses filles derrière elle.

Refaire son éducation

Gréco entreprend de refaire son éducation dans les bistrots de Saint-Germain. C’est au bar du Montana qu’elle croise pour la première fois Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, à la Rhumerie martiniquaise qu’elle discute avec Albert Camus, et au bar du Pont-Royal, avec Maurice Merleau-Ponty. Elle partage une chambre d’hôtel avec Charlotte, vivant des mandats expédiés par sa mère, qui cesseront de lui parvenir quand sa sœur se marie.

Elle collabore avec Jean Tardieu, qui présente une émission de radio consacrée à la poésie, tard dans la nuit. Elle s’essaie aux petits boulots, on lui refuse les travaux de ménage, elle s’installe dans un hôtel de la rue de Seine, La Louisiane, et rencontre le metteur en scène Michel de Ré, qui lui offre un rôle dans la pièce de Roger Vitrac, Victor ou les enfants au pouvoir (âgée de 19 ans, elle tient le rôle d’une mère de 30 ans).

Il y a cette très jolie photo, un peu floue, prise au Vieux-Colombier, à Saint-Germain-des-Prés. Nous sommes en 1948. Le Duke (Ellington) fait son entrée dans la cave voûtée ; Boris Vian est dans l’encoignure de la porte ; l’égérie du cabaret le Tabou, Anne-Marie Cazalis, l’amie, « la sœur jumelle, blonde et rieuse », rencontrée au Bal nègre de la rue Blomet, épaule nue, ose un geste de salut. Entre les deux, une jeunesse au sourire fin pose la main sur le bras du prince du jazz. C’est Gréco, costume croisé, cravate à carreaux, cheveux plaqués en arrière, avec son « pantalon chéri », dessiné par Christian Bérard, un tissu écossais avec le bas bordé de fourrure. « A l’époque, je ne connaissais pas le vison, Bébé m’a dit : “Tu apprendras vite.” »

Mais c’est une autre photographie qui la rend célèbre, publiée le 3 mai 1947 en une de l’hebdomadaire Samedi-Soir : on voit la nouvelle égérie du Tabou discutant avec Roger Vadim à l’entrée du cabaret. L’article explique comment vivent les « troglodytes » de Saint-Germain et développe le concept d’existentialisme : « Le mot est lâché, et comme un animal sauvage commence sa course folle à la recherche de sa véritable identité », écrit-elle dans Jujube. Puis, c’est au tour de l’hebdomadaire Dimanche-Soir de livrer aux lecteurs une photo, où Gréco apparaît allongée aux côtés d’Annabel Buffet. Petit parfum de scandale, magnétisme personnel, amitiés solides : l’idée de la rébellion et de la liberté des mœurs selon Gréco est lancée.

Après les années travail-famille-patrie, après les horreurs de la guerre, la jeune génération veut désobéir. « Je me demandais ce qu’était un existentialiste, raconte le compositeur brésilien Caetano Veloso. Un ami m’a dit : un philosophe parisien qui fait tout, mais absolument tout ce qu’il veut. J’étais fasciné. »

« J’AI CONNU JEAN-PAUL SARTRE ET SIMONE DE BEAUVOIR, J’ÉTAIS JEUNE ET CONNE, MAIS TERRIBLEMENT ATTENTIVE ET COMBLÉE. ILS ME VOYAIENT COMME UN ENFANT INTÉRESSANT, UNE JEUNE FILLE BIZARRE, FORT PEU SOCIABLE »

« J’ai passé ma vie à poser des questions. Ma mère n’y répondait pas. Comme elle vivait dans la différence, elle n’assumait rien, surtout pas ses enfants, surtout pas moi. J’ai commencé à vivre le jour où, dans un café du pont Royal, un homme, un client comme moi, qui sans doute me trouvait jolie, intéressante, désirable peut-être, m’a répondu. La porte du paradis s’est entrouverte tout à coup… J’avais trouvé une sorte de père, en tout cas un être humain à réponse. [L’homme était le philosophe Maurice Merleau-Ponty. La question était : “Qu’est-ce que l’existentialisme ?”] Ma sœur m’avait parlé de Sartre, et j’étais intriguée. “L’homme doit faire et faisant ce faire n’être que ce qu’il se fait”. Ça, ça m’intéressait, puisque j’en étais là : il fallait que je me fasse… Puis j’ai connu Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, j’étais jeune et conne, mais terriblement attentive et comblée. Ils me voyaient comme un enfant intéressant, une jeune fille bizarre, fort peu sociable. »

Personnages mythiques

Dans la vie de Juliette Gréco croisent tant de personnages mythiques qu’il est impossible d’en faire le tri : Maurice Merleau-Ponty, Jean-Paul Sartre, Françoise Sagan ; Jean-Pierre Wimille, pilote de course, premier amour fou de Juliette, mort sur le circuit de Palermo en Argentine en 1949 ; Miles Davis, rencontré à Paris – il a 23 ans, elle en a 22, ils s’aimeront longtemps ; Philippe Lemaire, le bel acteur, mari de Juliette pour un temps et père de son unique fille, Laurence-Marie, née en mars 1954 ; Darryl Zanuck, le producteur de cinéma qui voulait la séduire ; Irmeli Jung, photographe d’origine finnoise, la fidèle, l’admiratrice passionnée ; Michel Piccoli, le deuxième mari ; le compositeur et pianiste Gérard Jouannest, qui, dès la fin de la carrière de Jacques Brel, dont il était l’accompagnateur, et le compositeur, travaille avec elle, puis l’épouse.

Mais Gréco ne se contentera jamais de n’être qu’une personnalité. En 1949, un de ses amis, Marc Doelnitz, décide de rouvrir le célèbre cabaret Le Bœuf sur le toit, créé en 1921 et repaire de Jean Cocteau. Anne-Marie Cazalis et Marc Doelnitz parviennent à la convaincre d’y chanter. Mais elle ne sait pas quoi. Sartre lui soumet plusieurs poèmes, parmi lesquels elle choisit Si tu t’imagines, de Raymond Queneau, et L’Eternel féminin, de Jules Laforgue. Sartre lui offre La Rue des Blancs-Manteaux, écrit pour Huis clos, mais jamais utilisé. Il lui présente son ami le compositeur Joseph Kosma.

Cinq jours plus tard, Juliette Gréco fait ses débuts officiels devant un public de choix (Sartre, Beauvoir, Cocteau, Camus, Marlon Brando). Elle ajoute ensuite à son jeune répertoire La Fourmi, de Robert Desnos, et Les Feuilles mortes, de Prévert (musiques de Kosma). Après un été passé à peaufiner son image sur la Côte d’Azur, elle est invitée à chanter à la Rose rouge, cabaret célèbre tenu par Nico Papatakis et où se produisent les Frères Jacques ou Marcel Marceau.

Son succès l’amène au Brésil pour trois mois, invitée par l’Office culturel français. Gréco se bâtit une stature d’artiste culte. En 1951, elle enregistre son premier album, où figure Je suis comme je suis, une de ses chansons fétiches (Prévert/Kosma). En 1954, elle reçoit le Grand prix de la Sacem pour Je hais les dimanches, une chanson de Charles Aznavour. A cette époque, l’existentialisme est en train de perdre son aura sulfureuse. En 1952, elle a débuté à New York dans la revue April in Paris donnée au Waldorf Astoria. Puis commence une longue tournée en France, en vedette américaine de Robert Lamoureux. En 1954, elle est à l’Olympia.

Vrai rôle au cinéma

Tandis qu’elle chante, Juliette Gréco fait aussi du cinéma. On la voit en 1949 dans Orphée, de Jean Cocteau, dans Au royaume des cieux, de Julien Duvivier, dans Sans laisser d’adresse, de Jean-Paul Le Chanois. Mais elle obtient son premier vrai rôle dans un film de Jean-Pierre Melville, Quand tu liras cette lettre, en 1954, aux côtés de l’acteur Philippe Lemaire, qu’elle épouse quelque temps plus tard avant d’en divorcer en 1956. Elle tourne Elena et les hommes, de Jean Renoir, avec Ingrid Bergman et Jean Marais (1955), puis La Châtelaine du Liban, de Richard Pottier (1956), et L’Homme et l’enfant, de Raoul André (1956), fait du théâtre (Anastasia, de Marcelle Maurette, 1955), chante à la Villa d’Este.

Repartie à New York pour une nouvelle saison d’April in Paris, elle y triomphe en interprétant Prévert et Kosma, mais aussi Françoise Sagan (Le Jour, Sans vous aimer), Francis Blanche, Charles Trenet. Alors que Guy Béart lui compose des chansons, elle tourne aux côtés d’Ava Gardner Le Soleil se lève aussi, d’Henry King (1957), produit par Darryl Zanuck, pilier du cinéma hollywoodien, qui veut en faire une star en lui offrant des rôles dans des films de qualité très inégales, dont Les Racines du ciel, de John Huston, en 1958, et Drame dans un miroir, de Richard Fleischer, avec Orson Welles (1960). L’aspect commercial des ambitions de celui qui est devenu son compagnon ne saurait satisfaire Juliette Gréco. La rupture est inévitable. Si on la revoit ensuite fréquemment au cinéma, notamment dans La Nuit des généraux, d’Anatole Litvak (1966), ou Lily aime-moi, de Maurice Dugowson (1975), c’est son rôle de schizophrène mystérieuse dans Belphégor, l’un des feuilletons les plus célèbres de la télévision, diffusé à partir de 1965, qui fera d’elle une vedette populaire.

Un an après une tentative de suicide, en septembre 1965, elle épouse l’acteur Michel Piccoli. Elle renouvelle son répertoire de chansons. Guy Béart (Il n’y a plus d’après), Gainsbourg (Accordéon, La Javanaise), Pierre Mc Orlan (Le Pont du Nord, Tendres promesses). En 1961, elle chante à Bobino, l’année suivante à l’Olympia, et triomphe en 1966 avec Brassens au TNP.

En 1968, alors que la France veut faire sa révolution, elle continue la sienne en chantant Déshabillez-moi (Nyel/Verlor). Elle bâtit alors son répertoire sur des chansons qui deviendront des classiques, signés d’auteurs-compositeurs comme Léo Ferré (Jolie Môme) ou Jacques Brel (J’arrive), et de poètes, Aragon, Desnos, Allais, Seghers, Eluard : théâtrale et somptueusement sobre, jouant des mains et du rideau rouge, silhouette pâle, frondeuse et têtue, affirmant la liberté du féminin. Juliette Gréco se trouvait moche et s’est fait rectifier le nez, trois opérations symptomatiques, selon Bertrand Dicale « du goût ou de l’absence de goût qu’elle éprouve pour son apparence physique ».

Après avoir passé plus de trente ans chez Philips, Juliette Gréco rejoint le label Barclay en 1972, alors que, cinq ans après un concert mémorable donné à Berlin avec l’Orchestre philharmonique où 60 000 fans se pressent, et d’innombrables tournées mondiales, sa carrière semble s’étouffer en France.

Après un passage chez RCA Victor, puis chez Meys en 1982, elle intègre le label Phonogram (aujourd’hui Universal Music). Revenue à la scène à l’Espace Cardin en 1983, ces années 1980, branchées, sont des années noires pour Gréco en France, tandis qu’à l’étranger on l’érige en monument de la culture française. Juliette Gréco prend du champ. En 1988, elle achète une maison à Ramatuelle, se marie avec Gérard Jouannest. Trois ans plus tard, elle revient à l’Olympia.

Itinéraire d’icône

En 1993, elle confie la réalisation de son nouvel album au parolier Etienne Roda-Gil. Gérard Jouannest, les Brésiliens Caetano Veloso et Joao Bosco, Julien Clerc, lui offrent des musiques soyeuses et perverses. Complice de la jeune génération (on l’a vue photographiée aux côtés du rappeur M.C. Solaar en couverture d’Actuel), comme en 2008 avec le slameur Abd Al Malik, Juliette Gréco reprend son itinéraire d’icône. En grande comédienne, elle triomphe en 1999 à l’Odéon, un théâtre où elle avait toujours rêvé d’entrer par la petite porte, celle du côté, celle des artistes.

« EN GRANDE COMÉDIENNE, ELLE TRIOMPHE EN 1999 À L’ODÉON, UN THÉÂTRE OÙ ELLE AVAIT TOUJOURS RÊVÉ D’ENTRER PAR LA PETITE PORTE, CELLE DU CÔTÉ, CELLE DES ARTISTES »

En 1998, Jean-Claude Carrière lui habille Un jour d’été et quelques nuits, qui contient Une Nuit, un train, en référence au fascisme « toujours aux aguets », une chanson devenue pilier de son récital, avec Le Temps des Cerises et J’arrive. En 2003, elle est servie par la jeune génération – Miossec, Benjamin Biolay – et des antimodèles (Gérard Manset) pour un album d’une très grande qualité, Aimez-vous les uns les autres… ou bien disparaissez.

Elle est en grande forme artistique, mais sa santé est faible : elle est cardiaque, est opérée d’un cancer, s’évanouit sur un quai de gare, manque de mourir dans une chambre de l’Hôtel Lutetia à Paris, et donne des récitals d’une fabuleuse énergie dans des salles de prestige (Théâtre du Châtelet, Théâtre des Champs-Elysées), comme en rase campagne. Infatigable.

Après un album enregistré à New York (Le Temps d’une chanson), elle publie, en 2009, Je me souviens de tout, entourée d’une poignée de jeunes talents (Orly Chap, Olivia Ruiz, Adrienne Pauly, Miossec et Abd Al Malik) pour l’écriture, et de Gérard Jouannest au piano et Jean-Louis Matinier, à l’accordéon ; une formule en trio qu’elle a inaugurée dans une série de concerts menés d’une voix intacte, du Théâtre du Châtelet à celui des Champs-Elysées.

En 2012, paraît Ça se traverse et C’est beau, hymne aux ponts de Paris, ceux des poètes et des jeunes gens pressés, les ponts des amoureux et des suicidés, une collection de chansons écrites par des auteurs de prestige, de Marie Nimier à Philippe Sollers, qu’elle chante aussi en duo avec Melody Gardot, Marc Lavoine ou Féfé.

Hommage à son ami Jacques Brel

En 2013, Juliette Gréco consacre un album à son ami Jacques Brel (1929-1978), douze titres drôlement arrangés par le pianiste Bruno Fontaine avec Gérard Jouannest. De Brel, elle disait alors avec son effronterie habituelle : « Le salaud ! C’est épouvantable ce qu’il dit. D’une logique, d’une lucidité, d’un dépouillement, d’une mise à nu, d’une cruauté ! J’ai compris pourquoi je l’aimais tant : à cause de cette vision sans fioriture aucune. Curieusement, Amsterdam est l’une des chansons les plus tendres – “Ils ouvrent leurs braguettes”, tant pis, youpi ! ; “Ça sent la morue jusque dans le cœur des frites”, ça va ; mais dans Ces gens-là, Le Tango funèbre, tout est abominable ! »

En 2015, elle initie, en lâcheuse sublime, une tournée intitulée « Merci », dont elle disait qu’elle serait la dernière sans qu’on la croie vraiment. Au Printemps de Bourges, où elle avait lancé « Merci », la chaleur intense régnant sur la scène l’avait mise K.-O. avant qu’elle ne puisse chanter J’arrive, une chanson de Brel qu’elle avait créée en scène en 1971, interpellation effrontée de la mort. En coulisses, après coup, elle était fumasse. Ce qui ne l’empêcha en rien de poursuivre sa route.

Le 7 février 2016, elle fêtait triomphalement son 89e anniversaire au Théâtre de la Ville à Paris, après un concert d’exception donné au Musée du Louvre devant la Victoire de Samothrace. Le 24 mars, elle est victime d’un AVC dans un hôtel à Lyon. Privée de la parole, atteinte par le décès de sa fille Laurence, et celui en mai 2018 de son époux Gérard Jouannest, Juliette Gréco lutta pour récupérer l’intense appétit de vie qui l’a animée dès l’enfance.

Qui était Gréco ? Une sorte d’animal, écrivait François Mauriac dans son Bloc-notes : « Gréco, ce beau poisson maigre et noir, n’a pas besoin de sauce pour passer. Gréco fournit elle-même les câpres ! Noire et blanche, c’est la reine de la nuit. Son personnage est composé avec une science qui ne doit rien au hasard. Qu’elle est belle ! Et peut-être était-elle laide au départ. C’est une statue d’ivoire et de jais. Même les pommettes, on dirait qu’elle les a elle-même modelées. Beaucoup de chanteuses sont interchangeables. Gréco est le chef-d’œuvre unique de Gréco. Elle ne sera jamais prise pour une autre et aucune ne pourra jamais l’imiter. »

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Juliette Gréco en quelques dates

7 février 1927 Naissance à Montpellier

1946 « Victor ou les enfants au pouvoir » (pièce de Roger Vitrac)

1951 « Je suis comme je suis » (premier album)

1954 « Quand tu liras cette lettre » (film de Jean-Pierre Melville)

1965 « Belphégor » (feuilleton télévisé)

1966 « La Nuit des généraux » (film d’Anatole Litvak)

1982 « Jujube » (autobiographie, éditions Stock)

2013 « Gréco chante Brel »

23 septembre 2020 Mort à Ramatuelle (Var)

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23 septembre 2020

Alain Delon sort de son silence pour rendre hommage à Romy Schneider

delon schneider

Romy Schneider aurait eu 82 ans ce mercredi 23 septembre. Son ancien fiancé et partenaire de jeu lui a rendu hommage dans un communiqué.

L’acteur de Plein Soleil et du Guépard, Alain Delon, qui se repose dans sa maison à Douchy (Loiret) après son accident cardio-vasculaire survenu en juin 2019, a communiqué mardi 22 septembre toute son affection pour son ancienne fiancée et partenaire de jeu Romy Schneider.

Ce message écrit transmis à nos confrères de l’AFP est simple, sobre, touchant. « Demain, Romy aurait eu 82 ans. Une étoile ne s’éteint jamais. On va t’aimer toujours. Merci. Alain Delon. »

La muse de Claude Sautet a incarné l’impératrice d’Autriche Sissi et s’était fiancée avec Alain Delon en 1959, après l’avoir rencontré sur le tournage du film Christine, de Pierre Gaspard-Huit. Leur idylle n’a duré que quatre ans, mais leur couple reste l’un des plus iconiques du cinéma.

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23 septembre 2020

Juliette Gréco (93 ans) est décédée aujourd'hui....

L'icône de la chanson française Juliette Gréco est morte à l'âge de 93 ans

Ancien petit rat de l'Opéra, Juliette Gréco tire sa révérence. La dame en noir, égérie de Saint-Germain-des-Prés après la guerre, avait inspiré les plus grands auteurs, Sartre, Queneau, Vian ou encore Gainsbourg. Elle triompha aussi au cinéma et à la télévision. Retour sur la longue carrière d'une jolie môme.

Juliette Gréco, célèbre aussi pour son interprétation de Belphégor à la télévision, est morte à l'âge de 93 ans, mercredi 23 septembre "entourée des siens dans sa tant aimée maison de Ramatuelle. Sa vie fut hors du commun", a indiqué la famille dans un texte transmis à l'AFP.

Sa tournée d’adieux entamée en 2015 s’appelait tout simplement Merci ! A 88 ans, malgré sa fatigue, Juliette Gréco avait décidé de revenir sur tous les lieux marquants de sa longue carrière démarrée en 1949. Elle voulait remercier une dernière fois ses admirateurs de lui avoir donné tant d’amour. Son mari, Gérard Jouannest l’accompagnait au piano. Elle devra renoncer à cette tournée en mars 2016, à Lyon, après un accident vasculaire cérébral. Immense interprète, la dame en noir aura chanté jusqu'à la limite de ses forces. Avec ses yeux de chat surlignés d'eye liner, sa silhouette longiligne, ses robes et ses pulls noirs moulants, Juliette Gréco avait une allure folle. Cette jolie môme, à la fois légère et grave, était aussi une femme infiniment libre.

En prison à 16 ans

Née le 7 février 1927 à Montpellier, Juliette est la fille d'un policier d'origine corse, Gérard Gréco, et d'une bordelaise, Juliette Lafeychine. Après la séparation de ses parents, elle et sa soeur aînée Charlotte seront élevées à Talence par leurs grands parents maternels. "Toutoute", son surnom, est une fillette réservée. Après la mort du grand-père en 1936, sa mère récupère ses deux filles et s'installe à Paris.

Juliette entre à l'Ecole de danse de l'Opéra, sous les toits du Palais Garnier. Quand la guerre éclate en 1939, la famille trouve refuge dans le Périgord. Engagée dans la Résistance, sa mère est arrêtée en septembre 1943 à Périgueux. Elle est déportée avec sa soeur Charlotte au camp de Ravensbrück. Juliette, qui n'a que 16 ans, échappe à la déportation mais elle est incarcérée à la prison de Fresnes.

Une femme libérée

Quand elle est libérée, elle contacte la seule personne qu'elle connaisse alors à Paris : la comédienne Hélène Duc. Cette amie de sa mère fut aussi son professeur de français à Bergerac. Elle accepte de l'héberger. Auprès de cette femme engagée qui sauva des juifs pendant la guerre, Juliette Gréco découvre l'art dramatique. Elle échoue au concours d'entrée au Conservatoire mais décroche quelques rôles de figurante à la Comédie Française. En 1945, sa mère et sa soeur reviennent de déportation. Les trois femmes repartent en Dordogne. Puis, quand leur mère s'engage dans la marine, les deux soeurs reviennent s'installer à Paris. Un Paris libéré, bouillonnant.

A Saint-Germain-des-Prés, Juliette croise de nombreux intellectuels. Les contacts sont faciles. "Je n'avais qu'à aller au bistrot, j'allais boire un café au Montana et là, je rencontrais des gens comme Raymond Queneau, comme Sartre, comme Camus, comme  Merleau-Ponty, racontait-t-elle. Et si je voulais parler peinture, il y avait des gens comme Picasso". Elle fréquente aussi des cabarets comme Le tabou et des clubs de jazz. Juliette vit de petits boulots. Intelligente et vive, elle devient l'hégérie de Saint-Germain-des-Prés.

Je Suis Comme Je Suis

En 1949, elle se produit sur la minuscule scène du cabaret Le Boeuf sur le toit avec des chansons écrites par ses amis Boris Vian, Jean-Paul Sartre ou encore Jacques Prévert. Sartre écrit le texte de Rue des Blancs-Manteaux sur une musique de Joseph Kosma. Au dos de son premier 33 tours, il écrivait "Gréco a des millions dans la gorge : des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, dont on écrira quelques-uns". Le romancier et poète Raymond Queneau lui offre Si tu t'imagines, l'un de ses premiers succès. Sa voix chaude et sensuelle envoûte le public.

Juliette Gréco, célèbre aussi pour son interprétation de Belphégor à la télévision, est morte à l'âge de 93 ans, mercredi 23 septembre "entourée des siens dans sa tant aimée maison de Ramatuelle. Sa vie fut hors du commun", a indiqué la famille dans un texte transmis à l'AFP.

Sa tournée d’adieux entamée en 2015 s’appelait tout simplement Merci ! A 88 ans, malgré sa fatigue, Juliette Gréco avait décidé de revenir sur tous les lieux marquants de sa longue carrière démarrée en 1949. Elle voulait remercier une dernière fois ses admirateurs de lui avoir donné tant d’amour. Son mari, Gérard Jouannest l’accompagnait au piano. Elle devra renoncer à cette tournée en mars 2016, à Lyon, après un accident vasculaire cérébral. Immense interprète, la dame en noir aura chanté jusqu'à la limite de ses forces. Avec ses yeux de chat surlignés d'eye liner, sa silhouette longiligne, ses robes et ses pulls noirs moulants, Juliette Gréco avait une allure folle. Cette jolie môme, à la fois légère et grave, était aussi une femme infiniment libre.

En prison à 16 ans

Née le 7 février 1927 à Montpellier, Juliette est la fille d'un policier d'origine corse, Gérard Gréco, et d'une bordelaise, Juliette Lafeychine. Après la séparation de ses parents, elle et sa soeur aînée Charlotte seront élevées à Talence par leurs grands parents maternels. "Toutoute", son surnom, est une fillette réservée. Après la mort du grand-père en 1936, sa mère récupère ses deux filles et s'installe à Paris.

Juliette entre à l'Ecole de danse de l'Opéra, sous les toits du Palais Garnier. Quand la guerre éclate en 1939, la famille trouve refuge dans le Périgord. Engagée dans la Résistance, sa mère est arrêtée en septembre 1943 à Périgueux. Elle est déportée avec sa soeur Charlotte au camp de Ravensbrück. Juliette, qui n'a que 16 ans, échappe à la déportation mais elle est incarcérée à la prison de Fresnes.

Une femme libérée

Quand elle est libérée, elle contacte la seule personne qu'elle connaisse alors à Paris : la comédienne Hélène Duc. Cette amie de sa mère fut aussi son professeur de français à Bergerac. Elle accepte de l'héberger. Auprès de cette femme engagée qui sauva des juifs pendant la guerre, Juliette Gréco découvre l'art dramatique. Elle échoue au concours d'entrée au Conservatoire mais décroche quelques rôles de figurante à la Comédie Française. En 1945, sa mère et sa soeur reviennent de déportation. Les trois femmes repartent en Dordogne. Puis, quand leur mère s'engage dans la marine, les deux soeurs reviennent s'installer à Paris. Un Paris libéré, bouillonnant.

A Saint-Germain-des-Prés, Juliette croise de nombreux intellectuels. Les contacts sont faciles. "Je n'avais qu'à aller au bistrot, j'allais boire un café au Montana et là, je rencontrais des gens comme Raymond Queneau, comme Sartre, comme Camus, comme  Merleau-Ponty, racontait-t-elle. Et si je voulais parler peinture, il y avait des gens comme Picasso". Elle fréquente aussi des cabarets comme Le tabou et des clubs de jazz. Juliette vit de petits boulots. Intelligente et vive, elle devient l'hégérie de Saint-Germain-des-Prés.

Je Suis Comme Je Suis

En 1949, elle se produit sur la minuscule scène du cabaret Le Boeuf sur le toit avec des chansons écrites par ses amis Boris Vian, Jean-Paul Sartre ou encore Jacques Prévert. Sartre écrit le texte de Rue des Blancs-Manteaux sur une musique de Joseph Kosma. Au dos de son premier 33 tours, il écrivait "Gréco a des millions dans la gorge : des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, dont on écrira quelques-uns". Le romancier et poète Raymond Queneau lui offre Si tu t'imagines, l'un de ses premiers succès. Sa voix chaude et sensuelle envoûte le public.

23 septembre 2020

Miss Tic

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23 septembre 2020

Grand âge et autonomie : Macron vise un projet de loi pour début 2021

Emmanuel Macron a visité, mardi après-midi, un Ehpad du Loir-et-Cher, pour appeler les personnes âgées à se protéger davantage face au rebond de l’épidémie. Le Président a aussi promis un projet de loi pour début 2021 sur le grand âge.

Lors d’une visite dans l’Ehpad de Bracieux (Loir-et-Cher), Emmanuel Macron a indiqué, ce mardi, que son objectif était de « présenter dès le début de l’année prochaine » un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie.

Attendue avec impatience par les professionnels, cette loi sera, a-t-il promis, « une réponse globale extraordinairement ambitieuse » pour les questions du grand âge. Il a rappelé le lancement d’une vaste concertation dans les prochaines semaines surnommée le « Laroque de l’autonomie ».

Cet été, il avait dit espérer boucler, d’ici à la fin de l’année, cette loi qui pourrait être l’une des dernières grandes réformes du quinquennat.

« Revaloriser des métiers »

Accompagné de la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, Emmanuel Macron a souligné que cette loi serait « très concrète », permettrait de « revaloriser des métiers qui ne sont pas suffisamment valorisés » mais aussi de trouver une meilleure organisation entre les établissements et l’hospitalisation à domicile, avec des auxiliaires de vie ou des aides-soignants.

« Il faut avoir une réponse qui va de la prévention au médical, un décloisonnement », a-t-il dit, en plaidant aussi pour l’utilisation de la domotique. « Il faut savoir comment nous redonnons une place à nos aînés pour vivre heureux dans la société, au maximum avec leur famille, aussi longtemps qu’ils le souhaitent et que les familles le souhaitent, ou en couple, ou à domicile, et quand c’est nécessaire, soit par intermittence soit ensuite de manière durable, dans des établissements adaptés ».

Première pierre de la future réforme, la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour l’autonomie et le grand âge doit être actée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, présenté par le gouvernement, fin septembre.

Déjà promise - puis abandonnée - par Nicolas Sarkozy, à nouveau promise par Emmanuel Macron en juin 2018, la réforme de la dépendance est freinée par son coût. Chargé de trouver « un milliard d’euros dès 2021 et 3 à 5 milliards à l’horizon 2024 », l’inspecteur des finances, Laurent Vachey, a proposé au gouvernement, la semaine dernière, une quinzaine de pistes, dont la réduction de certaines allocations et le rabotage de plusieurs niches sociales et fiscales.

23 septembre 2020

Vu sur internet

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23 septembre 2020

«Lux Æterna», la manipulation des gênes

Par Sandra Onana 

Sur un plateau infernal, Gaspar Noé met en scène Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg se racontant des anecdotes gaguesques au milieu du chaos.

Comme toujours avec Gaspar Noé, il faut aimer les trains fantômes, ou les safaris en enfer. Il y a du beau linge, rien d’étonnant : né sous des auspices particulièrement glam, Lux Æterna résulte d’une carte blanche de la maison Yves Saint Laurent. Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg dans leurs propres rôles, c’est-à-dire moins humaines que femmes-fantasmes et divinités dark, se racontent des anecdotes de gêne survenues au cours d’anciens tournages. La première réalise son tout premier film, et a demandé à la seconde d’y jouer une sorcière qui brûle au bûcher. Ce soir s’ouvrent les répétitions plateau, dans ce qui s’apparente à l’antre de Dracula. A la place du champ- contrechamp, un split-screen fracture le cadre : coup de ciseau dans cette fausse chair documentaire et début de la machinerie schizophrène.

La suite est une circulation déboussolée dans le chaos du tournage, façon catabase, où les points de vue des caméras s’emmêlent comme des guêpes furax. En coulisse, les ego des producteurs et de la cinéaste se tirent la bourre, les mannequins malmenés sont sur des charbons ardents, ces rats de journalistes (hum) se tiennent en embuscade, l’actrice vedette est harcelée par le staff. Noé est visiblement ravi d’enfoncer ses griffes dans le biotope professionnel qu’il connaît le mieux. En application de l’implacable loi de Murphy, tout ce qui est susceptible de dégénérer dégénérera, de préférence à grands fracas stroboscopiques.

L’idée d’un sabbat de stars à cran s’offre moins comme une satire réelle de l’industrie et de son sexisme ambiant que comme un autel à la démesure baroque du cinéaste, doublé d’un banquet de citations cinéphiles, de Buñuel à Dreyer. Nos mirettes crient grâce, le chaudron déborde, et Noé refuse de baisser le feu. Epris qu’il est de l’image qui sue et va au clash, le cinéaste nous veut l’écume aux lèvres, au bord de la rupture d’anévrisme, option épilepsie : une forme de rictus autosatisfait plane sur l’entreprise.

Il y a de quoi être reconnaissant envers le format moyen métrage de cinquante minutes, amplement suffisant à ce que le film (tourné en impro sans la moindre ligne de scénario, aux petites heures du matin) aille jusqu’au bout de son gag écarlate et vitriolé. On en réchappe à la fois lessivé et guère plus convaincu que ce cinéma de sensations fortes doive nécessairement envisager son spectateur en cobaye.

Lux æterna de Gaspar Noé avec Béatrice Dalle, Charlotte Gainsbourg, Abbey Lee… 

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