A Hongkong, les manifestants prodémocratie sèment le chaos dans les transports en commun
Après un nouveau week-end de manifestations, la contestation se poursuit ce lundi. Une grève générale paralyse une partie du centre financier asiatique.
Le chaos s’est abattu lundi 5 août matin sur le métro hongkongais, pourtant connu pour sa redoutable efficacité, en raison d’opérations de blocage des rames et d’une grève générale lancée par les manifestants prodémocratie pour accroître la pression sur les autorités pro-Pékin.
Après de nombreuses manifestations ce week-end et de nouveaux heurts dimanche soir – les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser plusieurs centaines de manifestants et la police a annoncé avoir arrêté 44 personnes –, des protestataires sont descendus à l’heure de pointe dans plusieurs stations clés du réseau hongkongais pour bloquer les portes des métros et empêcher les trains de partir. Cette action coup de poing a eu pour effet de paralyser le trafic, alors que des files d’attente de milliers d’usagers se formaient dans les couloirs et aux abords des stations. Si certains voyageurs étaient irrités par le chaos créé par l’action des manifestants, d’autres exprimaient au contraire leur soutien au mouvement, après deux mois de manifestations sans précédent visant à protéger les libertés à Hongkong.
L’opérateur ferroviaire MTR Corp a suspendu son service sur les lignes entre les quartiers de Causeway Bay et Quarry Bay sur l’île de Hongkong. Le trafic a également été interrompu sur les lignes entre Kowloon Tong et les stations proches de la frontière avec la Chine continentale, rapporte la presse locale. Le département du travail a exhorté les employeurs à faire preuve de compréhension et de souplesse dans les conditions de travail des employés en raison des conditions de circulation.
Plus de 100 vols supprimés
Plus de 100 vols ont en outre été annulés à l’aéroport de Hongkong, l’un des plus actifs au monde, alors que les autorités du transport aérien mettaient les passagers en garde contre de possibles perturbations.
L’exécutif pro-Pékin du territoire semi-autonome a accusé lundi les manifestants prodémocratie de tenter « de contester la souveraineté nationale du pays ». « J’ose affirmer que cela vise à renverser Hongong, à détruire complètement la précieuse vie de plus de sept millions de personnes » a déclaré à la presse la dirigeante Carrie Lam.
Mme Lam, dont les manifestants réclament la démission, sait qu’elle peut compter sur l’appui de Pékin, l’Armée populaire de libération ayant même proposé, la semaine dernière dans une vidéo musclée, ses services pour rétablir l’ordre.
La grève intervient après un week-end de manifestations marquées par les violences qui, selon le gouvernement, entraînent la ville vers « un danger extrême ». Des milliers de personnes ont battu le pavé, dimanche. « Je suis plus inquiète qu’optimiste », a confié Florence Tung, une avocate stagiaire de 22 ans, qui a manifesté dans le quartier résidentiel de Tseung Kwan O. « On a l’impression que, quel que soit notre nombre, on ne peut pas changer notre gouvernement », poursuit-elle, en référence au fait que les dirigeants de la ville ne sont pas élus au suffrage universel.
« Forces abjectes »
Cette première manifestation dimanche a été dispersée par la police, à l’aide de gaz lacrymogène. Mais les contestataires ont immédiatement rejoint un second cortège plus important, qui prenait la route du Bureau de liaison représentant les intérêts de Pékin à Hongkong. Il y a deux semaines déjà, cet immeuble proche du front de mer et voisin du siège du gouvernement local avait été la cible de jets d’œufs par des manifestants qui avaient tagué sa façade.
Pékin, qui avait dénoncé des dégradations « absolument intolérables », multiplie depuis lors les mises en garde. Dimanche matin, l’agence de presse officielle Chine nouvelle a dénoncé les « forces abjectes » menaçant les fondements du principe « un pays, deux systèmes » :
« Le gouvernement central ne restera pas les bras croisés et ne laissera pas la situation se poursuivre. »
Hongkong, qui traverse sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession en 1997 par le Royaume-Uni, en est à son neuvième week-end consécutif de manifestations, de plus en plus souvent suivies d’affrontements entre petits groupes radicaux et forces de l’ordre. La mobilisation avait débuté avec la dénonciation d’un projet de loi – aujourd’hui suspendu – qui proposait de légaliser les extraditions vers la Chine continentale.
Les revendications se sont depuis élargies à la dénonciation du recul des libertés dans l’ex-colonie britannique ou à l’exigence de réformes démocratiques. Initialement très pacifiques, les manifestations ont ces derniers temps de plus en plus dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.
Face à cette situation inédite, les autorités locales ont également durci le ton ces derniers jours. Une quarantaine de manifestants ont été inculpés pour participation à une émeute, une infraction passible de dix ans de prison. Samedi, une vingtaine de personnes ont été arrêtées après avoir temporairement bloqué l’un des tunnels routiers permettant de rejoindre l’île de Hongkong.