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Jours tranquilles à Paris

21 septembre 2020

Entretien - Ivan Jablonka et Jean-Xavier de Lestrade : « L’idée était de montrer Laëtitia vivante »

Par Thomas Sotinel, Lorraine de Foucher - Le Monde

L’historien Ivan Jablonka, qui avait consacré un livre à Laëtitia Perrais, assassinée en 2011, et le cinéaste Jean-Xavier de Lestrade reviennent sur la genèse de la série adaptée de cette enquête et diffusée sur France 2, les 21 et 28 septembre.

A partir de Laëtitia ou la Fin des hommes (Seuil), l’ouvrage que l’historien et sociologue Ivan Jablonka a consacré à Laëtitia Perrais, assassinée à 18 ans par Tony Meilhon en 2011, le cinéaste Jean-Xavier de Lestrade, documentariste et auteur de fictions, a construit une série diffusée sur France 2. Tous deux évoquent la nécessité et la difficulté du passage de l’enquête à la fiction, sur un sujet dont l’urgence ne se dément pas.

Jean-Xavier de Lestrade, comment avez-vous rencontré cette histoire ?

Jean-Xavier de Lestrade. A la sortie du livre. Mon premier réflexe a été de me dire que cet ouvrage était tellement fort et à la bonne distance qu’il ne fallait surtout pas s’autoriser à en faire une adaptation. Aller voir une chaîne de télévision avec cette proposition, forcément on va nous pousser à aller sur un terrain spectaculaire, émotionnel, qui n’était justement pas celui que défendait le livre. J’avais très peur de l’effet que ça pourrait produire, aujourd’hui, sur les gens qui restent de cette histoire, sa sœur jumelle Jessica, la famille, tous les amis qui ont connu Laëtitia. Il y a une chose qu’on ne veut surtout pas faire, c’est ajouter de la douleur, une épreuve supplémentaire.

Des images ont commencé à surgir, je me disais, bien sûr, il ne faut pas le faire, mais si on tournait cette scène, on pourrait faire comme ça pour éviter de… Au bout de quelques semaines, je me suis dit qu’il fallait absolument y aller, parce que l’histoire raconte tellement de nous, de notre temps.

Aujourd’hui, je suis convaincu que cette série, qui n’est pas un divertissement, peut apporter une prise de conscience aux gens qui connaissent d’autres Laëtitia.

Quelles règles vous êtes-vous fixées entre le risque du spectaculaire et l’autocensure ?

J.-X. L. L’une des intentions était de prendre soin de ceux qui ont vécu cette tragédie. On leur doit la vérité. La seule chose qui était interdite, c’était de filmer la mort de Laëtitia. On laisse le spectateur faire son travail, on ne va pas lui imposer des images qui ne servent pas le propos. Surtout – et ça rejoint le travail d’Ivan – on a trop vu à quel point Laëtitia a été réduite à la manière dont elle a été assassinée. Sa vie, c’était sa mort. L’objectif était de la montrer vivante et de la restituer dans sa vie.

Pour un projet de France Télévisions, à une heure de grande écoute, on ne s’est pas interdit beaucoup de choses. C’est très difficile : le propos est de montrer une certaine violence, qu’elle ne soit pas gratuite, elle doit avoir un sens.

Vous parleriez d’une gestion de l’effroi ? Il en faut assez pour qu’il y ait un électrochoc, une prise de conscience, mais pas trop ?

J.-X. L. Il faut que ça dure un tout petit peu. Si je prends la séquence de Franck (le père de Laëtitia) qui viole sa femme, la scène dure. J’insistais beaucoup pour que l’on répète le moment où la comédienne qui incarne le personnage de Sylvie dise non. Cette histoire de consentement est centrale dans l’œuvre, dans la série.

Il fallait qu’il y ait trois refus, pour que le spectateur comprenne que ce n’est pas parce qu’ils sont mariés que ça va de soi. Il fallait qu’à chaque fois que les gens sont dans un état d’infériorité, on les voie se défendre. Même Laëtitia. A la séquence de son viol, on devait sentir qu’elle avait dit non. Pour Tony Meilhon, il l’a faite boire, il lui a filé un peu de coke, elle monte dans sa voiture, accepte d’aller chez lui, c’est un accord tacite pour des relations sexuelles. Eh bien non. Ce mécanisme qui montre comment deux êtres se retrouvent, comment la femme signifie son refus, comment on la force, on en fait un objet, montrer ça à un public de France Télévisions, ce n’est pas évident.

Ivan Jablonka, comment avez-vous vécu le casting en tant qu’écrivain, la transposition d’une existence réelle sur un autre plan ?

Ivan Jablonka. Le plus important pour moi, c’était le choix de la comédienne qui incarnerait Laëtitia. C’est le rôle-titre, mais c’est aussi important parce que Laëtitia, c’est la seule que je n’ai pas rencontrée, et pour cause. En ce sens, la fiction permettait une incarnation. Dans un documentaire, il n’y aurait pas eu de Laëtitia. En quelque sorte, c’était la première fois que j’allais rencontrer Laëtitia, même si tout ça est très illusoire.

Il y avait bien sûr d’autres rôles fondamentaux : les adultes qui entourent les jumelles, l’enquêteur, le juge d’instruction, l’assistante sociale, ces différents regards portés sur les jumelles, sur leurs vies, sur la mort de Laëtitia, sur les violences qu’elles ont subies, c’était aussi pour moi très important, ça montre indirectement le regard qui a été le mien, puisque j’ai été l’adulte dans un monde d’enfants.

Et il y a un dernier type de casting que j’attendais avec une forme d’appréhension : les hommes qui incarnent une masculinité pathologique dans cette histoire. Dans mon livre, ils sont de quatre types : le père biologique, le père d’accueil, le meurtrier et Nicolas Sarkozy. Ces quatre types de masculinité ont chacun contribué à fragiliser puis à détruire Laëtitia. Dans ce sens, mon livre est autant un livre sur un féminicide qu’un livre sur les masculinités dévoyées et pathologiques. C’était important de voir qui oserait les incarner.

Les féminicides, y compris celui de Laëtitia, sont des faits politiques…

I. J. Pour expliquer un meurtre aussi violent, un féminicide, il faut l’histoire longue. C’est pour ça que le terme de « fait divers » est complètement déplacé, presque obscène. Ce meurtre, c’est un fait d’histoire, un fait social total.

Il y a des gestes de Tony Meilhon sur Laëtitia, ou sur ce qui va devenir le corps de la victime, qui renvoient à des faits sociaux. C’est l’objet de mon livre que de déplier les replis historiques et sociologiques qui finissent par expliquer comment en moins de vingt ans, dans une société riche, démocratique et en temps de paix, une jeune femme a été ainsi détruite.

J’ai été aussi frappé de voir comment le malheur, c’est-à-dire la violence subie par les femmes, se répercute de génération en génération, de famille en famille, sans que rien d’autre ne vienne l’interrompre que la mort de la victime.

Il y a aussi une dimension tragique du féminicide dans sa dimension criminologique, et ça, je ne l’ai compris que quand j’ai rencontré le médecin légiste qui a autopsié Laëtitia. Il m’a dit, ce que je n’avais pas vraiment perçu, que Laëtitia avait été tuée de plusieurs manières. Ça fait partie du féminicide, cet acharnement sur le corps, parce qu’il ne s’agit pas de tuer mais aussi de détruire la femme qu’il y avait dans cet individu. Cette dimension pénible, parce que personne n’a envie de voir ces faits-là, révèle la dimension politique du féminicide.

Vous attendez-vous à ce que vos travaux fassent bouger les lignes ?

I. J. Quand on regarde les différents faisceaux qui ont détruit Laëtitia, il y a d’un côté le pouvoir, de l’autre la violence, tout ça dans une atmosphère de négligence généralisée.

La violence nue, sexuelle et physique, c’est celle de Tony Meilhon. Et pour moi, la pathologie masculine de Gilles Patron, le père d’accueil, c’est plutôt le pouvoir. C’est différent et pourtant, ça se termine aussi en violence sexuelle. J’aurais pu développer davantage dans mon livre l’attitude du conseil général en 2010. Les jumelles et leurs amies signalent des faits de violence sexuelle de la part du père d’accueil. Il y a cette scène terrible : l’assistante sociale reçoit les jumelles, elle leur demande explicitement si elles ont subi des attouchements ou des violences, et les sœurs qui ne sont pas ensemble au même moment répondent un petit « non ». En fait, c’est un grand « oui » sous un petit « non ».

En 2018, la famille s’était opposée à la mise en chantier de la série, qu’en est-il aujourd’hui ?

J.-X. L. Avec la famille, les relations ont démarré sur un énorme malentendu. Alors que je ne savais même pas s’il fallait faire cette série, on a envoyé quelqu’un pour faire des repérages à Nantes. C’est arrivé jusqu’à Jessica, qui appelé sa tante Delphine. Elles se sont dit que ce n’était pas possible de revivre la dépossession qu’elles avaient vécue pendant toute l’affaire. Il y a eu une pétition à l’initiative de la tante de Jessica et Laëtitia, et avec raison, je comprends leur émotion.

On a fait le travail qu’on devait faire, un peu tard, malheureusement. On a d’abord rencontré Jessica, c’était la chose essentielle. Je l’avais toujours dit à Ivan : je ne me lancerais pas dans cette entreprise sans son accord. Ce n’était pas l’enthousiasme, il ne peut pas y en avoir, mais il devait y avoir une compréhension de ce que nous voulions faire.

Rien ne m’insupporte plus qu’on assimile Laëtitia et Jessica à des victimes. Evidemment, elles ont été victimes, mais ce sont surtout des jeunes femmes qui ont montré un courage exceptionnel. Au final, si Laëtitia est tuée par Tony Meilhon, c’est parce que, quand il la raccompagne à son scooter à l’hôtel de Nantes, au lieu de filer en courbant le dos, elle lui dit : « Tu n’as pas le droit de faire ce que tu as fait ». Si la mort de Laëtitia a un sens, c’est dans le souvenir de cet acte de résistance et d’héroïsme.

I. J. C’est parce qu’elle se libère qu’elle va être mise à mort. Parce qu’elle est dans une démarche de libération, de disposer de son corps, de porter plainte, elle est martyrisée. C’est pour ça que les féminicides sont éminemment politiques, ils visent à punir une prise de liberté. Les premiers crimes sexuels, Jack l’Eventreur, ceux qu’on appelle aujourd’hui les « serial killers », ça commence au moment où les femmes entament leur longue marche vers l’autonomie et la liberté, précisément à la fin du XIXe siècle.

On dit souvent que les hommes ne peuvent pas être féministes, mais des alliés du féminisme. Quel est votre positionnement en tant qu’hommes par rapport à une histoire de femmes profondément atteintes par la domination masculine ?

J.-X. L. C’est forcément le type de question qui déboule ; je la comprends. Il y a trois jours, j’étais à une réunion avec Netflix pour lequel je produis une série documentaire qui traite de l’histoire d’un jeune Noir arrêté dans les années 1990 pour avoir tué un flic blanc à Boston. On m’a posé la même question : vous n’êtes pas Noir, est-ce que vous vous sentez légitime pour parler de ce sujet-là ? Aux Etats-Unis, ça se pose de manière encore plus violente qu’ici.

En tant que créateur ou artiste, c’est une question qui me semble tellement absurde. D’ailleurs, je m’aperçois que j’écris plus facilement des rôles féminins que masculins. Après, comment on se positionne en tant qu’homme ? Sur le plateau, pendant le tournage, on était dans une sorte de parité. Pour un sujet comme ça, c’est hyperimportant d’avoir suffisamment de femmes autour du combo.

I. J. Je considère que mon livre et la série de Jean-Xavier de Lestrade sont des réflexions non pas sur les hommes mais sur le masculin. Le dire, c’est tout simplement rappeler la différence entre le sexe et le genre, un principe de base en sciences sociales depuis au moins cinquante ans. Ce n’est pas un procès à faire contre les hommes, c’est une réflexion sur les hommes dans la société, les hommes dans la cité, vis-à-vis de leurs propres masculinités.

Comme le dit la sociologue Raewyn Connell depuis maintenant vingt ans, c’est précisément parce qu’il y a des masculinités au pluriel qu’on peut réfléchir sur les rôles qui nous sont donnés et qu’on peut aussi récuser quand on est né avec un pénis.

Pour ce qui est des procès en appropriation culturelle, qui font des ravages aux Etats-Unis et qui arrivent en France, je pense que ce sont des machines de guerre contre la création libre mais aussi contre les sciences sociales.

La création, c’est évident : c’est précisément essayer d’être un autre, comme l’a dit très bien Jean-Xavier, dans ses identités, dans sa sexualité, dans son travail.

Quant aux sciences sociales, par nature, elles pensent l’autre. J’ai travaillé sur les femmes qui abandonnent, je ne suis pas une femme et je n’ai pas abandonné mon enfant. L’ensemble des sciences sociales, ça consiste à faire l’expérience de l’altérité et, possiblement, d’embrasser des causes qui ne sont pas les nôtres. En tant que juif, j’aimerais bien qu’il y ait davantage de goys qui se soucient de l’antisémitisme. Quant aux historiens, ça fait bien longtemps que des non-juifs travaillent sur la Shoah ou l’antisémitisme, et tant mieux.

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21 septembre 2020

Journées du Patrimoine - site du Bégo

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21 septembre 2020

François Truffaut à propos de Julie Christie

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« Julie Christie, pour moi ? D'abord une bouche ahurissante même sur son visage : une immensité... Julie est un cocktail d'imperfections fascinantes : un visage assez animal de louve, avec un corps de petite fille. Il faut ajouter sa voix, un peu en contradiction avec son physique.

Comme si elle avait bu 1800 whiskies, ce qui n'est pas vrai. Elle ne fume pas, ne boit pas, mais elle se ronge les ongles. Son physique est fait de contradictions (...) Julie, je l'ai rencontrée à Londres... La première mini-jupe que j'aie vue. Ce n'était pas courant alors : j'ai pensé qu'elle était un peu folle... En fait, elle ne faisait que précéder la mode. »

François Truffaut - Le plaisir des Yeux (Cahiers du cinéma) #juliechristie #francoistruffaut

21 septembre 2020

Isabelle Huppert

 

 

21 septembre 2020

En Biélorussie, la révolution au pied des tours

Par Thomas d'Istria, Minsk, correspondance - Le Monde

Les protestations contre Loukachenko s’organisent aussi à l’échelle des quartiers. Moins spectaculaires que les grandes manifestations, elles remodèlent la société dans son ensemble.

Noués sur les fils électriques, les grillages, les agrès pour enfants, les rubans rouge et blanc saturent l’espace. Il y a ceux, courts, qui ont été arrachés ou coupés la nuit précédente par la police ; ceux, longs et oscillant dans le vent, renoués depuis par des mains opiniâtres. En cette fin d’après-midi de septembre, la musique, les voix et les rires résonnent dans un horizon de béton, cerné par les hautes tours de la banlieue nord de Minsk. Tandis que les enfants s’agitent dans l’aire de jeux, les adultes discutent et se partagent gâteaux et boissons sur une table de bois décorée, elle aussi, de blanc et de rouge, les couleurs de l’ancien drapeau de la Biélorussie devenues celles du soulèvement.

Un couple montre à ses amis la photo de son petit garçon. Rien que de très banal, si ce n’est que l’enfant pose fièrement au milieu d’une manifestation contre Alexandre Loukachenko. Un inconnu s’approche, à la recherche de « cours de danse blues ». Des cours de danse improvisés ont bien été organisés, quelques jours plus tôt, mais de blues, personne n’a entendu parler…

C’est une autre face de la révolte engagée par le peuple biélorusse contre son inamovible président qui se joue ici, au pied des tours. Moins spectaculaire que les manifestations massives du dimanche, moins dramatique que les scènes de violence devenues quotidiennes, mais plus profonde, qui non seulement remet en cause la gouvernance du pays mais remodèle la société dans son ensemble.

C’est probablement ici, dans cet ensemble d’immeubles modernes du nord de la capitale qu’est née cette révolution des quartiers, souterraine et endurante. Le « square du changement », à quelques kilomètres du palais présidentiel, a été l’un des premiers à se réveiller, durant le mois d’août. Peu à peu, il a été imité par des dizaines d’autres à l’allure semblable (des centaines, à en croire l’application qui cartographie la contestation), dans la capitale et ailleurs.

« Sentiment de fierté »

Tous les soirs, les réseaux sociaux (à l’image de la chaîne Telegram « Nexta », deux millions d’abonnés) se remplissent de ces images de réunions, de danses, de chœurs ou de concerts improvisés, témoignages fiers et incrédules à la fois de cette lame de fond urbaine qui transforme les terre-pleins anonymes en autant de centres de fête et de contestation. Pour les enfants, la révolution prend des airs de carnaval.

Le « square du changement », le long de la rue Orchaskaïa, n’aurait pas gagné sa renommée ni son surnom sans l’audace de deux DJ de Minsk, Kirill Galanov et Vladislav Sokolovsky. Durant la campagne électorale, le 6 août, alors que les deux hommes se produisent dans un concert pro-régime, une foule de soutien à l’opposante Svetlana Tsikhanovskaïa s’invite à la manifestation après que le meeting de leur candidate a été annulé par les autorités. Les deux musiciens en profitent pour passer Peremen (« Changements »), une chanson mythique du rocker russe Viktor Tsoi, devenue un hymne protestataire dans l’espace post-soviétique. Acclamés par une partie de la foule, les deux DJ sont arrêtés. Ils passeront dix jours en prison et perdront leur emploi.

Trois jours après le scrutin présidentiel du 9 août, suivi de premières manifestations, un résident du quartier qui préfère ne pas donner son nom – « Appelle moi Ivan ! » – décide avec trois amis de rendre hommage au geste des deux DJ en déposant un collage à leur effigie à quelques pas du lieu du concert. « On y est allés de nuit, mais les flics sont arrivés au moment où on allait poser le collage », explique le scénographe de 28 ans, assis devant un chocolat dans un café voisin du square. Les quatre compagnons se replient sur leur quartier et posent la fresque sur un bloc de béton qui permet d’accéder aux souterrains de l’espace résidentiel, au milieu du square.

Les voisins et les amis prendront le relais. Des drapeaux aux couleurs révolutionnaires apparaissent aux balcons des immeubles et des affiches dans les ascenseurs. Un tchat sur l’application de messagerie Telegram est créé, les résidents commencent à sortir pour boire le thé ensemble, des dizaines puis des centaines de personnes, parfois jusqu’à minuit. Parallèlement commence un jeu du chat et de la souris avec la police, qui revient chaque nuit arracher la fresque, recollée le lendemain. Certains jours, des dizaines d’habitants tentent de faire barrage avec leur corps, entraînant parfois des arrestations. Des policiers resteront même trois jours d’affilée en faction devant le bloc de béton.

Le lieu lui-même s’enrichit. Un panneau apposé sur la place rappelle qu’en plus des interdictions de boire et de jurer, le quartier est interdit aux OMON, les forces spéciales de la police, haïes pour leur usage de la violence.

Au-delà du folklore révolutionnaire, les habitants du quartier disent aussi découvrir une nouvelle manière d’envisager la société. « C’est devenu à la mode d’être biélorusse, s’amuse Irina, une femme de 32 ans qui habite avec son compagnon, Alexandre, 36 ans, dans un immeuble du square. On ressent un sentiment de fierté pour la première fois. » Le couple habite le quartier depuis trois ans et jusque-là, explique Alexandre, « le square n’accueillait que les mères et les enfants ». Les deux ont appris à connaître leurs voisins.

« Ils étaient là, à la porte d’à côté »

« Un soir, j’étais seule chez moi, déprimée après toutes les violences que j’avais vues, raconte une régisseuse de spectacle. Et soudain, vers 10 heures du soir, toutes les fenêtres des appartements se sont ouvertes et les gens ont commencé à hurler “Vive la Biélorussie !” et à allumer les flashes de leurs téléphones. Je croyais qu’il fallait partir pour trouver des gens qui pensent comme moi, mais en fait ils étaient là depuis toujours, dans mon quartier, à la porte d’à côté. »

Ce 16 septembre au soir, l’arrivée d’une quinzaine de motards vient rompre la routine festive. « Ils viennent pour soutenir Stepan », explique Ivan. L’arrestation de cet habitant du quartier, le 15 septembre, a marqué le voisinage. Alors que les autres interpellés sont en général rapidement relâchés, il est toujours en détention et risque une condamnation pénale. L’homme est aussi un motard…

« Il est devenu évident que le square est surveillé », pense Ivan. Difficile d’avoir une estimation du nombre de partisans d’Alexandre Loukachenko dans le quartier, plutôt fréquenté par la classe moyenne, mais l’utilisation des réseaux sociaux par les contestataires et leur organisation sur des chaînes Telegram les expose. L’application qui recense les mobilisations, mise en place par des programmeurs de Minsk, est une mine d’informations pour les protestataires comme pour la police.

Pour autant, les habitants continuent de sortir. « On a une peur permanente, qui est là depuis longtemps, reconnaît Irina, mais ce n’est pas le type de peur qui t’enferme chez toi. Si on reste à la maison, ça signifie que l’on a perdu. » La jeune femme n’hésite pas à faire référence aux actes de bravoure des partisans de Minsk lors de l’occupation allemande, de 1941 à 1944. Ce sentiment de ne plus pouvoir reculer est largement partagé. « Nous sommes allés trop loin, confirme Alexandre, le compagnon d’Irina, et dans tous les cas, Loukachenko ne nous le pardonnera pas. »

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21 septembre 2020

Château du Plessis-Josso. Journées du Patrimoine

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Ce château bien conservé et encore partiellement habité a gardé l’empreinte et tout le charme de la haute époque. Il est classé monument historique. C’est un témoin vivant de l’histoire de la Bretagne au Moyen Âge. Il fait revivre toutes les étapes et l’organisation de la société à cette époque. Construit au XVeme siècle par la famille JOSSO attachée à la Maison des Ducs de Bretagne, il devint au XVIeme siècle la propriété de la puissante famille de ROSMADEC, qui l’agrandit et lui donna son aspect actuel. C’est ainsi qu’il servit de résidences à plusieurs évêques de Vannes.

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21 septembre 2020

Handi'glisse - c'était ce week-end à la plage de Kerhillio - Erdeven

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21 septembre 2020

Chronique - « Papa, tu regardes trop les écrans ! »

Par Nicolas Santolaria - Le Monde

Sermonner son enfant pour qu’il décroche de la tablette, alors qu’on est soi-même scotché à son smartphone ? Une incohérence pédagogique largement répandue. Nicolas Santolaria décrypte cette schizophrénie du parent connecté.

J’ai récemment participé à une rencontre avec l’institutrice de l’un de mes fils, où un détail m’a frappé. Alors que l’enseignante tentait de présenter son programme en articulant difficilement derrière son masque chirurgical (« On ne fera pas beaucoup de sorties scolaires cette année, mais on va se lancer dans des défis écologiques »), la moitié des parents présents avaient, à un instant ou un autre, le nez collé sur leur smartphone.

Je ne jette ici la pierre à personne, car j’ai moi-même consulté mes mails en douce durant cette réunion, en tentant vaguement de dissimuler mon appareil dans le casier de la petite table où j’étais installé, au dernier rang.

D’une certaine manière, le constat de cette addiction de masse m’a rassuré : il m’a apporté la confirmation que je n’étais pas le seul à gratifier mes enfants d’une éducation totalement incohérente, où chaque précepte affirmé avec l’emphase d’un militant luddite – « Arrêtez de regarder les écrans, c’est très dangereux ! » – est suivi d’une attitude totalement contradictoire, baignée dans un halo de lumière bleutée – « Mmmmouais poussin, Papa va venir te faire un bisou, mais avant il doit envoyer un dernier message de la plus haute importance au service après-vente d’Ikea… » (et terminer cet épisode de BoJack Horseman, mais ça, chut, il ne faut pas le dire).

« Avez-vous déjà parlé à votre enfant aujourd’hui ? »

En 2017, une campagne de sensibilisation allemande articulée autour du slogan suivant – « Avez-vous déjà parlé à votre enfant aujourd’hui ? » – soulignait à sa manière l’étrange schizophrénie du parent connecté. En effet, en Poméranie comme ici, nous craignons tous plus ou moins que l’omniprésence des écrans ne perturbe le développement cognitif de notre progéniture, sans nous apercevoir que nous sommes les premiers à en faire un usage immodéré. D’après une étude internationale menée en 2015 par AVG Technologies, 54 % des enfants trouvent que leurs parents se laissent distraire trop souvent par leur portable, 36 % le consultant même pendant les conversations.

À FORCE D’ÊTRE QUOTIDIENNEMENT RENVOYÉS AU FAIT QU’ILS SONT MOINS ATTRAYANTS QU’UN FIL TWITTER, 32 % DES ENFANTS SE SENTENT SANS IMPORTANCE.

Une étude de la Boston University School of Medicine a notamment montré que l’usage des technologies mobiles par les mamans durant les repas (pourquoi cette étude ne porte-t-elle que sur les mamans, la science ne le dit pas) réduisait de 20 % les interactions verbales avec l’enfant, et de 39 % les interactions non verbales. Problématique, cette présence-absence débouche sur une attention dégradée aux autres, qui menace l’écologie relationnelle de la famille. A force d’être quotidiennement renvoyés au fait qu’ils sont moins attrayants qu’un fil Twitter, 32 % des enfants se sentent sans importance (étude AVG technologies).

« Papa, tu regardes trop les écrans ! », me répètent régulièrement mes fils, inversant totalement la relation éducative. Cela produit-il un effet quelconque sur mon cerveau anesthésié ? Oui, je peux éventuellement soulever une paupière et grommeler un truc désagréable. D’après une étude menée dans une quinzaine de fast-foods par des chercheurs du Boston Medical Center, les parents interrompus dans leur tango cognitif avec leur smartphone sont plus enclins à répondre de manière agressive à leurs chers bambins. Si votre père vous balance un « Finis tes nuggets fissa ou je te supprime le cadeau de ton Happy Meal ! », c’est donc que vous l’avez bien cherché.

Forme d’abandon parental

Face à ces constats divers mais congruents, il apparaît que, aveugles à notre propre addiction aux doudous numériques, nous sommes en réalité extrêmement mal placés pour dire à nos enfants d’arrêter de regarder les Pyjamasques sur la tablette. C’est comme si un fumeur de crack concupiscent vous invitait à y aller mollo sur la cigarette électronique.

Dans son blog, le psychiatre Serge Tisseron avance même que cette incohérence éducative, qui se résume par la maxime « fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais », pourrait être une des causes des comportements problématiques rencontrés chez les plus jeunes, et ce pour plusieurs raisons : là où l’imitation motrice conduit les petits à reproduire les attitudes des grands, l’attention conjointe les fait s’intéresser à ce qui semble nous captiver.

COMMENT RETOMBER SUR VOS PATTES DE PÉDAGOGUE RESPECTÉ APRÈS CES MULTIPLES FLAGRANT DÉLITS DE NON-EXEMPLARITÉ ?

A cela s’ajoute une explication d’ordre affectif : « Si l’enfant ne trouve pas ce regard recherché, s’il ne trouve des échanges à la mesure de ses attentes, le risque est grand qu’il se scotche aux écrans comme un refuge contre une forme d’abandon parental en grande partie inconscient », écrit le psychiatre.

Attitude endémique, cette incohérence éducative est loin de se cantonner à la sphère technologique. Quel papa n’a pas, un jour, invité ses enfants à « débarrasser la table, parce que c’est important de participer », exhortation ânonnée depuis le fin fond du canapé ? « Arrêtez avec la grenadine, le sucre c’est très mauvais ! », peut marteler le même individu dans un autre contexte, tout en attaquant son troisième Spritz. Sans parler des douches interminables du patriarche décroissant qui, après avoir dilapidé l’équivalent d’une piscine olympique, encourage sans vergogne ses descendants à « économiser l’eau ».

Mais s’il y a bien un domaine où cette incohérence s’exprime à plein régime, c’est celui de la politesse. Coincé sur l’autoroute du Soleil, vous qui, quelques instants plus tôt, expliquiez d’une voix douce qu’on ne disait pas « tronche » mais « visage », vous mettez soudain à hurler les pires insanités : « Putain de bordel de chiotte, mais qu’est-ce qu’elles foutent là toutes ces bagnoles !!! Pourquoi j’ai pris cet itinéraire de merde, moi ? ! »

Comment, alors, retomber sur vos pattes de pédagogue respecté après ces multiples flagrant délits de non-exemplarité ? En expliquant simplement que cohérence et vérité ne sont pas la même chose et que les règles ne font pas tout. Edictées par des autorités ô combien faillibles, elles sont faites pour être pondérées en fonction des contextes.

21 septembre 2020

Artiste peintre...

artiste peintre

21 septembre 2020

"Pour combattre la rhétorique de l’extrême droite, il faut admettre que l’immigration des ex-colonisés est une réalité"

Par Philippe Bernard - Le Monde

Le lien entre décolonisation et immigration a longtemps été tabou, un regard historique sur la guerre d’Algérie doit permettre de sortir de ce refoulement, estime dans sa chronique Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

Troublant télescopage : alors que les séquelles du colonialisme sont de plus en plus couramment invoquées pour expliquer différents dysfonctionnements sociaux – racisme, discriminations, bavures policières –, la guerre d’Algérie, paroxysme de la violence coloniale française, n’apparaît plus comme le premier ferment de préjugés racistes. Un Français d’origine algérienne peinerait aujourd’hui à se référer aux exactions de l’armée française dans les djebels pour expliquer les préjugés qui le visent. Marine Le Pen peste contre l’idée de repentance à l’égard d’Alger, mais prétend tourner le dos aux racines « Algérie française » de son organisation et au passé de son père, accusé d’avoir pratiqué la torture (ce qu’il a toujours nié). Cet effacement progressif traduit le mécanisme de normalisation historique d’un événement qui a si longtemps instillé son poison dans la société française.

On l’a oublié, mais les années 1970, temps de paix et de prospérité économique, ont été une époque d’explosion de violence anti-arabe, et particulièrement anti-algérienne, marquée par des dizaines d’assassinats. « Une violence inimaginable aujourd’hui », insiste l’historien Yvan Gastaut, maître d’œuvre de la passionnante plongée que propose la revue Hommes & migrations dans l’année 1973, « l’une des (…) plus violentes de l’histoire de la Ve République en matière de racisme ». Onze ans après l’indépendance de l’Algérie, la guerre se poursuivait sur le sol français.

Cette année-là, Paris Match pouvait titrer « Les “bicots” sont-ils dangereux ? » et l’éditorialiste du quotidien marseillais Le Méridional proclamer, après le meurtre d’un chauffeur de tram par un déséquilibré algérien : « Nous en avons assez. Assez des voleurs algériens, (…) assez des syphilitiques algériens, (…) assez des fous algériens, assez des tueurs algériens. » Ce meurtre déclencha à Marseille une série de « ratonnades », entraînant la mort d’une vingtaine d’Algériens sans qu’aucun auteur ne soit identifié.

Expéditions punitives

Eclipsée par Mai 68, la guerre d’Algérie opérait alors un retour en force en France sous la forme d’attentats perpétrés par des groupes d’extrême droite, nostalgiques de l’Algérie française, mais aussi de violences directement inspirées par l’identification des immigrés maghrébins aux fellagas, ces nationalistes algériens que 1,5 million de jeunes Français appelés avaient combattus quelques années plus tôt. « Trente-quatre mois d’Algérie, ça ne vous dit rien ? Moi, j’ai servi sous Bigeard. Alors vous pensez, les Arabes, je les connais », témoignait dans L’Express un participant aux expéditions punitives qui embrasaient le sud de la France à l’été 1973.

Plus explicite encore, la revendication par un « Club Charles Martel » de l’attentat à la bombe contre le consulat d’Algérie à Marseille – quatre morts en décembre – appelait à la vengeance : « Notre pays jadis colonisateur est maintenant colonisé (…). Français, imitez les Algériens qui nous ont expulsés par la violence ! » Pour ces anciens activistes de l’Algérie française, explique Yvan Gastaut, il s’agissait de « faire payer aux immigrés arabes le prix de cette perte ».

Il a fallu du temps pour le comprendre : « La guerre d’Algérie a ouvert une crise durable du nationalisme français, explique l’historien Benjamin Stora. Accepter l’amputation d’une partie du territoire n’était pas simple. » Le passé algérien de la France est « passé » d’autant plus douloureusement que le mot « guerre » lui-même n’a été officialisé qu’en 1999. Benjamin Stora, subtile analyste de ce « transfert de mémoire » entre l’Algérie coloniale et la France de l’immigration et de l’islam, compare la guerre d’Algérie à la guerre de Sécession et le racisme antimaghrébin à un « sudisme » à la française. « L’Algérie était à la France ce que le Sud était aux Etats-unis : un territoire où se pratiquait la ségrégation, inclus dans un pays proclamant l’égalité des citoyens, analyse-t-il. Avec la perte de l’Algérie, on a transféré sur le sol français un comportement sudiste qui va traverser toute la société française. »

Une réalité planétaire

De l’Algérien, on est passé à l’immigré, puis au musulman. Avec le temps, avec la guerre civile algérienne des années 1990, puis les ravages planétaires du terrorisme islamiste, la guerre d’Algérie n’est plus qu’une référence lointaine, mais de cette boîte de Pandore sont sortis les débats sur l’histoire de la colonisation et de l’esclavage. Relégué au second plan des obsessions publiques, le conflit de 1954-1962 fait en revanche l’objet d’une impressionnante libération de la parole privée par les anciens appelés, « habités par les traces de cette guerre », comme en témoigne l’enquête de l’historienne Raphaëlle Branche, sur la fin d’un silence qui a duré des décennies (Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? La Découverte, 512 p., 25 €).

Eclipsée mais jamais effacée, l’ombre portée de la guerre d’Algérie sur la société française illustre la nécessité d’analyser les liens complexes entre décolonisation et immigration, et d’en débattre. Alors que les Pakistanais et les Indiens sont perçus depuis longtemps comme des « immigrés postcoloniaux » au Royaume-Uni, cette dimension est longtemps restée taboue en France. L’entrée dans l’histoire de la guerre d’Algérie aide à sortir de ce refoulement.

Pour combattre la rhétorique d’extrême droite de la « colonisation à l’envers », pour éviter de faire de l’immigration l’éternel exutoire de nos querelles historiques, pour déjouer aussi le piège qui consiste à voir du « postcolonial » derrière toutes les formes de domination, encore faut-il admettre que l’émigration des ex-colonisés vers les anciennes puissances impériales est une réalité planétaire. Et que ce phénomène parfaitement explicable suppose, comme entre la France et l’Allemagne, d’assumer une histoire partagée souvent tragique, afin de la dépasser pour vivre ensemble.

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