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Jours tranquilles à Paris

17 septembre 2020

Renault-Nissan : Carlos Ghosn en fuite, Greg Kelly seul pour se défendre

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Par Karyn Nishimura, correspondante à Tokyo 

Le procès de l'ancien bras droit du patron de Renault-Nissan s'ouvre ce mardi à Tokyo. Ghosn étant réfugié à Beyrouth, l'Américain devra répondre aux accusations de dissimulation des revenus perçus chez Nissan par son supérieur. Jusqu'à quel point lui sera-t-il fidèle ?

Renault-Nissan : Carlos Ghosn en fuite, Greg Kelly seul pour se défendre

Carlos Ghosn, ancien patron de Renault-Nissan, a-t-il divisé par deux ses émoluments chez le constructeur japonais en échange de la garantie de percevoir après son départ un montant compensatoire sciemment omis dans les documents destinés aux actionnaires ? C’est à cette question clé que va devoir répondre le tribunal de Tokyo qui juge à partir de ce mardi l’Américain Greg Kelly, ex-bras droit du magnat déchu de l’automobile. «Carlos Ghosn Bichira», qui s’est enfui du Japon fin décembre 2019 pour Beyrouth alors qu’il était en liberté conditionnelle dans la capitale nippone après son arrestation spectaculaire et plusieurs mois de détention, sera le grand absent du procès dont il aurait dû être la vedette. La justice japonaise le soupçonne de malversations financières mais c’est Kelly qui devra en répondre seul dans le box des accusés. «J’aurais voulu qu’il soit là pour témoigner. Il a pris la décision qu’il a jugé la meilleure pour lui et sa famille», a regretté Greg Kelly, interrogé par la chaîne publique nippone NHK avant l’ouverture du procès.

Arrêté en même temps que Ghosn le 18 novembre 2018, Kelly a été relâché sous caution le 25 décembre, avec interdiction de quitter le Japon. Obligation à laquelle il s’est, lui, conformé. Maintes fois annoncé, «le procès a été reporté à cinq reprises», déplore sa femme dans un mail à Libération. La crise sanitaire n’a rien arrangé. Ex-administrateur de Nissan, Kelly est soupçonné d’avoir échafaudé le montage permettant de dissimuler des revenus différés promis à Carlos Ghosn en tant que président de Nissan, en évitant de les mentionner dans des rapports annuels destinés aux actionnaires. L’intéressé, qui ne parle pas japonais, nie : «Je ne suis impliqué dans aucune malversation. Je n’ai violé aucune des règles relatives à la publication des informations d’entreprise.» Nissan, qui a livré Ghosn et Kelly sur un plateau à la justice, s’accuse aussi dans ce volet de l’affaire. Sur le banc des prévenus en tant que personne morale, l’entreprise partenaire de Renault est forcée d’admettre sa culpabilité pour les déclarations erronées, sans quoi elle absoudrait de facto Kelly et Ghosn sur ce volet de l’affaire.

75 millions d’euros en question

Le dossier est subtil : mardi, devant le juge, calmement, Greg Kelly explique que Ghosn était gêné aux entournures par les sommes qu’il encaissait : «A partir du moment où la loi l’obligeait à les rendre publics, il a voulu réduire sa rétribution annuelle parce qu’il craignait que le gouvernement français soit mécontent en raison du montant des revenus perçus chez Nissan.» Ces dernières années, le double salaire perçu par Carlos Ghosn au titre de PDG de Renault et de Nissan – 15 millions d’euros au total – faisait polémique en France. Mais, assure Kelly, «il ne lui a jamais été fait de promesse» de percevoir après sa retraite des sommes définies non déclarées aux actionnaires. Faux, rétorque Nissan qui a fourni les pièces aux procureurs : il y a des documents signés qui démontrent qu’il devait toucher après sa retraite l’équivalent de 9,1 milliards de yens (75 millions d’euros au cours actuel), somme qui n’apparaît pas dans les documents boursiers.

Que risque Greg Kelly ? En théorie jusqu’à dix ans de prison. D’autant qu’il reste pour le moment aligné sur la version de son ancien supérieur. Mais jusqu’à quel point Kelly va-t-il couvrir les agissements supposés de Ghosn qui s’est exfiltré en le laissant seul au procès ? Interrogé par Libération, Yasuyuki Takai, ex-inspecteur de la cellule d’investigation qui a arrêté Ghosn, estime que «le point clé est de savoir si oui ou non Nissan s’était engagé à payer à Ghosn une somme contractuellement définie. Si oui, elle aurait dû être déclarée, car c’est un paramètre important pour les actionnaires». Mais l’avocat Nobuo Gohara, qui a aussi précédemment occupé les mêmes fonctions d’enquêteur, pense que ce dossier n’aurait pas dû finir au pénal. «Si Nissan estimait qu’il y avait un problème avec les rapports aux actionnaires, il suffisait de vérifier avec les autorités et avocats puis de corriger si nécessaire. Il est clair que ce n’est pas un délit justifiant l’arrestation de MM. Ghosn et Kelly.»

Le témoignage clé de Hiroto Saikawa

Pourtant, pour bien enfoncer le clou et la tête de son ex-patron (et incidemment de Kelly), Nissan a, après-coup, provisionné les sommes non déclarées. Elles sont donc clairement mentionnées quelque part dans les comptes, même si elles ont pu être définies sans que Kelly n’en sache rien. L’ex-patron de Nissan et fossoyeur de Ghosn, Hiroto Saikawa, lui-même éjecté de l’entreprise depuis, sera un des témoins importants dans cet imbroglio auquel échappe le principal visé.

Le sexagénaire Kelly n’est inculpé que sur ce volet du scandale Ghosn. Il n’est pas concerné par les deux autres grands chefs d’accusation touchant le patron déchu : des détournements de fonds de Nissan via des intermédiaires au Moyen-Orient. Ghosn, lui, ne sera pas jugé à moins de revenir au Japon (ce qui et peu probable), car la loi nippone ne prévoit pas de procès en l’absence de l’accusé (hormis pour une personne morale qui peut se faire représenter par ses avocats).

Ce procès, qui remet à la une l’affaire Ghosn, n’est pas forcément du goût de l’actuelle direction de Nissan dont la priorité est d’en finir avec ce passé peu reluisant et de redresser la boîte, qui a bu une deuxième fois la tasse avec la crise sanitaire.

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17 septembre 2020

Autoportraits chez les déjantés....

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17 septembre 2020

Plouhinec - La tempête de 1930 dessinée par Jo Le Floch pour Alain Pichon

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C’est une tempête hors-norme, qui s’est déchaînée pendant quatre jours, dans le Golfe de Gascogne en septembre 1930. 27 dundees, armés pour la pêche du thon, n’ont jamais regagné la terre. 90 ans plus tard, à Plouhinec, Jo Le Floch a dessiné 99 œuvres au pastel qui représentent des scènes de cette tragédie. Une belle façon de rendre hommage aux 207 marins disparus en mer.

Une imposante base de données

Les dessins ont été effectués pour animer le film « Thoniers dans la Tempête », une œuvre réalisée par Alain Pichon. Pour reconstituer la catastrophe et raconter l’émoi suscité entre Douarnenez et La Rochelle, Alain Pichon a exploité 138 rapports de mer, des rôles d’équipage, des coupures de presse et des témoignages d’époque, tous passés au crible pour constituer une base de données et bâtir le scénario. Jo Le Floch est ensuite entré en scène. Ses 99 représentations illustrent la reconstitution de la catastrophe et défilent pendant le film.

Des émotions et scènes de mer

« Mon oncle a survécu au drame. Il m’a souvent parlé de cette tempête et je possède encore le compas du thonier sur lequel il était embarqué. J’ai souhaité apporter ma contribution en représentant les navires en difficulté. Mais aussi et surtout, j’ai voulu traduire les émotions des gens de mer qui ont affronté la mer déchaînée. Dans un premier temps, J’ai construit la maquette d’un dundee, elle m’a permis de mieux comprendre les détails du scénario et de représenter les scènes », explique le dessinateur.

À Plouhinec, Jo Le Floch a déjà participé à une œuvre mémorielle, c’était pour le centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale.

Pratique

Deux séances publiques sont programmées cette semaine, le 17 septembre, à 17 h 30, au cinéma d’Etel et le 18 septembre, à 20 h 30, à l’espace Calloc’h de Plouhinec.

17 septembre 2020

Extrait d'un shooting - modèle : Katia Martin

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17 septembre 2020

Académie des Césars : Polanski figure d’office dans la nouvelle assemblée générale

Le réalisateur Roman Polanski et le producteur Thomas Langmann, condamné en 2019 pour harcèlement envers sa femme, ont été admis d’office après en avoir fait la demande.

Le cinéaste Roman Polanski, qui avait renoncé à se rendre à la dernière cérémonie des Césars sous la pression de féministes après de nouvelles accusations de viol, figure d’office parmi les 182 représentants de la nouvelle assemblée générale de l’Académie des arts et techniques du cinéma, a-t-on appris mardi 15 septembre.

Le 29 septembre, cette nouvelle assemblée, dont les membres ont été désignés lundi soir, élira pour un mandat de deux ans, renouvelable une fois, le nouveau conseil d’administration de l’association des Césars. Elle élira également un tandem femme-homme pour la présidence.

Ces derniers mois, les Césars ont été secoués par une grave crise : plusieurs de ses membres et des personnalités du cinéma reprochent un fonctionnement jugé opaque, une forme d’entre-soi et surtout un déficit de parité. Cette crise avait connu un point d’orgue lors de la cérémonie des Césars, le 28 février, avec le départ fracassant d’Adèle Haenel, qui dénonçait le prix du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski (pour J’accuse).

Quelques jours avant cette cérémonie, le conseil d’administration, présidé depuis 2003 par le producteur Alain Terzian, avait démissionné en bloc. Dans le cadre d’une médiation sous l’égide du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), une présidente par intérim, la productrice Margaret Menegoz, avait été nommée et une assemblée générale extraordinaire avait entamé une réforme.

Elus en tant que « membres historiques »

C’est dans ce cadre que les nouveaux représentants de l’assemblée générale ont été élus lundi par les 4 313 membres de l’Académie des Césars (acteurs, réalisateurs, producteurs, techniciens…).

En tant que « membres historiques », Roman Polanski et le producteur Thomas Langmann, condamné en 2019 pour harcèlement envers sa femme, ont été admis d’office après en avoir fait la demande. Alain Terzian, critiqué par les frondeurs pour sa gestion de l’ancienne Académie des Césars, fait lui aussi partie de la nouvelle assemblée générale en tant que membre historique.

« Les statuts actuels ont été simplement appliqués », a indiqué à l’Agence France-Presse Margaret Menegoz. A propos de Roman Polanski, la présidente par intérim des Césars n’a pas commenté, rappelant simplement qu’à titre personnel, « elle a toujours séparé l’œuvre de la personne ».

Mardi, le comédien Eric Métayer, parmi les nouveaux représentants élus de l’assemblée générale, a publié sur Twitter un message vidéo désapprouvant sans les nommer la désignation de certains membres, et souhaitant que « ceux qui n’ont rien à y faire, s’en aillent ». Il réclame également que tous les membres soient désormais élus.

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17 septembre 2020

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17 septembre 2020

Face au Covid, la Fiac se saborde par peur du fiasco

Par Elisabeth Franck-Dumas 

Les galeries étaient divisées sur l’intérêt de maintenir l’événement en l’absence des exposants et touristes étrangers. Une annulation qui met en difficulté l’organisateur, Reed Exhibitions.

Eh ben non ! Finalement elle n’aura pas lieu. La Fiac (Foire Internationale d’art contemporain) dont la tenue, ou non, du 22 au 25 octobre à Paris, a tenu en haleine tout le marché de l’art français ces dernières semaines, a annoncé le 14 septembre au soir, après avoir sondé galeries et participants VIP, après avoir promis une réponse la semaine du 7 septembre, après avoir même envisagé de fusionner avec Paris Photo (et pourquoi pas ?), autre foire gérée par le groupe Reed Exhibitions au Grand Palais - laquelle Paris Photo reste toujours prévue pour novembre mais tout le monde retient son souffle -, bref, la Fiac, donc, est annulée : «Malgré un travail sans relâche pour surmonter les nombreuses difficultés induites par la crise sanitaire, relatait le communiqué, un peu short et trop tardif au goût de presque tout le monde, l’organisation considère qu’elle n’est pas en mesure de proposer un événement à la hauteur des attentes et des ambitions de ses exposants et visiteurs.» Et d’ajouter que tous les exposants seraient remboursés des sommes déjà versées.

«Nous avons pris une décision difficile, mais je pense qu’elle est dans le respect du moment particulier, imprévisible, dans lequel nous sommes, faisait valoir à Libération sa directrice artistique, Jennifer Flay, le lendemain. Personne ne s’attendait par exemple aux mesures restrictives prises [lundi] sur les groupes de plus de dix personnes à Bordeaux et Marseille.»

Brouhaha

La nouvelle fut accueillie avec un soupir de soulagement silencieux par une quantité importante d’exposants, et par un brouhaha de critiques autrement plus médiatisées, sur le site de Télérama ou sur France Info, où s’est exprimé Fabrice Bousteau de Beaux Arts Magazine, dont la teneur des propos était de regretter «l’occasion manquée» pour Paris et la scène française. Ce qui, de quelque côté qu’on se range, est assurément le signe d’un monde de l’art rendu à cran par l’annulation en pagaille de foires (Art Basel, Art Basel Miami, la Frieze de Londres…) dans un écosystème où les galeries y font souvent plus d’un tiers de leur chiffre d’affaires annuel.

Après la tenue plutôt réussie de la foire Art Paris au Grand Palais la semaine dernière (lire Libé du 11 septembre), dans le respect de normes sanitaires qui auraient vraisemblablement été identiques pour la Fiac, avait subsisté le fol espoir chez certains que cette dernière se tiendrait, en version resserrée et locale, sans les galeries étrangères et en direction du marché français, en dépit d’un contexte covidien de plus en plus tendu. L’espoir était vivace jusque dans les rangs de Reed Exhibitions - dont le modèle économique est mis en péril par les dominos de foires s’effondrant les uns après les autres -, et de la RMN, qui chapeaute le Grand Palais, et n’aurait pas dit non à ces revenus pour le financement des travaux pharaoniques qu’il doit engager (ni la RMN ni Reed n’ont souhaité commenter).

«Nous aurions été ravis de nous trouver sous la nef pour présenter une belle édition de résistance, si toute la communauté française s’était réunie dans un acte de résistance commune», argumente Jennifer Flay. Et là, il s’agit de lire entre les lignes, car hélas, la communauté française se trouve un brin clivée sur le sujet. Une petite majorité de galeries françaises avaient répondu au sondage d’intention qu’elles ne trouvaient pas souhaitable la tenue de la foire - les exposants étrangers, eux, ayant de gré ou de force fait défection, y compris ceux de pays limitrophes. En dehors du risque sanitaire, ces galeries réticentes se demandaient s’il n’était pas trop économiquement aventureux d’engager des frais conséquents, en ces temps de disette, pour toucher un public français qui pouvait pousser la porte de leur galerie quand bon leur semblait. «La Fiac est une foire internationale, si c’est pour en faire une foire nationale je ne vois pas l’intérêt, faisait ainsi valoir le galeriste parisien Hervé Loevenbruck, qui avait signifié en septembre qu’il n’irait pas. Et pourquoi casser l’image de la Fiac ? Ce n’est pas rendre service de leur dire "maintenez la foire et faites un truc moyen !"» Même son de cloche chez Solène Guillier, de la très pointue gb agency : «On a toujours fait la Fiac, dont la qualité est remontée en flèche depuis l’arrivée de Jennifer Flay. Mais cette année, sans exposants étrangers et sans ce public international de qualité, le choix était simple : il ne fallait pas faire une édition amoindrie. On ne peut pas faire les choses par le petit bout, dans un monde qui est en train de s’écrouler et où nous avons tous notre part de responsabilité.» Charge aux galeristes, jugeait le camp des «soulagés», de trouver les moyens d’attirer les collectionneurs - moyens plus écologiques, moins chronophages et moins coûteux.

Fructueux

Et les autres ? Comment dire… «Cela aurait nui au prestige de la Fiac ? s’étranglait au téléphone le galeriste autrichien Thaddaeus Ropac, poids lourd du marché, à la tête de galeries à Paris, Pantin et Salzbourg. Mais quel état d’esprit étroit ! Quel manque de courage ! La Fiac, c’est aussi pour les Parisiens ! Et ils en auraient fait un succès ! Beaucoup de collectionneurs contactés en amont me l’avaient assuré. C’est vraiment une occasion manquée, celle de faire quelque chose de fort pour la place de Paris.» Point de vue partagé par Nathalie Obadia, dont le passage par Art Paris s’est révélé fructueux, et qui ne «comprenait pas» qu’on milite contre le maintien de cette édition de la Fiac.

A ce stade, l’annulation profitera sans doute à des foires locales et ciblées, type Asia Now, qui se tiendra du 21 au 24 octobre à Paris, à laquelle Nathalie Obadia compte participer aux côtés d’Almine Rech et Emmanuel Perrotin, ou Galeristes, qui se tiendra du 23 au 25 octobre, et dont le fondateur, Stéphane Corréard, a toujours fait valoir l’approche plus locale et «intimiste». Mardi, il pensait pouvoir accueillir une dizaine de galeries supplémentaires.

17 septembre 2020

«Antoinette dans les Cévennes», hilarant vague à l’âne - vu hier soir

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Par Didier Péron

Dans le second long métrage de Caroline Vignal, Laure Calamy excelle dans le rôle d’une amante opiniâtre en virée avec une bourrique sensible à ses échecs amoureux.

Voir Antoinette dans les Cévennes en cette rentrée sous masque, c’est une façon tardive de faire un adieu définitif à nos déambulations estivales tout en y retournant par les chemins cocasses d’une course-poursuite amoureuse en Lozère. Antoinette, institutrice un peu exaltée, devait partir avec Vladimir, parent d’une de ses élèves, homme marié, qui finalement lui apprend, les yeux dans les poches, qu’il n’a pu se dérober à un trek programmé en famille sur le GR70, le chemin emprunté à l’automne 1878 par Robert Louis Stevenson, sur près de 200 kilomètres à pied entre Monastier et Saint-Jean-du-Gard. La solitude imprévue de ce début d’été tombe brutalement sur les épaules d’Antoinette qui décide d’un coup de sang de rejoindre à son tour la région cévenole, louant un âne dans l’espoir déraisonnable de pouvoir faire au moins un bout de chemin avec Vladimir. Tel est le point de départ du second long métrage d’une cinéaste, Caroline Vignal, issue de la Fémis et qui n’avait plus tourné depuis vingt ans et son coup d’essai, les Autres Filles, sorti fin août 2000. Labellisé «sélection officielle Cannes 2020», Antoinette… est exactement le genre de film feel good porté par une actrice connue et pour une fois gratifiée d’un vrai premier rôle, Laure Calamy, qui avait toutes les qualités requises pour décoller sur la Croisette par ces vagues d’engouement qu’une projection en avant-première savamment bien placée peut soulever en mettant tout le monde sur la même longueur d’onde enthousiaste.

Névrose

La part de vaudeville à l’amorce du récit est vite submergée par autre chose, une confrontation de la jeune femme avec elle-même et les étapes qu’elle enchaîne en suant, pestant, se perdant tout en gagnant du terrain, sont les chapitres émancipateurs d’un roman d’apprentissage. L’âne, ici, c’est la névrose. C’est-à-dire, ce qui dans la mécanique du désir vous fait avancer ou vous bloque. Un paradoxe efficace qui peut foutre les vacances (ou la vie) en l’air, par le jeu déroutant des forces opposées de poussée et d’inertie. La bête butée, opaque dans ses humeurs ou décision, louée pour délester Antoinette du poids des affaires courantes (la valise de vêtements déversés dans deux sacs en plastique), devient la charge principale, décuplée sur pattes, un poids mort de non-réponse à vif ralentissant l’avancée, ainsi qu’un interlocuteur a priori navrant en lieu et place de l’homme aimé, introuvable et injoignable faute de réseau dans «le pays des ploucs».

Pour se délivrer de la névrose, comprendre la nature dynamique de ce qui coince, c’est bien connu, il faut parler - et l’héroïne s’aperçoit dans une scène hilarante que le bourricot Patrick ne consent à bouger durablement, trottiner à son aise de plateaux en forêts, qu’à la condition qu’Antoinette l’abreuve de confidences sur ses ex et lui fasse le détail de ce qui, à chaque fois après les premiers élans, s’est systématiquement soldé par une rupture, la laissant face à l’énigme de son célibat erratique. Ce qui ne marche pas, en somme, fait avancer l’animal et à ses côtés sa «maîtresse». Stevenson, en son temps, fut plus brutal, moins discursif, se servant d’un aiguillon offert par un aubergiste pour piquer, parfois au sang, le cuir de l’ânesse : «A partir de ce moment-là, Modestine devint mon esclave», «le petit démon pervers, qu’on n’avait pu mater par la bonté, devait obéir quand même à la piqûre». Caroline Vignal, par ailleurs autrice unique du scénario, invente des transferts plus émouvants entre son personnage et l’animal, une circulation entre la joie d’être là et la mélancolie sans phrase, une parenté née de l’épreuve et de l’endurance.

Osmose

La satire du petit monde des randonneurs contemporains cherchant à renouer en groupe et dans le cadre d’un tourisme encadré avec l’appel romantique des épiphanies d’autrefois, le portrait mordant ou empathique des mecs dragueurs, la scène d’explication entre l’épouse trompée de Vladimir et Antoinette, ne sont pas des situations faciles à faire dès lors que la comédie à la française peine souvent à surmonter des clichés de classes ou des profilages à gros traits de types humains. La cinéaste joue d’expérience, bien qu’elle ait peu tourné, comme on l’a vu : du moins peut-on conclure de la découverte de ce tardif second long qu’elle a beaucoup vécu et observé. La trouvaille de Laure Calamy dans le premier rôle fait le reste. C’est peu dire qu’elle est démente. Jouant tour à tour la dégourdie qui n’entend pas se laisser abattre, la fille perdue fondant en sanglots devant le bonheur conjugal des autres, la randonneuse égarée en pleine nuit loin des bornes peintes du GR, passant de l’insouciance à la gravité dans une osmose étroite avec la découpe changeante des paysages et du climat, Calamy fait du manque un plein, chaque faille ou engouement de son personnage est travaillé par l’actrice pour lui donner tout le relief d’une expérience non calculée, ressentie au présent, comme en vrac pour une tentative de chantier permanent et personnel. Brigitte Roüan savait faire ça quand elle signait et interprétait Post coïtum animal triste (1996) ou encore Virginie Efira, vingt ans plus tard dans le Victoria de Justine Triet, c’est-à-dire une exaltante tambouille de crise où on ne fait plus la part de la fiction et de la confidence.

Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal avec Laure Calamy, Benjamin Lavernhe, Olivia Côte… 1 h 35.

17 septembre 2020

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17 septembre 2020

Douze Hongkongais engloutis par la justice chinoise

Par Anne-Sophie Labadie, correspondante à Hongkong — Libération

Arrêtés fin août alors qu’ils tentaient de gagner Taiwan par la mer, ces activistes sont depuis détenus pour «entrée illégale» en Chine. Sans nouvelles, démunies, leurs familles réclament leur retour à Hongkong.

«Nous avons mangé ensemble, bavardé et ri, comme d’habitude», raconte la mère de Lee Tsz-Yin. Tout avait l’air normal, ce jour-là. De son côté, Cheng Tsz-ho «m’a dit qu’il partait à la pêche», explique son père. «Il portait une canne à pêche et deux seaux. Et la dernière chose que j’ai sue à son sujet c’est qu’il avait été arrêté» le 23 août avec onze autres jeunes Hongkongais, au large des côtes de la province chinoise de Guangdong. Les douze ont alors disparu dans les limbes d’un système judiciaire chinois opaque, sans qu’aucun contact n’ait pu être établi avec leurs proches. Les autorités ont seulement indiqué qu’ils étaient désormais détenus dans le district de Yantian à Shenzhen, mégalopole frontalière de Hongkong, dans le cadre d’une enquête pour « entrée illégale» en Chine, laissant leurs familles démunies et rongées par l’inquiétude. «Je ne dors plus la nuit depuis que j’ai eu la nouvelle de l’arrestation. Je suis terriblement inquiète sur son état de santé», lâche, la voix chargée de sanglots, la mère de Tang Kai-Yin, qui ignore si son fils asthmatique a accès à son traitement vital. «J’espère que le gouvernement de Hongkong peut les ramener ici et nous laisser les voir. Pour l’instant, je ne sais même pas si mon fils est encore vivant», articule-t-elle à grand-peine.

Supplications

Comme elle, c’est les épaules rentrées et, pour certains, dissimulant le moindre millimètre de peau, que d’autres parents ont raconté samedi à la presse le calvaire pressenti de leurs enfants. Une scène ahurissante dans l’une des villes réputées les plus libres d’Asie, et qui s’enorgueillissait jusqu’à récemment de libertés inconnues en Chine. Une scène qui révèle combien les spécificités négociées entre le Royaume-Uni et la Chine avant la rétrocession de 1997 ont été balayées par la récente loi de sécurité nationale imposée par Pékin.

Peu de détails ont filtré à ce jour sur la tentative de fuite des douze Hongkongais, âgés de 16 à 33 ans. Une seule femme se trouvait à bord du petit bateau à moteur intercepté quelques heures après avoir largué les amarres. Parmi cet équipage de fortune, l’un a la nationalité portugaise, deux au moins sont détenteurs du passeport britannique d’outre-mer, sésame hérité de l’époque coloniale qui autorise l’entrée au Royaume-Uni sans visa, d’après le député Eddie Chu. Le ministre hongkongais de la Justice affirme que certains font l’objet de poursuites pour «émeute» et «port d’arme offensive». «Plusieurs autres avaient été libérés sous caution mais ils ne se sont pas soumis aux contrôles de police obligatoires», précise le député James To.

Le journal américain The Washington Post raconte que les militants ont écarté tout intermédiaire, acheté une vedette et appris les rudiments de la navigation dans l’espoir d’avaler, seuls, les quelque 410 milles nautiques qui les séparent de Taiwan. Plus de deux jours de traversée dans une mer de Chine méridionale quadrillée par les navires chinois. Un autre détail a été révélé sur Twitter : leurs préparatifs dataient d’au moins février, à en croire une ordonnance signée par un médecin hongkongais et adressée à un confrère. Il lui demandait de faciliter le renouvellement d’une prescription de sa patiente, l’une des douze détenus.

Certains détails ont été donnés par la presse, comme la présence parmi les fugitifs d’Andy Li, figure du mouvement localiste - qui défend l’identité hongkongaise et qui est favorable aux idées indépendantistes - et cofondateur du groupe «Fight for Freedom, Stand With Hong Kong». Cet informaticien a plaidé à de nombreuses reprises la cause hongkongaise à l’étranger, comme au siège genevois de l’ONU en septembre 2019 où il défendait, avec sa tignasse ébouriffée, le droit à l’autodétermination des Hongkongais et leurs libertés menacées par les «atrocités» du régime chinois. Pour avoir créé un groupe indépendant d’observateurs des élections, auquel participent des étrangers, Andy Li avait déjà été arrêté le 10 août au nom de la nouvelle loi de sécurité nationale qui criminalise, entre autres, la collusion avec des forces étrangères. Samedi, les familles des douze Hongkongais n’ont pas mentionné «l’intention» du groupe. Mais selon des militants, ils cherchaient à obtenir le statut de réfugiés politiques, à Taiwan ou ailleurs. La seule réalité que les proches ont décrite est l’isolement des leurs depuis leur arrestation.

«Avocats assignés»

Jusqu’à présent, six avocats désignés par les familles se sont déplacés à Shenzhen. Tous se sont vu refuser l’accès à leurs clients. «Les autorités ont affirmé que les détenus avaient "mandaté" d’autres avocats», relatent les proches, selon qui ces avocats sont en fait «assignés par le gouvernement», ce qui signifie que «les autorités ont bloqué toute information». L’avocat chinois choisi par la mère de Lee Tsz-Yin n’a ainsi pu voir son fils, alors même qu’il était en possession des documents officiels exigés par les autorités chinoises. «Mon fils aurait soi-disant désigné deux autres avocats. Mais nous n’avons aucune connexion avec la Chine continentale. Je ne comprends pas pourquoi ça se passe comme ça, mon fils ne ferait certainement pas ça de son plein gré», poursuit la mère, en larmes. «Les parents sont terriblement inquiets par la possibilité que les droits légaux de leurs proches soient bafoués», résume le député James To, et ils réclament donc le retour des leurs à Hongkong où «nous avons un système judiciaire indépendant, bien qu’il ait été affaibli ces derniers mois, et nous gardons nos standards, alors qu’en Chine, le système est totalement différent et truffé de difficultés».

Pour l’instant, les supplications des familles des douze ne trouvent guère d’écho. Même les autorités locales, pourtant «habilitées» dans ce genre de cas selon James To, font preuve d’une grande passivité. La cheffe de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam, «a dit un jour qu’elle était la "mère des Hongkongais"», a rappelé samedi la mère de Tang Kai-yin, l’un des détenus. «Si vous étiez un parent, vous seriez devenue folle et auriez fait tout ce qui est en votre possible pour retrouver votre enfant qui est perdu… Mais il semble que Carrie Lam ne jette même pas un œil au dossier.»

Armada

Il semble surtout que Pékin soit désormais seul capitaine à bord. A ce jour, seuls les Etats-Unis, par la voix du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, samedi, ont exprimé leur «inquiétude» sur le sort des douze détenus hongkongais. Le consulat du Portugal pour Hongkong et Macao n’a pas répondu aux sollicitations de Libération, pas plus que les élus britanniques ou canadiens membres du groupe d’observation formé par Andy Li. Même silence du côté des autorités taïwanaises. L’île, dont Pékin réclame toujours la souveraineté, se retrouve en effet dans une situation délicate, elle qui montre une solidarité certaine à l’égard des contestataires de Hongkong. Taiwan a en effet facilité la délivrance de visas pour les étudiants hongkongais et ouvert le 1er juillet un bureau dédié à l’«assistance humanitaire» pour ceux dont «la sécurité et la liberté sont menacées de manière imminente pour des raisons politiques».

Depuis l’intensification des violences lors des manifestations en novembre 2019, et les milliers d’arrestations qui ont suivi, des centaines de jeunes Hongkongais ont pris la poudre d’escampette, choisissant Taiwan pour au moins 200 d’entre eux. Certains ont fui légalement avec des visas de touristes ou d’étudiants. Ceux poursuivis notamment pour «émeutes», crime passible de dix ans de prison, et dont le passeport avait été confisqué en vue de leur procès, ont opté pour des routes clandestines en mer. L’armée populaire chinoise s’est pourtant faite menaçante, avertissant lors de l’entrée en vigueur le 30 juin de la loi de sécurité nationale avoir déployé une armada pour «traquer les fugitifs».

Mais les candidats à l’exil tentent malgré tout leur chance. Fin août, la presse taïwanaise a rapporté l’histoire de cinq Hongkongais interceptés par les gardes-côtes fin juillet après que leur bateau en panne d’essence a dérivé vers les îles Pratas. Les autorités taïwanaises font profil bas sur cette affaire, se sachant dans le viseur de la Chine et déjà accusées par la presse pro-Pékin d’avoir participé à l’évasion de jeunes Hongkongais avec la complicité d’hommes d’église. Lundi, les autorités hongkongaises ont «exhorté Taiwan à prendre ses responsabilités contre les crimes transfrontaliers» et exigé le renvoi des cinq fugitifs à Hongkong.

«La situation est désespérée», commente Lee Cheuk-yan, président de l’Alliance de Hongkong en soutien des mouvements démocratiques patriotiques en Chine, association née en réaction aux évènements du printemps de Pékin en 1989 pour accueillir les dissidents. «Après le massacre de Tiananmen, des centaines de personnes ont fui le régime par la mer» pour atteindre Hongkong et gagner un autre pays, rappelle l’homme politique. «Aujourd’hui, ce sont les Hongkongais qui fuient le régime chinois.» Mais à la différence de 1989 où les réfugiés «avaient des portes de secours, le soutien de gouvernements coopératifs et des relais en Chine, aujourd’hui, nous n’avons aucune issue, si ce n’est celle, très périlleuse, de la mer».

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