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Jours tranquilles à Paris

31 octobre 2020

Un perso queer au pays des “Miss”, casse-gueule ou réussi ?

miss

Miss

Le cinéaste Ruben Alves assume un coup d’audace payant, qui implante et défend son personnage LGBT+ dans une comédie grand public.

Un jeune homme tente de remporter le concours de Miss France. La phrase est puissante. Elle décrit les contours d'un film au projet forcément un peu casse-gueule, d'autant plus qu'il se déploie sous la forme d'une comédie pensée “grand public”, autrement dit d'un film où la mise en scène, le récit, les dialogues, l'interprétation des acteur·trices et la morale seront avant tout mis au service de l'amusement de la masse.

Miss, second long métrage de Ruben Alves, après Une cage dorée (2013), est donc un double pari d'une audace folle. La croyance à laquelle il tente de nous faire adhérer a deux visages.

A la possibilité qu'un homme remporte le concours de Miss France s'ajoute le fait qu'il soit possible de dépeindre l’intériorité d'une personne LGBTQ +, en l'occurrence un homme androgyne travesti en femme, en la regardant du point de vue normé de la comédie grand public. Les deux paris, celui du récit et du film, étant finalement les mêmes : célébrer une différence en la faisant émerger du terreau le plus normatif possible.

Au rayon des sacrifices, on déplore la caractérisation trop archétypale de certains personnages

La réussite d'une telle entreprise est affaire de sacrifices consentis à la norme et d'intransigeance lorsqu'il s'agit de défendre la différence, de la respecter. A ce titre, Miss est plutôt une réussite. Au rayon des sacrifices, on déplore la caractérisation navrante et vraiment trop archétypale de certains personnages, à commencer par ceux avec qui notre aspirante Miss partage une sorte d'arche de Noé, une vieille bicoque du XXe arrondissement de Paris.

Excepté le personnage de prostitué travesti incarné avec brio par Thibault de Montalembert, la façon dont le film dépeint les autres colocataires est gênante de clichés : la propriétaire, une mère courage et réac' sur les bords incarnée par Isabelle Nanty, les deux vieux garçons, l'un noir et l'autre arabe, beaufs et magouilleurs, et, le pire, les ouvrières indiennes hébergées en échange d'un travail qui flirte avec l’esclavagisme et à qui le film ne donne jamais la parole.

Piratage du genre par le piratage du concours de beauté

Là où Miss remporte son pari, c'est dans sa façon de défendre son personnage principal, incarné de façon éblouissante par Alexandre Wetter, ancien mannequin qui effectue ses premiers pas au cinéma. Le film a l'extrême intelligence de ne pas faire de la révélation de l'identité de genre de son personnage un ressort comique ou à suspense et de se focaliser sur l’inouïe puissance de représentation de son expression de genre.

Là encore, le film est à double fond, puisqu'il double le piratage du genre par le piratage du concours de beauté dont le film ne manque pas de questionner l'archaïque misogynie. Dans un geste clandestin qui rappelle par certains aspects le Network : main basse sur la télévision de Sidney Lumet (1976), Miss s'achève par une scène géniale, qui prouve s'il le fallait encore que le film a choisi son champ. C'est bien la différence, dans ce qu'elle peut avoir de rugueux, d'effronté et de dérangeant que Miss célèbre envers et contre tout.

Miss de Ruben Alves, avec Alexandre Wetter, Pascale Arbillot, Isabelle Nanty (Fr., 2019, 1h47)

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31 octobre 2020

HALLOWEEN

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31 octobre 2020

Kamel Mennour inaugure un nouvel espace

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“Lorsque j’ai vu le nouveau site de Kamel Mennour, j’ai tout de suite imaginé un cloître”, raconte l’architecte Pierre Yovanovitch, invité à repenser le quatrième et nouvel espace parisien de la galerie française. Situés dans la rue du Pont de Lodi, à quelques mètres de l’une de ses autres adresses, les deux étages de ce site ont longtemps servi de stockage aux éditions Hachette et offrent désormais une surface exposable de 600 m2 — la plus grande de toutes les antennes de la galerie –, très lumineuse et agrémentée d’un remarquable escalier en colimaçon. Pour son inauguration le 3 novembre prochain, Kamel Mennour prévoit une exposition en tandem avec deux de ses artistes historiques : Philippe Parreno et Daniel Buren. En attendant, ses autres espaces accueilleront dès cette semaine les œuvres qui devaient initialement composer le stand de la galerie à la 47e édition de la FIAC.

Nouvel espace de la galerie Kamel Mennour, ouverture le 3 novembre au 5 rue du Pont de Lodi, Paris 6e.

31 octobre 2020

Confinement - contrôle attestation de sortie

attestation

31 octobre 2020

Eva Green : “Certains réalisateurs sont sur ma liste noire…”

Talentueuse actrice aux allures de femme fatale, la Française Eva Green a su séduire le public bien au-delà de l’Hexagone pour s’ouvrir les portes du cinéma mondial. Dès sa première apparition pour Bernardo Bertolucci dans “Innocents – The Dreamers”, auprès de Louis Garrel et de Michael Pitt, elle a marqué les esprits de son empreinte indélébile. Depuis plus de quinze ans, elle poursuit une carrière atypique où elle embrase la moindre scène qu’elle traverse. Se glissant dans la peau d’une héroïne de Tim Burton aussi facilement que dans celle d’une James Bond girl au charme trouble, elle a récemment fait sensation dans l’excellente série d’horreur “Penny Dreadful”, et, sur grand écran, dans “Proxima”, bouleversant film d’auteur sur la conquête spatiale qui lui a valu une nomination aux César. Rencontre avec une actrice incandescente.

Propos recueillis par Olivier Joyard .

Portraits Sofia Sanchez & Mauro Mongiello .

Réalisation Samuel François .

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Manteau en laine et satin, boucle d’oreille et broche, CHANEL.

Numéro : Comment allez-vous durant cette période incertaine ? Vous avez eu tout juste le temps d’être nommée comme meilleure actrice aux César pour “Proxima”, avant le confinement.

Eva Green : J’avance au jour le jour. Avec mon agent, on évoque des projets, mais c’est un peu abstrait. Pour l’instant, j’ai quelque chose de prévu en novembre. Des séries et des films ont recommencé en France, les équipes portent des masques, mais les acteurs, c’est tactile. Je sais qu’il y a des protocoles. Par exemple, si je dois tourner en Irlande, je serai placée en quarantaine. Il faut se dire que c’est une épreuve que nous font subir les dieux, porteuse d’un message particulier : nous sommes tous très vulnérables. Voulons-nous retourner au monde d’avant ? Cette pandémie va-t-elle au contraire nous réveiller sur l’écologie, nous pousser à devenir acteurs de notre propre vie ? De mon côté, je suis un peu utopiste, et l’être humain est très étrange. Personnellement, je me suis mise à beaucoup cuisiner, j’ai lu énormément et cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Mais du point de vue de mon métier, le monde s’est arrêté. Les acteurs et les actrices sont là pour l’entertainment alors que les médecins, eux, sont utiles. On se rend compte qu’on n’est pas indispensable.

L’entrée dans le métier doit être brutale pour de jeunes comédiens et comédiennes.

On se prend des baffes quand on est jeune comédien. Même quand on est plus vieux, comme moi. C’est un métier très difficile. Maintenant, c’est encore pire. Allons-nous devoir tourner des films chez nous, munis de petites caméras ? Avec Eva Saint-Paul, mon ancienne professeure d’art dramatique, je discute beaucoup en ce moment. On réfléchit à la manière de faire travailler les comédiens avec des masques. Jouer avec les yeux, peut-être [rires]. Les Cours Saint-Paul, j’y suis allée pour la première fois à 17 ans, pendant deux ans et demi. Cette femme est devenue mon mentor et comme un membre de ma famille. Debra Bruce, ma coach américaine, m’aide aussi beaucoup depuis des années. Je trouve très difficile de travailler seule. Quand on arrive sur un tournage, on a rarement le luxe de répéter. On a cette peur au ventre de se tromper.

Pourquoi avoir choisi une école d’art dramatique dès l’âge de 17 ans ? Vous vous sentiez mal au lycée ?

J’ai suivi le parcours scolaire français jusqu’en première. J’avais de bonnes notes mais du mal à supporter ce système très dur qui ne soutient pas l’individu. Je suis passée par l’École américaine à Saint-Cloud, une expérience fabuleuse qui m’a ouvert la tête sur l’art et le sport. Ensuite, c’est le producteur Dominique Besnehard qui m’a conseillé de fréquenter le Cours Saint-Paul. Avant cela, j’avais toujours l’impression d’être le vilain petit canard. J’étais timide, j’avais du mal à être en groupe. Être différent suppose toujours un mélange de souffrance et de force. Quand je suis arrivée en école d’art dramatique, on m’a donné des rôles comme Cléopâtre, lady Macbeth, des rôles extérieurs à moi et puissants. Cela m’a permis de canaliser mes démons. Quand on joue Mademoiselle Else de Schnitzler ou Mademoiselle Julie de Strindberg, ça ressemble à une psychanalyse accélérée. Peut-être que ça évite de tuer des gens dans la vraie vie [rires].

Dès 14 ans, vous étiez fascinée par la figure d’Adèle H., jouée par Isabelle Adjani dans le film de François Truffaut. Une femme dans un état limite. Elle vous a donné envie de faire du cinéma ?

C’est vrai que L’Histoire d’Adèle H. m’a beaucoup marquée. J’aime les rôles de femmes passionnées, prêtes à aller jusqu’au bout. L’obsession me semble fascinante. Cate Blanchett dans Elizabeth, je l’ai vue je ne sais pas combien de fois. Des rôles comme ceux-là donnent envie de jouer, même si je ne me compare jamais.

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Robe bustier en velours, bracelets et collant, CHANEL. Bague “Coco Crush”, CHANEL HAUTE JOAILLERIE.

Vous renvoyez l’image d’une actrice intense. Vos trois films avec Tim Burton (Dark Shadows, Miss Peregrine et les enfants particuliers, Dumbo) y sont pour quelque chose, mais pas seulement.

Il faut peut-être que je fasse attention à ne pas être que dark et gothique ! En effet, j’aime les choses compliquées, tourmentées. Rester dans la quotidienneté au cinéma, ce n’est pas mon truc. Si c’est trop près de moi, je m’ennuie.

Ces dernières années, la série horrifique “Penny Dreadful”, qui se déroulait à Londres à la fin du XIXe siècle, vous a donné l’occasion d’exprimer une certaine sauvagerie, avec des scènes de possession, de magie...

Penny Dreadful est une série très noire. J’ai connu une expérience extraordinaire en développant une relation avec le showrunner John Logan, qui me demandait mon avis et m’interrogeait sur là où je voulais aller avec le personnage de Vanessa Ives. Et nous sommes descendus au fond de ses entrailles. C’est très jubilatoire de jouer des choses extrêmes et irrévérencieuses, qu’on a tous en nous, même si on est tous très polis... En même temps, quand on approche des sentiments très noirs, cela peut être malsain. Il faut savoir se protéger. Alors on apprend de nos personnages pour comprendre jusqu’où aller pour que notre santé physique et mentale ne soit pas endommagée.

“On n’est pas encore arrivé dans un monde idéal, car les hommes sont plus payés que nous, mais dans ce que je lis, je trouve de vraies propositions, variées. La beautiful girlfriend, ça ne m’a jamais intéressée, oh lala !... ”

Vous avez toujours recherché une forme de provocation, dès Innocents – The Dreamers, votre premier film sur un trio amoureux, signé Bernardo Bertolucci...

Les gens ont souvent des choses à dire sur vos choix, mais une petite voix à l’intérieur vous guide. C’était mon premier rôle à l’écran. J’ai passé le casting à Paris à un moment où je voulais arrêter le théâtre, car je n’étais pas heureuse. Je n’y croyais pas du tout, mais Bernardo a aimé ma prestation. J’étais fan du Dernier Tango à Paris, un énorme poster trônait dans ma chambre. Ma mère [l’actrice Marlène Jobert] et mon agent craignaient que cela ne se passe pas très bien. Il y avait cette rumeur sur Maria Schneider. Je ne vais pas sous-estimer ce qu’a vécu Maria Schneider, qui a beaucoup souffert. Me concernant, Bertolucci a toujours été très bienveillant et paternel.

Comment gérez-vous l’équilibre entre le pouvoir du réalisateur et la liberté de la comédienne ?

J’ai rencontré des réalisateurs – je ne les citerai pas – qui sont sur ma liste noire. Je réagis de façon violente à ces situations. Je refuse totalement les scènes sexuelles avec ce type de personnalités. Il y a des cons et des connes partout, et dans ces situations, c’est vraiment la relation de pouvoir qui est en cause.

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Blouse en voile de coton et boucle d’oreille, CHANEL. Bague double “Coco Crush”, CHANEL HAUTE JOAILLERIE.

Votre dernier film, Proxima, vous mettait dans la peau d’une astronaute qui doit partir en mission et laisser sa petite fille derrière elle. Un magnifique mélodrame spatial.

Le fait de jouer une astronaute m’a attirée, il y avait quelque chose de viril et de réjouissant... Et en même temps, Proxima raconte cette histoire d’amour entre une femme et son enfant. Quand j’ai lu le scénario, j’ai tout de suite voulu rencontrer la réalisatrice Alice Winocour. C’est une perfectionniste avec un côté geek, comme moi. Elle m’a donné plein de bouquins à lire sur les astronautes, on est allées ensemble à l’ESA, le centre européen des astronautes, à Cologne. Je me souviens d’un instructeur russe qui m’engueulait comme si je devais vraiment partir dans l’espace ! On a beaucoup répété avec la petite actrice Zélie. C’est la première fois que je travaillais autant en amont. Alice portait vraiment ce projet qui était très proche d’elle, car elle a une fille du même âge. La femme que j’incarne dans Proxima garde sa liberté, malgré sa culpabilité. Toutes les mères font face à cela. Cela encourage les femmes à poursuivre leurs rêves, même si cela veut dire aller à l’encontre de ce que la société attend de nous.

Les rôles que l’on vous propose ont-ils évolué depuis le mouvement MeToo ?

J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de rôles pour les femmes. On n’est pas encore arrivé dans un monde idéal, car les hommes sont plus payés que nous, mais dans ce que je lis, je trouve de vraies propositions, variées. La beautiful girlfriend, ça ne m’a jamais intéressée, oh lala !... Souvent, je me demande : “Est-ce que ce rôle pourrait être joué par un homme ?” Récemment, sur Netflix, j’ai vu beaucoup de thrillers portés par des femmes. Ça avance dans le bon sens.

Vous êtes à la fois dans le cinéma français et en dehors, en tournant beaucoup à l’étranger. Quelle est votre famille de cinéma ?

J’ai gardé le contact avec certains réalisateurs et certaines réalisatrices, mais je ne sais pas si j’appartiens à une famille du cinéma. J’ai des amis dans le métier, oui, quelques acteurs, mais peut-être davantage de membres des équipes techniques. Je suis plutôt un électron libre. À l’époque de ma maman, disons dans les années 70, il y avait un vrai esprit d’unité dans le cinéma. Maintenant, c’est beaucoup plus éclaté. Le monde est ouvert, on voyage sans cesse. En même temps, ce serait bien que je retrouve des réalisateurs français sur la durée. Travailler en France, c’est comme des vacances pour moi.

Le cinéma vous semble-t-il en danger, fragilisé par la pandémie et par l’assaut des séries ?

C’est parfois difficile de penser que le cinéma peut encore faire rêver. Les séries, il y en a des formidables, je suis moi-même accro. En ce moment, je vais beaucoup moins au cinéma. C’est un autre tournant dans ce monde apocalyptique. Prochainement, je risque de jouer dans un film qui va se retrouver sur Netflix. Moi, je suis heureuse si j’ai le luxe de pouvoir continuer à faire ce métier.

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31 octobre 2020

Force de l'ART

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31 octobre 2020

Berlin : Helmut Newton One Hundred

Le 31 octobre 1920 naissait à Berlin de Klara “Claire” (née Marquis) et Max Neustädter, un propriétaire d’usine de boutons, un garçon prénommé Helmut. C’était il y a 100 ans !

Helmut Newton One Hundred

31 Oct. – 8 Nov. 2020

Fondation Helmut Newton + ville de Berlin

Köpenicker Straße 70,

Berlin-Kreuzberg, Allemagne

https://helmut-newton-foundation.org/en/

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31 octobre 2020

Laetitia Casta

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31 octobre 2020

Les œuvres provocantes et scandaleuses de Sarah Lucas

Depuis ses débuts dans les années 80 parmi les Young British Artists, Sarah Lucas s’intéresse à la représentation du corps féminin. S’emparant de ses attributs sexuels, elle les détourne dans ses sculptures sans visage aux poses irrévérencieuses et transgressives. L’obsession qui régit l’ensemble de son œuvre l’a menée des Bunnies en textile aux NUDS en métal qui, aujourd’hui, défient victorieusement le public avec une force de provocation toujours intacte.

Par Eric Troncy .

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“Tracey” (2018). Collants, kapok, fil, chaussures et chaise en bois et métal. Sculpture : 122 x 53 x 71 cm.
Socle : 121,9 x 121,9 x 15,2 cm.
Vue de l’exposition Honey Pie (2020) à la galerie Sadie Coles HQ à Londres.

Discrètement, un peu avant l’été, elles se sont installées à Londres et à New York, et semblaient se réunir en conciliabule – le lockdown donnant à leurs réunions involontairement secrètes des allures de complot, auquel on ne pouvait prendre part que sur rendez-vous. Depuis leur première apparition, il y a plus de vingt ans, les Bunnies de Sarah Lucas, et leurs mutations génétiques qu’elle appelle les NUDS, ont connu des évolutions formelles qui ressemblent au développement d’une espèce inconnue et à son adaptation au biotope qu’est le monde contemporain. Évoquant l’Agrippine de Claire Bretécher autant que la sculpture de Barbara Hepworth, elles sont la preuve (presque vivante) des extraordinaires capacités de sculptrice – et de coloriste – de l’ancienne “enfant terrible” des Young British Artists, qui ne s’est pas assagie en gagnant un peu en classicisme.

Dans un élégant white cube oversize cerné de restaurants, de pubs et de wine bars de Kingly Street, près de Piccadilly Circus (Sadie Coles HQ) et dans les espaces de déambulation d’une imposante maison toute verticale (construite en 1876 et remodelée en 1956 par Edward Durell Stone, qui fut aussi l’architecte du MoMA de New York), sur la 64e Rue dans l’Upper East Side (Galerie Barbara Gladstone), les Bunnies ont pris leurs aises. Affalées dans des fauteuils de Charles et Ray Eames ou dans des sièges vintage, sur des bureaux ou sur des piles de briques en béton, affublées de baskets ou de chaussures à talons hauts et semelles exagérément compensées, elles affichent crânement, et avec lascivité, les contorsions infligées aux membres qui, tant bien que mal, composent leurs corps. Anthropomorphes, elles sont d’une espèce étrange, avec laquelle nous nous sommes familiarisés depuis qu’elles sont apparues dans notre monde, en 1997. Plus de vingt ans que nous cohabitons avec cette population qui, un peu, nous ressemble – mais qui a montré des capacités de mutation hyper rapides.

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“Sugar” (2020). Collants, fil, laine, pince, chaussures, peinture acrylique et chaise en métal. Sculpture : 93 x 63 x 82 cm. Socle : 50,8 x 91,4 x 91,4 cm.

“J’ai réalisé la première Bunny de façon quasi accidentelle, j’entends par là que je n’avais pas une idée claire d’où j’allais avec les collants que j’avais pris pour matériau”, explique Sarah Lucas. Elles sont faites, en effet, de collants garnis de kapok, de coton ou de laine (selon elle, les collants mexicains de la marque Dorian Gray sont les plus résistants) et ne portent pas de vêtements en dehors de bas colorés et parfois de chaussures. Elles sont humanoïdes mais n’ont pas de visage, en tout cas pas d’une nature que nous connaissons, et leur tête fait parfois place à des membres longs comme des bras supplémentaires. L’artiste dit avoir fait l’expérience, lorsque la première Bunny fut achevée, d’un “sentiment d’‘eurêka !’ [où] vous avez soudainement envie de vous asseoir devant une bonne bière, de rire, de fumer des clopes à toute vitesse et de téléphoner dans tous les sens en disant : ‘Eh ! il faut absolument que vous veniez voir ça...’”

“J’ai commencé à faire ces choses en partie pour me tenir compagnie”, confie Sarah Lucas, qui s’est rapidement retrouvée en grande compagnie. En 1997, les huit premières Bunnies firent l’objet d’une exposition chez Sadie Coles à Londres (les deux femmes travaillent ensemble depuis les années 90), intitulée Bunny Gets Snookered (“Bunny se fait rouler”) et dans laquelle, installées sur des chaises, elles étaient disposées de part et d’autre d’une table de billard (et pour deux d’entre elles sur la table de billard elle-même) leurs bas reprenant les couleurs des boules. Depuis lors, ces créatures, affirmant de lointains liens de parenté avec les poupées de Hans Bellmer et les sculptures de Louise Bourgeois, n’ont pas vraiment grandi mais ont en quelque sorte “muté”, générant au passage une espèce parallèle que Lucas appelle les NUDS, et qui, elles, semblent parfaitement affranchies de références littérales au corps humain, en le suggérant cependant – à moins que ce soit notre regard qui soit incapable de s’en affranchir. Les collants remplis de laine et leur structure molle laissent la place à d’autres matériaux plus “durs” (le bronze, et même l’or) et dessinent une sorte de population se présentant comme assagie et embourgeoisée – mais non moins surréaliste – et qui semble plus arrogante encore.

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“Winter Song” (2020). Collants, fil, laine, pince à ressort, chaussures, peinture acrylique et chaise en bois. Sculpture : 113 x 55 x 70 cm. Socle : 50,8 x 91,4 x 91,4 cm.

Après une première rétrospective de son œuvre présentée en Chine, au Red Brick Art Museum de Pékin, ainsi qu’au New Museum de New York et au Hammer Museum de Los Angeles en 2018, les deux expositions qui suivirent, à Londres et à New York, célébrèrent le retour en force des Bunnies et des NUDS dans notre quotidien, sous le même titre : Honey Pie (Ma petite chérie). Ce faisant, Lucas, qu’on imagine plutôt pétrie de punkitude, cite-t-elle peut-être une chanson des Beatles : figurant sur l’album blanc paru en 1968 et dont Richard Hamilton pensa la célèbre pochette monochrome, Honey Pie débute ainsi : “She was a working girl/ North of England way/ Now she’s hit the big time/ In the U.S.A./ And if she could only hear me” (“C’était une fille qui travaillait/ Dans le nord de l’Angleterre/ Maintenant elle a décroché le gros lot/ Aux U.S.A./ Et si elle pouvait seulement m’entendre”) Dans l’imaginaire modelé par l’histoire de l’art des cinquante dernières années, on réserve souvent à Sarah Lucas la place qui revient aux agents provocateurs faisant de l’indiscipline, sinon une forme d’art, au moins une hygiène de vie. Ancienne élève du Goldsmiths College de Londres où elle fut diplômée en sculpture (ses récentes explorations de la couleur lui faisant a posteriori regretter de n’avoir pas plutôt étudié la peinture), associée à la fin des années 80 aux Young British Artists (elle a participé au Freeze show qui leur tint lieu d’événement séminal), elle est inévitablement associée aux sculptures qui firent son légitime succès. En particulier Au naturel (1994), matelas adossé contre un mur et sur lequel deux oranges et un concombre miment l’appareil génital masculin tandis qu’à côté, deux melons et un seau représentent un personnage féminin. Dans Two Fried Eggs and a Kebab (1992), un kebab a pris la place d’un sexe féminin sur un corps devenu table, deux œufs au plat faisant office de seins (lorsqu’elle exposa cette œuvre pour la première fois, Lucas vint changer les œufs au plat chaque matin) – œufs au plat dont elle s’affuble elle-même dans un autoportrait de 1996 (Self Portrait with Fried Eggs). En leur temps, ces sculptures étaient tellement chargées de provocation, tant dans leur forme que dans leurs narrations suggérées, que sembla passer au second plan cette étonnante façon de représenter des corps, c’est-à-dire la préoccupation principale de la sculpture classique. Regardée aujourd’hui en compagnie de Bunnies et de NUDS, et de leur coming out de sculptures aux préoccupations classiques justement, toute l’œuvre de Sarah Lucas semble éclairée différemment, et la représentation du corps y tenir le premier rôle.

Les NUDS offrent à l’artiste la possibilité d’expérimenter des matériaux “durs”, y compris dans la conception de socles intégrés, qui renvoient assurément à la sculpture moderniste, et donc de se confronter très directement à cette forme historique. Les Bunnies, volontiers présentées sur des socles colorés et chaussées de bas colorés eux aussi, donnent à Sarah Lucas la possibilité de se confronter à la “sculpture contemporaine” (Isa Genzken). Toutes évoquent le corps féminin, bien que les NUDS soient censés être plus abstraits – mais tirent leur nom d’une expression de la mère de l’artiste, “in the nuddy”, qui signifie “nu”. Dans la version londonienne de Honey Pie, Lucas a imaginé un dispositif de présentation pour ses sculptures dans lequel l’espace d’exposition est divisé par des murs en béton qui, très simplement, installent un décor de musée contemporain (on pense inévitablement à Bregenz), mais évoquent aussi les revêtements muraux des villas modernistes. Dans ce “décor”, leur lien avec la tradition sculpturale mise en place au xixe et xxe siècles (de la Petite Danseuse de quatorze ans de Degas aux sculptures de femmes alanguies de Matisse) s’épanouit sans distraction et sans fausse pudeur. Ce faisant, Lucas offre des versions parfaitement contemporaines de la sculpture du corps féminin : poses suggestives d’empowerment ou contorsionnées, comme entravées, multiplication des seins et sexualisation manifeste offrent tout un tas de prises à la narration sans être univoques. C’est toujours l’invention d’une forme qui domine, et l’on voit enfin distinctement quelles ombres planent sur cette œuvre : celles de Franz West, d’Edward Kienholz, de Louise Bourgeois...

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31 octobre 2020

Halloween

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