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Jours tranquilles à Paris

15 septembre 2020

Rimbaud et Verlaine iront-ils dormir au Panthéon ?

verlaine rimbaut

C’est un véritable coup de tonnerre qui s’abat sur le monde de la culture. Depuis plusieurs jours, une pétition circule pour revendiquer l’entrée au Panthéon des deux grands poètes français Paul Verlaine et Arthur Rimbaud. Une décision qui crée de nombreuses discordes dans le cercle des intellectuels...

Un élan de voix

Plus d’une centaine de philosophes, écrivains, scientifiques et personnalités politiques ont lancé une pétition adressée au président de la République pour demander l’entrée de ces deux grandes figures littéraires au Panthéon. Parmi eux, Annie Ernaux, Michel Onfray, Edgar Morin, l’actuelle ministre de la culture Roseline Bachelot ainsi que la majorité de ses prédécesseurs. A l’origine destiné à être une église qui abriterait la châsse de sainte Geneviève, ce monument honore depuis la Révolution française les grands personnages qui ont marqué l’histoire de France. Parmi Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, Victor Hugo, Alexandre Dumas et Jean Jaurès y est inhumée l’ancienne ministre Simone Veil depuis le 1er juillet 2018.

Un déchaînement des passions

A l’initiative de cette démarche : le journaliste Frédéric Martel, l’écrivain Nicolas Idier et Jean-Luc Barré, l’éditeur d’une biographie de Rimbaud. C’est en découvrant la tombe du poète dans le cimetière de Charleville-sur-Mézières que les trois personnalités se sont indignées : en effet, celui-ci repose dans un lieu qu’il maudit, au côté de « son ennemi et usurpateur Berrichon », un poète mineur qui fit du tort à sa postérité. Peu de temps après, une visite au cimetière des Batignolles les désole de plus belle, percevant les cendres de Verlaine « sous d’affreuses fleurs en plastique », dans le bruit du périphérique.

Les trois hommes se mettent rapidement d’accord sur une chose : sortir les deux poètes de leurs caveaux sinistres pour les transférer au Panthéon. Du fait des nombreuses discordances entre Verlaine et Rimbaud – le premier ayant tiré sur le second deux coups de revolver – la pétition insiste sur le fait qu’ils entreraient « en même temps » et non en couple dans une tombe commune.

Il a fallu attendre peu de temps avant de voir éclore les premières contestations de certains intellectuels. Ainsi, plusieurs journalistes, comme Etienne de Montety du Figaro, y voient un acte absurde. Selon lui, Rimbaud et Verlaine étaient « trop libres pour entrer au Panthéon ». Leurs personnalités insolentes et indépendantes n’auraient rien à faire dans un monument poussiéreux au service de la patrie. Une vie de bohème qui doit justement avoir sa place dans ce haut lieu du patrimoine français, selon Frédéric Martel. Pourquoi le Panthéon ne pourrait-il pas accueillir « ses rebelles et ses saltimbanques », ceux qui ont participé à sa révolution intellectuelle ?

L’ambigu Panthéon

Ce vaste débat nous ramène à une question initiale : quel rôle donner au Panthéon ? S’il est désigné comme un lieu de mémoire pour les personnalités qui se sont engagées publiquement au service de la France, Rimbaud et Verlaine ne semblent pas de ceux-là. Si on estime, en revanche, qu’il doit être un lieu réunissant les grands esprits de la culture française, ceux à qui l’on doit un véritable bouleversement de la pensée, ils y trouvent amplement leur place. Reste alors à repenser le discours fait sur les « panthéonisés », au risque de leur attribuer trop souvent une image poussiéreuse et conservatrice.

La démarche peut donc être honorable si l’on estime que le Panthéon doit célébrer la littérature et les arts, les révoltés et les contestataires à qui la France doit énormément. Une manière aussi de redorer le blason de ces disciplines trop souvent mises au second plan face aux actions politiques et militaires. Un monument des révolutionnaires ? Cela semble en premier lieu contradictoire, mais pourrait bien apporter au Panthéon bien plus de sens qu’il n’en a déjà.

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15 septembre 2020

Festival Photo de La Gacilly

Festivla Photo La Gacilly (15)

Festivla Photo La Gacilly (16)

Festivla Photo La Gacilly (17)

Festivla Photo La Gacilly (18)

Festivla Photo La Gacilly (19)

14 septembre 2020

Toiletpaper

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14 septembre 2020

Étel - Tempête de 1930 : un film et la venue du Biche

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Il y a 90 ans, une terrible tempête provoquait le naufrage de dix thoniers d’Étel et de 207 marins sur l’ensemble de la façade atlantique. Le Musée des thoniers fait un focus sur cet événement tragique.

Le focus sur la tempête meurtrière du 17 au 21 septembre 1930 au musée des Thoniers, à Etel, rayonne sur toute la côte Atlantique via un film, projeté en avant-première le 17 septembre au cinéma La Rivière (17 h 30/4 €). Elle lancera aussi les Journées du patrimoine, marquées par la venue du thonier-dundee groisillon Biche. Trois questions à Grégory Nabat, du musée.

Pourquoi ce focus sur cette tempête ?

Elle est un peu oubliée, mais a marqué les esprits par sa soudaineté, sa durée, sa violence (207 marins tués, 27 thoniers coulés, dont dix d’Etel), et ses conséquences qu’ont été la misère, le traumatisme, mais aussi les enseignements sur la fragilité des bateaux (voûte arrière, gouvernail…), et des réflexions pour les motoriser et sur les moyens de sauvetage. Et aujourd’hui, on fait le lien avec les événements climatiques.

D’où vient le projet de film ?

Chercheur en valorisation historique à l’université d’Evry, Alain Pichon, qui habite Plouhinec, m’a demandé de l’orienter vers un sujet de film. On n’avait rien sur 1930, parce qu’il n’y a pas de films d’époque. Voyant qu’on travaille avec des artistes, il a sollicité des peintres. Jo Le Floch, de Plouhinec, a fait 99 tableaux !

On s’est dit qu’on ne pouvait pas se limiter à Etel puisque, si on a été les plus touchés, la tempête a aussi frappé les marins de Groix, Port-Louis, Concarneau, Yeu, Douarnenez, La Rochelle. On lui a donné nos contacts. De là vient l’idée d’une exposition par port, avec des projections comme lien, notamment à Etel le 17 septembre et à Plouhinec le 18. Ça a aussi permis de monter une base de données complète.

Le 90e anniversaire coïncide aussi avec les Journées du patrimoine.

Les 19 et 20 septembre, le musée ouvre en continu de 10 h à 18 h (gratuit) et on accueille Biche à quai, samedi en fin d’après-midi. Il repartira le dimanche soir.

14 septembre 2020

Marie-Ange Casta prend sa douche en couverture de Lui

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Ce mois-ci, c'est Marie-Ange Casta qui fait la une du magazine masculin. La petite soeur de Laetitia Casta pose intégralement nue mais couverte de bijoux sous sa douche, un minuscule bandeau noir pour dissimuler ses tétons. A 25 ans, la jeune maman succède à son illustre aînée, qui a fait le bonheur des lecteurs de Lui pour son numéro double de décembre 2014/janvier 2015, elle-aussi nue avec des mi-bas et des escarpins rutilants.

La séduisante Marie-Ange Casta marche dans les pas de sa soeur dans tous les domaines.

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Après avoir réussi à se faire un prénom dans l'industrie de la mode, la bombe aux yeux clairs et aux mensurations parfaites a décidé de se lancer au cinéma. On a pu la voir dans le thriller Mineurs 27, face à la caméra de Jalil Lespert dans Des Vents contraires, ou sur Canal + dans la série Lascars. Et comme sa soeur, elle travaille son image glamour et n'a pas peur de la nudité.

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14 septembre 2020

Auray. La nouvelle gare ouvrira juste avant l’été 2021

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Opération symbolique du chantier, la pose de la passerelle a été finalisée au cours de la nuit de lundi 7 à mardi 8 septembre 2020. Les délais sont tenus. Le futur Pôle d’échanges multimodal d’Auray (Morbihan) devrait être opérationnel pour juin 2021.

14 septembre 2020

Marisa Papen

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marisa sourire

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14 septembre 2020

Le site de vidéos pornographiques Jacquie et Michel visé par une enquête pour « viols » et « proxénétisme »

jacquie

Le parquet de Paris a ouvert cette enquête en juillet, à la suite du signalement de trois associations féministes qui relayaient les témoignages de plusieurs actrices.

Le site de vidéos Jacquie et Michel, puissante incarnation en France du milieu pornographique amateur, est visé depuis cet été par une enquête pour « viols » et « proxénétisme » après la multiplication de témoignages d’actrices occasionnelles ayant travaillé pour l’entreprise.

Cette enquête, confiée à la police judiciaire parisienne, a été ouverte le 10 juillet sur la base d’un signalement adressé par trois associations féministes, a indiqué, jeudi 10 septembre, le parquet de Paris, confirmant une information du journal 20 Minutes.

Les associations Osez le féminisme, Les Effronté·es et Le Mouvement du nid avait effectué ce signalement en février après la diffusion d’une vidéo par le site Konbini. Dans ce document intitulé « Les coulisses sordides du porno amateur », deux femmes témoignaient de pratiques sexuelles imposées contre leur volonté au cours de tournages. « J’avais dit pas d’anal, on m’a proposé de le faire, j’ai dit non (…) et pendant l’une des scènes, ils ont quand même essayé contre mon gré, y racontait l’une d’elles, « Nailie ». T’as peur, vraiment t’oses pas dire non, t’es devant la production, les acteurs, et t’es complètement seule. Donc non, tu dis pas non. »

« Il y a eu une double pénétration vaginale de laquelle je n’avais pas été prévenue avant », confiait une autre femme, anonyme. « J’ai eu le réflexe de dire non, puis il m’a dit : “T’inquiète pas, ça va rentrer.” (…) Y avait des cailloux partout, moi j’étais à quatre pattes, j’avais presque les genoux en sang, j’étais vraiment pas à l’aise pour faire ça », témoignait-elle.

Absence récurrente de consentement

Dans un communiqué en soirée, la société propriétaire du site Jacquie et Michel a affirmé ne faire que « diffuser les films tournés par des sociétés de production tierces et indépendantes ». Le groupe, est-il ajouté, « mettra en place dès demain une enquête interne visant » ces entreprises, et « rompra immédiatement tout lien avec celle(s) qui serai(en)t mise(s) en cause si les faits étaient avérés ». Contacté par l’Agence France-presse (AFP), l’avocat du groupe, Me Nicolas Cellupica, affirme que ce dernier « a déjà rompu par le passé des liens avec des sociétés de production après de telles dénonciations ».

Pour le journaliste Robin D’Angelo, auteur d’un livre-enquête sur son infiltration dans l’industrie du porno amateur, Jacquie et Michel se présente comme « une plate-forme de diffusion de vidéos produites par des professionnels et dans lesquelles on va entretenir une esthétique amateur ».

Le groupe, qui annonçait 15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016, selon le journaliste, a fondé son succès sur l’achat à petits prix de vidéos d’amateurs en France, avant de professionnaliser peu à peu sa production. « La société titulaire de la marque s’est organisée pour être le moins possible responsable de la production, elle se limite à diffuser du contenu qu’elle achète à d’autres », a-t-il expliqué à l’AFP. L’entreprise fondée en 1999, florissante, concurrence désormais Dorcel, un des leaders de l’industrie pornographique.

Dans son livre, Judy, Lola, Sofia et moi, Robin D’Angelo documentait l’absence récurrente de consentement et les entorses au droit du travail. « En général, il n’y a pas de contrat de travail, seulement une cession du droit à l’image pour des sommes comprises entre 250 et 300 euros, a-t-il détaillé. Beaucoup de gens regrettent et ont beaucoup de mal à faire retirer la vidéo. »

Proxénétisme

L’enquête ouverte vise en outre certaines pratiques qui pourraient relever du proxénétisme. « Un acteur, pour avoir beaucoup de scènes, va parfois être invité à trouver de nouvelles filles, et être rémunéré pour ça », raconte le journaliste.

Ces témoignages et cette enquête « sont pour nous un signal fort envers cette industrie qui exploite et violente un grand nombre de femmes », s’est félicitée auprès de l’AFP Claire Quidet, présidente du Mouvement du nid. « Parmi les personnes que nous recevons pour raconter ce qu’elles subissent, il y en a de plus en plus qui sont ou ont été actrices dans l’industrie pornographique », a-t-elle ajouté.

« Loin d’être une marque populaire, fun et française, Jacquie et Michel est un cheval de Troie de la culture du viol, qui cible en priorité les plus jeunes », a souligné Claire Charlès, présidente des Effronté·es, dans un communiqué commun des trois associations, qui veulent voir l’enquête élargie pour « actes de torture et barbarie » et « abus de faiblesse ».

Ces associations jugent « indispensable que le système pornocriminel cesse d’être l’angle mort de la politique abolitionniste de la France » et s’interrogent : « Quelle est la différence entre prostitution et pornographie, sinon la présence d’une caméra dans la pièce ? »

14 septembre 2020

Francis Bacon

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14 septembre 2020

Portrait - Patrick Procktor, le double maudit de David Hockney

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Par Roxana Azimi - Le Monde

Ami intime du célèbre peintre britannique, Patrick Procktor n’a pas connu le même destin. Mort dans l’oubli en 2003, ce loser magnifique ne manquait pourtant pas de talent, comme le prouve une exposition qui lui est consacrée à Paris.

Deux peintres discutent cuisine. « Le blanc que tu as mis sur la mer, c’est une sorte de réserve, et tu y as rajouté, après, de la peinture. C’est bien ça ? » « Oui, la toile était grise au départ. » « C’est super, cette technique. J’adore ça. Ça fait penser à Sargent. Tu aimes, Sargent ? » « Oui, beaucoup ! » Un dialogue tout ce qu’il y a de plus commun entre deux artistes. Sauf que les deux peintres, filmés ce jour de 1973 par le cinéaste anglais Jack Hazan, n’ont rien de banal.

Cheveux peroxydés et lunettes cerclées, le premier se nomme David Hockney, et le réalisateur a choisi d’en faire le personnage principal de son film A Bigger Splash. À 36 ans, le peintre britannique est déjà une star, dont les collectionneurs se disputent les scènes de piscines californiennes. Le second, à la silhouette élancée et au visage sculptural comme un Giacometti, s’appelle Patrick Procktor. À 37 ans, il n’est pas aussi connu que son ami, mais il est une figure pétillante du Swinging London.

Les mondains connaissent ses bons mots, ainsi que ses portraits de tout ce que l’Angleterre compte de célébrités, du styliste hippie chic Ossie Clark au photographe Cecil Beaton, dont l’élégance à la Cocteau résiste à toutes les modes. Sa boîte d’aquarelles sous le bras, Procktor a également pris l’habitude de parcourir le monde pour capturer les reflets changeants de la lagune vénitienne, les infimes variations du ciel nippon ou les paysages immémoriaux de Katmandou.

Les Castor et Pollux du monde de l’art

Aujourd’hui, presque cinquante ans après A Bigger Splash, l’octogénaire David Hockney est un trésor national, célébré par les plus grands musées (notamment le Centre Pompidou en 2017) et par le marché – une toile adjugée 90 millions de dollars (76 millions d’euros), en 2018, l’a brièvement auréolé du statut d’artiste-vivant-le-plus-cher-au-monde. Patrick Procktor, dont la galerie parisienne Loeve & Co expose une trentaine de paysages et de portraits à partir du 17 septembre, est mort en 2003, alcoolique et presque clochard. Et complètement oublié.

Car l’histoire de l’art plébiscite les premiers de cordée et rejette les talents honorables. Aujourd’hui, seuls quelques passionnés, à l’image de la Redfern Gallery, qui le représente depuis quarante ans, et d’artistes, comme le peintre Peter Doig, saluent encore le talent de ce loser magnifique, comète des sixties et des seventies, balayé par le vent du destin.

« HOCKNEY EST TRÈS LABORIEUX ALORS QUE, PROCKTOR, C’EST LA GRÂCE PURE. » STÉPHANE CORRÉARD, CODIRECTEUR DE LOEVE & CO

Hockney et Procktor, qui se sont rencontrés en 1962, furent pourtant si proches que le critique d’art anglais John McEwen rapporte qu’à une époque « on ne pouvait pas mentionner l’un sans l’autre ». « C’était Castor et Pollux, les jumeaux dandy du monde de l’art », ajoute-t-il. Joint au téléphone à New York, l’artiste Peter Schlesinger confirme : les deux hommes étaient inséparables. En 1967, l’ancien amant et modèle de Hockney avait à peine 19 ans quand il les a accompagnés pour une virée mémorable entre la France et l’Italie. « David et Patrick se parlaient tout le temps, jouaient aux échecs ensemble, je me sentais presque à l’écart, parfois », raconte-t-il sans rancœur aucune.

Les frères d’armes, qui se sont souvent portraiturés l’un l’autre, partagent alors une même vision de la peinture : tout en ressentant profondément les émotions, ils veulent les retransmettre de manière distanciée dans leur discipline. En effet, s’ils admirent l’expressivité et le geste génial d’un Picasso, ils lui préfèrent une peinture plus lisse et minutieuse. Quand Hockney saisit avec précision l’éclaboussure d’un plongeon, Procktor capte délicatement l’ennui dans le regard d’un proche. Homosexuels assumés, ils produisent une œuvre qui sera aussi intimement mêlée à leur vie.

Un chef-d’œuvre de désinvolture

Pour Stéphane Corréard, codirecteur de Loeve & Co, la comparaison entre les deux, bien qu’inévitable, est injuste. « Hockney dialogue en permanence avec les génies du passé et du présent, il est obsédé par la technique, les secrets des grands maîtres, la composition, la perspective et les nouvelles technologies », précise-t-il. Procktor, qui dessine avec trois fois rien, est, lui, de plain-pied dans la vie. Et Corréard de poursuivre : « Par certains côtés, Hockney est très laborieux alors que, Procktor, c’est la grâce pure. » Une défense en règle qui ne l’empêche pas de reconnaître que « Procktor est un néoclassique qui avait peut-être trente ans de retard ».

« PATRICK SE LAISSAIT AISÉMENT DISTRAIRE. IL ÉTAIT INTRIGUÉ PAR LA HAUTE SOCIÉTÉ ET PEUT-ÊTRE N’A-T-IL PAS CONSACRÉ ASSEZ DE TEMPS À SON TRAVAIL. » CELIA BIRTWELL, STYLISTE

Le critique et historien de l’art Bernard Denvir en avait déjà l’intuition en 1976 : « On dirait des œuvres des années 1920 », dit-il dans la biographie d’Ian Massey (Patrick Procktor. Art and Life, Unicorn Press, 2010, non traduit). Moins avant-gardiste que dandy de l’entre-deux-guerres. Procktor passe donc pour frivole, doué mais inconstant. Cette image a beau lui nuire, il n’aura de cesse de la conforter.

Aux peintres Francis Bacon et Lucian Freud qui lui demandent un jour quel artiste il admire le plus, Patrick Procktor cite Stephen Tennant, un mondain dilettante, moins connu pour ses écrits que pour son style de vie décadent. Plus que de constance, l’ami d’Hockney a plutôt manqué d’ambition. « Il ne courait pas après les expositions muséales. Il n’avait pas pour but de devenir une star », rappelle Richard Selby, directeur de la Redfern Gallery.

« Patrick se laissait aisément distraire, ajoute de sa voix traînante la styliste Celia Birtwell, ex-épouse d’Ossie Clark. Il était intrigué par la haute société et peut-être n’a-t-il pas consacré assez de temps à son travail. » Quand Hockney a mis tout son temps et son talent dans ses toiles, Procktor, érigeant la désinvolture au rang d’art, a injecté son génie dans sa vie, romanesque et tragique, appliquant à la lettre la leçon de l’écrivain Oscar Wilde : « Le premier devoir dans la vie est d’adopter une pose. »

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Soupçonné d’espionnage pour le compte de l’URSS

La pose Procktor ? Un accent posh qui contredit ses origines modestes. Une mise excentrique qui avait impressionné David Hockney lors de leur première rencontre, en 1962, lors de l’exposition « Young Contemporaries » à l’Imperial College. « Il portait des bottines en cuir, un pantalon en velours et une petite veste sur le dos, comme un hussard hongrois », rapporte-t-il à son biographe, Ian Massey. Attentive, en bonne professionnelle, aux détails vestimentaires, Celia Birtwell n’a pas oublié le fez ni les babouches marocaines qui le distinguaient des autres. À ces atours s’ajoutait un parfum de mystère, qui vaudra à Procktor d’être vaguement soupçonné d’espionnage au profit de l’Union soviétique, où il avait voyagé alors qu’il apprenait le russe dans la marine…

Sans oublier l’audace. C’est au culot qu’il aborde, en 1957, la Redfern Gallery, à Londres, en prétendant avoir étudié à l’Académie Jullian et à la Grande Chaumière, à Paris, alors creusets des artistes européens. Un gros mensonge. Mais la vénérable enseigne se laisse séduire par le jeune homme. Lors de sa première exposition personnelle à la Redfern, en 1963, les critiques, globalement élogieuses, relèvent quelques traces d’académisme. Qu’importe, Procktor vend les deux tiers de l’accrochage. Par la suite aussi les commentaires sont mitigés, une plume de l’Observer évoquant un « talent volatile ». Volatile, peut-être, mais capable de vraies fulgurances, comme dans Lunacharsky Street, tableau de 1965, composé d’un rose évanescent et d’une déflagration de noir.

C’est lors d’un été en Italie, en 1967, en compagnie de Hockney et de Schlesinger, que Procktor trouve véritablement sa voie. En ouvrant la boîte d’aquarelles de son ami, c’est la révélation. Nombreux sont les Britanniques à avoir excellé dans cet art modeste, évanescent et spontané. Mieux que quiconque, William Turner en a sublimé les effets de lumière et de transparence dans ses somptueuses marines. À l’inverse de son célèbre aîné, Procktor n’est pas le peintre du chaos des éléments, des ciels tourmentés et des mers déchaînées.

Il a certes le coup d’œil et brosse les paysages avec facilité. Mais il est surtout un merveilleux aquarelliste des sentiments, un portraitiste tendre et cruel, capable de faire ressortir en quelques touches diaphanes la personnalité de ses modèles. Parfois, il dilate les membres, allonge de manière exagérée bras ou jambes, exacerbe les détails physiques. Sans jamais tomber dans la caricature. « Il a cette aptitude à percer nos pensées sans nous embarrasser », vantait ainsi son amie la comédienne Jill Bennett dans Patrick Procktor. Art and Life. « Il place toujours ses sujets dans un espace, mais un espace très abstrait, hors du temps », précise Stéphane Corréard.

Evadé du prolétariat

Ses modèles sont souvent ses proches : Ossie Clark, l’un des princes du Swinging London, l’acteur Terence Stamp, héros de Théorème (1968), de Pier Paolo Pasolini, et compagnon de la mannequin vedette Jean Shrimpton, le chanteur Mick Jagger, les artistes plasticiens Gilbert & George, qui se font connaître comme sculptures vivantes. Toute la bohème brouillonne et bouillonnante de l’époque se donne rendez-vous dans son incroyable maison du 26 Manchester Street, dans le quartier de Marylebone, autour d’une spectaculaire cheminée flanquée de deux atlantes émergeant d’ananas.

Il est aussi intime avec la sœur de la reine, la princesse Margaret, dont le glamour le fascine mais qu’il n’hésite pas à moquer pour le seul plaisir de faire rire l’assemblée. Car l’artiste fait partie de ces fils de prolétaires qui, dans le tourbillon des années 1960-1970, ont réussi l’impensable : s’échapper de l’immuable système des classes britanniques.

Hockney aussi est d’origine modeste. Lui aussi séduit le Tout-Londres par son irrévérence et sa lecture toute britannique du pop art. Plus incisif que ses homologues américains, plus narquois aussi, il marie le trivial et le virtuose dans ses tableaux aux couleurs de plus en plus acides. Procktor, à l’inverse, ne se laisse pas emporter par la vague pop – encore qu’il signe la pochette de l’album Blue Moves, d’Elton John, en 1976. Trop puriste sans doute pour aimer le mélange des genres, trop snob pour goûter la banalité. En un mot, trop classique. Ian Massey rapporte que sa seule concession au Flower Power est le mur de sa maison, sur lequel ses amis, Hockney, Cecil Beaton ou l’artiste Ron Kitaj peignent des fleurs à chacune de leur venue.

Pourtant très proche de Derek Jarman, cinéaste queer et subversif qui révéla l’actrice Tilda Swinton, Procktor se gardera aussi de tout militantisme homosexuel. Il fallait pourtant beaucoup de courage pour être ouvertement gay à la fin des années 1950. Dans l’Angleterre encore corsetée de cette époque, l’homosexualité est pénalisée. Les livres de William Burroughs sont interdits jusqu’en 1964.

« “Don’t ask, don’t tell” était la maxime des gays », rappelle Ian Massey. Procktor oppose aux préjugés homophobes son humour féroce et son goût de l’artifice, penchant que les Anglo-Saxons regroupent sous le terme de « camp ». Interrogé par Ian Massey, Roger Cook, qui fut son camarade d’école, décèle en Procktor « ce conflit entre être gay et vouloir être hétéro. Comme moi, Patrick ne voulait probablement pas être gay ». Contre toute attente, Procktor se marie en 1973 avec sa voisine Kirsten Benson, qui lui donnera un fils. Sans jamais cesser d’aimer les hommes.

Le flop américain

Ses amours d’ailleurs parfois l’égarent. Ainsi en 1968, lorsqu’il est invité par le galeriste Lee Nordness à exposer à New York. À l’époque, comme aujourd’hui, l’Amérique est un passage obligé pour lancer une carrière. David Hockney l’avait bien compris, en s’installant dès 1964 sur les hauteurs d’Hollywood, où il a expérimenté toutes les façons possibles de représenter les reflets de l’eau sur le carrelage d’une piscine. Quoique affranchi de l’esthétique européenne depuis l’après-guerre, le Nouveau Monde garde un faible pour tout ce qui est British, des Beatles aux Rolling Stones.

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Lee Nordness, toutefois, s’inquiète : ce marchand très chic de Madison Avenue n’a rien d’un galeriste underground et transgressif. Or, toutes les œuvres envoyées par Procktor (32 aquarelles et 8 tableaux) n’ont qu’un seul et unique sujet : Gervase Griffiths, sa passion du moment, un jeune mannequin de 22 ans qui rêve de se faire un nom dans la chanson et ressemble à s’y méprendre à Mick Jagger.

Six mois avant les émeutes de Stonewall, en 1969, où les clients d’un bar gay new-yorkais se sont insurgés après une énième descente de police, l’exposition, trop ouvertement homosexuelle, est un four. La critique l’ignore, les ventes sont inexistantes. « S’il avait été plus carriériste, moins amoureux, s’il avait écouté les conseils, il aurait accroché des portraits de Terence Stamp et de Mick Jagger qui lui auraient apporté un peu de publicité », analyse Ian Massey. Non seulement Procktor rate son entrée sur le marché américain – il ne s’y risquera plus jamais par la suite –, mais son versatile amant s’envole pour Haïti avec un autre homme.

Cerné par le deuil

L’abandon et la perte, voilà le drame de l’artiste, orphelin de père à l’âge de 4 ans. Autour de lui, les proches tombent les uns après les autres. Sa femme meurt en 1984 d’une crise cardiaque. Sa complice Jill Bennett se suicide en 1990, tandis que Derek Jarman meurt du sida quatre ans plus tard. En 1996, Ossie Clark est tué par son amant. Une hécatombe qui précipite la descente aux enfers de Procktor – il devient alcoolique – et se répercute sur sa carrière.

« TOUT LE MONDE A ESSAYÉ DE L’AIDER, MAIS IL DEVENAIT VITE GROSSIER AVEC LES GENS. IL ÉTAIT TOTALEMENT AUTODESTRUCTEUR. » RICHARD SELBY, CODIRECTEUR DE LA REDFERN GALLERY

Dans les années 1980 déjà, son étoile commençait à pâlir. En 1982, les dessins qu’il livre pour une production de Turandot, de Puccini, à Covent Garden, sont refusés. Trop peu modernes au goût du metteur en scène. Procktor est amer. Lorsque Peter Schlesinger le croise en 1985, dans une exposition de Francis Bacon à la Tate, à Londres, il l’entend éructer : « Bacon, quel mauvais artiste ! Quelle mauvaise exposition ! »

Deux ans plus tard, c’est le camouflet : Procktor ne figure pas dans le panorama « British Art of the 20th Century » à la Royal Academy. Dans les années 1990, il est comme soufflé par l’arrivée des Young British Artists, ces trublions nommés Damien Hirst ou Tracey Emin. « Son œuvre et son être étaient trop poétiques pour une époque qui pensait qu’on en avait fini avec la poésie », soupire la galeriste Gabriella Cardazzo, qui l’a un temps représenté en Italie.

Un cruel retour chez maman

Son charme s’est aussi fané auprès de ses amis. Procktor a l’alcool mauvais. Autour de lui, le vide se fait. Lasse de ses outrances, la princesse Margaret rompt tout lien avec lui à partir de 1994. De 1991 à 1997, Margaret Thornton, propriétaire de la Redfern Gallery, tentera bien de l’éloigner de l’alcool et de le remettre à son chevalet en lui ouvrant les portes de sa maison secondaire, près de Tours. « Tout le monde a essayé de l’aider, mais il devenait vite grossier avec les gens. Il était totalement autodestructeur », soupire Richard Selby, codirecteur de la Redfern, qui l’accompagnait lors de ses semaines de sevrage en France.

Sa dégringolade sociale et artistique se poursuit avec l’incendie de sa maison, en 1999. Procktor y perd ses œuvres, sa collection d’art, notamment un petit tableau de Constable. Et plus encore son indépendance. Le voilà contraint de vivre chez une mère qu’il déteste – et qui le lui rend bien – dans un village du Buckinghamshire. Après une dispute où Procktor la bouscule, elle l’accuse de tentative d’homicide. Il passera un mois derrière les barreaux avant de squatter chez son fils, puis chez des amis charitables, tous rapidement excédés par ses frasques.

Procktor meurt d’un caillot de sang dans les poumons en 2003. Seul et fauché. David Hockney vit alors auréolé de gloire, entouré d’assistants et d’employés de maison, en Californie. Loin, très loin de la réalité qu’avait connue son ami de jeunesse dans ses dernières années. Cet ami au sujet duquel il avait écrit, dans le catalogue d’une exposition consacrée à Procktor en 1989, qu’il était « un grand aquarelliste anglais de voyage ». Un compliment, certes, mais où perce la cruauté de celui qui a triomphé.

« Patrick Procktor, Postures », Galerie Loeve & Co, 18, rue des Beaux-Arts, Paris 6e. du 17 septembre au 31 octobre.

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