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Jours tranquilles à Paris
8 octobre 2020

Vannes - G. Péguy veut « réinventer le royalisme »

royaliste

Âgé de 26 ans, le Vannetais Guillaume Péguy est en Master de gestion de patrimoine, en alternance dans le secteur bancaire.

Propos recueillis par Bertrand Le Bagousse

Guillaume Péguy est le fer de lance de la jeune génération des royalistes du pays de Vannes. Apôtre décomplexé de la monarchie, il estime qu’il y a pour ce régime une fenêtre de tir au XXIe siècle.

Comment un étudiant en droit royaliste est-il devenu tête d’une liste aux municipales, soutenue par le RN et le Parti chrétien démocrate et Rebâtir la France ?Le projet de liste d’union existait déjà. À la base, il y avait une équipe de jeunes, principalement de la fac de droit. Mais on avait des difficultés à trouver une tête de liste. Lucas Chancerelle est venu me solliciter. On a eu le soutien du RN et du PCD. J’étais anti-système, mais on était à l’échelle de Vannes et le RN a accepté. Je n’ai pas mis en avant mon côté royaliste, mais je ne l’ai jamais caché non plus.

Et la fleur de lys que vous portez ?

Pendant la campagne, l’équipe m’avait demandé de ne pas la porter. Autrement, je la porte tous les jours.

Quand et comment êtes-vous devenu royaliste ?

Je le suis devenu en me passionnant pour l’Histoire. C’est l’Éducation nationale qui m’a rendu royaliste. Par réaction. Cela m’a amené à m’intéresser à l’histoire de la monarchie.

Quand avez-vous sauté le pas ?

J’ai rejoint l’Alliance royale en 2013 pour voir ce que les royalistes proposaient politiquement et j’ai participé en 2019 à la fondation de la section d’actions légitimistes de Vannes. Elle compte une quinzaine de membres.

Comment le royaliste que vous êtes voit-il l’avenir ?

Il faut être lucide, le contexte ne nous est pas favorable mais il y a des opportunités. On voit que les Français pensent à un changement de régime. Il y a un désamour pour le système actuel… Les Français sont prêts à entendre notre message. Après, qu’ils adhèrent, c’est autre chose. Mais c’est l’objectif. Divers sondages disent que 25 à 30 % des Français ne seraient pas opposés à un retour de la monarchie. Je pense qu’une fenêtre de tir pourrait s’ouvrir au XXIe siècle.

À quoi pourrait ressembler cette monarchie du XXIe siècle ?

Les professeurs de droit constitutionnels estiment que le président de la République a plus de pouvoir que Louis XIV. Il ne faudrait pas une république déguisée. Il faudrait un roi, avec son conseil, chargé du régalien. Tout le reste serait géré par les régions grâce à une réelle décentralisation qui leur donnerait plus de compétences, ainsi qu’aux municipalités. Il faut que la monarchie se réinvente. Il ne peut y avoir de retour à la perruque et aux poudres ! Ce ne serait pas une monarchie absolue mais équilibrée.

Le Duc d’Anjou, un bon candidat ?

Le Duc d’Anjou serait un bon roi. C’est quelqu’un qui est à l’écoute et qui prend souvent conseil. Un bon roi est quelqu’un qui sait écouter ses conseillers et qui sait trancher.

Et un roi orléaniste ?

Non, car on ne veut pas changer le président par le roi. On veut un vrai changement. Mais si j’ai le choix entre la République et une monarchie des Orléans, voire un empire dans le modèle du Second Empire, alors je ne défendrai pas la République.

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7 octobre 2020

La Cour d’appel de Paris entre en rébellion contre le garde des Sceaux

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L’Union syndicale des magistrats exige parallèlement d’Éric Dupond-Moretti qu’il se désiste de ses pouvoirs en faveur du premier ministre.

Par Paule Gonzalès

«Le 5 octobre, le cabinet du garde des Sceaux (Éric Dupont-Moretti, ci-dessus) a contacté le bureau national de l’USM pour fixer une réunion de travail avec le ministre», annonce sa présidente Céline Parisot.

«Le 5 octobre, le cabinet du garde des Sceaux (Éric Dupont-Moretti, ci-dessus) a contacté le bureau national de l’USM pour fixer une réunion de travail avec le ministre», annonce sa présidente Céline Parisot. Jean-Christophe Marmara/JC MARMARA / LE FIGARO

À l’unanimité. La Cour d’appel de Paris et ses chefs de cour, son premier président, Jean-Michel Hayat et son procureur général, Catherine Champrenault, ont voté une motion clouant au pilori le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Cette motion dénonce notamment le «conflit d’intérêts majeur dans lequel se place le garde des Sceaux qui a mis en cause le parquet national financier», «s’alarme d’un détournement pur et simple de procédure», accuse le ministre de la Justice de «piétiner le principe démocratique de la séparation des pouvoirs au profit d’intérêts strictement privés» et appelle le président de la République à agir. Cette motion particulièrement virulente s’ajoute aux 90 et bientôt 100 motions votées par les juridictions françaises.

Dans ce contexte, l’Union syndicale des magistrats n’entend pas non plus lâcher le garde des Sceaux. «Le 5 octobre, le cabinet du garde des Sceaux a contacté le bureau national de l’USM pour fixer une réunion de travail avec le ministre», annonce sa présidente Céline Parisot, mais qui prévient: «Préalablement à toute rencontre, la note du 29 septembre relative à la limitation des remontées d’informations ne saurait suffire à mettre fin à la polémique». «Nous demandons donc au garde des Sceaux de mettre en œuvre l’article 2-1 du décret n°59-178 du 22 janvier 1959 modifié relatif aux attributions des ministres», exige-t-elle et de citer le texte: «Le ministre, qui estime se trouver en situation de conflit d’intérêts en informe par écrit le premier ministre, en précisant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses attributions. Un décret détermine, en conséquence, les attributions que le Premier ministre exerce à la place du ministre intéressé. Ce dernier s’abstient de donner des instructions aux administrations placées sous son autorité ou do

6 octobre 2020

Crise sanitaire : une réponse politique gouvernée par l’incertitude

Par Eric Favereau — Libération

Après avoir suivi le scénario le plus fataliste au début de l’épidémie de Covid, les pouvoirs publics tâtonnent depuis la fin du confinement.

Rien n’est plus difficile que de décider dans un contexte fait d’incertitudes. Et la critique desdites décisions est évidemment facile, d’autant plus que la fin de l’histoire n’est pas écrite. Il n’en reste pas moins qu’en matière de gestion du Covid-19, un certain nombre d’interrogations s’installent sur la politique de santé publique menée depuis le début de l’épidémie. L’approximation, la confusion et surtout la peur ont souvent prévalu chez les différents acteurs. Sans oublier un contexte délicat, avec une parole médicale incohérente, car partant dans tous les sens, et une forte présence médiatique qui a transformé les incertitudes en inquiétudes (lire page 8). Retour sur les aléas de la gestion en trois points.

Une dramatisation initiale

On l’a peut-être oublié, mais en France, et d’une certaine manière en Europe, c’est à la mi-mars qu’une modélisation de l’épidémie a joué un rôle clé dans le basculement généralisé. Cette modélisation a été réalisée par le Britannique Neil Ferguson, épidémiologiste de l’Imperial College à Londres. Son équipe avait été sollicitée par plusieurs gouvernements européens «pour établir différents scénarios de progression de l’épidémie». Et pour ce faire, elle s’est appuyée «sur l’analyse de différentes pandémies grippales et l’évaluation de différentes interventions possibles» pour endiguer la propagation d’un virus, comme la fermeture des écoles, la mise en quarantaine des personnes infectées ou la fermeture des frontières.

Les résultats pour la France ont été présentés le 12 mars à l’Elysée, quelques heures avant que le président de la République ne prenne solennellement la parole devant les Français pour expliquer «l’urgence» de la situation. Les prévisions sont alors absolument alarmistes. Selon ces modélisations (qui devaient être confidentielles), l’épidémie de Covid-19 pourrait provoquer en France, en l’absence de toute mesure de prévention ou d’endiguement, entre 300 000 et 500 000 morts. Le nouveau coronavirus serait ainsi au XXIe siècle ce que la grippe espagnole a été au XXe siècle. C’est selon ce scénario alarmiste qu’a alors travaillé le Conseil scientifique, ce groupe de onze experts mis en place le 11 mars à la demande d’Emmanuel Macron «pour éclairer la décision publique». «Quand nous avons eu connaissance des chiffres, nous avons été saisis d’effroi», nous avait confié un membre du Conseil. Certes, ce scénario a été calculé en retenant les hypothèses de transmissibilité et de mortalité probables les plus élevées, et ce en l’absence de mesures radicales de prévention et de distanciation sociale, mais le fait est que la perspective la plus sombre est mise en avant.

Quelques jours après, l’un des meilleurs spécialistes français, le Pr Antoine Flahault, a beau dire au journal les Echos, non sans ironie, que « dans l’histoire, les prévisions catastrophiques se sont toujours révélées erronées», la couleur est donnée. Elle sera sombre. Ont-ils eu raison ? Constatons que les prévisions des meilleurs épidémiologistes au monde n’ont pas été validées, même si le confinement a permis de diminuer fortement le nombre de victimes.

Des citoyens absents de la gestion

Comment mener une politique de santé publique ? Sur quoi et sur qui doit-elle reposer ? De fait, le traitement et la prise en charge de cette épidémie, aussi inédite que surprenante, ont été confiés aux spécialistes des maladies infectieuses. Ce monde de l’infectiologie de la médecine hospitalière a été façonné depuis quarante ans par l’épidémie du sida, aussi terrible que mortelle, mais qui ne provoquait pas un sentiment d’urgence chez les autorités. L’arrivée des traitements en 1996 a transformé le paysage, apportant en fin de compte une réponse essentiellement biomédicale à une épidémie sociale. Le milieu scientifique qui travaillait sur le sida avait ses repères, ses modèles, qui avaient peu à voir avec ce à quoi ils seraient confrontés avec le Covid-19. Ce n’est pas le même «écosystème» - une expression prisée par le Pr Didier Raoult.

Paradoxalement, le grand apport du sida a été la place donnée aux patients : pour reprendre une formule du fondateur d’Aides, Daniel Defert, «les malades ne sont pas le problème mais une partie de la solution». Or c’est sur ce point particulier que la réponse politique s’est révélée la plus faible. Les citoyens ont été absents de la gestion. Ce sont des médecins experts, des administratifs et des politiques qui ont géré le Covid-19. Et non la société, qui devait suivre. Faut-il rappeler une anecdote ? Sur la question des masques, le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé, était en désaccord profond avec les politiques. Mais il n’en a rien dit, préférant soutenir le gouvernement (qui, au départ, a laissé entendre que le masque était inutile) plutôt que les citoyens qui le jugeaient nécessaire pour combattre l’épidémie. Tout un symbole… Une santé publique, loin du public.

Quid du tableau de bord ?

C’est assurément l’élément le plus frustrant. Alors que nous sommes à plus de neuf mois du début de l’épidémie du nouveau coronavirus en France, alors que nous avons des experts de grand talent, il n’est pas sûr que les pouvoirs publics aient à leur disposition un tableau de bord à la fois performant et réactif, qui leur permet de prendre des décisions appropriées, et surtout de s’adapter en permanence à un déroulé épidémique qui évolue sans cesse.

Prenons par exemple le bulletin de Santé publique France (la référence, dit-on) daté du 24 septembre. Il se conclut ainsi : «Du fait de l’augmentation de la circulation virale sur l’ensemble du territoire, le nombre de clusters identifié est probablement largement sous-estimé.» Et ce n’est pas tout : «Du fait des saturations des capacités diagnostiques des laboratoires dans plusieurs régions, les augmentations du nombre de nouveaux cas sont très certainement sous-estimées… Les indicateurs issus de ces différentes surveillances doivent ainsi être interprétés avec prudence car ils ne décrivent désormais plus qu’imparfaitement la dynamique de l’épidémie sur le territoire.»

Comment décider ainsi ? Et surtout, comment justifier les décisions prises ? Le ministère de la Santé a récemment déclaré qu’il rendrait publics tous les indicateurs sanitaires «pour une transparence complète». On les attend toujours. Faute de les avoir, et faute d’un débat solide dans la société, on risque d’osciller sans fin entre le fatalisme et le drame, entre le rassurisme inconscient et l’alarmisme à outrance.

4 octobre 2020

Philippe et Macron à l’heure des retrouvailles

Article de Olivier Faye

Emmanuel Macron peine à tourner la page Edouard Philippe. Trois mois après l’avoir poussé vers la sortie, le chef de l’Etat doit retrouver son ancien premier ministre, lundi 5 octobre, lors d’un dîner organisé spécialement pour l’occasion à l’Elysée. Les deux hommes ne se sont pas vus depuis le départ du juppéiste de Matignon, le 3 juillet. En nommant Jean Castex à sa place, le président de la République comptait marquer une césure dans son quinquennat. Las, le maire du Havre ne cesse de se rappeler à son bon souvenir en cette rentrée. Auréolé d’une popularité au zénith, ce dernier occupe la scène médiatique avec une jubilation non feinte. Le 29 septembre, il dialoguait amicalement à propos du Grand Paris avec la maire socialiste de la capitale, Anne Hidalgo, candidate putative de la gauche à l’élection présidentielle de 2022. Quelques jours plus tôt, devant un aréopage de maires de droite réunis à Angers, il résumait le dilemme dans lequel est aujourd’hui enfermé Emmanuel Macron face à la crise sanitaire et économique : faut-il réformer à tous crins la société ou bien simplement la soigner ? L’ancien chef du gouvernement s’est bien gardé de trancher.

Selon son entourage, Edouard Philippe, âgé de 49 ans, veut être « libre », « compter dans le débat public » et « produire des solutions ». Il imagine donner des cours à l’étranger, tout en revenant faire des incursions sur la scène nationale. « Un politique, ça ne ferme pas sa gueule. Edouard est dans une logique de plaisir », assure un proche. Officiellement, il ne s’agit pas d’une forme de revanche après cette drôle de semaine du début de juillet, quand Emmanuel Macron a maintenu son premier ministre dans l’incertitude sur son sort tout en négociant en coulisse avec Jean Castex. « Si j’avais été Macron, je n’aurais pas fait ça. On n’humilie pas en politique. Surtout qu’Edouard a été loyal, souligne un ami du maire du Havre. Tous les gens que Sarkozy et Hollande ont humiliés se sont retournés contre eux. »

La plupart des philippistes, pour autant, répètent que leur champion veut contribuer à la réélection du président en 2022 en l’aidant à élargir sa majorité. Le juppéiste aura sans doute l’occasion d’évoquer ce sujet avec M. Castex, qu’il doit retrouver mardi lors d’un dîner à Matignon. Trois jours plus tard, l’ex-premier ministre est attendu aux Rendez-vous de l’histoire de Blois, où il a été invité à partager son « imaginaire historique ». Le soir, un montage provisoire du troisième volet de la série documentaire Edouard mon pote de droite, réalisée par Laurent Cibien, sera diffusé aux participants. Une plongée au cœur de la première année d’exercice du pouvoir d’Edouard Philippe à Matignon. Le maire du Havre n’a vraiment pas fini de se rappeler au bon souvenir d’Emmanuel Macron.

2 octobre 2020

Laïcité : comment Macron a imposé le séparatisme dans le débat

Par Cécile Chambraud, Louise Couvelaire - Le Monde

Le chef de l’Etat doit présenter aux Mureaux (Yvelines), ce vendredi, son plan d’action qui va faire l’objet d’un projet de loi.

Après plusieurs reports, Emmanuel Macron doit présenter vendredi 2 octobre, aux Mureaux (Yvelines), son action contre « les séparatismes », une priorité revenue au premier plan cet été et qui doit faire l’objet d’un projet de loi d’ici à la fin de l’année. Le texte est longtemps resté dans les limbes. « Il est trop tôt pour parler du contenu », avait ainsi indiqué mi-septembre Jean Castex aux représentants des cultes, reçus un à un à l’Hôtel Matignon.

Le gouvernement, lui, en parle beaucoup. Jean Castex l’a annoncé lors de son discours de politique générale, le 15 juillet, Emmanuel Macron l’a confirmé le 4 septembre. Quant au duo formé au ministère de l’intérieur par Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, il en a fait une des clés de sa ligne politique. Mais ce qu’en a dit jusqu’à présent l’exécutif est jugé bien faible, voire « à côté de la plaque » par les acteurs de terrain.

Pendant tout l’été, le ministre de l’intérieur a préparé cette mobilisation par un discours alarmiste. « Le pays est malade de son communautarisme et désormais d’un islam politique qui veut renverser les valeurs de la République », a-t-il lancé dans La Voix du Nord le 18 juillet, avant de présenter le futur projet de loi comme un rempart contre « la guerre civile ». Puis, il a dénoncé quelques jours plus tard « l’ensauvagement d’une certaine partie de la société ».

Dans sa ligne de mire : les quartiers populaires, qu’il dépeint comme gangrenés tantôt par les intégristes musulmans, tantôt par les trafiquants. Le ton est donné. Certains le jugent glissant. Entre « ensauvagement » et « séparatisme », les banlieues sont l’objet d’un « jeu politicien dangereux » au nom d’un calcul « électoral court-termiste », analyse François Cornut-Gentille, député (Les Républicains, LR) de Haute-Marne et coauteur d’un rapport parlementaire sur la « faillite de l’Etat » en Seine-Saint-Denis, publié en mai 2018.

Changement de pied

Ce branle-bas de combat au secours de la République en danger arrive comme le point d’orgue d’une évolution du discours d’Emmanuel Macron depuis un an. Conscient de l’intrication de différentes dimensions qu’il ne souhaitait pas confondre – tentation radicale, fondamentalisme, influences étrangères, organisation du culte, discriminations –, le président de la République avait jusqu’alors marché sur des œufs. Mais après avoir pointé du doigt le « communautarisme » pendant plusieurs mois, il a introduit le mot « séparatisme » dans le débat public à la suite de l’attentat à la Préfecture de police de Paris, en octobre 2019, pour cibler un islam en rupture avec les règles sociales et politiques.

« [EMMANUEL MACRON] A LONGTEMPS DÉNONCÉ LES AMALGAMES. AUJOURD’HUI, IL LES FABRIQUE », ESTIME AURÉLIEN TACHÉ, DÉPUTÉ EX-LRM DU VAL-D’OISE

Ce changement de pied a surpris et déçu certains anciens élus de La République en marche (LRM). « En 2017, il avait un discours beaucoup plus mesuré, estime ainsi Aurélien Taché, député du Val-d’Oise. Il a longtemps dénoncé les amalgames. Aujourd’hui, il les fabrique. On termine le quinquennat avec un président qui n’aura pas prononcé le nom de George Floyd [un Afro-Américain asphyxié lors de son arrestation par un policier blanc le 25 mai à Minneapolis] et qui charge ses deux ministres (Darmanin et Schiappa) d’assumer un virage néoconservateur. Avec ce type d’approche, on n’aura pas réussi à éliminer un extrémisme – islamiste – et on aura réussi à renforcer un autre – d’extrême droite. »

Au départ, le « séparatisme » vise sans détours et exclusivement certaines conceptions et pratiques de l’islam. « Dans certains endroits de la République, affirme Emmanuel Macron sur RTL le 28 octobre 2019, il y a un séparatisme qui s’est installé, c’est-à-dire la volonté de ne plus vivre ensemble, de ne plus être dans la République, au nom d’une religion, l’islam, en la dévoyant. » En février, à Mulhouse (Haut-Rhin), ce séparatisme devient même le « séparatisme islamiste ». Cet été, après la parenthèse de la crise sanitaire, le séparatisme est revenu en force en gagnant au passage le « s » du pluriel. Une subtilité sémantique qui ne dupe personne, les cibles principales restent musulmanes.

« Intérêts court-termistes dangereux »

« En optant pour cette approche, le gouvernement veut donner des gages à la droite, son électorat, et défend ainsi des intérêts court-termistes dangereux qui risquent de susciter des vocations », alerte Mohamed Bajrafil, linguiste et imam à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Il n’est pas le seul à craindre des effets contre-productifs. « J’ai peur que ce genre de discours omniprésent pousse les plus vulnérables dans les bras de personnes mal intentionnées », prévient Yacine Hilmi, président de l’association Hozes, qui propose des sessions de formations – apprentissage du français, découverte des institutions… – aux imams dans toute l’Ile-de-France.

« J’AI PEUR QUE CE GENRE DE DISCOURS POUSSE LES PLUS VULNÉRABLES DANS LES BRAS DE PERSONNES MAL INTENTIONNÉES », PRÉVIENT YACINE HILMI, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION HOZES

Dans un entretien au Parisien, le 7 septembre, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa n’ont pas masqué cette orientation en évoquant l’interdiction des « certificats de virginité ». Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, conteste cette association avec l’islam. D’autres jugent cette pratique si « anecdotique » qu’ils ne comprennent pas qu’elle soit ainsi montée au rang de priorité. « On nage en plein délire, tempête Driss Ettazaoui, adjoint au maire d’Evreux et vice-président de l’association des maires Ville et Banlieue. Ça représente quoi, ces certificats ? Il doit probablement y avoir quelques cas, mais les enjeux ne sont pas là. Tous ces propos inconséquents sèment la confusion et créent un climat de haine et de défiance qui fracture le pays. »

Autre piste évoquée : pour recevoir des subventions publiques, les associations devraient signer un « contrat » présenté tantôt comme un « engagement sur la laïcité », tantôt sur « les valeurs de la République », dont l’égalité hommes-femmes. Le contenu reste flou. Pour le Planning familial, par exemple, il est hors de question de contraindre ses membres à la neutralité vestimentaire. « Nous pratiquons l’accueil inconditionnel de toutes les femmes. Salariées et militantes s’habillent comme elles veulent », rappelle Véronique Séhier, ancienne coprésidente.

Mesures de contrôle et sanctions

Telle qu’elle ressort des discours ministériels actuels, la lutte contre « les séparatismes » se résume à des mesures de contrôle et de sanctions. Il ne reste plus grand monde pour défendre la dimension sociale de cette politique. « Au nom d’un problème qui existe mais qui n’est pas aussi massif qu’on veut bien le présenter, on stigmatise toute une communauté, se désole Yacine Hilmi. Qui sont ces séparatistes ? Combien sont-ils ? Où sont-ils ? Tout ça est très vendeur, mais cela ne pose pas les bonnes questions. Le vrai sujet, il est social : quels moyens est-on prêt à investir pour sortir ces habitants des difficultés ? »

Amputé du logement, et donc de sa principale source de financement, le ministère de la ville est devenu un « ministère accessoire », dénonce François Cornut-Gentille. « Ce ministère n’a plus les moyens de mener une politique publique ambitieuse et la nouvelle ministre, Nadia Hai, même si c’est une dame respectable, n’a pas la dimension pour peser sur la ligne du gouvernement. » L’élu parle d’un « déni de réalité sur les quartiers » : « Tous ces faux débats sur l’islam et le séparatisme – même s’il est indéniable qu’il y a un problème – détournent de la réalité du terrain qu’on ne veut pas voir : l’effondrement de l’Etat et l’explosion des mafias autour des trafics illégaux. La vérité, c’est que l’on n’a aucune stratégie. Au lieu de repenser les outils de l’action publique, de réinventer la politique de la ville et d’admettre qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de répression policière mais surtout d’action sociale, on parle d’islam. »

« Face à la ligne dominante Blanquer-Darmanin-Schiappa, Nadia Hai n’est absolument pas en mesure de faire le poids », déplore Aurélien Taché. « Le levier qu’il faut activer en urgence aujourd’hui, c’est pourtant le levier social », insiste Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon. Ça fait trois ans qu’on attend un vrai projet de l’exécutif, et trois ans plus tard, on nous sort le séparatisme ! Le problème, ce n’est pas les certificats de virginité ; la réponse, ce n’est pas un certificat de laïcité ; méconnaître à ce point la réalité du terrain, c’est très préoccupant. Si on persiste dans ce sens, on va continuer à produire des gens qui ne se sentent pas français. »

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30 septembre 2020

Eva Joly : « Dans un dossier qui demandait la pondération, Eric Dupond-Moretti a choisi la brutalité »

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Par Eva Joly, Avocate

En ordonnant une enquête sur trois des magistrats du Parquet national financier, le garde des sceaux foule au pied le principe fondamental de la séparation des pouvoirs et mine une institution dont l’efficacité en matière de délinquance financière dérange, estime l’avocate dans une tribune au « Monde ».

Avocat, Eric Dupond-Moretti ferraillait avec les magistrats du Parquet national financier (PNF). Devenu ministre de la justice, il bénéficie à présent de « remontées d’informations » sur des dossiers qui lui sont très familiers.

Alors qu’il ordonne une enquête sur trois des magistrats du PNF, à l’occasion d’une enquête préliminaire conclue par un classement sans suite, comment échapper à l’idée qu’Eric Dupond-Moretti, garde des sceaux, vient au secours de maître Dupond-Moretti avocat ?

Ce pourrait n’être qu’une pantalonnade, ou « le conflit d’intérêts pour les nuls ». C’est en réalité une attitude qui a de graves conséquences : elle foule au pied, avec cynisme, le principe fondamental de la séparation des pouvoirs et mine la lutte contre la grande délinquance financière et la corruption.

Cette attaque contre le PNF n’est cependant pas surprenante. C’est la dernière manifestation d’une défiance récurrente de l’exécutif et des politiques à l’égard d’une institution bien trop efficace.

Une mise en perspective s’impose. J’ai connu le temps où la délinquance financière restait largement impunie. Puis, dans les années 1990, certaines enquêtes ont abouti à des condamnations sévères. C’était nouveau. Nous travaillions alors comme nous le pouvions, dans des locaux minuscules, sans équipements, avec une section financière du parquet de Paris en grave sous-effectif. Aussi la création en 1999 du pôle financier, ancêtre du PNF, regroupant les juges et les parquetiers, rue des Italiens, à Paris, fut-elle un grand progrès. Des années plus tard, le gouvernement Hollande n’eut politiquement pas d’autre choix, face à la magnitude du scandale Cahuzac, que de renforcer les moyens de lutte contre la corruption et la grande délinquance financière et fiscale en créant le Parquet national financier.

Depuis 2014, l’action du PNF a rapporté pas moins de 9,9 milliards d’euros au Trésor public. Du jamais-vu en France pour quelque institution que ce soit.

LE GARDE DES SCEAUX, QUI A AUTORITÉ SUR LE MINISTÈRE PUBLIC, SE MET EN SITUATION D’ÊTRE SOUPÇONNÉ D’AGIR POUR DES INTÉRÊTS PARTICULIERS

Ces montants proviennent notamment de la lutte contre la grande délinquance financière, la corruption et autres infractions à la probité (procédures Guéant, Fillon, Airbus), la fraude fiscale et le blanchiment de fraude fiscale, la fraude à la taxe carbone (les affaires HSBC, Google, UBS, Dassault, Balkany, Cahuzac), les biens mal acquis (procédures Obiang, Al-Assad). Ils sont autant d’exemples de l’intérêt et de l’efficacité de ce parquet spécialisé dirigé jusqu’en juin 2019 par Eliane Houlette, aujourd’hui dans le collimateur de l’actuel garde des sceaux.

Derrière la mise en cause des magistrats, il y a une mise en cause du PNF. Et le garde des sceaux, qui a autorité sur le ministère public et devrait par conséquent agir dans l’intérêt de la société, se met en situation d’être soupçonné d’agir pour des intérêts particuliers. En effet, le PNF va prochainement soutenir l’accusation contre un homme très influent : l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy.

Le procès de ce dernier, de son avocat Me Herzog (ami proche du ministre de la justice, selon ses propres dires) et de l’avocat général de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, doit intervenir en novembre. C’est dire la pression qui pèse sur les épaules des procureurs du PNF. C’est dire aussi combien est pernicieuse la décision du ministre de la justice de s’en prendre au PNF.

La suspicion est malheureusement inévitable lorsqu’on apprend par le site Mediapart qu’Eric Dupond-Moretti a séjourné l’été avec l’un des prévenus, Me Herzog, avant de prendre à la rentrée cette initiative susceptible d’affaiblir l’accusation dans cette même affaire, prévue pour être jugée à l’automne.

Démonstration de force

En s’attaquant à Eliane Houlette, l’une des plus brillantes procureures du pays qui a parfaitement rempli sa mission à la tête du PNF, Eric Dupond-Moretti tombe le masque. Il semble se comporter encore, malgré sa nomination de ministre de la loi, comme l’avocat pénaliste coriace qu’il fut. lI défendait il y a peu encore l’intermédiaire Alexandre Djouhri dans le dossier dit du financement Libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy et avait en charge d’autres dossiers devant le PNF. Il a même été plaignant comme avocat dans cette procédure où il intervient aujourd’hui comme garde des sceaux !

Qu’il détourne une procédure de son objectif pour tenter d’obtenir des sanctions disciplinaires contre trois magistrats du PNF est donc extrêmement préoccupant. Cette démonstration de force ne repose sur rien et il le sait. Les enquêtes de l’inspection générale de la justice ne peuvent être utilisées pour porter une appréciation sur un acte juridictionnel déterminé, en application de l’article 64 de la Constitution et du principe de la séparation des pouvoirs. Seul le fonctionnement du PNF pouvait légitimement faire l’objet d’une enquête de l’inspection, comme c’est le cas pour toutes les juridictions.

Alors que le gouvernement dit vouloir renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité, l’affaiblissement délibéré du Parquet national financier envoie un tout autre message : l’intérêt général et la lutte contre la délinquance financière peuvent bien attendre.

Le Conseil supérieur de la magistrature a d’ailleurs déjà fait savoir son inquiétude sur le respect du bon fonctionnement des institutions judiciaires en l’espèce.

La justice française, un paysage de désolation

Avocat d’assises talentueux, défenseur passionné, on peut concevoir qu’une reconversion express en garde des sceaux ne soit pas facile. La justice a cependant besoin de réformes. Comme avocate, je déplore souvent le manque de spécialisation réelle de certaines formations de jugement et le déficit criant de moyens qui pèsent sur l’ensemble des auxiliaires de justice et des justiciables. Sous-dotée chroniquement depuis trente ans, la justice française est devenue un paysage de désolation, un océan de pénuries qui protège de plus en plus mal les Français. Quelle erreur formidable dans ces circonstances que de s’attaquer à ce qui fonctionne encore !

Le ministre de la justice est l’un des plus hauts personnages de l’Etat, l’un des principaux garants du respect de nos règles les plus fondamentales et du jeu institutionnel. Dans un dossier qui demandait pondération et réflexion, Eric Dupond-Moretti a choisi la brutalité et la transgression. Ce faux pas est une alerte. A l’heure où les jeux d’influences des politiques sur la justice vont être jugés en correctionnelle, la vigilance sur les menées de l’exécutif s’impose.

Eva Joly est avocate et ancienne députée au Parlement européen (EELV).

28 septembre 2020

Synthèse - Elections sénatoriales : sans surprise, la droite renforce son influence au Sénat

senat composition

Par Sarah Belouezzane, Mariama Darame - Le Monde

Le groupe Les Républicains, qui remettait en jeu dimanche 76 sièges sur les 144 qu’il détenait, parvient même à en gagner six, selon les premières projections.

C’est une victoire sans surprise mais qui n’enlève en rien le sentiment d’une campagne bien menée à droite. A l’issue des élections sénatoriales, dimanche 27 septembre, la droite conforte son ascendance historique sur la Chambre haute. Au Sénat, ce sont les élus Les Républicains (LR) et ceux de l’Union centriste qui raflent la majorité des sièges lors de ces sénatoriales, où la moitié de la chambre est renouvelée sur 348 sièges et dans 53 circonscriptions.

Le groupe LR, qui remettait en jeu 76 sièges sur les 144 qu’il détenait, parvient même à en gagner six, selon les premières projections. Exemple phare de la victoire des Républicains, la circonscription des Alpes-Maritimes où la liste LR, emmenée par Dominique Estrosi Sassone, obtient l’ensemble des cinq sièges de sénateur, une première. La députée LR Valérie Boyer devient sénatrice des Bouches-du-Rhône.

Quant à l’Union centriste, ce sont deux sénateurs de plus qui rejoignent ses rangs, passant de 51 à 53 élus. « Cette élection, dans un contexte sanitaire, économique et social inédit, vient conforter la majorité sénatoriale de la droite et du centre », a congratulé Gérard Larcher (LR) quelques heures après les premiers résultats officiels, dans un communiqué.

Préservation des équilibres

L’effervescence habituelle des soirées électorales au Palais du Luxembourg a laissé place cette année à une ambiance plus morose du fait des restrictions sanitaires liées au Covid-19. Quelques sénateurs, tous bords confondus, avaient néanmoins fait le déplacement pour suivre les résultats depuis la salle ornementée des conférences.

Pour beaucoup, l’enjeu principal de ces sénatoriales n’était pas tant le maintien de la majorité à droite que la préservation des équilibres déjà constitués. Face à une Assemblée nationale tenue par la majorité présidentielle et son groupe La République en marche (LRM), le Sénat dominé par la droite souhaite plus que jamais continuer à affirmer son rôle de contrôle et d’évaluation de l’action de l’exécutif. Et surtout rappeler qu’il représente la voix des collectivités territoriales dans ce rapport de force. « Au-delà de l’agitation médiatique et des étiquettes de partis, nous voyons bien aujourd’hui que c’est l’ancrage territorial qui prime avant tout », lance Jean-François Husson, sénateur LR de Meurthe-et-Moselle.

Les résultats des sénatoriales font émerger un clivage saillant entre la droite et la gauche. Le Parti socialiste perd quelques députés au profit du Parti communiste et des écologistes qui reforment un groupe. Et ils remettent une fois de plus en lumière le manque d’implantation locale du parti présidentiel LRM. « La France des territoires représentés par les élus locaux et les corps intermédiaires expriment à nouveau un message d’alerte à l’endroit du gouvernement. Les élus sont essorés par la crise sanitaire. Ils demandent un état plus stable avec un pouvoir régalien plus affirmé », estime M. Husson.

La sénatrice LR des Hauts-de-Seine Christine Lavarde affirme que « le Sénat va pouvoir garder sa capacité à être un contre-pouvoir ». Le succès de la droite aux sénatoriales est « la conséquence logique des municipales », selon Mme Lavarde. Pour le président du parti, Christian Jacob, le groupe LR a su préserver son ancrage territorial avec près de 60 % des villes de plus de 9 000 habitants sous son giron. L’ensemble des quelque 87 000 grands électeurs appelés aux urnes dimanche étaient majoritairement des représentants de conseils municipaux.

Le jeu politique français

Dans les prochains jours, le groupe devra se doter d’un nouveau président. Le sénateur sortant et largement réélu en Vendée avec 70 % des voix, Bruno Retailleau, espère être reconduit à la tête du groupe. Le président LR du Sénat, Gérard Larcher a annoncé lui aussi être candidat à sa succession le 1er octobre.

Si la droite est dimanche confortée au Sénat, le Sénat ressort lui aussi conforté au sein de la droite. Le groupe au Palais du Luxembourg est aujourd’hui plus important en nombre que celui qui siège à l’assemblée nationale. A cela s’est ajoutée ces dernières années une importance de plus en plus croissante du Sénat dans le jeu politique français. Ce sont d’ailleurs les sénateurs qui ont mené à bien la commission d’enquête parlementaire la plus crédible dans l’affaire Alexandre Benalla.

« C’est ici que ça se passe et ici que l’opposition réussit le mieux à se faire entendre », relève Hervé Marseille, sénateur UDI des Hauts-de-Seine. « La majorité sénatoriale conforte aujourd’hui son avance pour que vive le bicamérisme. Nous sommes le seul contre-pouvoir en France ! », se réjouit le sénateur de Paris Pierre Charon. « Il y a six ans, je devais toujours justifier l’existence du Sénat. Aujourd’hui, tout le monde a compris son importance dans le débat politique », abonde Bruno Retailleau.

Dans ce contexte, difficile pour la direction du parti de faire fi des desiderata des deux hommes forts de la soirée, Gérard Larcher et Bruno Retailleau, pour le choix du futur candidat du parti à l’élection présidentielle. Si M. Larcher a plutôt parlé de « système de départage » pour choisir l’homme ou la femme providentiel de la droite, M. Retailleau s’est à plusieurs reprises exprimé publiquement en faveur d’une primaire ouverte. Primaire dont ses adversaires au sein du parti ne veulent pas, craignant qu’il puisse la remporter.

Gérard Larcher était certes déjà une figure tutélaire mais, « quand les sénateurs, et notamment Retailleau, se présenteront au bureau politique et exprimeront leurs volontés, ça n’aura pas le même impact qu’avant », anticipe un élu. D’autant, analyse un autre que l’image de Bruno Retailleau est « très bonne parmi ses camarades au Sénat qui n’ont pourtant pas la même ligne que lui ». « Retailleau est apprécié au sein du groupe car il étudie les dossiers à fond, il est technique et bon orateur », poursuit ce cadre.

En somme ceux qui, au sein du parti, veulent que s’impose un candidat « naturel » devront composer avec leurs élus au Sénat dont certains ne voient pas les choses de la même manière.

28 septembre 2020

Vu de Suisse - Le Sénat, citadelle de la droite anti-Macron

senat anti macron

LE TEMPS (LAUSANNE)

La moitié des 348 sénateurs français seront renouvelés ce dimanche 27 septembre. Tenue par la droite, la Chambre haute devrait demeurer le bastion de ces territoires que La République en Marche a échoué à séduire, observe ce correspondant suisse.

Gérard Larcher peut dormir tranquille. Le président du Sénat français, ténor de l’opposition parlementaire conservatrice à Emmanuel Macron, semble assuré d’être réélu à la tête de la Haute Assemblée à l’issue des sénatoriales du 27 septembre. Sauf énorme surprise, c’est en effet sa formation de droite Les Républicains (déjà en pole position avec 144 membres) qui devrait tirer les bénéfices du renouvellement par moitié, ce dimanche, des 348 sénateurs.

Élus au suffrage indirect par les maires et les conseillers départementaux ou régionaux, les sénateurs français n’ont, sous la Ve République, qu’un pouvoir de blocage temporaire du processus législatif, sur lequel l’Assemblée nationale a le dernier mot. La composition du Sénat, au sein duquel la gauche n’a été majoritaire qu’une seule fois (entre 2011 et 2014), constitue donc plus un frein qu’un obstacle au gouvernement. Mais dans le paysage politique français actuel, où le parti présidentiel La République en marche (LREM) peine, depuis 2017, à pénétrer la France des “territoires”, l’élection de dimanche est un baromètre très attendu. Balayé lors des municipales des 15 mars et 28 juin, LREM pourrait d’ailleurs perdre une bonne partie des 10 sièges renouvelables sur les 23 que compte son groupe parlementaire sénatorial. Plus symbolique encore : le président de celui-ci, l’ancien socialiste François Patriat, pourrait être battu dans son département de la Côte-d’Or.

La machine enrayée

Emmanuel Macron, le regard rivé sur la présidentielle de 2022, a anticipé. Convaincu que le parti qu’il a fondé – et qui portait à l’origine ses initiales (EM pour En marche) – va de nouveau démontrer dimanche son incapacité à séduire les élus locaux, mais persuadé que l’espace politique centriste est sa meilleure plateforme pour l’emporter de nouveau dans deux ans, le président français est en train de bousculer sa formation. Plus question, désormais, de s’appuyer sur les anciens cadres venus de gauche sociale-démocrate, dont François Patriat était l’un des maillons forts, même si les deux gardiens du temple macronien à l’Assemblée nationale (son président Richard Ferrand et le nouveau président du groupe LREM Christophe Castaner) viennent du PS. Plus question de laisser le devant de scène, en matière d’organisation du mouvement, aux ex-disciples de Dominique Strauss-Kahn, comme son numéro 1, Stanislas Guerini, fragilisé par la démission de deux de ses adjoints. Plus question, enfin, de considérer La République en marche comme l’unique instrument de sa future campagne présidentielle. Le fait que les candidats du parti aux six législatives partielles organisées dimanche dernier (marquées par une très forte abstention) n’ont pas franchi le premier tour prouve que la machine “marcheuse” de 2017 est bel et bien enrayée…

Une fois les sénatoriales achevées ce dimanche, c’est une coalition que l’Élysée veut mettre en place, solidarisant autour de LREM les différents courants centristes et une partie de la droite. Il a trouvé pour cela l’agent idéal de rassemblement en la personne du nouveau premier ministre, Jean Castex, haut fonctionnaire autrefois proche de Nicolas Sarkozy et ex-maire d’une commune pyrénéenne. Il compte aussi sur son ministre des Outre-mer vendu de la droite, Sébastien Lecornu, en campagne pour les sénatoriales en Normandie et activement soutenu par l’ancien chef du gouvernement Édouard Philippe. “Macron ne cherche plus à convertir. Il ne croit plus à la capacité de son mouvement d’incarner un projet différent et séduisant. Il propose un donnant-donnant. Aidez-moi, et je vous aiderai en retour. Le réformateur est devenu un maquignon”, juge un sénateur de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur où le locataire de l’Élysée compte deux alliés potentiels de poids : le maire de Nice, Christian Estrosi, et le président de la région, Renaud Muselier.

Deux hommes, au Sénat, ont intérêt à saboter ce redéploiement pro-Macron des forces centristes : le président Larcher et le chef du groupe Les Républicains, le Vendéen Bruno Retailleau. Tous deux pensent que la faiblesse macronienne en province est une faille décisive. Tous deux pensent que les élections départementales et régionales de 2021 verront s’affronter une droite de notables et les écologistes, alliés aux forces de gauche. Tous deux veulent éviter qu’Emmanuel Macron n’occupe le terrain de l’ordre, de la sécurité et des valeurs (contre le séparatisme, contre l’islamisme). Les sénatoriales de dimanche seront le miroir des droites : entre celle qui pourrait se laisser séduire par le chef de l’État dans le sillage du candidat Sébastien Lecornu, et celle qui n’a toujours pas digéré l’échec, en 2017, de son candidat François Fillon.

Richard Werly

24 septembre 2020

Les ambitions de François Bayrou au commissariat du Plan

bayrou photo

Article de Audrey Tonnelier

Le président du MoDem entend traiter des questions de souveraineté économique, malgré la méfiance du ministère de l’économie

L’équilibre climatique, la démographie française, la souveraineté alimentaire, les relocalisations, les inégalités ou encore l’aménagement du territoire. Telles sont quelques-unes des vingt-cinq « questions stratégiques pour la France » que François Bayrou a annoncé vouloir traiter, dans un discours d’un peu plus d’une heure à la tribune du Conseil économique, social et environnemental, mardi 22 septembre. Un véritable inventaire à la Prévert pour le président du MoDem. Cet allié de longue date d’Emmanuel Macron est désormais haut-commissaire au Plan et à la prospective, comme le précise la lettre de mission signée par le chef de l’Etat le 21 septembre. Dans cette dernière, il lui est demandé d’« éclairer les choix collectifs que la nation aura à prendre pour maintenir ou reconstruire sa souveraineté ».

Face au scepticisme de certains sur la nécessité de recréer cette institution de l’après-guerre, progressivement tombée en désuétude depuis les années 1990, M. Bayrou a défendu la nécessité de « voir la nation se poser, en amont des décisions publiques, les questions dont dépend son avenir, à dix, vingt, trente ans ». Prenant exemple de la pénurie de certains médicaments survenue au début de la pandémie de Covid-19, il a appelé à « une intervention de l’Etat, ou en tout cas une orientation et une incitation », dans les « domaines vitaux pour la société française ». Se posant en représentant du « temps long » face à la « dictature de l’urgence », M. Bayrou a déploré que de multiples rapports et études soient produits chaque année, notamment par France Stratégie – héritière du Plan –, sans réelle « influence sur le débat public ». Il a donc identifié 25 thèmes, eux-mêmes appelés à être amendés ou complétés. Objectif : établir pour chacun une « note concise » qui puisse ensuite être soumise « à la discussion, aux opinions divergentes », « pendant deux ou trois mois ».

Parmi ceux-ci, des sujets d’ordre général – « les questions d’identité », « la vitalité de la langue française », les inégalités en matière d’éducation – mais aussi plusieurs dossiers économiques majeurs. En s’appuyant sur les travaux de France Stratégie, M. Bayrou souhaite ainsi présenter d’ici à la fin de l’année une « étude approfondie » sur l’évolution des métiers, en lien avec les changements technique et numérique, afin d’éclairer les jeunes qui entrent sur le marché du travail ou les actifs qui se réorientent.

« Se décoller du court terme »

Il ambitionne également de « construire une réponse politique et économique » à la question de l’indépendance productive du pays, à travers un « grand effort d’investissement ». Selon lui, un « plan de relocalisation » pour le secteur pharmaceutique ou les composants électroniques « relève de l’urgence ». M. Bayrou entend aussi s’attaquer au sujet de la dette publique, qui a bondi depuis le printemps, ou encore au manque structurel d’entreprises de taille intermédiaire en France.

Autant de sujets qui étaient jusqu’à présent des prérogatives du ministère de l’économie, et risquent d’en faire un rival encombrant pour Bruno Le Maire. Ce dernier a gagné le titre de ministre de la relance lors du remaniement de juillet, après que son volontarisme durant la crise sanitaire a été unanimement salué au sein de l’exécutif. Le maire de Pau, lui, a obtenu d’être rattaché directement à l’Elysée, et non à Matignon.

« A Bercy, ils ont très peur. La crainte, c’est que Bayrou veuille être une sorte de vice-premier ministre rattaché à Macron, qui embête tout le monde », glisse un familier du ministère. Et que dire de l’articulation entre le haut-commissariat et le plan de relance, largement concocté à Bercy, qui vise, lui aussi, à transformer la France d’ici à 2030 ? Officiellement, chacun assure que les rôles sont bien définis. « Ma responsabilité, c’est de réussir la relance et le renforcement de notre économie, c’est une responsabilité immédiate, assurait M. Le Maire début septembre. Celle de François Bayrou est plus large et de plus long terme. Le Plan ne se contente pas de traiter des questions économiques mais aussi démographiques, éducatives, migratoires. » « Nous avons les mêmes buts avec Bruno Le Maire. On ne peut pas réfléchir au long terme sans se poser ces questions », explique, de son côté, M. Bayrou.

Pour certains, la répartition des rôles serait un peu différente. « A deux ans de la présidentielle, il est urgent de reconstruire un narratif. On ne pourra pas juste dire : on a bien mené le plan de relance. Il va falloir montrer comment on donne de la profondeur à notre action. Bayrou pourra jouer un rôle dans la construction de cette vision, pour se décoller du court terme », croit savoir un ministre de Bercy.

M. Bayrou, éphémère garde des sceaux au début du quinquennat, avant de quitter le gouvernement en juin 2017 en raison de l’affaire des assistants présumés fictifs de son parti au Parlement européen, possède aussi l’avantage de la proximité idéologique avec une majorité qui se cherche. Certains le voient dans une position de « sage » capable d’apporter une vision plus large alors que les groupes de l’Assemblée sont soumis à un agenda plus contraignant et que les partis sont parfois tiraillés, à l’instar de La République en marche.

Reste à connaître la capacité d’action de M. Bayrou, qui a expliqué disposer d’une « toute petite équipe », un « commando ». Le décret annonçant la création de son poste, le 2 septembre, avait été complété vingt-quatre heures plus tard par un second texte lui attribuant, outre France Stratégie, le « concours (…) des administrations et services de l’Etat susceptibles de contribuer à l’accomplissement de sa mission ». « Il est plus efficace de convaincre que d’imposer », a cru bon de rappeler le Béarnais, mardi. Comme pour rassurer ceux qui ne voient pas d’un très bon œil son retour en grâce.

23 septembre 2020

Grand âge et autonomie : Macron vise un projet de loi pour début 2021

Emmanuel Macron a visité, mardi après-midi, un Ehpad du Loir-et-Cher, pour appeler les personnes âgées à se protéger davantage face au rebond de l’épidémie. Le Président a aussi promis un projet de loi pour début 2021 sur le grand âge.

Lors d’une visite dans l’Ehpad de Bracieux (Loir-et-Cher), Emmanuel Macron a indiqué, ce mardi, que son objectif était de « présenter dès le début de l’année prochaine » un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie.

Attendue avec impatience par les professionnels, cette loi sera, a-t-il promis, « une réponse globale extraordinairement ambitieuse » pour les questions du grand âge. Il a rappelé le lancement d’une vaste concertation dans les prochaines semaines surnommée le « Laroque de l’autonomie ».

Cet été, il avait dit espérer boucler, d’ici à la fin de l’année, cette loi qui pourrait être l’une des dernières grandes réformes du quinquennat.

« Revaloriser des métiers »

Accompagné de la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, Emmanuel Macron a souligné que cette loi serait « très concrète », permettrait de « revaloriser des métiers qui ne sont pas suffisamment valorisés » mais aussi de trouver une meilleure organisation entre les établissements et l’hospitalisation à domicile, avec des auxiliaires de vie ou des aides-soignants.

« Il faut avoir une réponse qui va de la prévention au médical, un décloisonnement », a-t-il dit, en plaidant aussi pour l’utilisation de la domotique. « Il faut savoir comment nous redonnons une place à nos aînés pour vivre heureux dans la société, au maximum avec leur famille, aussi longtemps qu’ils le souhaitent et que les familles le souhaitent, ou en couple, ou à domicile, et quand c’est nécessaire, soit par intermittence soit ensuite de manière durable, dans des établissements adaptés ».

Première pierre de la future réforme, la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour l’autonomie et le grand âge doit être actée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, présenté par le gouvernement, fin septembre.

Déjà promise - puis abandonnée - par Nicolas Sarkozy, à nouveau promise par Emmanuel Macron en juin 2018, la réforme de la dépendance est freinée par son coût. Chargé de trouver « un milliard d’euros dès 2021 et 3 à 5 milliards à l’horizon 2024 », l’inspecteur des finances, Laurent Vachey, a proposé au gouvernement, la semaine dernière, une quinzaine de pistes, dont la réduction de certaines allocations et le rabotage de plusieurs niches sociales et fiscales.

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