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Jours tranquilles à Paris
25 juin 2020

Une relation toujours plus houleuse entre la France et la Turquie

Par Marie Jégo, Istanbul, correspondante

Alliés au sein de l’OTAN, les deux pays s’accusent mutuellement de se livrer « à un jeu dangereux » en Libye, où Ankara soutient militairement le gouvernement d’accord national de Tripoli et Paris le maréchal Khalifa Haftar.

Entre Paris et Ankara, les nuages s’amoncellent. Le porte-parole du ministère turc des affaires étrangères a riposté, mardi 23 juin, au président français Emmanuel Macron, qui avait affirmé la veille que la Turquie jouait à « un jeu dangereux » en Libye. « En raison du soutien qu’elle apporte depuis des années aux acteurs illégitimes, la France a une part de responsabilité importante dans la descente de la Libye vers le chaos. De ce point de vue, c’est en réalité la France qui joue à un jeu dangereux », a déclaré Hami Aksoy.

A l’issue d’un entretien avec son homologue tunisien Kaïs Saïed, reçu lundi à l’Elysée, Emmanuel Macron avait exhorté le président turc Recep Tayyip Erdogan à mettre fin aux actions de son pays en Libye où Ankara soutient militairement le gouvernement d’accord national (GAN) de Tripoli, reconnu par les Nations unies, face aux forces du maréchal Khalifa Haftar, soutenu par l’Egypte, les Emirats arabes unis, la Russie et la France.

« Je considère aujourd’hui que la Turquie joue en Libye un jeu dangereux et contrevient à tous ses engagements pris lors de la conférence de Berlin », a expliqué le président français en référence à la réunion organisée en janvier pour amener les parties adverses à des négociations. « Il en va de l’intérêt de la Libye, de ses voisins, de toute la région mais également de l’Europe », a-t-il insisté, précisant avoir tenu « le même discours » au président américain Donald Trump lors d’un entretien téléphonique lundi après-midi.

Incident maritime en Méditerranée

Après avoir lancé une offensive sur la capitale libyenne en avril 2019, les forces du maréchal Haftar ont été mises en déroute par le GAN qui a reçu un soutien militaire conséquent de la Turquie. Désormais, les forces du gouvernement de Tripoli encerclent la ville stratégique de Syrte, qui ouvre la voie vers les champs de pétrole. Dénonçant « l’ingérence » turque en Libye, le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi a menacé d’intervenir militairement si la ville de Syrte tombait aux mains du GAN.

Le président Erdogan n’a aucune intention de se retirer, au contraire. Après la récente visite à Tripoli d’une délégation de hauts responsables turcs – dont le ministre des affaires étrangères Mevlut Cavusoglu et celui du Trésor et des finances Berat Albayrak – la coopération a été renforcée, la Turquie s’étant engagée à former militairement les combattants du GAN et à renforcer sa coopération en matière de sécurité et d’énergie.

Alliées au sein de l’OTAN, la France et la Turquie ont échangé des accusations la semaine dernière après un incident maritime survenu en Méditerranée entre des navires de guerre turcs et la frégate française Courbet. A trois reprises, l’un des navires turcs a actionné son radar de tir contre le Courbet, un acte particulièrement choquant entre alliés. Paris accuse Ankara de violations répétées de l’embargo sur les armes livrées à la Libye, imposé par l’ONU en 2011. La Turquie nie pour sa part avoir harcelé le navire français.

« La crise de solidarité avec la Turquie », dénoncée par le président Macron à la fin de 2019, quand il a évoqué la « mort cérébrale » de l’OTAN, est plus que jamais d’actualité. Déplorant le fait que l’incident survenu le 10 juin ait donné lieu à « si peu de dénonciation », il y a vu une preuve supplémentaire de « cette mort cérébrale ».

Quatre Turcs accusés d’espionnage pour le compte de Paris

Des propos qui, visiblement, ont déplu aux autorités turques. Quelques heures après l’intervention du président français, le quotidien Sabah, le principal porte-voix du pouvoir islamo-conservateur, annonçait l’arrestation de quatre ressortissants turcs accusés d’espionnage « politique et militaire » pour le compte de la France. Les « espions » travaillaient sur les agissements de l’organisation Etat islamique (EI), les activités en France de la direction turque aux affaires religieuses (Diyanet en Turquie, Ditib à l’étranger), son prosélytisme dans les banlieues françaises et sur les réseaux sociaux.

Reprise par d’autres médias pro-gouvernementaux, l’information était assortie de la photographie du bâtiment du consulat français à Istanbul, devenu la vitrine des tensions entre Paris et Ankara.

Les prénoms de diplomates en poste, présentés comme des agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ont été mentionnés dans les articles, ce qui les expose. Sur le plan du renseignement, cette façon de procéder est peu conforme aux usages en vigueur. D’habitude, avant de rendre ce genre d’affaire publique, les autorités du pays visé sont informées pour pouvoir prendre les dispositions nécessaires à la sécurité de leurs agents. Cette fois-ci, rien de tel ne s’est produit, signe d’un nouvel accroc dans la relation.

Marie Jégo (Istanbul, correspondante)

La Ligue arabe appelle au retrait des forces étrangères de Libye. Lors d’une réunion en visioconférence, mardi 23 juin, la Ligue arabe a appelé à l’ouverture de pourparlers pour mettre fin au conflit en Libye. Dans un communiqué, elle « rejette toutes les interventions étrangères illégitimes » dans le pays et réclame « le retrait de toutes les forces étrangères du territoire libyen et de ses eaux territoriales ». C’est à la demande de l’Egypte que la Ligue arabe a tenu une réunion sur le conflit qui oppose les forces du gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par les Nations unies et qui siège à Tripoli, aux troupes du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays. Ont participé à la réunion les représentants de vingt et un pays arabes, dont le GNA, qui avait initialement refusé l’invitation de l’Egypte. Le représentant du GNA, Saleh al-Shemakhy, a toutefois exprimé des réserves sur l’appel de la Ligue arabe, déclarant que les forces étrangères qui soutiennent le GNA contribuaient à repousser l’« agression » des forces du maréchal Haftar.

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21 juin 2020

Affaire Fillon : Nicole Belloubet veut « lever le doute délétère », après les propos de l’ex-procureure financière

presse45

Source : Le Monde

Eliane Houlette a dénoncé les « pressions » qu’elle aurait subies de la part de sa supérieure hiérarchique, alors que la justice venait d’être saisie du scandale Fillon.

Pour sortir la justice financière de la tourmente, la garde des sceaux Nicole Belloubet est montée au créneau. Il faut « lever le doute délétère » né après les propos de l’ex-procureure financière Eliane Houlette disant avoir subi des « pressions » lors de l’enquête sur l’affaire Fillon, estime Nicole Belloubet dans le Journal du dimanche (JDD) du 21 juin. Les déclarations d’Eliane Houlette « ont, à tort ou à raison, distillé le doute sur l’indépendance et l’impartialité de la justice dans la conduite de cette affaire », souligne la ministre de la justice.

L’ancienne procureure nationale financière, à la retraite depuis un an, s’est émue le 10 juin devant une commission parlementaire du « contrôle très étroit » qu’aurait exercé le parquet général, son autorité de tutelle directe, dans la conduite des investigations lancées en pleine campagne présidentielle de 2017.

Vendredi, elle a précisé que les pressions mentionnées ne portaient « pas sur les faits reprochés à M. Fillon ni sur le bien-fondé des poursuites », mais « étaient d’ordre purement procédural ». « M. Fillon n’a pas été mis en examen à la demande ou sous la pression du pouvoir exécutif », a-t-elle insisté.

Le respect de l’indépendance de la justice vérifié par le CSM

Mais ses premières déclarations ont déclenché une avalanche de réactions de politiques critiquant une instrumentalisation de la justice dans cette affaire ultrasensible. Et notamment à droite, qui y voit la preuve que son candidat a été victime, en 2017, d’un « traquenard » politico-judiciaire.

Le président de la République Emmanuel Macron a donc saisi pour avis le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) afin de vérifier que le Parquet national financier (PNF) a bien mené en « toute sérénité, sans pression » de l’exécutif son enquête sur les époux Fillon.

« Le CSM est, aux termes de la Constitution, l’organe qui assiste le président de la République pour garantir l’indépendance de la justice, relève la ministre. Il pourra apprécier si le pouvoir hiérarchique de la procureure générale de Paris, qui résulte de l’organisation de notre “parquet à la française” et n’est pas contestable en soi, a été exercé dans des conditions de nature à porter atteinte à l’indépendance de la justice. »

Le CSM pourra « entendre l’ensemble des protagonistes », souligne Nicole Belloubet, qui n’exclut pas de diligenter une inspection judiciaire, si le Conseil « l’estime nécessaire ».

Interrogée sur l’indépendance du parquet, la garde des sceaux redit être « favorable » à ce que les magistrats du parquet soient nommés sur avis conforme du CSM, comme les juges. Emmanuel Macron avait annoncé une réforme en ce sens, mais celle-ci a été repoussée sine die. Source : Le Monde

20 juin 2020

Enquête - Emmanuel Macron et la culture, le rendez-vous manqué

macron culture rdv manqué

Par Laurent Telo, Grégoire Biseau - Le Monde

C’est l’histoire d’un malaise persistant que la crise sanitaire a transformé en franche hostilité. Amateur de théâtre et de littérature, le président Macron semblait vouloir incarner une ambition culturelle. Que les acteurs du secteur jugent incompréhensible.

A quelques mètres du canal Saint-Martin, à Paris, dans un deux-pièces sous les toits qui lui sert d’atelier, Mathieu Sapin regarde Emmanuel Macron, les yeux dans les yeux. Il est 15 h 53, ce lundi 8 juin. L’auteur de BD termine les dernières planches de son livre Comédie française. Il y sera question de politique, de courtisans, de Macron, mais aussi de Louis XIV et de Racine. Depuis qu’il a suivi la campagne de François Hollande, puis raconté le quotidien de l’Elysée dans Le Château, Mathieu Sapin est devenu, presque malgré lui, le dessinateur à l’œil affûté et décalé de la chronique du pouvoir sous la Ve République. Il a aussi croisé Macron à plusieurs reprises. « Les chefs d’Etat ont toujours besoin de draguer les artistes. Ils envient leur liberté, le fait qu’ils soient admirés alors qu’eux-mêmes sont souvent détestés. »

Mathieu Sapin en sait quelque chose. Le 3 mai 2017, à quelques minutes du débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle, assis dans un coin de la loge, au milieu du premier cercle d’Emmanuel Macron, il sort son crayon et son carnet de croquis. Il pense dessiner incognito quand le candidat se tourne vers lui : « Ah ! mais vous savez que je suis en train de lire votre BD sur Depardieu. C’est super. » Le numéro de charme le laisse sans voix.

Le 6 mai 2020, il a évidemment regardé, comme beaucoup d’artistes traumatisés par la violence de la crise, l’intervention télévisée lyrique et un peu lunaire d’un Macron en bras de chemise qui demandait, après avoir annoncé une série de mesures de soutien, aux artistes de se « réinventer » et d’« enfourcher le tigre ». Sapin n’a rien compris. Il n’est pas le seul. Le secteur culturel a pris ce numéro comme un camouflet. « Quand on est face à un milieu hostile, on ne se met pas en scène. Sinon on prend le risque d’en sortir perdant », estime Sapin. Il ne sait pas s’il faut parler d’occasion manquée ou de rencontre impossible. Signe en tout cas du malaise, dimanche 14 juin, à l’occasion de son intervention télévisée, Emmanuel Macron n’a prononcé que deux fois le mot « culture », à chaque fois perdu au milieu d’une énumération.

Un casting prometteur

Et pourtant… « Voilà notre homme ! », s’extasiaient les « cultureux », après la campagne de 2017. Un président livresque qui citait Jean Giono ou André Gide. Un président, jeune et forcément connecté, qui a fait ses humanités en tant qu’assistant du philosophe Paul Ricœur. Un président dont l’épouse est une ancienne professeure de lettres. Une somme de vertus qui ravivait l’espoir, toujours douché depuis quarante ans, de revivre les fantasmatiques années 1980 de Jack Lang à la rue de Valois.

Stanislas Nordey, directeur du Théâtre national de Strasbourg, engagé à gauche depuis toujours, avait lu Révolution (novembre 2016), le livre manifeste du candidat Macron : « J’étais quand même agréablement surpris qu’il cite des écrivains. C’est tellement inhabituel dans la classe politique, à part peut-être Christiane Taubira. Mais j’en attendais aussi peu de chose… et certainement pas de grand soir. De toute façon, s’il devait y en avoir un, on l’aurait vu tout de suite… après son élection. »

Pourtant les premiers signes sont plutôt encourageants. Françoise Nyssen, nommée ministre de la culture, n’est pas une femme politique mais une éditrice respectée. Claudia Ferrazzi devient la conseillère culture et communication de l’Elysée. Certes, c’est une diplômée de l’ENA, où elle a rencontré Macron, mais c’est aussi une ancienne secrétaire générale de la Villa Médicis. Aujourd’hui, Claudia Ferrazzi habite dans un grand loft parisien aussi lumineux qu’une galerie d’art.

Celle qui jusqu’ici ne s’est jamais exprimée depuis son départ de l’Elysée, en novembre 2019, parle toujours aussi bien le macronisme avec un accent italien chantant. « La culture était, avec l’éducation, un socle important du programme présidentiel. Avec trois piliers : l’émancipation grâce à l’accessibilité à la culture, l’équité territoriale, la souveraineté et le dialogue entre les cultures. Alors, c’est sûr, ce n’est pas aussi spectaculaire que la pyramide du Louvre, mais tellement fondamental si on veut réfléchir à un autre projet de société. »

De nombreux projets avortés

Deux ans plus tard, le bilan est aussi maigrichon que la réfection d’un château presque en ruine, celui de Villers-Cotterêts, future cité de la francophonie, que des bibliothèques incitées à ouvrir le dimanche ou que le retour des chorales à l’école. Sans parler du Pass culture qui devait incarner à lui seul l’ambition culturelle du quinquennat. Cette application qui permet aux jeunes de 18 ans de pouvoir consommer jusqu’à 500 euros de biens ou de spectacles culturels, testée dans 17 départements, a disparu des radars nationaux. Deux coups d’éclat, tout de même : la restitution des œuvres africaines et un combat européen sur les droits d’auteur gagné de haute lutte. « Est-ce que tout a fonctionné ? s’interroge Claudia Ferrazzi. Certainement pas, mais je me refuse à dire que ça n’a pas existé. On aurait dû peut-être prévoir des moments de discours programmatique sur la culture. »

« NYSSEN ARRIVE AVEC LA FRAÎCHEUR DE LA SOCIÉTÉ CIVILE MAIS ELLE N’A PAS LES CODES. ELLE SE FAIT BROYER. » JEAN-MARC DUMONTET

En tout cas, l’incarnation de cette politique, elle, est illisible. A défaut de grande figure culturelle, les soutiens « people » de la campagne sont devenus incontournables : son grand copain Jean-Marc Dumontet, propriétaire de théâtres privés, devient l’organisateur en chef des sorties du couple Macron, Stéphane Bern est nommé à la tête de la Mission patrimoine. Puis Macron essaie, en vain, d’envoyer l’écrivain Philippe Besson au consulat de France à Los Angeles… Et, quand il faut choisir un responsable en chef de l’immense chantier de Notre-Dame, il nomme un général de l’armée. Le milieu de la culture se crispe.

« Mais le président n’oppose pas culture exigeante et culture populaire ! », s’emporte Claudia Ferrazzi, qui nous dresse une longue liste de rencontres pas forcément médiatisées avec des artistes plus pointus les uns que les autres. Pour la panthéonisation, prévue en novembre 2020, de l’écrivain et poète Maurice Genevoix, Macron passe commande à un couple inédit : le compositeur de musique contemporaine Pascal Dusapin et le plasticien allemand Anselm Kiefer. Du très haut de gamme. « Il a toujours eu des relations avec les différents secteurs de la culture, confirme Marc Schwartz, PDG de la Monnaie de Paris, ancien directeur de cabinet de Françoise Nyssen et “référent culture” du candidat Macron. Il a besoin de se nourrir de ces contacts directs. »

Le fiasco Nyssen

Dans cette improbable tranche napolitaine, entre Johnny Hallyday et Line Renaud, on trouve le peintre Pierre Soulages ou l’écrivain Pierre Michon. Cette référence de la littérature contemporaine a déjeuné deux fois avec Macron. On était curieux de savoir ce que ces deux-là avaient à se dire : « Au départ, j’étais stressé, raconte l’écrivain. Je ne savais pas trop quoi dire. Parler de Stendhal ou de Bonaparte, dont je partage l’admiration avec lui, ça ne mange pas de pain. Et, à un moment, on se lève et je dis : “Quelles belles pompes d’énarques. Vous ne voulez pas les échanger avec les miennes ?” “Pourquoi dites-vous ça ?”, répond le président. Quelque chose s’est décoincé. Et j’ai commencé à parler normalement. Il m’a demandé un texte sur ce que je pense de la France. On a aussi parlé des Francs parce que j’avais lu le bouquin de Patrick Boucheron sur Saint Ambroise qui en parlait. Macron était fasciné. Il a pris des notes. Ça prouve qu’il sait entendre. En lui, il y a quelqu’un qui sait aller à l’école où qu’il soit. »

Entre Michon et Johnny, faut-il choisir ? « On ne peut pas comprendre la déception du monde culturel à l’égard d’­Emmanuel Macron sans prendre en compte les attentes qu’il a suscitées au début de son quinquennat, puis l’empilement de réformes peu cohérentes portées par des ministres politiquement faibles », analyse Vincent Martigny, professeur de science politique à l’université de Nice et spécialiste des questions culturelles.

Sans compter que le milieu de la culture, à gauche, rejette en bloc beaucoup de mesures du gouvernement : sa politique migratoire, fiscale, sa réforme des retraites… Le mandat de Françoise Nyssen, très mal à l’aise dans son costume de ministre, est un fiasco à lui tout seul. Jean-Marc Dumontet décrypte : « Nyssen arrive avec la fraîcheur de la société civile mais elle n’a pas les codes. Elle se fait broyer. Le président veut aller vite sur l’économie et le social et la culture ne semble pas la priorité. Une petite musique s’installe : en fait, Macron ne s’intéresse pas à la culture. Ce qui est faux. »

Communication de crise

Le remplacement de Claudia Ferrazzi, partie monter son entreprise, par Rima Abdul-Malak en décembre 2019, est l’occasion d’un nouveau départ. Cette Franco-libanaise de 41 ans, débarquée à Lyon à l’âge de 10 ans, attrape le virus du théâtre grâce à un professeur de français « déjanté ». Elle sera secrétaire générale de l’association Clowns sans frontières, puis la conseillère culture de Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris, avant de devenir attachée culturelle à New York. Un autre style souffle sur l’Elysée. Plus direct, plus engagé.

Stanislas Nordey confirme : « Elle est devenue un relais très réactif. Ça a changé beaucoup de choses. » Le monde culturel croit y voir un signal. Jack Lang, qui reste un bon thermomètre du milieu, est dithyrambique. « Rima est une personnalité remarquable qui a une connaissance intime et fine de la vie culturelle. Sa présence, c’est un signe, et un test. » La culture française a, enfin, l’impression d’être un peu entendue sinon comprise.

Enfin… jusqu’au déclenchement de la crise sanitaire, et ce 30 avril 2020. Dans une tribune publiée sur Lemonde.fr dans Le Monde daté 2 mai, un collectif assez représentatif du cinéma français et du spectacle vivant, allant de Jeanne Balibar à Omar Sy, en passant par Jean Dujardin, tire la sonnette d’alarme pour un secteur à genoux et à boulets rouges sur un ministre jugé « fantomatique ». L’effet de souffle est immédiat. Alors que Rima Abdul-Malak travaillait depuis plusieurs jours à l’organisation d’une table ronde avec les acteurs de la culture, la voilà obligée d’ajuster son dispositif.

Elle compose un savant cocktail d’une quinzaine de noms. Des signataires – Stanislas Nordey, les actrices Norah Krief et Sandrine Kiberlain, les réalisateurs Olivier Nakache et Éric Toledano, la chorégraphe Mathilde Monnier – et des non-signataires. Macron exige la présence de Catherine Ringer, la moitié des Rita Mitsouko. La plupart n’ont jamais échangé un mot avec le chef de l’Etat. Le plateau est de choix, le moment suffisamment dramatique : tout devait faire de ce 6 mai, une occasion en or. Celle de restaurer un lien, pour le moins abîmé, avec un milieu traumatisé. Et, pour mettre toutes les chances de son côté, Macron s’est laissé convaincre par son ministre de la culture de débourser un milliard d’euros pour permettre aux intermittents de continuer à toucher leur indemnité pendant un an.

Un secteur très remonté

Le 6 mai, en direct sur les chaînes d’info, pendant vingt-cinq minutes, Macron, en bras de chemise, échevelé comme jamais, hésite entre lectures de fiches, annonces de mesures, banalités creuses et envolées lyriques. A ses côtés, Franck Riester, mutique, prend des notes tel un collégien appliqué. L’impression générale est aussi catastrophique qu’unanime : désinvolture, mépris, dilettantisme… Bref, à côté de la plaque et du moment.

Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et lobbyiste culturel influent depuis quarante ans, résume le sentiment général : « Ça faisait vraiment improvisation débraillée. Sans grand plan, sans grande vision… D’accord, il y a eu quelques annonces importantes, comme le maintien des droits pour les intermittents. Mais son histoire de renvoyer les créateurs se réinventer sur les plages et puis sa décision de rouvrir uniquement le Puy du Fou… À la SACD, qui regroupe beaucoup de catégories d’auteurs, ça a vraiment choqué. Les gens de la culture veulent du respect. Sarkozy, Hollande ou Chirac n’auraient jamais fait ça. »

Dans l’après-midi, la grande prêtresse du Théâtre du Soleil, Ariane Mnouchkine, appelle, furieuse, la conseillère culture du chef de l’Etat. La performance d’­Emmanuel Macron et sa définition du génie français (« de l’inventivité et du bon sens ») ne l’ont pas calmée. Rima Abdul-Malak prend le temps de lui rappeler la grande victoire de la journée : l’année blanche pour les intermittents, que le secteur revendiquait sans trop oser y croire.

Improvisation ratée

Un mois plus tard, dans son bureau du premier étage qui donne sur la cour de l’Elysée, la conseillère est fataliste : « Pourquoi ils critiquent la forme de l’intervention du président ? Parce que le fond est inattaquable. » Et de nous glisser un tableau Excel récapitulant l’ensemble des mesures de soutien pour le secteur : 3,5 milliards d’euros TTC. Un simple malentendu ? Un ex-conseiller du chef de l’Etat rebondit : « Emmanuel Macron n’a probablement pas pris la mesure de l’Etat d’angoisse dans lequel était la culture. Je comprends très bien que ça a pu être mal pris, mais il était juste en mode travail. Je l’ai vu des centaines de fois comme ça. »

« MACRON VOULAIT DÉMONTRER QU’IL CONNAISSAIT TOUS LES DOSSIERS CULTURELS, JUSQU’À PROPOSER AUX ARTISTES UNE AUTRE MANIÈRE DE TRAVAILLER. » JEAN-JACQUES AILLAGON

Tout le monde a cru voir une mise en scène alors que c’était, en réalité, une improvisation. Tellement improvisée que Franck Riester, lui-même, ignorait tout du dispositif de communication. La seule chose qui avait été calée était simple et claire : le président devait conclure les deux heures de table ronde par une intervention de cinq minutes retransmise en direct. Ensuite, Riester devait détailler les mesures depuis le perron de l’Elysée. Sauf que les cinq minutes se sont transformées en vingt-cinq minutes de one-man-show. Avec un effet déformant qui va clouer au pilori médiatique le ministre.

Rima Abdul-Malak : « Dire que Franck Riester a été humilié parce qu’il prenait des notes… C’est vraiment n’importe quoi. La réalité, c’est que les annonces du président résultent de propositions faites par le ministère de la culture. » D’ailleurs les participants de la table ronde n’ont pas eu la même perception. « Nous, on n’a pas du tout trouvé ça humiliant ou énervant, confirme Stanislas Nordey. Peut-être parce qu’on était dedans et que l’on discutait avec lui depuis deux heures… A la fin, il s’emballe un peu mais, pour moi, c’est plus de la maladresse. »

Un président un peu trop présent

Ce n’est pas la première fois. C’est même presque une marque de fabrique. Le simple contact d’artistes ou d’intellectuels électrise Macron. C’était le cas, fin janvier, lors de l’inauguration du Festival international de la bande dessinée d’­Angoulême, où celui-ci n’a pas résisté au plaisir d’un selfie avec le dessinateur Jul, qui présentait pourtant un tee-shirt dénonçant les violences policières. Ou encore un an auparavant, à l’occasion d’une table ronde organisée à l’Elysée avec une soixante d’intellectuels qu’il va étirer pendant plus de huit heures.

« Pour Macron, l’artiste se situe tout en haut de sa pyramide personnelle, analyse un ex-conseiller. Il ne faut pas oublier qu’il a des velléités littéraires, et donc une forme d’ambition artistique… » D’où peut-être cette difficulté à se tenir à la bonne distance. Ex-ministre de la culture de Jacques Chirac, Jean-Jacques Aillagon abonde : « Cette intervention du 6 mai est la démonstration de cet excès de captation de responsabilité directe du président à l’égard de tout et de rien. Il voulait démontrer qu’il connaissait tous les dossiers culturels, jusqu’à proposer aux artistes une autre manière de travailler. » Oui, mais Macron est tellement frustré… « Une fois, il m’a dit : “Je n’ai pas mon Jack Lang” », raconte Stéphane Bern.

Le Lang en question ne commente pas cette sentence irrévocable mais voudrait quand même « redonner une ambition, une vision d’ensemble, une perspective et des moyens à ce pauvre ministère progressivement dépenaillé, raboté, après trente ans d’indifférence de la plupart des présidents ». Sauf que la culture, c’est Macron. « Le chef de l’Etat a théorisé le fait qu’une politique culturelle n’était pas seulement définie par le ministère. Qu’il peut revenir au président de donner l’impulsion et de l’incarner », assure Sylvain Fort, ancienne plume du président.

La bataille des nominations

C’est évidemment vrai des nominations. Les candidats ont compris qu’il fallait prendre rendez-vous rue du Faubourg-Saint-Honoré plutôt que rue de Valois. Pour trouver un successeur à Stéphane Lissner à l’Opéra de Paris, Franck Riester avait composé un jury pour soumettre une short list à l’Elysée. Sauf que seul le nom du patron de l’Opéra-Comique sort du chapeau du jury. Alors, l’hyperprésident a dit : « Ce n’est pas ce que j’ai demandé. » Il a tout repris depuis le début, il a reçu lui-même les candidats et choisi l’Allemand Alexander Neef.

« Beaucoup de nominations sont toujours remontées à l’Elysée, assure l’universitaire Vincent Martigny, mais, là, ça a pris des proportions incroyables. Sous Lang, la politique était coconstruite avec les acteurs du secteur. Cette ultraprésidence au contact d’un milieu aussi complexe empêche de penser une politique culturelle partagée. Et, avec ces “faits du prince”, Macron prend le risque de cristalliser les mécontents. »

« IL FAUT UN MINISTRE DE COMBAT ET DE CAMPAGNE. QUI DOIT GAGNER SES ARBITRAGES CONTRE BERCY, SURTOUT EN PÉRIODE DE CRISE, AVEC UN SECTEUR TOUCHÉ DE MANIÈRE INOUÏ. »

AURORE BERGÉ

Stéphane Bern nous raconte ses coupe-files : « Pour l’opération “On redécouvre notre patrimoine” de cet été, j’ai passé un coup de fil au président pour que ça se fasse. Tout ce qui m’intéresse, c’est de sauver le patrimoine, pas d’être ministre. C’est pour ça que je n’ai pas ma langue dans ma poche. Lors des réunions auxquelles j’ai pu assister, les représentants du ministère ne mouftaient jamais. C’est fascinant. Ils attendent docilement les décisions de l’Elysée. »

Et, quand le milieu du cinéma apprend la nomination à la tête du Centre national du cinéma de Dominique Boutonnat, le candidat (et participant actif à sa campagne) du président suspecté de soutenir une approche trop consumériste du secteur, c’est une bronca quasi générale, mais qui ne dissuade pas le chef de l’Etat.

« Lors de l’accession de Macron à la présidence, il y a eu une forme d’improvisation assez séduisante, conclut le compositeur Jean-Michel Jarre. Mais qui devient une faiblesse quand on ne trouve pas les bonnes personnes, même si c’est bourré de bonnes intentions. » Jarre échange régulièrement avec Macron. Il a délaissé un instant ses claviers pour imaginer au téléphone avec nous la création d’un collège culturel autour du président, avec des membres de la société civile. « Avec Lang. Comme ça, Macron aurait son Lang ! »

Un ministre sur la sellette ?

A quelques semaines d’un remaniement très probable, nous sommes invités à déjeuner au ministère de la culture. Franck Riester a tombé la veste mais surtout pas retroussé les manches de sa chemise. Pour dissiper cette incompréhension tenace qui perdure entre Macron et la culture, il a une idée toute simple. « Je l’ai dit plusieurs fois au président : “Il faut trouver un moment fort, solennel, durant lequel il puisse expliciter sa vision culturelle.” C’est vrai que ça a pu manquer… »

La veille, devant l’Assemblée, nous avions discuté avec la députée LRM Aurore Bergé, rapporteuse du projet de la loi sur l’audiovisuel et chargée d’une mission sur l’émancipation et l’inclusion culturelle. Elle a aussi une énorme envie qu’elle sous-entend à peine : devenir ministre de la culture. Et pense avoir tout compris de ce qu’attendait le président : « Il faut un ministre de combat et de campagne. Qui doit gagner ses arbitrages contre Bercy, surtout en période de crise, avec un secteur touché de manière inouïe. » Elle n’est pas la seule à postuler. Tout le milieu culturel est en ébullition.

En plein déjeuner, Franck Riester se lève de table pour aller chercher ses lunettes. Il tente de démontrer qu’il est d’une sérénité sans faille, qu’il n’est surtout pas cette silhouette fragile de figurant déjà condamné. « Je suis très calme dans un milieu qui parle et qui se parle beaucoup. » Il a probablement entendu que plusieurs signataires de la tribune faisaient maintenant passer des messages à l’Elysée pour défendre son maintien. « Plutôt Riester qu’encore un(e) nouveau (elle) ministre ! », nous confirme Stanislas Nordey. Riester chausse ses lunettes pour nous montrer un SMS envoyé par Jack Lang comme un signe irréfutable d’optimisme. Dans l’élan, il s’apprête à nous en lire un second. Du président lui-même. Mais il se reprend : « Non. Le SMS est trop beau. »

19 juin 2020

Politique - France : le mystère reste entier sur l’éventuel “limogeage” d’Édouard Philippe

FINANCIAL TIMES (LONDRES)

Les rumeurs grandissent sur la décision d’Emmanuel Macron de changer de Premier ministre après le second tour des municipales. Mais il n’est pas sûr que cela serve les intérêts du président et de sa politique, analyse ce journaliste du Financial Times.

Quand le président français Emmanuel Macron a annoncé dimanche 14 juin qu’il allait s’engager sur un “nouveau chemin” pour sauver l’économie de la crise du coronavirus, les millions de téléspectateurs qui regardaient son allocution télévisée se sont demandé s’il prévoyait également d’installer une nouvelle personne à la fonction de Premier ministre.

À moins de deux ans de la prochaine élection présidentielle, les spéculations concernant le sort d’Édouard Philippe vont bon train dans la classe politique et la presse parisiennes.

Une barbe qui a blanchi

Certes, celui-ci a servi fidèlement Emmanuel Macron en tant que Premier ministre depuis le début de son mandat en 2017, une partie de sa barbe blanchissant à vue d’œil au fil des crises qui se sont succédé. Mais le mettre à l’écart serait conforme à la tradition de la Ve République en France, qui veut que les présidents se débarrassent périodiquement de leur chef de gouvernement pour marquer une nouvelle orientation politique.

De plus, Édouard Philippe a lui-même alimenté les rumeurs selon lesquelles il pourrait être remercié ou même donner sa démission, en se présentant comme candidat à la mairie de sa ville natale, Le Havre.

Arrivé en tête à l’issue du premier tour des élections municipales, il a promis en cas de victoire de reprendre son poste de maire (qui sera entre-temps occupé par un adjoint) dès qu’il cessera d’être Premier ministre. “S’il [Emmanuel Macron] pense que quelqu’un d’autre est plus utile, je respecterai son choix en toute loyauté”, a-t-il confié au journal Paris-Normandie.

Pour Emmanuel Macron, remplacer son Premier ministre apparaîtrait logique d’un point de vue politique. En fait, Édouard Philippe était un homme politique de centre droit avant de diriger le gouvernement actuel. Il n’a jamais été membre de La République en marche (LREM), le parti politique “ni de droite ni de gauche” qu’Emmanuel Macron a fondé avant de concourir avec succès à la présidence en 2017.

De plus, la pandémie de Covid-19 et la profonde récession économique provoquée par les deux mois de confinement ont forcé le gouvernement à adopter une politique qui, en d’autres temps, aurait été jugée profondément socialiste.

L’État français a déjà consacré 136 milliards d’euros à des mesures visant à éviter les faillites d’entreprises et le chômage de masse. Le déficit devrait passer de 3 % du produit intérieur brut en 2019 à plus de 11 % cette année, tandis que la dette du secteur public devrait se creuser de 20 points de pourcentage de plus pour atteindre plus de 120 % du PIB.

“On ne peut pas être plus socialiste que ça, affirme Dominique Reynié, professeur de sciences politiques à Sciences-Po. Keynes lui-même en serait choqué.” De telles mesures sont toutefois dans la lignée de celles adoptées par d’autres gouvernements dans le monde pour faire face à la crise économique la plus grave depuis une génération.

De la continuité

Et ces mesures ne signifient pas nécessairement qu’Emmanuel Macron – ou Édouard Philippe – s’écarte de son objectif initial de modernisation de la France et de réforme de son économie. Selon un haut fonctionnaire qui travaille avec Emmanuel Macron et souhaite garder l’anonymat :

Nous sommes en train de passer de la nécessité de gérer à la crise sanitaire à celle de gérer la crise économique. D’un côté, le président prend ce qu’il appelle un ‘nouveau chemin’, mais de l’autre il veut de la continuité et ne va pas abandonner ses réformes.”

Emmanuel Macron devrait procéder à un remaniement gouvernemental et détailler davantage ses plans économiques début juillet, après le second tour des élections municipales du 28 juin. Certains ministres, comme Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur qui a perdu la confiance de la police, sont presque certains d’être remplacés.

Pur marketing ?

Mais le “nouveau chemin” ne sera peut-être pas aussi nouveau que cela sur le plan économique. Nicolas Bouzou, économiste chez Asterès, un cabinet de conseil, explique :

Je ne suis pas certain qu’il s’agisse vraiment d’un ‘nouveau chemin’. Il est possible que ce soit seulement du marketing. Ce qu’il annonce n’est pas si éloigné de ce qu’il a fait depuis le début de son mandat de cinq ans… En fin de compte, ce n’est pas évident que nous soyons en train d’observer un tournant majeur.”

En fait, les quatre mots d’ordre avancés par Emmanuel Macron pour l’économie, qu’il veut “forte, écologique, souveraine et solidaire”, figuraient déjà dans des lois ou dans des discours précédents.

Ainsi, lorsqu’il évoque une économie “souveraine”, Emmanuel Macron parle de la nécessité d’investir dans des industries de haute technologie en France et dans l’UE pour éviter une dépendance excessive vis-à-vis de la Chine ou des États-Unis – une politique qu’il défendait déjà avant la pandémie.

S’il veut poursuivre ses réformes économiques, il est possible qu’il décide finalement qu’Édouard Philippe reste le Premier ministre le mieux placé pour mener à bien cette tâche.

Par ailleurs, il existe trois autres raisons pour lesquelles le président hésite à le laisser tomber. Tout d’abord, la popularité d’Édouard Philippe a fortement augmenté pendant la pandémie de Covid-19 (contrairement à celle d’Emmanuel Macron), ce qui donne de la crédibilité à sa gestion des affaires.

Deuxièmement, si jamais Édouard Philippe quittait le gouvernement après sa victoire au Havre, il pourrait devenir un redoutable rival pour la présidentielle de 2022, lorsque Emmanuel Macron cherchera à se faire réélire.

Enfin, dernier problème selon Nicolas Bouzou, il n’existe pas de solution de rechange évidente :

On ne sait pas trop qui pourrait le remplacer.”

Victor Mallet

17 juin 2020

Affaire Karachi : prison ferme pour six prévenus, dont des proches d’Edouard Balladur, dans le volet financier

La justice a durement sanctionné les prévenus qui ne pouvaient ignorer « l’origine douteuse » des fonds versés pour la campagne présidentielle de Balladur en 1995.

Vingt-cinq ans après les faits, le tribunal correctionnel de Paris a condamné, lundi 15 juin, à des peines de deux à cinq ans de prison ferme six prévenus dans le volet financier de l’affaire Karachi, concernant des commissions occultes sur des contrats d’armements signés en 1994 avec l’Arabie saoudite et le Pakistan.

Le tribunal a durement sanctionné les anciens proches de l’ex-premier ministre Edouard Balladur, qui ne pouvaient ignorer « l’origine douteuse » des fonds versés sur le compte de la campagne présidentielle malheureuse de 1995 et issus de rétrocommissions illégales.

Ce premier jugement sonne comme un avertissement pour l’ancien premier ministre et son ministre de la défense, François Léotard, dont le procès aura lieu dans les prochains mois devant la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger les ministres pour des infractions commises au cours de leur mandat.

En octobre, le parquet de Paris avait requis des peines allant de dix-huit mois ferme à sept ans de prison contre ces six prévenus : un industriel (Dominique Castellan), trois politiques (Renaud Donnedieu de Vabres, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire) et deux intermédiaires (Ziad Takieddine et Abdul Rahman Al-Assir), pour abus de biens sociaux, complicité ou recel de ce délit – un éventuel financement politique illégal étant prescrit.

Pots-de-vin

La justice a sanctionné « une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’ordre public économique et en la confiance dans le fonctionnement de la vie publique », a fortiori de la part de hauts fonctionnaires et personnalités proches du gouvernement, desquels sont attendus une probité « exemplaire ».

En cause, les pots-de-vin, alors légaux, versés à des intermédiaires pour des contrats d’armement signés en 1994 avec l’Arabie saoudite (Sawari II) et le Pakistan (Agosta) et ayant donné lieu à des rétrocommissions illégales : une petite partie de ces rétrocommissions ont, selon le tribunal, non seulement enrichi les prévenus mais aussi contribué à financer la campagne présidentielle malheureuse d’Edouard Balladur.

Les juges ont affirmé que l’imposition d’un réseau d’intermédiaires, dit « réseau K », était inutile au plan commercial et avait en outre donné lieu au versement de « commissions exorbitantes », au détriment de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI) et de la Sofresa, deux entités détenues par l’Etat qui vendaient sous-marins et frégates.

Les magistrats ont tenté de clarifier les circuits de l’argent en égrenant « les contacts qui se nouent », les « conditions exorbitantes » accordées au réseau, les voyages en Suisse de l’un de ses membres, Ziad Takieddine… Selon eux, les 10,25 millions de francs en liquide versés sur les comptes de la campagne d’Edouard Balladur juste après sa défaite proviennent de M. Takieddine, un « retour d’ascenseur » aux balladuriens, qui lui auraient permis de s’enrichir en l’imposant dans les contrats d’armement.

Les prévenus ont de leur côté démenti tout financement politique. Mais si Jacques Chirac avait décidé, après son élection à la présidence de la République, l’arrêt des commissions litigieuses, c’était bien « pour tarir le trésor de guerre des balladuriens », ses frères ennemis, a insisté l’un des procureurs.

Cinq ans de prison pour Ziad Takieddine

La plus lourde peine, cinq ans de prison, a été infligée aux intermédiaires du « réseau K », l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine et son ancien associé Abdul Rahman Al-Assir. Tous deux étaient absents au délibéré et des mandats d’arrêt ont été émis à leur encontre.

Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet et chef de campagne d’Edouard Balladur, et Renaud Donnedieu de Vabres, alors proche collaborateur du ministre de la défense François Léotard, ont été condamnés à cinq ans de prison dont deux avec sursis et à de lourdes amendes. Le premier avait une « parfaite connaissance » de l’arrivée de 10,25 millions de francs sur le compte de campagne, et le second pour avoir imposé le « réseau K ».

Thierry Gaubert, alors au ministère du budget et impliqué dans la campagne, a été condamné à quatre ans, dont deux avec sursis, et à une amende. Enfin, Dominique Castellan, alors patron de la DCNI, a été condamné à trois ans dont un avec sursis.

Une enquête antiterroriste toujours en cours

Dans cette affaire, les soupçons de rétrocommissions avaient émergé au fil de l’enquête sur l’attentat de Karachi. Le 8 mai 2002, une voiture piégée précipitée contre un bus transportant des salariés de la DCNI coûtait la vie à quinze personnes dont onze Français travaillant à la construction des sous-marins dans le grand port pakistanais.

La justice ne devait pas se prononcer, lundi, sur un éventuel lien de causalité entre l’arrêt du versement des commissions et l’attentat de Karachi en 2002, thèse défendue par les familles des victimes : ce volet fait l’objet d’une enquête antiterroriste toujours en cours. MM. Balladur et Léotard (ex-collaborateur du premier) comparaîtront ultérieurement devant la CJR.

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16 juin 2020

L’Île de Sein décale sa cérémonie du 18 juin pour éviter Marine Le Pen

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Journée mouvementée en perspective, jeudi à Sein, pour le 80e anniversaire de l’appel du 18 juin. Selon le nouveau maire de l’île, Didier Fouquet, les Sénans préparent un accueil particulier à Marine Le Pen pour dénoncer la « récupération politique » de l’événement par le Rassemblement national (RN).

Didier Fouquet, quelles sont les conséquences de l’annonce de la venue de Marine Le Pen à Sein sur la tenue de la cérémonie officielle du 18 juin 1940 ?

Une cérémonie importante était prévue jeudi, avec la présence de la goélette la Belle Poule devant l’île, d’un bagad sur place, des événements toute la journée en présence de nombreuses personnes. Elle a été annulée. La cérémonie officielle aura lieu tôt le matin, avant l’arrivée du bateau de la compagnie Penn-ar-Bed. Elle réunira une douzaine de personnalités (sous-préfet, députée…). C’est la vedette SNSM de l’île qui ira les chercher en matinée, à Audierne (29). Le dépôt de gerbe aura donc lieu aux alentours de 9 h. Le bateau de la compagnie Penn ar Bed, dans lequel doit se trouver la délégation du Rassemblement national, devrait arriver un peu avant 10 h. Les deux groupes ne se croiseront pas. La SNSM sera déjà repartie avec les officiels.

Quelle est l’ambiance à Sein en ce moment ?

Je ne peux pas me prononcer sur des initiatives de la population, qui ne sont pas de mon ressort, mais je suis d’accord pour dénoncer la récupération politique, d’images et de symboles autour de cette venue à Sein. Je sais que des Sénans ont envisagé plusieurs hypothèses : empêcher le débarquement ou organiser une opération île morte, ce qui serait mieux. Un artiste local a même imaginé emballer le monument aux morts à la façon de Cristo. Ce qui n’a pas plu aux anciens. Je ne sais pas ce qui sera décidé mais je souhaite que cela se passe dans le calme.

Avez-vous eu des contacts avec le Rassemblement National ?

Je sais qu’il devrait y avoir une délégation d’une vingtaine de personnes dont une dizaine de parlementaires. Nous ne pouvons pas les empêcher de faire une cérémonie. Mais avant que la décision d’avancer la cérémonie officielle ne soit prise, j’avais averti Gilles Pennelle (ndlr : président du groupe Rassemblement national au Conseil régional de Bretagne) que s’il déposait une gerbe, nous l’enlèverions avant le début de la cérémonie. J’ajoute qu’il y a aussi une cérémonie prévue au monument de la pointe de Pen-Hir, à Camaret (*).

Serez-vous présent sur l’île, jeudi ?

À la demande d’Anne Hidalgo, maire de Paris, les représentants des cinq communes Compagnon de la Libération (ndlr : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l’Île de Sein) ont été invités à la cérémonie du Mont Valérien, présidée par Emmanuel Macron. Je serai donc présent au Mont Valérien. Je pars ce mardi (hier). Mais, dans le contexte actuel, j’aurai préféré rester ici.

(*) Le président de la Région Loïc Chesnais-Girard a annoncé ce mardi qu’il ne serait pas présent aux cérémonies de Sein mais qu’il irait à Camaret jeudi. « La première qualité d’une cheffe de parti qui aspire aux plus hautes fonctions est d’assumer ses responsabilités et de savoir renoncer à un déplacement quand il crée une telle désapprobation populaire. La Bretagne est habitée par une puissance démocratique et républicaine et nous pouvons en être fiers. Je me rendrai sur l’Île de Sein cet été, comme l’an dernier, pour rencontrer les élus et les habitants dans un climat apaisé ».

15 juin 2020

Russie

Sputnik France

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Emmanuel Macron ne devrait pas se rendre à Moscou à l’occasion du défilé commémorant la victoire de 1945, reporté du 9 mai au 24 juin, parce qu’il n'a «pas reçu d'invitation», selon le service de presse de l’Élysée

15 juin 2020

« L’Etat a tenu » : Emmanuel Macron s’offre un satisfecit sur sa gestion de crise

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Par Olivier Faye, Alexandre Lemarié

Le chef de l’Etat a annoncé dimanche, lors d’une allocution télévisée qui visait aussi à se projeter sur la suite du quinquennat, que l’Ile-de-France allait passer dès lundi en zone verte.

Ce n’est pas encore les « jours heureux », mais ça commence à y ressembler. Dimanche 14 juin, alors que la lumière du soir baignait les jardins de l’Elysée, Emmanuel Macron a proclamé lors d’une allocution télévisée une « première victoire » contre l’épidémie de Covid-19, trois mois après lui avoir déclaré la « guerre ». Seulement neuf décès supplémentaires étaient à déplorer, dimanche, tandis que le nombre de cas en réanimation se chiffrait à 869 personnes, contre 7 000 au plus fort de la crise. L’occasion, donc, pour le chef de l’Etat d’accélérer le processus de déconfinement, et de se réserver l’annonce de quelques bonnes nouvelles. « Nous allons retrouver pleinement la France », a-t-il promis.

Pour « tourner la page du premier acte », M. Macron a commencé par indiquer que l’Ile-de-France allait passer dès lundi en zone verte, permettant ainsi la réouverture des restaurants et des cafés, une mesure très attendue par les professionnels du secteur. Les visites dans les maisons de retraites et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) seront également permises à partir de lundi. De plus, les crèches, écoles et collèges rouvriront pour tous à partir du 22 juin, avec « une présence obligatoire » des élèves. « Nous allons pouvoir retrouver le plaisir d’être ensemble, de reprendre pleinement le travail mais aussi de nous divertir, de nous cultiver », s’est-il réjoui. Le second tour des élections municipales, par ailleurs, se tiendra bien le 28 juin.

« Les rassemblements resteront très encadrés »

Seul nuage dans ce ciel bleu, mais il est de taille : « L’épidémie n’est pas terminée », a reconnu Emmanuel Macron. Pas question, donc, de « baisser la garde ». « L’été 2020 ne sera pas un été comme les autres », a-t-il prévenu, en précisant que « les rassemblements resteront très encadrés ». Le président de la République doit se rendre mardi sur un site du groupe pharmaceutique Sanofi près de Lyon pour « soutenir la recherche et la production de vaccins » dans le cadre de la lutte contre le coronavirus − le développement d’un vaccin pourrait être achevé pour la fin de l’année selon le gouvernement allemand.

Dimanche soir, M. Macron tenait avant tout à se féliciter pour le travail accompli ces trois derniers mois. Très critiqué pour sa gestion de crise par l’opposition − « l’Etat a été lamentable », a dénoncé l’ex-ministre socialiste, Arnaud Montebourg −, il a fait valoir au contraire que « l’Etat a tenu ». « Nous n’avons pas à rougir de notre bilan. Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées par nos choix, par nos actions », a-t-il vanté, rappelant avoir placé « la santé au-dessus de l’économie ». Le président de la République a notamment cherché à mettre à son crédit la réussite du déconfinement, en particulier la décision de lancer cette nouvelle étape dès le 11 mai, malgré les réticences qui pouvaient s’exprimer au sein de l’exécutif ou du monde scientifique. « Je sais que beaucoup alors le déconseillaient, il n’y avait pas de consensus, les avis étaient très différents y compris parmi les scientifiques », a rappelé M. Macron. Mais « nous avons bien fait », a-t-il conclu.

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« Tournant historique »

A cet actif, il faudrait aussi ajouter, selon lui, le plan de relance européen de 500 milliards d’euros « pour redresser l’économie du continent », qu’il a présenté conjointement avec la chancelière allemande, Angela Merkel, le 19 mai. Ce « tournant historique », juge-t-il, est « le résultat d’un travail acharné, initié par la France ». Les choix faits sur le plan économique pendant la crise sanitaire − chômage partiel, aides aux entreprises, etc. − tombent dans le même panier de satisfaction. « Au total, nous avons mobilisé près de 500 milliards d’euros pour notre économie, pour les travailleurs, pour les entrepreneurs, mais aussi pour les plus précaires. C’est inédit. Et je veux ce soir que vous le mesuriez aussi pleinement. Dans combien de pays tout cela a-t-il été fait ? C’est une chance et cela montre la force de notre Etat et de notre modèle social », a insisté le locataire de l’Elysée.

Ces derniers jours, ses proches justifiaient cette intervention présidentielle par la nécessité de valoriser lui-même son action, alors que sa cote stagne dans les sondages, au contraire de celle de son premier ministre, qui a grimpé en flèche. « Le président laisse toutes les bonnes nouvelles à Edouard Philippe ! », regrettaient certains fidèles. « Celui qui a été le plus allant pour le 11 mai, les écoles, c’est Emmanuel Macron. Et peu de personnes lui en sont redevables. Edouard Philippe a fait une très bonne séquence dans l’exécution de décisions prises par le président », soufflait un ministre proche de l’Elysée. Une posture dénoncée par l’opposition, qui raille « une opération de communication ». « C’était un discours pour rien. L’autosatisfaction a été le fil conducteur de son propos », a fustigé le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau.

Le chef de l’Etat a tout de même reconnu « des failles », parmi lesquelles « notre dépendance à d’autres continents pour nous procurer certains produits, nos lourdeurs d’organisation, nos inégalités sociales et territoriales ». Des « faiblesses », qu’il s’est engagé à « corriger vite et fort ».

Se projeter sur la suite du quinquennat

Après avoir passé trois mois sur la défensive, cette allocution visait aussi à reprendre l’initiative et à se projeter sur les deux dernières années du quinquennat, que M. Macron veut « utiles » jusqu’à la prochaine élection présidentielle. « Les temps imposent de dessiner un nouveau chemin », a-t-il projeté, en se fixant un objectif, qui résonne comme un slogan de campagne avant l’heure : « L’indépendance de la France pour vivre heureux et vivre mieux. »

Après avoir suscité de larges espoirs, en promettant de se « réinventer », il a toutefois précisé qu’il n’entendait pas renier pour autant ce qu’il était. « Je ne crois pas que surmonter les défis qui sont devant nous consiste à revenir en arrière. » Pas de virage à gauche ou à droite, donc : le « et en même temps » est plus que jamais d’actualité alors que se profile une récession de grande ampleur. « Il faut retourner aux fondamentaux, estime un historique de la campagne présidentielle de 2017. L’économique et le social vont revenir très haut à l’agenda. Emmanuel Macron jouit d’une grande crédibilité sur ces sujets. »

D’un côté, l’ancien ministre de l’économie ne veut pas renier la tonalité libérale de son début du quinquennat : il rejette donc toute hausse d’impôts. Pour combler la dette qui se creuse − Bercy prévoit un endettement à 121 % du PIB pour l’année en cours −, il faudra « travailler et produire davantage », a estimé M. Macron, sans donner plus de précisions sur ce que cela recouvre. Mais de l’autre côté, le chef de l’Etat entend aussi « tout faire pour éviter au maximum les licenciements », alors que le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, anticipe la suppression de 800 000 emplois dans les prochains mois.

La « reconstruction » économique du pays − terme utilisé à six reprises − devra, dans son esprit, être « écologique » et « solidaire ». Sur le premier point, en soutenant la rénovation thermique des bâtiments, « des transports moins polluants » et les « industries vertes ». Sur le second, en revalorisant les salaires des soignants − des discussions sont ouvertes à ce sujet dans le cadre du « Ségur de la santé » − et en travaillant sur la dépendance des personnes âgées − le principe de la création d’une branche dédiée au sein de la Sécurité sociale vient d’être posé sur les rails à l’Assemblée nationale.

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« Intraitables face au racisme »

Le « et en même temps » est également de mise sur le sujet très sensible des manifestations contre le racisme et les violences policières, consécutives à la mort de George Floyd aux Etats-Unis, qui rappelle à certains le décès d’Adama Traoré en France, il y a quatre ans. D’un côté, M. Macron s’est efforcé de montrer qu’il avait entendu le message des manifestants. « Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations », a-t-il assuré, en promettant des « décisions fortes pour l’égalité des chances ».

La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, suggère par exemple de rouvrir le débat sur les statistiques ethniques, quand son collègue du logement, Julien Denormandie, souhaiterait les cibler en fonction du lieu d’habitation.

« Mais, a prévenu M. Macron dimanche, ce combat noble [contre le racisme] est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du passé » : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. La République ne déboulonnera pas de statue. » Pas plus qu’elle ne « lâchera » ses policiers, en colère après les annonces du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, qui a notamment prévenu qu’ils seraient sanctionnés en cas de « soupçons avérés de racisme ». Les forces de l’ordre « méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la nation » car « sans ordre républicain, il n’y a ni sécurité ni liberté », a insisté le chef de l’Etat.

Loin du style « jupitérien » et jacobin des débuts, le chef de l’Etat a en outre annoncé l’ouverture d’un nouveau chantier de réformes institutionnelles visant à amplifier la décentralisation. « Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris », a-t-il jugé, en manifestant sa volonté de « donner des libertés et des responsabilités inédites » aux élus locaux, aux hôpitaux ou aux entrepreneurs. Comme s’il s’agissait d’associer l’ensemble des forces vives du pays à l’effort de reconstruction.

Dans tout ce tableau, qui reste pour l’heure impressionniste, le chef de l’Etat n’a pas eu un mot du remaniement gouvernemental, attendu au lendemain du second tour des municipales. Il a simplement donné rendez-vous en juillet, pour « préciser ce nouveau chemin, lancer les premières actions ». D’ici là, les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental doivent lui faire parvenir leurs contributions, tout comme les 150 membres de la convention citoyenne sur le climat, qui rend ses travaux en fin de semaine. Le président, qui semble les yeux rivés vers la prochaine présidentielle, a conclu en retrouvant les accents optimistes de sa campagne de 2017. « Ayons ensemble cette volonté de conquérir, cette énergie du jour qui vient. » Comme une tentative de retrouver un peu de la magie des jours heureux.

15 juin 2020

France - Dans son allocution, Macron “tourne la page du coronavirus” et lance “l’acte III de son quinquennat”

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COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Dans un discours très attendu dimanche 14 juin, le chef de l’État a défendu sa gestion de la crise et proclamé un quasi-retour à la normale en France après trois mois bouleversés par l’épidémie de Covid-19. Il en a également profité pour tracer “un nouveau chemin” pour la suite, autour de l’écologie, la souveraineté économique, l’unité de la République et la décentralisation. 

“Il n’a certes pas annoncé le retour des jours heureux. Mais il n’a laissé à personne d’autre, et sûrement pas à son Premier ministre Édouard Philippe”, “plus populaire que lui”, “le soin de desserrer une nouvelle fois l’étau”, résume Le Soir.

Dans une allocution de plus d’un quart d’heure, Emmanuel Macron a annoncé dimanche une accélération du déconfinement. Les cafés et restaurants en Île-de-France pourront ainsi rouvrir normalement dès lundi, tandis que les crèches, écoles et collèges fonctionneront à plein à partir du 22 juin et favoriseront la reprise de l’activité économique. Toute la France passe ainsi au vert, à l’exception de Mayotte et de la Guyane, où la circulation du virus est encore active.

“Rassurer une population anxieuse”

Emmanuel Macron a aussi défendu bec et ongles sa gestion de la crise, faisant fi des nombreuses critiques. “Nous n’avons pas à rougir” du bilan de ces trois mois, a insisté le président. “Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées par nos choix, par nos actions”, a-t-il insisté, en vantant “la force du modèle social” français.

“Le président français a également cherché à rassurer une population anxieuse, en lui assurant que son gouvernement pouvait sortir la France de la crise économique sans augmenter les impôts, qui sont déjà très élevés”, note le Daily Telegraph.

Emmanuel Macron a néanmoins insisté sur la nécessité de bâtir un nouveau modèle économique plus fort, de produire davantage localement afin de “ne pas dépendre des autres”. Il a notamment estimé qu’il fallait “créer les emplois de demain par la reconstruction écologique, qui réconcilie production et climat”, et s’est engagé à “une relance sociale et solidaire, par un investissement massif pour l’instruction, la formation, et les emplois”. Il a en outre annoncé l’ouverture d’un nouveau chantier de réformes institutionnelles en suggérant d’amplifier la décentralisation.

Bousculé ces derniers jours sur la question des violences policières, Emmanuel Macron a prêché “l’unité autour de la République”, tout en promettant que “de nouvelles décisions fortes pour l’égalité des chances seront prises”. S’il s’est montré “implacable” sur la question du racisme et des discriminations, “Macron a toutefois refusé de démanteler certains monuments historiques tels que ceux datant de l’époque coloniale”, note Der Spiegel. “La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire”, a-t-il prévenu.

Vers un “virage à gauche”

Pour Politico, Emmanuel Macron a “envoyé dimanche des signaux clairs concernant la manière dont il entend relancer sa présidence” et “réinventer son programme politique pour regagner le soutien du public”. L’accent mis sur “la solidarité sociale, le respect de l’environnement et la montée en puissance des capacités industrielles nationales marque une rupture avec ses politiques traditionnelles”. La crise du coronavirus l’a contraint à “suspendre certaines de ses réformes économiques les plus emblématiques et a mis à nu la dépendance de la France à l’égard de la Chine, ce qui a affaibli sa réponse initiale à l’épidémie”, analyse le site d’information américain.

L’importance accordée par Macron dans son discours à la notion de solidarité pourrait même “préfigurer un virage à gauche, avec l’accent mis sur la redistribution”, pour casser son image de “président des riches” avant l’élection de 2022, analyse Ania Nussbaum, journaliste de l’agence Bloomberg.

Pour La Libre Belgique, Emmanuel Macron a clairement “lancé”, dimanche, “l’acte III de son quinquennat”. Mais “parviendra-t-il à convaincre les Français de prendre un nouvel élan pour, avec lui, ‘relever des défis historiques’ ? Pas sûr”, estime le quotidien belge. “Pour l’heure, les esprits restent ouatés, englués dans la torpeur d’un déconfinement très progressif. Et même s’il a plutôt bien géré la crise sanitaire, les Français ne lui en savent pas gré.”

14 juin 2020

Coronavirus : Emmanuel Macron revient devant les Français ce dimanche

Le chef de l’Etat devrait s’exprimer, dimanche soir, sur les sujets d’urgence liés à la crise du Covid-19, à commencer par la troisième étape du déconfinement prévue le 22 juin et ses principaux enjeux.

Trois mois après avoir mis à l’arrêt le pays et ses réformes pour cause de Covid-19, Emmanuel Macron exposera aux Français, dimanche 14 juin à 20 heures, ses projets de redémarrage du quinquennat, moins de deux ans avant l’échéance présidentielle.

Le président devrait d’abord s’exprimer sur les sujets d’urgence liés à la crise, à commencer par la troisième étape du déconfinement prévue le 22 juin et ses principaux enjeux : la réouverture des restaurants en Ile-de-France, l’assouplissement des règles dans les écoles et la levée de l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes. Pour faire le point sur le virus, il a réuni vendredi son conseil scientifique et un conseil de défense sanitaire, mais rien n’en a filtré dans la foulée, dans l’attente de son allocution.

Emmanuel Macron devrait aussi revenir sur sa gestion de la crise, dont il n’a guère tiré de bénéfices politiques, sa cote de popularité continuant de baisser à l’inverse de celle du premier ministre, Edouard Philippe. Cette allocution devrait aussi permettre à Emmanuel Macron, contraint de gérer l’urgence depuis trois mois, d’enfin commencer à se projeter sur l’après-Covid.

Une nouvelle allocution en juillet

Il semble trop tôt pour présenter le plan de relance prévu à la rentrée. Les résultats du « Ségur de la santé » pour renflouer l’hôpital pourraient, par ailleurs, faire l’objet d’une nouvelle allocution en juillet.

Mais à une semaine de la fin des travaux de la convention citoyenne pour le climat, le chef de l’Etat pourrait évoquer ses intentions sur l’écologie, affichée comme une priorité de la fin du quinquennat. Les propositions de la convention pourraient faire l’objet d’un référendum, une hypothèse toujours envisagée selon son entourage.

Emmanuel Macron a évoqué pendant la crise sa volonté de « se réinventer », puis parlé, plus simplement, d’une « nouvelle ère » et d’une « nouvelle étape ». Le chef de l’Etat compte cependant reprendre le chantier de la retraite par points, malgré le conflit social qu’elle a suscité, et espère rallier des syndicats en revoyant des dispositions clivantes, comme l’âge pivot. En revanche, il pourrait promettre une nouvelle méthode, moins verticale, en « coconstruisant » ses décisions avec élus locaux ou partenaires sociaux. Tout reste à faire, à en croire les syndicats. L’exécutif a « confiné le dialogue social », selon Laurent Berger (CFDT).

Bousculé par les manifestations contre les violences policières

Le président envisagerait enfin une déconcentration au profit des départements, tirant les leçons des lourdeurs de l’Etat central pendant la crise. Mais le chef de l’Etat est bousculé par un nouveau front, celui des manifestations contre le racisme et les violences policières, après la mort de George Floyd aux Etats-Unis et le rappel de celle d’Adama Traoré en 2016. « Il ne faut pas perdre la jeunesse », s’est-il inquiété jeudi. Comme en écho, le président du Sénat Gérard Larcher l’a appelé à redonner confiance car « l’ambiance n’est pas bonne dans ce pays ».

Son ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a annoncé trop rapidement des sanctions à l’encontre de policiers en cas de « soupçon avéré » de racisme, ou l’interdiction de l’interpellation au moyen de la technique dite de contrôle de tête. Devant la colère des policiers qui ont manifesté depuis jeudi un peu partout en France, le ministre a reconnu « une connerie » et corrigé ses propos, sans parvenir à calmer ses troupes.

Selon Bruno Retailleau et Damien Abad, patrons respectivement des sénateurs et députés Les Républicains, « il est scandaleux que les déclarations du ministre de l’intérieur et de la garde des sceaux aient donné le sentiment d’une présomption de culpabilité de nos forces de l’ordre ». Et de plaider samedi dans un communiqué : « Le chef de l’Etat doit montrer aux Français qu’il est vraiment un chef et qu’il y a encore un Etat ».

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